Sommaire
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet
avenir de la verrerie de vergèze (gard) et soutien à la recherche d'un repreneur
situation des « américains accidentels »
seuils d'obligation au dispositif des certificats d'économies d'énergie
inscription des déclarations liminaires aux procès-verbaux des conseils consulaires
état écologique des sites de captage d'eau en loire-atlantique
mise en œuvre de la filière à responsabilité élargie des producteurs pour les déchets du bâtiment
dépistage préventif organisé du cancer de la prostate
situation de l'apprentissage en france
impact de la situation frontalière sur l'offre de soins infirmiers en haute-savoie
sous-utilisation du fonds d'accessibilité
situation des crèches privées et urgence à mettre fin aux dérives constatées
avenir du site de cancérologie du mittan à montbéliard
objectif de réduction de la pauvreté
pérennisation des haltes soins addictions de paris et strasbourg
situation du secteur médical et avancement du projet de centre hospitalier universitaire en guyane
réapparition du mouvement « pro-ana » vingt ans après avec le défi « skinnytok »
intégration des digues domaniales dans l'actif des collectivités
applicabilité des règles relatives à l'emprise au sol dans les documents d'urbanisme
nuisances sonores générées par la gare de triage à drancy
desserte tgv du saint-quentinois
inapplicabilité du décret relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés
lacune réglementaire concernant les engins de déplacement personnel motorisés
avenir des moyens de secours héliportés dans les alpes de haute-provence
protection de l'enfance et contrôle des antécédents judiciaires dans le milieu associatif
stratégie nationale pour l'accueil pérenne de chercheurs contraints de quitter les états-unis
fermeture d'écoles communales sans l'accord préalable du maire
inégalités territoriales et précarité des étudiants dans les territoires d'outre-mer
fermeture de classes dans les écoles primaires rurales
prise en charge de la vaccination contre l'influenza aviaire
lutte contre l'acarien tropilaelaps
enjeux des installations agrivoltaïques dans les parcs naturels régionaux
sociétés civiles agricoles et activités accessoires de nature commerciale
soutien à la filière de l'agriculture biologique
PRÉSIDENCE DE M. Xavier Iacovelli
Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux entreprises
Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Catherine Conconne,
M. Fabien Genet.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n'y a pas d'observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Questions orales
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
avenir de la verrerie de vergèze (gard) et soutien à la recherche d'un repreneur
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, auteur de la question n° 468, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Laurent Burgoa. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur la situation particulièrement préoccupante de la commune de Vergèze, située dans le département dont je suis élu, le Gard, confrontée à la fermeture annoncée d'une verrerie appartenant à un groupe américain.
Ce site de production de bouteilles en verre, implanté depuis plus de cinquante ans, est un pilier de l'activité industrielle locale. Cette fermeture entraînerait la suppression de 164 emplois directs, auxquels s'ajouteraient de nombreux emplois indirects. C'est le seul site en France fermé totalement par ce groupe. Cette décision, prise malgré un bénéfice de 7 % de l'entreprise en 2024, est d'autant plus incompréhensible qu'elle concerne un secteur stratégique, le verre, matériau recyclable aujourd'hui promu dans le cadre des politiques de transition écologique et de réduction des emballages plastiques.
Alors que le Gouvernement affiche sa volonté de réindustrialiser le pays, il est impératif de tout mettre en œuvre pour éviter la perte d'un site industriel en parfait état de fonctionnement, qui contribue au maintien de nos savoir-faire et à notre souveraineté.
Le Gouvernement entend-il s'engager activement dans la recherche d'un repreneur pour ce site, en lien avec les collectivités locales et les partenaires sociaux, afin de maintenir une activité industrielle pérenne à Vergèze, de préserver les emplois et de soutenir le tissu économique du Gard ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme. Monsieur le sénateur Laurent Burgoa, vous interrogez le ministre Marc Ferracci au sujet du site d'Owens-Illinois à Vergèze.
Le Gouvernement regrette profondément la décision de ce groupe de procéder à cette réorganisation s'inscrivant dans un contexte économique et financier difficile, lié à une baisse structurelle de la consommation de boissons embouteillées, le vin et la bière, mais aussi nos eaux minérales.
Cette réorganisation est présentée comme indispensable par le groupe pour conserver sa très forte implantation en France – neuf sites à ce jour – et les 2 000 emplois correspondants, auxquels il faut ajouter plusieurs centaines d'emplois de sous-traitance.
Le Gouvernement et les services de l'État seront particulièrement vigilants quant aux multiples aspects de cette question : la qualité du dialogue social avec les organisations syndicales et le respect de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique ; la qualité des mesures d'accompagnement du plan de sauvegarde de l'emploi, tenant compte des spécificités de chacun des sites concernés, des caractéristiques des salariés et de leur employabilité sur le bassin d'emploi ; la qualité et les résultats des actions menées pour chercher un repreneur pour la verrerie de Vergèze, dans le cadre de la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, dite loi Florange, pendant une durée de quatre mois. Cette recherche sera, comme cela a d'ailleurs été déjà rappelé à l'entreprise, réalisée en lien étroit avec l'ensemble des acteurs économiques, industriels et politiques du territoire et des partenaires sociaux.
Sur l'ensemble de ces points, le Gouvernement et les services de l'État sont déjà très mobilisés et le resteront le temps nécessaire. Le suivi territorial sera notamment assuré par le préfet du Gard. Un suivi identique sera instauré dans les autres départements concernés, selon des modalités définies localement.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.
M. Laurent Burgoa. Vous avez raison, madame la ministre, le préfet du Gard est particulièrement mobilisé sur ce dossier, et je tiens à l'en remercier.
Il travaille notamment sur une piste : une proposition de reprise émanant d'un syndicat agricole, qui imagine pour cette verrerie un débouché lié à une filière qui vous est chère, madame la ministre, la filière viticole, importante dans le sud de la France, notamment dans le Gard. Il se pourrait que cette proposition permette la survie au moins temporaire de ce four. Je vous prie de bien vouloir sensibiliser votre collègue Ferracci à cette proposition.
situation des « américains accidentels »
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, auteur de la question n° 199, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Michel Canévet. Je souhaite interpeller le Gouvernement sur la situation des « Américains accidentels ».
Ces derniers sont souvent issus de familles qui ont dû s'expatrier aux États-Unis le siècle dernier, en général plus pour chercher du travail que pour faire du tourisme. Dans ce contexte, un certain nombre de personnes sont nées sur le sol américain.
Depuis l'adoption de la loi extraterritoriale américaine (Foreign Account Tax Compliance Act), ces personnes vivent un enfer, dans la mesure où elles doivent rendre des comptes à l'administration américaine, même si elles n'ont quasiment aucun lien avec les États-Unis.
Le Sénat a adopté une résolution à ce sujet en 2018 et j'ai moi-même interpellé à de multiples reprises le Gouvernement sur cette question. Il me semble important que le Gouvernement se mobilise pour trouver une solution permettant d'éviter les désagréments qu'engendre cette situation pour les intéressés.
La justice belge a récemment considéré que le fait de devoir rendre des comptes à l'administration américaine n'était pas compatible avec les dispositions du règlement général sur la protection des données (RGPD).
Où en sont les démarches du Gouvernement sur cette question et comment peut-on arranger la situation des personnes concernées ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme. Monsieur le sénateur Michel Canévet, vous attirez mon attention sur les difficultés rencontrées par certains de nos compatriotes, ceux qu'on appelle les « Américains accidentels », en matière d'accès aux services financiers lorsqu'ils ne sont pas en capacité de communiquer certaines données à leur banque, au premier rang desquelles un numéro d'identification fiscale américain (Taxpayer Identification Number ou TIN).
Un précédent gouvernement avait engagé des consultations informelles afin d'élaborer une proposition européenne commune portant notamment sur les diligences raisonnables attendues des institutions financières. Si ces discussions n'ont pas encore abouti, elles se poursuivent, l'ensemble des présidences du Conseil de l'Union européenne ayant continué les échanges avec nos homologues américains ; ces derniers ont indiqué qu'ils travaillaient à des voies de résolution.
Signe positif : les États-Unis ont prorogé jusqu'en 2027, voilà quelques semaines, la tolérance applicable aux comptes préexistants, c'est-à-dire ouverts avant le 30 juin 2014, pour lesquels la transmission d'un TIN n'est plus indispensable pour échapper aux sanctions. Cette procédure temporaire dérogatoire applicable a déjà permis d'alléger les obligations déclaratives et de réduire les difficultés pour de nombreux binationaux.
Par ailleurs, le département d'État a annoncé à la fin de l'année 2023 son intention de modifier le règlement consulaire relatif aux frais à acquitter pour renoncer à la citoyenneté américaine, en les faisant passer de 2 300 à 450 dollars.
Pour conclure, je peux vous assurer que des discussions nourries continuent d'avoir lieu, à l'échelon tant bilatéral qu'européen, en lien avec nos partenaires, afin de trouver une solution collective à cette question, qui dépasse le cadre national. La solution dépend toutefois d'un contexte politique américain complexe, qui rend toute prédiction difficile.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, pour la réplique.
M. Michel Canévet. Je vous remercie de vos explications, madame la ministre, qui montrent que le Gouvernement reste mobilisé sur le sujet.
Je sais que la situation politique outre-Atlantique n'est pas facile ; les relations ne sont sans doute pas aisées. Toutefois, il importe que tant la France que l'Europe restent mobilisées, parce que ce problème ne concerne pas que des ressortissants français.
Je vous remercierai donc d'être vigilante pour avancer sur ce dossier.
seuils d'obligation au dispositif des certificats d'économies d'énergie
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la question n° 186, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les seuils d'obligation au dispositif des certificats d'économies d'énergie (C2E).
Ce dispositif, créé en 2005, consiste à obliger les fournisseurs d'énergie, les « obligés », à soutenir des actions d'économies d'énergie. Chaque fournisseur se voit attribuer, par période de trois ou quatre ans, un nombre de kilowattheures à collecter au prorata de ses volumes de ventes. Pour cela, les obligés accompagnent les consommateurs qui réalisent des travaux d'économies d'énergie et répercutent les kilowattheures collectés dans le prix des énergies qu'ils commercialisent.
Entre la première période – 2006 – et la cinquième période – 2022 – du dispositif, le nombre d'obligés est passé de 2 466 à 129 sociétés. Cette baisse est liée à l'instauration de seuils de franchise, en dessous desquels les ventes ne donnent lieu à aucune obligation. Ces planchers ont malheureusement permis aux fournisseurs de carburant et de fioul d'encaisser chaque année, dans chacune de leurs filiales reconnues comme entrepositaire agréé (EA), presque 500 000 euros.
Les fournisseurs d'énergie sont donc incités à multiplier les filiales pour bénéficier au maximum de cet effet de seuil. Selon les données mises à disposition par le Comité professionnel du pétrole (CPDP), 113 entrepositaires agréés ont été créés entre 2019 et 2024. Certains fournisseurs d'énergie en ont constitué récemment entre vingt et trente filiales ! Cela leur permet de maximiser les mises à la consommation sous les seuils évoqués. Le manque à gagner pour l'État est estimé à environ 55 millions d'euros.
Cet avantage était initialement destiné à protéger les petits fournisseurs, mais il crée aujourd'hui une réelle distorsion de concurrence et favorise les entreprises qui démultiplient artificiellement leurs filiales sous statut d'EA.
La Cour des comptes indique, dans un rapport de 2024, que la « suppression des franchises […] nécessite d'être examinée comme d'autres alternatives, à l'image d'une consolidation des volumes de vente de toutes les filiales au niveau du groupe ».
Madame la ministre, le Gouvernement travaille-t-il sur ce sujet, intéressant en cette période de recherche de ressources pour l'État, et prévoit-il en particulier de supprimer ces seuils, qui entraînent un important manque à gagner ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme. Madame la sénatrice Anne-Catherine Loisier, vous interrogez mon collègue Marc Ferracci au sujet des certificats d'économies d'énergie. Il s'agit d'outils permettant d'engager les énergéticiens dans une démarche d'efficacité énergétique.
Les acteurs « obligés » doivent ainsi atteindre un certain niveau d'actions en matière d'économies d'énergie, proportionnellement à leurs ventes, en fournissant à des particuliers, entreprises ou acteurs publics des financements pour des actions d'efficacité énergétique.
Comme vous l'indiquez, des seuils de franchise, en dessous desquels les énergéticiens ne sont pas assujettis aux obligations du dispositif, ont été prévus pour exonérer les acteurs ne disposant pas des capacités techniques et financières nécessaires à la réalisation de ces obligations.
Néanmoins, il est constaté que, pour se soustraire à ces obligations, les entreprises multiplient le nombre de metteurs à la consommation de fioul domestique et de carburant automobile, notamment par filialisation, et cela de manière abusive.
Cette situation conduit, d'une part, à une concentration des obligations sur un nombre plus restreint de consommateurs d'énergie et, d'autre part, à une distorsion de concurrence très importante entre les metteurs à la consommation assujettis et ceux qui se soustraient à leurs obligations par la filialisation susmentionnée. Cette situation n'est pas acceptable.
Aussi, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre les fraudes aux aides publiques, le Gouvernement a déposé un amendement visant à limiter cet effet d'aubaine, afin de rétablir un juste équilibre entre les obligés du dispositif des certificats d'économies d'énergie.
Cet amendement, adopté et figurant dans le texte qui sera examiné en mai prochain par la commission mixte paritaire, vise à préciser les conditions dans lesquelles sont fixés les seuils de franchise, afin que ceux qui sont applicables aux metteurs à la consommation de fioul domestique et de carburants automobiles reflètent la dynamique actuellement observée.
Je compte donc sur votre soutien en commission mixte paritaire, mesdames, messieurs les sénateurs !
inscription des déclarations liminaires aux procès-verbaux des conseils consulaires
Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, auteure de la question n° 480, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger.
Mme Mélanie Vogel. Madame la ministre, ma question porte sur les déclarations liminaires des conseillers des Français de l'étranger lors des réunions des conseils consulaires.
L'année dernière, l'administration a envoyé une instruction à l'ensemble des postes diplomatiques et consulaires, demandant de cesser d'annexer les déclarations liminaires des conseillers des Français de l'étranger au procès-verbal des conseils consulaires.
Ces déclarations représentent l'un des seuls outils formels dont disposent les conseillers pour faire connaître officiellement leur point de vue sur un certain nombre de sujets à leurs électeurs et électrices puisque, contrairement à nous, ils ne déposent pas d'amendements ni de propositions de loi et ne posent pas de questions au Gouvernement s'ils ne sont pas élus à l'Assemblée des Français de l'étranger. C'est donc le seul outil dont ils bénéficient.
Le fait que leurs déclarations ne soient plus annexées aux procès-verbaux des réunions des conseils consulaires a été vécu comme une restriction de leurs droits et de leur liberté d'expression de leurs opinions politiques. Nous avons posé une question à ce sujet au ministère de l'Europe et des affaires étrangères en décembre dernier et la réponse qui nous a été faite était, pour simplifier : « Nous le faisons parce que nous le pouvons, parce que la loi nous y autorise. »
Cela a été mal vécu par les élus, vous le comprendrez aisément, d'autant que, convenons-en, le Gouvernement ne fait pas tout ce qu'il peut faire sur tous les sujets. En outre, la loi n'oblige pas du tout à faire cela et il serait même plus conforme à son esprit que de maintenir l'annexion de ces déclarations au procès-verbal des conseils consulaires.
Par ailleurs, en mars dernier, voilà quelques semaines, une charte des élus des Français de l'étranger a été adoptée, sous les applaudissements du ministère. Or cette charte stipule précisément : « Tout membre […] peut […] demander l'annexion au procès-verbal d'une déclaration [liminaire] dès lors que celle-ci porte sur le périmètre du conseil consulaire. »
Je rappelle que cette charte coconstruite entre les élus et le ministère a été largement applaudie et que tout le monde s'est félicité de son élaboration. Je souhaite donc savoir si, après l'adoption de cette charte à l'Assemblée des Français de l'étranger, le Gouvernement entend modifier ses instructions sur ce sujet.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme. Madame la sénatrice Mélanie Vogel, lors de la tenue des conseils consulaires des bourses scolaires, en avril 2024, plusieurs conseillers des Français de l'étranger ont souhaité procéder à des déclarations liminaires relatives au dispositif des aides à la scolarité en général et à la baisse de l'indice de parité de pouvoir d'achat servant au calcul des quotités de bourses constatées dans certains postes en particulier.
En conformité avec les dispositions légales et réglementaires applicables à la tenue des conseils consulaires des bourses scolaires, les postes diplomatiques et consulaires ont été invités à prendre note brièvement de ces déclarations liminaires dans le procès-verbal du conseil consulaire.
Ces procès-verbaux n'ont pas vocation à reprendre dans le détail les interventions de leurs membres ; ils doivent permettre d'éclairer les décisions du conseil qui ne nécessitent pas a priori l'annexion de documents reflétant les prises de position individuelles de ses membres. La loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France ne mentionne d'ailleurs qu'un cas d'annexion au procès-verbal : celle des motivations de l'administration lorsque des décisions de refus en lien avec l'attribution d'un droit ont été prises contre l'avis du conseil consulaire.
Cependant, afin de mieux encadrer l'établissement des procès-verbaux des conseils consulaires des bourses scolaires sur ce point, il a été convenu, comme cela est précisé dans la charte de l'élu adoptée le 10 mars dernier, que tout membre élu peut demander l'annexion au procès-verbal d'une déclaration, à condition que celle-ci porte bien sur le périmètre du conseil consulaire.
Les instructions correspondantes ont été diffusées à l'ensemble des postes diplomatiques et consulaires le 24 mars dernier. Quant aux considérations d'ordre général sur le dispositif des bourses scolaires, celles-ci relèvent de la compétence de l'Assemblée des Français de l'étranger, qui peut émettre à ce sujet des motions, avis et résolutions.
Comme le montre l'adoption de cette charte, l'objectif est de faciliter l'exercice de leur mandat par les élus et de favoriser entre les postes et les élus des rapports constructifs et respectueux de leurs prérogatives respectives.
état écologique des sites de captage d'eau en loire-atlantique
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Grosvalet, auteur de la question n° 331, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
M. Philippe Grosvalet. Second département de France en surface de marais, traversé par de multiples cours d'eau, territoire d'estuaire du plus long fleuve de France, la Loire-Atlantique dispose d'une richesse aquifère exceptionnelle.
Or, malgré des efforts exemplaires des acteurs locaux depuis des années, seulement 1 % des masses d'eau départementales est considéré en bon état écologique et de nombreux captages d'eau potable sont pollués.
À Machecoul-Saint-Même, trente-trois molécules résistantes au traitement de l'eau ont été détectées ; à Nort-sur-Erdre, le taux de nitrate dépasse le seuil réglementaire de 50 milligrammes par litre ; à Avessac, les élus s'inquiètent de la présence de S-métolachlore ou de chlorothalonil dans l'eau potable. Je ne peux pas citer ici toutes les communes concernées…
Cet inquiétant constat a conduit 150 élus du département à signer un appel transpartisan demandant au Gouvernement d'interdire l'usage de pesticides à proximité des sites de captage d'eau potable, sans pénaliser pour autant les agriculteurs. Le cas du département n'est pas isolé ; des alertes proviennent de toute la France. Dans ce contexte, les inquiétudes des habitants se multiplient et la mobilisation citoyenne est de plus en plus forte.
La protection des captages est un enjeu fondamental pour notre environnement et notre santé publique, mais aussi pour nos finances publiques, eu égard aux coûts de la dépollution. Toutefois, les moyens à mettre en œuvre pour atteindre cet objectif indispensable ne doivent pas stigmatiser les agriculteurs, garants de notre souveraineté alimentaire.
Dans ce contexte, quels sont les moyens envisagés par le Gouvernement pour assurer la salubrité de nos sites de captage ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme. Monsieur le sénateur, cher Philippe Grosvalet, vous avez raison de souligner l'inquiétude liée à la dégradation des captages d'eau potable. Ma collègue Agnès Pannier-Runacher est pleinement consciente de cette situation et leur protection est une priorité du Gouvernement.
Nous devons agir de manière préventive pour garantir que l'eau que nous consommons reste saine, accessible et suffisante. C'est pourquoi les ministères chargés respectivement de l'environnement, de l'agriculture et de la santé ont publié, à la fin du mois de mars dernier, la feuille de route du Gouvernement pour améliorer la qualité de la ressource en eau par la protection renforcée des captages d'eau potable.
Cette feuille de route doit permettre d'identifier précisément les aires d'alimentation de captages sensibles, sur lesquels l'action doit être priorisée, mais également d'accompagner collectivités, agriculteurs et industriels, avec des solutions adaptées et graduées pour leur permettre d'adopter des pratiques plus durables. Cette action s'inscrit dans une démarche d'accompagnement des transitions agricoles, sans stigmatisation, afin de conjuguer protection de la ressource en eau et maintien de la souveraineté alimentaire.
La feuille de route prévoit pour cela l'élaboration d'un arrêté de définition des points de prélèvement sensibles pour mieux cibler les captages sur lesquels il convient d'agir. Elle prévoit également la rédaction d'un guide pratique pour les préfets et collectivités, afin de cibler efficacement les zones les plus sensibles et d'utiliser tous les outils disponibles de manière proportionnée. Elle comporte enfin des mesures d'accompagnement adaptées pour favoriser des changements de pratiques, en tenant compte des impacts socio-économiques.
Ces travaux permettront de mobiliser toutes les parties prenantes dans les territoires, pour assurer la salubrité de nos sites de captage tout en garantissant une gestion adaptée aux réalités locales. Une enveloppe initiale de 6,5 millions d'euros de subventions issue de la stratégie Écophyto 2030 permettra d'engager ces actions. Elle s'ajoutera aux 2 milliards d'euros du dispositif Aqua Prêt, mobilisés via la Banque des territoires et les enveloppes des agences de bassin.
Pour 2026, le Gouvernement continuera de travailler avec l'ensemble des parties prenantes pour renforcer ces moyens et accompagner la montée en puissance de ces mesures afin de garantir la salubrité de ces sites de captage d'eau.
augmentation du prix de l'eau
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 444, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Céline Brulin. Madame la ministre, après l'électricité et le gaz, c'est au tour de l'eau de voir ses prix augmenter. Que ce soit via la distribution d'eau potable ou l'assainissement, les collectivités sont, comme les usagers, affectées.
Le système en vigueur depuis le début de cette année, qui module les redevances en fonction des performances des services, est censé inciter les collectivités à prendre soin de leurs réseaux, mais les répercussions sont immédiates sur les factures.
Dans l'agglomération de Dieppe, par exemple, le prix du mètre cube a été diminué, pour être harmonisé avec l'ensemble des communes. Les élus souhaitaient que la facture baisse à nouveau en 2025, mais, avec cette réforme, elle risque finalement d'augmenter légèrement.
En outre, le système ne permet pas aux collectivités de constituer les provisions suffisantes pour investir afin d'améliorer les réseaux.
Du reste, la note risque encore de s'alourdir avec l'évolution régulière des normes, qui obligent à moderniser les stations d'épuration et à en construire de nouvelles, à l'image de Caux Seine agglo, qui doit construire cinq unités d'ultrafiltration pour un montant de plus de 50 millions d'euros. Les sommes en jeu sont colossales également pour la communauté de communes Campagne de Caux, qui doit rénover 320 kilomètres de tuyaux, sachant que la rénovation de 1 kilomètre coûte environ 200 000 euros. Dans la communauté de communes de Terroir de Caux, c'est la part destinée à l'assainissement qui a bondi de 45 %.
Comment le Gouvernement envisage-t-il de soutenir les collectivités devant ce mur de dépenses, afin de conserver des tarifs acceptables pour les consommateurs ? Comment compte-t-il appliquer le principe du pollueur-payeur lorsque la qualité de l'eau est affectée par des pollutions parfois anciennes, notamment issues de pesticides ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme. Madame la sénatrice Céline Brulin, je vous réponds au nom de ma collègue Agnès Pannier-Runacher, qui a pleinement conscience des préoccupations relatives à l'impact potentiel de cette réforme sur les factures d'eau, notamment en milieu rural.
Pour encourager une utilisation plus responsable de l'eau et limiter la pollution, une réforme de la fiscalité de l'eau est entrée en vigueur le 1er janvier 2025, vous l'avez dit.
Cette réforme des redevances des agences de l'eau, mise en œuvre à volume financier constant, instaure trois nouvelles redevances. La première, portant sur la consommation d'eau potable, taxe l'utilisation d'eau potable. Les deux autres sont fondées sur la performance des services d'eau et d'assainissement. Un tiers de la fiscalité au maximum dépendra désormais de la performance des services : plus ils seront efficaces, moins ils paieront.
Il est également prévu une montée en puissance progressive de cette réforme, afin de permettre aux collectivités compétentes de s'organiser dans l'optimisation de leur performance. L'année 2025 sera ainsi une année transitoire, durant laquelle toutes les collectivités assujetties bénéficieront d'une performance maximale. Cela signifie qu'aucune hausse liée à la performance ne sera appliquée en 2025, ce qui donnera aux collectivités le temps de s'adapter.
Pour les années suivantes, un gain de performance pourra être aisément obtenu par une meilleure gestion. Des investissements supplémentaires pourront être nécessaires pour réduire les taux de fuite ou moderniser les systèmes de traitement.
Après avoir mobilisé 2,8 milliards d'euros sur les six dernières années pour la lutte contre les pollutions domestiques et l'amélioration de la qualité du service d'eau potable, les moyens d'intervention des agences sont augmentés de 150 millions d'euros par an pour les six prochaines années, en ciblant prioritairement l'accompagnement des collectivités rurales et des réseaux en difficulté.
Enfin, Agnès Pannier-Runacher tient à rappeler que cette réforme n'affectera pas directement la trésorerie des services : la répercussion sur les factures d'eau dépendra de leur performance.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.
Mme Céline Brulin. Je me permets d'insister sur les sommes considérables en jeu, alors que votre gouvernement demande des efforts budgétaires très importants aux collectivités. Je crains que le système mis en place n'empêche un grand nombre de collectivités de faire les investissements qu'elles ont prévus pour améliorer la qualité de leur réseau.
mise en œuvre de la filière à responsabilité élargie des producteurs pour les déchets du bâtiment
Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Drexler, auteur de la question n° 458, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Sabine Drexler. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la mise en œuvre de la filière à responsabilité élargie du producteur (REP) pour les déchets du bâtiment.
Cinq ans après l'adoption de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi Agec, cette filière cruciale pour l'économie circulaire et la préservation des ressources doit devenir une réalité tangible et non simplement un cadre juridique. Les éco-organismes agréés de la filière n'auront collecté que quelque 6 % des déchets du second œuvre, quand il leur était assigné un objectif de 53 %.
Le maillage prévu pour collecter sélectivement les matériaux et les inertes n'est pas non plus au rendez-vous dans plusieurs régions et certains points de distribution de matériaux de plus de 4 000 mètres carrés ne respectent pas leur obligation de proposer un point de reprise gratuit de ces déchets.
Enfin, cette filière, qui devait faire émerger un réseau de déchèteries privées, repose toujours massivement sur les déchèteries publiques, alors que la plupart des déchets concernés sont le fait d'entreprises et qu'ils ne relèvent pas strictement de la compétence des collectivités locales.
Une évaluation de l'efficacité de ces dispositifs a-t-elle été réalisée par les services du ministère de la transition écologique au regard des objectifs ambitieux fixés pour 2024 et des principes fondateurs, tels que la collecte de proximité et la reprise gratuite des déchets triés, destinés à réduire les dépôts sauvages ?
Comment le Gouvernement compte-t-il renforcer les moyens et la coordination des éco-organismes, afin qu'ils atteignent les objectifs de collecte fixés pour la filière REP en augmentant les capacités de traitement et en assurant un suivi rigoureux des performances ?
Quelles dispositions entend-il prendre pour compléter le réseau de points de collecte et accélérer la création de déchèteries privées, en partenariat avec les éco-organismes, pour alléger la pression sur les déchèteries publiques ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme. Madame la sénatrice Sabine Drexler, la filière à responsabilité élargie des producteurs pour les déchets du bâtiment a été créée conformément à la loi Agec de février 2020 pour répondre à trois objectifs.
Premièrement, elle doit développer le recyclage des déchets du secteur, les bâtiments et travaux publics étant la première filière économique productrice de déchets en France.
Deuxièmement, elle a pour objet de lutter contre les dépôts sauvages. Par la création d'un réseau de points de collecte, les artisans du bâtiment peuvent déposer gratuitement les déchets triés, au plus près de leurs chantiers.
Troisièmement, nous permettons ainsi de développer l'écoconception des produits et matériaux de construction afin d'en faciliter le réemploi ou le recyclage.
Après à peine deux ans de mise en œuvre opérationnelle, cette filière a permis l'ouverture sur l'ensemble du territoire national de plus de 6 000 points de reprise des déchets apportés par les professionnels. Les distributeurs représentent 70 % des sites. De plus, la filière a apporté un soutien financier aux collectivités : près de 80 % des déchetteries publiques sont sous contrat début 2025.
En ce qui concerne le respect des objectifs fixés pour 2024, les services du ministère analyseront dans les prochaines semaines les données en cours de transmission par les éco-organismes. Les objectifs de déploiement de la filière REP du bâtiment étaient particulièrement ambitieux à sa création, induisant une frustration pour différentes parties prenantes.
Aussi, face aux préoccupations exprimées, Agnès Pannier-Runacher a annoncé un moratoire sur les mesures qui devaient entrer en vigueur en 2025 et lancé une consultation de l'ensemble des acteurs de la filière. Des entretiens sont programmés pour tout le mois de mai afin de discuter des propositions. Le Gouvernement annoncera les décisions au cours du mois de juin prochain. Il importe, en effet, de tenir compte de l'ensemble des remarques qui auront été remontées par les fédérations professionnelles et les acteurs de terrain avant de prendre pour cette filière les mesures qui s'imposent et qui devront être durables.
expérimentation pilote visant à remplacer les notices médicales papier par une notice de médicament numérique (epi)
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Chaillou, auteur de la question n° 342, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
M. Christophe Chaillou. Monsieur le ministre, j'attire votre attention et celle du Gouvernement sur l'expérimentation visant à remplacer la notice médicale papier des boîtes de médicaments par une notice de médicament numérique, passant par un QR code.
En effet, le 15 décembre 2023, Mme Agnès Firmin Le Bodo, alors ministre chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, a annoncé le lancement au premier trimestre 2024 – cette échéance est désormais repoussée au 1er octobre 2025 – d'une expérimentation pilotée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), visant à remplacer les notices papier des médicaments par des notices numériques consultables en ligne, conformément à la modification de l'article 63 de la directive instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.
Cette expérimentation, prévue pour une durée de deux ans, soulève de nombreuses questions. L'ANSM a publié, en décembre dernier, les modalités de lancement d'une phase pilote. Toutefois, aucune indication n'a été apportée quant aux effets de cette expérimentation sur l'économie locale, ses conséquences potentielles sur l'emploi et la manière dont sera prise en compte la fracture numérique.
En premier lieu, la suppression des notices papier comporte des risques pour la sécurité des patients, en particulier pour les personnes isolées numériquement ou en situation de précarité, qui n'ont pas accès aux outils numériques nécessaires.
En second lieu, je tiens à vous alerter sur les répercussions sur l'emploi. Dans le département où je suis élu, le Loiret, à peu près une centaine d'emplois, selon les évaluations, seraient touchés. J'ai récemment visité une entreprise spécialisée dans ce domaine, LGR Packaging, implantée à Saint-Cyr-en-Val, dont les responsables et les salariés sont particulièrement inquiets.
À l'échelle nationale, plus de 1 200 emplois directs et indirects pourraient être affectés. Alors que nous nous efforçons collectivement de préserver nos industries et de réindustrialiser nos territoires, cette initiative paraît en décalage avec ces ambitions.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser comment les conséquences sur l'économie locale et l'emploi seront prises en compte durant cette expérimentation, notamment dans le secteur papetier ? Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour limiter ces répercussions si la suppression des notices papier devait être généralisée ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Chaillou, vous m'interpellez sur deux questions importantes : d'une part, la sécurité sanitaire des patients et leur accès à l'information, d'autre part, la filière industrielle papetière.
En premier lieu, il faut mesurer le risque pour les patients des notices numériques par QR code. Aussi, l'expérimentation d'une durée de deux ans qui débutera en octobre 2025 a été préparée en étroite collaboration avec les professionnels de santé, les représentants des patients et les industriels. Elle s'appliquera sur l'ensemble du territoire national, mais uniquement pour certains laboratoires pharmaceutiques volontaires et pour certains médicaments, en ville comme à l'hôpital. La liste des spécialités concernées est d'ailleurs disponible sur le site de l'ANSM.
Ainsi, en ville, les patients et professionnels de santé pourront accéder à tout moment à une notice numérique actualisée en scannant un QR code. Pour répondre à votre question sur la fracture numérique, la notice papier restera tout de même présente dans les boîtes, pour éviter l'absence d'information. Tout sera mesuré pour garantir qu'il n'y ait aucun effet négatif sur les patients.
En second lieu, je partage votre préoccupation concernant les répercussions économiques et les conséquences sur l'emploi. L'ANSM est en train de se rapprocher à ce sujet des organisations représentatives des imprimeurs et des papetiers pour entamer un dialogue. La réglementation européenne, dont la révision est actuellement en discussion à Bruxelles, laisse de la souplesse pour le déploiement des notices électroniques au sein de l'Union européenne.
Il est donc essentiel d'anticiper cette transition avant qu'elle ne s'impose et de l'accompagner. Par ailleurs, étant donné l'enjeu industriel, je vous invite à contacter, Marc Ferracci, ministre chargé de ce dossier.
En conclusion, cette expérimentation établira un doublon entre notices papier et numérique. Les discussions relatives à la filière industrielle sont en cours.
Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir respecter votre temps de parole.
dépistage préventif organisé du cancer de la prostate
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, auteure de la question n° 454, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le ministre, chaque année, en France, 60 000 cas de cancer de la prostate sont diagnostiqués. Selon les chiffres du système national des données de santé, 11 900 hommes en sont morts en 2022. Ainsi, le cancer de la prostate représente 15 % de l'ensemble des cas de cancer ; il est d'ailleurs le troisième le plus meurtrier chez les hommes. Ces chiffres sont alarmants.
Pourtant, le tabou reste entier : ce type de cancer ne fait pas suffisamment l'objet de discussions. Le manque de prévention, une fois encore, réduit les chances de rémission. En effet, nombre de ces cancers ne sont dépistés que très tard, lorsque la maladie se trouve déjà à un stade avancé. En conséquence, les hommes se trouvent contraints de suivre des traitements lourds, invasifs et très coûteux. En 2022, le cancer de la prostate aurait coûté 2,4 milliards d'euros.
Or des méthodes de dépistage existent. Elles ciblent les populations à risques : les hommes de plus de 50 ans. Des examens biologiques permettant le dosage du taux de PSA (Prostate Specific Antigen) pourraient être réalisés de manière plus systématique pour un coût modeste et un gain important pour la santé de la population.
L'association de patients porteurs d'un cancer localisé de la prostate, l'association nationale des malades du cancer de la prostate et l'association fin du cancer et début de l'homme sont engagées sur le sujet et plaident pour une meilleure communication auprès de la population. À raison ! Comme pour le cancer du sein, des actions d'information et de sensibilisation pourraient être mises en place à l'échelle tant nationale que locale, en s'appuyant sur ces associations de patients.
Monsieur le ministre, est-il envisageable et envisagé de mener des campagnes nationales de dépistage du cancer de la prostate ? Ces dépistages de masse permettraient d'étudier le profil des malades et les liens potentiels entre l'émergence de cette maladie et les typologies d'activité professionnelle. Ils permettraient aussi d'agir sur les facteurs de risques environnementaux exposant au développement de cette pathologie. Des études sont-elles diligentées par votre ministère pour étudier plus avant les conditions de survenue de cette maladie et de son évolution ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice, je vous remercie de poser cette question sur le cancer de la prostate, dont vous avez rappelé l'incidence importante sur la population masculine française, notamment en termes de taux de mortalité. Naturellement, le ministère de la santé se mobilise pour intensifier les campagnes de dépistage.
Néanmoins, je veux rappeler en quoi consiste la méthode scientifique. La médecine se fonde sur des preuves ; c'est tout l'objet de la lutte contre l'obscurantisme que je mène depuis quelques semaines. Il faut le dire clairement, le dépistage du cancer de la prostate fait l'objet de nombreux débats au sein de la communauté médicale et scientifique internationale. Les expertises et recommandations des agences d'évaluation et des autorités sanitaires publiées en France plaident en faveur d'un dépistage non pas systématique, mais, comme actuellement, individuel.
Nous pouvons l'encourager pour tout homme de plus de 50 ans exposé à des facteurs de risques, mais nous risquerions, si le dépistage était systématique, une surdétection. Celle-ci aurait, finalement, un effet négatif en matière de santé, selon les données récentes et recommandations dont je dispose. Cela n'empêche pas, fort de ce constat, de sensibiliser les patients de plus de 50 ans et la communauté médicale, à savoir les médecins généralistes et les urologues, pour favoriser le dépistage soit par toucher rectal soit par dosage du taux de PSA.
À l'heure où je vous parle, les éléments scientifiques en faveur de la systématisation de la campagne ne sont pas suffisamment nombreux, du fait du risque de surdétection.
situation de l'apprentissage en france
Mme la présidente. La parole est à M. David Margueritte, auteur de la question n° 456, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
M. David Margueritte. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a permis de fixer des objectifs que nous sommes nombreux à partager : l'apprentissage est valorisé en tant que voie d'excellence, d'insertion rapide et d'épanouissement personnel.
Néanmoins, au-delà du succès quantitatif incontestable de cette réforme, il convient de pointer du doigt plusieurs de ses effets : une éviction des contrats de personnalisation, un effet d'aubaine – la Cour des comptes l'a signalé – au détriment de recrutements par voie de CDI et, surtout, une illusion d'optique. En effet, si l'apprentissage a très fortement progressé à l'échelle de l'enseignement supérieur, cette progression est beaucoup moins perceptible dans les autres niveaux de formation. Au-delà de ces effets, les taux de rupture de contrat d'apprentissage sont importants dans certaines filières professionnelles.
Plus encore, la soutenabilité du modèle de financement interroge. En effet, le déficit de France Compétences est extrêmement important, voire hors de contrôle : plus d'1 milliard d'euros. Le Gouvernement dispose de deux leviers afin de le résorber : d'une part, revoir à la baisse – cela a déjà été le cas – l'aide aux employeurs d'apprenti ; d'autre part, revenir sur le niveau de prise en charge des contrats d'apprentissage. En effet, de nombreuses disparités existent entre les branches professionnelles.
Le Gouvernement entend-il continuer à actionner ces leviers ? Préservera-t-il en parallèle les petites et moyennes entreprises, très pourvoyeuses de contrats d'apprentissage, mais également les secteurs stratégiques que sont l'industrie et le bâtiment – ils sont en lien direct avec les objectifs de France 2030 –, tout en permettant aux régions de continuer à investir massivement dans les centres de formation d'apprentis (CFA), notamment consulaires et interconsulaires ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur David Margueritte, je partage nombre de vos propos.
Nous devons encore améliorer le système de financement des centres de formation d'apprentis. Comme il est constaté dans différents rapports, ce système est peu lisible pour les acteurs, il ne répond pas suffisamment aux besoins en compétences du marché et il est relativement inflationniste – il est construit essentiellement sur les coûts des CFA, ce qui n'incite pas à la modération des charges –, tout en présentant des risques en matière de soutenabilité budgétaire, son financement étant contraint.
Je vous rejoins aussi concernant le déficit de France Compétences : il faut évidemment s'assurer de l'efficience de chaque euro dépensé. Le Gouvernement a ainsi annoncé, en responsabilité, la mise en œuvre de la mesure comprise dans la loi de finances 2025 en instaurant, à partir du 1er juillet de cette année, une participation obligatoire des entreprises d'un montant de 750 euros par contrat d'apprentissage préparant à des niveaux 6 et 7 de qualification. De plus, les aides aux employeurs d'apprenti ont été modulées cette année, en préservant relativement les petites et moyennes entreprises, à la suite des débats que nous avons eus à l'occasion de l'examen de la loi de finances.
Un travail important est réalisé par Astrid Panosyan-Bouvet pour ajuster les financements aux besoins des territoires et aux lieux de production de contrats d'apprentissage, en lien avec les lycées professionnels et les CFA. Comme vous le savez, la ministre chargée du travail a mené des concertations, qui s'achèveront bientôt. Je lui laisse la primeur des annonces qui s'ensuivront, d'ici à quelques jours.
impact de la situation frontalière sur l'offre de soins infirmiers en haute-savoie
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 457, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
Mme Sylviane Noël. Monsieur le ministre, le ratio d'infirmiers libéraux en Haute-Savoie est très préoccupant : il est de 79,6 pour 100 000 habitants, plaçant le département en 89e position sur 101 départements français. Cette densité est encore plus faible durant les saisons touristiques d'hiver et d'été, durant lesquelles la population peut presque doubler. À titre de comparaison, la densité moyenne s'élève en France à 143,7 infirmiers pour 100 000 habitants, soit près du double.
Pire encore, sur le pourtour frontalier, les chiffres sont accablants : 27 à 56 infirmiers pour 100 000 habitants à Annemasse, à Gaillard, à Ville-la-Grand ou à Cruseilles. Ces villes deviennent de véritables déserts médicaux, où les patients se voient refuser des soins faute de professionnels disponibles.
Cette situation s'explique, certes, par l'attractivité du marché suisse, mais aussi par la dégradation des conditions d'exercice côté français : pénurie de locaux, explosion des charges, difficulté à trouver des remplaçants et, fait important, baisse depuis 2022 des indemnités kilométriques. Celle-ci a amputé jusqu'à 20 % du chiffre d'affaires des infirmiers libéraux exerçant en zone de montagne.
Faute d'action concrète et immédiate, les patients les plus vulnérables, notamment les personnes âgées et dépendantes, seront très prochainement privés de soins à domicile. Comment le Gouvernement compte-t-il revaloriser la profession et mettre fin à ce déclin ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Noël, je connais bien la situation que vous avez décrite parfaitement. Ayant été pendant six ans vice-président de la région, chargé des formations sanitaires et sociales, je n'ai eu de cesse de discuter avec mes homologues des cantons de Vaud et de Genève pour régler ce problème. La région Auvergne-Rhône-Alpes forme les infirmiers et professionnels paramédicaux, puis ceux-ci partent exercer en Suisse du fait de conditions financières bien meilleures.
Le sujet est important : la Haute-Savoie compte 81 infirmiers libéraux pour 100 000 habitants, ce qui pose de grands problèmes. À Saint-Julien-en-Genevois, le chiffre tombe à 49 pour 100 000 habitants et même à 12 à Bons-en-Chablais.
Grâce à l'avenant 10 à la convention nationale des infirmiers libéraux, l'État a revalorisé de 10 % l'indemnité forfaitaire de déplacement en janvier 2024. Une adaptation territoriale est nécessaire. D'ailleurs, vous avez vous-même proposé, comme pour l'outre-mer, un coefficient géographique.
Toutes ces pistes sont à travailler, mais il faut aussi qu'une discussion très claire se tienne sur la globalité des relations entre la Haute-Savoie et la Suisse, notamment Genève – emploi, pouvoir d'achat, transport, formations paramédicales. Ce département ne saurait être seulement le lieu de formation des infirmiers qui exerceront en Suisse !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.
Mme Sylviane Noël. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, même si elle ne me satisfait pas pleinement. Vous avez évoqué la distorsion de concurrence que nous subissons, mais elle n'est pas la seule raison du manque d'infirmiers libéraux.
Cette profession est véritablement abandonnée depuis plusieurs années par les pouvoirs publics : le tarif des soins n'a pas été revalorisé depuis 2007, soit dix-huit ans ! De plus, les infirmiers sont soumis à un système de tarification complètement ahurissant : le premier des soins réalisés chez un patient est payé à 100 %, le deuxième à 50 % et le troisième est gratuit.
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Sylviane Noël. Quelle autre profession accepterait de travailler ainsi ? Il y a vraiment urgence à réformer.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Le 5 mai prochain, le Sénat examinera la proposition de loi sur la profession d'infirmier. Comme je l'ai fait au banc à l'Assemblée nationale, je prends ici l'engagement d'ouvrir des négociations conventionnelles pour revaloriser ce métier. J'en ai déjà fait part aux principaux syndicats infirmiers, car je partage vos conclusions.
sous-utilisation du fonds d'accessibilité
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la question n° 459, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap.
M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le ministre, les jeux Olympiques et Paralympiques ont mis en lumière, avec éclat, l'excellence de nos athlètes, mais aussi l'exigence de rendre notre société plus inclusive.
Les jeux Paralympiques furent une réussite, mais ils nous obligent désormais à accélérer notre engagement en faveur de l'accessibilité. Or la France reste – hélas ! – très en retard dans ce domaine, comme chacun le sait. L'Organisation des Nations unies, en 2021, puis le Conseil de l'Europe, en 2023, ont pointé du doigt nos carences : près de la moitié des établissements recevant du public (ERP) sont toujours inaccessibles, vingt ans après la loi du 11 février 2005 par laquelle était pourtant prévue une accessibilité généralisée.
Pour y remédier, l'État a lancé le fonds territorial d'accessibilité (FTA). Doté de 300 millions d'euros sur cinq ans, il est destiné à financer à hauteur de 50 % les travaux, les équipements, les diagnostics et l'assistance à maîtrise d'ouvrage pour les TPE et PME de cinquième catégorie, comme les commerces de proximité, cabinets médicaux, hôtels ou restaurants.
Pourtant, ce dispositif reste largement méconnu. Je crois savoir que seuls 2 % des crédits ont été utilisés en 2024. Monsieur le ministre, je vous laisserai le soin de nous préciser ce chiffre. Sur le terrain, force est de constater que ni les commerçants ni les municipalités ne disposent d'informations suffisantes sur ce fonds.
Dès lors, ne serait-il pas opportun d'assurer une diffusion systématique des informations en la matière à tous les établissements concernés, en lien avec les fédérations professionnelles, les chambres consulaires ou les associations locales, comme l'Association des paralysés de France dont j'ai rencontré les représentants ? Je rappelle que le sujet de l'accessibilité concerne non pas uniquement les personnes à mobilité réduite, mais aussi les personnes malvoyantes, non-voyantes, malentendantes et, plus largement, toutes les formes de handicap.
Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes entendez-vous mettre en œuvre pour renforcer la communication autour de ce fonds, lever les freins juridiques et accompagner plus efficacement les commerçants et les collectivités dans leurs démarches de mise en accessibilité ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Blanc, alors que le fonds territorial d'accessibilité est doté de 300 millions d'euros pour la période 2023-2027, il est regrettable qu'il n'ait pas complètement correspondu aux attentes, puisque des crédits à hauteur de 1,6 million d'euros seulement ont été engagés à ce jour.
Il existe un important déficit de communication. Ce constat a donc conduit en 2024 à la diffusion d'une circulaire de relance du dispositif. Consécutivement à la tenue du comité interministériel du handicap (CIH) le 6 mars 2025, il a été prévu d'amorcer une refonte du FTA et de renforcer les modalités de communication envers les associations d'élus.
Ainsi, une information sera transmise par l'intermédiaire des préfets pour la mise en place d'un plan d'action. Celui-ci visera à renforcer l'accessibilité des ERP et des établissements du monde associatif en faisant bénéficier de ces financements.
situation des crèches privées et urgence à mettre fin aux dérives constatées
Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel, auteure de la question n° 086, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Colombe Brossel. Monsieur le ministre, ma question porte sur la régulation et le contrôle des crèches tenues par de grands groupes financiarisés, qui parfois se montrent – c'est le moins que l'on puisse dire ! – peu scrupuleux du bien-être tant des enfants qu'ils accueillent que de leurs salariés.
Alors que les manquements et les scandales se sont accumulés ces derniers mois, scandales que Victor Castanet a mis en lumière dans son ouvrage Les Ogres, et que les familles vivent dans un climat d'insécurité lorsqu'elles déposent leurs bébés et tout jeunes enfants à la crèche, nous attendons encore une réaction ferme de la part de l'État et du Gouvernement.
Pourtant, le Sénat – cela aurait pu vous inspirer – s'est saisi de ce sujet, à la suite des diverses révélations, et a publié un rapport d'information accompagné de quinze propositions. Je remercie, à cet égard, mes collègues Émilienne Poumirol et Marion Canalès qui ont travaillé sur ce sujet.
Ma question est simple, monsieur le ministre : comptez-vous reprendre ces propositions à votre compte, par exemple celle qui consiste à donner à la Cour des comptes le pouvoir de contrôler les groupes privés de crèche, comme cela se fait pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux ? Cela permettrait, me semble-t-il, à la fois d'harmoniser les contrôles et de garantir au contribuable que les deniers publics sont utilisés à bon escient, c'est-à-dire avant tout dans l'intérêt des enfants.
Par ailleurs, ne pensez-vous pas qu'il serait souhaitable que les autorités nationales fixent un coût minimal par berceau ? Nous éviterions ainsi que, lors des procédures d'appel d'offres, le coût soit, en l'absence de toute réglementation, norme ou indication nationale, la variable ultime, celle qui impose une décision au détriment d'autres considérations telles que le taux d'encadrement ou la professionnalisation des personnels. En tout cas, monsieur le ministre, il est temps de s'attaquer à ce problème !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Colombe Brossel, la ministre Catherine Vautrin s'est engagée à consulter les élus avant l'été prochain sur le sujet de l'accueil du jeune enfant, notamment dans les crèches, et à proposer des mesures avant la fin de l'année. Elles seront expérimentées durant l'année 2026.
La sécurité des enfants passe naturellement avant toute considération tarifaire. C'est la raison pour laquelle le régime dérogatoire des micro-crèches sera aligné sur celui des autres crèches.
À ce titre, un décret relatif aux autorisations de création, d'extension et de transformation des établissements d'accueil de jeunes enfants et à l'accueil dans les micro-crèches a été publié le 1er avril 2025. En premier lieu, il permet de revoir les normes d'encadrement des micro-crèches : elles seront rapprochées de celles des crèches classiques. En second lieu, des personnes ne pourront rejoindre le secteur de la petite enfance et y travailler que s'ils sont en mesure d'exercer leur profession conformément aux valeurs apprises durant leur formation. Ces dispositions entreront majoritairement en vigueur au 1er septembre 2026, le temps de permettre aux professionnels de se former.
En outre, seront publiés un référentiel qualité, dans les prochaines semaines, et un référentiel compétences, conformément à la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi. Un guide de contrôle sera également adressé à l'ensemble des services de protection maternelle et infantile (PMI) des départements. Je ne manquerai pas de transmettre à Catherine Vautrin votre invitation à prendre connaissance, si ce n'est déjà fait, du rapport sénatorial, pour enrichir ce guide.
absence de conclusion d'une convention d'objectifs et de gestion entre l'état et la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines
Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber, auteur de la question n° 472, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
M. Michaël Weber. Monsieur le ministre, depuis 1996, des conventions d'objectifs et de gestion (COG) sont conclues entre l'État et les organismes de sécurité sociale. Elles permettent notamment, sur une durée de cinq ans, de fixer les objectifs à atteindre et les moyens à mettre en œuvre pour moderniser et améliorer la performance du système de protection sociale.
Or celle qui concerne le régime minier, conclue entre l'État et la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM), a pris fin au 31 décembre 2024. Cette carence est problématique, d'autant qu'à ce jour les tutelles n'ont donné aucune orientation et n'ont engagé aucune discussion pour renouveler la convention. Cela crée une situation anxiogène pour les personnels, inquiets pour leur avenir, les affiliés et les assurés sociaux, pour lesquels l'offre de santé minière est indispensable.
Cela ne crée pas des conditions sereines pour une coopération entre la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) et la CANSSM à l'avenir, alors même que cette dernière joue un rôle important en Moselle en tant qu'offreur de santé. La situation était déjà apparue précaire en 2021, alors que de nombreux élus locaux et nationaux avaient apporté un fort soutien à la consolidation de l'offre de santé Filieris.
L'absence de COG crée une forme de pression pour la CANSSM, laquelle dispose dans les territoires miniers de nombreuses œuvres, établissements sanitaires et médico-sociaux, services de soins à domicile ou établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Le recrutement indispensable de médecins et de personnels médicaux est rendu encore plus problématique, alors même que les anciens bassins miniers sont déjà en position de faiblesse.
Plusieurs fédérations et syndicats ainsi que des membres de la CANSSM vous avaient déjà contacté, sans réponse, il y a de cela plus d'un mois et demi. La mise en place d'une COG serait un véritable levier pour nos territoires et permettrait de conforter pour toutes et tous une offre de soins indispensable. Par conséquent, je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir nous préciser vos intentions sur le sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Weber, vous relayez les interrogations des fédérations représentant les assurés du régime minier. Ces questions portent sur l'absence de convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines depuis le 1er janvier 2025. Cette situation suscite, à juste titre, des inquiétudes sur l'avenir de l'offre de santé et médico-sociale de la caisse des mines, notamment auprès du personnel.
Comme vous l'indiquez, la convention précédente a pris fin le 31 décembre 2024. Les services du ministère du travail ont précisé au conseil d'administration de la caisse des mines qu'une nouvelle convention serait négociée. Des discussions sont donc en cours. Il n'est pas inhabituel qu'elles ne soient pas finalisées. Cela n'engage pas la continuité de service pour les prestations et le financement puisque des budgets provisoires pour 2025 ont été accordés, le temps que les négociations aboutissent.
avenir du site de cancérologie du mittan à montbéliard
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin, auteur de la question n° 473, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
M. Jacques Grosperrin. Monsieur le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins, le Premier ministre a annoncé aux médecins, ces jours-ci, la mise en place d'un pacte de solidarité qui prendrait la forme d'une obligation de consultation d'un ou deux jours par mois dans les zones sous-dotées. Il s'agit donc de garantir aux Français une offre de soins de proximité, au plus près de leurs besoins.
Mais, dans le même temps, le 28 mars 2025, était remis un rapport commandé par l'ancien ministre de la santé dans lequel le regroupement en un seul lieu des activités de cancérologie du nord de la Franche-Comté est présenté comme impératif : est ainsi recommandé le transfert des activités d'oncologie du site du Mittan, à Montbéliard, dans le département du Doubs, vers l'hôpital Nord Franche-Comté, situé dans le Territoire de Belfort.
Le montant de ce transfert, hors mobilier et équipements médicaux, est de l'ordre de 35 millions d'euros. Or il peut être de nature à dégrader la qualité et la sécurité des soins.
Dans un contexte où les instruments et les investissements du Ségur de la santé sont en train d'être revus à la baisse, pourquoi ne pas conserver ce site du Mittan, dans le Doubs, dont les conditions d'accueil et l'humanité ont été saluées par la Ligue contre le cancer ainsi que par 14 000 pétitionnaires ?
Pourquoi arrêter ce qui fonctionne en France ? Je précise, du reste, que ce site a bénéficié d'importants investissements d'extension et de modernisation, comme le soulignent le président de Pays de Montbéliard Agglomération et la maire de Montbéliard.
Tous deux souhaitent vous rencontrer pour vous expliquer plus longuement que je ne puis le faire dans le cadre de cette question orale les enjeux qui sont ceux de l'activité de cancérologie dans cette région.
En attendant, monsieur le ministre, je souhaite savoir quelle suite vous comptez donner à ce projet.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Grosperrin, je vous remercie de votre question, qui est bien légitime, sur l'offre de soins, et notamment l'offre de cancérologie, dans l'agglomération du Pays de Montbéliard.
Je veux vous rassurer d'emblée en précisant qu'aucune décision n'est prise. Vous connaissez bien mieux que moi la situation du site du Mittan et la façon dont se pose la question du transfert de son service d'oncologie, qui est jugé vétuste.
Je souhaite vous recevoir, ainsi que les parlementaires du Territoire de Belfort, afin que nous évoquions ce sujet. Une réunion de concertation a eu lieu le 23 mars dernier entre toutes les parties prenantes, élus, soignants, représentants des patients, et un comité de pilotage se tiendra à Besançon le 16 juin prochain.
Dans l'intervalle, je reste pleinement à votre écoute : mon souhait est que les actions soient territorialisées. Le retour d'expérience des élus locaux et des communautés professionnelles de soignants m'importe donc tout particulièrement, l'objectif étant – tel est le sens des annonces que j'ai faites avec le Premier ministre vendredi dernier – de rapprocher l'offre de soins en la plaçant au plus près des patients.
Les décisions ne sont pas prises, les concertations se poursuivent, et je vous invite vraiment à me solliciter, monsieur le sénateur, en vue d'une rencontre avec les parlementaires du Territoire de Belfort. J'ai même prévu de me rendre sur place pour étudier ce sujet précis : je suis à votre disposition.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour la réplique.
M. Jacques Grosperrin. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour l'esprit de grande ouverture dont témoigne votre réponse.
C'est surtout l'agglomération de Montbéliard qui est concernée : le Territoire de Belfort, c'est là où se trouve l'hôpital Nord Franche-Comté, qui est situé à vingt kilomètres et à près d'une heure de transport de Montbéliard. On ne peut pas vraiment parler de proximité…
Je m'apprête à vous remettre une lettre par laquelle Mme la maire de Montbéliard et M. le président de Pays de Montbéliard Agglomération demandent à vous rencontrer très bientôt.
objectif de réduction de la pauvreté
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, auteur de la question n° 478, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
M. Guy Benarroche. Ma question porte sur l'objectif de réduction de la pauvreté.
L'article L. 115-4-1 du code de l'action sociale et des familles introduit par la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion établit l'obligation pour le Gouvernement de définir un objectif quantifié de réduction de la pauvreté et de rendre compte chaque année au Parlement des conditions de réalisation de cet objectif et des mesures et moyens financiers mis en œuvre pour y satisfaire.
Le premier objectif, adopté en 2008 pour la période de cinq ans qui s'ouvrait, était de ramener de 7,8 millions à 5,2 millions le nombre de personnes en situation de pauvreté dans le pays. Or 9,1 millions de personnes se trouvaient en situation de pauvreté en 2022, d'après les dernières statistiques de l'Insee.
Depuis 2011, l'État ne s'est donné aucun objectif de réduction de la pauvreté et il n'a pas rendu compte au Parlement de son action. Sans objectif clairement défini et connu de l'ensemble des acteurs, publics comme privés, la France ne parviendra pas à suivre ni à évaluer l'efficacité des dispositifs existants en matière de lutte contre la pauvreté ; elle ne pourra donc, en tant que de besoin, les compléter.
Au regard de ces éléments, je souhaite savoir si le Gouvernement va – enfin – fixer un objectif de réduction de la pauvreté et à quelle date le rapport annuel prévu sera – enfin –remis au Parlement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Benarroche, je vous remercie de votre question. Vous m'interrogez sur le plan de réduction de la pauvreté en France et sur la définition d'un objectif chiffré.
La lutte contre la pauvreté fait l'objet d'un pilotage de la part du Gouvernement. En 2018, une première stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté avait été présentée. En 2023, un pacte des solidarités a commencé d'être mis en œuvre, traduisant en quatre axes l'engagement de l'État en la matière.
La ministre Catherine Vautrin a demandé un bilan d'étape du pacte des solidarités, qui doit être déployé jusqu'en 2027 autour d'un certain nombre d'objectifs.
Je redonne quelques chiffres : 14,4 % des Français vivent sous le seuil de pauvreté, proportion globalement stable depuis vingt ans. Ce taux ne s'est pas dégradé malgré la crise sanitaire et les tensions géopolitiques actuelles. Cependant, vous avez raison, la situation reste particulièrement préoccupante : derrière ce pourcentage, ce sont des millions de Français qui se trouvent en difficulté.
Il faut évidemment mesurer si la mise en œuvre des axes du pacte des solidarités a produit des effets. La ministre Catherine Vautrin indique qu'elle réunira d'ici à l'été les différents réseaux associatifs de lutte contre la pauvreté pour faire un bilan commun du déploiement du pacte et identifier les priorités essentielles. Je vous donne donc rendez-vous avant l'été.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour la réplique.
M. Guy Benarroche. Peut-être la ministre présentera-t-elle enfin, lors de cette réunion, le rapport auquel j'ai fait référence, dont la remise est en principe une obligation annuelle.
En ce qui nous concerne, nous avons pris l'initiative en faisant un certain nombre de propositions législatives. Ainsi de la résolution visant à mettre fin au sans-abrisme des enfants – je rappelle par exemple que, selon le baromètre des enfants à la rue publié par la Fédération des acteurs de la solidarité et l'Unicef France, 2 043 enfants sont restés sans solution d'hébergement dans la nuit du 19 août 2024 malgré la demande de leur famille au 115.
Je citerai également la proposition de loi instaurant un revenu minimum garanti, sachant qu'en France, en 2018, 9,3 millions de personnes disposaient de revenus inférieurs au seuil de pauvreté, ainsi que la proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l'instauration d'une allocation autonomie universelle d'études, rejetée par le Sénat : 22,6 % des moins de 30 ans vivant sous le seuil de pauvreté dans le Grand Lyon, la métropole expérimente un « revenu solidarité jeunes ».
Voilà quelques exemples de mesures qui pourraient être prises.
pérennisation des haltes soins addictions de paris et strasbourg
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, auteur de la question n° 483, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
M. Rémi Féraud. Monsieur le ministre, c'est cette année que le Gouvernement et le Parlement doivent se prononcer sur la pérennisation des haltes soins addictions (HSA) de Paris et Strasbourg, lieux où les consommateurs de drogues en situation précaire peuvent consommer dans de bonnes conditions sanitaires et sous la supervision de professionnels, par dérogation à la loi du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie.
Nommés, à leur ouverture, « salles de consommation à moindre risque », ces outils de réduction des risques sont encore très souvent qualifiés de « salles de shoot » dans le débat médiatique. Mais cette expression, qui est à l'origine de nombreuses idées reçues, fait totalement l'impasse sur la dimension sanitaire et sociale de la réduction des risques.
Tous les rapports récents ont en effet été très positifs sur l'expérimentation conduite à Paris et à Strasbourg depuis 2016.
L'institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a estimé que ces dispositifs « constituent une intervention de santé et de tranquillité publique efficiente ». La mission flash menée par deux députés de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a révélé leur utilité dans la prise en charge des usagers de drogues précarisés.
L'inspection générale de l'administration (IGA) et l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), dans un rapport fait à la demande du Gouvernement et remis au mois d'octobre 2024, estiment même que « la fermeture des deux haltes soins addictions dégraderait la tranquillité publique, mettrait en danger des usagers en situation précaire et mobiliserait des forces de police inutilement pour gérer les consommations rendues à l'espace public ».
Monsieur le ministre, le temps passe ! Alors que la fin de l'expérimentation approche, le Parlement attend toujours que le rapport d'évaluation de ces structures lui soit remis par le Gouvernement.
L'inquiétude grandit donc quant au cadre juridique qui doit permettre aux salles de Paris et de Strasbourg de poursuivre leur activité après la fin de l'année 2025, sans même parler de la possible et nécessaire ouverture d'autres salles du même type.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour permettre la pérennisation de l'activité des haltes soins addictions ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Féraud, votre question porte sur le dispositif des haltes soins addictions, les HSA, qui s'inscrit dans l'objectif de réduction des risques d'infection et de surdose mortelle : il vise à faciliter l'accès au parcours de soins, mais également à répondre aux problématiques de tranquillité publique causées par l'usage de telles substances dans l'espace public.
Il s'agit donc d'un dispositif sanitaire, qui constitue un élément de réponse aux problèmes complexes que pose l'usage de ces substances. Il est complémentaire aux autres prises en charge, qui relèvent du secteur médico-social spécialisé, à l'hôpital ou en ville, et s'adresse particulièrement aux usagers les plus éloignés du soin.
Vous l'avez rappelé, il s'agit d'un dispositif expérimental institué par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, initialement mis en œuvre pour une durée de six ans. L'expérimentation relative aux deux HSA existantes, celle de Paris et celle de Strasbourg, a fait l'objet, en 2022, d'une prolongation jusqu'au 31 décembre 2025.
En complément du rapport de l'Igas et de l'IGA, que vous citiez, une évaluation scientifique indépendante portant sur la deuxième phase de l'expérimentation sera prochainement rendue. Celle-ci portera notamment sur l'impact des HSA sur la tranquillité publique et sur le parcours de soins des usagers. Elle nourrira le rapport qui doit être remis au Parlement dans les six mois précédant la fin de l'expérimentation, c'est-à-dire au mois de juin 2025. Ce rapport permettra à la représentation nationale, à l'issue de la période d'expérimentation, de déterminer le devenir des HSA sur la base de données scientifiques solides.
La position du Gouvernement sur le sujet n'est donc pas arrêtée à ce jour : nous attendons les conclusions des experts indépendants et des inspections pour prendre les mesures attendues, qui seront fondées sur des éléments objectifs. Je vous donne donc rendez-vous, monsieur le sénateur, au mois de juin !
situation du secteur médical et avancement du projet de centre hospitalier universitaire en guyane
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 489, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
M. Georges Patient. La santé, en Guyane, est dans un état d'urgence absolue. Le centre hospitalier universitaire (CHU) est en train de naître, mais ce processus se fait dans des conditions extrêmement difficiles, au forceps…
Le centre hospitalier régional, qui le préfigure, est dans une situation inquiétante : à cette date, point de directeur général désigné et une situation financière préoccupante – déficitaire –, donc une capacité de financement inexistante.
Or certains bâtiments de l'hôpital de Cayenne sont d'ores et déjà dans un état de délabrement très avancé. Il faut donc absolument engager dès maintenant un plan de reconstruction, sans attendre la catastrophe qui, à défaut, ne manquera pas de se produire, en raison de la hausse de l'activité liée à la croissance démographique du département.
Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes et urgentes le Gouvernement entend-il prendre pour garantir à ce CHU un financement qui soit à la hauteur des enjeux et une gestion adaptée au contexte de la Guyane ?
Qu'en est-il de la formation de cadres hospitaliers guyanais, et tout particulièrement de la nomination de directeurs d'hôpital en Guyane ?
Quant aux médecins libéraux de Guyane, leur nombre diminue chaque année de manière alarmante. Nous risquons de nous retrouver dans la même situation qu'à Mayotte, où il ne reste plus que sept médecins libéraux.
Pour éviter que notre territoire ne suive cette trajectoire inquiétante, il est impératif de prendre deux mesures.
La première consiste à rendre le régime de la zone franche d'activité nouvelle génération (Zfang) réellement applicable en Guyane, afin de garantir un soutien concret aux praticiens.
La seconde consiste à maintenir en activité les médecins de plus de 67 ans, afin de pallier la pénurie croissante.
Des décisions urgentes s'imposent donc, monsieur le ministre, s'agissant de mettre en œuvre de telles mesures spécifiquement adaptées à la Guyane et ainsi de garantir une couverture médicale suffisante et durable pour notre population.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Je vous remercie, monsieur le sénateur Patient, de cette question, qui témoigne de votre inquiétude concernant le CHU de Guyane.
La transformation du groupement de coopération sanitaire en centre hospitalier universitaire est en cours. Le Comité national de l'organisation sanitaire et sociale a rendu un avis favorable à sa labellisation en tant que centre hospitalier régional le 25 mars 2025. Cette étape est indispensable et fondamentale pour structurer l'offre de soins en Guyane.
Je rappelle que le soutien financier de l'État à ce projet de CHU est important : 108,8 millions d'euros ont été investis. Ces fonds ont permis le financement d'opérations majeures, telles que la construction d'un nouveau bâtiment dédié aux consultations externes et de nouvelles unités d'hospitalisation. Une enveloppe spécifique de 34 millions d'euros par an est par ailleurs allouée au fonctionnement des hôpitaux et centres de santé de proximité des communes de l'intérieur.
Concernant le recrutement du directeur général, il s'agit naturellement d'une priorité : la procédure suit son cours et des candidats sont auditionnés.
Concernant l'amélioration de l'offre de soins, l'État soutient le développement de nouvelles activités médicales de pointe en Guyane ; ainsi la réanimation pédiatrique et la neurochirurgie sont-elles déjà autorisées et en attente de déploiement à très court terme. Par ailleurs, la Guyane bénéficiera de ses propres quotas pour ce qui est du personnel hospitalo-universitaire, mesure indispensable notamment du point de vue de la formation.
L'idée est de pouvoir former – mieux former – sur site davantage de professionnels de santé, médicaux et paramédicaux, et ainsi d'améliorer la prise en charge des patients ; d'où l'intérêt d'accroître le nombre de postes hospitalo-universitaires et de créer des conditions favorables d'attractivité.
J'espère pouvoir me rendre prochainement en Guyane pour vivre la naissance de ce CHU ; mon souhait est que toutes les conditions soient réunies pour y garantir une offre de soins adaptée.
réapparition du mouvement « pro-ana » vingt ans après avec le défi « skinnytok »
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, auteure de la question n° 490, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
Mme Valérie Boyer. Monsieur le ministre, vingt ans après l'émergence du mouvement « pro-ana », l'anorexie comme mode de vie fait son retour via les réseaux sociaux, avec le hashtag #SkinnyTok.
Cette tendance met en scène, sur le réseau social TikTok, de jeunes influenceuses incitant les adolescents à perdre du poids jusqu'à atteindre une maigreur extrême mettant en péril leur vie.
Si le nom a changé, le discours reste le même : ce mouvement n'a en effet rien inventé et ne fait que reprendre et adapter aux jeunes femmes d'aujourd'hui les discours mortifères du mouvement « pro-ana » de leurs aînées.
D'abord utilisé par les internautes pour partager leurs souffrances et se soutenir dans leur combat pour la guérison, ce mouvement avait rapidement muté vers une véritable promotion de l'anorexie. Sur les vidéos publiées sur TikTok, des jeunes femmes extrêmement minces, voire très maigres, livrent leurs « astuces » pour maigrir, notamment en arrêtant de s'alimenter, assorties de commentaires du type : « tu n'es pas moche, tu es juste grosse ».
Rappelons-le, l'anorexie mentale est la plus létale des pathologies psychiatriques. D'ailleurs, si elle ne concernait historiquement que 0,5 % à 1 % de la population française, très majoritairement des femmes, la prévalence de la maladie semble avoir quadruplé depuis la période du covid. Chez les femmes, très majoritaires parmi les anorexiques, les médecins observaient auparavant un premier pic vers 15-16 ans et un autre autour de 19-20 ans. Mais les professionnels de santé accueillent de plus en plus de jeunes filles âgées de 10 à 14 ans, c'est-à-dire des collégiennes, à peine sorties de l'enfance.
Vous le savez, dès 2008, alors députée, j'avais déposé une proposition de loi visant à combattre l'incitation à l'anorexie et publié un rapport sur les troubles du comportement alimentaire. Cette initiative avait notamment donné lieu à l'ouverture, dans le code de la santé publique, d'un livre consacré aux troubles du comportement alimentaire. J'avais également déposé une proposition de loi relative aux photographies d'images corporelles retouchées, texte qui, certes dévoyé, a néanmoins pu prospérer.
Cette tendance peut créer chez les personnes concernées des troubles du comportement alimentaire et exposer les jeunes à un risque médical et psychologique majeur ; les conséquences, le cas échéant, se font sentir toute la vie.
Monsieur le ministre, face à la résurgence de ce phénomène, qu'envisagez-vous pour protéger les jeunes ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Boyer, c'est un peu grâce à vous que j'ai découvert le phénomène « SkinnyTok » tel qu'il prospère sur les réseaux sociaux. C'est avec beaucoup d'effroi que j'en ai pris connaissance, comme ministre, comme professionnel de santé, mais aussi comme père d'une jeune fille de 15 ans. Je suis bien conscient des dégâts extrêmement importants que les réseaux sociaux provoquent chez nos jeunes.
Depuis la publication du rapport Enfants et écrans, en avril 2024, le Gouvernement agit pour protéger les enfants des effets délétères d'une surexposition aux écrans, affectant leur santé, leur socialisation, leur sommeil, leur estime de soi et, globalement, leur état de santé.
Pour ce qui concerne spécifiquement le phénomène « SkinnyTok », mon ministère a été sollicité par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Si la causalité directe avec les troubles des conduites alimentaires n'est pas scientifiquement établie, le lien entre usage excessif des réseaux sociaux et dégradation de la santé mentale des adolescents, et particulièrement des jeunes filles, est clairement avéré.
Il y a une dizaine de jours, vous le savez, j'ai lancé un grand plan de lutte contre l'obscurantisme en santé, qui vise notamment la désinformation médicale. Je considère que les informations diffusées dans le cadre du mouvement « SkinnyTok » relèvent de cette catégorie.
Nous allons créer un observatoire pour pouvoir dénoncer efficacement ladite désinformation à l'échelle nationale. Dans cette entreprise, la communauté scientifique pèsera de tout son poids : l'institut Curie, l'institut Pasteur, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et la Haute Autorité de santé (HAS) vont s'associer pour organiser des diffusions massives sur ces sujets.
Nous allons également solliciter les différentes plateformes numériques : nous serons le premier pays européen à mettre en œuvre les obligations inscrites dans le Digital Services Act (DSA), le règlement européen sur les services numériques, qui sont pleinement applicables depuis 2024. Ainsi pourra-t-il désormais être fait mention, dans le respect de la liberté de la presse, des mauvaises pratiques des plateformes numériques et de leurs effets sur la santé de nos enfants.
J'ai lancé il y a une dizaine de jours, disais-je, un plan de lutte contre l'obscurantisme, et je souhaite bel et bien y inclure le phénomène sur lequel vous m'interrogez, qui est extrêmement effrayant du point de vue de la santé de nos enfants.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour la réplique.
Mme Valérie Boyer. Je vous remercie, monsieur le ministre : toutes ces mesures sont d'autant plus importantes que les jeunes s'informent aujourd'hui essentiellement sur TikTok, dont l'influence est très grande. Or la maladie dont je vous parle peut aller jusqu'à la mort.
Cela dit, il faut peut-être aller plus loin et associer l'ensemble des médias à la lutte contre ces critères de « beauté » qui nuisent énormément à la santé mentale des jeunes et des moins jeunes.
intégration des digues domaniales dans l'actif des collectivités
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, auteur de la question n° 414, adressée à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre chargée du logement, vous n'êtes pas sans savoir que, dans le cadre de l'exercice de la compétence dite Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations), le transfert de la gestion des digues domaniales entraîne l'inscription de ces ouvrages à l'actif des collectivités concernées, communes ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Voilà qui pose un énorme problème comptable, car certaines de ces digues ont une valeur qui peut s'élever à plusieurs dizaines de millions d'euros. Quid, dès lors, de l'amortissement de ces biens qui doivent être inscrits, je l'ai dit, à l'actif des collectivités ?
Nous comprenons parfaitement la logique qui préside à une telle inscription comptable : il s'agit d'assurer l'entretien dans le temps de ces ouvrages. Cependant, l'écriture annuelle de l'amortissement risque de déséquilibrer complètement la comptabilité des collectivités concernées.
J'appelle donc l'attention du Gouvernement sur ce problème majeur, qui doit nous alerter et auquel il faut trouver une solution.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement. Madame la sénatrice Nadia Sollogoub, permettez-moi d'excuser mon collègue François Rebsamen ; je vais vous livrer la réponse qu'il a préparée à votre attention.
Le principe de la mise à disposition à titre gratuit de digues domaniales à la commune ou à l'EPCI compétent en matière de défense contre les inondations et contre la mer est effectif depuis janvier 2024.
Si la mise à disposition des digues domaniales aux collectivités implique pour ces dernières les droits et obligations rattachés à la gestion de ces ouvrages, notamment en matière d'entretien et d'investissement, elles n'ont pas l'obligation d'amortir les dépenses d'investissement qu'elles leur consacrent.
En effet, le périmètre d'amortissement obligatoire applicable aux collectivités du bloc communal, à l'exception des métropoles, est précisé par le code général des collectivités territoriales : il n'inclut pas les digues. Pour ce qui est des métropoles, je précise qu'elles disposent de la faculté de neutraliser cette opération d'amortissement pour annuler les effets de la dépense afférente sur le plan budgétaire, comme cela est prévu par l'article D. 5217-21 du code général des collectivités territoriales.
De manière plus générale, l'avis du Conseil de normalisation des comptes publics n'a pas de valeur normative, mais contient des préconisations en matière de gestion. En l'occurrence, ce sont les dispositions de droit commun, et donc l'absence d'obligation d'amortissement, qui continuent de s'appliquer aux collectivités exerçant notamment la compétence Gemapi.
Ainsi, comme vous pouvez le constater, madame la sénatrice, les dispositions en vigueur permettent aux collectivités de s'adapter aux enjeux comptables du transfert de la gestion des digues.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.
Mme Nadia Sollogoub. Je vous remercie beaucoup, madame la ministre : je pousse un ouf de soulagement.
Reste qu'il faudrait clarifier les choses. Je vous renvoie à un tout récent communiqué de presse de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, daté du mois d'avril 2025 : « Le transfert de la gestion des digues domaniales aux intercommunalités illustre bien cette situation que l'AMF dénonce. » L'État n'avait pas procédé à l'amortissement dont il est question ; après vous avoir entendu, je comprends mieux pourquoi. « Un an après ce transfert, conclut l'AMF, les collectivités concernées rencontrent toujours autant de difficultés de gestion ».
Elles se retrouvent dans un flou assez important concernant en particulier l'inscription des digues domaniales à leur actif et l'obligation d'amortissement. Il semblerait que la réponse à cette question ne soit pas claire pour tout le monde : il convient que le Gouvernement adopte en la matière une doctrine claire, susceptible de rassurer les communes et de ne pas mettre en péril leur comptabilité.
applicabilité des règles relatives à l'emprise au sol dans les documents d'urbanisme
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Dumont, auteure de la question n° 416, adressée à Mme la ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement.
Mme Françoise Dumont. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur l'applicabilité des règles relatives à l'emprise au sol des bâtiments et constructions dans les plans locaux d'urbanisme (PLU).
En effet, au mois de mars 2020, le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a publié un « guide sur les dispositions opposables du PLU », tenant compte des effets conjugués de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové et de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, qui mentionne à plusieurs reprises la proposition consistant à faire appel, dans le règlement d'un document d'urbanisme, à des dispositions encadrant « l'emprise au sol des bâtiments ».
Depuis le dépôt, au mois de septembre 2024, de ma question écrite, devenue question orale, seul le tableau comportant les destinations des constructions et leurs surfaces, figurant à l'article 4.4 du formulaire Cerfa, a été corrigé : il intègre bien désormais la notion d'« emprise au sol ».
Mais il semble que le code de l'urbanisme ne permette toujours pas d'exiger d'un pétitionnaire qu'il précise, dans son projet architectural, l'emprise au sol des constructions à réaliser.
La notion inscrite à l'article R* 431-5 est celle de « surface de plancher des constructions projetées », et non celle d'emprise au sol.
En conséquence, et au regard de la prise en compte de coefficients d'emprise au sol dans le règlement d'un plan d'urbanisme, l'application de telles règles pourrait créer une instabilité juridique au stade de l'instruction des demandes de permis de construire.
Aussi, madame la ministre, pourriez-vous nous dire quelles mesures le Gouvernement entend mettre en place pour préciser le guide sur les dispositions opposables du PLU, et la notion d' « emprise au sol des bâtiments » qui y figure, afin de l'accorder avec les lois d'urbanisme en vigueur sur ce sujet ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement. Madame la sénatrice Françoise Dumont, vous attirez mon attention sur la vérification de la bonne application des règles des plans locaux d'urbanisme encadrant l'emprise au sol des constructions et installations.
L'emprise au sol désigne la projection verticale du volume d'une construction, tous débords et surplombs inclus. La notion d'emprise au sol complète celle de surface de plancher s'agissant de déterminer à quelle autorisation d'urbanisme les constructions projetées sont soumises.
Comme vous l'indiquez, dans le cadre de l'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme, la mention de l'emprise au sol est nécessaire pour vérifier la conformité du projet aux règles du PLU. En effet, le règlement du PLU peut fixer pour les constructions des emprises au sol maximale et minimale par rapport à la surface de l'unité foncière. La règle d'emprise au sol se traduit par la fixation d'un pourcentage d'occupation de la superficie totale du terrain : le coefficient d'emprise au sol. Par ailleurs, le règlement délimite, dans les documents graphiques, les secteurs dans lesquels il impose ces règles.
L'emprise au sol des constructions projetées ne fait pas actuellement partie des informations qui doivent obligatoirement être renseignées par les pétitionnaires lors des demandes d'autorisation d'urbanisme. Aussi, afin de faciliter l'instruction de ces demandes, le Gouvernement va prochainement ajouter l'emprise au sol dans les mentions obligatoires à indiquer dans le dossier de demande d'autorisation d'urbanisme pour un projet de construction nouvelle ou de travaux sur construction existante.
Il va le faire par voie réglementaire dans les semaines qui viennent.
nuisances sonores générées par la gare de triage à drancy
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, auteur de la question n° 461, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.
M. Vincent Capo-Canellas. Madame la ministre, je souhaite alerter le Gouvernement sur une préoccupation que je partage, dans mon département, avec Mme le maire de Drancy, Aude Lagarde, s'agissant des nuisances sonores, relativement intenses, générées par la gare de triage de la ville, qui s'étend d'ailleurs sur la commune voisine du Bourget.
Je précise que cette gare de triage est l'une des plus importantes de France, et que les nuisances sont provoquées par le freinage des trains et les manœuvres des wagons.
Selon les études d'Airparif, ces nuisances atteignent des niveaux sonores élevés, qui rendent la situation difficile pour les riverains. Elles impactent fortement la qualité de vie des habitants et nuisent à leur santé. Ce grincement incessant a des conséquences sur le sommeil et crée stress et anxiété chronique.
La gare est située dans un tissu urbain dense, où résident majoritairement des populations qui n'ont souvent pas les moyens de déménager. Ce secteur a d'ailleurs été inscrit en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) lors de la révision de la carte des QPV en 2023, bien qu'il ait une dimension pavillonnaire importante.
Pour remédier à cette situation, la ville de Drancy propose la mise en place d'un dispositif innovant, qui a déjà été développé en Slovénie, capable de réduire de 90 % le bruit de crissement du freinage par le freinage gravitationnel des wagons. Ce système, qui consiste à injecter de l'huile sur les rouages avant le freinage, permettrait d'atténuer quasiment toutes les nuisances sur le site.
Son coût est estimé à 6 millions d'euros pour l'ensemble des six trains de freinage, somme à mettre évidemment en regard des bénéfices, considérables, pour les foyers concernés.
Madame la ministre, je souhaite savoir si le Gouvernement envisage, en lien avec SNCF Réseau, de mener une étude sur cette solution technique innovante.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement. Monsieur le sénateur Vincent Capo-Canellas, le triage du Bourget-Drancy est une infrastructure particulièrement importante pour les services de wagons isolés du transport ferroviaire de marchandises.
La technologie des freins de voie utilisés sur le triage peut, en effet, rendre son activité bruyante.
Plusieurs solutions de réduction du bruit ont été étudiées pour ce site. Comme vous l'avez dit, la solution la plus efficace sur le plan acoustique consiste en l'injection d'un produit sur les roues en amont du freinage des wagons.
Il a été décidé de poursuivre sur une durée de cinq ans une expérimentation menée par SNCF Réseau en 2017 et de l'élargir, en équipant l'ensemble des freins de voie du site avec ce système.
Cette opération est en cours de mise en œuvre par SNCF Réseau et a reçu un financement dans le cadre du plan de relance 2021-2024. L'État participe, en effet, aux côtés de la région Île-de-France et de la métropole du Grand Paris, à hauteur de 50 % de la partie investissement et de 100 % de la phase de maintien en condition opérationnelle du système pendant la période de cinq ans, ce qui représente une participation globale de l'État estimée à 4,35 millions d'euros.
Je vous confirme donc la volonté de l'État d'aboutir à la mise en place de cet équipement et son engagement financier sur le sujet. SNCF Réseau dispose des moyens permettant de finaliser sa mise en œuvre.
possibilité d'affiliation d'un groupement de coopération sociale et médico-sociale aux centres départementaux de gestion de la fonction publique territoriale
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, auteur de la question n° 463, adressée à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. Max Brisson. Madame la ministre, l'article 2 du décret n° 85-643 du 26 juin 1985, relatif aux centres de gestion, expose clairement les modalités d'affiliation à un centre départemental de gestion pour les établissements publics administratifs communaux, intercommunaux et départementaux.
Ainsi, l'affiliation est obligatoire pour les établissements publics administratifs communaux et intercommunaux qui ont leur siège dans le département et qui emploient moins de 350 fonctionnaires à temps complet. L'affiliation est volontaire pour les établissements publics communaux et intercommunaux qui emploient plus de 350 fonctionnaires, les établissements publics départementaux et interdépartementaux et les syndicats mixtes.
Cependant, un flou existe, pour l'heure, quant à la possibilité d'affiliation des groupements de coopération sociale ou médico-sociale (GCS-MS).
Ces derniers, régis par le code de l'action sociale et des familles, ont pour mission de favoriser la coordination, la coopération, la complémentarité et le partenariat des acteurs du secteur médico-social et social. Or leur nature juridique étant déterminée selon les membres qui le constituent, ils peuvent être soit une personne morale de droit privé s'ils sont constitués exclusivement par des personnes de droit privé, soit une personne morale de droit public s'ils sont constitués exclusivement par des personnes de droit public, ou par des personnes de droit public et des personnes physiques ou morales exerçant une profession de santé. Le cas échéant, le groupement est habilité à recruter directement des agents contractuels de droit public, sans avoir toutefois le droit de recruter des fonctionnaires en son nom.
Aussi, madame la ministre, la question que je souhaite vous poser, et qui est portée par de nombreux centres de gestion, est simple : un GCS-MS de droit public peut-il être affilié à un centre de gestion pour les agents contractuels qu'il est habilité à recruter ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement. Monsieur le sénateur Max Brisson, je vais vous présenter les éléments qui m'ont été remis par mon collègue François Rebsamen pour répondre précisément à votre question.
Vous interrogez son ministère sur la possibilité pour un groupement de coopération sociale ou médico-sociale de s'affilier à un centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale.
La liste des structures qui doivent ou peuvent s'affilier aux centres de gestion de la fonction publique territoriale est définie par le décret n° 85-643 du 26 juin 1985.
Les groupements de coopération sociale ou médico-sociale n'entrent dans aucune catégorie permettant d'adhérer à un centre de gestion de la fonction publique territoriale. Dans ces conditions, dans l'hypothèse où un GCS-MS recruterait directement des agents contractuels de droit public, il devrait en assurer lui-même la gestion.
Quant aux fonctionnaires territoriaux ou agents territoriaux non titulaires exerçant dans un GCS-MS, ils relèvent d'une mise à disposition auprès de ce dernier. À ce titre, ils demeurent en position d'activité auprès de leur collectivité ou établissement d'origine. Si cet employeur est adhérent d'un centre de gestion de la fonction publique territoriale, ces agents seront bien gérés par le centre de gestion.
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. Madame la ministre, vous avez parfaitement rappelé l'état du droit.
Comme je l'ai indiqué, il y a un manque, un flou. S'il ne concerne que quelques personnes dans quelques centres départementaux de gestion, le sujet mérite que le dialogue soit poursuivi avec le Gouvernement.
calcul d'une quote-part pour le règlement de travaux effectués par deux communes au prorata du nombre de leurs habitants ou de leurs richesses respectives
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, auteur de la question n° 464, adressée à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. Jean-Marie Mizzon. Madame la ministre, la vie dans nos villages réserve parfois bien des surprises.
C'est ainsi qu'en Moselle, de façon fortuite, deux communes, Kédange-sur-Canner – 1097 habitants – et Hombourg-Budange – 559 habitants –, qui l'ignoraient totalement jusqu'à très récemment, ont concomitamment appris qu'elles étaient toutes deux copropriétaires d'une seule et même église.
Jusqu'ici, les différents travaux, d'entretien ou de réfection engagés sur le bâtiment ont toujours été intégralement pris en charge par la commune de Kédange-sur-Canner, puisqu'elle s'en croyait seule propriétaire. Or la découverte de cette copropriété, survenue incidemment – à la faveur d'une consultation du cadastre –, vient de la conduire à demander à sa voisine une participation financière à ces travaux, à la définition desquels cette dernière n'a jamais été associée, à hauteur de la moitié du coût total, montant que Hombourg-Budange trouve trop élevé au regard de sa taille et quelque peu inéquitable. Kédange-sur-Canner, qui a engagé seule les travaux, a, en effet, un nombre d'habitants sensiblement supérieur à celui de sa voisine et dispose, par conséquent, de ressources plus importantes.
Aussi, madame la ministre, dans quelle mesure serait-il possible, que la quote-part de Kédange-sur-Canner et de Hombourg-Budange soit calculée au prorata du nombre des habitants respectifs de chacune des deux communes ou selon d'autres critères, tels que leur richesse respective ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement. Monsieur le sénateur Jean-Marie Mizzon, la situation que vous évoquez est singulière et pose la question de la répartition entre communes copropriétaires d'un édifice religieux des opérations de restauration et de réfection de ce dernier.
La répartition entre deux communes du financement de travaux de ce type sur un édifice dont elles partagent la propriété relève de leur choix et des délibérations et conventions qu'elles viendraient à adopter.
Ainsi, les collectivités concernées peuvent passer une convention de gré à gré pour déterminer la répartition ou une clé de répartition pour partager les frais engagés. Plusieurs critères ou indicateurs peuvent être mobilisés, comme la population, le potentiel fiscal ou financier des communes, ou encore la charge contributive de chaque collectivité dans l'opération concernée.
Toutefois, je tiens à souligner que ce choix relève de la libre administration des collectivités, qui peuvent évidemment être appuyées par les services déconcentrés de l'État.
Par ailleurs, les travaux sur les édifices non protégés au titre des monuments historiques, notamment les édifices du culte appartenant aux communes, sont éligibles à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou à la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), dans les conditions prévues respectivement aux articles L. 2334-32 et suivants et L. 2334-42 du code général des collectivités territoriales.
En clair, si les services de l'État peuvent accompagner la discussion entre les collectivités, la décision relève de leur responsabilité.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. Jean-Marie Mizzon. Merci, madame la ministre, pour la clarté de votre réponse.
Je sais pouvoir compter sur la sagesse des deux maires concernés pour trouver la solution la plus appropriée, mais force est de reconnaître qu'il est plus simple de respecter des critères fixés par la loi ! En effet, les élus ont parfois du mal à se mettre d'accord, et il est alors difficile de trouver des critères qui satisfont les deux parties.
desserte tgv du saint-quentinois
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, auteur de la question n° 453, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.
Mme Pascale Gruny. Madame la ministre, les habitants du Saint-Quentinois constatent, depuis 2024, une nette dégradation de l'offre TGV.
La nouvelle grille horaire mise en place le 15 décembre dernier par SNCF Voyageurs suscite colère et incompréhension à la gare TGV Haute-Picardie, gare TGV la plus proche de Saint-Quentin. En quatorze ans, le nombre de trains s'arrêtant dans cette gare a diminué de plus de 50 %, avec 22 arrêts quotidiens en 2011, contre 12 aujourd'hui.
À cette baisse s'ajoute une incohérence croissante de l'offre. Ainsi, de nombreuses liaisons vers des villes importantes, comme Marseille, Nantes ou Rennes, ne sont accessibles en trajet aller direct que dans un sens, le retour ne pouvant se faire que par correspondance.
La situation va encore s'aggraver en 2027, avec l'arrivée du TGV à Amiens, qui pourrait vider la gare TGV Haute-Picardie des voyageurs de l'ouest de la Somme.
Les habitants de Saint-Quentin auraient aimé pouvoir se consoler avec l'annonce récente du rétablissement de la liaison ferroviaire Paris-Saint-Quentin-Bruxelles. Malheureusement, le TGV Ouigo ne fera qu'un arrêt par jour à Saint-Quentin, seulement dans un sens – pour revenir de Bruxelles, il faudra attendre le lendemain après-midi.
Madame la ministre, comment le Gouvernement compte-t-il agir pour pérenniser et renforcer l'offre à la gare TGV Haute-Picardie et éviter une fermeture de cette gare à terme ?
Pouvez-vous également prendre l'engagement de défendre auprès de la SNCF l'extension de l'arrêt expérimental à Saint-Quentin du train Ouigo aux trois trains de la journée ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement. Madame la sénatrice Pascale Gruny, en tant qu'opérateur d'un service librement organisé, SNCF Voyageurs dispose d'une autonomie de gestion pour adapter son offre de transport à grande vitesse.
La modification de l'offre en gare TGV Haute-Picardie de ces derniers mois était liée à des travaux sur le réseau ferré. Cependant, les circulations touchées ont repris depuis le 10 mars.
Il faut souligner que la gare TGV Haute-Picardie est très bien desservie au regard de sa fréquentation : on y compte 14 arrêts quotidiens et elle permet de relier 33 gares en direct. De surcroît, les possibilités d'aller-retour en journée vers l'aéroport de Roissy, première destination depuis la Picardie, sont nombreuses.
Par ailleurs, les correspondances permettent de créer des opportunités de retour lorsqu'une ville ne peut être desservie que dans un seul sens. Ainsi, il est possible, par exemple, de revenir de Marseille le dimanche en quatre heures et trente-trois minutes, soit le même temps de parcours qu'avec le TGV direct.
Le sujet du maintien des dessertes TGV, sur lequel vous nous interpellez, est au cœur des préoccupations du Gouvernement. Le ministère des transports a engagé des réflexions avec les équipes de SNCF Réseau et de l'Autorité de régulation des transports afin d'assurer une desserte TGV adaptée aux différents territoires.
Les régions seront associées aux travaux, et le sujet pourra être abordé lors de la conférence « Ambition France Transports », qui sera lancée le 5 mai prochain et qui pourra être l'occasion de trouver les voies et moyens d'obtenir une réponse à votre préoccupation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.
Mme Pascale Gruny. Madame la ministre, j'entends ce que vous dites, mais je vois bien qu'il y a des arrêts qui ne se font plus ! Bien entendu, la fréquentation diminue ; c'est une évidence. Mais demandez-vous pourquoi les Saint-Quentinois, au sens large, ne sont pas satisfaits !
J'ai souvent emprunté ces lignes. Ma fille a été étudiante à Lyon : elle aurait beaucoup moins de facilités aujourd'hui pour faire les allers-retours jusqu'à chez nous.
N'oubliez pas la ruralité ! Nous n'avons vraiment aucun train ; on ne cesse de nous en supprimer.
Je vous assure que cette gare TGV mériterait d'être développée. Nous sommes inquiets, car…
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Pascale Gruny. …, quand celle d'Amiens sera ouverte, la situation sera encore plus compliquée.
inapplicabilité du décret relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, auteure de la question n° 491, adressée à Mme la ministre de la culture.
Mme Sylvie Robert. Madame la ministre, nous sommes plusieurs parlementaires à alerter, depuis de nombreuses années, les ministres de la culture successifs sur les difficultés soulevées par le décret du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés, dit décret son, pour le spectacle vivant, plus particulièrement pour les festivals et les spectacles en plein air.
Ce décret fixe des limites acoustiques particulièrement restrictives sans qu'aucune étude de faisabilité n'ait été diligentée pour vérifier l'applicabilité de ces normes aux différents acteurs. Ainsi, les organisateurs de festivals en plein air, soumis aux aléas climatiques qui peuvent modifier la directivité du son et l'impact sur les riverains, se retrouvent soumis à des contraintes identiques à celles qui prévalent pour les lieux clos.
À l'heure où la lutte contre l'inflation normative sonne comme un mantra, il s'avère que le « décret son » est une mauvaise réglementation type : inopérant et bloquant, il met aujourd'hui en danger toute une filière, pourtant vitale pour la vie culturelle et économique de nos territoires.
Après huit ans d'application et plusieurs expérimentations pour tenter de respecter les limites de l'émergence établie dans le décret, il est temps d'arrêter et de sortir de cette situation. De fait, en dix ans, le spectacle vivant et notamment les festivals ont dû faire face à une hausse exponentielle de leurs coûts d'organisation. Ce n'est d'ailleurs pas anodin si une réflexion sur l'avenir des festivals est en cours… Je pense qu'il s'avère urgent d'agir pour donner de l'air à la filière, des événements culturels allant peut-être disparaître l'été prochain.
Alors que la saison des festivals s'apprête à battre son plein, je vous demande solennellement, madame la ministre, de suspendre l'application du « décret son » jusqu'à la fin de l'année, le temps de déterminer les normes réalistes et applicables qui permettront de concilier pleinement préservation de notre vie culturelle et exigence en matière de santé publique.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement. Madame la sénatrice Sylvie Robert, le Gouvernement est pleinement conscient des complexités qu'engendrent, pour les festivals, les dispositions du « décret son ».
Les ministres de la culture, de la santé et de l'environnement échangent afin que les travaux de l'association AGI-SON soient étudiés avec la plus grande attention et en vue d'une simplification de la réglementation, qui doit être techniquement et financièrement applicable par les professionnels.
Le ministre de la culture souhaite que soient examinées certaines mesures substitutives propices au regard de l'objectif de respect du voisinage, tout en étant réalistes pour les festivals.
À titre d'exemple, il pourrait notamment être envisagé de réglementer le recours aux basses fréquences, qui sont les plus gênantes pour le voisinage, voire dangereuses pour la santé, ou d'alléger le recours aux études de l'impact des nuisances sonores, notamment en cas de production de spectacle répétée dans des lieux et configurations similaires. Le travail est en cours avec les ministères de la santé et de l'environnement sur ces simplifications envisageables.
Le ministère de la culture ne manquera pas de tenir les parlementaires informés des conclusions et du calendrier de ces travaux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour la réplique.
Mme Sylvie Robert. Merci, madame la ministre, de votre réponse.
Vous le savez, le contexte budgétaire a d'ores et déjà un impact fort sur le spectacle vivant, notamment sur les festivals. Je crois vraiment que, huit ans après la publication du décret, si l'on pouvait simplifier ou expérimenter encore avant l'été, de façon à trouver un équilibre – ce n'est pas chose aisée –, l'organisation de ces festivals et des spectacles serait facilitée dans nos territoires.
lacune réglementaire concernant les engins de déplacement personnel motorisés
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, auteur de la question n° 475, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
M. Olivier Paccaud. Monsieur le ministre, cette question m'a été soufflée par le maire de Lamorlaye. Elle concerne une lacune réglementaire au sujet de la verbalisation des mineurs de moins de 14 ans conduisant un engin de déplacement personnel motorisé, les fameux EDPM – les trottinettes électriques, par exemple.
Depuis l'entrée des EDPM dans le code de la route en 2019, la réglementation s'est étoffée, avec notamment l'obligation d'emprunter les pistes cyclables, l'interdiction de circuler sur les trottoirs, le port d'un gilet rétroréfléchissant la nuit ou encore l'interdiction de transporter un passager.
Cependant, malgré l'interdiction formelle de conduire un EDPM avant l'âge de 14 ans, rien ne permet à ce jour de verbaliser un tel comportement via les dispositifs électroniques utilisés par les agents de police municipale. Cette absence entrave donc l'action des forces de l'ordre, contraignant les agents à établir des procès-verbaux dits blancs, transmis à l'officier du ministère public, seul compétent pour décider de l'opportunité des poursuites.
L'officier du ministère public rappelle que, lorsqu'un mineur de moins de 14 ans est accompagné par une personne majeure exerçant une autorité de droit ou de fait sur lui, cette dernière peut être sanctionnée, mais ce dispositif ne s'applique pas lorsque le mineur circule seul, ou, pire, lorsque deux mineurs circulent sur le même EDPM.
En l'absence de base réglementaire claire, les agents se retrouvent également dans une incertitude quant à la procédure à suivre. Peuvent-ils faire appel à un officier de police judiciaire en cas de refus d'identification ? Sont-ils autorisés à contacter les parents pour vérifier l'identité d'un mineur ? Ces démarches peuvent-elles être interprétées comme une restriction de liberté individuelle ?
Aussi, serait-il possible d'envisager la création d'un dispositif spécifique permettant la verbalisation de la conduite d'un EDPM par un mineur de moins de 14 ans, la clarification des procédures à suivre pour les agents de police municipale dans ce cas de figure et, enfin, plus globalement, une diffusion d'instructions claires à destination des collectivités territoriales afin d'harmoniser l'application de cette interdiction sur l'ensemble du territoire ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Paccaud, vous m'interrogez sur les modalités de verbalisation des mineurs de moins de 14 ans qui feraient l'objet d'un contrôle ou d'une interpellation au guidon d'engins de déplacement personnel motorisés – principalement, en réalité, les trottinettes électriques.
Lorsqu'il a été décidé de réglementer la circulation de ces engins, en 2019, l'âge minimal pour conduire ces derniers a d'abord été fixé à 12 ans, avant d'être relevé à 14 ans par un décret du 31 août 2023.
Outre cet âge minimal, la conduite de ces engins répond également à un certain nombre de règles, parmi lesquelles l'obligation d'être équipé d'un gilet haute visibilité pour circuler de nuit, l'interdiction de transporter des passagers, ou encore l'obligation de circuler sur les bandes ou pistes cyclables en agglomération, lorsqu'elles existent. Le non-respect de ces règles de circulation est sanctionné par des contraventions de deuxième ou de quatrième classe, selon les cas.
Pour ce qui concerne l'interdiction de conduite applicable aux mineurs âgés de moins de 14 ans, si le code de la route permet de sanctionner d'une amende de quatrième classe la personne qui accompagne ce mineur, à la condition qu'elle ait plus de 18 ans et qu'elle exerce sur lui une autorité de droit ou de fait, le code de la route n'a pas prévu de sanction particulière pour les mineurs de moins de 14 ans qui conduiraient des engins de ce type. De manière générale, les mineurs de moins de 13 ans échappent, en réalité, à la responsabilité pénale, notamment dans le domaine des contraventions.
C'est pour cette raison, monsieur le sénateur, que la nomenclature des natures d'infractions, dite aussi base Natinf, que met à jour le ministère de la justice, n'en comporte aucune applicable aux mineurs de moins de 14 ans qui conduiraient un EDPM. En d'autres termes, si la conduite de ceux-ci demeure bien interdite aux mineurs de 14 ans, aucune sanction n'est prévue par le code de la route.
Je veux cependant y insister : même en l'absence de sanction, le contrôle reste naturellement possible, et les forces de l'ordre peuvent bien évidemment procéder à un rappel à l'ordre.
Pour terminer, je tiens à préciser, à la faveur de la question que vous posez, que j'ai demandé à l'ensemble des services du ministère de l'intérieur de procéder à une évaluation juridique afin de permettre à nos agents et aux policiers municipaux de faire des saisies-confiscations de ces engins dans le cas que vous avez évoqué. Nous engageons cette démarche.
avenir des moyens de secours héliportés dans les alpes de haute-provence
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 437, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le ministre, le département des Alpes-de-Haute-Provence, par sa géographie montagneuse, sa superficie – la plus étendue de la région Sud – et, surtout, sa démographie médicale, nécessite des solutions adaptées d'accès aux services d'urgence et de premier secours.
Pour les patients secourus, des déplacements routiers longs, dans un environnement géographique parfois difficile, sont synonymes de perte de chances. En montagne, les secours héliportés sont indispensables pour assurer le transport d'urgence de nos concitoyens malades vers des hôpitaux.
La section aérienne de gendarmerie basée à Digne-les-Bains dispose d'un seul hélicoptère, l'EC145 ou Choucas, qui se distingue par ses capacités exceptionnelles du point de vue des conditions de vol et d'intervention en milieu périlleux.
Cet appareil, entré en service au début des années 2000, a effectué, entre le 1er janvier et le 30 juin 2024, 221 interventions médicalisées, dont 138 en montagne et 71 interventions dans le cadre du service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) primaire, couvrant sept départements. Son activité est en constante augmentation, et le matériel est vieillissant.
Aujourd'hui, cet hélicoptère doit être immobilisé pour une maintenance urgente. Initialement prévue pour six mois, cette immobilisation sera finalement ramenée à un mois, avec une rotation de six bases de montagne d'un mois chacune.
Cette solution temporaire est malheureusement une illustration des difficultés de la gendarmerie à maintenir une flotte opérationnelle de manière simultanée.
Or, si la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) a bien prévu l'acquisition de 28 H145 D3, dont 6 ont été commandés, les 22 autres commandes sont en suspens. Faute d'une décision rapide sur ce point, des fermetures temporaires de bases, plus régulières et plus longues, sont à craindre, en particulier en territoires de montagne.
Monsieur le ministre, où en sont ces commandes ? Que comptez-vous faire ? Il s'agit, au sens premier du terme, d'une demande vitale pour les patients secourus et pour l'ensemble de l'organisation des premiers secours de notre département.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, votre question sur nos capacités héliportées, notamment pour la gendarmerie, est très pertinente.
Bien évidemment, des moyens aériens sont incontournables pour intervenir dans les environnements difficiles d'accès, singulièrement dans les zones montagneuses.
La flotte aérienne de la gendarmerie est vieillissante – il faut le reconnaître – et nécessite une vigilance particulière sur le plan de la maintenance. Plusieurs flottes d'hélicoptères, en particulier les EC145 C2, principalement utilisés en montagne, deviennent progressivement obsolètes, entraînant un allongement des périodes d'entretien et d'indisponibilité.
Cette situation liée au vieillissement du parc des hélicoptères a été aggravée par des difficultés externes à la gendarmerie, liées à l'approvisionnement en pièces détachées et par la dégradation d'une machine de retour de la Guyane, où l'engagement des moyens aériens a été important.
Dans ce contexte, la gendarmerie est contrainte de faire face aux obligations de maintenance et de sécurité que vous avez rappelées. La section aérienne de gendarmerie de Digne-les-Bains sera ainsi temporairement fermée, heureusement pour un seul mois finalement – du 1er au 31 octobre 2025 –, pour conduire des opérations de maintenance sur son appareil afin de garantir au mieux la sécurité des vols et les contrats opérationnels des forces de gendarmerie.
Pendant cette période, la couverture aérienne dans les territoires concernés sera maintenue et les missions d'urgence vitale seront assurées par un renfort mutuel mobilisant la section aérienne de gendarmerie de Briançon et les autres hélicoptères de l'État limitrophes. C'est le point important. Mme le maire de Digne-les-Bains a d'ailleurs été informée de ces modalités directement par le directeur général de la gendarmerie nationale.
Pour remédier durablement à la situation, 16 hélicoptères de nouvelle génération – H160 et H145 D3 – ont été commandés, sur les 25 que vous évoquiez. Ces appareils permettront une répartition garantissant aux sections aériennes de la gendarmerie de disposer chacune d'un hélicoptère opérationnel jusqu'en 2028.
Par ailleurs, des travaux complémentaires sont en cours concernant l'évolution de la flotte d'hélicoptères de la gendarmerie nationale. Ils s'inscriront dans la logique du Beauvau de la sécurité civile et des renforts aériens qui seront donnés.
Monsieur le sénateur, votre question est importante. Je veux vous dire que, pendant le mois où l'hélicoptère sera entretenu, la sécurité de nos compatriotes sera évidemment assurée par des moyens dédiés sur Digne, de façon qu'il n'y ait pas de difficultés. Ensuite, l'achat de nouveaux matériels nous permettra de pallier la difficulté liée au vieillissement que nous rencontrons aujourd'hui.
J'espère vous avoir apporté la réponse la plus précise possible.
protection de l'enfance et contrôle des antécédents judiciaires dans le milieu associatif
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, auteur de la question n° 404, adressée à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le ministre, j'ai été récemment sollicité par une mère, inquiète pour son fils, qui s'interrogeait, légitimement, sur l'absence de contrôle des antécédents judiciaires des personnes intervenant auprès de jeunes enfants, notamment dans des associations.
La liberté d'association, consacrée par la loi du 1er juillet 1901, est un pilier de notre démocratie. Pourtant, nous ne pouvons que nous interroger face à l'absence d'obligation légale de fournir un extrait de casier judiciaire pour les personnes souhaitant créer ou diriger une association en contact avec des mineurs. Pourtant, de trop nombreux faits en France illustrent, hélas, la gravité de la situation.
D'un côté, on apprend qu'un individu condamné pour pédophilie, sorti de prison depuis deux ans, envisage de créer un nouveau club sportif destiné aux enfants.
De l'autre, le scandale survenu au sein du club de football La Salésienne, où des cas d'agressions sexuelles sur mineurs et des faits de harcèlement ont été rapportés, met en lumière un risque réel de récidive ou de passage à l'acte.
Aujourd'hui, aucune vérification systématique des antécédents judiciaires n'est imposée dans le milieu associatif, laissant ainsi ouverte la porte à des situations inacceptables – une porte que nous pourrions, et devrions, définitivement refermer pour protéger nos enfants. En effet, la liberté d'association ne doit pas servir de paravent à la récidive pédocriminelle.
Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour mieux sécuriser l'encadrement de nos enfants dans les structures associatives ?
Ne pourrions-nous pas imposer un contrôle obligatoire par la préfecture à chaque création d'association ayant pour objet d'accueillir de jeunes enfants ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Iacovelli, vous soulevez une question éminemment importante. Le droit positif permet déjà la vérification des antécédents judiciaires de très nombreux professionnels ou bénévoles exerçant au contact de mineurs.
Ainsi l'article L. 212-9 du code de du sport, qui établit des incapacités d'exercice en raison de certaines condamnations pénales, s'applique-t-il aux professionnels comme aux bénévoles dans leurs fonctions d'éducateurs sportifs, d'arbitres, de surveillants de piscine et d'exploitants d'établissements d'activités physiques ou sportives. Cela couvre donc l'exemple que vous mentionnez avec une légitime inquiétude, à laquelle les pouvoirs publics n'ont cessé de porter attention ces dernières années.
En outre, les contrôles des antécédents judiciaires ont été étendus par les lois du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, du 8 mars 2024 visant à renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport, et du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie.
Nombre de ces consultations se font de manière massive et automatisée, impliquant les services de l'État, des collectivités locales et de la fonction publique hospitalière, afin de réduire le temps et la charge administrative de ces contrôles et asseoir leur extension. Le but est d'apporter rapidement une réponse, qu'elle soit favorable ou non, à la personne qui souhaite s'engager professionnellement ou bénévolement dans une structure de ce type. À titre d'exemple, les consultations des données du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv) ont progressé de plus de 50 % en quelques années seulement.
Ces textes, ainsi que la volumétrie de ces consultations, qui s'étendent aussi aux membres des associations sportives dès lors qu'ils exercent leur activité auprès de mineurs, illustrent la force et la constance de l'engagement de l'État dans la lutte contre les violences de cette nature.
Comme vous, je souhaite préserver la liberté associative en France. Ces contrôles ne la remettent absolument pas en question. Au contraire même, ils la prémunissent contre l'action de personnes dont l'engagement associatif peut dissimuler un tout autre et criminel dessein.
Le Gouvernement est ouvert à toute proposition nouvelle, qui se traduirait par un acte législatif positif, de la nature de celle que vous évoquez. En la matière, il me paraît légitime de faire preuve de rigueur et de fermeté, car il s'agit de protéger les plus faibles d'entre nous.
Madame la présidente, j'ai répondu très rapidement à cette question relative à la justice, mais M. le garde des sceaux me l'avait demandé : j'espère lui avoir rendu hommage !
stratégie nationale pour l'accueil pérenne de chercheurs contraints de quitter les états-unis
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, auteur de la question n° 470, adressée à M. le ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Pierre-Alain Roiron. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les mesures fortement préjudiciables prises par l'administration Trump : coupes massives dans les programmes scientifiques, licenciements d'agents au sein des agences fédérales dédiées à la santé ou au climat, ou encore retrait d'organisations internationales majeures comme l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Ces décisions inquiètent la communauté scientifique mondiale, qui y voit un affaiblissement de la liberté académique et une menace pour les équilibres démocratiques fondamentaux fondés sur l'indépendance de la recherche.
Dans ce contexte, vous avez annoncé avoir sollicité les établissements français, notamment les universités et l'Agence nationale de la recherche (ANR), pour qu'ils proposent des pistes d'accueil pour les chercheurs contraints de quitter les États-Unis.
Plusieurs universités, dont celle de Tours, dans mon département, ont déjà annoncé qu'elles répondraient présent. À Tours, l'accueil de dix à quinze chercheurs représenterait un investissement compris entre 4 millions et 5 millions d'euros sur trois ans, à raison de 450 000 euros par chercheur, en tenant compte de l'ensemble des coûts liés à la recherche, aux ressources humaines et à l'intégration dans les laboratoires.
Si cette volonté d'ouverture est essentielle, elle doit s'accompagner d'une coordination rigoureuse entre les acteurs, de financements adaptés et d'une stratégie claire, à l'échelle tant nationale qu'européenne.
Face à cette nouvelle vague de fuite des cerveaux venue d'outre-Atlantique, la France et ses partenaires doivent se doter d'une stratégie ambitieuse pour attirer et retenir ces talents, en consolidant l'espace européen de la recherche et en valorisant la science comme levier de souveraineté et d'innovation. Or, si la France dispose d'atouts indéniables, elle souffre encore d'un manque d'attractivité, faute de moyens stables et de valorisation suffisante des chercheurs, notamment d'origine étrangère.
Monsieur le ministre, quels dispositifs sont à l'étude ou déjà engagés pour structurer cet accueil dans la durée ? Des moyens budgétaires spécifiques y seront-ils alloués ? Comment cette démarche s'articulera-t-elle avec la stratégie nationale de recherche et avec les besoins exprimés par les établissements français ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, vous avez raison : l'inquiétude que vous avez décrite est palpable dans l'ensemble des laboratoires et des universités, auxquels je rends régulièrement visite – j'étais d'ailleurs récemment à Tours.
Comment expliquer ce sentiment ? La réponse est simple. Les États-Unis investissent des sommes considérables dans ce domaine. En opérant des coupes radicales dans les projets de recherche, le gouvernement américain affaiblit indirectement aussi des programmes internationaux majeurs, ce qui affectera notamment la recherche dans des secteurs tels que l'observation de la Terre, le climat ou encore la santé.
Face à l'inquiétude, réaffirmons tout d'abord le principe de liberté académique, auquel la France et l'Europe sont très attachées.
Au-delà du message, nous avons mis en place des dispositifs pour soutenir des initiatives comme celles des universités de Tours et de Marseille ou de CentraleSupélec, qui accueillent des chercheurs internationaux.
Nous avons également déployé la plateforme Choose France for Science. Celle-ci s'adosse sur des budgets additionnels, grâce au soutien de France 2030. Cette plateforme a été lancée il y a quelques semaines par Élisabeth Borne et repose sur des cofinancements allant jusqu'à 50 %, qui permettront aux universités et aux organismes de recherche d'accueillir des chercheurs internationaux.
En outre, dès le 5 mai prochain, le Président de la République accueillera à Paris une conférence, réunissant notamment les ministres de la recherche européens et la présidente de la Commission européenne, sur la place de la recherche en France et dans l'Union. La question que vous soulevez sera au cœur de nos discussions.
Enfin, au-delà de la question de l'accueil des chercheurs, nous devons nous demander quels programmes la France et l'Europe doivent développer pour garantir leur autonomie et se projeter dans l'avenir de la recherche.
fermeture d'écoles communales sans l'accord préalable du maire
Mme la présidente. La parole est à Jean-Marc Vayssouze-Faure, auteur de la question n° 471, adressée à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Jean-Marc Vayssouze-Faure. Monsieur le ministre, le 25 avril 2019, le Président de la République avait pris l'engagement de ne procéder à aucune fermeture d'école sans l'accord préalable du maire.
Le 2 avril dernier, la ministre de l'éducation nationale l'a confirmé dans cet hémicycle : « Il ne peut pas y avoir de fermeture d'école sans l'accord du maire. »
Pourtant, sur le terrain, je constate que des suppressions de postes d'enseignants entraînent mécaniquement des fermetures d'écoles communales pour la rentrée 2025.
Ces décisions, prises dans certains cas sans concertation suffisante, malgré les demandes de dialogue formulées par les représentants d'élus, suscitent de vives réactions chez les maires, les parents d'élèves et les habitants des communes concernées.
Si les évolutions démographiques constituent une réalité dont chacun est prêt à tenir compte, elles ne sauraient justifier la remise en cause des engagements pris par le chef de l'État, qui plus est à l'approche d'échéances majeures à l'échelle locale.
Dans ce contexte, pouvez-vous me certifier que tous les territoires, notamment le département du Lot, font bien partie du périmètre des engagements pris devant les Françaises et les Français par le Président de la République et devant la représentation nationale par le Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Jean-Marc Vayssouze-Faure, je vous remercie pour votre question qui me permet de revenir, au nom de la ministre d'État Élisabeth Borne, sur la méthode d'élaboration de la carte scolaire.
La carte scolaire résulte d'un travail pluriannuel donnant lieu à de nombreux échanges avec les élus locaux. Fondée sur une appréciation objective de la situation de chaque école et de chaque territoire, elle prend aussi en compte les temps de transport des élèves.
Pour mieux répondre aux préoccupations légitimes des élus locaux, des observatoires des dynamiques rurales ont été créés dès 2024 dans tous les territoires. Cette instance a vocation à renforcer le dialogue et la concertation entre le directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) et les élus, et à partager les évolutions démographiques du territoire et leur implication pour la structure des écoles.
Cette évolution favorable répond, vous l'avez rappelé, à l'engagement du Président de la République de ne fermer aucune école dans les territoires ruraux sans l'accord du maire, mis en œuvre depuis la rentrée 2019.
Je vous le confirme donc : à la rentrée 2025, l'État maintiendra son engagement de ne pas fermer d'écoles sans l'accord du maire – et ce, malgré une baisse démographique qui touche l'ensemble du territoire, dont votre département.
En effet, à la rentrée 2024, le Lot comptait 10 680 élèves dans le premier degré, soit 400 de moins qu'en 2022 et 1 143 de moins qu'en 2017. Pour 2025, une baisse supplémentaire de 218 élèves est prévue.
Cette diminution n'a pas entraîné de suppression de postes, au contraire. Le taux d'encadrement des élèves s'améliorera cette année encore dans le Lot avec un nombre d'élèves par classe de 19,4 à la rentrée prochaine.
Dans le Lot, la carte scolaire prévoit seulement la fermeture de deux classes, ce qui n'aura pas d'incidence sur l'encadrement des élèves.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Vayssouze-Faure, pour la réplique.
M. Jean-Marc Vayssouze-Faure. Dans le Lot, la suppression de deux postes entraîne la fermeture de deux écoles : voilà la réalité.
M. Jean-Raymond Hugonet. Très bien !
M. Jean-Marc Vayssouze-Faure. Votre réponse est claire. Je serai donc particulièrement vigilant quant à sa traduction effective sur le terrain. En effet, l'école de la République est le pilier de la vitalité des communes rurales.
J'avais déjà eu l'occasion de l'indiquer au Premier ministre, à l'occasion d'une correspondance en date du 2 février 2025, restée sans réponse à ce jour. Le maintien d'un maillage scolaire cohérent dans les espaces de faible densité garantit la qualité de l'éducation dispensée aux enfants. L'école, en plus de constituer un investissement solide pour l'avenir, est un vecteur essentiel de lien social et d'attractivité pour nos villages.
inégalités territoriales et précarité des étudiants dans les territoires d'outre-mer
Mme la présidente. Je salue les élus du conseil municipal des enfants de Champagnole, présents en tribune, ainsi que tous les jeunes qui suivent nos travaux depuis le début de la séance.
La parole est à Mme Monique de Marco, auteure de la question n° 343, adressée à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Monique de Marco. Monsieur le ministre, la population étudiante dans les territoires ultramarins a très fortement augmenté ces vingt dernières années.
On constate que 40 % des jeunes ultramarins effectuent au moins une partie de leur cursus dans le supérieur en France hexagonale. Les raisons, connues de tous, sont la faiblesse de l'offre universitaire dans les territoires d'outre-mer et la difficulté des conditions de vie pour les étudiants. En effet, le niveau de précarité des étudiants est nettement plus élevé en outre-mer que dans l'Hexagone. Ainsi, à Mayotte, plus de 71 % d'entre eux vivent dans la pauvreté.
Cette précarité s'explique notamment par un coût de la vie plus important. En 2024, le coût de la vie d'un étudiant ultramarin boursier était supérieur de 17,4 % à celui d'un étudiant de France hexagonale.
La très forte inflation de ces dernières années n'a fait qu'accentuer cette réalité, avec un niveau général des prix à la consommation 7 % à 12 % plus élevé dans les outre-mer.
Les jeunes ultramarins sont également victimes d'un sous-investissement chronique dans les services publics, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) et les cités universitaires. Ainsi, en 2022, à La Réunion, il y avait 5 000 demandes de logement universitaire pour seulement 1 330 chambres disponibles. La situation est la même en matière d'accès à l'alimentation, à la santé ou aux transports.
Les jeunes ultramarins sont les grands oubliés de la République. Or la seule réponse apportée par l'État est la mise en place d'un complément de bourse de 30 euros par mois.
Pour la première fois, le Gouvernement reconnaît la nécessité d'une aide supplémentaire attribuée à ces étudiants. Mais celle-ci est largement insuffisante et n'apporte aucune solution aux non-boursiers, qui sont également victimes de ces inégalités territoriales.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous lutter contre ces inégalités et développer l'offre universitaire locale, alors que les jeunes représentent un tiers de la population ultramarine ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Monique de Marco, l'accompagnement vers la réussite de tous les étudiants, y compris ultramarins, est une priorité de l'État.
Cela passe évidemment par un renforcement de l'offre de formation, afin de permettre aux jeunes qui le souhaitent de faire l'ensemble de leurs études sur leur territoire. La première des inégalités est bien celle que vous décrivez : 39 000 des 50 000 étudiants ultramarins choisissent ou sont contraints, à un moment ou un autre, de faire leurs études dans l'Hexagone.
Nous déployons des actions spécifiques à leur intention.
La majoration des bourses de 30 euros, tout d'abord, bénéficie aujourd'hui à plus de 27 000 étudiants. Cette revalorisation n'est pas négligeable, puisqu'elle représente jusqu'à 21 % du montant des bourses.
Ensuite, près de 800 logements Crous seront rénovés d'ici à 2027 – près d'un tiers du parc existant est aujourd'hui en cours de rénovation.
Par ailleurs, nous avons décidé de majorer la nouvelle aide individuelle à la restauration pour les étudiants qui n'ont pas accès à une offre du Crous. Plus de 4 000 étudiants d'outre-mer en bénéficient déjà.
Nous avons aussi fortement augmenté les moyens des Crous d'outre-mer : 1,7 million d'euros supplémentaires ont été attribués au Crous Antilles-Guyane et 1,3 million d'euros au Crous La Réunion-Mayotte.
Bien sûr, cette lutte contre la précarité se joue aussi lors des crises. Je pense notamment au cyclone qui a frappé Mayotte. Au-delà de la mobilisation exceptionnelle des agents publics sur le terrain et à distance pour assurer une assistance téléphonique, l'État a décidé de verser une aide d'urgence de 300 euros à tous les étudiants mahorais, sur place et dans l'Hexagone, afin de les aider à traverser ce moment. Nous aidons aussi l'université, qui a d'ores et déjà bénéficié de près de 2 millions d'euros de crédits pour réaliser des travaux. Nous allons poursuivre ce soutien dans la durée.
absence de recyclages réguliers aux gestes de premiers secours pour les enseignants des écoles maternelles et primaires
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Ventalon, auteure de la question n° 479, adressée à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Anne Ventalon. Monsieur le ministre, chaque jour, dans nos écoles maternelles et primaires, des enseignants se retrouvent démunis face à des situations d'urgence, comme un malaise, une chute ou des convulsions. Bien souvent, en effet, leur dernière formation aux gestes de premiers secours remonte à plusieurs années.
Dans un contexte où près de 22 000 accidents scolaires sont recensés chaque année, cette absence de formation continue interroge. Comment peut-on attendre d'un enseignant qu'il réagisse vite et bien si ses réflexes de sauvetage ne sont pas réactualisés ?
Depuis 2009, les candidats au concours de professeur des écoles doivent obligatoirement être titulaires du certificat de Prévention et secours civiques de niveau 1 (PSC1). Cependant, une fois en poste, aucune exigence de recyclage n'est prévue. Cette carence contraste fortement avec ce qui est requis dans d'autres secteurs, notamment dans les crèches, où des formations régulières sont imposées à tous les professionnels de la petite enfance, afin de maintenir leurs compétences à jour.
Cette réflexion doit également s'étendre aux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) et aux accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). Auprès des plus jeunes, ils sont confrontés aux mêmes situations d'urgence. Intégrer dans leur formation une obligation équivalente à celle des enseignants serait ainsi pleinement justifié.
Monsieur le ministre, il est aujourd'hui nécessaire de considérer à nouveau ce sujet de santé publique et de protection des enfants. La sécurité des élèves et la sérénité des enseignants, tout comme celle des parents, en dépendent.
Aussi, envisagez-vous d'instaurer une obligation de recyclage régulier aux gestes de premiers secours pour les enseignants des écoles maternelles et primaires, afin que ceux-ci soient pleinement préparés à réagir efficacement face à une urgence dans leur classe ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Anne Ventalon, comme vous le savez, dans le premier degré, l'enseignement de l'éducation physique et sportive est assuré par les professeurs des écoles.
Pour pouvoir enseigner, ils doivent détenir une qualification en secourisme avant leur recrutement, comme cela est précisé dans le décret du 17 juin 2004 relatif aux qualifications en sauvetage aquatique, en natation et en secourisme requises des personnels relevant du ministre chargé de l'éducation nationale et assurant l'enseignement de l'éducation physique et sportive dans les premier et second degrés.
La qualification en secourisme est reconnue si la personne possède une attestation prouvant qu'elle a un niveau au moins égal à celui du PSC1, ainsi que pour les enseignants recrutés avant 2005, même si elle n'était alors pas exigée.
Tous les enseignants du premier degré actuellement en fonction ne disposent donc pas d'une attestation de formation PSC1, remplacée depuis juillet 2024 par la formation Premiers secours citoyen (PSC).
En outre, aucun texte n'impose, pour l'heure, d'entretien ou de mise à jour de cette formation. Ce n'est pas le cas des professionnels de la petite enfance, comme vous l'avez rappelé.
C'est donc pour répondre à ce besoin que le ministère de l'éducation nationale a engagé un effort considérable en matière de formation. Il s'est doté de son propre vivier de formateurs, de guides et de référentiels internes. Tous ont été certifiés conformes aux recommandations du ministère de l'intérieur.
L'ensemble des personnels peut donc désormais bénéficier d'une formation initiale et continue, et actualiser régulièrement ses compétences.
Ainsi, entre 2022 et 2023, près de 25 000 agents de l'éducation nationale ont bénéficié d'une formation aux premiers secours. Le ministère entend poursuivre cet effort et former l'ensemble de ses personnels, en priorité les enseignants du premier degré.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Ventalon, pour la réplique.
Mme Anne Ventalon. Monsieur le ministre, la logique du volontariat n'est pas suffisante face à l'importance de cet enjeu.
Les remontées de terrain nous obligent : il faut rassurer le corps enseignant ainsi que les parents. Une formation à jour est nécessaire, car elle permet de faire la différence entre un accident maîtrisé et un drame.
fermeture de classes dans les écoles primaires rurales
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, auteur de la question n° 485, adressée à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Jean-Raymond Hugonet. Permettez-moi, en préambule à ma question, de convoquer ce matin le plus illustre de tous les sénateurs que fut Victor Hugo, lequel disait : « Celui qui ouvre une porte d'école ferme une porte de prison. »
Chaque année, les mesures de carte scolaire apportent leur lot d'angoisse aux maires, aux élèves, aux parents ainsi qu'aux enseignants des communes rurales. Quoique proche de la capitale, mon département, l'Essonne, n'échappe malheureusement pas à la règle.
Courson-Monteloup, charmant petit village de 577 âmes, possède une école primaire accueillant 52 élèves. Celle-ci est structurée en trois classes et présente des situations particulières qui nécessitent des prises en charge adaptées, comme des enfants en situation de handicap ou en redoublement de classe. Et voilà que les services de l'éducation nationale viennent d'annoncer la fermeture d'une classe pour la rentrée de septembre en fonction de critères numériques d'un autre âge !
Or les réalités du terrain sont souvent très éloignées des projections administratives. Nos enfants ne peuvent plus être la variable d'ajustement comptable d'une rentabilité mal placée.
Si les élus locaux ont bien conscience des difficultés rencontrées par l'éducation nationale, ils en ont plus qu'assez de ces situations ubuesques qu'ils sont obligés de vivre à chaque rentrée scolaire !
Qu'entendez-vous mettre en œuvre, monsieur le ministre, afin de respecter l'ambition vertueuse du chef de l'État d'élever le niveau des élèves et de garantir une réelle égalité des chances ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Hugonet, comme je l'ai dit, une baisse démographique est en cours.
Pour la rentrée 2025, sur tout le territoire, on comptera près de 93 00 élèves en moins, dont 80 000 dans le premier degré. Par conséquent, le nombre d'élèves par classe atteindra la moyenne historiquement faible de 21,1.
Nous mettons donc la baisse démographique au service de la réussite de tous les élèves et de la réduction des inégalités sociales et territoriales. C'est notre engagement, et je le réaffirme devant vous : nous nous y tenons.
Dans l'Essonne, la baisse des effectifs, de l'ordre de 0,3 %, soit 380 élèves, sera plus faible qu'ailleurs.
Les enfants ne sont pas que les lignes d'un tableur, vous l'avez dit. En effet, malgré la réduction des effectifs, la dotation du département prévoit la création de dix-neuf postes. Ils serviront notamment à créer de nouvelles unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis) pour accueillir les élèves en situation de handicap, à renforcer les brigades de remplacement et à parachever le dédoublement des classes en éducation prioritaire.
Cependant, vous le savez, la création de postes ne signifie pas qu'il n'y aura aucune fermeture de classe. En effet, à la rentrée scolaire 2025, l'école primaire Henry Peyret de Courson-Monteloup verra l'une de ses classes fermer ses portes.
Toutefois, cette école n'est pas classée en zone rurale, selon la définition de l'Insee, et, par ailleurs, son public scolaire est globalement favorisé. Le nombre d'élèves par classe sera de 23, soit un taux d'encadrement conforme à la moyenne départementale. Un réexamen attentif de la situation de cette école sera effectué au moment de la phase d'ajustement.
Mme la présidente. La parole est à Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.
M. Jean-Raymond Hugonet. J'ai bien conscience que la question est un marronnier. La réponse, je le constate, en est également un.
Monsieur le ministre, je vous invite à venir constater par vous-même si Courson-Monteloup n'est pas une commune rurale. Cependant, ce qui me gêne le plus, c'est de vous entendre parler d'un public scolaire privilégié. Ces territoires privilégiés, que nous connaissons bien, parce qu'ils sont taillables et corvéables à merci, notamment financièrement, ne peuvent plus servir de variables d'ajustement technique. Le véritable sujet est ailleurs : il s'agit de nos enfants et de nos écoles, que nous voulons défendre.
Je vous invite à faire part de votre réponse aux parents d'élèves.
prise en charge de la vaccination contre l'influenza aviaire
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, auteure de la question n° 469, adressée à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annick Billon. Monsieur le ministre, l'épidémie d'influenza aviaire de 2021-2022 a coûté plus de 1,5 milliard d'euros et touché plus de 5 200 éleveurs.
Aux pertes financières qui ont fragilisé un grand nombre d'exploitations, il faut ajouter le traumatisme que cette crise a provoqué pour tous les acteurs de la filière et l'augmentation des importations qui ont pu perdurer. L'État s'est mobilisé et a accompagné les exploitants, notamment lors de campagnes de vaccination des canards.
Initialement à hauteur de 85 %, la prise en charge par l'État a été réduite à 70 % en août 2024. Et récemment, le Gouvernement a annoncé la baisse de cette prise en charge à 40 % pour les prochaines campagnes. Ce désengagement permettra à l'État de réaliser une économie relative de 25 millions d'euros. En revanche, il représentera un doublement de la charge pour l'exploitant, à hauteur de 18 000 euros au lieu de 9 000 euros en moyenne par éleveur de canards.
Précision importante, les éleveurs de la filière aviaire sont les seuls à être soumis à une obligation de vaccination. Or celle-ci préserve l'ensemble des espèces.
Par conséquent, les élevages de moins de 250 canards pour lesquels la vaccination n'est pas obligatoire pourraient renoncer aux vaccins. Cela représente un risque sanitaire évident. Il apparaît donc opportun que le Gouvernement puisse maintenir la prise en charge de la vaccination à hauteur de 70 % pour ces éleveurs déjà lourdement affectés par l'influenza aviaire.
Monsieur le ministre, le Gouvernement pourrait-t-il reconsidérer ces annonces ? Qu'envisage-t-il pour soutenir durablement la filière canard ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Annick Billon, je me permets de vous répondre à la place de la ministre Annie Genevard, retenue à l'Assemblée nationale par le même exercice.
L'État poursuit son engagement dans le financement des campagnes vaccinales contre l'influenza aviaire hautement pathogène (IAHP).
La France a mis en place en 2023 une vaccination obligatoire après des années de crises qui ont conduit l'État à verser 1,6 milliard d'euros d'indemnisations à la filière entre 2015 et 2023.
Cette campagne est un succès : en 2023 et 2024, une dizaine de foyers seulement ont été recensés, alors qu'ils auraient été plus de 700 en l'absence de vaccination. Son coût est important – une centaine de millions d'euros –, mais elle protège l'ensemble des volailles.
Désormais, l'objectif est de pérenniser cette vaccination en transférant progressivement son financement aux filières. Ainsi, l'État a couvert 85 % du coût en 2023 et 2024 et 70 % en 2024 et 2025. Pour la campagne 2025-2026, cette prise en charge s'élèvera à 40 % et sera consacrée au financement des activités officielles de surveillance. Les éleveurs devront donc assumer une charge supplémentaire, qui représentera environ 50 centimes de plus par canard.
Vous en conviendrez, l'État doit adapter son budget pour répondre aux urgences sanitaires émergentes et au contexte géopolitique actuel.
Bien entendu, le Gouvernement accompagnera les filières dans cette transition. La ministre de l'agriculture, Annie Genevard, a ainsi fait déployer deux dispositifs d'aide, pour un montant d'environ 12 millions d'euros. Le premier est ouvert depuis le 24 mars et le second le sera fin mai.
Mme la ministre souhaite également vous rappeler, d'une part, que la France a retrouvé son statut « indemne » en février dernier, et, d'autre part, que les assises du sanitaire animal, qu'elle a lancées, permettront de déployer une approche plus durable et adaptée aux enjeux sanitaires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.
Mme Annick Billon. Nous partageons bien entendu la volonté du Gouvernement de faire des économies. Cependant, nous devons nous interroger sur le rapport coût-bénéfice. La suppression de ces aides représente un risque sanitaire important. Il n'est pas normal que seule la filière d'élevage de canards soit concernée par la vaccination, alors que celle-ci permet de protéger l'ensemble des oiseaux.
J'interrogeais récemment la ministre sur la fosse de Pétosse. La filière d'élevage de canards a beaucoup souffert : ne la précarisons pas davantage, alors qu'elle est en pleine reconstruction…
lutte contre l'acarien tropilaelaps
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat., auteur de la question n° 443, adressée à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Monsieur le ministre, l'apiculture française, qui traverse une période critique, est confrontée à de multiples défis : le déclin des colonies d'abeilles lié à l'usage de certains pesticides, les ravages du frelon asiatique, les effets du changement climatique sur la disponibilité des ressources mellifères, les difficultés économiques croissantes pour les apiculteurs, et surtout la pression sanitaire exercée par des parasites tels que le Varroa, déjà difficile à contenir.
À ces défis s'ajoute aujourd'hui une menace sanitaire imminente : l'acarien Tropilaelaps, un parasite hautement pathogène qui pourrait causer des ravages dans nos ruchers. Déjà présent en Géorgie, il se rapproche dangereusement des frontières de l'Union européenne. Contrairement au Varroa, ce parasite se développe exclusivement dans le couvain et son cycle de reproduction rapide rend les colonies infestées particulièrement vulnérables, pouvant entraîner leur effondrement en quelques semaines seulement.
Les experts s'accordent sur l'urgence d'une réponse coordonnée et immédiate. Or la lutte contre ce parasite impose des moyens de surveillance renforcés et des mesures de protection plus strictes. Il est donc impératif de renforcer drastiquement les contrôles aux frontières, de déployer un plan national de biosécurité apicole, de soutenir la recherche et l'innovation en matière de lutte sanitaire et d'assurer des indemnisations adaptées aux apiculteurs touchés.
La situation est d'autant plus préoccupante que l'apiculture joue un rôle majeur dans le maintien de la biodiversité et la pollinisation des cultures, essentielles à notre souveraineté alimentaire. L'arrivée du parasite Tropilaelaps pourrait aggraver une situation déjà précaire pour de nombreux apiculteurs français. Le Lot-et-Garonne n'échappe pas à ce danger.
Monsieur le ministre, quelles mesures immédiates le ministère de l'agriculture compte-t-il mettre en place pour prévenir l'arrivée et la propagation de ce parasite dangereux et garantir un soutien effectif aux apiculteurs dans leur lutte contre les menaces sanitaires grandissantes ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Christine Bonfanti-Dossat, je me permets de vous répondre à la place de la ministre Annie Genevard, qui est retenue.
L'infestation par les acariens du genre Tropilaelaps est une maladie réglementée au sein de l'Union européenne, qui entraîne une obligation de déclaration et l'application de règles associées aux mouvements.
L'acarien Tropilaelaps ayant été détecté dans des colonies d'abeilles en Russie et en Géorgie, il existe un risque d'introduction du parasite dans l'Union européenne.
Il est donc nécessaire que les apiculteurs soient vigilants sur le respect strict des règles d'import de colonies et de reines afin d'éviter toute introduction de cet acarien sur le territoire. En outre, il leur est demandé de réaliser un examen sanitaire régulier et attentif des colonies d'abeilles.
La surveillance que vous évoquez dans votre question repose sur une observation approfondie par les apiculteurs. Ainsi, ceux qui identifieraient des acariens suspects devront contacter dans les plus brefs délais le guichet unique de l'Observatoire des mortalités et des affaiblissements de l'abeille mellifère de sa région ou la direction départementale de la protection des populations du département où sont localisées les colonies.
En effet, toute confirmation de l'infestation doit être rapidement déclarée afin d'identifier les premières introductions et d'appliquer des règles strictes aux mouvements des abeilles et de leurs produits.
Les services du ministère de l'agriculture élaborent actuellement une fiche à l'attention des apiculteurs afin de les sensibiliser à l'apparition de cette maladie exotique sur notre territoire.
L'arrivée du frelon asiatique à pattes jaunes a entraîné des conséquences majeures sur nos colonies d'abeilles ; nous devons donc nous mobiliser davantage pour éviter toute introduction de l'acarien Tropilaelaps sur notre territoire.
enjeux des installations agrivoltaïques dans les parcs naturels régionaux
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier., auteur de la question n° 345, adressée à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la mise en œuvre de l'agri-photovoltaïsme au sein du parc naturel régional des Alpilles dans les Bouches-du-Rhône. Vous le savez, le préfet est compétent et peut délivrer certaines autorisations en matière d'urbanisme depuis la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables de 2023, notamment pour les installations agrivoltaïques.
Les terres qui forment le parc naturel régional des Alpilles ne sont pour l'heure pas protégées contre ce type d'installations : elles risquent d'être durablement altérées par des structures en dysharmonie totale avec les paysages provençaux, dont la préservation serait menacée en cas de prolifération abusive de ces installations.
Même s'il paraît difficile d'interdire à certains agriculteurs de diversifier leurs sources de revenus alors que cela est autorisé pour d'autres, les maires des communes couvertes par le parc, par l'intermédiaire du comité syndical, avaient pris l'initiative d'identifier limitativement les zones qui pourraient faire l'objet d'aménagements en matière d'agrivoltaïque, afin de préserver les endroits les plus sensibles et remarquables.
On peut d'ailleurs s'interroger légitimement sur la capacité des préfets à avoir une vision globale et de long terme en adéquation avec la préservation des paysages, de la faune et de la flore, alors même que la défense de ces intérêts est normalement dévolue aux parcs naturels régionaux.
Dernier point, le régime juridique de l'agrivoltaïque est susceptible de donner lieu à des dérives. Certains pourraient avoir l'idée de profiter des avantages de ce régime tout en délaissant la dimension agricole, afin de contourner les contraintes auxquelles sont soumis les panneaux photovoltaïques.
Je souhaite donc connaître la position du Gouvernement sur ces différents enjeux.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Stéphane Le Rudulier, la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (Aper) du 10 mars 2023 a défini les conditions de développement de l'agrivoltaïsme et du photovoltaïque au sol dans les espaces agricoles, naturels et forestiers.
Ainsi, les projets agrivoltaïques doivent apporter un service direct à l'activité agricole parmi les quatre suivants : amélioration du potentiel et de l'impact agronomiques ; adaptation au changement climatique ; protection contre les aléas ; amélioration du bien-être animal.
Ces projets doivent également garantir que l'activité agricole reste l'activité principale de la parcelle et qu'elle apporte à l'agriculteur un revenu durable.
Par ailleurs, la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers doit donner un avis sur les projets. Il s'agit d'un avis conforme, ce qui permet d'apporter une réponse à votre question sur la manière de prendre en compte les impacts de tels projets sur le territoire.
Grâce à ces dispositions, les activités agricoles et de production d'énergie ne s'opposent plus, mais se complètent. Sur les terres exploitées, la production agricole doit être la priorité : cette vocation agricole doit être respectée lorsqu'est mise en place l'installation permettant la production d'énergie. Des contrôles réguliers sont prévus pour vérifier que l'agriculture reste l'activité principale de la parcelle.
Pour conclure, la loi de 2023 a permis de renforcer le cadre existant. Avant cette loi, la législation de l'urbanisme permettait l'implantation d'installations photovoltaïques au sol dans des conditions qui donnaient lieu à des interprétations différentes.
Ce nouvel encadrement législatif permet de conserver la priorité donnée à la production alimentaire, tout en conciliant les enjeux de souveraineté alimentaire et d'autonomie énergétique.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour la réplique.
M. Stéphane Le Rudulier. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Vous en conviendrez, il est tout de même assez paradoxal que l'État ait signé des chartes des parcs naturels régionaux qui interdisent la mise en œuvre du photovoltaïque, tout en donnant aux préfets le droit de se substituer aux maires pour délivrer certaines autorisations en la matière. La protection des paysages remarquables reste un combat fondamental.
sociétés civiles agricoles et activités accessoires de nature commerciale
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis., auteur de la question n° 418, adressée à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Bernard Buis. Monsieur le ministre, avant l'adoption de la loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture (Losarga), les sociétés dont l'objet agricole est défini par la loi ne pouvaient pas, sauf cas exceptionnel, exercer des activités commerciales accessoires à leur activité agricole, en raison du caractère civil des activités agricoles défini à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime et du principe de spécialité statutaire.
Désormais, grâce à l'article 28 de la Losarga, les groupements agricoles d'exploitation en commun, les groupements fonciers agricoles et les exploitations agricoles à responsabilité limitée peuvent, sans perdre leur caractère civil, compléter leur activité agricole par des activités accessoires de nature commerciale, à condition que les recettes tirées de ces activités n'excédent ni 20 000 euros ni 40 % des recettes annuelles tirées de l'activité agricole.
Monsieur le ministre, les professions concernées saluent cette évolution législative, mais elles s'interrogent sur la différence entre les plafonds indiqués à l'article 28 de la Losarga et ceux mentionnés à l'article 75 du code général des impôts (CGI).
Selon ce dernier, un exploitant soumis à un régime réel d'imposition peut inclure, dans son bénéfice agricole, des revenus accessoires tirés d'activités commerciales et non commerciales à condition que, sur les trois années précédant l'exercice, ces revenus n'excèdent ni 100 000 euros ni 50 % des recettes agricoles annuelles moyennes.
Par conséquent, une société civile agricole dont les recettes tirées des activités accessoires de nature commerciale dépasseraient 20 000 euros ou 40 % des recettes annuelles tirées de l'activité agricole ne respecterait pas le plafond prévu à l'article 28 de la Losarga, tout en respectant celui prévu à l'article 75 du CGI.
Alors, monsieur le ministre, afin de simplifier la loi et de la rendre plus claire, pourquoi ne pas aligner les plafonds ? Le plafond prévu par le code général des impôts permettrait aux sociétés concernées de mieux amortir leurs investissements nécessaires pour le développement d'activités, comme l'œnotourisme, qui peut représenter des dépenses non négligeables.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Buis, les deux dispositifs que vous mentionnez n'ont pas le même objet.
L'article 28 de la loi d'orientation a été créé pour sécuriser le caractère civil des sociétés agricoles qui exercent une activité commerciale complémentaire afin de compléter leurs activités, et ainsi de diversifier leurs sources de revenus.
Cette nouvelle disposition répond à la crainte que l'exercice d'une activité commerciale ait, dans certains cas, des conséquences sur la limitation de la responsabilité des associés et, dans le cas des groupements agricoles d'exploitation en commun (Gaec), sur la validité de l'agrément donné par l'État.
Cet article permet ainsi de dispenser les intéressés de la création d'une structure sociale distincte pour exercer une activité commerciale complémentaire qui est en lien avec l'activité agricole.
Les plafonds garantissent le caractère strictement accessoire de cette activité commerciale complémentaire.
L'article 75 du CGI, qui n'a aucune incidence sur le caractère civil ou commercial d'une société, a quant à lui pour objet de déterminer le régime d'imposition des bénéfices d'une exploitation agricole.
Lorsqu'une société civile dépasse les seuils fiscaux d'activités accessoires, elle peut devenir imposable à l'impôt sur les sociétés.
Néanmoins, Mme la ministre de l'agriculture souhaite vous informer qu'elle demeure, avec son cabinet, à votre entière disposition pour poursuivre les échanges sur ce point et réaliser une analyse plus poussée et plus technique du sujet que vous avez évoqué, lequel est effectivement très intéressant.
soutien à la filière de l'agriculture biologique
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Duffourg., auteur de la question n° 451, adressée à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Alain Duffourg. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur l'agriculture biologique qui, vous le savez, est actuellement confrontée à des difficultés importantes.
En effet, des agriculteurs biologiques ont été contraints de revenir en arrière et de se convertir à l'agriculture conventionnelle, dans une proportion estimée entre 3 % et 4 % des fermes durant ces dernières années. Notons par ailleurs que la consommation de produits bio a diminué de 6 % en 2022.
Ces difficultés concernent l'ensemble des secteurs agricoles – œufs, volaille, grandes cultures, maraîchage, etc. Or il s'avère qu'il reste des dotations à distribuer dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) 2023-2027.
Aussi, les syndicats agricoles, notamment la Confédération paysanne, me demandent si ces dotations continueront bien à financer le deuxième pilier de la PAC, lequel est extrêmement important pour maintenir et développer l'agriculture biologique.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour que les dotations restent affectées au deuxième pilier ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Alain Duffourg, je me permets de vous répondre à la place de la ministre Annie Genevard, qui est retenue.
Le Gouvernement n'a jamais cessé de soutenir les agriculteurs bio, notamment en déployant des aides d'urgence de trésorerie à hauteur de 100 millions d'euros par an en 2023 et en 2024, pour les aider à traverser une phase difficile.
Compte tenu de la crise dans le secteur de l'agriculture biologique, une baisse des conversions à ce type d'agriculture a été constatée ces dernières années.
Or, dans le cadre de la programmation de la politique agricole commune 2023-2027, le soutien à l'agriculture biologique a été centré sur la conversion des exploitations. Si les conversions semblent reprendre, il existe un reliquat de crédits non utilisés en 2023 et 2024. Mais si les conversions ne se produisent pas, il n'existe pas de droit acquis pour que ces crédits soient affectés à un secteur particulier.
C'est pourquoi une concertation avec l'ensemble des parties prenantes est actuellement menée sur les modifications du plan stratégique national pour 2026, offrant l'occasion de réfléchir à la réaffectation des montants résiduels des aides à la conversion à l'agriculture biologique (CAB) à d'autres mesures. La ministre m'a chargé de vous indiquer que cette réaffectation des crédits se fera de manière pragmatique, mais qu'il va de soi qu'il n'est nullement question de réduire l'ambition en matière d'agriculture biologique.
Il convient de noter que, malgré l'arrêt de l'aide au maintien en agriculture biologique pour la programmation 2023-2027, la majorité des agriculteurs bio continuent de bénéficier de soutiens spécifiques au maintien de leur activité au travers, d'une part, de l'écorégime, qui représente tout de même plus de 50 millions d'euros, et, d'autre part, de la revalorisation du crédit d'impôt dédié à l'agriculture biologique, pour un montant de 109 millions d'euros en 2025.
Ces mesures représentent un effort important dans la situation budgétaire actuelle et traduisent la volonté forte du ministère chargé de l'agriculture de soutenir ce mode de production durable.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Duffourg, pour la réplique.
M. Alain Duffourg. Je vous remercie pour ces explications, monsieur le ministre. Des discussions se tiendront entre le ministère et les organisations syndicales, notamment la Confédération paysanne. Les représentants syndicaux veilleront à ce que les aides dont vous m'avez indiqué le montant soient bien versées à l'agriculture biologique, car les déconversions sont trop nombreuses. Les agriculteurs tiennent simplement à ce que les dotations restantes puissent être affectées au deuxième pilier.
coupe budgétaire sur le dispositif national d'accompagnement des projets et des initiatives des coopératives d'utilisation de matériel agricole
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, auteur de la question n° 476, adressée à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le ministre, ma question concerne le dispositif national d'accompagnement des projets et des initiatives des coopératives d'utilisation de matériel agricole (DiNA).
Ce dispositif soutient, au-delà de sa première fonction de partage des machines, le développement de projets collectifs des coopératives d'utilisation de matériel agricole. Il a été récemment la cible de coupes budgétaires non négligeables pour le réseau des coopératives d'utilisation de matériel agricole (Cuma), auquel le monde agricole et les zones rurales tiennent tout particulièrement.
Différents rapports ont montré l'intérêt du dispositif, lequel est articulé avec les enjeux des politiques publiques dont il permet de démultiplier l'impact, via les collectifs d'agriculteurs.
Cette aide à l'accompagnement stratégique est unique en son genre dans le domaine agricole. Le dispositif est mobilisé par plus de 600 Cuma chaque année au niveau national, impliquant plus de 14 000 agricultrices et agriculteurs.
La mise à mal du déploiement de ce dispositif, alors même qu'il a été récemment refondu par l'administration du ministère de l'agriculture, suscite l'inquiétude et l'incompréhension de l'ensemble du réseau des Cuma, au vu de l'efficience du DiNA et de l'enveloppe financière modeste qu'il représente par rapport à d'autres mesures de soutien.
Alors que l'accompagnement des agricultrices et des agriculteurs est un sujet central, quelle ambition et quelle pérennité souhaitez-vous donner à ce dispositif qui est la seule ligne budgétaire dédiée aux Cuma ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Pierre Jean Rochette, la loi de finances pour 2025, promulguée le 14 février dernier, prévoit de redresser les comptes publics de 50 milliards d'euros et de ramener le déficit public à 5,4 % du PIB.
Pour cela, la loi de finances pour 2025 prévoit de réduire les dépenses de l'État et de ses opérateurs, dans un effort partagé. Dans ce cadre, le budget du programme « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » a connu une réduction sensible.
Malgré ce contexte, l'État poursuit ses efforts et déploie des moyens importants pour soutenir l'agriculture en France. Ainsi, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire (Masa) prévoit de maintenir le dispositif DiNA-Cuma en 2025, mais avec des moyens nécessairement moindres.
Mis en place en 2016, à la suite des aides à l'investissement matériel sous forme de prêts à moyen terme spéciaux, le DiNA-Cuma a permis d'accompagner environ 30 % des Cuma. Parmi les Cuma ayant bénéficié de ce conseil stratégique, un quart y ont eu recours deux fois et 6 % trois fois.
Malgré la diminution des crédits alloués au DiNA-Cuma, le dispositif peut continuer d'accompagner les Cuma en priorisant les dossiers déposés, pour favoriser les Cuma n'ayant jamais eu de financement pour un conseil stratégique. À ce titre, une grille de priorisation avait été rédigée lors de la révision de l'instruction technique en 2023, en étroite collaboration avec la Fédération nationale des Cuma.
Une autre solution consisterait à diminuer le taux d'aide publique de ce dispositif à 80 % ou 70 %, contre 90 % aujourd'hui, pour continuer à accompagner un nombre important de Cuma, sans critère de priorisation.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour la réplique.
M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le ministre, je ne remets en question ni les économies que souhaite faire le Gouvernement ni la pression budgétaire qu'il subit, mais il faut s'attacher à ne pas briser un système qui marche bien.
J'ai entendu votre réponse ; nous veillerons à ce que l'outil ne soit pas cassé, qu'il continue à fonctionner. Nous vous solliciterons très probablement de nouveau à ce sujet.
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-huit heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt,
est reprise à dix-huit heures trente, sous la présidence de M. Xavier Iacovelli.)
PRÉSIDENCE DE M. Xavier Iacovelli
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Défaillances d'entreprises
Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux entreprises
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la délégation aux entreprises, sur les défaillances d'entreprises.
Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l'auteur de la demande dispose d'un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l'issue du débat, l'auteur de la demande dispose d'un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Dans le débat, la parole est à M. Olivier Rietmann, au nom de la délégation qui a demandé ce débat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. François Patriat applaudit également.)
M. Olivier Rietmann, au nom de la délégation aux entreprises. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la délégation aux entreprises a souhaité associer l'ensemble des sénatrices et sénateurs au débat qu'elle a engagé en début d'année sur les défaillances d'entreprises. C'est un sujet essentiel, car nous devons être conscients de la situation très délicate de nombreuses entreprises et nous mobiliser pour les accompagner, dans une période marquée par la guerre commerciale internationale et les incertitudes en matière de croissance en France.
Le sujet des défaillances est en réalité multiforme.
Tout d'abord, le constat chiffré est sans appel : la très forte croissance du nombre de procédures collectives a dépassé le simple rattrapage post-covid. Le nombre de défaillances d'entreprises en un an était évalué à près de 66 000 au mois de février par la Banque de France et à 68 000 selon le groupe Altares. Ces chiffres sont supérieurs à ceux de 2015 et dépassent très largement le nombre des défaillances qui ont précédé la période de pandémie. On comptait en effet 51 356 défaillances en 2019.
Enfin, selon les derniers chiffres publiés par l'Observatoire des données économiques des entreprises en difficulté du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, le nombre d'entreprises entrées en procédure judiciaire a augmenté de 2,3 % au premier trimestre 2025 par rapport à 2024 et de 23,8 % par rapport à 2019 ! Nous sommes donc bien loin de la décrue annoncée.
Je ne souhaite pas m'étendre sur la détection et le traitement des difficultés des entreprises, autres aspects du sujet, qui ont été largement détaillés par la Cour des comptes dans son rapport de juin 2024. La Cour y soulignait que le « parcours usager » des entreprises en difficulté demeurait complexe et manquait de lisibilité sur les rôles des différents acteurs et la multiplicité des guichets. Vous y avez d'ailleurs fait référence, madame la ministre, lors de votre audition par la délégation il y a quinze jours : le Médiateur national du crédit et le Médiateur des entreprises vous ont remis un rapport dans lequel ils proposent des solutions très pragmatiques pour mieux accompagner les dirigeants des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME).
Je reviendrai en revanche sur la leçon que nous devons tirer de l'évolution des défaillances. Ces chiffres doivent en effet nous alerter. Pourquoi ?
Premièrement, la situation d'instabilité, causée par l'administration Trump, fait planer une menace dont les répercussions seront importantes pour nos entreprises. Nous avons d'ailleurs entendu les organisations patronales sur ce sujet aujourd'hui, lors d'une table ronde consacrée aux entreprises françaises dans la guerre commerciale.
Deuxièmement, si les procédures collectives engagées concernent à 85 % des TPE de moins de dix salariés et entraînent la suppression d'environ 1 500 emplois par semaine, on observe une part croissante des PME et entreprise de taille intermédiaire (ETI) dans les défaillances.
Ainsi, la part des PME et des ETI de plus de 100 salariés a augmenté de 28 % en un an ! Et le co-président du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Méti) a depuis longtemps alerté sur la fragilisation des entreprises de taille intermédiaire qui, pour la première fois, ne sont plus aussi résistantes que lors des crises précédentes. Le nombre d'ETI placées en redressement a en effet doublé dans tous les secteurs, de la vente de détail à la construction en passant par l'aéronautique ou les cosmétiques. Or les ETI sont précisément notre force de frappe en matière de commerce extérieur.
Enfin, l'évolution des défaillances dépendra largement des décisions que nous prendrons pour réduire le déficit de la France. La dette publique culmine désormais à plus de 3 300 milliards d'euros et les charges annuelles d'intérêt à 59 milliards d'euros. Alors, quand allons-nous prendre conscience de la gravité de la situation et adopter les bonnes mesures ?
Nous ne pouvons plus naviguer à l'aveugle en misant uniquement sur l'augmentation des recettes fiscales provenant des entreprises. Nous avons la responsabilité de les accompagner afin de garantir la résilience du tissu productif français dans une période d'incertitudes économiques. Remettons la compétitivité au cœur des objectifs !
Allianz Trade vient de publier sa dernière étude sur les défaillances d'entreprises à l'échelle mondiale et a dévoilé ses prévisions mises à jour pour 2025 et 2026. Le groupe estime qu'elles continueront d'augmenter au cours des deux prochaines années. Comment penser que la France pourrait être épargnée sans réformes structurelles adéquates ?
Il serait irresponsable de reconduire, voire d'aggraver, le poids de la contribution des entreprises en 2026, car – je le répète inlassablement – ce sont les entreprises qui créent de la valeur et financent les salaires et les politiques publiques.
Madame la ministre, qui a dit que la principale priorité du moment était la transformation écologique, que s'adapter demanderait beaucoup d'investissements qui ne seraient pas toujours rentables et risquaient de conduire, et qu'il fallait l'accepter, à une baisse de la rentabilité des entreprises ? Qui a appelé à une telle politique de décroissance ? Ce n'est pas notre collègue Yannick Jadot. Ce n'est pas non plus la secrétaire nationale des écologistes Marine Tondelier... Non, c'est votre ministre de tutelle chargé de l'économie et des finances, Éric Lombard !
M. Damien Michallet et Mme Frédérique Puissat. Très bien !
M. Olivier Rietmann. Ce n'est pas acceptable, et j'y vois une menace pour les décisions à venir à l'endroit des entreprises. Ne nous trompons pas d'ennemi, comme l'a récemment fait Jacques Attali en fustigeant les entrepreneurs !
Nous devons au contraire aborder sans tabou les sujets mis sous le tapis depuis trop longtemps. Je pense notamment aux surtranspositions françaises, à comparer aux normes et aux charges de nos voisins européens, au temps de travail et à son coût, aux réformes structurelles pour diminuer la dépense publique.
Le Sénat, et en particulier sa délégation aux entreprises, est prêt à se mobiliser pour que les bonnes décisions soient prises afin de redresser les comptes publics sans créer de récession, afin que les entreprises françaises aient enfin le sentiment d'être accompagnées et soutenues par les pouvoirs publics. Et quand je dis « soutenues », je ne pense pas aux aides ; je pense à la capacité de l'État de laisser les entrepreneurs se consacrer en priorité à la création de valeur. La mobilisation devra se faire avec les représentants des entreprises de toutes tailles.
Nous devrons prendre des décisions courageuses et les prendre rapidement. Le temps de la décision politique doit impérativement s'aligner sur celui de la vie économique.
Madame la ministre, je vous remercie de participer au dialogue que j'ai l'honneur d'engager ce soir et que mes collègues vont poursuivre au travers de leurs questions. Je forme le vœu qu'il se prolonge au-delà de ce débat, avec l'ensemble des ministères concernés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu'au banc des commissions. – M. François Patriat applaudit également.)
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le président, monsieur le président de la délégation sénatoriale aux entreprises, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens très sincèrement à remercier la délégation aux entreprises de nous permettre d'avoir ce temps d'échange sur ce sujet très important que sont les défaillances d'entreprises.
Vous le savez, un débat constructif commence forcément par des constats partagés, sur le fondement de quelques chiffres. Ils ont déjà été rappelés, mais je souhaite y revenir.
J'évoquerai tout d'abord le nombre de défaillances : en 2024, ce sont 66 000 entreprises qui ont connu un jugement d'ouverture de l'une des trois procédures collectives – la sauvegarde, le redressement, la liquidation judiciaire.
Parmi ces 66 000 entreprises en défaillance, 32 000, soit environ 48 %, employaient au moins un salarié. Ce chiffre est à rapporter au nombre d'entreprises créées chaque année. Depuis 2021, plus de 1 million d'entreprises ont été créées, dont une très forte majorité de microentreprises ; il faut le souligner.
Enfin, j'évoquerai le nombre d'emplois qui se cachent derrière ces défaillances. Nous l'estimons aujourd'hui à 234 000, contre 151 000 en 2019. Si ce chiffre alerte, il faut noter qu'environ 70 % des emplois menacés seraient in fine conservés du fait d'un rétablissement ou d'une reprise.
L'état des lieux est donc clair : notre pays connaît un niveau de défaillances important, qui dépasse les niveaux observés avant la pandémie.
Mon rôle devant vous est donc triple. Le premier est de vous proposer une lecture et une analyse de ces chiffres. Le deuxième est de rappeler combien la compétitivité des entreprises est essentielle. Le troisième est évidemment de vous présenter les solutions sur lesquelles le Gouvernement travaille pour enrayer cette dynamique délétère pour notre économie.
La première question est évidemment la suivante : comment expliquons-nous ce niveau de défaillances ? Le nombre de défaillances que nous observons aujourd'hui doit être replacé dans le contexte du creux exceptionnel des défaillances lors de la crise de la covid. Entre 2015 et 2019, le nombre de défaillances observées était proche de 56 000 annuellement.
Cette baisse drastique du nombre de défaillances s'explique évidemment par l'action du Gouvernement et par les mesures d'urgence qui ont alors été mises en œuvre, comme les prêts garantis par l'État (PGE), le chômage partiel, les fonds de solidarité, l'exonération ou encore le report de cotisations. Au cours des années 2019 et 2020, le nombre de défaillances s'est élevé à moins de 30 000, soit une baisse de plus de 45 %.
L'augmentation des défaillances que nous observons aujourd'hui s'explique donc par un effet de rattrapage. Pour autant, notre économie n'est pas grippée et certaines données, non pas conjoncturelles, mais structurelles cette fois, doivent nous encourager. En effet, nous restons aujourd'hui sur une dynamique de création d'entreprises inédite. Quant à la création d'emplois dans le secteur privé, elle se poursuit.
La compétitivité dans l'économie est d'une importance cruciale. Si notre rôle est de trouver des solutions pour les entreprises lorsqu'elles rencontrent des difficultés, nous devons aussi, en amont, faire en sorte qu'elles soient compétitives. La compétitivité de nos entreprises est essentielle, car c'est elle qui leur permet d'innover, d'investir, de se développer, d'embaucher et de résister à la concurrence des autres pays.
Je peux vous assurer que le ministre de l'économie et des finances, Éric Lombard, est engagé dans la défense de la compétitivité des entreprises.
Nos entreprises font face à une vive concurrence, elles doivent performer, se transformer, engager des transitions technologiques, numériques et environnementales. Le Gouvernement est pleinement engagé aux côtés des entrepreneurs, qu'il s'agisse des ETI, des PME, des TPE, des entreprises individuelles ou des microentreprises. Nous sommes là pour les soutenir et les accompagner dans les différentes phases de leur vie.
Je veux ici saluer ces entrepreneurs, qui sont les acteurs de l'économie, qu'il s'agisse d'ailleurs de l'économie sociale et solidaire ou de l'économie conventionnelle. Ces entrepreneurs assurent la vitalité du territoire et créent de l'emploi.
Je sais aussi, parce cette demande est faite régulièrement, que les entreprises ont besoin de lisibilité, de visibilité et de stabilité.
Nous devons également nous engager dans une diminution de nos dépenses publiques pour poursuivre la baisse des prélèvements obligatoires, car ces prélèvements pèsent aujourd'hui sur nos entreprises.
Enfin, il ne faut pas oublier – vous l'avez rappelé, monsieur le président de la délégation aux entreprises – le poids des normes, qui constitue une perte de temps importante pour les entreprises et donc une dépense.
J'en viens à la question de la simplification.
Simplifier notre droit, c'est le purger des éléments qui enrayent notre croissance et notre compétitivité. C'est tout l'enjeu du projet de loi de simplification de la vie économique, que la Haute Assemblée a examiné il y a quasiment un an et que je défendrai ce soir encore à l'Assemblée nationale.
Gérer le stock de normes inutiles est une chose, mais il faut également s'attaquer au flux. C'est tout l'enjeu du « test PME » que nous souhaitons mettre en place. Ce combat, je le partage avec le président Olivier Rietmann. Ce test est essentiel pour éviter que ne soient adoptées des normes illisibles pour nos entreprises, dont le coût est disproportionné pour les plus petites d'entre elles.
M. Guillaume Chevrollier. Tout à fait !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Nous devons également soutenir notre savoir-faire. Je le dis très clairement, je recevrai prochainement un rapport d'Yves Jégo, ancien ministre, sur le made in France, l'objectif étant de soutenir tout ce qui participe à la vie de notre pays et à la vitalité de nos territoires, car cela nous est particulièrement cher.
Je vous le disais en préambule, notre rôle est également de proposer des solutions pour limiter au maximum ces défaillances. Il nous faut structurer notre action pour accompagner les entreprises qui ont des difficultés.
Il nous faut : mieux prévenir les défaillances et donc agir davantage avant la cessation des paiements ; simplifier la cartographie des outils publics d'accompagnement ; repenser le rebond.
En premier lieu, il faut évidemment inciter les entrepreneurs à agir en amont des procédures collectives. En effet, si 70 % des procédures collectives conduisent à une liquidation, à l'inverse, 70 % des procédures préventives permettent à l'entreprise de poursuivre son activité.
L'enjeu est donc de mieux identifier les entreprises à risque. Il existe pour cela un dispositif, la start-up d'État Signaux faibles, qui permet, en se fondant sur un certain nombre d'éléments, d'encourager davantage les entreprises à avoir recours aux procédures amiables que sont le mandat ad hoc et la conciliation.
En second lieu, il faut à mon sens simplifier la cartographie des outils publics d'accompagnement. En effet, alors qu'il existe de très nombreux dispositifs, les entrepreneurs ne savent pas toujours vers lesquels se tourner lorsqu'ils sont en difficulté.
En troisième lieu, il faut favoriser le rebond. En effet, l'échec entrepreneurial fait l'objet d'une perception particulièrement négative de la société et des entrepreneurs eux-mêmes. Il véhicule une forme d'incompétence et il est la source d'une stigmatisation des entrepreneurs. C'est donc un changement culturel qu'il nous faut opérer. Des travaux ont été conduits sur ce sujet, dans le cadre d'un groupe de travail guidé par Hélène Bourbouloux.
Nous avons la chance de ne pas partir d'une page blanche, d'avoir de nombreux dispositifs à notre disposition que nous pouvons retravailler. J'espère que nous esquisserons ensemble, dans le cadre de ce débat, un plan d'action pour répondre à la situation d'urgence que nous traversons. Ensemble, trouvons les moyens pour prévenir, protéger et rebondir ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC – M. François Patriat applaudit également.)
Débat interactif
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d'une durée équivalente. Il aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L'auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Franck Menonville. Madame la ministre, alors que la situation financière de l'État attire l'attention médiatique, celle des entreprises a, elle aussi, de quoi nous alerter.
En effet, la recrudescence des défaillances d'entreprises, dont le nombre a dépassé celui d'avant la crise du covid, est de plus en plus préoccupante. À la fin février 2025, on dénombrait plus de 66 000 défaillances d'entreprises au cours des douze derniers mois, soit une progression en rythme annuel de 12,5 %.
Les entreprises de moins de dix salariés sont particulièrement touchées. Les PME et ETI ne le sont pas moins. Depuis le début de l'année 2024, c'est a minima plus de 3 200 postes qui disparaissent par semaine, dont plus de 1 200 dans les entreprises de moins de dix salariés.
Aujourd'hui, les secteurs de l'immobilier, de la construction, du transport, de l'automobile sont particulièrement touchés. Les explications sont multiples : le mouvement de rattrapage post-covid, le remboursement des PGE et les difficultés de leur réaménagement, l'augmentation des coûts énergétiques, le poids du modèle social sur le coût du travail, la prolifération normative, la multiplication des contraintes administratives.
Ces entreprises sont pourtant le cœur battant de notre économie. Elles créent de l'emploi, maillent le territoire, génèrent de la croissance, garantissant les savoir-faire et l'innovation.
Madame la ministre, quelles mesures de soutien comptez-vous mettre en œuvre ? Comment mieux anticiper les défaillances des entreprises ? Différentes procédures peuvent être mises en œuvre en amont, telles que le mandat ad hoc, qui permet de garder la confidentialité, et c'est important. Or ce mandat ne représente aujourd'hui que 13 % des procédures. Que comptez-vous faire pour favoriser ce type de procédure ? Enfin, entendez-vous permettre le réaménagement des PGE hors procédures collectives ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Franck Ménonville, vous avez évoqué de nombreux sujets.
Vous avez raison, il nous faut agir en premier lieu sur la compétitivité et alléger un certain nombre de charges qui pèsent sur les entreprises.
Vous m'avez demandé comment prévenir les défaillances et favoriser les procédures amiables, dont vous avez souligné l'intérêt.
Pour prévenir les défaillances, un certain nombre de dispositifs existent aujourd'hui. Le plus connu relève du département, au travers des préfectures : il s'agit du comité départemental d'examen des problèmes de financement des entreprises, le Codefi, qui rassemble différents acteurs sous l'autorité du préfet et a pour objectif de détecter les entreprises présentant des risques de défaillance.
La direction départementale des finances publiques (DDFIP) utilise un produit développé par la start-up d'État Signaux faibles, qui permet de consulter un certain nombre d'informations relatives aux effectifs, aux ratios financiers et à d'éventuels impayés. Elle peut ainsi accéder chaque trimestre à une liste d'entreprises présentant un risque de défaillance à dix-huit mois. Le Codefi échange ensuite avec divers acteurs.
Environ 40 % des entreprises suivies par les commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises ont été identifiées grâce à Signaux faibles. Identifier les difficultés permet d'anticiper et, ainsi, d'aider.
Comment favoriser les procédures amiables ? Il nous faut donner plus de force au mandat ad hoc et à la conciliation. Je rappelle que les procédures préventives permettent d'éviter un basculement en procédure collective : 70 % d'entre elles rendent possible une poursuite de l'activité. Vous avez raison, il nous faut favoriser ces deux procédures amiables.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, il y a deux façons d'aborder ce débat organisé par le président de la délégation aux entreprises, ce dont je tiens à le remercier.
Certaines défaillances d'entreprises s'expliquent par le marché, la guerre commerciale, les tarifs douaniers, le prix de notre énergie, c'est vrai, et il nous faut traiter ces questions.
Mais il faut savoir qu'il existe aussi des entreprises et un patronat qui organisent eux-mêmes la défaillance de l'outil industriel (M. Damien Michallet proteste.) – vous ne voulez pas l'entendre ! – et la délocalisation d'un certain savoir-faire français. On dénombre ainsi 300 plans de licenciement et 300 000 emplois menacés ou supprimés.
Je ne vous parle pas d'ArcelorMittal, de Michelin ou d'Auchan. D'autres le feront. Moi, j'étais hier dans le Gard où j'ai visité une PME, la Verrerie du Languedoc, qui compte 164 salariés et fait travailler 100 sous-traitants. Cette entreprise est un sous-traitant quasi exclusif de l'usine Perrier située à proximité. Elle est détenue depuis 2011 par le groupe Owens-Illinois et n'a aucun problème financier. Son bénéfice l'année dernière a augmenté de 7 % par rapport à l'année précédente.
Cette entreprise a décidé de mettre en œuvre une stratégie financière : supprimer 500 emplois et fermer la verrerie. En conséquence, Perrier ne pourra plus embouteiller, en tout cas pas dans un circuit court, et nous allons perdre un savoir-faire. Voilà la réalité aujourd'hui !
En fait, cette entreprise, qui a touché 15 millions d'argent public en cinq ans, ne veut pas investir dans un nouveau four, pour un coût de 20 millions à 60 millions d'euros au cours des dix-huit prochains mois.
Le fait est qu'on n'a jamais conditionné le fait d'accorder des aides publiques à la préservation de l'outil industriel. Le Gouvernement va-t-il rester les bras ballants face aux stratégies purement financières qui cassent nos savoir-faire et notre industrie ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur, je tiens d'abord à souligner l'engagement d'un certain nombre d'entreprises pour continuer à innover, investir, se transformer et embaucher.
Cela étant, le Gouvernement regrette profondément la décision de l'entreprise que vous évoquez et qui touche l'usine de verrerie de Vergèze, située à proximité du site de Perrier. Son projet de réorganisation s'inscrit dans un contexte économique et financier difficile lié à une baisse structurelle de la consommation des boissons telles que les eaux minérales, le vin et la bière.
Cette réorganisation est présentée comme indispensable par le groupe Owens-Illinois afin de conserver sa très forte implantation en France. Le groupe compte neuf sites à ce jour, ce qui représente 2 000 emplois, auxquels il faut ajouter plusieurs centaines d'emplois chez les sous-traitants.
Le Gouvernement et les services de l'État sont pleinement engagés pour : vérifier la qualité du dialogue social avec les organisations syndicales et le respect de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique (M. Fabien Gay s'exclame.) ; vérifier également la qualité des mesures d'accompagnement du plan de sauvegarde de l'emploi, qui doit tenir compte des spécificités de chacun des sites ; s'assurer de la qualité des actions menées pour trouver un repreneur, conformément à la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, dite loi Florange, dans une période de quatre mois.
Des solutions intégrant des repreneurs existent pour un certain nombre d'entreprises. Ainsi, dans le cas de la Fonderie de Bretagne, un repreneur a été trouvé il y a quelques jours.
M. Fabien Gay. Parce que les camarades se sont battus !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Plus de 250 emplois sont concernés.
Je le répète, des reprises sont possibles. Il faut donc se mobiliser pour trouver un repreneur pour la Verrerie du Languedoc. En tout cas, le Gouvernement est complètement engagé en ce sens.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Vencorex, ArcelorMittal, Michelin, la Fonderie de Bretagne, General Electric, Photowatt : dans toute la France, les sites industriels ferment, entraînant leur lot de licenciements, de pertes de savoir-faire et de territoires meurtris.
Pendant que vous parlez de réindustrialisation, des activités dans des secteurs aussi stratégiques que l'acier, la chimie, les pneus, les éoliennes et les panneaux solaires sont liquidées les unes après les autres. Lorsqu'une entreprise ferme, c'est toute une filière qui se retrouve en difficulté, par un effet domino.
Certes, la compétition asiatique, la guerre commerciale américaine et les prix élevés de l'énergie expliquent en partie les difficultés actuelles. Mais la plupart de ces entreprises sont rentables ! Les choix que font par exemple M. Mittal, déjà riche de 18 milliards de dollars, ou des fonds d'investissement comme BlackRock, qui est à la manœuvre chez Michelin et General Electric, ont pour seul objectif de rémunérer encore plus les actionnaires.
Face à cette rapacité qui détruit notre souveraineté industrielle, que fait l'État ?
Quand il faut subventionner de nouvelles usines, la recherche ou la décarbonation, il est au rendez-vous, souvent sans effectuer aucun contrôle sur l'usage qui est fait des aides. En revanche, quand il faut sauver ces entreprises, il devient tout à coup impuissant, comme si les délocalisations et les licenciements étaient des fatalités divines !
L'État peut pourtant agir, par exemple en nationalisant les activités stratégiques. Nous l'avons fait avec succès pour les Chantiers de l'Atlantique et les câbles sous-marins d'Alcatel ; pourquoi ne pas le faire pour d'autres ? Lorsque des projets de reprise en coopérative par des salariés qui maîtrisent et aiment leur travail existent, pourquoi ne sont-ils jamais retenus et accompagnés ?
Madame la ministre, la destruction créatrice que vous encouragez détruit toute notre industrie. Or l'intelligence artificielle (IA) ne remplacera jamais les savoir-faire humains perdus au passage.
Qu'attendez-vous pour agir ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur, nous regrettons les défaillances et les fermetures d'entreprises, ainsi que les suppressions d'emplois, et ce même lorsqu'il n'y a pas de fermeture.
Pour autant, permettez-moi de rappeler quelques chiffres faisant état d'une réindustrialisation.
L'année 2024 a été une année de continuité dans la réindustrialisation de notre pays. La hausse se poursuit et la dynamique enclenchée en 2022 se confirme, malgré des difficultés conjoncturelles, c'est vrai.
On a ainsi compté 89 ouvertures nettes de sites au total en 2024 et 450 ouvertures nettes depuis 2022. Il s'agit d'un chiffre positif, qu'il convient de souligner, alors que certains commentateurs ne croyaient pas à de telles prévisions il y a encore quelques mois.
Ce solde positif, il faut le mettre en avant, car il nous encourage à tenir bon, à continuer de soutenir les entreprises, à persévérer, à accélérer, sans nier les difficultés. Il s'agit non pas de refuser de les voir, mais de ne pas céder à la fatalité.
Les chiffres nous montrent également que la situation est très contrastée dans le secteur industriel. Alors que les secteurs énergo-intensifs souffrent, les industries vertes et le secteur de l'agroalimentaire réalisent des scores admirables.
Il n'a cependant échappé à personne que la conjoncture est difficile. Encore une fois, il n'y a pas de fatalité. Il nous faut soutenir nos entreprises, les accompagner, actionner tous les leviers utiles pour leur redonner de la compétitivité et assurer leur prospérité économique.
Le projet de loi de simplification de la vie économique comporte un certain nombre de réponses en matière de zéro artificialisation nette (ZAN), de raccordement ou de coût de l'énergie.
Le plan d'urgence européen aura également un impact en la matière.
Enfin, nous devons ouvrir le débat sur le coût du travail et reprendre dès que possible une réflexion sur la baisse des impôts de production, afin de soutenir la compétitivité de nos entreprises.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Merci, madame la ministre, mais quelle est au fond la stratégie du Gouvernement pour faire face à la désindustrialisation, qui est en marche ? De quelle manière allez-vous agir concrètement ?
Les outils qui sont à votre disposition, vous refusez de les utiliser, qu'il s'agisse des nationalisations temporaires, du soutien au modèle des coopératives ou de l'accompagnement des collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Vous avez évoqué à deux reprises la situation des Scop.
En ma qualité de ministre chargée de l'économie sociale et solidaire, je me suis intéressée à ce sujet. Il existe bien une difficulté, actuellement, pour que des structures comme les Scop ou les sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC) disposent d'outils de financement équivalents à ceux qui existent pour l'économie traditionnelle.
Par exemple, le prêt transmission que propose Bpifrance est adapté à des reprises, mais il est réservé aux structures ayant au moins trois années d'ancienneté. Par définition, une Scop ou une SCIC constituée pour reprendre une entreprise ne peut afficher une telle ancienneté. Nous travaillons avec Bpifrance pour trouver une solution.
J'ai participé aujourd'hui à la Conférence des financeurs de l'économie sociale et solidaire : nous y avons étudié un certain nombre d'outils pour organiser le financement de ces structures.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès.
Mme Marion Canalès. Madame la ministre, Auchan, Valeo, Vencorex : bien sûr, ces fermetures et plans sociaux catastrophiques qui sont le fait de grands noms attirent l'attention, dans le Puy-de-Dôme, mon département, comme ailleurs. Mais ces annonces relèvent souvent davantage d'une décision stratégique que d'une défaillance à proprement parler, comme l'a expliqué Fabien Gay.
J'en profite pour parler de la décision, scandaleuse, prise par le groupe Auchan de fermer le magasin des quartiers nord de ma ville, Clermont-Ferrand. Il s'agit d'un choix stratégique de la famille Mulliez, propriétaire d'Auchan, qui condamne des dizaines de salariés. Pourtant, chacun sait que 10 % des dépenses alimentaires et d'équipement des Français profitent à la famille Mulliez.
Ce soir, je veux parler des vraies défaillances, car c'est le sujet retenu par notre délégation aux entreprises.
Les plus petites entreprises sont celles qui en subissent le plus, comme Olivier Rietmann l'a rappelé. Entre octobre 2023 et octobre 2024, il y a ainsi eu une augmentation de 31 % dans le Puy-de-Dôme. C'est un sujet qui nous tient tous à cœur et qui se déroule souvent à bas bruit.
La loi a confié aux tribunaux de commerce une fonction de prévention et un rôle actif dans la détection des difficultés des entreprises, le plus en amont possible, afin d'aider celles-ci à les surmonter. Pousser la porte du tribunal de commerce, c'est faire confiance à des femmes et des hommes qui, comme les chefs d'entreprise en difficulté, sont issus du monde de l'entreprise.
Comme le nombre de salariés dont l'emploi est menacé par une défaillance de l'entreprise a triplé dans mon département, Clermont Auvergne Métropole a pris la décision de ne pas rester sans rien faire et de venir conforter ce rôle de prévention assumé par le tribunal de commerce, en créant un dispositif permettant d'intervenir au stade de la procédure amiable. La métropole a signé une convention, créé un fonds et verse une subvention à l'association des juges et anciens juges consulaires du Puy-de-Dôme. Chaque année, plus d'une douzaine d'entreprises sont ainsi accompagnées afin de traiter les problèmes en amont. La région Île-de-France, aussi, a créé un dispositif, le chèque prévention.
Madame la ministre, vous nous l'avez dit, il y a des initiatives en matière de prévention. Mais il ne suffit pas d'identifier les chefs d'entreprise concernés, il faut aussi les aider, avec de l'argent. L'État va-t-il se saisir de ce type d'initiatives prises par des collectivités locales pour les généraliser, et passer de la culture de la défaillance à une culture de la prévention et du rebond ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Marion Canalès, vous évoquez un certain nombre de dispositifs existants, tout en déplorant un manque de lisibilité ou de clarté, avec pour résultat que trop peu de chefs d'entreprises en difficulté franchissent la porte du tribunal de commerce. Il nous faut renforcer la lisibilité du système afin de faciliter son accès pour les chefs d'entreprise, qui doivent savoir facilement à quelle porte frapper.
J'étais la semaine dernière dans la Loire, où j'ai pu échanger avec le préfet. Ses services y ont mis en place un dispositif pour la prévention des difficultés, en associant l'ensemble des acteurs, publics et privés, sur le modèle du comité qui avait été créé durant la crise de la covid. Ce dispositif, appelé rencontres économiques, permet de porter une attention particulière aux défaillances d'entreprises.
Nous pouvons aussi nous appuyer sur les conseillers départementaux aux entreprises en difficulté, sur les commissaires à la restructuration et à la prévention des risques et sur le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri). Ce n'est effectivement pas toujours facile pour les entreprises de s'y retrouver. Il faut une porte d'entrée unique pour mieux les accompagner et mieux les engager dans les deux dispositifs de procédure amiable.
Au-delà de la question du soutien financier, il faut travailler en amont pour renforcer la compétitivité internationale des entreprises, en diminuant les prélèvements obligatoires et le coût du travail, afin qu'elles puissent embaucher plus facilement. C'est essentiel.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Brault.
M. Jean-Luc Brault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, habituellement, quand le bâtiment tousse, c'est l'économie toute entière qui s'enrhume. Aujourd'hui, le bâtiment est grippé, complètement grippé.
J'ai deux minutes pour vous parler des défaillances d'entreprises, madame la ministre ; il me faudrait deux semaines ! Empilement de normes, surtransposition du droit européen, concurrence déloyale au sein même de l'Union européenne, délais et charges administratives – où en est la simplification ? –, accès au crédit bancaire, agissements et temps de réaction des mandataires liquidateurs…
Dernier exemple en date : ce matin, dans mon département, le Loir-et-Cher, j'ai eu un échange avec un équipementier de la SNCF employant six cents salariés. Il m'a dit que, dans le nord de la France, il lui a fallu deux ans et demi pour obtenir un permis de construire et les autorisations correspondantes. En Espagne, à Barcelone, il lui a fallu cinq mois. Et encore, mes chers collègues, deux ans, c'est dans le cas où vous ne tombez pas sur un triton doré ou un papillon azuré ! Je n'ai rien contre la biodiversité, au contraire, mais vous avez compris l'idée…
Madame la ministre, à l'heure où on arrête chantier sur chantier, je connais, dans le centre de la France, un chantier de 60 millions d'euros qui vient d'être arrêté ce matin, définitivement. Oui, 60 millions d'euros !
L'immobilier peine à redémarrer, nombre de restaurants déposent le bilan… Même des boulangeries mettent la clé sous la porte !
Nous devons nous mobiliser. Nous avons examiné il y a plusieurs mois un projet de loi de simplification de la vie économique, qui a été voté à l'unanimité. Il comporte notamment des mesures sur les syndics et les mandataires liquidateurs, qui font beaucoup de mal lors des dépôts de bilan et qui font traîner les affaires afin de se servir et de liquider la trésorerie de l'entreprise en difficulté.
La question sur le travail le 1er mai n'est pas le sujet de ce débat, mais n'est-elle pas révélatrice ? Ne faut-il pas enfin, madame la ministre, acter une révolution culturelle de l'entrepreneuriat ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Jean-Luc Brault, les entreprises du BTP ont été particulièrement touchées par les dernières crises.
Plusieurs facteurs sont en cause : la hausse des taux d'intérêt, le durcissement des conditions d'octroi des crédits bancaires, mais aussi la baisse de la construction neuve. Même si le secteur de la rénovation énergétique est en croissance, cela ne compense pas totalement la contraction de l'activité dans le neuf. Il nous faut donc tout faire pour relancer la construction et soutenir efficacement le secteur du logement, car c'est un levier essentiel.
Par ailleurs, nous devons continuer le travail de simplification. Le projet de loi de simplification de la vie économique, actuellement en discussion à l'Assemblée nationale, comporte des mesures concrètes, notamment le relèvement de 40 000 euros à 100 000 euros du seuil de la commande publique. Cela facilitera l'accès des TPE et PME à ces marchés.
D'autres pistes sont à l'étude, comme la réforme des groupements momentanés d'entreprises (GME). Aujourd'hui, la responsabilité solidaire et indéfinie entre les membres constitue un frein. Une proposition vise à la supprimer pour les marchés de moins de 100 000 euros, ce qui rendrait ce dispositif bien plus attractif.
Le ministère du logement travaille aussi à simplifier l'accès au label Reconnu garant de l'environnement (RGE).
Enfin, puisque vous évoquez la restauration, je vous informe du lancement, le 13 mai prochain, des Assises de la restauration et des métiers de bouche. Nous travaillerons avec l'ensemble des acteurs du secteur pour répondre aux défis conjoncturels et structurels auxquels ils font face.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je reviendrai tout à l'heure sur les autres mesures de simplification que nous envisageons de prendre.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Hybert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon applaudit également.)
Mme Brigitte Hybert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les chiffres des défaillances au premier trimestre montrent que les Pays de la Loire figurent parmi les régions les plus touchées, avec une augmentation de 28 %, soit 924 procédures supplémentaires.
Dans ma région, 28 % des salariés travaillent dans une ETI, contre 25 % au niveau national. Les ETI attendent une réelle simplification de toutes les procédures. Le programme ETIncelles est donc plutôt bien accueilli par le milieu économique, car il permet de lever certains freins administratifs au bon développement de nos entreprises. Cela va dans le bon sens, et tout ce qui contribue à simplifier la vie de nos entreprises, de nos entrepreneurs, doit être encouragé.
Cependant, certains freins demeurent, notamment dans l'éligibilité à ce programme. Au sens de l'Insee, une PME française doit compter entre dix et deux cent cinquante salariés. En deçà, c'est une TPE ; au-delà, une ETI. Or le critère d'éligibilité au programme ETIncelles intègre les PME comptant entre soixante et deux cent vingt salariés.
Ma question est donc simple : pourquoi imposer un seuil de soixante salariés et un plafond de deux cent vingt salariés ? Pensez-vous généraliser ce programme, qui ne profite aujourd'hui qu'à trop peu d'entreprises ? Élargir le champ des bénéficiaires permettrait de lever des freins pour beaucoup plus d'entreprises et de redonner un élan à l'industrialisation de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Brigitte Hybert, puisque vous avez évoqué la question de la simplification, permettez-moi de vous apporter quelques éléments concrets sur ce point. J'ai engagé une démarche de simplification à deux niveaux : sur le plan législatif, d'une part, au travers du projet de loi de simplification de la vie économique ; sur le plan opérationnel, d'autre part, par la révision des démarches administratives existantes.
J'ai fait un bilan hier matin : 115 formulaires Cerfa ont d'ores et déjà été supprimés sur les 1 800 recensés au total, dont 535 relèvent directement du ministère de l'économie et des finances. Cela représente 450 000 téléchargements annuels en moins pour les entreprises. C'est un allègement concret et mesurable des contraintes administratives, qui va dans le bon sens. (M. le président de la délégation aux entreprises s'en réjouit.)
S'agissant du programme ETIncelles, lancé en 2023, il a déjà accompagné près de deux cents PME, avec un objectif affiché de cinq cents d'ici 2027. Ce programme propose un accompagnement individualisé et sur mesure pour lever les freins à la croissance des PME et les aider à devenir des ETI. Il a été conçu avec souplesse pour permettre à une grande diversité d'entreprises d'y accéder. La direction générale des entreprises (DGE) assure une sélection à partir d'un panel représentatif, permettant de valoriser les pépites de nos territoires.
Dans votre propre département, plusieurs entreprises bénéficient déjà de cet accompagnement, telles que le groupe ABCM, Arcade Cycles, Rabaud ou Clean Sells.
Je le répète, les critères de sélection sont souples.
La dernière campagne d'appel à manifestation d'intérêt s'est close le 28 mars 2025. Le lancement de la cinquième promotion interviendra le 16 mai prochain. Je vous invite, si vous connaissez des entreprises susceptibles d'en bénéficier, à les orienter vers la DGE.
M. le président. La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Madame la ministre, j'imagine que les questions posées cet après-midi seront parfois redondantes. Personne ne nie ici les difficultés rencontrées par les entreprises ni ne conteste le nombre de faillites et de dépôts de bilan. Mais nul ne peut nier l'effort fait ces dernières années par les gouvernements successifs pour faire de la politique de réindustrialisation une véritable priorité, car cet effort a porté ses fruits.
On peut dramatiser à l'extrême. La vie économique a toujours été faite d'entreprises qui se créent, et d'autres qui disparaissent. C'est la vie des entreprises. Pour autant, c'est vrai qu'il y a des efforts à faire dans ce pays.
Pendant la crise sanitaire, le Gouvernement a mis en place de nombreux dispositifs exceptionnels, tels que les fonds de solidarité, les prêts garantis par l'État, les exonérations de charges. Personne ne le nie, et tout le monde les réclamait. Ces aides ont permis de préserver l'activité de centaines de milliers d'entreprises et de sauver notre économie. Elles ne sont plus à l'ordre du jour. Certaines structures déjà fragilisées rencontrent des difficultés de trésorerie et, vous l'avez dit, l'effet de rattrapage intervient aujourd'hui.
Ce sont surtout les petites entreprises les plus exposées aux potentielles hausses de droits de douane qui font face aujourd'hui à des pressions considérables.
Je pense en particulier à une entreprise de sidérurgie de mon département, Valti, qui était un fleuron de la métallurgie et fabriquait des tubes en acier, notamment pour les centrales nucléaires. Une de ses usines historiques, située à Montbard, a été victime d'une liquidation judiciaire ordonnée le 4 février dernier par le tribunal de commerce de Dijon. Ce sont ainsi cent trente personnes qui risquent de se retrouver sans emploi.
C'est vrai qu'il est difficile, aujourd'hui, de trouver un repreneur. Cela marque la fin d'une époque, mais cet exemple s'inscrit, malheureusement, comme cela a été dit, parmi tant d'autres.
Par ailleurs, la guerre commerciale hasardeuse importée par l'administration de Donald Trump engendre beaucoup d'incertitudes pour le tissu d'entrepreneurs français. Or, que ce soit dans le secteur des produits chimiques, des produits cosmétiques, des parfums ou de l'aéronautique ou encore dans le secteur viticole, nous exportons de nombreux produits issus du savoir-faire français. Si nous n'agissons pas dans ces secteurs, nous serons fortement affectés. Demain, ce seront d'autres acteurs qui prendront la place de nos entreprises, issus de groupes étrangers massivement subventionnés, parfois moins soucieux de nos standards, surtout environnementaux.
Vous avez déjà évoqué, madame la ministre, le travail qui est fait, les pistes que vous envisagez et les mesures qui ont été prises et qui portent leurs fruits.
M. le président. Il faut conclure.
M. François Patriat. Allez-vous prendre encore des mesures de simplification pour aider les entreprises à poursuivre leur activité ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur François Patriat, vous avez, à juste titre, évoqué la réindustrialisation qui débute, et j'avais moi-même eu l'occasion d'y revenir.
Je rappelle quelques chiffres : en 2024, ce sont quatre-vingt-neuf ouvertures nettes de sites industriels qui ont été enregistrées, portant à quatre cent cinquante le nombre total depuis 2022. Au-delà des défaillances d'entreprises, réelles, nous devons aussi prendre en compte cette dynamique positive.
S'agissant des droits de douane, leur évolution récente engendre de l'incertitude. Même si une suspension a été décidée par Donald Trump sur l'augmentation de 20 % initialement prévue, il ne faut pas oublier que d'autres hausses ont bien été mises en œuvre : 10 % sur de nombreux produits, 25 % sur l'acier, l'aluminium, l'automobile et leurs dérivés. Cette période de quatre-vingt-dix jours de suspension reste donc marquée par l'incertitude pour nos entreprises.
Nous devons profiter de ce moment pour construire un rapport de force, pour forcer à la discussion, et cela doit se faire collectivement, de manière unie, à l'échelle européenne. D'ailleurs, le monde économique s'est très rapidement félicité de cette prise de position commune de l'Europe, sans initiatives isolées des États membres.
Vous avez aussi évoqué les mesures de simplification. Elles sont engagées dans le cadre du projet de loi de simplification de la vie économique. Plusieurs dispositifs sont prévus pour améliorer l'accès à la commande publique, notamment en faveur des artisans ; pour faciliter aussi la vie des start-up innovantes, avec des seuils adaptés ; et pour soutenir les commerçants. Je pense ici à la mensualisation des loyers commerciaux, en lieu et place du paiement trimestriel, ou encore à la limitation du dépôt de garantie à un mois. Ces mesures, à elles seules, représentent un gain de trésorerie de 2 milliards d'euros pour les commerçants. Enfin, des mesures spécifiques sont également prévues pour les TPE, toujours dans ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet.
M. Philippe Grosvalet. Madame la ministre, en 2024, 67 830 procédures de défaillance d'entreprises ont été enregistrées. Tous les secteurs sont touchés, toutes nos régions. Un record, hélas !
L'année 2025 ne semble pas en voie de voir cette implacable réalité corrigée : 250 000 emplois sont menacés.
La direction d'ArcelorMittal vient d'annoncer six cents licenciements, ce qui vient encore assombrir le tableau. En Loire-Atlantique, comme sur l'ensemble des territoires concernés, c'est la stupeur. Prendre la décision de licencier six cents salariés après avoir bénéficié de 298 millions d'euros de subventions en 2023, puis s'être vu promettre des aides de 850 millions d'euros pour décarboner son activité est incompréhensible pour l'ensemble de nos concitoyens.
ArcelorMittal vient s'ajouter à l'inquiétante litanie : Michelin, Vencorex, Systovi, General Electric – encore dans mon département... Et cette liste n'est pas exhaustive.
Certes, les déclarations de l'administration Trump viennent compliquer une situation économique internationale particulièrement incertaine. Mais ces aléas ne peuvent à eux seuls expliquer la fragilisation de notre tissu économique et industriel : l'absence de vision, le manque de planification y sont pour beaucoup.
L'objectif de souveraineté industrielle ne peut pas se réduire à la distribution de subventions, sans stratégie de sauvegarde et de structuration. Il est plus que temps que l'État s'empare de ce sujet à bras-le-corps pour initier une réelle politique de développement économique et industrielle en partenariat avec nos territoires et nos représentants européens.
Ayons une pensée particulière pour tous les salariés de notre pays qui voient leur avenir et celui de leur famille plongé dans l'incertitude, sans oublier les territoires, qui ne sortent jamais indemnes de ces fermetures.
À quand, madame la ministre, une planification pour garantir à nos concitoyens, à notre République, la souveraineté économique et industrielle que nous sommes en droit d'attendre ? S'agissant d'ArcelorMittal, qu'envisagez-vous de faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Philippe Grosvalet, nous avons pris connaissance des annonces faites par ArcelorMittal concernant le site de Dunkerque. Certes, nous sommes dans un contexte de crise sans précédent pour la sidérurgie européenne, notamment du fait de surcapacités mondiales. Nous ne pouvons que regretter cette décision.
Dans la filière sidérurgique, les difficultés remontent à plusieurs années. Entre 2018 et 2023, la production européenne a baissé de 20 % et, en 2024, la demande sur le marché européen s'est affaiblie, ce qui entraîne des surcapacités.
Le plan d'ArcelorMittal concerne tous les sites européens et ne vise pas uniquement et spécifiquement les sites français. ArcelorMittal soutient que ces annonces sont liées à un objectif prioritaire de restauration de la compétitivité du groupe. Aucun des sites français n'est menacé de fermeture à court terme – il est important de le rappeler et nous serons particulièrement vigilants sur ce point, comme le ministre chargé de l'industrie, Marc Ferracci, l'a clairement dit.
La France est très mobilisée au niveau européen pour obtenir des mesures fortes de protection du marché de l'acier afin de restaurer une concurrence loyale en Europe. Avec huit autres États membres, elle a d'ailleurs fait des propositions ambitieuses à la Commission, qui se sont traduites par un plan d'action présenté le 19 mars dernier et un premier renforcement des mesures de défense commerciale au 1er avril 2025. Un nouvel instrument de protection commerciale doit être proposé au plus vite par la Commission ; la France plaide pour qu'il soit le plus ambitieux possible afin de préserver l'industrie sidérurgique européenne.
L'État sera très vigilant quant à la mise en œuvre des annonces d'ArcelorMittal, notamment en matière de reclassement des salariés concernés, pour lesquels j'ai une pensée, et poursuit les discussions avec le groupe pour la confirmation rapide de projets de décarbonation sur les sites de Dunkerque et Fos-sur-Mer, auxquels l'entreprise s'est engagée.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Pierre-Antoine Levi. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'impact dévastateur des retards de paiement sur les défaillances d'entreprises, qui progressent de manière inquiétante.
Le rapport remis le 23 avril dernier par les médiateurs Frédéric Visnovsky et Pierre Pelouzet dresse un constat alarmant : les retards de paiement interentreprises ont atteint près de quatorze jours fin 2024, privant nos TPE et PME de 15 milliards d'euros de trésorerie. Cette situation est d'autant plus préoccupante que nous traversons une période de croissance ralentie, de 0,9 % en 2025 selon la Banque de France.
Les chiffres sont parlants : 20 % des TPE et 9 % des PME présentent des capitaux propres négatifs, ce qui révèle une fragilité structurelle inquiétante de notre tissu économique. Dans ce contexte, les retards de paiement constituent souvent la goutte d'eau qui fait déborder le vase, menant à la défaillance.
Le rapport cite également le frein culturel, issu de la honte de l'échec, qui conduit à une situation de déni, aggravée par l'absence d'informations prévisionnelles de trésorerie.
De plus, les outils d'aide aux entreprises sont souvent mis en œuvre par des structures qui effraient les chefs d'entreprise, comme les tribunaux de commerce, perçus uniquement comme des instances de sanction et de liquidation – à tort.
Madame la ministre, face à cette situation, je souhaiterais connaître votre position sur trois recommandations majeures du rapport.
Premièrement, envisagez-vous de modifier le régime des sanctions pour retards de paiement, en calculant les amendes en pourcentage du chiffre d'affaires et en supprimant le plafond actuel de 2 millions d'euros, manifestement insuffisant pour dissuader les grandes entreprises ?
Deuxièmement, comment comptez-vous mettre en œuvre la création d'équipes territoriales animées au niveau régional pour fédérer les acteurs publics et privés autour de la prévention des difficultés ?
Enfin, la recommandation concernant l'information systématique des entreprises sur les dispositifs d'aide disponibles, notamment par les experts-comptables, me semble cruciale. Comment entendez-vous soutenir cette démarche, notamment pour les TPE et PME, qui n'ont pas les ressources suffisantes pour payer des prestations de conseil ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Pierre-Antoine Levi, vous évoquez un sujet important, qui est une préoccupation quotidienne des entreprises, en particulier dans les PME et les TPE, qui sont les dernières entreprises en bout de chaîne.
Aujourd'hui, les retards de paiement représentent environ 15 milliards d'euros de trésorerie, qui manquent cruellement à nos PME et TPE. C'est un sujet de justice économique entre entreprises, quelle que soit leur taille.
Structurellement, deux éléments devraient nous permettre, à terme, de réduire ces délais : la mise en place progressive de la facturation électronique, qui permettra une meilleure maîtrise des délais ; l'intégration, depuis 2022, des comportements de paiement dans la cotation des entreprises réalisée par la Banque de France.
Néanmoins, vous avez raison, la situation actuelle n'est pas satisfaisante. Il existe bien un dispositif de sanction, avec des amendes plafonnées à 2 millions d'euros, voire 4 millions en cas de récidive, mais force est de constater qu'il ne fonctionne pas suffisamment bien : trop d'infractions sont encore constatées.
Je veux ici saluer le travail de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur ce sujet. En 2024, onze amendes supérieures à 1 million d'euros ont été prononcées. Éric Lombard et moi-même avons d'ailleurs échangé ce matin avec sa directrice, Sarah Lacoche, sur ce sujet lors d'une visite sur un site de sa direction.
Nous avons aussi abordé ce point avec le président de la délégation sénatoriale aux entreprises, en vue de préparer un texte législatif et de le porter ensemble.
Vous soulevez aussi la question de la prévention. Oui, il faut améliorer la lisibilité du dispositif et mettre en place un guichet unique, une porte d'entrée claire pour toutes les entreprises confrontées à des difficultés, voire même avant qu'elles n'en rencontrent.
Enfin, vous parlez de l'accompagnement. Là encore, je vous rejoins : il faut que nous puissions établir une charte avec les différents acteurs – chambres consulaires, organisations professionnelles, fédérations, mais aussi acteurs privés comme les experts-comptables – afin d'améliorer l'accueil.
M. le président. La parole est à M. Denis Bouad.
M. Denis Bouad. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne peux pas participer à ce débat sans vous parler du coup dur qui a frappé mon département ces derniers jours.
L'annonce de la fermeture de la verrerie de Vergèze constitue une véritable onde de choc pour tout un territoire : 164 familles sont aujourd'hui dans la détresse. Nous devons garder à l'esprit l'impact de ces évènements sur ces familles, qui voient du jour au lendemain leurs projets d'avenir remis en cause.
Sans repreneur dans les prochains mois, la verrerie de Vergèze devra fermer. Pourtant, 70 % de ses commandes émanent de son voisin immédiat – il suffit de traverser la route –, l'usine Perrier. Cette fermeture représenterait un non-sens écologique et une perte irréversible pour l'économie de l'ensemble du territoire.
La commune de Vergèze et l'ensemble des collectivités sont pleinement mobilisées aux côtés des salariés. Mais, aujourd'hui, un engagement fort de l'État semble indispensable pour permettre le maintien de cet outil de production.
Madame la ministre, c'est tout un territoire qui a besoin de se sentir soutenu. Nous ne pourrons pas laisser sacrifier la verrerie de Vergèze et ses salariés sur l'autel du profit et des stratégies financières. Avec 7 % de résultat, comment accepter la fermeture de ce site ?
La protection de notre souveraineté industrielle commence par la préservation des emplois industriels existants ! On ne peut pas parler de manière crédible de « réindustrialisation française » face à des salariés qui voient fermer l'usine où ils ont travaillé toute leur vie, parfois de père en fils.
Madame la ministre, comment votre gouvernement compte-t-il s'engager pour défendre le maintien de ces sites de production et de ces emplois industriels, aujourd'hui menacés, à Vergèze comme ailleurs sur le territoire national ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Denis Bouad, le cas de la verrerie de Vergèze a déjà été abordé dans le cadre d'une précédente question.
Il convient de relever la baisse structurelle de la consommation de vin, ce qui réduit d'autant les besoins en verre, et de bière, pour laquelle ce matériau est de surcroît en concurrence avec l'aluminium.
Nous regrettons évidemment qu'une telle réorganisation ait été décidée, qui plus est dans un contexte économique et financier déjà difficile, pour les raisons que je viens de rappeler.
Le Gouvernement et les services de l'État sont entièrement mobilisés ; ils le resteront autant que nécessaire. Un suivi territorial a été lancé par le préfet du Gard ; l'ensemble des acteurs économiques, sociaux et politiques du territoire y sont associés, comme c'est le cas dans ce type de situations. Je salue l'engagement de la préfecture, de la sous-préfecture, du commissaire aux restructurations et prévention des difficultés des entreprises (CRP), de la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) du Gard et d'un certain nombre d'acteurs économiques locaux, comme les agences de développement économique, notamment celle du conseil régional, ou les chambres consulaires.
Nous devons tout mettre en œuvre pour trouver un repreneur, afin que les salariés puissent retrouver un emploi. Le Gouvernement est pleinement engagé en ce sens.
M. le président. La parole est à M. Denis Bouad, pour la réplique.
M. Denis Bouad. Madame la ministre, j'entends vos arguments, mais vous ne répondez pas à ma question.
Perrier, qui est aujourd'hui le principal client de la verrerie du Languedoc, l'avait vendue voilà une dizaine d'années pour un euro symbolique.
Sachant que l'usine vend aujourd'hui 70 % de sa production à Perrier et les 30 % restants au secteur brassicole, je ne vois pas bien en quoi sa fermeture serait justifiée par les problèmes de la viticulture…
Peut-être faudrait-il réexaminer avec soin les aides qui sont versées.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Nédélec. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)
Mme Anne-Marie Nédélec. Madame la ministre, l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) joue un rôle essentiel d'amortisseur social en avançant le versement des créances salariales dues aux employés lorsque leur entreprise est en procédure collective. Ce mécanisme, financé par les employeurs, représente un filet de sécurité indispensable pour que les défaillances d'entreprise ne se traduisent pas par une précarisation brutale des salariés concernés.
La situation économique dans laquelle nous nous trouvons actuellement pèse fortement sur le régime, avec des montants record d'avances versées ces deux dernières années, ce qui a conduit la gouvernance à augmenter par deux fois le taux de cotisation en 2024.
À ces difficultés conjoncturelles s'ajoutent les conséquences de jurisprudences récentes de la Cour de cassation, qui ont eu pour effet d'étendre progressivement le périmètre de la garantie sur des sommes de nature indemnitaire, s'éloignant ainsi de la mission première de l'AGS : couvrir les créances relatives à la protection de la rémunération. Cela remet en cause la capacité du régime à recouvrer efficacement les fonds avancés aux salariés. Or cette capacité à recouvrer, qui est liée pour l'essentiel au statut de créancier prioritaire, est indispensable pour assurer l'équilibre financier du régime.
Madame la ministre, dans ce contexte instable, quelles garanties le Gouvernement peut-il apporter quant à la sécurisation du régime de garantie des salaires ? Ce sujet primordial pour les salariés et les entreprises de notre pays a-t-il bien été identifié par vos services et ceux des autres ministères compétents ? (M. Bruno Sido applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Anne-Marie Nédélec, vous avez raison, le dispositif AGS est très utile : il participe à garantir le paiement des sommes dues aux salariés, notamment lorsque l'employeur est en procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et qu'il n'a pas les fonds disponibles pour régler les salaires.
Ce régime permet aux salariés d'obtenir le paiement, dans des délais encadrés, de sommes qui leur sont dues. Il n'a jamais fait faillite et a toujours réussi à assurer sa mission, malgré les crises.
Les situations ont été très variables, avec des creux et des vagues. En 2024, le montant des avances a atteint 2,13 milliards d'euros, son plus haut niveau depuis 2014.
Face à la dégradation de la conjoncture et à la hausse des défaillances, l'AGS a – vous l'avez souligné – relevé ses taux.
En outre, le 25 juin 2024, elle a conclu un accord avec les administrateurs et mandataires judiciaires. Les effets sur les ressources du régime sont notables. Au premier trimestre 2025, ce sont ainsi 157,6 millions d'euros qui ont été récupérés, soit une hausse de 53,2 % par rapport au premier trimestre 2024. De même, en 2024, 607 millions ont été récupérés par les administrateurs et mandataires judiciaires, soit une hausse de 72 % par rapport à 2023.
En plus des rentrées liées au taux de cotisation et des sommes récupérées par les administrateurs et mandataires judiciaires, l'AGS peut recourir à des lignes de prêt auprès des banques. Ce n'est jamais arrivé, mais c'est une piste, même si ce n'est pas celle que nous privilégions.
Le Gouvernement est très attaché à ce régime. Nous sommes vigilants et nous continuerons à suivre de près les évolutions dans les prochains mois, en lien notamment avec le ministère du travail.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Nédélec, pour la réplique.
Mme Anne-Marie Nédélec. Certes, madame la ministre, mais, compte tenu de la situation actuelle, il me paraît tout de même essentiel que l'AGS puisse se concentrer sur sa mission première. On ne peut pas tout demander aux entreprises, qui ne sont d'ailleurs pas toutes inscrites au CAC 40 !
Avant de distribuer la richesse, donnons aux entreprises les moyens de la créer !
Mme Frédérique Puissat. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je souscris à vos remarques. Le Gouvernement est d'ailleurs très attentif au fait que l'AGS puisse assurer sa mission première : garantir le salaire en cas de défaillance de l'entreprise.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat.
M. Simon Uzenat. Je remercie M. le président de la délégation sénatoriale aux entreprises de l'organisation de ce débat.
Madame la ministre, comme l'ont souligné de nombreux collègues, les défaillances sont en hausse notable. En témoigne l'évolution du nombre de redressements ou de liquidations judiciaires prononcés par les tribunaux de commerce – j'ai pu l'observer dans mon département, à Lorient comme à Vannes – entre 2023 et 2024.
Au-delà des défaillances, c'est bien l'emploi qui est menacé. Les entreprises concernées sont principalement des PME et des ETI, de 9 et 4 999 salariés, avec une hausse de plus de 60 % en 2024 par rapport à la période de 2017-2019. Pour les très petites entreprises (TPE), l'augmentation n'est que de 16 %.
Dans l'industrie, la trésorerie et les carnets de commandes sont en baisse, quand les stocks sont en hausse. Dans le bâtiment, la crise est structurelle. Le climat est anxiogène. L'attentisme se généralise. Tout cela est, pour partie, lié au cycle électoral. Mais c'est surtout l'une des conséquences directes des coupes budgétaires que votre gouvernement, madame la ministre, a imposées aux collectivités locales.
Le Sénat a lancé une commission d'enquête sur la commande publique, sur l'initiative du groupe Les Indépendants – République et Territoires. Au bas mot, ce sont 170 milliards d'euros qui sont concernés à ce titre chaque année. En réalité, c'est sans doute beaucoup plus. Un rapport de la Cour des comptes européenne estime à près de 14 % la part de la commande publique dans le PIB de notre continent, soit quelque 300 milliards d'euros, voire 400 milliards d'euros. C'est massif.
Pour soutenir la Fonderie de Bretagne ou pour aider les entreprises qui veulent évoluer en ETI, les collectivités, qu'il s'agisse de Lorient Agglomération ou de la région Bretagne, sont au rendez-vous. Mais, pour cela, elles ont besoin de visibilité et de moyens.
Quelles réponses leur apportez-vous, madame la ministre ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Simon Uzenat, parmi les différents points que vous avez abordés, vous avez rappelé le montant important de la commande publique, soit 170 milliards d'euros, voire plus selon les estimations de la Cour des comptes européenne.
Pour soutenir nos entreprises, en particulier nos TPE et nos PME, il est important de simplifier l'accès à la commande publique. Je me réjouis donc qu'un certain nombre de mesures en ce sens figurent dans le projet de loi de simplification de la vie économique.
Vous m'avez également interrogée sur le besoin de visibilité des collectivités pour pouvoir s'engager dans des opérations d'infrastructures.
Je note qu'aujourd'hui les collectivités locales lancent beaucoup de chantiers. J'en veux pour preuve le nombre important de demandes de subventions, que ce soit dans le cadre de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ; tous les préfets nous le confirment. Cela dénote un engagement très fort de la part des collectivités.
En l'occurrence, si une collectivité mérite une attention particulière, c'est bien, me semble-t-il, le département, qui est confronté à de véritables difficultés, liées à la hausse des besoins en matière sociale et à la baisse de ses ressources – je pense notamment aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Un certain nombre de rapports convergent en ce sens.
Le Gouvernement est pleinement engagé. La ministre Catherine Vautrin a d'ailleurs reçu un certain nombre de représentants des départements voilà quelques jours.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour la réplique.
M. Simon Uzenat. Sur la simplification, nous pouvons être d'accord. Mais les collectivités ont besoin de moyens financiers pour pouvoir investir et soutenir l'économie locale.
Vous avez évoqué la DETR et la DSIL. Or, en la matière, les demandes des collectivités – c'est le cas dans mon département – seront loin d'être toutes satisfaites. Et beaucoup nous disent qu'en l'absence de soutien, elles renonceront à certains projets.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je rappelle que, globalement, les montants de la DTER et de la DSIL n'ont pas varié ; ceux de 2025 sont équivalents à ceux de 2024. À vous entendre, on pourrait avoir le sentiment qu'ils ont baissé, ce qui n'est pas le cas.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat.
M. Simon Uzenat. Madame la ministre, même si l'inflation a diminué, elle n'a pas disparu !
Certes, si l'on ne prend pas en compte l'inflation, les montants paraissent stables. Et encore : pas toujours ! Dans mon département, ils sont en baisse de 2 millions d'euros, avec de lourdes conséquences pour les collectivités, en particulier dans les territoires ruraux.
Pour la seule année 2025, l'effort que vous réclamez s'élève à 7 milliards d'euros. Et cela risque même d'être plus dans les mois à venir, à en juger par les discussions qui s'amorcent et par les coupes supplémentaires que votre gouvernement semble vouloir opérer.
Les élus locaux nous le disent très clairement : ils annulent des projets, tous niveaux de collectivités confondus, toutes sensibilités politiques confondues.
Cela va avoir des effets en chaîne, potentiellement récessifs pour l'économie, avec des répercussions sur tous les territoires, toutes les entreprises.
Madame la ministre, nous espérons que votre gouvernement retrouvera le chemin de la sagesse sur ce sujet particulièrement important pour les collectivités et les entreprises.
M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)
Mme Lauriane Josende. Madame la ministre, comme cela a été souligné, les défaillances d'entreprises sont malheureusement devenues trop fréquentes dans notre pays ; nous remercions donc M. le président de la délégation sénatoriale aux entreprises de l'organisation de ce débat d'une importance cruciale.
Le cas de mon département frontalier, les Pyrénées-Orientales, illustre parfaitement un tel phénomène. En effet, on y relève une hausse de 13 % des cessations d'activité par rapport à l'année dernière, soit près de 4 points au-dessus du taux national. Les entreprises du BTP sont particulièrement affectées par le contexte économique. Ainsi, en 2024, près de 25 % des injonctions de payer ont été ordonnées chez nous dans le secteur de la construction.
Parallèlement, on observe une hausse de 9,6 % des créations d'entreprise. Ce taux est supérieur de près d'un point au taux national. Les entreprises du secteur du bâtiment, comme d'autres, illustrent donc le caractère volontariste et particulièrement résilient du territoire que je représente. En soi, cela pourrait nous rassurer.
Mais, au-delà des chiffres, dont on peut faire des moyennes à l'infini, n'oublions jamais que les défaillances d'entreprises sont autant de drames humains et de pertes de savoir-faire difficile à remplacer.
Dans mon département sinistré, je vois trop de chefs d'entreprise – je pense à l'entreprise créée par mon père en 1973 – se battre chaque jour pour survivre. D'autres finissent par baisser les bras. En effet, ils font énormément de sacrifices, mais ils constatent aussi avec amertume que les normes, les charges et la considération envers ces créateurs de richesses et d'emplois ne sont pas les mêmes des deux côtés de la frontière.
Madame la ministre, quels leviers le Gouvernement compte-t-il utiliser pour aider les secteurs les plus fragilisés comme le BTP ? Dans l'esprit du test PME, entend-il prendre en compte la situation chez nos voisins, notamment pour les entreprises des zones frontalières, lorsqu'il envisage de nouvelles mesures ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Lauriane Josende, comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer, j'ai bien conscience que plusieurs secteurs de l'artisanat, notamment le BTP, sont confrontés à une forte augmentation des défaillances, en raison à la fois des hausses des prix des matières premières, de la baisse du nombre de projets en matière de logement, de l'inflation et, parfois, de difficultés de recrutement ou d'approvisionnement.
Je me réjouis qu'il y ait aussi des créations d'entreprises dans certaines zones.
Vous avez également évoqué la situation particulière des zones frontalières, dont les entreprises se trouvent confrontées à des difficultés, car leurs concurrentes ne sont pas soumises aux mêmes normes et à la même fiscalité ou bénéficient de meilleurs dispositifs en termes de compétitivité. Les distorsions ainsi créées ne sont pas toujours faciles à vivre.
Nous devons donc faire en sorte d'améliorer la compétitivité de nos entreprises. Pour ce faire, nous devons réduire encore davantage les prélèvements obligatoires. Nous nous sommes déjà engagés sur cette voie ; je vous renvoie aux décisions qui ont été prises sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Mais il faut continuer et aller plus loin.
Une réflexion sur le financement de la protection sociale s'impose sans doute également. Celui-ci doit-il continuer à reposer exclusivement sur les revenus du travail ? Personnellement, je ne le pense pas. Si le financement des branches chômage, assurance vieillesse et accidents du travail et maladies professionnelles doit effectivement être assis sur le travail, des réponses différentes peuvent s'envisager dans le cas des branches maladie et famille.
Sur le test PME, il faudra effectivement prendre en compte les entreprises des zones frontalières.
M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende, pour la réplique.
Mme Lauriane Josende. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse très complète. La piste que vous évoquez sur le financement de la protection sociale me paraît très intéressante. Il faut que nous la creusions ensemble. Nous nous y emploierons au sein de la délégation sénatoriale aux entreprises. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Pour le test PME – nous avons évoqué le sujet à plusieurs reprises avec M. le président de la délégation sénatoriale aux entreprises –, notre intention est d'avoir un panel d'entreprises volontaires de toutes les tailles, de tous les secteurs d'activité et de tous les territoires, zones frontalières incluses.
M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende.
Mme Lauriane Josende. Encore une fois, dans les Pyrénées-Orientales, nous avons un tempérament volontariste. Je suis certaine que des entreprises de mon département seront volontaires pour participer à ces réflexions et à la recherche de mesures correctrices, au bénéfice de tous.
M. le président. La parole est à M. Damien Michallet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Damien Michallet. Je remercie M. le président de la délégation sénatoriale aux entreprises de l'organisation de ce débat. C'est l'occasion de rappeler que les entreprises ont leur place au sein de la Haute Assemblée.
La question des défaillances, qui nous réunit ce soir, est très importante. En tant qu'élu de l'Isère – j'associe ma collègue Frédérique Puissat à cette prise de parole –, je ne peux pas ne pas évoquer Vencorex, Photowatt, Valeo, entreprises de mon département qui ont disparu.
Nous le voyons ce soir, nous sommes d'accord sur l'objectif : lutter contre la disparition des entreprises.
Madame la ministre, les représentants de l'État ont tendance à minimiser les alertes lancées sur le sujet en rétorquant que la création d'entreprises est toujours dynamique, ce dont nous sommes ravis, et que le solde serait donc positif.
Mais il est dangereux de se rassurer ainsi : la disparition d'entreprises entraîne la disparition de savoir-faire précieux, de compétences uniques. Elle remet aussi en cause certaines chaînes de valeur et peut augmenter notre dépendance aux fournisseurs étrangers. Dans le contexte de guerre commerciale que nous connaissons, cette perspective nous oblige à nous mobiliser pour conserver nos entreprises.
Or, à côté des défaillances, nous observons un phénomène de disparition des entreprises qui, faute de préparation insuffisante en amont, n'ont pas pu être transmises. Dans son dernier rapport sur la transmission d'entreprise, la délégation sénatoriale a montré le caractère essentiel du pacte Dutreil, pourtant ignoré de 82 % des chefs d'entreprise consultés, alors qu'il permet des transmissions aux familles ou aux salariés.
Madame la ministre, je sais que vous y êtes sensible. La transmission, c'est de l'emploi ; c'est de la valeur ajoutée pour nos territoires ; ce sont des savoir-faire conservés ; c'est de la fierté collective.
Le Gouvernement va-t-il enfin lancer une campagne d'information auprès des dirigeants de TPE et de PME, afin de mieux les sensibiliser sur le sujet et de leur présenter le pacte Dutreil, qui est une vraie assurance vie à la transmission ?
Les entreprises les plus modestes en taille sont aussi concernées que les autres, mais elles manquent d'accompagnement et de sensibilisation.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Damien Michallet, il faut effectivement faire très attention lorsque l'on évoque un « solde positif ».
Il est vrai que nous avons beaucoup de créations, mais elles sont souvent le fait de très petites entreprises. Je le rappelle, en 2024, 1,1 million d'entreprises se sont créées, dont 700 000 microentreprises.
En outre, des entreprises cessent parfois leur activité sans qu'il y ait eu, pour autant, défaillance. En 2024, il y a eu 66 000 défaillances et 165 000 entreprises ont cessé leur activité indépendamment des défaillances.
Je partage donc votre sentiment : nous devons nous préoccuper de la transmission et de la reprise des entreprises.
Je tiens à le souligner, le pacte Dutreil est un excellent dispositif, qu'il faut évidemment maintenir. Il facilite la transmission, le plus souvent au sein de la famille, sans avoir à acquitter un certain nombre de droits, permettant ainsi à l'entreprise de continuer à se développer, à investir et à innover. Une proposition de loi visant à le réformer en abaissant l'exonération de droits de mutation à titre gratuit en contrepartie d'un accroissement de la durée de l'engagement a d'ailleurs été déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale le 4 février dernier.
Je suis particulièrement mobilisée sur la question des transmissions et de reprises d'entreprises. En effet, selon les estimations, quelque 700 000 entreprises devraient cesser leur activité au cours des dix prochaines années. Or, aujourd'hui, une entreprise sur deux n'est pas reprise !
Ainsi que j'ai eu l'occasion de m'en ouvrir à M. le président de la délégation sénatoriale aux entreprises, je vais lancer des Assises de la transmission-reprise, afin de réunir l'ensemble des parties prenantes – chambres consulaires, organisations professionnelles, acteurs économiques, parlementaires, etc. – autour de la table et de faire émerger des propositions.
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Else Joseph. Madame la ministre, je souhaiterais aborder le suivi de l'impact des défaillances d'entreprises, qui peut être complexe, car il varie selon trois critères.
Le premier est le critère sectoriel. Selon les chiffres de l'AGS, six secteurs concentrent plus de 80 % des salariés bénéficiaires de la garantie des salaires. L'industrie, la construction et les services aux entreprises sont les plus touchés. Mais il y a aussi des progressions inquiétantes, comme dans l'agriculture, où le nombre de défaillances, certes moins important en volume que dans d'autres secteurs, a connu la plus forte hausse – plus de 37 % ! – de l'année 2024.
Le deuxième est le critère géographique. En l'occurrence, l'Île-de-France concentre, sans surprise, 28 % du total des montants versés par l'AGS.
Le troisième est évidemment le critère stratégique. Certaines entreprises peuvent être clés pour l'indépendance de la production française ou pour la conservation d'un savoir-faire.
Madame la ministre, compte tenu de la multiplicité des critères et des données, comment votre ministère et, plus généralement, le Gouvernement pilotent-ils le suivi des défaillances d'entreprises ? Quels sont les indicateurs clés pour lancer une alerte ? Comment les services de l'État s'organisent-ils pour repérer les défaillances les plus inquiétantes pour notre économie ? Inquiétantes, elles le sont toutes du point de vue de l'emploi, mais pas forcément de celui, par exemple, de la souveraineté économique.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Else Joseph, vous avez raison : il y a un certain nombre d'indicateurs clés qui permettent d'avoir des informations sur les défaillances d'entreprises à la fois en général et de manière plus ciblée, par exemple par secteur d'activité, par région ou en fonction de l'effectif.
D'ailleurs, les parlementaires sont souvent assez friands de telles informations, car elles permettent l'élaboration et la mise en œuvre de politiques publiques visant à éviter un certain nombre de défaillances, ce qui demeure notre objectif premier.
En l'occurrence, la prévention est très importante, d'où l'intérêt d'un projet informatique comme Signaux Faibles, qui est géré par une start-up d'État sous la tutelle de la direction interministérielle du numérique (Dinum). À l'origine conçu pour répondre à l'urgence de la crise du covid-19, il a finalement été pérennisé. Les comités départementaux peuvent ainsi détecter, grâce à des alertes, les éventuelles futures défaillances, ce qui permet de faire de la prévention et de l'accompagnement, notamment vers les procédures amiables. Dans 70 % des cas, cet accompagnement vers une procédure amiable permet d'éviter l'ouverture d'une procédure collective.
Tous ces éléments permettent de consolider les politiques publiques qui sont menées en soutien de nos entreprises.
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, pour la réplique.
Mme Else Joseph. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Dans mon département, les Ardennes, on a constaté une hausse du nombre de bénéficiaires de l'AGS. En effet, nous avons des entreprises en difficulté, notamment dans la fonderie et la métallurgie.
Ce qui remonte du terrain, c'est la multiplicité et la trop grande dispersion des acteurs, de comités, etc. Comme vous l'avez souligné tout à l'heure, il y a une nécessité de mieux intervenir en amont.
Certes, le tribunal de commerce peut conseiller, mais, bien souvent – c'est le cas dans mon département –, le mot « tribunal » fait peur.
Je pense qu'il faudrait un guichet unique pour plus de simplicité et une meilleure information de l'ensemble des parties prenantes.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Vous avez tout à fait raison, madame la sénatrice.
Il y a effectivement une difficulté de lisibilité, ce qui ne permet pas aux entreprises de frapper à la bonne porte. Le problème a d'ailleurs été souligné dans des rapports de la Cour des comptes et de la médiation du crédit aux entreprises.
Je l'ai moi-même évoqué la semaine dernière dans la Loire. Je pense qu'une réflexion sur la mise en œuvre d'un point d'accès unique s'impose. Le conseiller départemental aux entreprises en difficulté (CDED) pourrait très bien être cette porte d'entrée : il pourrait orienter les entreprises de 50 à 400 salariés vers les CRP et les entreprises de plus de 400 salariés vers le Ciri.
En tout cas, je continuerai à travailler sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph.
Mme Else Joseph. Je vous remercie pour ces éléments, qui sont de nature à rassurer les acteurs de mon territoire.
En amont de ce débat, j'ai beaucoup consulté. Ce ressenti me semble largement partagé : on voit bien l'évolution des carnets de commandes, mais on ne sait pas à qui s'adresser. Votre annonce est une bonne nouvelle. Il faudra communiquer sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Valente Le Hir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sylvie Valente Le Hir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Panhard, Citroën, Peugeot, Renault sont devenus des noms synonymes de l'histoire industrielle et automobile française au cours du XXe siècle.
L'automobile a transformé notre quotidien et façonné nos territoires, comme l'illustrent les exemples de Peugeot à Sochaux ou de Michelin à Clermont-Ferrand.
Or ce que nous imaginions impensable est en train de survenir : notre filière automobile et ses sous-traitants sont purement et simplement menacés de disparition.
Les causes sont plurielles : concurrence étrangère, choix industriels erronés, décisions politiques inconsidérées. Quant aux chiffres, ils sont impressionnants : 149 000 entreprises, 990 000 emplois directs et indirects, 155 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 6 milliards d'euros investis chaque année dans la recherche et développement, selon les chiffres officiels du ministère.
Prenons l'exemple de la ville de Méru, dans l'Oise, où le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) affectant le centre technique Forvia a conduit, en novembre dernier, à la suppression de cent deux postes dans le service de recherche et développement.
Ce fut, pour cette ville de près de 15 000 habitants, un cataclysme, un traumatisme d'autant plus fort qu'en juillet 2020, le ministre de l'économie, M. Bruno Le Maire, était venu sur place parler de verdissement et de relance de l'économie.
Les dernières annonces du président des États-Unis, Donald Trump, sur une augmentation sans précédent des droits de douane viennent encore noircir davantage un tableau déjà sombre.
Comment être conscient de cette situation et laisser faire ? Nous savons et nous laissons faire ! Alors que le libre-échange devient de plus en plus théorique en raison de la montée en puissance de nouveaux acteurs tels que la Chine, qui subventionne allègrement ses constructeurs, nous, Européens, refusons d'accompagner les nôtres.
Pire encore, nous leur imposons unilatéralement et contre toute réalité un calendrier de fin de vente des véhicules thermiques en Europe à l'échéance 2035.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Sylvie Valente Le Hir. Dans ce contexte et sans modification des règles en vigueur, nous sommes condamnés à vivre et à revivre le même scénario qu'à Méru.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Sylvie Valente Le Hir, vous évoquez la situation de la filière automobile et, en particulier, celle d'une entreprise de votre territoire.
Les ventes de véhicules en France sont structurellement en baisse depuis les années 2000, mais elles ont aussi chuté fortement dans les dernières années, puisque l'on compte près de 25 % d'immatriculations en moins par rapport à 2019.
D'autres éléments sont à prendre en compte, comme le choix de sortir du véhicule thermique en 2035. À cet égard, nous sommes au milieu du gué : les constructeurs automobiles ont investi pour transformer leur industrie, des bornes de recharge commencent à être déployées, les utilisateurs de véhicules électriques sont de plus en plus nombreux et cette technologie continuera sans aucun doute à s'imposer dans les années qui viennent.
Je suis consciente des fortes répercussions de ce contexte de marché sur les entreprises de l'industrie automobile, comme Forvia, par exemple, qui vient d'annoncer la suppression de 10 000 emplois en Europe.
Il faudra accompagner ces suppressions d'emplois et prêter une attention particulière aux dispositifs de reclassement qui seront mis en place.
Nous devons également soutenir la filière automobile française dans sa transformation. Au travers de dispositifs comme France Relance ou France 2030 – 54 milliards d'euros ont été engagés au titre de France 2030 dans la rénovation de notre industrie et la préparation du futur –, nous l'accompagnons déjà et nous continuerons de le faire.
Conclusion du débat
M. le président. En conclusion du débat, la parole est à M. Christian Klinger, au nom de la délégation sénatoriale aux entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Klinger, au nom de la délégation sénatoriale aux entreprises. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la richesse d'un débat comme celui-ci démontre l'utilité de la délégation sénatoriale aux entreprises, dont la mission est d'aborder les sujets de façon transversale, en complément des travaux des commissions permanentes.
Les questions de nos collègues en témoignent : seule une approche globale permettra d'aborder de façon pertinente la question des défaillances d'entreprises.
Simplification des normes, concurrence européenne et internationale, développement des PME et des ETI, transmission des entreprises, retards de paiement, développement des compétences ou encore viabilité financière de l'AGS sont autant de facettes qui montrent qu'il est impossible de s'attaquer au sujet des défaillances au travers d'un prisme unique.
J'aurais pu, d'ailleurs, ajouter à cette liste la question du foncier économique, ayant été l'auteur, avec mon collègue Michel Masset, d'un rapport de la délégation sur ce sujet. Il y a tant de progrès à accomplir en la matière !
Nous avons, d'une manière générale, un problème de délais : les décisions politiques devant apporter des solutions sont prises dans des délais beaucoup trop longs.
Les présidents des organisations patronales nous l'ont dit cet après-midi lors d'une table ronde : le temps des mesures politiques est trop long, en total décalage avec celui de la vie économique. L'action publique doit impérativement gagner en agilité.
Tous les sujets que la délégation analyse depuis sa création et pour lesquels elle propose des solutions concrètes doivent être traités si l'on veut éviter que les chiffres des défaillances ne repartent fortement à la hausse dans le contexte actuel de guerre commerciale.
Comme l'a rappelé le président de la délégation, Olivier Rietmann, il faut mettre en œuvre, en complément, une véritable stratégie de soutien à la compétitivité des entreprises.
Nos échanges n'auront de sens que si nous prenons conscience de l'impact de nos décisions, notamment lors des prochains arbitrages budgétaires.
J'insiste sur la nécessité d'élaborer des réformes structurelles visant à réduire la dépense publique, plutôt que de miser sur une contribution toujours plus importante des entreprises.
Dans une récente tribune, le directeur général de Bpifrance, Nicolas Dufourcq, nous interpelle ainsi : « il est honnêtement dur d'être européens en ce moment », regrettant que l'Europe ne soit un « prédateur en rien » et doive subir les attaques des États-Unis et de l'Asie. Il ajoute : « Et maintenant, comme on le fait avec les faibles, on nous piétine des deux côtés. »
Nous devons en effet être courageux. Cette vision d'une Europe qui se tire une balle dans le pied, beaucoup de dirigeants la partagent encore davantage pour la France, où la fiscalité et les impôts de production en particulier constituent un handicap pour les entreprises.
Ayons le courage de continuer ce débat dans les mois qui viennent pour aborder le projet de loi de finances pour 2026 avec pragmatisme et clairvoyance.
Madame la ministre, par le truchement des questions de mes collègues sénateurs, vous avez entendu la souffrance des territoires qui sont touchés par les défaillances d'entreprises. Ce sont autant de drames que nous souhaitons tous éviter.
Nous avons compris que vous partagiez notre préoccupation. Comme vous le disiez en introduction, c'est là la base d'un dialogue. Les échanges de ce soir constituent donc une première étape dont nous pouvons nous réjouir.
Toutefois, la suite à donner requiert une mobilisation urgente sur tous les fronts. Nous continuerons à rappeler les réalités du monde économique et à défendre les mesures qui doivent devenir prioritaires afin d'inverser, enfin, la tendance aux défaillances d'entreprises que nous avons décrite. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur les défaillances d'entreprises.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de M. Alain Marc.)
PRÉSIDENCE DE M. Alain Marc
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
INITIATIVES EUROPÉENNES EN MATIÈRE DE SIMPLIFICATION ET D'ALLéGEMENT DE LA CHARGE ADMINISTRATIVE PESANT SUR LES ENTREPRISES
Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur les initiatives européennes en matière de simplification et d'allégement de la charge administrative pesant sur les entreprises.
Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l'orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.
Madame la ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé une place dans l'hémicycle.
Dans le débat, la parole est à M. Jean-François Rapin, pour le groupe auteur de la demande.
M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie le groupe Les Républicains, qui a souhaité ce débat sur les initiatives européennes en matière de simplification et d'allégement de la charge administrative pesant sur les entreprises.
Ce débat intéresse au-delà de nos murs. Une contribution m'a ainsi été adressée par le Conseil national des barreaux, qui souligne les enjeux de sécurité juridique et de cohérence du marché unique liés aux initiatives qui sont actuellement prises par la Commission européenne.
Voilà quelques semaines, la commission des affaires européennes a organisé, conjointement avec la délégation sénatoriale aux entreprises, une table ronde sur la simplification.
Elle a également adopté une proposition de résolution européenne que j'ai présentée avec le président Rietmann pour défendre la reconnaissance par l'Union européenne des entreprises de taille intermédiaire (ETI).
Lors de notre réunion conjointe, les représentants des entreprises nous ont fait part de leur vive préoccupation quant à la mise en œuvre de plusieurs réglementations européennes, mais ils ont aussi souligné un changement d'approche de la part de la nouvelle Commission européenne.
Soyons clairs : cette nouvelle approche, dont la restauration de la compétitivité européenne est l'un des maîtres-mots, répare certaines erreurs commises sous la précédente mandature.
La période 2019-2024 a en effet été marquée par des mesures fortes et parfois très symboliques de régulation de certains pans de notre économie. Je pense évidemment aux règles adoptées en matière de durabilité et de devoir de vigilance au travers des fameuses directives sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) et sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CS3D), que la Commission européenne propose désormais de réviser.
Je pense aussi au paquet Ajustement à l'objectif 55, qui a posé des règles à certains égards trop contraignantes – le Sénat l'a souvent souligné – pour notre industrie, depuis la fin des véhicules thermiques neufs en 2035 jusqu'aux modalités de mise en œuvre du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), que la Commission européenne envisage désormais de reprofiler, ce dont je me félicite.
La Commission semble ainsi s'engager dans une nouvelle voie, plus réaliste et plus en phase avec les contraintes des entreprises ; plus consciente, aussi, me semble-t-il, du basculement qui s'opère au niveau mondial.
L'Union européenne fait face à des stratégies économiques très agressives de la part de nombreux concurrents, en particulier de la Chine et des États-Unis. L'administration Trump se montre aujourd'hui particulièrement véhémente, mais nous ne devons pas oublier que c'est l'administration Biden qui a fait adopter l'Inflation Reduction Act (IRA).
Confrontée à cette situation, l'Union n'a pas d'autres choix que de devenir plus productive, de libérer son potentiel d'innovation, de simplifier sa réglementation et de lui redonner de la cohérence.
Mario Draghi a souligné avec force que sans un effort de productivité, l'Europe ne pourra pas « être à la fois un leader des nouvelles technologies, un phare de la responsabilité climatique et un acteur indépendant sur la scène mondiale ». Il ajoutait qu'elle ne pourrait pas non plus financer son modèle social et qu'elle devrait « revoir à la baisse » certaines de ses ambitions, « si ce n'est toutes ».
La Commission européenne a ainsi présenté à la fin du mois de janvier une ambitieuse « boussole pour la compétitivité », qui passe en particulier par un « choc de simplification » pour les entreprises, c'est-à-dire un allégement des contraintes administratives qui pèsent sur elles.
La Commission européenne l'affirme : « Cette fois, nous sommes sérieux. » L'ambition est forte et je m'en félicite, puisqu'elle vise à réduire d'au moins 25 % la charge administrative qui pèse sur les entreprises et d'au moins 35 % celle qui pèse sur les PME.
Mais à quoi nos entreprises peuvent-elles s'attendre en pratique, après plusieurs années pendant lesquelles elles se sont vues imposer des contraintes nouvelles ?
Que les choses soient claires : loin de moi l'idée qu'il faille rejeter en bloc la réglementation fixant aux entreprises des obligations en matière de durabilité ou de responsabilité sociale et environnementale.
Rappelons qu'avant la CSRD la directive NFRD (Non Financial Reporting Directive) adoptée en 2014 avait déjà imposé à plus de 11 000 entreprises de réaliser un reporting extrafinancier.
La Commission européenne ne propose pas de déréguler – c'est un autre débat –, mais de simplifier. Et il y avait urgence, compte tenu du périmètre des entreprises couvertes ou du nombre d'indicateurs qu'elles devront fournir. On avait mis en place une véritable usine à gaz !
Je ne perds pas de vue non plus l'enjeu de la transition écologique, mais nous devons être lucides et responsables. Les entreprises européennes sont de très loin parmi les plus vertueuses du monde sur le plan écologique et social.
Dans un contexte de concurrence exacerbée, ne leur imposons pas des contraintes excessives qui vont les conduire à s'implanter en dehors de l'Union ou favoriser des concurrents bien moins vertueux.
Je me réjouis donc de l'adoption rapide de la directive dite Stop the Clock, qui a retardé de deux ans la mise en œuvre de la directive sur la durabilité et d'un an celle de la directive sur le devoir de vigilance.
Il faut maintenant réviser le fond de ces dispositifs et veiller à une réelle cohérence de l'ensemble des normes au niveau européen – je pense notamment à la taxonomie –, mais aussi à une bonne articulation entre le droit national et le droit européen.
Je ne méconnais pas non plus les craintes exprimées par le Conseil national des barreaux. En matière de durabilité, la France a fait figure de bon élève en transposant en premier la directive dès 2023. Arrêter la pendule permettra de donner aux entreprises concernées le temps de s'adapter, mais qu'en sera-t-il de celles qui ont déjà scrupuleusement rempli leurs obligations ? Comment éviter une forme de prime aux mauvais élèves ?
En ce qui concerne le devoir de vigilance, nous avions déjà alerté sur le poids de la charge pesant sur les entreprises pour s'assurer du respect des normes en matière de droits de l'homme et de protection de l'environnement tout au long de la chaîne de valeur.
Là encore, nous ne pouvons que nous féliciter de l'allégement proposé, notamment de la concentration des mesures de vigilance sur les seuls partenaires directs et de la diminution de la fréquence de déclaration incombant aux entreprises.
Toutefois, les entreprises ne seront-elles pas soumises à des obligations de reporting différentes selon que leur chaîne de valeur est composée d'un grand nombre de petites entreprises ou principalement d'entreprises de plus grande taille ?
J'observe que le nouveau gouvernement allemand devrait proposer d'abroger la loi sur les obligations de devoir de vigilance dans les chaînes de valeur, entrée en vigueur en janvier 2023, pour la remplacer par une loi sur la responsabilité internationale des entreprises, qui mettra en œuvre la directive européenne en cours de renégociation. En attendant, il n'y aura pas de sanction pour les entreprises qui ne respecteraient pas la loi actuellement en vigueur, à l'exception des violations massives des droits de l'homme.
Il est donc urgent d'adopter le premier train de simplification contenu dans le paquet Omnibus du 26 février dernier pour éviter toute distorsion de concurrence au sein de l'Union.
Je veux également souligner l'intérêt que pourrait présenter la proposition de création d'un vingt-huitième régime juridique. Il se veut le moyen, pour les entreprises innovantes, de bénéficier d'un ensemble unique de règles lorsqu'elles investissent et exercent leurs activités où que ce soit au sein du marché unique. Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner des précisions quant à la position du Gouvernement sur ce dossier ?
Au-delà de ces premières mesures, il est nécessaire que la démarche de simplification se poursuive dans la durée. D'autres paquets de simplification sont attendus en faveur des ETI, mais aussi pour redonner de l'air au secteur agricole, qui a été si contraint ces dernières années.
Nous avons besoin de redonner de la compétitivité aux entreprises dans l'ensemble des secteurs économiques. Nous avons besoin de mieux prendre en compte leur capacité à absorber les normes, en traitant en particulier de manière adaptée les PME et les ETI, mais aussi de mieux prendre en compte leur capacité à faire face à la concurrence internationale.
Pouvez-vous, madame la ministre, affirmer devant nous la détermination du Gouvernement à défendre cette démarche de restauration de la compétitivité ? Pouvez-vous également nous préciser les mesures que vous soutenez plus particulièrement, ainsi que vos éventuelles lignes rouges ou mises en garde ? (Mme Pascale Gruny applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier pour l'organisation de ce débat sur les travaux européens en matière de simplification des obligations administratives des entreprises.
Il s'agit là d'une priorité du Gouvernement au moment où, comme vous l'avez très justement dit, monsieur le sénateur Rapin, la compétitivité européenne doit être renforcée et dans un contexte de mise en œuvre du Pacte vert et de recomposition des équilibres géopolitiques internationaux.
À la suite de la publication du rapport Draghi et du constat unanime d'un déficit de compétitivité de l'Union européenne, la Commission a proposé, à la fin du mois de février dernier, un premier paquet Omnibus de simplification de la réglementation en matière de durabilité.
Il ne s'agit en aucun cas, au travers de ces mesures, de remettre en question les objectifs environnementaux que s'est fixés l'Union européenne dans le cadre du Pacte vert – ils sont eux-mêmes gage de compétitivité – ni son leadership en la matière.
Nous savons en effet que l'inaction environnementale est un risque majeur. Selon le réseau des banques centrales sur le climat, la poursuite des trajectoires climatiques actuelles conduirait à une perte de 15 % à 20 % du PIB mondial d'ici à 2050. L'année 2024 a été l'année la plus chaude jamais enregistrée, marquant le premier dépassement du seuil des 1,5°degré Celsius de réchauffement.
Dans ce contexte, la mise en œuvre des objectifs du Pacte vert reste un impératif crucial.
Pour atteindre ces objectifs, les entreprises doivent pleinement intégrer leurs impacts et les risques environnementaux dans leur gestion stratégique sans toutefois perdre en compétitivité.
En pratique, ces enjeux deviennent constitutifs des relations d'affaires, tandis que les institutions financières les intègrent de plus en plus dans leurs décisions d'investissement.
Il est capital de s'appuyer sur l'expérience concrète de nos entreprises européennes, dans un contexte où certaines grandes puissances se désengagent politiquement de la lutte contre le changement climatique.
L'appel lancé par Mario Draghi a bel et bien été entendu et la France agit pleinement pour proportionner sa réglementation et ne pas freiner sa compétitivité.
Le paquet Omnibus prévoit de limiter le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières aux importations de plus de 50 tonnes de marchandises par an, alors que le seuil initial était de 150 euros d'importation. Il est important de le mentionner, car il s'agit d'une simplification massive et efficace, puisqu'elle sort du champ 92 % des entreprises tout en couvrant toujours 98 % des émissions. Cet exemple est à suivre.
Le paquet Omnibus vise également à réviser la directive CSRD, qui requiert la publication d'informations auditées et comparables en matière de durabilité. L'exercice étant manifestement trop lourd, il est prévu de recentrer la directive sur les entreprises de plus de 1 000 salariés, ce qui conduit à exempter 80 % des entreprises. Un décalage de deux ans du calendrier est aussi prévu, en particulier pour les entreprises non cotées. Enfin, le volume des informations à publier sera réduit.
Il s'agit donc d'une simplification très forte, que le Gouvernement soutient vivement.
Au niveau national, nous avons pris le plus tôt possible, au travers de la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (Ddadue) adoptée par le Parlement voilà quelques semaines, des dispositions de transposition.
Pour ce qui est de la directive CS3D sur le devoir de vigilance, l'enjeu de la négociation européenne est de simplifier la directive actuelle, qui va au-delà de la loi française, et d'assurer des conditions de concurrence équitables.
La proposition de la Commission apporte des modifications bienvenues, qui renforcent la proportionnalité du cadre, comme la focalisation des mesures de vigilance sur les partenaires directs.
Le Gouvernement est favorable à des modifications supplémentaires, comme le rehaussement du seuil à 5 000 salariés, en cohérence avec la loi française, afin de limiter son application aux entreprises ayant les moyens humains et financiers suffisants, ainsi qu'une influence véritable sur leur chaîne de valeur.
Par ailleurs, la suppression d'un régime de responsabilité civile harmonisé se ferait au détriment des entreprises françaises. Il s'agit donc d'un point important dans les négociations qui sont en cours.
Comme vous le voyez, le travail de simplification ne recule pas devant l'obstacle. Le Gouvernement agit avec détermination pour qu'elle soit ambitieuse et adaptée aux réalités économiques, sans toutefois compromettre – j'insiste sur ce point – nos objectifs premiers.
Renforcer notre compétitivité en limitant la lourdeur administrative nous permettra d'atteindre de façon pragmatique les objectifs du Pacte vert, qui restent notre priorité.
M. le président. Dans la suite du débat, la parole est à M. Gérard Lahellec, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (M. Michaël Weber applaudit.)
M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Commission européenne a présenté le 26 février dernier une proposition de directive dite Omnibus afin de réduire les charges administratives et réglementaires pesant sur les entreprises d'au moins 25 %.
Sous prétexte de renforcer la compétitivité, cette proposition fragilise plusieurs avancées récentes : la responsabilité sociétale des entreprises, la finance durable et les exigences accrues de transparence.
Or, si nos entreprises sont dans une situation compliquée, c'est parce que l'économie contemporaine est régie par une forme de prime au vice.
En gros, plus une entreprise a des pratiques délétères pour l'intérêt général, plus elle est profitable. Si vous décidez de délocaliser pour produire dans des pays où les normes sociales et environnementales sont limitées, vous obtenez des coûts de production moins élevés et vous êtes donc plus compétitif.
Forcément, pour les entreprises qui veulent produire en France tout en respectant le droit applicable, il est extrêmement compliqué de s'en sortir.
La fast fashion, dans le secteur du textile, est l'incarnation de ces pratiques délétères : les entreprises vendent à bas prix des produits fabriqués dans des conditions déplorables et acheminés souvent par avion. En face, les PME françaises qui veulent produire du textile qualitatif en Europe sont étranglées par cette concurrence déloyale.
Dans le contexte de guerre commerciale engagée par Donald Trump, le phénomène pourrait s'amplifier. Faute de débouchés aux États-Unis, les produits chinois à prix cassés vont affluer et investir le champ européen. C'est déjà le cas, notamment, des voitures électriques.
Les entreprises de plusieurs secteurs ont donc besoin de régulations pour être protégées de ce système pernicieux.
Je prends pour exemple la proposition de loi visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile, dite « anti fast fashion », qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 2024.
Elle prévoit notamment d'augmenter les contributions financières payées par ces entreprises dans le cadre de la responsabilité élargie des producteurs (REP), en prenant en considération l'impact environnemental des produits mis sur le marché. Ce type de mesures contribuerait à réduire la concurrence déloyale que subissent les acteurs du made in France ou du made in Europe.
Méfions-nous donc de certaines préconisations affirmant que la régulation est un fardeau administratif. Elles servent des intérêts privés. Les lobbies profitent des inquiétudes sur le commerce international pour remettre en cause l'ensemble du cadre réglementaire.
Ce n'est pas parce qu'il y a des accidents à certains carrefours qu'il faut pour autant supprimer les feux rouges ! C'est au contraire en régulant la vitesse et le trafic qu'on peut fluidifier la mobilité.
Les entreprises ont besoin de régulations qui les protègent du dumping social et environnemental. Sans régulation, c'est toujours la loi du plus fort et du moins scrupuleux qui s'applique.
L'Europe fait face à une perte de souveraineté économique. Si nous voulons nous en sortir, nous avons tout intérêt à préserver la qualité de nos emplois, notre système de santé, nos sols, la qualité de notre air et de notre eau. Pour cela, il faut des règles.
L'Europe a la possibilité d'incarner une autre économie, sociale et écologique. C'est aussi ce qui lui permettra de rester une puissance durable sur la scène mondiale.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur Lahellec, je vous remercie d'avoir attiré notre attention sur un certain nombre de points.
Je reviendrai dans un instant sur la question de la fast fashion et des produits chinois, sur laquelle nous avons particulièrement travaillé ce matin avec mes homologues relevant du périmètre de Bercy.
Il est vrai que nous entendons beaucoup parler de cette Europe qui régule, mais nous devons faire la différence entre, d'une part, l'objectif de la régulation, laquelle vise très souvent, en Europe, à protéger nos valeurs et à définir les modalités selon lesquelles nous souhaitons que l'Union européenne fonctionne, et, d'autre part, la mise en œuvre de cette régulation. Nous travaillons, à cet égard, à simplifier le plus possible afin de ne pas ralentir nos entreprises, qui elles-mêmes portent nos valeurs.
Il ne faut donc pas se laisser enfermer dans un discours, qui est d'ailleurs parfois instrumentalisé – je vous rejoins sur ce point, monsieur le sénateur – selon lequel la régulation serait une fin en soi et ne serait que négative.
En ce qui concerne la fast fashion et la concurrence des produits chinois, j'indique tout d'abord que la proposition de loi que vous avez évoquée sera examinée en séance publique, au Sénat, les 2 et 3 juin prochains. Je m'en réjouis. Nous serons très attentifs à l'évolution des débats.
J'ai en effet pu observer de mes propres yeux, ce matin, comment se matérialisait le risque que vous avez décrit, monsieur le sénateur. Autour du ministre Éric Lombard, nous étions ainsi, avec mes collègues Amélie de Montchalin et Véronique Louwagie, à Roissy. Nous avons pu constater la masse des petits colis d'une valeur inférieure à 150 euros : on estime que 800 millions de ces colis arrivent chaque année en France.
Nous avons discuté avec les agents des services des douanes et des autres services concernés. Ces colis présentent des risques avérés : pour les Français, tout d'abord, parce que 94 % d'entre eux contiennent des produits non conformes, mais aussi pour notre économie, en raison notamment de la contrefaçon, et pour nos finances publiques, parce que ces colis ne sont pas toujours bien déclarés.
Nous allons donc renforcer les contrôles. Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics, envisage d'ailleurs d'instaurer des frais de gestion pour les financer, car il ne revient pas aux contribuables d'en payer le coût.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jacques Fernique. Madame la ministre, le paquet Omnibus proposé par la Commission européenne prétend alléger les charges administratives qui pèsent sur les entreprises. Derrière ce vernis de simplification se concrétise en réalité un très net coup de frein à la transition écologique européenne.
On veut nous fait croire que l'objectif serait de faciliter la vie de nos entrepreneurs écrasés par les formalités administratives, que les obligations sociales et environnementales seraient des tracasseries qui, permettez-moi l'expression, pourriraient la vie des acteurs économiques sans utilité.
En fait, parler de simplification à propos du paquet Omnibus relève de l'abus de langage. Ce qui se joue réellement, ce n'est pas la suppression de lourdeurs administratives. En vérité, on assiste à un renoncement, à une régression par rapport à des avancées qui ne résultent pas de décisions prises à la légère, mais qui ont été réalisées en toute connaissance de cause, à l'issue de concertations,…
M. Olivier Rietmann. Certainement pas !
M. Jacques Fernique. … de négociations difficiles, en trilogue notamment.
Le Pacte vert européen est un acquis de la précédente législature.
Ce paquet Omnibus marque ainsi une régression. Si le Sénat devait le soutenir, cela constituerait aussi une régression pour notre assemblée.
Je me souviens qu'en 2022 – ce n'est pas si loin ! – le Sénat avait adopté, de manière transpartisane, une résolution européenne, dont j'étais l'auteur avec Christine Lavarde et Didier Marie, sur la proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité.
Je me souviens aussi des recommandations – c'était l'an dernier – de la commission d'enquête sénatoriale sur les moyens mobilisés et mobilisables par l'État pour assurer le respect par TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France.
Ces travaux témoignaient d'une exigence, d'une ambition en ce qui concerne la directive sur le devoir de vigilance des entreprises, dont la Commission prône désormais l'affaiblissement en présentant le paquet Omnibus.
Il s'agit d'un choix politique, délibéré, soutenu – il faut le dire – par la droite et l'extrême droite européennes. Sous prétexte de simplifier, on prend pour cible tout ce qui relève du progrès environnemental ou des droits sociaux à l'échelle de la planète. Les règles sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) sont pointées du doigt comme bouc émissaire des difficultés des entreprises.
Je ne citerai que les principaux reculs qu'entraînerait l'adoption de ce paquet Omnibus.
La mise en œuvre des directives CSRD et CS3D serait reportée dans le temps, ce qui serait contre-productif.
Le champ d'application de la directive CSRD serait réduit : 80 % des entreprises qui auraient dû y être assujetties seraient épargnées, si bien que ne seraient plus concernées, en définitive, que 0,02 % des entreprises européennes.
L'évaluation des impacts négatifs de l'activité de l'entreprise ne serait plus obligatoire que tous les cinq ans, et non plus tous les ans.
L'obligation de rompre les relations commerciales en cas d'incidences négatives avérées serait supprimée.
Surtout, le devoir de vigilance ne s'appliquerait plus à l'ensemble de la chaîne d'activité : ainsi, le principe même de cette directive serait liquidé.
Enfin, les victimes perdraient leur possibilité de recours juridique.
Madame la ministre, mes chers collègues, lorsque l'on affaiblit les obligations de reporting et que l'on recule sur la régulation, on ouvre les vannes au dumping social et environnemental qui, précisément, malmène nos entreprises et entrave la réindustrialisation. Vouloir affaiblir nos instruments extraterritoriaux et pousser à l'adoption de ce paquet Omnibus vont à l'encontre de nos objectifs en matière de souveraineté industrielle.
La France a été pionnière en ce qui concerne le devoir de vigilance, à la suite à l'effondrement du Rana Plaza. Notre pays était alors à l'avant-garde.
Si nous sapons ainsi nos acquis sociaux et environnementaux, nous allons perdre un temps précieux, alors qu'ailleurs les autres pays travaillent à renforcer la résilience de leurs entreprises. La Chine nous talonne ainsi en matière de standards de durabilité. L'Australie, le Japon, le Canada adoptent des législations sur le devoir de vigilance.
Voulons-nous vraiment perdre notre avance ? Cette dérégulation se ferait au détriment de la souveraineté européenne, de l'emploi et des entreprises qui ont investi : en revenant sur les règles existantes, on encourage le vice et sanctionne la vertu ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, nous maintenons avec détermination l'objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre, au niveau européen, d'ici à 2035, ne serait-ce que pour des raisons économiques – mais il y en a d'autres –, car, comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, la trajectoire climatique actuelle aurait un impact de 15 % à 20 % sur le PIB mondial.
Il s'agit d'avancer vers cet objectif en simplifiant de manière utile et intelligente, sans alourdir la charge pour nos entreprises. Tel est l'enjeu des discussions actuelles. Je prendrai l'exemple, que j'ai déjà évoqué, mais qui est particulièrement parlant, du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières : il est envisagé de retirer 92 % des entreprises de son champ, mais on couvrirait toujours 98 % des émissions.
Vous avez parlé du devoir de vigilance. La France, vous l'avez dit, a été précurseur en la matière. Le Gouvernement défend, dans les négociations européennes, le maintien d'un certain nombre d'obligations. Nous avons ainsi fait savoir que la suppression d'un régime de responsabilité civile harmonisé se ferait au détriment de nos entreprises. C'est un point important, sur lequel nous serons très attentifs dans les négociations.
Le paquet Omnibus actuel vise les dispositions relatives aux devoirs des entreprises en matière de responsabilité sociale et environnementale.
Pour autant, nous travaillons aussi à simplifier toutes les réglementations européennes, y compris celles qui sont en cours de discussion, comme la proposition de règlement relatif à un cadre pour l'accès aux données financières, dit Fida (Financial Data Access).
De même, un paquet spécifique sera consacré au secteur du numérique ; il sera présenté en octobre prochain.
J'y insiste : nous œuvrons à simplifier dans tous les secteurs.
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Michaël Weber. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, face à une mondialisation sans foi ni loi, qui creuse les inégalités et nous pousse vers un modèle de consommation toujours plus destructeur pour la santé humaine et l'environnement, la norme peut être protectrice.
La déréglementation et la dérégulation financière constituent une réponse dangereuse au haro contre la charge administrative. Un espace existe entre bureaucratie et réglementation nécessaire. La frontière est certes ténue, mais nous pouvons diminuer la complexité sans restreindre nos exigences.
L'Europe doit fonder sa compétitivité sur les atouts de son modèle social, qui est unique au monde, et ne rien renier de son ambition. Elle seule porte, de nos jours, un projet et une vision cohérente pour une économie responsable et durable.
L'Union européenne réglemente l'accès à son marché pour favoriser le développement d'entreprises européennes vertueuses, limiter nos émissions de carbone, lutter contre l'érosion de la biodiversité et la pollution de l'air et améliorer notre alimentation.
L'Europe met en œuvre des mesures concrètes pour garantir le respect des droits humains, afin que nos valeurs ne deviennent pas de simples idéaux vénérables inscrits dans nos constitutions et un alibi juridique sans réalité dans nos vies quotidiennes.
L'argument est aussi d'ordre économique. L'Europe propose un modèle de vie attractif et innovant fondé sur la durabilité. Le renforcement de la qualité de nos modes de production et de consommation constitue l'avantage compétitif de notre système.
Les investissements verts, l'innovation durable, l'harmonisation du marché européen, qui pèse autant que celui des États-Unis, constituent ainsi des piliers de la compétitivité européenne : nous n'opposons pas la stabilité financière à la transition écologique et au respect des droits humains.
Or c'est au nom de cette même compétitivité que l'on veut saper les avancées majeures de l'Union européenne en matière de droits humains, d'environnement et de climat.
Dans cette course aveugle à la compétitivité, comparons un instant, mes chers collègues, les modèles sociaux européens et américains.
L'espérance de vie en Europe est la plus élevée du monde et les inégalités y sont les plus faibles. Les émissions de carbone sont trois fois plus élevées aux États-Unis qu'en Europe. La production d'électricité en Europe est la moins carbonée : la part des énergies renouvelables atteint 45 %, alors que ce taux plafonne à 15 % aux États-Unis. La surface agricole en bio est proche de 10 % en Europe, alors qu'elle est de moins de 1 % outre-Atlantique. Le continent américain a triplé sa consommation de pesticides quand l'Europe l'a réduite de 5 %.
Les politiques que nous menons collectivement ont bel et bien des résultats concrets. Cependant, nos engagements pour une économie durable et responsable suscitent des oppositions fortes de la part de nos partenaires et concurrents internationaux.
L'administration américaine, comme à l'époque de Kissinger, n'hésite ainsi pas à s'immiscer dans nos politiques pour les contourner, dans le but de torpiller le Pacte vert européen et de défaire nos ambitions agroécologiques.
Aux États-Unis, les normes et les fonds ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) sont pris pour cible depuis 2022. Le mot d'ordre semble y être : toujours plus de profits pour les grands groupes, plus d'énergie fossile, de ségrégation sociale, d'inégalité, de fraude, d'intimidation, de précarité, et moins de droits humains, d'environnement, de solidarité et de justice.
Cette politique inique et absurde est désormais présentée par certains comme une recette payante, dans une course à la croissance où la norme est perçue comme un obstacle.
Subissant cette pression politique, la Commission européenne ouvre désormais la boîte de Pandore, en affichant sa volonté de revenir sur ses normes les plus ambitieuses, en les reportant sine die ou en restreignant leur champ d'application, au risque de les vider de leur substance et de ne produire que des coquilles vides.
Or ces retours en arrière, sous la pression internationale, ces va-et-vient incessants nous affaiblissent collectivement, créent de l'incompréhension et de l'instabilité, dont les entreprises européennes sont les premières à souffrir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, vous l'avez très justement dit, il s'agit, pour l'Europe, de trouver le bon équilibre, en simplifiant pour limiter la bureaucratie, mais sans réduire notre ambition.
Vous avez évoqué le risque de vider de sa substance notre législation. Il est important de rappeler que la version de la directive CSRD qui figure dans le paquet Omnibus demeure très ambitieuse, comme en témoignent les obligations qui restent à la charge des entreprises. Elle est notamment plus ambitieuse que les standards internationaux, tels que ceux de l'ISSB (International Sustainability Standards Board), dont la mise en œuvre est facultative. L'Europe reste donc leader en la matière.
Vous avez aussi soulevé la question de la prévisibilité et du risque d'instabilité juridique que ces modifications peuvent entraîner pour les entreprises. C'est une vraie question. C'est d'ailleurs pour cette raison que, via la loi d'adaptation au droit de l'Union européenne (Ddadue) dont j'ai déjà parlé, nous avons voulu donner, le plus tôt possible, de la visibilité aux entreprises.
Il s'agit bien de les accompagner, afin d'éviter que cet effort de simplification ne soit pas source d'incertitude pour elles.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Brault. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et du RDSE.)
M. Jean-Luc Brault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, allons droit au but : qu'est-ce qui se cache derrière ce débat ? Une passion que la France partage avec l'Union européenne : la frénésie normative !
Disons-le clairement et simplement, la première des mesures de simplification et d'allègement de la charge administrative des entreprises est très simple : elle consiste à leur apporter de la stabilité et de la visibilité.
Bref, il faut que nous arrêtions de danser le tango à l'échelle européenne – un pas en avant, un pas en arrière. Si nous n'avions pas complexifié aveuglément, nous n'aurions pas à simplifier par paquets Omnibus !
Nous avons besoin de l'Union européenne, c'est une évidence. Il n'y a pas de débat sur ce point.
Toutefois, demandez aux chefs d'entreprise sur le terrain ce qu'ils pensent de la Commission… Qu'ils dirigent une TPE, une PME ou un groupe international, tous les patrons français vous diront qu'ils n'ont pas le temps de se mettre en conformité avec une norme qu'une nouvelle leur tombe dessus.
M. Olivier Rietmann. Exactement !
M. Jean-Luc Brault. Tous n'ont pas les moyens d'employer un juriste pour assurer une veille dans leur secteur ou de gaspiller du temps et de l'énergie à le faire eux-mêmes !
Il faut le dire, beaucoup de nos concitoyens, et en premier lieu nos chefs d'entreprise, ressentent, parfois de manière viscérale, une forme de précarité administrative et juridique. Certains ont la boule au ventre chaque jour : ils se demandent s'ils ont bien pensé à tout ou s'inquiètent de savoir ce qui leur tombera dessus le lendemain !
Il en va de même pour tous les patrons des pays de l'Union, me direz-vous, mais nous avons en plus un penchant, bien français, pour le bavardage législatif et la surtransposition des directives européennes… C'est la cerise sur le gâteau ou plutôt la goutte d'eau qui fait déborder le vase !
Pourtant, j'y insiste, l'Union européenne est essentielle. Il n'y a pas de débat sur le sujet !
Elle nous apporte une stabilité politique dans un monde toujours plus fou et frénétique. Cependant, la Commission doit conforter cette stabilité par son travail normatif, en conciliant harmonisation européenne et ambition collective, et non pas en ajoutant de la frénésie à la frénésie.
Madame la ministre, nous devons plaider à Bruxelles pour que l'Union change de logiciel, de culture. Pourquoi ne s'inspirerait-elle pas d'ailleurs de cette culture de la sagesse normative que nous pratiquons au Sénat ?
La priorité des priorités doit être simplement d'agir plus raisonnablement, d'une manière plus connectée au terrain, au lieu d'édicter, de manière précipitée, des normes, que l'on cherche régulièrement à détricoter par la suite, de manière maladroite.
Une telle méthode n'empêcherait pas d'agir avec réactivité. Au contraire, nous gagnerions en souplesse, tout en nous inscrivant dans la perspective du temps long, afin d'apporter de la stabilité et de la visibilité à nos entreprises. La première préoccupation des patrons est en effet de savoir ce qui va se passer après-demain pour choisir comment investir demain.
Les résultats pour l'Europe en termes de PIB, d'innovation, de production industrielle, etc. sont connus. Les chiffres ont été rappelés.
Si nous, les Européens, ne faisons rien, nous condamnons l'Union à une « lente agonie », comme l'a dit Mario Draghi, le 9 septembre dernier, lorsqu'il a rendu public son rapport sur la compétitivité européenne.
À la suite de ce constat, la Commission a dévoilé, au début de l'année, une feuille de route afin de réduire le retard économique de l'Union européenne. L'une des priorités affichées est de simplifier les normes et d'alléger les charges administratives qui pèsent sur les entreprises.
La Commission propose ainsi de revenir sur des normes européennes qui ont été adoptées ces dernières années. Il s'agit de simplifier les règles auxquelles sont soumises les entreprises : c'est un mea culpa qui ne dit pas son nom, mais faisons-le pour nos petites et moyennes entreprises, le plus rapidement possible, avant qu'il ne soit trop tard.
Dans un contexte international marqué par d'importants bouleversements et le retour de la guerre commerciale, il est impératif de conjuguer réactivité et stabilité, dans l'intérêt de nos PME. Il en va de notre compétitivité, de notre indépendance et de notre souveraineté.
Je tiens à préciser que « simplifier nos normes » ne signifie pas « sacrifier nos objectifs », notamment en matière d'écologie : les atteindre doit rester notre priorité.
Au contraire, si nous agissons de manière moins précipitée, au plus près de la réalité des acteurs économiques et des territoires, nous serons gagnants en termes d'efficacité économique et d'acceptation sociale. Nous pourrions atteindre plus aisément nos objectifs, qui doivent rester ambitieux.
Madame la ministre, j'ai deux questions.
Tout d'abord, comment la France s'adaptera-t-elle aux mesures de simplification qui seront, je l'espère, adoptées à l'échelle européenne ?
Ensuite, pouvez-vous nous affirmer ici que la France sera ensuite le garant d'une certaine forme de sagesse normative auprès de la Commission européenne, afin d'apporter de la visibilité et de la stabilité à nos entreprises ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, dans cet effort de simplification, nous sommes guidés par le souci d'apporter de la stabilité aux entreprises. Au ministère de l'économie et des finances, nous recevons régulièrement les entreprises concernées par les futures réglementations, afin de les consulter sur les positions à tenir.
Pour répondre à votre question sur la transposition de ces directives de simplification, j'indique que nous veillerons évidemment à ne pas complexifier, à ne pas surtransposer et à nous assurer que l'effort de simplification est bien intégré dans le droit français et qu'il bénéficie à nos entreprises.
Je répondrai à votre seconde question sur la sagesse normative en prenant un exemple. Nous ne nous interdisons pas de remettre en cause des textes dont nous ne voyons pas l'utilité. Nous sommes ainsi les seuls à nous battre pour supprimer les nouvelles règles Fida sur les données financières des clients, parce que nous n'en voyons pas l'intérêt, au regard notamment du coût occasionné, de la lourdeur et de l'allongement de trois à huit heures des procédures pour les entreprises. Nous plaidons purement et simplement pour leur suppression. Nous savons le faire quand cela est nécessaire.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme Pascale Gruny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Commission européenne a récemment dévoilé son agenda de simplification et son programme de travail pour 2025. Je voudrais insister sur le volet agricole.
Dans une communication, la Commission a présenté sa vision pour l'agriculture et l'alimentation à l'horizon 2040. Celle-ci comporte quatre grands axes de simplification, qui s'inscrivent dans le prolongement des quelques mesures qui ont été prises l'année dernière en réponse à la colère du monde agricole. Certains points méritent que l'on s'y attarde.
Tout d'abord, la Commission souhaite mettre en place des outils simplifiés d'aide aux revenus. En raison de l'empilement des dispositifs ouvrant droit à des prestations et des conditions d'octroi kafkaïennes qui leur sont associées, la déclaration annuelle des aides de la politique agricole commune (PAC) constitue un véritable cauchemar pour les agriculteurs. La procédure crée une surcharge administrative indue, car les agriculteurs sont là pour produire et non pour administrer, et multiplie en outre les risques d'erreurs déclaratives et donc, in fine, les risques de sanctions.
À cet égard, la communication contient une phrase qui, selon moi, est essentielle : « Il n'appartient pas à l'Union de concevoir en détail les pratiques à respecter dans les exploitations. » Enfin !
La question des contrôles est absolument centrale pour les agriculteurs. Ils doivent être les moins nombreux possible et il conviendrait de tous les effectuer à l'occasion d'une seule visite.
Ces contrôles doivent porter non pas sur le respect de telle ou telle norme, apprécié de manière tatillonne, mais plutôt sur l'analyse des résultats obtenus. Ils doivent être tournés non pas vers la sanction systématique de l'erreur, mais plutôt vers l'accompagnement technique dans la mise en œuvre de solutions efficaces.
La Commission entend également promouvoir les nouvelles technologies comme vecteur de simplification. Leur usage permettrait non seulement d'améliorer la compétitivité de l'exploitation, grâce à une meilleure utilisation des ressources et à un meilleur pilotage, mais aussi de réaliser des contrôles plus simples et rapides dans la mesure où certaines données ont déjà été suivies et enregistrées. En outre, il est avéré que l'utilisation d'images satellitaires permet d'effectuer des contrôles surfaciques beaucoup moins invasifs.
Un point d'ordre général me semble important. La simplification ne doit pas seulement viser une administration plus simple des dispositifs. Elle doit avant tout viser une mise en œuvre plus aisée sur le terrain, afin de faciliter à la fois la vie des agriculteurs et l'atteinte des objectifs politiques de la PAC.
Attention toutefois à ne pas trahir les attentes ! Son effet devra être très concrètement perceptible par les exploitants, sinon ce sera un nouveau coup d'épée dans l'eau.
Le Sénat restera vigilant à ce que l'on ne déguise pas, sous les habits de la simplification, ce qui serait en fait une nouvelle étape de renationalisation de la PAC, phénomène que j'avais déjà dénoncé, dès juillet 2017, dans mon rapport sur l'avenir de la PAC.
Enfin, si cette démarche visant à simplifier va incontestablement dans le bon sens – nous espérons qu'elle ira vraiment au bout de sa logique –, se pose aussi la question d'une éventuelle déréglementation sur certains points.
En effet, si les règles sont plus simples à appliquer, c'est évidemment très bien. Mais la réflexion ne doit pas s'arrêter là. Il est nécessaire qu'elle porte également sur le stock de normes qui s'est accumulé au fil des ans et qui n'a jamais fait l'objet d'un véritable bilan coûts-avantages.
N'oublions pas que le gouvernement américain fait de la dérégulation l'un des axes centraux de sa politique économique. Il est dès lors à craindre que ce mouvement venu d'Amérique exerce une pression concurrentielle sur le reste du monde, qui in fine pèsera sur l'Europe et aggravera encore davantage le différentiel compétitif dont elle souffre.
En agriculture, comme dans d'autres secteurs, nous serons alors placés face à un choix que nous ne pourrons plus continuer d'esquiver. Il faudra soit déréguler, soit, si nous ne voulons pas nous y résoudre, nous protéger : ou bien à l'américaine, par le biais de barrières tarifaires, ou bien à l'européenne, en instaurant des barrières non tarifaires, ce qui donnerait enfin véritablement corps au principe de réciprocité des normes – ces fameuses clauses miroirs dont on parle beaucoup, mais dont on voit peu la couleur.
Au vu du contexte actuel, pourriez-vous, madame la ministre, nous faire état des réflexions nationales et européennes en cours sur le sujet ?
En conclusion, le monde agricole a montré, au fil des années, son incroyable résilience. Toutefois, sa viabilité est menacée en raison de la pression exercée par les tensions géopolitiques et les crises récentes, des effets dévastateurs des phénomènes météorologiques extrêmes et des tendances structurelles qui sont à l'œuvre.
Il convient, dès lors, de donner à nos agriculteurs les moyens d'exercer leur métier sans entraves. C'est à ce prix qu'ils pourront réellement assurer notre autonomie alimentaire et notre indépendance stratégique. Madame la ministre, il est urgent d'agir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Madame la sénatrice, en ce qui concerne l'agriculture, notre philosophie sera la même que celle qui nous anime dans les autres secteurs. Toutefois, la ministre de l'agriculture serait plus compétente que moi pour vous présenter notre action en détail.
Là aussi, nous cherchons à trouver le juste équilibre et à simplifier le quotidien de nos agriculteurs. Annie Genevard y est très attachée. Elle a notamment défendu dans ce sens la loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, dont l'examen a été, un temps, interrompu en raison de la fin de la législature précédente.
Notre philosophie est de simplifier, tout en préservant nos objectifs, notamment ceux qui figurent dans le Pacte vert, et en accompagnant les agriculteurs, qui nourrissent notre pays et font un métier très noble et très important pour notre nation.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.
Mme Pascale Gruny. Madame la ministre, j'ai toujours peur quand on parle de simplification. Les agriculteurs ne veulent pas qu'on en rajoute. Simplifions surtout ce qui existe déjà, sans rien ajouter. C'est le message que je souhaite vous adresser.
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il nous faut simplifier, mais selon deux impératifs : sans déréguler et sans complexifier davantage.
Alors que l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique a repris à l'Assemblée nationale et qu'un millier d'amendements reste à examiner, il me semble utile d'exprimer ce message en introduction : appliquons déjà les règles existantes, de façon homogène, en prenant le temps de les expliquer, de les accompagner et de les évaluer.
Formons pour ce faire celles et ceux à qui elles se destinent, avant de faire le procès de leur non- ou mauvaise mise en œuvre.
Il fait soigner les relations entre les administrations, d'une part, et les usagers et notre appareil productif, d'autre part : nous avons besoin de moins de documents et de plus de proximité, de moins de défiance et de plus de confiance.
L'excès de normes, l'imprévisibilité et la complexité de ces dernières pèsent négativement sur l'activité de nos entreprises et sur notre économie.
Ce phénomène présente un autre volet qui n'est pas suffisamment abordé : il s'agit de la souffrance au travail, du sentiment d'inutilité, ainsi que du découragement des équipes qui en résultent. La France se classe au deuxième rang des pays où la bureaucratie est la plus complexe. Durant la réalisation de mes récents travaux sur cette problématique, de nombreux témoignages m'ont été adressés, tels des appels au secours : « il faut arrêter de légiférer sans cesse », « tout change en permanence », « c'est trop dur pour nous » ou encore « ma directrice des affaires financières devient folle ».
Les normes que nous édictons emportent des conséquences sociales. En France et en Europe, tous les secteurs attendent de nous des réponses, en l'occurrence une forme de sobriété.
Aussi, je le dis au préalable, je regrette le choix du rejet du test PME à l'Assemblée nationale. Tout ce qui permet d'éclairer nos décisions et leurs conséquences doit être renforcé dans les domaines économique et budgétaire, mais également environnemental. Tout cela relève de notre responsabilité première.
Hier, à la Maison du peuple de Brest, j'ai d'ailleurs défendu la systématisation des études d'impact, de même que la mise à l'ordre du jour de la procédure de « censure constructive » proposée par François de Rugy en 2015. Aussi, je défends le rétablissement du test PME, tout comme j'ai soutenu la mise en œuvre du test CSRD pour que le reporting soit praticable au sein des États membres.
Après l'inversion de la courbe du chômage, après l'inversion de la courbe des émissions de CO2, soyons déterminés à inverser la courbe de la complexité, dont l'évolution est perçue comme exponentielle.
C'est ce qu'ont proposé MM. Rietmann, Moga et Devinaz dans un travail sénatorial remarqué. Simplifier, ce n'est pas seulement numériser, c'est aussi humaniser.
Je reviens au sujet du débat organisé ce soir à la demande du groupe Les Républicains.
Dans un document publié il y a deux semaines, le Conseil de l'Union européenne a dévoilé ses positions sur la proposition de directive visant à amender la directive CS3D, le règlement Taxonomie et la directive CSRD, présentée par la Commission européenne dans le cadre du paquet Omnibus en début d'année.
Les deux positions paraissent très proches. L'objectif est de permettre aux vingt-sept États membres de trouver un compromis avant l'été. Les eurodéputés ont eu, quant à eux, une première discussion à ce propos en commission des affaires juridiques, dite Juri, le 23 avril dernier. De grandes divergences se sont cette fois fait jour entre les groupes, portant notamment sur le reporting de durabilité et le devoir de vigilance, alors que le calendrier est très serré, comme je l'ai déjà souligné.
Plusieurs points de vigilance ont notamment pu être exprimés par le groupe Renew Europe. Attention à ce que la simplification ne soit pas synonyme d'un abandon de nos ambitions, notamment climatiques.
Il est ainsi demandé que soit maintenue la double matérialité dans la CSRD. Celle-ci favorise en effet des rapports de durabilité plus précis et pertinents, alors que, dans le même temps, dans le contexte mondial bouleversé que nous connaissons, la Chine a annoncé qu'elle allait l'appliquer en fixant un seuil plus bas que mille salariés.
Pascal Canfin a défendu la nécessaire simplification de l'audit dans le cadre de l'application de la directive CSRD, alors que de nombreuses plaintes ont été formulées sur ses déclinaisons pratiques.
Il s'est par ailleurs opposé à la suppression de l'harmonisation du régime de la responsabilité civile dans le cadre du devoir de vigilance.
Enfin, il a défendu la préservation d'un équilibre entre les deux côtés de la chaîne de valeur. Alors que 90 % des fournisseurs des grandes entreprises sont des structures de moins de 1 000 salariés, ces entreprises ne pourront pas obtenir les données dont elles ont besoin si le périmètre d'application est trop limité.
Il sera de toute façon nécessaire de porter une attention toute particulière à l'écriture des guides de cadrage. Comme pour la commande publique, le temps d'adaptation et la sécurisation juridique sont primordiaux. C'est un gage de réussite !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Madame la sénatrice, je vous remercie d'avoir évoqué le test PME, dispositif auquel le Gouvernement est favorable.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer, nous avons beaucoup consulté à cette fin. Nous continuons d'ailleurs de le faire régulièrement pour nous assurer que tous les efforts sont engagés en faveur des entreprises. Je sais que la délégation sénatoriale aux entreprises organise également des consultations.
Dans ce contexte, le test PME constitue un outil utile. Quelques étapes restent toutefois à franchir, par exemple l'adoption du projet de loi de simplification de la vie économique. Nous verrons si, à l'occasion de la commission mixte paritaire, nous parviendrons à réintroduire cette mesure, qui est une bonne disposition, ainsi que vous l'avez souligné, madame la sénatrice.
M. le président. La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Madame la ministre, c'est une réalité : nos normes sont trop nombreuses, peu lisibles et coûteuses pour nos entreprises, qui en souffrent énormément. Notre jardin normatif à la française s'est transformé en une jungle hostile. Cette dynamique présente un enjeu de taille pour notre économie.
Aujourd'hui plus que jamais, l'Union européenne est au tournant d'un réagencement de l'ordre économique mondial.
Une révolution copernicienne doit être menée à l'échelle européenne pour alléger et simplifier la charge administrative qui pèse sur nos entreprises.
Dans ce contexte, dès le mois de juillet 2024, la présidente de la Commission européenne, Mme von der Leyen, a placé la simplification au centre de son deuxième mandat, avec l'objectif de réduire de 35 % la charge administrative pesant sur les PME d'ici à 2029.
À cet effet, l'année 2025 est structurée autour d'un programme de travail centré sur la compétitivité. Des mesures en la matière ont été lancées en début d'année.
La diminution de la charge administrative doit servir à renforcer la productivité qui fait tant défaut à l'Union européenne et à supprimer les normes qui paralysent nos entreprises.
Trois éléments expliquent à mon sens cette paralysie.
D'abord, l'accumulation et les modifications fréquentes de la législation européenne provoquent des chevauchements et des incohérences.
Ensuite, la transposition du droit européen crée des différences qui alimentent une concurrence déloyale au sein du marché unique. Ainsi, en Lot-et-Garonne, mais c'est également le cas ailleurs, la surtransposition des normes dans les secteurs de l'agriculture, du bâtiment, du transport, pour ne citer que ceux-là, pénalise les entreprises locales. Nous aurons probablement l'occasion de reparler de ces sujets prochainement.
Enfin, la réglementation européenne est plus lourde pour les PME et ETI que pour les grandes entreprises.
En faisant le choix d'être proactive sur la simplification administrative, la Commission européenne prend enfin le parti pris de mettre le droit européen au service d'une politique de croissance.
L'adoption des textes à venir représentera une économie potentielle de 6,3 milliards d'euros sur les coûts administratifs et une capacité d'investissement supplémentaire de 50 milliards d'euros.
J'en viens à la méthodologie. Ces initiatives doivent intégrer de meilleurs outils d'évaluation, de pilotage et de contrôle en se plaçant davantage du point de vue des entreprises.
Par exemple, en 2019, l'Union européenne a publié plus de 13 000 actes normatifs contre 3 000 aux États-Unis. Cet écart gigantesque montre bel et bien que l'Union européenne est atteinte d'une « bureaucratite aigüe ». (Sourires.)
Comment cet échec s'explique-t-il ?
À mon sens, l'Union européenne ne dispose pas d'un cadre d'analyse des coûts et des bénéfices des nouvelles normes qui permettrait de s'interroger réellement sur leur portée et leurs effets.
Face à ce diagnostic, plusieurs initiatives ont été prises ces derniers mois pour mieux évaluer l'incidence des règles européennes existantes et la compétitivité européenne.
Cela fait écho à des dispositifs adoptés par notre assemblée dès le mois de mars 2024 dans le cadre de la proposition de loi visant à rendre obligatoires les « tests PME » déposée par Olivier Rietmann.
De tels mécanismes répondent à une logique claire : simplifier la vie économique au service de la croissance.
Toutefois, ces initiatives devront nécessairement concilier la libération de notre potentiel économique avec la préservation d'un modèle social et environnemental européen. C'est le dernier point sur lequel je souhaite m'attarder.
Je considère qu'il ne faut pas confondre simplification et dérégulation. Pour remporter ce défi, l'Union européenne doit aussi s'appuyer sur les atouts de son modèle social et sur sa réponse originale et forte au défi de la transition écologique.
Dans ce souci, le groupe du RDSE défend une mondialisation régulée.
Au regard de ces remarques, la France doit veiller à défendre à l'échelon européen une politique de simplification compatible avec des standards sociaux et environnementaux les plus élevés possible. Elle doit aussi éviter la surtransposition du droit communautaire.
Pour dépasser le cadre de notre débat, je conclus en précisant que ces discussions doivent également questionner nos modes de consommation. En effet, le premier prescripteur de l'économie reste le consommateur. C'est lui qui, par son action, a un rôle de promotion d'entreprises plus vertueuses et peut encourager les circuits courts. Madame la ministre, qu'en pensez-vous ?
M. Olivier Rietmann. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, je vous rassure : l'objectif du paquet omnibus, en particulier pour les directives dont nous discutions – CSRD, devoir de vigilance, MACF… –, c'est bien d'alléger la charge des plus petites entreprises. Non, l'ambition n'est pas de leur faire porter plus de charges que sur les autres, bien au contraire.
Nous devons maintenir nos objectifs, tout en veillant à ne pas freiner la compétitivité de l'économie, en particulier celle des petites entreprises, pour lesquelles – c'est une évidence – les obligations sont plus lourdes à porter.
Cette précision me permet de revenir sur la question de la compétitivité. Dans le contexte géopolitique actuel, il est beaucoup question de dérégulation ; vous l'avez vous-même mentionné, monsieur le sénateur. Il me semble au contraire que maintenir les objectifs à l'échelon européen peut aussi être une opportunité de compétitivité pour nos acteurs économiques.
Je m'explique. L'environnement international qui est le nôtre aujourd'hui pousse de plus en plus de fonds de pension qui investissent à long terme et qui continuent à prendre en compte les risques environnementaux à confier la gestion de leur portefeuille à des gestionnaires d'actifs européens plutôt qu'américains.
Par conséquent, dans l'effort d'équilibre que nous poursuivons, il ne faut pas oublier que nos objectifs en matière de responsabilité sociale et environnementale sont très positifs et favorables aussi à la compétitivité.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Madame la ministre, le débat que nous avons ce soir est très intéressant. À ce titre, je remercie mes collègues du groupe Les Républicains de nous permettre d'échanger nos points de vue sur les initiatives européennes en matière de simplification et d'allègement de la charge administrative pesant sur les entreprises – même si la notion de simplification peut parfois poser question...
Je tiens tout d'abord à saluer la proposition de législation dite omnibus.
Ce paquet vise notamment à alléger les contraintes pesant sur les entreprises européennes engagées sur la voie de la transition écologique. Son ambition est de simplifier la publication d'informations en matière de durabilité, de devoir de vigilance et de taxonomie.
Il doit aussi faciliter les activités commerciales des petites entreprises à moyenne capitalisation. Ainsi, il sera possible de réduire les charges administratives et réglementaires, tout en maintenant les objectifs de transition écologique. Cette initiative va dans le bon sens et c'est heureux.
Notons que cela fait suite à deux rapports que j'ai déjà évoqués lors d'un débat préalable au Conseil européen et qui ont souligné la perte de vitesse de l'industrie européenne par rapport à celles de la Chine ou des États-Unis. Il s'agit du rapport d'Enrico Letta d'avril 2024 et de celui de Mario Draghi de septembre 2024. La législation omnibus permet la traduction concrète de certaines des recommandations contenues dans ces deux rapports.
Par ailleurs, le discours simpliste et anti-européen que nous entendons à chaque campagne électorale européenne s'appuie souvent sur le fait que les maux de nos entreprises proviendraient de l'Union européenne.
Madame la ministre, permettez-moi de rappeler que la France n'est pas la dernière à faire de la surtransposition. Les exemples sont nombreux, notamment en droit du travail. Elle a souvent ajouté des protections supplémentaires pour les travailleurs, allant au-delà des exigences minimales des directives européennes, ce qui peut rendre le marché du travail moins flexible et augmenter les coûts pour les employeurs français.
Dans le domaine environnemental, là encore, la France est trop souvent dans la surtransposition. Il n'est qu'à voir les contraintes lourdes qui pèsent sur nos entreprises agricoles par rapport à celles des autres États membres. Cela a été rappelé au cours de ce débat.
Enfin, la réduction des délais administratifs est aussi un levier crucial pour améliorer la compétitivité des entreprises. En France, plusieurs types de délais administratifs peuvent être optimisés pour créer un environnement plus favorable aux entreprises.
Le processus de création d'une entreprise peut prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois, notamment en raison des délais liés à l'enregistrement auprès des différentes administrations comme le greffe du tribunal de commerce ou l'Urssaf. Il en va de même pour l'obtention de certains permis de construire ou de licences d'exploitations. De plus, les entreprises doivent souvent attendre plusieurs mois pour obtenir des remboursements de TVA, des crédits d'impôt recherche ou des aides sociales.
Madame la ministre, vous l'aurez compris, la réduction des délais administratifs est essentielle pour améliorer la compétitivité des entreprises en France. En simplifiant et en numérisant les procédures, en harmonisant les délais à l'échelle nationale et en favorisant une meilleure coordination entre les administrations, il est possible de créer un environnement plus favorable à l'entrepreneuriat et à l'innovation.
Pour le groupe Union Centriste, les initiatives prises récemment vont dans le bon sens. Il faut poursuivre dans cette voie, car les perspectives économiques sont malgré tout obscures dans le contexte géopolitique que nous traversons. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir posé la question de la surtransposition. J'y répondrai en prenant quelques exemples récents.
Dans le cadre du projet de loi Ddadue, non seulement nous avons transposé le mécanisme dit Stop the clock. Nous avons ainsi gagné du temps sur la mise en place des obligations contenues dans les différentes directives, tout en restant fidèles à ce qui a été décidé à l'échelon européen, et nous sommes allés plus loin en décidant de lever l'obligation pénale des dirigeants que nous avions auparavant introduite dans le droit français. Je rappelle que le droit européen ne l'imposait pas, mais le laissait au choix de chaque État membre. Nous avons pris conscience de cette situation et en avons tiré des conséquences fortes.
Pour ce qui concerne les textes à venir, dans le cadre du projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité, dit Résilience, qui a été récemment examiné dans cet hémicycle et que je connais bien, j'ai fixé comme priorité de mon action le souci de ne pas surtransposer, afin d'aboutir à une harmonisation maximale à l'échelon européen et d'éviter d'avoir des règles différentes entre chaque État membre.
Il y va de la compétitivité de nos entreprises et j'y veille avec fermeté.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et du RDSE.)
Mme Marion Canalès. Madame la ministre, simplifier, oui. Reste que simplifier, ce n'est pas renoncer.
Il paraît pour le moins contradictoire de multiplier les discours de souveraineté européenne tout en s'alignant sur des normes américaines ou chinoises et non sur celles qui ont été édictées par l'Union européenne.
Toute puissance productive est aussi une puissance normative. Je partage les récents propos d'Olivia Grégoire : « Ceux qui ne font pas la règle la subissent à terme. »
Les normes sociales et environnementales apparaissent bien souvent comme le coupable idéal du ralentissement économique ! Comment peut-on incriminer des directives qui ne sont pas encore entrées pleinement en vigueur pour justifier un ralentissement économique européen, alors que le rapport Draghi recommande surtout et avant tout un choc d'investissement à hauteur de 800 milliards d'euros pour combler le déficit de compétitivité que vous avez déjà évoqué, madame la ministre.
Mon intervention portera principalement sur le devoir de vigilance.
Au cœur de la récente proposition de directive de simplification dite omnibus se trouvent des sujets sur lesquels la France peut se targuer d'avoir été pionnière. Je pense notamment à la redevabilité, qui est un miroir de la société. Pour autant, tout miroir, s'il donne une image du réel, est aussi un outil puissant de transformation de cela même qu'il reflète.
Il existe une véritable valeur ajoutée de la norme. Loin de se limiter à sa seule portée technique, celle-ci constitue un puissant outil pour les entreprises au service de leurs activités.
J'aimerais tuer dans l'œuf la vision assez binaire qui pourrait émerger de ce débat.
Il n'y a pas, d'un côté, les dangereux bureaucrates accrocs à la norme et totalement déconnectés des enjeux et défis des entreprises et, de l'autre, les hussards bleu blanc rouge des entreprises qui apporteraient une réponse simple à un sujet aussi complexe que l'environnement normatif européen.
Simplifier, c'est l'action de rendre plus simple, plus facile. Je ne vous apprends rien avec cette définition très sommaire. Cela étant, cela m'amène à poser la question suivante : qu'est-ce qui complique aujourd'hui la vie des entreprises ?
Dans l'océan actuel d'incertitudes économiques et géopolitiques, les entreprises ont besoin que le cap soit maintenu pour élargir au long terme leur horizon de navigation.
Ce qui leur complique la vie, ce sont les allers et retours de décisions qui les touchent. C'est précisément ce stop and go qui caractérise la position du gouvernement français sur la directive CS3D. La volte-face de la France est difficilement compréhensible.
Cette directive impose aux entreprises de prévenir et corriger les impacts négatifs de leurs activités et de celles de leurs filiales et partenaires commerciaux sur les droits humains et l'environnement. Rien que cela, et ce alors que 160 millions d'enfants travaillent sur les chaînes de production mondialisées et que la planète partout déborde ou brûle, comme le dit très justement mon collègue député Dominique Potier.
Y renoncer, c'est nier les millions de victimes de tous les Rana Plaza du monde, alors que nous venons de commémorer les treize ans de l'effondrement de ce bâtiment ayant entraîné la mort de plus de mille deux cents personnes employées par les sous-traitants de grandes entreprises du textile.
Alors que la directive CS3D devait être transposée avant le mois de juillet 2026, la récente directive Stop the clock est venue acter le report d'un an de la mise en œuvre du devoir de vigilance. Pour sa part, le gouvernement français en a préconisé le report sine die. Il s'agit là d'une position pour le moins paradoxale, puisque la France a intégré ce devoir de vigilance dans son droit national dès 2017 et que, le 30 novembre 2022, le Gouvernement qualifiait encore notre pays de pionnier en la matière !
Dans ces conditions, qu'est-ce qui qui fragilise les entreprises ? La directive en elle-même ou les volte-face successives, quand les entreprises souhaitent un cap et des règles stables ?
Dans son étude d'impact préalable, la Commission européenne affirmait clairement que le devoir de vigilance contribue à renforcer la compétitivité des entreprises européennes.
Il est possible de simplifier la vie des entreprises sans porter atteinte à l'objectif fixé et sans délai supplémentaire, car c'est le sens de l'histoire. Pour cela, il aurait fallu agir sur l'acceptabilité des nouvelles réglementations par les entreprises elles-mêmes et non les laisser seules face à ces nouvelles préconisations. Il aurait également fallu motiver toute la chaîne d'accompagnement des entreprises pour leur expliquer qu'elles passeraient très vite du décryptage à l'avantage compétitif.
La mise en œuvre de certaines normes a un coût, mais le coût social et écologique de leur absence serait plus lourd encore. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Madame la sénatrice, vous le savez, la France a été pionnière pour ce qui concerne le devoir de vigilance.
La position de la France est claire en la matière et c'est elle qui nous guide dans l'effort de simplification que nous menons. Il s'agit de ne pas revenir en arrière, mais d'avoir un cadre en phase avec le droit français, notamment sur la question du seuil de salariés : cinq mille en droit français, alors que la directive européenne vise à l'abaisser à mille.
Pour que ce soit plus prévisible pour nos entreprises et que nous ayons de la stabilité, nous plaidons pour que la directive soit le plus fidèle possible à ce que la France a mis en place.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour la réplique.
Mme Marion Canalès. Je m'étonne de l'injonction paradoxale du Gouvernement.
Pourquoi, dans une note datant de janvier ou février dernier, la France a-t-elle reculé et demandé le report sine die du devoir de vigilance, alors même qu'elle avait pris une position courageuse et anticipative sur une mesure essentielle qui vise à conforter les droits humains, à lutter contre l'exploitation des personnes ?
Je ne m'explique toujours pas ce revirement. Espérons que ce recul permettra de prendre un nouvel élan et ne provoquera pas un nouveau retard.
M. le président. La parole est à M. Clément Pernot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Clément Pernot. Madame la ministre, au mois de septembre dernier, Mario Draghi lançait, dans son rapport, un cri d'alerte : depuis vingt ans, l'économie européenne décroche. Face aux États-Unis et à la Chine, notre productivité et notre capacité d'innovation s'effondrent.
La tendance ne faiblit pas, au contraire. Selon Mario Draghi lui-même, si rien n'est fait, l'Union européenne est condamnée à « une lente agonie ».
Il est utile de le répéter, fût-ce à l'envi. Si rien n'est fait, l'Union européenne produira toujours moins de richesses, disposera de moins en moins de ressources et sera impuissante à relever les défis démographiques, sociaux, militaires, environnementaux, migratoires et technologiques de notre temps.
Face aux offensives commerciales américaines, aux surcapacités et au dumping chinois, face aux investissements massifs qu'exigent notre sécurité et les transitions, il n'y a plus de temps à perdre : restaurer la compétitivité européenne est devenu un enjeu existentiel.
Si beaucoup reste à faire, il est une cause profonde de l'asphyxie de nos entreprises qu'il nous appartient de traiter rapidement : le fardeau réglementaire, fruit de nos propres excès législatifs et bureaucratiques.
Chaque année, selon Eurostat, ce fardeau coûte 150 milliards d'euros aux entreprises européennes. Ces dernières années, il n'a cessé de croître. De 2019 à 2024, l'Union européenne a produit plus de treize mille textes, soit plus de deux fois plus que les États-Unis. L'administration Trump s'apprête à creuser davantage cet écart, en annonçant une vague de dérégulation sans précédent.
Dans l'énergie, la finance, l'intelligence artificielle, les télécoms, la défense, le spatial ou les biotechnologies, les défis sont immenses. Soyons lucides : jamais nos entreprises ne pourront les relever si nous ne simplifions pas radicalement nos cadres réglementaires.
Après des années de surréglementation méthodique, l'Union européenne semble enfin prendre la mesure de l'urgence.
Depuis 2022, le principe du one in, one out s'applique. Pour chaque nouveau surcoût imposé par une norme, d'autres normes doivent être supprimées à coût équivalent.
Depuis 2023, chaque analyse d'impact doit intégrer un contrôle de compétitivité.
Depuis 2024, l'objectif est fixé : réduire de 25 % la charge administrative des entreprises, 35 % pour les PME.
La Commission européenne admet désormais que certaines législations, notamment celles qui sont issues du Green Deal ou encore les objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance, les fameux critères ESG, sont allées trop loin. Si leurs objectifs étaient louables, ces réglementations ont aussi engendré des monstres administratifs, déconnectés des réalités économiques. Leur révision, parfois avant même leur entrée en vigueur, en est la preuve.
La boussole pour la compétitivité, le paquet omnibus et la révision des textes sur le reporting de durabilité, la taxonomie des investissements ou le mécanisme d'ajustement carbone sont des actes positifs.
Nous saluons également l'attention portée dès cette année au statut des entreprises intermédiaires, aux cadres d'investissement, ainsi qu'aux simplifications promises dans l'agriculture, la défense, la chimie, le numérique et l'industrie décarbonée.
De façon plus générale, la volonté de passer en revue l'intégralité de l'acquis communautaire est une initiative salutaire, tout comme la mise en place d'un cycle annuel d'évaluation de la législation au sein de chaque portefeuille de commissaire, associant systématiquement les entreprises.
Cependant, cette dynamique doit s'inscrire dans la durée. La simplification doit non plus être l'exception, mais devenir un réflexe permanent de notre culture législative et réglementaire.
Il nous faut même aller plus loin et porter ouvertement la question de la déréglementation. Il nous faut non seulement simplifier, mais aussi questionner l'utilité même de certaines normes. Certaines doivent être corrigées, d'autres, tout simplement supprimées.
Madame la ministre, votre responsabilité, comme celle de vos collègues chargés des entreprises, est déterminante. Les attentes de nos entreprises sont immenses. Elles aspirent à retrouver leur liberté d'innover, de produire, de créer de la valeur et de l'emploi dans un monde où la croissance n'est plus notre monopole et où la pertinence réglementaire façonne désormais la puissance économique. Les ministères chargés des entreprises sont au cœur de la tourmente, mais ils doivent être tournés vers ce redressement.
Par vos actions, la France peut adresser un message clair à ses entreprises : celui de la confiance retrouvée et d'une ambition renouvelée pour notre compétitivité.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Clément Pernot. Si, demain, vous témoignez de cette ambition, vous pourrez compter sur le soutien sans faille des sénateurs de la commission des affaires économiques, des sénateurs de la délégation aux entreprises et, plus généralement, des sénateurs d'utilité économique.
Madame la ministre, ne les décevez pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Henno applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le président, je répondrai d'abord à Mme Canalès.
L'expression sine die a été employée dans la note à laquelle vous avez fait référence pour laisser aux discussions le temps d'aboutir et affiner notre position sur le devoir de vigilance. Il ne s'agissait pas d'un report ad vitam aeternam.
J'en viens à la question de M. Pernot, qui remet la question de l'investissement, abordée précédemment, au centre du débat, car simplifier, c'est bien, mais, nous sommes d'accord, cela ne suffira pas pour gagner en compétitivité.
Aussi, parmi les actions visant à convaincre nos entreprises de notre ambition et de notre détermination à les accompagner, afin qu'elles deviennent les fers de lance de notre politique d'innovation, je prendrai un exemple, celui d'un secteur qui me tient à cœur : l'intelligence artificielle.
Avec le Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle, nous avons fait précisément ce que vous proposez, monsieur le sénateur : nous avons redonné confiance.
Nous l'avons d'abord fait par le discours, en plaçant la France au cœur de la dynamique de l'intelligence artificielle ; Paris, la France tout entière, ont ainsi été le théâtre de l'IA pendant plusieurs jours, ont rayonné à l'échelle internationale et ont suscité une véritable dynamique.
Ensuite, au-delà du discours et des images de ce sommet, il y a eu des actes forts, notamment en matière d'investissement. En France, d'abord, le Président de la République a annoncé un investissement de 109 milliards d'euros destiné à créer l'infrastructure dont on a besoin pour faire tourner nos modèles d'intelligence artificielle. À l'échelon européen, ensuite, le plan InvestAI, d'un montant de 200 milliards d'euros d'origine publique et privée, doit renforcer notre capacité à développer nos propres technologies.
Cela est fondamental, car la souveraineté, dont on parle beaucoup, passera par le soutien des entreprises européennes qui sont à la pointe des technologies comme l'intelligence artificielle ; elles peuvent nous éviter de dépendre de technologies extra-européennes, comme c'est le cas dans nombre d'autres domaines du secteur numérique.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Olivier Henno. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est des sujets dont on parle avec constance, souvent avec de bonnes intentions, mais qui peinent – hélas ! – à se traduire par des changements concrets. La simplification administrative en Europe en est une illustration parfaite.
En effet, implanter, développer ou simplement maintenir une activité économique en Europe constitue un défi de plus en plus difficile à relever, et cela ne date pas d'hier. Depuis plusieurs années, les chefs d'entreprise, les industriels, les investisseurs dénoncent une surcharge administrative étouffante, qui alourdit les coûts, bride l'agilité et finit par miner notre compétitivité. En comparaison, nos concurrents, qu'ils soient américains ou asiatiques – souvent chinois –, évoluent dans des cadres bien plus souples, souvent plus lisibles et par conséquent plus favorables à l'investissement.
Prenons un chiffre simple, mais qui résume l'ampleur du problème : entre 2019 et 2024, pendant le mandat de la précédente commission européenne, l'Union a produit près de treize mille nouvelles normes, soit plus du double de ce qu'ont produit sur la même période les États-Unis. Comprenez-moi bien, ce n'est pas seulement une question de quantité ; c'est aussi une question de lisibilité, de cohérence et d'équation avec la réalité du terrain.
Soyons clairs, les directives dites omnibus ont le mérite d'exister, elles représentent un progrès indéniable, mais elles ne sont pas encore à la hauteur de l'impératif de productivité et de création de richesses ; cela reste encore timide…
Je suis élu du Nord et, dans ce département, une menace plane sur une entreprise importante, ArcelorMittal. Cela m'inspire trois observations.
Tout d'abord se pose la question de l'emploi, puisque quelque quatre cents familles dans le Dunkerquois et deux cents à Florange sont concernées ; c'est grave, c'est lourd, c'est un problème autant économique que social.
Ensuite, il y a le refus de l'entreprise ArcelorMittal d'investir dans la décarbonation, alors même qu'elle est subventionnée à cette fin à hauteur de 800 millions d'euros sur un projet de 1,7 milliard d'euros et que, dans le même temps, elle annonce un investissement de 1 milliard d'euros aux États-Unis.
Enfin se pose la question de la souveraineté. Nous avons la volonté de réarmer la France et l'Europe, mais, sans une production d'acier et d'aluminium – les mêmes questions se posent en effet pour l'aluminium avec Tata – souveraine et autonome, j'ai bien peur que ces appels au réarmement de la France et de l'Europe restent des mots creux. Voilà la réalité brutale du monde !
Alain Chatillon et moi-même avons rédigé un rapport d'information sur la concurrence européenne voilà près de cinq ans, à l'époque du projet de fusion entre Siemens et Alstom, car c'est la compétence par excellence de l'Union européenne. Les principes qui avaient été défendus lors de nos travaux étaient ceux de la concurrence libre et non faussée, du multilatéralisme, du meilleur prix pour le consommateur et de la norme. Mais c'est le monde d'hier ! Aujourd'hui, nous faisons face à des États, des empires, des continents qui abordent l'industrie sous le seul angle de la souveraineté et de la volonté de puissance !
Ils n'ont rien inventé, d'ailleurs : au XVIIe siècle déjà, La Bruyère affirmait que la puissance d'un pays se mesurait à son industrie. Ces pays subventionnent donc la leur et la défendent avec leurs droits de douane, quoi qu'il en coûte sur le plan financier, voire, pour ce qui concerne les États-Unis, avec la bourse. Or la réplique de l'Union européenne me semble bien timide.
Comprenez-moi bien, mes chers collègues, il ne s'agit nullement de renoncer à nos ambitions environnementales ou sociales ; il s'agit simplement de rendre celles-ci compatibles avec la réalité économique. C'est pourquoi il est grand temps d'engager un véritable aggiornamento administratif et fiscal, de penser efficacité, lisibilité, cohérence, car la compétitivité de notre continent, la vitalité de nos entreprises et l'avenir de nos emplois en dépendent. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, mon collègue Marc Ferracci est très attaché à la défense de la productivité et de la compétitivité de nos industries et il s'est déjà exprimé sur plusieurs des sujets que vous avez évoqués. Il s'agit, comme pour l'agriculture tout à l'heure, d'un secteur spécifique ; je laisserai donc à mon collègue le soin de vous présenter plus précisément nos plans d'action en la matière.
Sachez tout de même que nous restons très attentifs à la situation des entreprises, notamment de celles que vous avez mentionnées. La question de la compétitivité de ces secteurs est bien présente à notre esprit.
Conclusion du débat
M. le président. En conclusion de ce débat, la parole est à M. Olivier Rietmann, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. Olivier Rietmann, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons eu, à la demande, fort pertinente, du groupe Les Républicains, un débat riche, qui ne peut que réjouir le président de la délégation aux entreprises que je suis.
Ce débat prolonge les réflexions de notre délégation sur deux sujets : l'indispensable simplification des charges administratives pesant sur les entreprises et l'allégement des normes européennes en matière de responsabilité sociale des entreprises. Les deux sujets se conjuguent et s'alimentent, naturellement.
Une leçon doit être retenue de cette séquence normative européenne : qui trop embrasse mal étreint, comme le disait déjà Rabelais. Celui qui veut entreprendre trop de choses à la fois risque de ne rien réussir.
En effet, nombreuses sont les initiatives européennes justifiées dans leurs principes, mais élaborées en silos et visant toujours les mêmes opérateurs économiques : les entreprises. Celles-ci ploient donc sous l'empilement des normes et voient à juste titre dans cette pratique une menace pour leur compétitivité, une entrave à leur croissance, voire un risque pour leur survie.
Si, au lieu de se précipiter pour accumuler les normes, la Commission européenne avait procédé pour chacune d'entre elles à un test PME approfondi, nous n'en serions pas là…
La Commission européenne n'a donc eu d'autre choix, et c'est heureux, que d'entendre le désarroi des entreprises – certains l'ont souligné. Pour stimuler la compétitivité européenne, la déclaration de Budapest du Conseil européen du 8 novembre 2024 a lancé une « révolution en matière de simplification », afin de réduire d'au moins 25 % les charges administratives des entreprises, seuil porté à 35 % pour les PME.
C'est une révolution comparable à celle que je préconisais dans le rapport d'information que j'ai présenté à la délégation aux entreprises en juin 2023 et dont les conclusions ont été reprises en partie dans le projet de loi de simplification de la vie économique, en cours d'examen au Parlement, avec l'obligation de réaliser un test préalable dans les entreprises avant l'édiction de toute norme les concernant.
En élaborant le Green Deal, la Commission européenne a fait des choix qui revenaient en réalité aux États et aux entreprises. L'exemple le plus choquant réside dans la décision d'arrêter la production des moteurs automobiles thermiques à l'horizon de 2035 dans toute l'Union européenne. Ni les États ni les entreprises n'ont été consultés à ce sujet et l'étude d'impact était pour le moins légère, alors que les conséquences en furent terriblement lourdes.
La Commission européenne doit se cantonner à fixer des objectifs. Elle outrepasse ses prérogatives quand elle se substitue aux États, au mépris du principe de subsidiarité, et impose un choix technologique aux industriels, au mépris de la liberté d'entreprendre.
Que l'on ne se méprenne pas : oui, la transformation profonde des activités économiques est nécessaire, car la décarbonation de notre production est indispensable. Toutefois, les différents directives et règlements européens adoptés depuis 2019 dans le cadre du Green Deal imposent aux entreprises européennes une charge de travail administratif significative et un coût non négligeable.
La délégation aux entreprises l'a souligné dès février 2024 dans un rapport d'information de Marion Canalès et Anne-Sophie Romagny consacré à la directive CSRD. Ce rapport relayait les alertes et inquiétudes de nombreux chefs d'entreprises, notamment des entreprises de taille intermédiaire (ETI), mais également des petites et moyennes entreprises (PME) incluses dans la chaîne de valeur des grandes entreprises concernées, qui sont alors touchées indirectement.
Non, la méthode et le rythme n'étaient pas les bons ! Le choix européen en faveur de la publication de données financières et extra-financières est essentiel pour cerner les enjeux de durabilité les plus significatifs. Il avait toutefois deux inconvénients : premièrement, il doit s'agir d'obligations non de résultat, mais de moyens, et ces obligations doivent être proportionnées aux objectifs ; deuxièmement, le coût de la collecte, de la mise en forme et de la publication de ces normes est élevé, les entreprises devant payer divers prestataires au détriment de leurs efforts consacrés directement aux projets de transition. Or ce sont ces derniers qui doivent être priorisés, afin qu'elles puissent rester compétitives !
Les normes environnementales et sociales ne sont pas affaiblies ; elles pourraient d'ailleurs ne pas s'appliquer du tout si elles conduisent à la disparition des entreprises concernées !
La Commission européenne a désormais une approche plus réaliste du nouveau cadre mondial de la compétition internationale. Ce n'est ni une dérogation ni un démantèlement, c'est une approche plus pragmatique, proportionnelle et progressive ; c'est l'application de la réalité économique dans le droit. Cela consiste à renforcer nos entreprises face à l'offensive américaine et asiatique de dérégulation massive et structurelle, en adaptant nos objectifs de transition climatique au nouveau climat des affaires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et UC.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur les initiatives européennes en matière de simplification et d'allégement de la charge administrative pesant sur les entreprises.
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 30 avril 2025 :
À quinze heures :
Questions d'actualité au Gouvernement.
À seize heures trente :
Débat sur le rapport d'avancement annuel sur le plan budgétaire et structurel de moyen terme 2025-2029.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures dix.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER