M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Evren, je vous remercie de votre question.
Je confirme les faits : le 1er avril dernier, un maître de conférences de l’université Lyon II a été contraint d’interrompre son cours, perturbé par des individus masqués. Cette intrusion est parfaitement scandaleuse, il s’agit d’une situation honteuse qui n’aurait jamais dû se produire. Nous avons immédiatement apporté à l’enseignant concerné un soutien total et complet.
Je tiens à préciser également que la présidente de l’université a pris dès ce moment-là toutes les mesures nécessaires, de la protection fonctionnelle jusqu’au dépôt de plainte. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Certes, elle a tenu des propos malheureux (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), qu’elle a par la suite publiquement clarifiés.
À son tour, elle a subi un acharnement également injustifiable. En liaison avec le ministre de l’intérieur, M. Bruno Retailleau, je me suis assuré qu’elle bénéficie, au même titre que M. Fabrice Balanche, le maître de conférences initialement visé, de toutes les protections nécessaires.
Il est absolument intolérable que le maître de conférences comme la présidente d’université aient reçu des menaces de mort. Ce qui s’est passé au sein de cette université est proprement scandaleux.
Je le souligne avec force : il ne s’agit nullement ici d’un « pas de vagues », mais d’un appel à la retenue. L’université est un lieu de dialogue, de confrontation intellectuelle, un lieu où la liberté académique doit s’exercer pleinement, dans le respect de la loi, de toute la loi. Cela implique notamment une vigilance absolue face à tout débordement, par exemple de nature antisémite.
Nous travaillons avec efficacité sur les sanctions susceptibles d’être prises contre les étudiants ou contre les personnels qui auraient commis de tels débordements ; nous agissons également en étroite coordination avec le garde des sceaux afin que tous les signalements effectués au titre de l’article 40 du code de procédure pénale sur ces faits soient systématiquement traités.
M. le président. Il faut conclure !
M. Philippe Baptiste, ministre. Enfin, je souhaite rappeler que le cadre disciplinaire applicable est en cours de simplification et d’amélioration grâce à une proposition de loi votée unanimement par le Sénat.
M. Max Brisson. Quelles sanctions ? Répondez à la question posée !
M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, pour la réplique.
Mme Agnès Evren. Je n’ai pas entendu la réponse à ma question, pourtant très précise, sur les sanctions engagées. (Mme Béatrice Gosselin applaudit.)
Ce qui s’est produit à Lyon ne constitue pas un incident mineur provoqué par quelques jeunes exaltés, mais une affaire extrêmement grave. Il s’agit là d’une offensive concertée menée par une extrême gauche intolérante alliée à un islamisme qui teste quotidiennement nos limites. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Bravo !
Mme Agnès Evren. Monsieur le ministre, je vous le dis en vous regardant droit dans les yeux, il convient désormais d’en finir avec cet équilibrisme et de réagir avec célérité, avec clarté et avec force. Nous avons trop longtemps commenté ces événements la tête baissée, cela suffit !
M. le président. Il faut conclure !
Mme Agnès Evren. Il est désormais urgent d’agir contre ce nouvel obscurantisme qui menace les fondements mêmes de notre université et, au-delà, notre cohésion nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
possibilité de travailler le 1er mai (i)
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Annick Billon. Demain, 1er mai, de nombreux artisans boulangers et fleuristes garderont leur rideau baissé, non par choix, mais par crainte d’être verbalisés.
L’an dernier, cinq artisans vendéens ont ainsi été poursuivis pour avoir pétri leur pâte un jour férié. Le 25 avril 2025, le tribunal de police de La Roche-sur-Yon les a finalement relaxés. Cette décision constitue certes un soulagement, mais ne dissipe pas le flou juridique persistant pour l’ensemble de la profession.
Face à cette incertitude, le groupe Union Centriste s’est mobilisé sans attendre. Dès le mois de mars, nous avons alerté la ministre du travail, puis à nouveau le 18 avril, afin d’y associer les fleuristes, également concernés par cette difficulté.
Pendant vingt ans, ces professionnels ont exercé leur métier le 1er mai sans rencontrer la moindre difficulté. Aujourd’hui, la situation est devenue ubuesque : un particulier pourrait vendre du muguet sur le trottoir quand le fleuriste serait quant à lui contraint de garder boutique close.
C’est pourquoi, avec le président Hervé Marseille, j’ai déposé une proposition de loi visant à préciser les établissements pouvant bénéficier d’une dérogation leur permettant d’ouvrir le 1er mai. Ce texte ne remet nullement en cause le caractère férié et chômé de cette journée ; il ne tend pas à ouvrir une brèche, mais simplement à combler un vide juridique ; il ne banalise pas, il clarifie.
La procédure accélérée a été engagée par votre gouvernement, et je remercie Mme la ministre Catherine Vautrin de son soutien. Toutefois, les professionnels demeurent dans l’attente.
J’ai donc deux questions précises : la jurisprudence du tribunal de La Roche-sur-Yon sécurise-t-elle les ouvertures pour demain ? Quel calendrier imaginez-vous afin de permettre à notre texte d’aboutir ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice Billon, vous m’interrogez sur la possibilité de travailler le 1er mai. Permettez-moi de vous rappeler, même si vous le savez parfaitement, car c’est la tradition française, que le 1er mai est un jour férié, chômé et rémunéré.
On peut difficilement déroger à cette règle, prévue par le code du travail, sauf à respecter un certain nombre de conditions que nous connaissons tous, notamment le nécessaire maintien des services publics ou au public, comme c’est le cas de l’hôpital, des Ehpad et de tout un ensemble d’établissements dont l’activité est considérée comme essentielle.
Cependant, à travers votre question, vous m’interrogez aussi sur la possible évolution du travail dans notre société. À cet égard, votre étonnement est relativement compréhensible. En effet, nous avons tous été sollicités dans nos circonscriptions par des fleuristes et des boulangers qui souhaitent travailler le 1er mai.
La législation en vigueur permet déjà à chaque artisan boulanger de travailler ce jour férié, mais elle ne permet pas à ses salariés de le faire. Il faut peut-être envisager – après tout, nous vivons dans une société qui favorise le travail – de faciliter cette évolution législative, sur la base du volontariat, afin de permettre aux boulangers, aux fleuristes et à ceux de leurs salariés qui le souhaitent de travailler ce jour-là.
Tel est d’ailleurs le sens de la proposition de loi que vous avez déposée avec le sénateur Hervé Marseille, et qui sera naturellement à l’étude prochainement.
Nous ne réglerons certainement pas le problème qui se posera demain, 1er mai, d’ici quelques heures. En revanche, je vous informe que les ministres Panosyan-Bouvet et Vautrin ont invité les artisans boulangers à se rapprocher de leurs organisations professionnelles, qui pourront à leur tour s’adresser aux services de l’État pour éviter la situation que vous venez de décrire.
Mme Évelyne Perrot. Et les fleuristes ?
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.
Mme Annick Billon. Je remercie le Gouvernement de son soutien. Je remercie également les artisans qui animent nos centres-villes et nos centres-bourgs. J’espère que de nombreux Français et de nombreuses Françaises pourront acheter leur pain et leur muguet demain, 1er mai ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
relations franco-algériennes
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Allizard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les relations avec l’Algérie restent passionnelles, mais, depuis plusieurs mois, elles se sont aussi considérablement dégradées.
Il ne faut pas se le cacher, si le régime algérien se raidit à l’égard de la France, c’est bien parce qu’il nous sent impuissants et divisés.
Comme nombre de Français, j’avais cru comprendre de l’engagement du Président de la République et du Gouvernement que les choses s’étaient apaisées, que la coopération reprenait et qu’allait s’« enclencher une nouvelle phase de la relation bilatérale ».
La réalité est en fait bien différente : placement en détention d’un agent consulaire algérien pour enlèvement et séquestration, expulsions réciproques, rappel de notre ambassadeur…
Monsieur le ministre, face aux blocages et à la désinformation orchestrée ou encouragée, le Gouvernement fera-t-il enfin preuve de davantage de fermeté ? Les accords franco-algériens dans le domaine de l’immigration sont un des leviers, il en existe d’autres. Cette fébrilité prendra-t-elle fin ? Dénoncerez-vous l’accord de 1968 ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe. Monsieur le sénateur Allizard, je vous remercie de votre question. Vous le savez, sur ce sujet comme sur tant d’autres, notre seule boussole est la défense des intérêts de la France et des Français.
Nous avons souhaité avoir un dialogue exigeant avec l’Algérie, un partenariat d’égal à égal, pour défendre nos intérêts, c’est-à-dire pour faire en sorte que l’Algérie respecte ses engagements au regard du droit international et reprenne ses ressortissants expulsés, pour rétablir une coopération dans les domaines de la défense, de la sécurité ou encore du renseignement et, bien sûr, pour obtenir la libération de notre compatriote, l’écrivain Boualem Sansal, injustement condamné et emprisonné aujourd’hui en Algérie.
Tel était le sens de l’échange téléphonique entre le Président de la République et le président Tebboune. Tel était aussi, bien entendu, le sens de la visite du ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, à Alger.
Mais, pour nouer un dialogue, il faut être deux. Notre justice, qui est indépendante, a pris la décision – vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur – d’arrêter des ressortissants algériens en raison de leurs activités en France. En réponse, l’Algérie a réagi de façon totalement disproportionnée, injustifiée et brutale en choisissant d’expulser douze de nos ressortissants, douze agents auxquels je tiens d’ailleurs à rendre hommage ici. En réplique, la réponse de la France a été extrêmement ferme : nous avons expulsé douze diplomates algériens et rappelé notre ambassadeur.
Sur ce sujet, notre position est très claire. Si l’Algérie décide de reprendre le dialogue et si nous pouvons défendre ensemble nos intérêts, nous y sommes ouverts. Mais si l’Algérie fait le choix d’une relation dégradée, de l’escalade et de la crise, nous saurons y répondre ; nous disposons d’une palette d’outils pour assumer un éventuel rapport de force et nous défendre. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.
M. Pascal Allizard. Monsieur le ministre, merci de votre réponse, un peu incomplète cependant, puisque vous ne m’avez pas répondu sur l’accord de 1968. J’en prends acte.
Je souhaite rappeler – car c’est un de nos points de désaccord avec l’Algérie – que le rapprochement entre Paris et Rabat sur la question du Sahara occidental n’est qu’un prétexte, dans la mesure où celui-ci est davantage la conséquence qu’une cause de la dégradation de nos relations et qu’il s’inscrit dans un plus vaste mouvement international.
Je note aussi que l’Algérie est un partenaire important de la Russie en Méditerranée. Elle pourrait le devenir davantage encore en raison de la perte d’influence russe au Levant. En Afrique francophone, la Russie a déjà montré son savoir-faire, et, à chaque fois, l’Algérie n’était pas très loin…
Monsieur le ministre, compte tenu de l’attitude de plus en plus exigeante et intransigeante d’Alger, des actions menées sur notre territoire, d’un contexte international qui repose trop souvent sur les rapports de force,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Pascal Allizard. … le temps est vraiment venu de faire passer des messages politiques sans ambiguïté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)
fiscalité locale (i)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
Monsieur le ministre, il y a huit ans, la majorité promettait monts et merveilles avec la suppression de la taxe d’habitation : plus de pouvoir d’achat pour les Français, pas de pertes pour les collectivités, et des finances publiques sous contrôle.
Mais, aujourd’hui, les faits sont têtus : le déficit public atteint 5,8 % du PIB ; la dette publique dépasse 113 % du PIB ; les collectivités locales sont privées de leviers fiscaux et dépendent des dotations de l’État ; le financement des services publics locaux est déséquilibré. Le constat est sans appel.
Les collectivités locales, injustement accusées de dégrader les comptes publics, ne sauraient être des variables d’ajustement budgétaire ni être cantonnées à un simple rôle de guichet de l’État.
Et pourtant, le Président de la République continue d’exclure toute remise en cause d’une décision déjà injustifiée en 2017, devenue totalement irresponsable en 2025.
Monsieur le ministre, vous avez récemment évoqué l’idée d’une contribution des citoyens au financement des services publics locaux. Cette proposition a le mérite d’ouvrir le débat sur la fiscalité locale et, plus largement, sur les ressources des collectivités. Vous êtes donc assez lucide pour mesurer l’impasse dans laquelle nous sommes.
Allez-vous continuer de défendre la suppression de la taxe d’habitation, réforme qu’au fond vous savez mauvaise, ou choisirez-vous de redonner aux élus locaux l’autonomie financière dont ils ont besoin ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice Isabelle Briquet, votre question me permet de faire le point sur trois questions essentielles.
Premièrement, la taxe d’habitation a été supprimée, conformément à l’annonce faite par le Président de la République pendant sa campagne électorale. Celui-ci a tenu ses engagements : dont acte. (Murmures désapprobateurs sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François Patriat. Très bien !
M. François Rebsamen, ministre. Aujourd’hui, beaucoup de parlementaires envisagent de la rétablir, mais je n’ai vu aucune proposition de loi déposée sur le sujet…
Deuxièmement, je veux aborder la question de nos finances publiques. Actuellement, nous sommes en train, sous l’autorité du Premier ministre, de faire la pédagogie de l’état de ces finances publiques, c’est-à-dire du grave déficit que connaît notre pays. Je voudrais dire à cet égard que rien n’est arbitré, mais que le travail de pédagogie continue.
Ainsi, je recevrai mardi prochain l’ensemble des associations d’élus connues et reconnues, lesquelles sont au nombre de sept. Nous débattrons ensemble d’un certain nombre de réflexions et des propositions qui pourraient en résulter. Mais j’y insiste, rien n’est arbitré en matière budgétaire.
Troisièmement, je le dis depuis longtemps – et je vais continuer à le dire, comme je l’ai encore fait récemment devant la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat que préside le sénateur Bernard Delcros –, cette situation, qui veut que seul un certain nombre de personnes, en l’occurrence les propriétaires, financent les communes, ne pourra pas durer longtemps. Sachez que, dans certaines communes, il n’y a que 30 % de propriétaires ; il y a donc 70 % de personnes qui ne paient pas l’impôt local…
Mon idée – mais ce n’est pas la seule ! –, qui est bien souvent reprise par la collectivité, consiste à créer à terme une contribution, afin que chacun mesure les efforts réalisés par les communes en matière de services publics ; cette contribution permettrait de recréer un lien citoyen entre le consommateur-habitant et la municipalité, laquelle est responsable des services publics communaux. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. Patrick Kanner. Ce n’est pas ce que dit Mme de Montchalin !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour la réplique.
Mme Isabelle Briquet. Vous le voyez bien, monsieur le ministre, la suppression de la taxe d’habitation n’a pas été seulement une erreur budgétaire, elle est aussi une faute politique ! C’est une faute pour les collectivités privées d’une grande part de leur autonomie fiscale et financière, une faute pour l’État qui perd chaque année plus de 20 milliards d’euros de compensation – je pense que l’État n’a pas besoin de cela ! – et, enfin, comme vous venez de le préciser, une faute pour les contribuables locaux.
J’entends votre proposition, mais encore faudrait-il que cette contribution soit calculée en fonction des revenus, ce qui n’est absolument pas le cas. Aujourd’hui, cette situation nourrit, vous le savez, le ressentiment.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Isabelle Briquet. Refuser de reconnaître cet échec, c’est condamner un peu plus nos collectivités. Il faut donc agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
possibilité de travailler le 1er mai (ii)
M. le président. La parole est à Mme Pauline Martin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pauline Martin. Monsieur le ministre, c’est la quatrième fois que la question vous est posée depuis hier, preuve de la ferveur des parlementaires à défendre nos artisans !
En cette veille de 1er mai, à l’instar de ma collègue Annick Billon, il est difficile de faire l’impasse sur la polémique qui gronde dans nos territoires. Demain, nos boulangers, nos fleuristes ne pourront pas laisser travailler leurs salariés lors d’une journée, par définition, fleurissante pour ces secteurs ! Mieux encore, le ministère va, lui, ordonner à ses agents de travailler, afin de surveiller l’absence de travail ! On marche sur la tête !
Encore plus détonnant, chacun pourra installer un étal pour vendre quelques brins de muguet, alors que nos commerçants feront grise mine…
À l’heure où l’État invite les Français à travailler plus pour soutenir notre économie en berne et garantir notre système de retraite, voici que l’État lui-même empêche nos travailleurs d’exercer leur activité, privant ainsi les salariés, bien souvent volontaires, d’une rémunération bonifiée en ce jour férié, chômé et payé. Si le code du travail doit être respecté, je m’interroge sur la façon dont nous avons vécu cette fête du travail depuis 1948…
Monsieur le ministre, sans attendre l’adoption d’un texte consensuel proposé par nos collègues, pourrions-nous envisager que vos inspecteurs profitent de cette journée ensoleillée pour acheter fleurs et baguettes sans contrôle ni verbalisation ? (Sourires. – Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice Martin, vous avez mis beaucoup d’enthousiasme dans votre question. Je vais tâcher d’en mettre tout autant dans ma réponse. (Sourires.)
En réalité, nous sommes totalement d’accord avec vos propos. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Le 1er mai est un jour férié, chômé et rémunéré. Mais cette disposition du code du travail ne date pas d’aujourd’hui : si nous souhaitons tous collectivement faire évoluer la situation pour faciliter les initiatives locales que vous saluez – j’ai les mêmes boulangers et les mêmes fleuristes que vous dans ma circonscription –, il faudra donc modifier ce code.
J’ai vu que votre collègue Annick Billon avait déposé une proposition de loi en ce sens. J’imagine que vous-même, madame la sénatrice, le ferez également. Ce sera au Sénat d’examiner ces textes, afin d’encourager le travail.
Je pense que nous partageons tous cette valeur du travail et que nous sommes nombreux, finalement, à saluer l’engagement de ceux qui se lèvent tôt le matin et qui veulent pouvoir contribuer à la croissance du pays.
M. Olivier Paccaud. C’est une question de liberté !
M. Yannick Neuder, ministre. Cependant, vous savez qu’il existe déjà des situations dérogatoires. J’ai parlé tout à l’heure des hôpitaux et des Ehpad ; j’aurais pu évidemment citer l’exemple des sapeurs-pompiers. Vous aurez en tout cas noté que je n’ai pas parlé des agents du ministère du travail, de la santé, de la solidarité et des familles…
C’est dans la perspective que je viens de rappeler qu’Astrid Panosyan-Bouvet a demandé à la fédération des entreprises de boulangerie de prendre l’attache des services des préfectures pour éviter les situations ubuesques que vous venez de très bien décrire.
Personnellement, je crois en la sagesse du Sénat et en sa capacité à trouver une voie de passage, pour permettre à nos artisans de travailler plus, sur la base du volontariat, et à la société française de s’adapter et de se simplifier la vie, comme le souhaite le Premier ministre. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Pauline Martin, pour la réplique.
Mme Pauline Martin. Monsieur le ministre, vous l’avez compris, avant de compter sur nous, nous comptons sur vous ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
fiscalité locale (ii)
M. le président. La parole est à M. Éric Dumoulin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Éric Dumoulin. Madame la ministre de Montchalin, on vient de l’évoquer, le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation vient de lancer ce que l’on pourrait appeler un ballon d’essai sur la création d’une sorte de nouvel impôt local, une contribution modeste demandée à tous les ménages pour le financement des services publics des communes.
Au-delà du buzz médiatique, cette annonce s’apparente en réalité au rattrapage d’un péché originel, celui de la suppression de la taxe d’habitation. (C’est vrai ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Mal réfléchie, mal financée, cette réforme a profondément déstabilisé tout l’édifice déjà fragile des finances locales.
Par ce jeu de bonneteau fiscal, les communes et, par ricochet, les départements ont perdu tout ou partie de leur autonomie. Profondément déstabilisées et pourtant incomparablement plus vertueuses que l’État, elles souffrent !
Accessoirement, on l’a vu, cette réforme aura coûté environ 20 milliards d’euros au budget de l’État, ce qui n’aide pas celui-ci à combler son déficit abyssal.
La fiscalité locale repose donc désormais sur les seuls propriétaires. Les locataires ne financent plus les services publics de proximité, dont ils sont pourtant bénéficiaires au quotidien. Cette distorsion contribue à créer un fossé entre les citoyens d’une même ville.
Faut-il également rappeler que les collectivités locales représentent 70 % de l’investissement public et que, dans un contexte de crise et de très faible croissance, elles constituent pour le tissu économique et les entreprises une ressource absolument vitale ?
Il convient donc de les protéger, de les accompagner, plutôt que de les ponctionner à l’aveugle. S’il est compréhensible qu’elles participent à l’effort national de redressement des comptes publics, elles ne peuvent devenir la variable d’ajustement trop facile des comptes ou, plutôt, des mécomptes de l’État.
Les collectivités sont à ce jour profondément inquiètes de ce que l’État leur concocte pour le budget 2026. Les chiffres d’un doublement, voire d’un triplement de l’effort demandé en 2025, hantent les couloirs.
Madame la ministre, dans l’attente d’une grande réforme et d’une indispensable remise à plat de tout le système de financement des collectivités locales, je n’aurai qu’une seule question : que pouvez-vous leur dire pour les rassurer et nous rassurer ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP.)
M. Jean-François Husson. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le sénateur, pour vous rassurer, d’abord, je serai très claire : ce gouvernement ne souhaite pas instituer de nouveaux impôts dans le prochain budget.
M. Patrick Kanner. Ce n’est pas ce que dit M. Rebsamen !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous sommes déjà le pays recordman du monde des impôts, et ce gouvernement est, je crois, très fier d’avoir pu rendre 700 euros en moyenne aux Français grâce à la suppression de la taxe d’habitation.
M. Olivier Paccaud. Et la dette ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je tiens également à vous dire que, à moyen terme, comme le ministre Rebsamen vient de l’indiquer, nous voulons donner davantage de visibilité et clarifier le lien entre les contribuables et leurs services publics, ainsi que celui entre le citoyen et son maire, dans l’ensemble du pays. C’est d’ailleurs dans ce sens que je travaille au niveau national : je veux que les Français comprennent mieux, voient mieux où vont leurs impôts.
Que prévoyons-nous pour les collectivités dans la perspective du projet de loi de finances pour 2026 ? Mardi prochain, le Premier ministre, Éric Lombard, François Rebsamen et moi-même allons lancer la conférence de financement des territoires qui a pour objectif de redonner de la prévisibilité aux collectivités.
Certes, les collectivités ne sont pas les filiales de l’État, mais il existe aujourd’hui un grand malentendu qui s’est installé à la faveur de la dichotomie ou de la désynchronisation entre les agendas des maires, qui sont élus pour six ans, et des ministres des comptes publics successifs, dont l’objectif est de bâtir un budget sur l’année.
En réalité, les maires veulent savoir où ils vont quand l’État est, lui, le garant d’un retour à 3 % de déficit d’ici 2029. Nous y parviendrons par le dialogue, par la remise en cause des normes trop nombreuses qui créent des dépenses inutiles, par une réflexion sur nos ressources humaines, la fonction publique territoriale, et le pilotage par les maires eux-mêmes et les collectivités de leurs dépenses.
Il nous faut coconstruire une trajectoire pluriannuelle de nos comptes et un cadre de prévisibilité. Cette réponse, qui passe par le dialogue, me semble mature : il s’agit de réfléchir collectivement à la meilleure manière de revenir, tout en étant solidaires des finances de la Nation, à une situation qui ne laissera pas de dettes supplémentaires à nos enfants.