M. le président. Il faut conclure !

M. François-Noël Buffet, ministre. L’unité nationale, absolue, qui nous rassemble autour de nos valeurs, peu importe le courant politique dont nous sommes issus, est ce qu’il y a de plus important aujourd’hui. Le Gouvernement veillera à ce qu’elle soit parfaitement défendue. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

situation d’arcelormittal (ii)

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Mme Silvana Silvani. Monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’automne dernier, ArcelorMittal annonçait la fermeture de ses sites de Reims et de Denain. En février, la direction française du groupe confirmait la délocalisation de 150 emplois support vers l’Inde. Les syndicats, lucides, y ont vu le signal d’une restructuration plus lourde, et ils avaient raison.

Aujourd’hui, c’est une véritable saignée industrielle qui s’engage : 636 emplois supprimés dans les cokeries et aciéries du groupe, à Dunkerque, à Mardyck, à Desvres, à Basse-Indre, à Mouzon, à Montataire et à Florange.

Pendant ce temps-là, ArcelorMittal engrange les profits : 36 milliards d’euros cumulés depuis 2019, près de 12 milliards d’euros consacrés à des rachats d’actions pour satisfaire ses actionnaires, et 298 millions d’euros d’aides publiques pour la seule année 2023.

Cette situation apparaît d’autant plus indécente que l’acier est au cœur de toutes les transitions : dans le secteur ferroviaire, les énergies renouvelables, la construction et les équipements industriels, partout où l’on veut produire, transformer ou bâtir, le métal est là.

Monsieur le ministre, à ces suppressions directes d’emplois s’ajoutent encore des victimes collatérales, comme les travailleurs de la centrale DK6 à Dunkerque. Au total, 15 000 salariés en France s’inquiètent pour leur avenir, comme de l’horizon de la taxation de l’acier carboné prévue en 2030.

Afin de garantir la pérennité des emplois et des savoir-faire, quelles mesures comptez-vous prendre pour contraindre ArcelorMittal à engager la décarbonation de ses sites, quitte à envisager une évolution législative permettant d’imposer au groupe le remboursement des aides publiques perçues ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Madame la sénatrice Silvani, vous avez raison de rappeler que l’acier, que la sidérurgie est une industrie absolument essentielle à notre souveraineté, parce qu’elle intervient en amont de nombreuses autres filières industrielles.

À ce titre, maintenir une production d’acier sur notre sol, sur le sol français, représente une absolue nécessité. Je tiens à le dire et à le rappeler.

Je souhaite également exprimer mon soutien aux salariés concernés par cette restructuration, au nombre de plus de 600, qui vivent aujourd’hui dans l’angoisse. Je leur assure que les services de l’État se tiendront évidemment à leurs côtés pour accompagner cette évolution.

Nous devons agir afin d’assurer la pérennité de la production et de la fabrication d’acier sur notre territoire.

Comment atteindre cet objectif ? Il nous faut tout d’abord travailler collectivement avec l’ensemble des acteurs concernés. J’ai ainsi eu l’occasion d’échanger avec les élus directement touchés par les restructurations annoncées par ArcelorMittal sur les sept sites concernés ainsi qu’avec les directions française et européenne du groupe ArcelorMittal.

Pour répondre précisément à votre question, madame la sénatrice, il ressort clairement de ces échanges que, pour engager les investissements absolument nécessaires à la pérennité de nos emplois, nous devons mobiliser plusieurs leviers d’action.

Le premier est celui de la protection commerciale.

Le deuxième concerne les coûts de l’énergie, auxquels nous sommes extrêmement sensibles, notamment dans le cadre des négociations actuellement menées avec EDF.

Le troisième, enfin, porte sur les aides destinées à accompagner la décarbonation. Je souhaite le souligner, madame la sénatrice : aucune aide n’est versée, à ArcelorMittal ou à toute autre entreprise, sans contrepartie. (Vives protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Cécile Cukierman. Vous mentez devant les parlementaires !

M. Marc Ferracci, ministre. Les aides publiques ne sont versées qu’en échange de la réalisation effective d’investissements ou de dépenses précises. En l’absence de ces éléments, ces aides sont reprises par l’État.

C’est précisément pour cette raison que les 850 millions d’euros d’aides publiques mis sur la table par l’État dans le cadre des investissements d’ArcelorMittal à Dunkerque n’ont pas été versés à ce jour, ces investissements n’ayant pas été réalisés.

Je vous confirme donc notre intention d’agir simultanément sur l’ensemble de ces leviers. Notre ambition demeure la pérennisation de tous ces sites industriels, afin d’éviter toute fermeture en France.

Mme Cécile Cukierman. Vous n’avez pas répondu à la question !

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour la réplique.

Mme Silvana Silvani. Monsieur le ministre, l’Italie et le Royaume-Uni ont repris le contrôle de leurs aciéries, tandis que vous persistez à croire au mythe du marché autorégulateur.

Il ne s’agit nullement de nationaliser dans la débâcle pour revendre ensuite en période de prospérité, mais bien de faire de la propriété publique un véritable outil de planification, de transition et de souveraineté.

Prises de participation, fonds souverain, livret dédié à la réindustrialisation, baisse drastique des quotas européens d’importation d’acier asiatique : les outils existent ; ce qui manque, c’est la volonté de rompre avec cette impuissance organisée ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)

situation d’arcelormittal (iii)

M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Christine Herzog. Ma question s’adresse à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.

Monsieur le ministre, croyez-vous en la fatalité ?

ArcelorMittal vient d’annoncer un plan national de suppression de 600 emplois en France, dont 200 à Florange, en Moselle. La délocalisation déjà entamée des fonctions support vers l’Inde et la Pologne, ainsi que l’arrêt par le groupe sidérurgique de ses investissements dans l’outil productif, laissent craindre un désintérêt de sa part pour la production d’acier en France.

Et pour cause : ArcelorMittal a retardé son projet d’acier décarboné à l’usine de Dunkerque, pourtant inscrit dans un contrat passé avec l’État. De même, le groupe a cessé tout investissement dans le train à chaud de Florange, son outil de production d’acier.

Au contraire, il investit massivement en Inde et au Brésil dans des usines modernes, soumises à un cahier des charges environnemental moins contraignant que celui qu’imposent les normes européennes, afin de préserver sa compétitivité dans l’économie mondiale.

Nous nous sommes félicités de la transition énergétique opérée à la centrale de Saint-Avold du charbon vers le biogaz, mais, au même moment, l’Inde se réjouit d’avoir atteint un record de production d’électricité issue du charbon.

Alors que l’acier français traverse une crise profonde, que le coût de la main-d’œuvre demeure élevé, que le prix de l’énergie atteint des niveaux très importants et que les objectifs environnementaux sont très contraignants pour nos entreprises, l’État doit agir et engager des négociations afin de convaincre ArcelorMittal de rester en France et d’avoir connaissance de ses projets.

Monsieur le ministre, allons-nous sacrifier notre souveraineté sidérurgique, dire adieu à nos savoir-faire et laisser fatalement la France perdre son industrie ? Si tel devait être le cas, la nationalisation de l’entreprise serait-elle sur la table ?

Quelle est la vision stratégique précise de l’État pour sauver notre souveraineté sidérurgique ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Madame la sénatrice Herzog, non, il n’y a pas de fatalité, pas même pour des filières en difficulté, comme notre filière sidérurgique ; il n’y en a pas eu lorsque nous avons sauvé les Aciéries Hachette et Driout, à Saint-Dizier en Haute-Marne ; pas davantage lorsque nous défendions les Fonderies de Bretagne, il y a encore quelques jours, à Caudan dans le Morbihan.

Je reste profondément convaincu qu’en mobilisant les leviers appropriés, en menant un combat collectif avec l’ensemble des élus concernés, nous pouvons obtenir des résultats concrets, et ainsi garantir ce que vous appelez de vos vœux, et que nous souhaitons également : le maintien de notre souveraineté industrielle dans cette filière absolument essentielle.

La sidérurgie, l’acier, est en effet indispensable à beaucoup d’activités en aval, telles que l’automobile ou la défense.

Les négociations avec ArcelorMittal ont déjà commencé. Comme je viens de l’indiquer, j’ai échangé hier avec la direction du groupe afin de mieux comprendre les raisons de cette décision, et surtout afin de saisir précisément les perspectives et la stratégie qu’ArcelorMittal entend poursuivre en France et en Europe.

Vous le savez, les difficultés de la filière sidérurgique ne concernent pas uniquement la France. En Allemagne, ThyssenKrupp a annoncé, il y a quelques semaines à peine, la suppression de 11 000 emplois ainsi que la fermeture de plusieurs sites industriels.

En France, aujourd’hui, aucun site ne ferme. Notre responsabilité consiste précisément à faire en sorte que cet objectif demeure inchangé à l’avenir. Pour ce faire, nous devons agir simultanément dans plusieurs directions, comme vous l’avez souligné.

En premier lieu, cela implique de mieux protéger nos industries. Nous avons fixé des objectifs ambitieux en matière de décarbonation, lesquels doivent également devenir des contraintes imposées aux exportateurs chinois qui écoulent leur acier sur le marché européen. Tel est précisément le sens de la révision du mécanisme de taxation du carbone aux frontières que nous défendons, et que la Commission européenne, par la voix du commissaire Séjourné, a intégrée dans son plan d’urgence pour l’acier, présenté le 19 mars dernier.

Nous devons également agir sur les coûts de l’énergie. Nous espérons que, à compter du 1er janvier 2026, avec la fin du dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), un certain nombre de contrats actuellement en négociation entre EDF et les industriels électro-intensifs, parmi lesquels figure ArcelorMittal, pourront aboutir favorablement. Je suis, pour ma part, confiant dans notre capacité à lever cette contrainte.

M. le président. Il faut conclure !

M. Marc Ferracci, ministre. Notre stratégie s’appuie donc sur plusieurs leviers : la compétitivité et la protection. Il nous faut sortir d’une certaine forme de naïveté à cet égard. (M. François Patriat applaudit.)

assassinat d’aboubakar cissé et réaction des pouvoirs publics

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, vendredi 25 avril, Aboubakar Cissé, fidèle musulman, était mortellement poignardé à quarante reprises dans une mosquée, alors qu’il croyait transmettre le rite de la prière à son infâme assassin.

Monsieur le président, je vous remercie d’avoir changé d’avis et d’avoir concédé un moment de recueillement : cela était important.

Car, de la profanation d’un sanctuaire maculé du sang d’un innocent jusqu’à la duperie haineuse de l’assassin, tout dans cet acte est profondément révoltant. À la famille et aux proches d’Aboubakar Cissé, nous adressons nos condoléances les plus émues.

Monsieur le Premier ministre, vous avez choisi des mots justes pour qualifier l’assassinat islamophobe d’Aboubakar Cissé ; vous avez également entendu la souffrance, la peur et le sentiment de relégation exprimés par nos compatriotes musulmans depuis vendredi ; ce sentiment, partagé sur nos travées, que les plus hautes autorités de l’État, à commencer par le ministre de l’intérieur et des cultes, n’ont pas exprimé une émotion à la hauteur du supplément de violence symbolique que représente l’assassinat d’un fidèle dans une mosquée (Huées et exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Akli Mellouli applaudit.) ; que les plus hautes autorités de l’État n’ont pas pris toute la mesure de la gravité inouïe de cet attentat.

L’histoire de France, tout comme l’histoire du monde, enseigne pourtant qu’aucune guerre de religion n’a jamais produit autre chose que de la haine et de la désolation. La France en a tiré la conclusion la plus exemplaire qui soit en inventant la laïcité, définie par la loi de tolérance et de liberté de 1905.

Monsieur le Premier ministre, vous avez justement rappelé hier à l’Assemblée nationale un principe fondamental : « la loi protège la foi ».

Dès lors, qu’allez-vous faire afin que cesse, notamment au sein du Gouvernement et des hémicycles parlementaires, cette instrumentalisation incessante de la laïcité visant à stigmatiser l’islam et les musulmans ?

Qu’allez-vous faire pour lutter concrètement contre la montée de l’islamophobie, avant que d’autres drames ne surviennent ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. Roger Karoutchi. Ils osent tout, c’est insupportable !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président Gontard, je puis vous assurer que l’ensemble des responsables publics, au sein de l’exécutif comme, je le crois, au sein de nos assemblées, partage la même certitude, celle que vous venez d’exprimer et que j’ai moi-même défendue dans plusieurs ouvrages sur les guerres de religion : là se trouve un démon jamais endormi, un danger perpétuel qui ne cesse de se réveiller, en temps de crise, singulièrement. Son expression se résume très simplement et très clairement : « l’autre est un ennemi. »

Or nous partageons tous cette maxime que vous avez rappelée et que je cite souvent : « La loi protège la foi, mais la foi ne fait pas la loi. »

Nous partageons l’idée, non seulement de la tolérance – et j’ai écrit sur l’édit de Nantes, comme vous le savez –, mais, au-delà même, de la compréhension mutuelle ; nous avons la certitude que nous ne sommes pas des étrangers les uns aux autres, que nous avons à construire ensemble.

Tous nos compatriotes musulmans, tous nos compatriotes juifs, tous nos compatriotes chrétiens, tous nos compatriotes agnostiques, tous nos compatriotes athées, et ceux d’autres sensibilités encore, ont droit de cité. J’ai même ajouté hier que nous devrions approfondir l’idée d’un devoir de cité. Nous avons, collectivement, le devoir de bâtir une citoyenneté et un destin partagés.

Le drame survenu dans le Gard est épouvantable précisément parce qu’il est entaché, comme vous l’avez relevé, de tous les symptômes de ce que nous cherchons à combattre et que nous devons dénoncer.

Je suis heureux de sentir l’unanimité qui prévaut en réalité sur ces travées quant à notre détermination commune à mener ce combat et à édifier ensemble une cité différente. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et RDPI.)

protection des familles et des biens des agents pénitentiaires

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Somon. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur. « La seule réelle prison est la peur et la seule vraie liberté est de se libérer de la peur », affirmait Aung San Suu Kyi. Les agents de l’administration pénitentiaire deviendront-ils les prisonniers de la peur que souhaitent instaurer les terroristes, sous l’étendard fallacieux de la défense des droits des prisonniers ?

Parmi les faits concernant les agents de l’administration pénitentiaire, on recense 66 agressions graves perpétrées en 2023 à l’intérieur même des établissements, contre lesquelles le ministère de la justice agit déjà.

Cependant, depuis le 13 avril dernier, comme à Saint-Quentin-Fallavier ou à Villefontaine, en Isère, ainsi que dans trente et un départements, plus de 60 faits criminels ont été relevés à l’encontre d’établissements pénitentiaires. Plus grave encore, ces actes ciblent également les véhicules et les domiciles d’agents pénitentiaires, à l’image de deux attaques menées à Amiens contre la même surveillante.

Il s’agit de faits d’intimidation, de nuisances, de destructions, de tirs sur des domiciles, d’incendies, de tags portant la signature « défense des droits des prisonniers », ou encore de messages cryptés adressés aux personnels ou à leurs familles.

Ce terrorisme constitue un défi lancé à notre République et à l’État de droit sous couvert de grotesques revendications de défense des droits de l’homme, qui ne saurait être toléré.

Nous avons tous le devoir de le condamner. Comment prétendre défendre les droits de l’homme en s’attaquant aux biens et en menaçant directement les personnels de l’administration pénitentiaire ?

Les résultats de la lutte engagée au sein des établissements contre la circulation de produits illicites et d’armes ou contre les moyens permettant de commanditer des exactions hors les murs apportent la démonstration que les mesures concernant les fouilles, ainsi que les dispositions adoptées par le Parlement au sein de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, dérangent une organisation mafieuse, lucrative et meurtrière.

Monsieur le ministre, quelles consignes avez-vous transmises aux préfets afin de garantir la sécurité des biens et des familles des agents pénitentiaires ? Quelles mesures engagez-vous afin de débusquer ces terroristes, et ainsi redonner confiance et sérénité à nos fonctionnaires dans l’exercice de leurs missions ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur Somon, le problème que vous soulevez constitue évidemment une préoccupation majeure et le Gouvernement demeure pleinement déterminé à empêcher qu’il ne perdure.

Vous avez raison de rappeler que, depuis le 14 avril dernier, plus de 150 actions ont été commises à l’encontre des établissements pénitentiaires ou de leurs personnels sur l’ensemble du territoire national : jets de cocktail Molotov sur le parking de l’École nationale d’administration pénitentiaire d’Agen ; incendies volontaires devant la maison d’arrêt de Villepinte ; rafales de kalachnikov tirées sur la prison de Toulon ; véhicules d’agents pénitentiaires brûlés ; surveillants directement menacés, notamment à Amiens.

Ces faits – menaces, intimidations, tirs de mortiers – constituent manifestement une riposte au texte récemment voté, désormais adopté définitivement par le Parlement. Je tiens d’ailleurs à vous en remercier, car celui-ci permet au Gouvernement de poursuivre sa lutte contre le narcotrafic et ses effets néfastes.

Le Gouvernement a immédiatement pris des dispositions afin de soutenir et de protéger les agents pénitentiaires, dans le cadre d’un plan de mobilisation conjoint du garde des sceaux et du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Dans la nuit du 15 avril dernier, nous avons enjoint à l’ensemble des préfets, ainsi qu’aux services de police et de gendarmerie placés sous leur autorité, de renforcer sans délai les mesures de protection des personnes et des biens relevant de l’administration pénitentiaire.

Le même jour, les préfets de zone, les représentants des services de police et de gendarmerie, les services de renseignement ainsi que l’administration pénitentiaire ont été réunis afin de conforter et de préciser ces instructions.

Le 17 avril, enfin, une instruction commune a été diffusée : elle définit précisément les modalités de renforcement de la sécurisation des sites et des personnels concernés, exigeant une mobilisation forte et coordonnée.

Les services du ministère de l’intérieur ont considérablement renforcé la protection des agents pénitentiaires et de leurs lieux de travail. Il s’agit là d’une priorité absolue, et il convient de saluer à cet égard l’engagement remarquable de ces agents ainsi que celui des policiers qui assurent leur protection.

Je souhaite enfin préciser que le parquet national antiterroriste (Pnat) coordonne désormais l’ensemble des investigations relatives à ces faits criminels. Des moyens importants ont été déployés afin d’identifier, de rechercher et d’interpeller leurs auteurs. À ce jour, plus de 30 interpellations ont déjà été effectuées sur l’ensemble du territoire national et des gardes à vue sont en cours.

Je conclurai en réaffirmant que le Gouvernement mobilise pleinement ses moyens afin d’assurer la protection de nos établissements pénitentiaires, des personnels et, bien évidemment, de leurs familles. Il ne saurait en être autrement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour la réplique.

M. Laurent Somon. Messieurs les ministres, la peur doit changer de camp. « La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent », affirmait Montesquieu. Il convient désormais d’accorder aux personnels pénitentiaires la libération de cette peur, afin qu’ils puissent exercer sereinement et en toute sécurité leur métier. À cet égard, l’application effective de l’anonymisation de leur identité dans les procédures constitue une mesure cardinale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

situation d’arcelormittal (iv)

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, demain, 1er mai, la mobilisation sociale sera particulièrement forte sur les sites concernés par les 600 suppressions de postes annoncées par ArcelorMittal il y a quelques jours, dont 300 ont été confirmées ce matin même dans le Nord.

À Dunkerque, à Mardyck, comme à Desvres, à Montataire, à Florange, à Basse-Indre ou à Mouzon, nous serons nombreux à défiler afin de témoigner notre solidarité aux salariés et aux élus, qui s’inquiètent.

Quelle est la raison de ces suppressions d’emplois touchant directement l’outil de production, qui s’ajoutent aux plans sociaux déjà engagés sur les fonctions support ? Comment expliquer la suspension des investissements censés pérenniser l’activité industrielle, sur lesquels l’État s’est déjà financièrement engagé ? Pourquoi un tel manque de transparence de la part d’un industriel aux résultats loin d’être mauvais et qui est toujours prompt à solliciter l’aide publique ?

Certes, le marché européen de l’acier souffre depuis longtemps. Toutefois, la filière acier demeure essentielle et, à ce titre, bénéficie d’un large soutien au niveau tant national qu’européen. Nos hauts fourneaux français et européens doivent donc être non pas sacrifiés, mais, au contraire, plus que jamais électrifiés afin de répondre aux défis énergétiques, économiques et écologiques, et ainsi préserver notre souveraineté autant que nos emplois.

Si la décarbonation et la modernisation ne sont pas rapidement et directement mises en œuvre par ArcelorMittal, la France et l’Union européenne devront impérativement adopter de nouvelles mesures fortes afin de garantir la production locale d’acier bas-carbone par d’autres moyens, y compris, le cas échéant, par une entrée au capital ou par la nationalisation temporaire des aciéries.

Monsieur le ministre, en ce joli mois de mai célébrant le travail, mais également une Europe née précisément d’une communauté fondée autour de l’acier, pouvez-vous prendre ici, devant les salariés et devant nos territoires, l’engagement que la France aura l’audace d’agir pleinement, en concertation avec ses partenaires, afin que l’acier constitue non seulement notre histoire, mais également notre avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Madame la sénatrice Linkenheld, la France est mobilisée, elle a pris l’initiative au niveau européen afin de soutenir un plan d’urgence destiné à la sidérurgie.

Ainsi, j’ai convoqué à Paris, le 17 février dernier, un sommet réunissant l’ensemble des ministres concernés par la production sidérurgique, les représentants des filières industrielles, les organisations syndicales ainsi que la Commission européenne, afin de mettre sur la table un ensemble de propositions visant à nous défendre.

Je dis bien « nous défendre », car il s’agit précisément d’une question de défense, face à une concurrence déloyale, en particulier celle de l’acier chinois, massivement subventionné et dont le processus de production est très fortement carboné. Or, vous l’avez souligné, la décarbonation demeure un enjeu majeur.

Nous agissons donc, et notre action ne se limite pas au cadre européen.

Vous serez mobilisés demain, et je connais votre détermination ainsi que l’engagement de l’ensemble des élus concernés, notamment du maire de Dunkerque, Patrice Vergriete, du président de la région, Xavier Bertrand, et de l’ensemble des parlementaires. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de répondre à plusieurs questions sur ce sujet hier et aujourd’hui à l’Assemblée nationale. Ce travail ne peut être que collectif.

Nous devons résoudre la question de la protection commerciale et nous montrer particulièrement ambitieux à cet égard. Nous ferons pression sur la Commission européenne ; ainsi, après avoir rencontré hier la direction d’ArcelorMittal, je m’entretiendrai dans les prochains jours avec le commissaire européen Stéphane Séjourné afin de porter à sa connaissance l’ensemble des leviers que nous proposons d’activer, de manière que les investissements dans la décarbonation, que nous appelons ensemble de nos vœux, soient effectivement réalisés.

Pour cela, nous devons agir simultanément sur la protection commerciale et sur la taxation carbone aux frontières, laquelle entrera progressivement en vigueur à compter de 2026. Nous avons le souci constant qu’elle soit réellement efficace, et nous formulons en ce sens des propositions précises.

Nous devons également agir sur le coût de l’électricité et sur l’ensemble des questions relatives à la compétitivité. À ce titre, l’État soutient activement l’investissement de la filière sidérurgique comme de l’ensemble des industriels dans leur processus de décarbonation.

Pour cela, toutefois, les industriels doivent prendre des décisions ; nous entendons créer les conditions pour qu’ils le fassent, en concertation avec l’ensemble des élus.

Je vous remercie, madame la sénatrice, de votre propre engagement sur ce sujet. (M. François Patriat applaudit.)

situation du professeur balanche

M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Agnès Evren. Monsieur le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, le 1er avril dernier, un maître de conférences a dû interrompre son cours à l’université Lyon II, sous les huées et les injures de militants cagoulés et masqués.

Cette intrusion, revendiquée par un groupuscule autoproclamé anti-France, constitue une triple agression : contre la liberté académique, contre la démocratie et, naturellement, contre la laïcité.

Vous-même, monsieur le ministre, conjointement avec la ministre d’État, avez alors exprimé publiquement votre soutien total au professeur Balanche.

Or, depuis cet événement, qu’avons-nous observé concrètement ? Une présidente d’université prenant ouvertement ses distances avec l’enseignant, dénonçant ses propos prétendument « complotistes » et « délétères » ; des collègues universitaires qui préfèrent chipoter, malgré l’évidence des faits, en évoquant un prétendu fantasme d’islamo-gauchisme ; et, comme toujours, les sempiternels appels au calme, dignes du tristement célèbre « pas de vagues ».

Certes, l’indépendance des universités demeure précieuse. Pour autant, les autorités universitaires ne sont pas au-dessus des lois, et les universités ne constituent pas des zones de non-droit, monsieur le ministre. Dès lors, nous attendons une prise de position sans ambiguïté du Gouvernement sur ce sujet.

Ma question est donc très simple : quelles sanctions ont été engagées contre ces militants qui ont ouvertement défié les lois de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)