Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Colombe Brossel, la ministre Catherine Vautrin s'est engagée à consulter les élus avant l'été prochain sur le sujet de l'accueil du jeune enfant, notamment dans les crèches, et à proposer des mesures avant la fin de l'année. Elles seront expérimentées durant l'année 2026.
La sécurité des enfants passe naturellement avant toute considération tarifaire. C'est la raison pour laquelle le régime dérogatoire des micro-crèches sera aligné sur celui des autres crèches.
À ce titre, un décret relatif aux autorisations de création, d'extension et de transformation des établissements d'accueil de jeunes enfants et à l'accueil dans les micro-crèches a été publié le 1er avril 2025. En premier lieu, il permet de revoir les normes d'encadrement des micro-crèches : elles seront rapprochées de celles des crèches classiques. En second lieu, des personnes ne pourront rejoindre le secteur de la petite enfance et y travailler que s'ils sont en mesure d'exercer leur profession conformément aux valeurs apprises durant leur formation. Ces dispositions entreront majoritairement en vigueur au 1er septembre 2026, le temps de permettre aux professionnels de se former.
En outre, seront publiés un référentiel qualité, dans les prochaines semaines, et un référentiel compétences, conformément à la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi. Un guide de contrôle sera également adressé à l'ensemble des services de protection maternelle et infantile (PMI) des départements. Je ne manquerai pas de transmettre à Catherine Vautrin votre invitation à prendre connaissance, si ce n'est déjà fait, du rapport sénatorial, pour enrichir ce guide.
absence de conclusion d'une convention d'objectifs et de gestion entre l'état et la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines
Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber, auteur de la question n° 472, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
M. Michaël Weber. Monsieur le ministre, depuis 1996, des conventions d'objectifs et de gestion (COG) sont conclues entre l'État et les organismes de sécurité sociale. Elles permettent notamment, sur une durée de cinq ans, de fixer les objectifs à atteindre et les moyens à mettre en œuvre pour moderniser et améliorer la performance du système de protection sociale.
Or celle qui concerne le régime minier, conclue entre l'État et la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM), a pris fin au 31 décembre 2024. Cette carence est problématique, d'autant qu'à ce jour les tutelles n'ont donné aucune orientation et n'ont engagé aucune discussion pour renouveler la convention. Cela crée une situation anxiogène pour les personnels, inquiets pour leur avenir, les affiliés et les assurés sociaux, pour lesquels l'offre de santé minière est indispensable.
Cela ne crée pas des conditions sereines pour une coopération entre la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) et la CANSSM à l'avenir, alors même que cette dernière joue un rôle important en Moselle en tant qu'offreur de santé. La situation était déjà apparue précaire en 2021, alors que de nombreux élus locaux et nationaux avaient apporté un fort soutien à la consolidation de l'offre de santé Filieris.
L'absence de COG crée une forme de pression pour la CANSSM, laquelle dispose dans les territoires miniers de nombreuses œuvres, établissements sanitaires et médico-sociaux, services de soins à domicile ou établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Le recrutement indispensable de médecins et de personnels médicaux est rendu encore plus problématique, alors même que les anciens bassins miniers sont déjà en position de faiblesse.
Plusieurs fédérations et syndicats ainsi que des membres de la CANSSM vous avaient déjà contacté, sans réponse, il y a de cela plus d'un mois et demi. La mise en place d'une COG serait un véritable levier pour nos territoires et permettrait de conforter pour toutes et tous une offre de soins indispensable. Par conséquent, je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir nous préciser vos intentions sur le sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Weber, vous relayez les interrogations des fédérations représentant les assurés du régime minier. Ces questions portent sur l'absence de convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines depuis le 1er janvier 2025. Cette situation suscite, à juste titre, des inquiétudes sur l'avenir de l'offre de santé et médico-sociale de la caisse des mines, notamment auprès du personnel.
Comme vous l'indiquez, la convention précédente a pris fin le 31 décembre 2024. Les services du ministère du travail ont précisé au conseil d'administration de la caisse des mines qu'une nouvelle convention serait négociée. Des discussions sont donc en cours. Il n'est pas inhabituel qu'elles ne soient pas finalisées. Cela n'engage pas la continuité de service pour les prestations et le financement puisque des budgets provisoires pour 2025 ont été accordés, le temps que les négociations aboutissent.
avenir du site de cancérologie du mittan à montbéliard
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin, auteur de la question n° 473, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
M. Jacques Grosperrin. Monsieur le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins, le Premier ministre a annoncé aux médecins, ces jours-ci, la mise en place d'un pacte de solidarité qui prendrait la forme d'une obligation de consultation d'un ou deux jours par mois dans les zones sous-dotées. Il s'agit donc de garantir aux Français une offre de soins de proximité, au plus près de leurs besoins.
Mais, dans le même temps, le 28 mars 2025, était remis un rapport commandé par l'ancien ministre de la santé dans lequel le regroupement en un seul lieu des activités de cancérologie du nord de la Franche-Comté est présenté comme impératif : est ainsi recommandé le transfert des activités d'oncologie du site du Mittan, à Montbéliard, dans le département du Doubs, vers l'hôpital Nord Franche-Comté, situé dans le Territoire de Belfort.
Le montant de ce transfert, hors mobilier et équipements médicaux, est de l'ordre de 35 millions d'euros. Or il peut être de nature à dégrader la qualité et la sécurité des soins.
Dans un contexte où les instruments et les investissements du Ségur de la santé sont en train d'être revus à la baisse, pourquoi ne pas conserver ce site du Mittan, dans le Doubs, dont les conditions d'accueil et l'humanité ont été saluées par la Ligue contre le cancer ainsi que par 14 000 pétitionnaires ?
Pourquoi arrêter ce qui fonctionne en France ? Je précise, du reste, que ce site a bénéficié d'importants investissements d'extension et de modernisation, comme le soulignent le président de Pays de Montbéliard Agglomération et la maire de Montbéliard.
Tous deux souhaitent vous rencontrer pour vous expliquer plus longuement que je ne puis le faire dans le cadre de cette question orale les enjeux qui sont ceux de l'activité de cancérologie dans cette région.
En attendant, monsieur le ministre, je souhaite savoir quelle suite vous comptez donner à ce projet.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Grosperrin, je vous remercie de votre question, qui est bien légitime, sur l'offre de soins, et notamment l'offre de cancérologie, dans l'agglomération du Pays de Montbéliard.
Je veux vous rassurer d'emblée en précisant qu'aucune décision n'est prise. Vous connaissez bien mieux que moi la situation du site du Mittan et la façon dont se pose la question du transfert de son service d'oncologie, qui est jugé vétuste.
Je souhaite vous recevoir, ainsi que les parlementaires du Territoire de Belfort, afin que nous évoquions ce sujet. Une réunion de concertation a eu lieu le 23 mars dernier entre toutes les parties prenantes, élus, soignants, représentants des patients, et un comité de pilotage se tiendra à Besançon le 16 juin prochain.
Dans l'intervalle, je reste pleinement à votre écoute : mon souhait est que les actions soient territorialisées. Le retour d'expérience des élus locaux et des communautés professionnelles de soignants m'importe donc tout particulièrement, l'objectif étant – tel est le sens des annonces que j'ai faites avec le Premier ministre vendredi dernier – de rapprocher l'offre de soins en la plaçant au plus près des patients.
Les décisions ne sont pas prises, les concertations se poursuivent, et je vous invite vraiment à me solliciter, monsieur le sénateur, en vue d'une rencontre avec les parlementaires du Territoire de Belfort. J'ai même prévu de me rendre sur place pour étudier ce sujet précis : je suis à votre disposition.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour la réplique.
M. Jacques Grosperrin. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour l'esprit de grande ouverture dont témoigne votre réponse.
C'est surtout l'agglomération de Montbéliard qui est concernée : le Territoire de Belfort, c'est là où se trouve l'hôpital Nord Franche-Comté, qui est situé à vingt kilomètres et à près d'une heure de transport de Montbéliard. On ne peut pas vraiment parler de proximité…
Je m'apprête à vous remettre une lettre par laquelle Mme la maire de Montbéliard et M. le président de Pays de Montbéliard Agglomération demandent à vous rencontrer très bientôt.
objectif de réduction de la pauvreté
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, auteur de la question n° 478, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
M. Guy Benarroche. Ma question porte sur l'objectif de réduction de la pauvreté.
L'article L. 115-4-1 du code de l'action sociale et des familles introduit par la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion établit l'obligation pour le Gouvernement de définir un objectif quantifié de réduction de la pauvreté et de rendre compte chaque année au Parlement des conditions de réalisation de cet objectif et des mesures et moyens financiers mis en œuvre pour y satisfaire.
Le premier objectif, adopté en 2008 pour la période de cinq ans qui s'ouvrait, était de ramener de 7,8 millions à 5,2 millions le nombre de personnes en situation de pauvreté dans le pays. Or 9,1 millions de personnes se trouvaient en situation de pauvreté en 2022, d'après les dernières statistiques de l'Insee.
Depuis 2011, l'État ne s'est donné aucun objectif de réduction de la pauvreté et il n'a pas rendu compte au Parlement de son action. Sans objectif clairement défini et connu de l'ensemble des acteurs, publics comme privés, la France ne parviendra pas à suivre ni à évaluer l'efficacité des dispositifs existants en matière de lutte contre la pauvreté ; elle ne pourra donc, en tant que de besoin, les compléter.
Au regard de ces éléments, je souhaite savoir si le Gouvernement va – enfin – fixer un objectif de réduction de la pauvreté et à quelle date le rapport annuel prévu sera – enfin –remis au Parlement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Benarroche, je vous remercie de votre question. Vous m'interrogez sur le plan de réduction de la pauvreté en France et sur la définition d'un objectif chiffré.
La lutte contre la pauvreté fait l'objet d'un pilotage de la part du Gouvernement. En 2018, une première stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté avait été présentée. En 2023, un pacte des solidarités a commencé d'être mis en œuvre, traduisant en quatre axes l'engagement de l'État en la matière.
La ministre Catherine Vautrin a demandé un bilan d'étape du pacte des solidarités, qui doit être déployé jusqu'en 2027 autour d'un certain nombre d'objectifs.
Je redonne quelques chiffres : 14,4 % des Français vivent sous le seuil de pauvreté, proportion globalement stable depuis vingt ans. Ce taux ne s'est pas dégradé malgré la crise sanitaire et les tensions géopolitiques actuelles. Cependant, vous avez raison, la situation reste particulièrement préoccupante : derrière ce pourcentage, ce sont des millions de Français qui se trouvent en difficulté.
Il faut évidemment mesurer si la mise en œuvre des axes du pacte des solidarités a produit des effets. La ministre Catherine Vautrin indique qu'elle réunira d'ici à l'été les différents réseaux associatifs de lutte contre la pauvreté pour faire un bilan commun du déploiement du pacte et identifier les priorités essentielles. Je vous donne donc rendez-vous avant l'été.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour la réplique.
M. Guy Benarroche. Peut-être la ministre présentera-t-elle enfin, lors de cette réunion, le rapport auquel j'ai fait référence, dont la remise est en principe une obligation annuelle.
En ce qui nous concerne, nous avons pris l'initiative en faisant un certain nombre de propositions législatives. Ainsi de la résolution visant à mettre fin au sans-abrisme des enfants – je rappelle par exemple que, selon le baromètre des enfants à la rue publié par la Fédération des acteurs de la solidarité et l'Unicef France, 2 043 enfants sont restés sans solution d'hébergement dans la nuit du 19 août 2024 malgré la demande de leur famille au 115.
Je citerai également la proposition de loi instaurant un revenu minimum garanti, sachant qu'en France, en 2018, 9,3 millions de personnes disposaient de revenus inférieurs au seuil de pauvreté, ainsi que la proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l'instauration d'une allocation autonomie universelle d'études, rejetée par le Sénat : 22,6 % des moins de 30 ans vivant sous le seuil de pauvreté dans le Grand Lyon, la métropole expérimente un « revenu solidarité jeunes ».
Voilà quelques exemples de mesures qui pourraient être prises.
pérennisation des haltes soins addictions de paris et strasbourg
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, auteur de la question n° 483, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
M. Rémi Féraud. Monsieur le ministre, c'est cette année que le Gouvernement et le Parlement doivent se prononcer sur la pérennisation des haltes soins addictions (HSA) de Paris et Strasbourg, lieux où les consommateurs de drogues en situation précaire peuvent consommer dans de bonnes conditions sanitaires et sous la supervision de professionnels, par dérogation à la loi du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie.
Nommés, à leur ouverture, « salles de consommation à moindre risque », ces outils de réduction des risques sont encore très souvent qualifiés de « salles de shoot » dans le débat médiatique. Mais cette expression, qui est à l'origine de nombreuses idées reçues, fait totalement l'impasse sur la dimension sanitaire et sociale de la réduction des risques.
Tous les rapports récents ont en effet été très positifs sur l'expérimentation conduite à Paris et à Strasbourg depuis 2016.
L'institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a estimé que ces dispositifs « constituent une intervention de santé et de tranquillité publique efficiente ». La mission flash menée par deux députés de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a révélé leur utilité dans la prise en charge des usagers de drogues précarisés.
L'inspection générale de l'administration (IGA) et l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), dans un rapport fait à la demande du Gouvernement et remis au mois d'octobre 2024, estiment même que « la fermeture des deux haltes soins addictions dégraderait la tranquillité publique, mettrait en danger des usagers en situation précaire et mobiliserait des forces de police inutilement pour gérer les consommations rendues à l'espace public ».
Monsieur le ministre, le temps passe ! Alors que la fin de l'expérimentation approche, le Parlement attend toujours que le rapport d'évaluation de ces structures lui soit remis par le Gouvernement.
L'inquiétude grandit donc quant au cadre juridique qui doit permettre aux salles de Paris et de Strasbourg de poursuivre leur activité après la fin de l'année 2025, sans même parler de la possible et nécessaire ouverture d'autres salles du même type.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour permettre la pérennisation de l'activité des haltes soins addictions ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Féraud, votre question porte sur le dispositif des haltes soins addictions, les HSA, qui s'inscrit dans l'objectif de réduction des risques d'infection et de surdose mortelle : il vise à faciliter l'accès au parcours de soins, mais également à répondre aux problématiques de tranquillité publique causées par l'usage de telles substances dans l'espace public.
Il s'agit donc d'un dispositif sanitaire, qui constitue un élément de réponse aux problèmes complexes que pose l'usage de ces substances. Il est complémentaire aux autres prises en charge, qui relèvent du secteur médico-social spécialisé, à l'hôpital ou en ville, et s'adresse particulièrement aux usagers les plus éloignés du soin.
Vous l'avez rappelé, il s'agit d'un dispositif expérimental institué par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, initialement mis en œuvre pour une durée de six ans. L'expérimentation relative aux deux HSA existantes, celle de Paris et celle de Strasbourg, a fait l'objet, en 2022, d'une prolongation jusqu'au 31 décembre 2025.
En complément du rapport de l'Igas et de l'IGA, que vous citiez, une évaluation scientifique indépendante portant sur la deuxième phase de l'expérimentation sera prochainement rendue. Celle-ci portera notamment sur l'impact des HSA sur la tranquillité publique et sur le parcours de soins des usagers. Elle nourrira le rapport qui doit être remis au Parlement dans les six mois précédant la fin de l'expérimentation, c'est-à-dire au mois de juin 2025. Ce rapport permettra à la représentation nationale, à l'issue de la période d'expérimentation, de déterminer le devenir des HSA sur la base de données scientifiques solides.
La position du Gouvernement sur le sujet n'est donc pas arrêtée à ce jour : nous attendons les conclusions des experts indépendants et des inspections pour prendre les mesures attendues, qui seront fondées sur des éléments objectifs. Je vous donne donc rendez-vous, monsieur le sénateur, au mois de juin !
situation du secteur médical et avancement du projet de centre hospitalier universitaire en guyane
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 489, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
M. Georges Patient. La santé, en Guyane, est dans un état d'urgence absolue. Le centre hospitalier universitaire (CHU) est en train de naître, mais ce processus se fait dans des conditions extrêmement difficiles, au forceps…
Le centre hospitalier régional, qui le préfigure, est dans une situation inquiétante : à cette date, point de directeur général désigné et une situation financière préoccupante – déficitaire –, donc une capacité de financement inexistante.
Or certains bâtiments de l'hôpital de Cayenne sont d'ores et déjà dans un état de délabrement très avancé. Il faut donc absolument engager dès maintenant un plan de reconstruction, sans attendre la catastrophe qui, à défaut, ne manquera pas de se produire, en raison de la hausse de l'activité liée à la croissance démographique du département.
Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes et urgentes le Gouvernement entend-il prendre pour garantir à ce CHU un financement qui soit à la hauteur des enjeux et une gestion adaptée au contexte de la Guyane ?
Qu'en est-il de la formation de cadres hospitaliers guyanais, et tout particulièrement de la nomination de directeurs d'hôpital en Guyane ?
Quant aux médecins libéraux de Guyane, leur nombre diminue chaque année de manière alarmante. Nous risquons de nous retrouver dans la même situation qu'à Mayotte, où il ne reste plus que sept médecins libéraux.
Pour éviter que notre territoire ne suive cette trajectoire inquiétante, il est impératif de prendre deux mesures.
La première consiste à rendre le régime de la zone franche d'activité nouvelle génération (Zfang) réellement applicable en Guyane, afin de garantir un soutien concret aux praticiens.
La seconde consiste à maintenir en activité les médecins de plus de 67 ans, afin de pallier la pénurie croissante.
Des décisions urgentes s'imposent donc, monsieur le ministre, s'agissant de mettre en œuvre de telles mesures spécifiquement adaptées à la Guyane et ainsi de garantir une couverture médicale suffisante et durable pour notre population.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Je vous remercie, monsieur le sénateur Patient, de cette question, qui témoigne de votre inquiétude concernant le CHU de Guyane.
La transformation du groupement de coopération sanitaire en centre hospitalier universitaire est en cours. Le Comité national de l'organisation sanitaire et sociale a rendu un avis favorable à sa labellisation en tant que centre hospitalier régional le 25 mars 2025. Cette étape est indispensable et fondamentale pour structurer l'offre de soins en Guyane.
Je rappelle que le soutien financier de l'État à ce projet de CHU est important : 108,8 millions d'euros ont été investis. Ces fonds ont permis le financement d'opérations majeures, telles que la construction d'un nouveau bâtiment dédié aux consultations externes et de nouvelles unités d'hospitalisation. Une enveloppe spécifique de 34 millions d'euros par an est par ailleurs allouée au fonctionnement des hôpitaux et centres de santé de proximité des communes de l'intérieur.
Concernant le recrutement du directeur général, il s'agit naturellement d'une priorité : la procédure suit son cours et des candidats sont auditionnés.
Concernant l'amélioration de l'offre de soins, l'État soutient le développement de nouvelles activités médicales de pointe en Guyane ; ainsi la réanimation pédiatrique et la neurochirurgie sont-elles déjà autorisées et en attente de déploiement à très court terme. Par ailleurs, la Guyane bénéficiera de ses propres quotas pour ce qui est du personnel hospitalo-universitaire, mesure indispensable notamment du point de vue de la formation.
L'idée est de pouvoir former – mieux former – sur site davantage de professionnels de santé, médicaux et paramédicaux, et ainsi d'améliorer la prise en charge des patients ; d'où l'intérêt d'accroître le nombre de postes hospitalo-universitaires et de créer des conditions favorables d'attractivité.
J'espère pouvoir me rendre prochainement en Guyane pour vivre la naissance de ce CHU ; mon souhait est que toutes les conditions soient réunies pour y garantir une offre de soins adaptée.
réapparition du mouvement « pro-ana » vingt ans après avec le défi « skinnytok »
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, auteure de la question n° 490, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
Mme Valérie Boyer. Monsieur le ministre, vingt ans après l'émergence du mouvement « pro-ana », l'anorexie comme mode de vie fait son retour via les réseaux sociaux, avec le hashtag #SkinnyTok.
Cette tendance met en scène, sur le réseau social TikTok, de jeunes influenceuses incitant les adolescents à perdre du poids jusqu'à atteindre une maigreur extrême mettant en péril leur vie.
Si le nom a changé, le discours reste le même : ce mouvement n'a en effet rien inventé et ne fait que reprendre et adapter aux jeunes femmes d'aujourd'hui les discours mortifères du mouvement « pro-ana » de leurs aînées.
D'abord utilisé par les internautes pour partager leurs souffrances et se soutenir dans leur combat pour la guérison, ce mouvement avait rapidement muté vers une véritable promotion de l'anorexie. Sur les vidéos publiées sur TikTok, des jeunes femmes extrêmement minces, voire très maigres, livrent leurs « astuces » pour maigrir, notamment en arrêtant de s'alimenter, assorties de commentaires du type : « tu n'es pas moche, tu es juste grosse ».
Rappelons-le, l'anorexie mentale est la plus létale des pathologies psychiatriques. D'ailleurs, si elle ne concernait historiquement que 0,5 % à 1 % de la population française, très majoritairement des femmes, la prévalence de la maladie semble avoir quadruplé depuis la période du covid. Chez les femmes, très majoritaires parmi les anorexiques, les médecins observaient auparavant un premier pic vers 15-16 ans et un autre autour de 19-20 ans. Mais les professionnels de santé accueillent de plus en plus de jeunes filles âgées de 10 à 14 ans, c'est-à-dire des collégiennes, à peine sorties de l'enfance.
Vous le savez, dès 2008, alors députée, j'avais déposé une proposition de loi visant à combattre l'incitation à l'anorexie et publié un rapport sur les troubles du comportement alimentaire. Cette initiative avait notamment donné lieu à l'ouverture, dans le code de la santé publique, d'un livre consacré aux troubles du comportement alimentaire. J'avais également déposé une proposition de loi relative aux photographies d'images corporelles retouchées, texte qui, certes dévoyé, a néanmoins pu prospérer.
Cette tendance peut créer chez les personnes concernées des troubles du comportement alimentaire et exposer les jeunes à un risque médical et psychologique majeur ; les conséquences, le cas échéant, se font sentir toute la vie.
Monsieur le ministre, face à la résurgence de ce phénomène, qu'envisagez-vous pour protéger les jeunes ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Boyer, c'est un peu grâce à vous que j'ai découvert le phénomène « SkinnyTok » tel qu'il prospère sur les réseaux sociaux. C'est avec beaucoup d'effroi que j'en ai pris connaissance, comme ministre, comme professionnel de santé, mais aussi comme père d'une jeune fille de 15 ans. Je suis bien conscient des dégâts extrêmement importants que les réseaux sociaux provoquent chez nos jeunes.
Depuis la publication du rapport Enfants et écrans, en avril 2024, le Gouvernement agit pour protéger les enfants des effets délétères d'une surexposition aux écrans, affectant leur santé, leur socialisation, leur sommeil, leur estime de soi et, globalement, leur état de santé.
Pour ce qui concerne spécifiquement le phénomène « SkinnyTok », mon ministère a été sollicité par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Si la causalité directe avec les troubles des conduites alimentaires n'est pas scientifiquement établie, le lien entre usage excessif des réseaux sociaux et dégradation de la santé mentale des adolescents, et particulièrement des jeunes filles, est clairement avéré.
Il y a une dizaine de jours, vous le savez, j'ai lancé un grand plan de lutte contre l'obscurantisme en santé, qui vise notamment la désinformation médicale. Je considère que les informations diffusées dans le cadre du mouvement « SkinnyTok » relèvent de cette catégorie.
Nous allons créer un observatoire pour pouvoir dénoncer efficacement ladite désinformation à l'échelle nationale. Dans cette entreprise, la communauté scientifique pèsera de tout son poids : l'institut Curie, l'institut Pasteur, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et la Haute Autorité de santé (HAS) vont s'associer pour organiser des diffusions massives sur ces sujets.
Nous allons également solliciter les différentes plateformes numériques : nous serons le premier pays européen à mettre en œuvre les obligations inscrites dans le Digital Services Act (DSA), le règlement européen sur les services numériques, qui sont pleinement applicables depuis 2024. Ainsi pourra-t-il désormais être fait mention, dans le respect de la liberté de la presse, des mauvaises pratiques des plateformes numériques et de leurs effets sur la santé de nos enfants.
J'ai lancé il y a une dizaine de jours, disais-je, un plan de lutte contre l'obscurantisme, et je souhaite bel et bien y inclure le phénomène sur lequel vous m'interrogez, qui est extrêmement effrayant du point de vue de la santé de nos enfants.