Présidence de Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Catherine Conconne,
M. Fabien Genet.
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Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n'y a pas d'observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
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Questions orales
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
avenir de la verrerie de vergèze (gard) et soutien à la recherche d'un repreneur
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, auteur de la question n° 468, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Laurent Burgoa. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur la situation particulièrement préoccupante de la commune de Vergèze, située dans le département dont je suis élu, le Gard, confrontée à la fermeture annoncée d'une verrerie appartenant à un groupe américain.
Ce site de production de bouteilles en verre, implanté depuis plus de cinquante ans, est un pilier de l'activité industrielle locale. Cette fermeture entraînerait la suppression de 164 emplois directs, auxquels s'ajouteraient de nombreux emplois indirects. C'est le seul site en France fermé totalement par ce groupe. Cette décision, prise malgré un bénéfice de 7 % de l'entreprise en 2024, est d'autant plus incompréhensible qu'elle concerne un secteur stratégique, le verre, matériau recyclable aujourd'hui promu dans le cadre des politiques de transition écologique et de réduction des emballages plastiques.
Alors que le Gouvernement affiche sa volonté de réindustrialiser le pays, il est impératif de tout mettre en œuvre pour éviter la perte d'un site industriel en parfait état de fonctionnement, qui contribue au maintien de nos savoir-faire et à notre souveraineté.
Le Gouvernement entend-il s'engager activement dans la recherche d'un repreneur pour ce site, en lien avec les collectivités locales et les partenaires sociaux, afin de maintenir une activité industrielle pérenne à Vergèze, de préserver les emplois et de soutenir le tissu économique du Gard ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme. Monsieur le sénateur Laurent Burgoa, vous interrogez le ministre Marc Ferracci au sujet du site d'Owens-Illinois à Vergèze.
Le Gouvernement regrette profondément la décision de ce groupe de procéder à cette réorganisation s'inscrivant dans un contexte économique et financier difficile, lié à une baisse structurelle de la consommation de boissons embouteillées, le vin et la bière, mais aussi nos eaux minérales.
Cette réorganisation est présentée comme indispensable par le groupe pour conserver sa très forte implantation en France – neuf sites à ce jour – et les 2 000 emplois correspondants, auxquels il faut ajouter plusieurs centaines d'emplois de sous-traitance.
Le Gouvernement et les services de l'État seront particulièrement vigilants quant aux multiples aspects de cette question : la qualité du dialogue social avec les organisations syndicales et le respect de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique ; la qualité des mesures d'accompagnement du plan de sauvegarde de l'emploi, tenant compte des spécificités de chacun des sites concernés, des caractéristiques des salariés et de leur employabilité sur le bassin d'emploi ; la qualité et les résultats des actions menées pour chercher un repreneur pour la verrerie de Vergèze, dans le cadre de la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, dite loi Florange, pendant une durée de quatre mois. Cette recherche sera, comme cela a d'ailleurs été déjà rappelé à l'entreprise, réalisée en lien étroit avec l'ensemble des acteurs économiques, industriels et politiques du territoire et des partenaires sociaux.
Sur l'ensemble de ces points, le Gouvernement et les services de l'État sont déjà très mobilisés et le resteront le temps nécessaire. Le suivi territorial sera notamment assuré par le préfet du Gard. Un suivi identique sera instauré dans les autres départements concernés, selon des modalités définies localement.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.
M. Laurent Burgoa. Vous avez raison, madame la ministre, le préfet du Gard est particulièrement mobilisé sur ce dossier, et je tiens à l'en remercier.
Il travaille notamment sur une piste : une proposition de reprise émanant d'un syndicat agricole, qui imagine pour cette verrerie un débouché lié à une filière qui vous est chère, madame la ministre, la filière viticole, importante dans le sud de la France, notamment dans le Gard. Il se pourrait que cette proposition permette la survie au moins temporaire de ce four. Je vous prie de bien vouloir sensibiliser votre collègue Ferracci à cette proposition.
situation des « américains accidentels »
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, auteur de la question n° 199, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Michel Canévet. Je souhaite interpeller le Gouvernement sur la situation des « Américains accidentels ».
Ces derniers sont souvent issus de familles qui ont dû s'expatrier aux États-Unis le siècle dernier, en général plus pour chercher du travail que pour faire du tourisme. Dans ce contexte, un certain nombre de personnes sont nées sur le sol américain.
Depuis l'adoption de la loi extraterritoriale américaine (Foreign Account Tax Compliance Act), ces personnes vivent un enfer, dans la mesure où elles doivent rendre des comptes à l'administration américaine, même si elles n'ont quasiment aucun lien avec les États-Unis.
Le Sénat a adopté une résolution à ce sujet en 2018 et j'ai moi-même interpellé à de multiples reprises le Gouvernement sur cette question. Il me semble important que le Gouvernement se mobilise pour trouver une solution permettant d'éviter les désagréments qu'engendre cette situation pour les intéressés.
La justice belge a récemment considéré que le fait de devoir rendre des comptes à l'administration américaine n'était pas compatible avec les dispositions du règlement général sur la protection des données (RGPD).
Où en sont les démarches du Gouvernement sur cette question et comment peut-on arranger la situation des personnes concernées ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme. Monsieur le sénateur Michel Canévet, vous attirez mon attention sur les difficultés rencontrées par certains de nos compatriotes, ceux qu'on appelle les « Américains accidentels », en matière d'accès aux services financiers lorsqu'ils ne sont pas en capacité de communiquer certaines données à leur banque, au premier rang desquelles un numéro d'identification fiscale américain (Taxpayer Identification Number ou TIN).
Un précédent gouvernement avait engagé des consultations informelles afin d'élaborer une proposition européenne commune portant notamment sur les diligences raisonnables attendues des institutions financières. Si ces discussions n'ont pas encore abouti, elles se poursuivent, l'ensemble des présidences du Conseil de l'Union européenne ayant continué les échanges avec nos homologues américains ; ces derniers ont indiqué qu'ils travaillaient à des voies de résolution.
Signe positif : les États-Unis ont prorogé jusqu'en 2027, voilà quelques semaines, la tolérance applicable aux comptes préexistants, c'est-à-dire ouverts avant le 30 juin 2014, pour lesquels la transmission d'un TIN n'est plus indispensable pour échapper aux sanctions. Cette procédure temporaire dérogatoire applicable a déjà permis d'alléger les obligations déclaratives et de réduire les difficultés pour de nombreux binationaux.
Par ailleurs, le département d'État a annoncé à la fin de l'année 2023 son intention de modifier le règlement consulaire relatif aux frais à acquitter pour renoncer à la citoyenneté américaine, en les faisant passer de 2 300 à 450 dollars.
Pour conclure, je peux vous assurer que des discussions nourries continuent d'avoir lieu, à l'échelon tant bilatéral qu'européen, en lien avec nos partenaires, afin de trouver une solution collective à cette question, qui dépasse le cadre national. La solution dépend toutefois d'un contexte politique américain complexe, qui rend toute prédiction difficile.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, pour la réplique.
M. Michel Canévet. Je vous remercie de vos explications, madame la ministre, qui montrent que le Gouvernement reste mobilisé sur le sujet.
Je sais que la situation politique outre-Atlantique n'est pas facile ; les relations ne sont sans doute pas aisées. Toutefois, il importe que tant la France que l'Europe restent mobilisées, parce que ce problème ne concerne pas que des ressortissants français.
Je vous remercierai donc d'être vigilante pour avancer sur ce dossier.
seuils d'obligation au dispositif des certificats d'économies d'énergie
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la question n° 186, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les seuils d'obligation au dispositif des certificats d'économies d'énergie (C2E).
Ce dispositif, créé en 2005, consiste à obliger les fournisseurs d'énergie, les « obligés », à soutenir des actions d'économies d'énergie. Chaque fournisseur se voit attribuer, par période de trois ou quatre ans, un nombre de kilowattheures à collecter au prorata de ses volumes de ventes. Pour cela, les obligés accompagnent les consommateurs qui réalisent des travaux d'économies d'énergie et répercutent les kilowattheures collectés dans le prix des énergies qu'ils commercialisent.
Entre la première période – 2006 – et la cinquième période – 2022 – du dispositif, le nombre d'obligés est passé de 2 466 à 129 sociétés. Cette baisse est liée à l'instauration de seuils de franchise, en dessous desquels les ventes ne donnent lieu à aucune obligation. Ces planchers ont malheureusement permis aux fournisseurs de carburant et de fioul d'encaisser chaque année, dans chacune de leurs filiales reconnues comme entrepositaire agréé (EA), presque 500 000 euros.
Les fournisseurs d'énergie sont donc incités à multiplier les filiales pour bénéficier au maximum de cet effet de seuil. Selon les données mises à disposition par le Comité professionnel du pétrole (CPDP), 113 entrepositaires agréés ont été créés entre 2019 et 2024. Certains fournisseurs d'énergie en ont constitué récemment entre vingt et trente filiales ! Cela leur permet de maximiser les mises à la consommation sous les seuils évoqués. Le manque à gagner pour l'État est estimé à environ 55 millions d'euros.
Cet avantage était initialement destiné à protéger les petits fournisseurs, mais il crée aujourd'hui une réelle distorsion de concurrence et favorise les entreprises qui démultiplient artificiellement leurs filiales sous statut d'EA.
La Cour des comptes indique, dans un rapport de 2024, que la « suppression des franchises […] nécessite d'être examinée comme d'autres alternatives, à l'image d'une consolidation des volumes de vente de toutes les filiales au niveau du groupe ».
Madame la ministre, le Gouvernement travaille-t-il sur ce sujet, intéressant en cette période de recherche de ressources pour l'État, et prévoit-il en particulier de supprimer ces seuils, qui entraînent un important manque à gagner ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme. Madame la sénatrice Anne-Catherine Loisier, vous interrogez mon collègue Marc Ferracci au sujet des certificats d'économies d'énergie. Il s'agit d'outils permettant d'engager les énergéticiens dans une démarche d'efficacité énergétique.
Les acteurs « obligés » doivent ainsi atteindre un certain niveau d'actions en matière d'économies d'énergie, proportionnellement à leurs ventes, en fournissant à des particuliers, entreprises ou acteurs publics des financements pour des actions d'efficacité énergétique.
Comme vous l'indiquez, des seuils de franchise, en dessous desquels les énergéticiens ne sont pas assujettis aux obligations du dispositif, ont été prévus pour exonérer les acteurs ne disposant pas des capacités techniques et financières nécessaires à la réalisation de ces obligations.
Néanmoins, il est constaté que, pour se soustraire à ces obligations, les entreprises multiplient le nombre de metteurs à la consommation de fioul domestique et de carburant automobile, notamment par filialisation, et cela de manière abusive.
Cette situation conduit, d'une part, à une concentration des obligations sur un nombre plus restreint de consommateurs d'énergie et, d'autre part, à une distorsion de concurrence très importante entre les metteurs à la consommation assujettis et ceux qui se soustraient à leurs obligations par la filialisation susmentionnée. Cette situation n'est pas acceptable.
Aussi, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre les fraudes aux aides publiques, le Gouvernement a déposé un amendement visant à limiter cet effet d'aubaine, afin de rétablir un juste équilibre entre les obligés du dispositif des certificats d'économies d'énergie.
Cet amendement, adopté et figurant dans le texte qui sera examiné en mai prochain par la commission mixte paritaire, vise à préciser les conditions dans lesquelles sont fixés les seuils de franchise, afin que ceux qui sont applicables aux metteurs à la consommation de fioul domestique et de carburants automobiles reflètent la dynamique actuellement observée.
Je compte donc sur votre soutien en commission mixte paritaire, mesdames, messieurs les sénateurs !
inscription des déclarations liminaires aux procès-verbaux des conseils consulaires
Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, auteure de la question n° 480, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger.
Mme Mélanie Vogel. Madame la ministre, ma question porte sur les déclarations liminaires des conseillers des Français de l'étranger lors des réunions des conseils consulaires.
L'année dernière, l'administration a envoyé une instruction à l'ensemble des postes diplomatiques et consulaires, demandant de cesser d'annexer les déclarations liminaires des conseillers des Français de l'étranger au procès-verbal des conseils consulaires.
Ces déclarations représentent l'un des seuls outils formels dont disposent les conseillers pour faire connaître officiellement leur point de vue sur un certain nombre de sujets à leurs électeurs et électrices puisque, contrairement à nous, ils ne déposent pas d'amendements ni de propositions de loi et ne posent pas de questions au Gouvernement s'ils ne sont pas élus à l'Assemblée des Français de l'étranger. C'est donc le seul outil dont ils bénéficient.
Le fait que leurs déclarations ne soient plus annexées aux procès-verbaux des réunions des conseils consulaires a été vécu comme une restriction de leurs droits et de leur liberté d'expression de leurs opinions politiques. Nous avons posé une question à ce sujet au ministère de l'Europe et des affaires étrangères en décembre dernier et la réponse qui nous a été faite était, pour simplifier : « Nous le faisons parce que nous le pouvons, parce que la loi nous y autorise. »
Cela a été mal vécu par les élus, vous le comprendrez aisément, d'autant que, convenons-en, le Gouvernement ne fait pas tout ce qu'il peut faire sur tous les sujets. En outre, la loi n'oblige pas du tout à faire cela et il serait même plus conforme à son esprit que de maintenir l'annexion de ces déclarations au procès-verbal des conseils consulaires.
Par ailleurs, en mars dernier, voilà quelques semaines, une charte des élus des Français de l'étranger a été adoptée, sous les applaudissements du ministère. Or cette charte stipule précisément : « Tout membre […] peut […] demander l'annexion au procès-verbal d'une déclaration [liminaire] dès lors que celle-ci porte sur le périmètre du conseil consulaire. »
Je rappelle que cette charte coconstruite entre les élus et le ministère a été largement applaudie et que tout le monde s'est félicité de son élaboration. Je souhaite donc savoir si, après l'adoption de cette charte à l'Assemblée des Français de l'étranger, le Gouvernement entend modifier ses instructions sur ce sujet.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme. Madame la sénatrice Mélanie Vogel, lors de la tenue des conseils consulaires des bourses scolaires, en avril 2024, plusieurs conseillers des Français de l'étranger ont souhaité procéder à des déclarations liminaires relatives au dispositif des aides à la scolarité en général et à la baisse de l'indice de parité de pouvoir d'achat servant au calcul des quotités de bourses constatées dans certains postes en particulier.
En conformité avec les dispositions légales et réglementaires applicables à la tenue des conseils consulaires des bourses scolaires, les postes diplomatiques et consulaires ont été invités à prendre note brièvement de ces déclarations liminaires dans le procès-verbal du conseil consulaire.
Ces procès-verbaux n'ont pas vocation à reprendre dans le détail les interventions de leurs membres ; ils doivent permettre d'éclairer les décisions du conseil qui ne nécessitent pas a priori l'annexion de documents reflétant les prises de position individuelles de ses membres. La loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France ne mentionne d'ailleurs qu'un cas d'annexion au procès-verbal : celle des motivations de l'administration lorsque des décisions de refus en lien avec l'attribution d'un droit ont été prises contre l'avis du conseil consulaire.
Cependant, afin de mieux encadrer l'établissement des procès-verbaux des conseils consulaires des bourses scolaires sur ce point, il a été convenu, comme cela est précisé dans la charte de l'élu adoptée le 10 mars dernier, que tout membre élu peut demander l'annexion au procès-verbal d'une déclaration, à condition que celle-ci porte bien sur le périmètre du conseil consulaire.
Les instructions correspondantes ont été diffusées à l'ensemble des postes diplomatiques et consulaires le 24 mars dernier. Quant aux considérations d'ordre général sur le dispositif des bourses scolaires, celles-ci relèvent de la compétence de l'Assemblée des Français de l'étranger, qui peut émettre à ce sujet des motions, avis et résolutions.
Comme le montre l'adoption de cette charte, l'objectif est de faciliter l'exercice de leur mandat par les élus et de favoriser entre les postes et les élus des rapports constructifs et respectueux de leurs prérogatives respectives.
état écologique des sites de captage d'eau en loire-atlantique
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Grosvalet, auteur de la question n° 331, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
M. Philippe Grosvalet. Second département de France en surface de marais, traversé par de multiples cours d'eau, territoire d'estuaire du plus long fleuve de France, la Loire-Atlantique dispose d'une richesse aquifère exceptionnelle.
Or, malgré des efforts exemplaires des acteurs locaux depuis des années, seulement 1 % des masses d'eau départementales est considéré en bon état écologique et de nombreux captages d'eau potable sont pollués.
À Machecoul-Saint-Même, trente-trois molécules résistantes au traitement de l'eau ont été détectées ; à Nort-sur-Erdre, le taux de nitrate dépasse le seuil réglementaire de 50 milligrammes par litre ; à Avessac, les élus s'inquiètent de la présence de S-métolachlore ou de chlorothalonil dans l'eau potable. Je ne peux pas citer ici toutes les communes concernées…
Cet inquiétant constat a conduit 150 élus du département à signer un appel transpartisan demandant au Gouvernement d'interdire l'usage de pesticides à proximité des sites de captage d'eau potable, sans pénaliser pour autant les agriculteurs. Le cas du département n'est pas isolé ; des alertes proviennent de toute la France. Dans ce contexte, les inquiétudes des habitants se multiplient et la mobilisation citoyenne est de plus en plus forte.
La protection des captages est un enjeu fondamental pour notre environnement et notre santé publique, mais aussi pour nos finances publiques, eu égard aux coûts de la dépollution. Toutefois, les moyens à mettre en œuvre pour atteindre cet objectif indispensable ne doivent pas stigmatiser les agriculteurs, garants de notre souveraineté alimentaire.
Dans ce contexte, quels sont les moyens envisagés par le Gouvernement pour assurer la salubrité de nos sites de captage ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme. Monsieur le sénateur, cher Philippe Grosvalet, vous avez raison de souligner l'inquiétude liée à la dégradation des captages d'eau potable. Ma collègue Agnès Pannier-Runacher est pleinement consciente de cette situation et leur protection est une priorité du Gouvernement.
Nous devons agir de manière préventive pour garantir que l'eau que nous consommons reste saine, accessible et suffisante. C'est pourquoi les ministères chargés respectivement de l'environnement, de l'agriculture et de la santé ont publié, à la fin du mois de mars dernier, la feuille de route du Gouvernement pour améliorer la qualité de la ressource en eau par la protection renforcée des captages d'eau potable.
Cette feuille de route doit permettre d'identifier précisément les aires d'alimentation de captages sensibles, sur lesquels l'action doit être priorisée, mais également d'accompagner collectivités, agriculteurs et industriels, avec des solutions adaptées et graduées pour leur permettre d'adopter des pratiques plus durables. Cette action s'inscrit dans une démarche d'accompagnement des transitions agricoles, sans stigmatisation, afin de conjuguer protection de la ressource en eau et maintien de la souveraineté alimentaire.
La feuille de route prévoit pour cela l'élaboration d'un arrêté de définition des points de prélèvement sensibles pour mieux cibler les captages sur lesquels il convient d'agir. Elle prévoit également la rédaction d'un guide pratique pour les préfets et collectivités, afin de cibler efficacement les zones les plus sensibles et d'utiliser tous les outils disponibles de manière proportionnée. Elle comporte enfin des mesures d'accompagnement adaptées pour favoriser des changements de pratiques, en tenant compte des impacts socio-économiques.
Ces travaux permettront de mobiliser toutes les parties prenantes dans les territoires, pour assurer la salubrité de nos sites de captage tout en garantissant une gestion adaptée aux réalités locales. Une enveloppe initiale de 6,5 millions d'euros de subventions issue de la stratégie Écophyto 2030 permettra d'engager ces actions. Elle s'ajoutera aux 2 milliards d'euros du dispositif Aqua Prêt, mobilisés via la Banque des territoires et les enveloppes des agences de bassin.
Pour 2026, le Gouvernement continuera de travailler avec l'ensemble des parties prenantes pour renforcer ces moyens et accompagner la montée en puissance de ces mesures afin de garantir la salubrité de ces sites de captage d'eau.
augmentation du prix de l'eau
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 444, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Céline Brulin. Madame la ministre, après l'électricité et le gaz, c'est au tour de l'eau de voir ses prix augmenter. Que ce soit via la distribution d'eau potable ou l'assainissement, les collectivités sont, comme les usagers, affectées.
Le système en vigueur depuis le début de cette année, qui module les redevances en fonction des performances des services, est censé inciter les collectivités à prendre soin de leurs réseaux, mais les répercussions sont immédiates sur les factures.
Dans l'agglomération de Dieppe, par exemple, le prix du mètre cube a été diminué, pour être harmonisé avec l'ensemble des communes. Les élus souhaitaient que la facture baisse à nouveau en 2025, mais, avec cette réforme, elle risque finalement d'augmenter légèrement.
En outre, le système ne permet pas aux collectivités de constituer les provisions suffisantes pour investir afin d'améliorer les réseaux.
Du reste, la note risque encore de s'alourdir avec l'évolution régulière des normes, qui obligent à moderniser les stations d'épuration et à en construire de nouvelles, à l'image de Caux Seine agglo, qui doit construire cinq unités d'ultrafiltration pour un montant de plus de 50 millions d'euros. Les sommes en jeu sont colossales également pour la communauté de communes Campagne de Caux, qui doit rénover 320 kilomètres de tuyaux, sachant que la rénovation de 1 kilomètre coûte environ 200 000 euros. Dans la communauté de communes de Terroir de Caux, c'est la part destinée à l'assainissement qui a bondi de 45 %.
Comment le Gouvernement envisage-t-il de soutenir les collectivités devant ce mur de dépenses, afin de conserver des tarifs acceptables pour les consommateurs ? Comment compte-t-il appliquer le principe du pollueur-payeur lorsque la qualité de l'eau est affectée par des pollutions parfois anciennes, notamment issues de pesticides ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme. Madame la sénatrice Céline Brulin, je vous réponds au nom de ma collègue Agnès Pannier-Runacher, qui a pleinement conscience des préoccupations relatives à l'impact potentiel de cette réforme sur les factures d'eau, notamment en milieu rural.
Pour encourager une utilisation plus responsable de l'eau et limiter la pollution, une réforme de la fiscalité de l'eau est entrée en vigueur le 1er janvier 2025, vous l'avez dit.
Cette réforme des redevances des agences de l'eau, mise en œuvre à volume financier constant, instaure trois nouvelles redevances. La première, portant sur la consommation d'eau potable, taxe l'utilisation d'eau potable. Les deux autres sont fondées sur la performance des services d'eau et d'assainissement. Un tiers de la fiscalité au maximum dépendra désormais de la performance des services : plus ils seront efficaces, moins ils paieront.
Il est également prévu une montée en puissance progressive de cette réforme, afin de permettre aux collectivités compétentes de s'organiser dans l'optimisation de leur performance. L'année 2025 sera ainsi une année transitoire, durant laquelle toutes les collectivités assujetties bénéficieront d'une performance maximale. Cela signifie qu'aucune hausse liée à la performance ne sera appliquée en 2025, ce qui donnera aux collectivités le temps de s'adapter.
Pour les années suivantes, un gain de performance pourra être aisément obtenu par une meilleure gestion. Des investissements supplémentaires pourront être nécessaires pour réduire les taux de fuite ou moderniser les systèmes de traitement.
Après avoir mobilisé 2,8 milliards d'euros sur les six dernières années pour la lutte contre les pollutions domestiques et l'amélioration de la qualité du service d'eau potable, les moyens d'intervention des agences sont augmentés de 150 millions d'euros par an pour les six prochaines années, en ciblant prioritairement l'accompagnement des collectivités rurales et des réseaux en difficulté.
Enfin, Agnès Pannier-Runacher tient à rappeler que cette réforme n'affectera pas directement la trésorerie des services : la répercussion sur les factures d'eau dépendra de leur performance.