Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Alain Duffourg, je me permets de vous répondre à la place de la ministre Annie Genevard, qui est retenue.
Le Gouvernement n'a jamais cessé de soutenir les agriculteurs bio, notamment en déployant des aides d'urgence de trésorerie à hauteur de 100 millions d'euros par an en 2023 et en 2024, pour les aider à traverser une phase difficile.
Compte tenu de la crise dans le secteur de l'agriculture biologique, une baisse des conversions à ce type d'agriculture a été constatée ces dernières années.
Or, dans le cadre de la programmation de la politique agricole commune 2023-2027, le soutien à l'agriculture biologique a été centré sur la conversion des exploitations. Si les conversions semblent reprendre, il existe un reliquat de crédits non utilisés en 2023 et 2024. Mais si les conversions ne se produisent pas, il n'existe pas de droit acquis pour que ces crédits soient affectés à un secteur particulier.
C'est pourquoi une concertation avec l'ensemble des parties prenantes est actuellement menée sur les modifications du plan stratégique national pour 2026, offrant l'occasion de réfléchir à la réaffectation des montants résiduels des aides à la conversion à l'agriculture biologique (CAB) à d'autres mesures. La ministre m'a chargé de vous indiquer que cette réaffectation des crédits se fera de manière pragmatique, mais qu'il va de soi qu'il n'est nullement question de réduire l'ambition en matière d'agriculture biologique.
Il convient de noter que, malgré l'arrêt de l'aide au maintien en agriculture biologique pour la programmation 2023-2027, la majorité des agriculteurs bio continuent de bénéficier de soutiens spécifiques au maintien de leur activité au travers, d'une part, de l'écorégime, qui représente tout de même plus de 50 millions d'euros, et, d'autre part, de la revalorisation du crédit d'impôt dédié à l'agriculture biologique, pour un montant de 109 millions d'euros en 2025.
Ces mesures représentent un effort important dans la situation budgétaire actuelle et traduisent la volonté forte du ministère chargé de l'agriculture de soutenir ce mode de production durable.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Duffourg, pour la réplique.
M. Alain Duffourg. Je vous remercie pour ces explications, monsieur le ministre. Des discussions se tiendront entre le ministère et les organisations syndicales, notamment la Confédération paysanne. Les représentants syndicaux veilleront à ce que les aides dont vous m'avez indiqué le montant soient bien versées à l'agriculture biologique, car les déconversions sont trop nombreuses. Les agriculteurs tiennent simplement à ce que les dotations restantes puissent être affectées au deuxième pilier.
coupe budgétaire sur le dispositif national d'accompagnement des projets et des initiatives des coopératives d'utilisation de matériel agricole
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, auteur de la question n° 476, adressée à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le ministre, ma question concerne le dispositif national d'accompagnement des projets et des initiatives des coopératives d'utilisation de matériel agricole (DiNA).
Ce dispositif soutient, au-delà de sa première fonction de partage des machines, le développement de projets collectifs des coopératives d'utilisation de matériel agricole. Il a été récemment la cible de coupes budgétaires non négligeables pour le réseau des coopératives d'utilisation de matériel agricole (Cuma), auquel le monde agricole et les zones rurales tiennent tout particulièrement.
Différents rapports ont montré l'intérêt du dispositif, lequel est articulé avec les enjeux des politiques publiques dont il permet de démultiplier l'impact, via les collectifs d'agriculteurs.
Cette aide à l'accompagnement stratégique est unique en son genre dans le domaine agricole. Le dispositif est mobilisé par plus de 600 Cuma chaque année au niveau national, impliquant plus de 14 000 agricultrices et agriculteurs.
La mise à mal du déploiement de ce dispositif, alors même qu'il a été récemment refondu par l'administration du ministère de l'agriculture, suscite l'inquiétude et l'incompréhension de l'ensemble du réseau des Cuma, au vu de l'efficience du DiNA et de l'enveloppe financière modeste qu'il représente par rapport à d'autres mesures de soutien.
Alors que l'accompagnement des agricultrices et des agriculteurs est un sujet central, quelle ambition et quelle pérennité souhaitez-vous donner à ce dispositif qui est la seule ligne budgétaire dédiée aux Cuma ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Pierre Jean Rochette, la loi de finances pour 2025, promulguée le 14 février dernier, prévoit de redresser les comptes publics de 50 milliards d'euros et de ramener le déficit public à 5,4 % du PIB.
Pour cela, la loi de finances pour 2025 prévoit de réduire les dépenses de l'État et de ses opérateurs, dans un effort partagé. Dans ce cadre, le budget du programme « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » a connu une réduction sensible.
Malgré ce contexte, l'État poursuit ses efforts et déploie des moyens importants pour soutenir l'agriculture en France. Ainsi, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire (Masa) prévoit de maintenir le dispositif DiNA-Cuma en 2025, mais avec des moyens nécessairement moindres.
Mis en place en 2016, à la suite des aides à l'investissement matériel sous forme de prêts à moyen terme spéciaux, le DiNA-Cuma a permis d'accompagner environ 30 % des Cuma. Parmi les Cuma ayant bénéficié de ce conseil stratégique, un quart y ont eu recours deux fois et 6 % trois fois.
Malgré la diminution des crédits alloués au DiNA-Cuma, le dispositif peut continuer d'accompagner les Cuma en priorisant les dossiers déposés, pour favoriser les Cuma n'ayant jamais eu de financement pour un conseil stratégique. À ce titre, une grille de priorisation avait été rédigée lors de la révision de l'instruction technique en 2023, en étroite collaboration avec la Fédération nationale des Cuma.
Une autre solution consisterait à diminuer le taux d'aide publique de ce dispositif à 80 % ou 70 %, contre 90 % aujourd'hui, pour continuer à accompagner un nombre important de Cuma, sans critère de priorisation.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour la réplique.
M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le ministre, je ne remets en question ni les économies que souhaite faire le Gouvernement ni la pression budgétaire qu'il subit, mais il faut s'attacher à ne pas briser un système qui marche bien.
J'ai entendu votre réponse ; nous veillerons à ce que l'outil ne soit pas cassé, qu'il continue à fonctionner. Nous vous solliciterons très probablement de nouveau à ce sujet.
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-huit heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt,
est reprise à dix-huit heures trente, sous la présidence de M. Xavier Iacovelli.)
PRÉSIDENCE DE M. Xavier Iacovelli
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Défaillances d'entreprises
Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux entreprises
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la délégation aux entreprises, sur les défaillances d'entreprises.
Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l'auteur de la demande dispose d'un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l'issue du débat, l'auteur de la demande dispose d'un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Dans le débat, la parole est à M. Olivier Rietmann, au nom de la délégation qui a demandé ce débat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. François Patriat applaudit également.)
M. Olivier Rietmann, au nom de la délégation aux entreprises. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la délégation aux entreprises a souhaité associer l'ensemble des sénatrices et sénateurs au débat qu'elle a engagé en début d'année sur les défaillances d'entreprises. C'est un sujet essentiel, car nous devons être conscients de la situation très délicate de nombreuses entreprises et nous mobiliser pour les accompagner, dans une période marquée par la guerre commerciale internationale et les incertitudes en matière de croissance en France.
Le sujet des défaillances est en réalité multiforme.
Tout d'abord, le constat chiffré est sans appel : la très forte croissance du nombre de procédures collectives a dépassé le simple rattrapage post-covid. Le nombre de défaillances d'entreprises en un an était évalué à près de 66 000 au mois de février par la Banque de France et à 68 000 selon le groupe Altares. Ces chiffres sont supérieurs à ceux de 2015 et dépassent très largement le nombre des défaillances qui ont précédé la période de pandémie. On comptait en effet 51 356 défaillances en 2019.
Enfin, selon les derniers chiffres publiés par l'Observatoire des données économiques des entreprises en difficulté du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, le nombre d'entreprises entrées en procédure judiciaire a augmenté de 2,3 % au premier trimestre 2025 par rapport à 2024 et de 23,8 % par rapport à 2019 ! Nous sommes donc bien loin de la décrue annoncée.
Je ne souhaite pas m'étendre sur la détection et le traitement des difficultés des entreprises, autres aspects du sujet, qui ont été largement détaillés par la Cour des comptes dans son rapport de juin 2024. La Cour y soulignait que le « parcours usager » des entreprises en difficulté demeurait complexe et manquait de lisibilité sur les rôles des différents acteurs et la multiplicité des guichets. Vous y avez d'ailleurs fait référence, madame la ministre, lors de votre audition par la délégation il y a quinze jours : le Médiateur national du crédit et le Médiateur des entreprises vous ont remis un rapport dans lequel ils proposent des solutions très pragmatiques pour mieux accompagner les dirigeants des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME).
Je reviendrai en revanche sur la leçon que nous devons tirer de l'évolution des défaillances. Ces chiffres doivent en effet nous alerter. Pourquoi ?
Premièrement, la situation d'instabilité, causée par l'administration Trump, fait planer une menace dont les répercussions seront importantes pour nos entreprises. Nous avons d'ailleurs entendu les organisations patronales sur ce sujet aujourd'hui, lors d'une table ronde consacrée aux entreprises françaises dans la guerre commerciale.
Deuxièmement, si les procédures collectives engagées concernent à 85 % des TPE de moins de dix salariés et entraînent la suppression d'environ 1 500 emplois par semaine, on observe une part croissante des PME et entreprise de taille intermédiaire (ETI) dans les défaillances.
Ainsi, la part des PME et des ETI de plus de 100 salariés a augmenté de 28 % en un an ! Et le co-président du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Méti) a depuis longtemps alerté sur la fragilisation des entreprises de taille intermédiaire qui, pour la première fois, ne sont plus aussi résistantes que lors des crises précédentes. Le nombre d'ETI placées en redressement a en effet doublé dans tous les secteurs, de la vente de détail à la construction en passant par l'aéronautique ou les cosmétiques. Or les ETI sont précisément notre force de frappe en matière de commerce extérieur.
Enfin, l'évolution des défaillances dépendra largement des décisions que nous prendrons pour réduire le déficit de la France. La dette publique culmine désormais à plus de 3 300 milliards d'euros et les charges annuelles d'intérêt à 59 milliards d'euros. Alors, quand allons-nous prendre conscience de la gravité de la situation et adopter les bonnes mesures ?
Nous ne pouvons plus naviguer à l'aveugle en misant uniquement sur l'augmentation des recettes fiscales provenant des entreprises. Nous avons la responsabilité de les accompagner afin de garantir la résilience du tissu productif français dans une période d'incertitudes économiques. Remettons la compétitivité au cœur des objectifs !
Allianz Trade vient de publier sa dernière étude sur les défaillances d'entreprises à l'échelle mondiale et a dévoilé ses prévisions mises à jour pour 2025 et 2026. Le groupe estime qu'elles continueront d'augmenter au cours des deux prochaines années. Comment penser que la France pourrait être épargnée sans réformes structurelles adéquates ?
Il serait irresponsable de reconduire, voire d'aggraver, le poids de la contribution des entreprises en 2026, car – je le répète inlassablement – ce sont les entreprises qui créent de la valeur et financent les salaires et les politiques publiques.
Madame la ministre, qui a dit que la principale priorité du moment était la transformation écologique, que s'adapter demanderait beaucoup d'investissements qui ne seraient pas toujours rentables et risquaient de conduire, et qu'il fallait l'accepter, à une baisse de la rentabilité des entreprises ? Qui a appelé à une telle politique de décroissance ? Ce n'est pas notre collègue Yannick Jadot. Ce n'est pas non plus la secrétaire nationale des écologistes Marine Tondelier... Non, c'est votre ministre de tutelle chargé de l'économie et des finances, Éric Lombard !
M. Damien Michallet et Mme Frédérique Puissat. Très bien !
M. Olivier Rietmann. Ce n'est pas acceptable, et j'y vois une menace pour les décisions à venir à l'endroit des entreprises. Ne nous trompons pas d'ennemi, comme l'a récemment fait Jacques Attali en fustigeant les entrepreneurs !
Nous devons au contraire aborder sans tabou les sujets mis sous le tapis depuis trop longtemps. Je pense notamment aux surtranspositions françaises, à comparer aux normes et aux charges de nos voisins européens, au temps de travail et à son coût, aux réformes structurelles pour diminuer la dépense publique.
Le Sénat, et en particulier sa délégation aux entreprises, est prêt à se mobiliser pour que les bonnes décisions soient prises afin de redresser les comptes publics sans créer de récession, afin que les entreprises françaises aient enfin le sentiment d'être accompagnées et soutenues par les pouvoirs publics. Et quand je dis « soutenues », je ne pense pas aux aides ; je pense à la capacité de l'État de laisser les entrepreneurs se consacrer en priorité à la création de valeur. La mobilisation devra se faire avec les représentants des entreprises de toutes tailles.
Nous devrons prendre des décisions courageuses et les prendre rapidement. Le temps de la décision politique doit impérativement s'aligner sur celui de la vie économique.
Madame la ministre, je vous remercie de participer au dialogue que j'ai l'honneur d'engager ce soir et que mes collègues vont poursuivre au travers de leurs questions. Je forme le vœu qu'il se prolonge au-delà de ce débat, avec l'ensemble des ministères concernés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu'au banc des commissions. – M. François Patriat applaudit également.)
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le président, monsieur le président de la délégation sénatoriale aux entreprises, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens très sincèrement à remercier la délégation aux entreprises de nous permettre d'avoir ce temps d'échange sur ce sujet très important que sont les défaillances d'entreprises.
Vous le savez, un débat constructif commence forcément par des constats partagés, sur le fondement de quelques chiffres. Ils ont déjà été rappelés, mais je souhaite y revenir.
J'évoquerai tout d'abord le nombre de défaillances : en 2024, ce sont 66 000 entreprises qui ont connu un jugement d'ouverture de l'une des trois procédures collectives – la sauvegarde, le redressement, la liquidation judiciaire.
Parmi ces 66 000 entreprises en défaillance, 32 000, soit environ 48 %, employaient au moins un salarié. Ce chiffre est à rapporter au nombre d'entreprises créées chaque année. Depuis 2021, plus de 1 million d'entreprises ont été créées, dont une très forte majorité de microentreprises ; il faut le souligner.
Enfin, j'évoquerai le nombre d'emplois qui se cachent derrière ces défaillances. Nous l'estimons aujourd'hui à 234 000, contre 151 000 en 2019. Si ce chiffre alerte, il faut noter qu'environ 70 % des emplois menacés seraient in fine conservés du fait d'un rétablissement ou d'une reprise.
L'état des lieux est donc clair : notre pays connaît un niveau de défaillances important, qui dépasse les niveaux observés avant la pandémie.
Mon rôle devant vous est donc triple. Le premier est de vous proposer une lecture et une analyse de ces chiffres. Le deuxième est de rappeler combien la compétitivité des entreprises est essentielle. Le troisième est évidemment de vous présenter les solutions sur lesquelles le Gouvernement travaille pour enrayer cette dynamique délétère pour notre économie.
La première question est évidemment la suivante : comment expliquons-nous ce niveau de défaillances ? Le nombre de défaillances que nous observons aujourd'hui doit être replacé dans le contexte du creux exceptionnel des défaillances lors de la crise de la covid. Entre 2015 et 2019, le nombre de défaillances observées était proche de 56 000 annuellement.
Cette baisse drastique du nombre de défaillances s'explique évidemment par l'action du Gouvernement et par les mesures d'urgence qui ont alors été mises en œuvre, comme les prêts garantis par l'État (PGE), le chômage partiel, les fonds de solidarité, l'exonération ou encore le report de cotisations. Au cours des années 2019 et 2020, le nombre de défaillances s'est élevé à moins de 30 000, soit une baisse de plus de 45 %.
L'augmentation des défaillances que nous observons aujourd'hui s'explique donc par un effet de rattrapage. Pour autant, notre économie n'est pas grippée et certaines données, non pas conjoncturelles, mais structurelles cette fois, doivent nous encourager. En effet, nous restons aujourd'hui sur une dynamique de création d'entreprises inédite. Quant à la création d'emplois dans le secteur privé, elle se poursuit.
La compétitivité dans l'économie est d'une importance cruciale. Si notre rôle est de trouver des solutions pour les entreprises lorsqu'elles rencontrent des difficultés, nous devons aussi, en amont, faire en sorte qu'elles soient compétitives. La compétitivité de nos entreprises est essentielle, car c'est elle qui leur permet d'innover, d'investir, de se développer, d'embaucher et de résister à la concurrence des autres pays.
Je peux vous assurer que le ministre de l'économie et des finances, Éric Lombard, est engagé dans la défense de la compétitivité des entreprises.
Nos entreprises font face à une vive concurrence, elles doivent performer, se transformer, engager des transitions technologiques, numériques et environnementales. Le Gouvernement est pleinement engagé aux côtés des entrepreneurs, qu'il s'agisse des ETI, des PME, des TPE, des entreprises individuelles ou des microentreprises. Nous sommes là pour les soutenir et les accompagner dans les différentes phases de leur vie.
Je veux ici saluer ces entrepreneurs, qui sont les acteurs de l'économie, qu'il s'agisse d'ailleurs de l'économie sociale et solidaire ou de l'économie conventionnelle. Ces entrepreneurs assurent la vitalité du territoire et créent de l'emploi.
Je sais aussi, parce cette demande est faite régulièrement, que les entreprises ont besoin de lisibilité, de visibilité et de stabilité.
Nous devons également nous engager dans une diminution de nos dépenses publiques pour poursuivre la baisse des prélèvements obligatoires, car ces prélèvements pèsent aujourd'hui sur nos entreprises.
Enfin, il ne faut pas oublier – vous l'avez rappelé, monsieur le président de la délégation aux entreprises – le poids des normes, qui constitue une perte de temps importante pour les entreprises et donc une dépense.
J'en viens à la question de la simplification.
Simplifier notre droit, c'est le purger des éléments qui enrayent notre croissance et notre compétitivité. C'est tout l'enjeu du projet de loi de simplification de la vie économique, que la Haute Assemblée a examiné il y a quasiment un an et que je défendrai ce soir encore à l'Assemblée nationale.
Gérer le stock de normes inutiles est une chose, mais il faut également s'attaquer au flux. C'est tout l'enjeu du « test PME » que nous souhaitons mettre en place. Ce combat, je le partage avec le président Olivier Rietmann. Ce test est essentiel pour éviter que ne soient adoptées des normes illisibles pour nos entreprises, dont le coût est disproportionné pour les plus petites d'entre elles.
M. Guillaume Chevrollier. Tout à fait !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Nous devons également soutenir notre savoir-faire. Je le dis très clairement, je recevrai prochainement un rapport d'Yves Jégo, ancien ministre, sur le made in France, l'objectif étant de soutenir tout ce qui participe à la vie de notre pays et à la vitalité de nos territoires, car cela nous est particulièrement cher.
Je vous le disais en préambule, notre rôle est également de proposer des solutions pour limiter au maximum ces défaillances. Il nous faut structurer notre action pour accompagner les entreprises qui ont des difficultés.
Il nous faut : mieux prévenir les défaillances et donc agir davantage avant la cessation des paiements ; simplifier la cartographie des outils publics d'accompagnement ; repenser le rebond.
En premier lieu, il faut évidemment inciter les entrepreneurs à agir en amont des procédures collectives. En effet, si 70 % des procédures collectives conduisent à une liquidation, à l'inverse, 70 % des procédures préventives permettent à l'entreprise de poursuivre son activité.
L'enjeu est donc de mieux identifier les entreprises à risque. Il existe pour cela un dispositif, la start-up d'État Signaux faibles, qui permet, en se fondant sur un certain nombre d'éléments, d'encourager davantage les entreprises à avoir recours aux procédures amiables que sont le mandat ad hoc et la conciliation.
En second lieu, il faut à mon sens simplifier la cartographie des outils publics d'accompagnement. En effet, alors qu'il existe de très nombreux dispositifs, les entrepreneurs ne savent pas toujours vers lesquels se tourner lorsqu'ils sont en difficulté.
En troisième lieu, il faut favoriser le rebond. En effet, l'échec entrepreneurial fait l'objet d'une perception particulièrement négative de la société et des entrepreneurs eux-mêmes. Il véhicule une forme d'incompétence et il est la source d'une stigmatisation des entrepreneurs. C'est donc un changement culturel qu'il nous faut opérer. Des travaux ont été conduits sur ce sujet, dans le cadre d'un groupe de travail guidé par Hélène Bourbouloux.
Nous avons la chance de ne pas partir d'une page blanche, d'avoir de nombreux dispositifs à notre disposition que nous pouvons retravailler. J'espère que nous esquisserons ensemble, dans le cadre de ce débat, un plan d'action pour répondre à la situation d'urgence que nous traversons. Ensemble, trouvons les moyens pour prévenir, protéger et rebondir ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC – M. François Patriat applaudit également.)
Débat interactif
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d'une durée équivalente. Il aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L'auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Franck Menonville. Madame la ministre, alors que la situation financière de l'État attire l'attention médiatique, celle des entreprises a, elle aussi, de quoi nous alerter.
En effet, la recrudescence des défaillances d'entreprises, dont le nombre a dépassé celui d'avant la crise du covid, est de plus en plus préoccupante. À la fin février 2025, on dénombrait plus de 66 000 défaillances d'entreprises au cours des douze derniers mois, soit une progression en rythme annuel de 12,5 %.
Les entreprises de moins de dix salariés sont particulièrement touchées. Les PME et ETI ne le sont pas moins. Depuis le début de l'année 2024, c'est a minima plus de 3 200 postes qui disparaissent par semaine, dont plus de 1 200 dans les entreprises de moins de dix salariés.
Aujourd'hui, les secteurs de l'immobilier, de la construction, du transport, de l'automobile sont particulièrement touchés. Les explications sont multiples : le mouvement de rattrapage post-covid, le remboursement des PGE et les difficultés de leur réaménagement, l'augmentation des coûts énergétiques, le poids du modèle social sur le coût du travail, la prolifération normative, la multiplication des contraintes administratives.
Ces entreprises sont pourtant le cœur battant de notre économie. Elles créent de l'emploi, maillent le territoire, génèrent de la croissance, garantissant les savoir-faire et l'innovation.
Madame la ministre, quelles mesures de soutien comptez-vous mettre en œuvre ? Comment mieux anticiper les défaillances des entreprises ? Différentes procédures peuvent être mises en œuvre en amont, telles que le mandat ad hoc, qui permet de garder la confidentialité, et c'est important. Or ce mandat ne représente aujourd'hui que 13 % des procédures. Que comptez-vous faire pour favoriser ce type de procédure ? Enfin, entendez-vous permettre le réaménagement des PGE hors procédures collectives ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Franck Ménonville, vous avez évoqué de nombreux sujets.
Vous avez raison, il nous faut agir en premier lieu sur la compétitivité et alléger un certain nombre de charges qui pèsent sur les entreprises.
Vous m'avez demandé comment prévenir les défaillances et favoriser les procédures amiables, dont vous avez souligné l'intérêt.
Pour prévenir les défaillances, un certain nombre de dispositifs existent aujourd'hui. Le plus connu relève du département, au travers des préfectures : il s'agit du comité départemental d'examen des problèmes de financement des entreprises, le Codefi, qui rassemble différents acteurs sous l'autorité du préfet et a pour objectif de détecter les entreprises présentant des risques de défaillance.
La direction départementale des finances publiques (DDFIP) utilise un produit développé par la start-up d'État Signaux faibles, qui permet de consulter un certain nombre d'informations relatives aux effectifs, aux ratios financiers et à d'éventuels impayés. Elle peut ainsi accéder chaque trimestre à une liste d'entreprises présentant un risque de défaillance à dix-huit mois. Le Codefi échange ensuite avec divers acteurs.
Environ 40 % des entreprises suivies par les commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises ont été identifiées grâce à Signaux faibles. Identifier les difficultés permet d'anticiper et, ainsi, d'aider.
Comment favoriser les procédures amiables ? Il nous faut donner plus de force au mandat ad hoc et à la conciliation. Je rappelle que les procédures préventives permettent d'éviter un basculement en procédure collective : 70 % d'entre elles rendent possible une poursuite de l'activité. Vous avez raison, il nous faut favoriser ces deux procédures amiables.