M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, les différents gouvernements l’ont dit et répété à de nombreuses reprises depuis la crise du covid-19, tout comme le Président de la République lui-même : il existe un plan de relocalisation des médicaments, 450 molécules faisant l’objet d’un suivi. (Mme Anne Souyris le réfute.) Si ! La production d’un certain nombre de médicaments a d’ailleurs déjà été relocalisée.

Toutefois, vous conviendrez avec moi que la relocalisation ne se fait pas en un claquement de doigts. Cela nécessite de reconstruire des filières, de réindustrialiser massivement, après des années d’abandon.

Je suis là non pas pour chercher des coupables ou les pointer du doigt, mais bien pour que l’on trouve ensemble des solutions, à l’échelle nationale bien évidemment, mais aussi à l’échelle européenne. Nous pouvons y arriver, comme nous l’avons déjà fait pendant la crise du covid-19 pour aider les Français, mais aussi les autres pays européens et le reste du monde, en particulier dans le cadre de l’initiative Covax.

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour la réplique.

Mme Anne Souyris. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. On peut néanmoins remarquer que, pour le moment, aucune production publique n’a été pensée en France…

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Si !

Mme Anne Souyris. Non.

… même s’il a été procédé in extremis à quelques sauvetages d’industries. À l’échelon européen, c’est le grand néant : il n’y a ni pensée européenne ni préconisation française du Gouvernement pour soutenir une production publique européenne !

M. le président. La parole est à M. Michaël Weber.

M. Michaël Weber. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à quoi le haut-commissaire au plan sert-il véritablement ?

Nous connaissons l’attrait du Gouvernement pour les effets d’annonce. Il s’empare de concepts et de thèmes éloquents, qui, malheureusement, se révèlent n’être que des idées creuses. Il poursuit ainsi indifféremment la même politique en ponctuant son discours de références gaullistes bien senties : « souveraineté », « relance », « planification », « grand débat », « refondation », « combat du siècle », « réarmement » sont autant de mots à forte portée symbolique, proclamés avec verve, mais soigneusement vidés de sens.

Le président Emmanuel Macron, qui souhaitait incarner un renouveau politique, excelle en réalité dans l’une des plus vieilles pratiques politiciennes, celle de la sophistique : une apparente sagesse, mais dépourvue de réalité.

La création d’un Haut-Commissariat au plan et à la prospective est symptomatique de cette stratégie de communication. Celui-ci rejoint d’autres avatars, comme le Conseil national de la refondation (CNR), le grand débat national, voire le secrétariat général à la planification écologique (SGPE). Soit ces institutions ne disposent ni de leviers de décision ni de moyens pour agir, soit elles ne sont pas décisives au moment des arbitrages.

Dans son avis budgétaire sur la mission « Direction de l’action du Gouvernement », la commission des lois du Sénat déplorait la nébuleuse des entités interministérielles parmi lesquelles figure le Haut-Commissariat au plan, au périmètre d’action incertain. Quelle place occupe-t-il en effet dans l’administration gouvernementale ? Qui peut nous dire à quoi le Haut-Commissariat au plan sert véritablement ?

D’abord, il ne produit pas de plan à proprement parler. Il est tout au mieux un groupe de réflexion gouvernemental. Le terme est purement symbolique : le Gouvernement se targue d’une filiation gaulliste, mais celle-ci s’arrête aux mots. Il n’a jamais été question d’une quelconque planification.

La lettre de mission mentionne l’objectif d’« éclairer les choix collectifs que la Nation aura à prendre pour […] reconstruire sa souveraineté ». Le Haut-Commissariat produit donc quelques notes de synthèse éparses sur des sujets divers, sans aucune cohérence ni indépendance, sans transversalité ni modernité, sans avenir ni espoir.

Ce Haut-Commissariat est déjà suranné, à l’image de son dirigeant. Présidant un Haut-Commissariat au plan, sans plan, ce dernier est le « Don Quichotte d’une planification imaginaire », comme le résumait un journaliste.

Tout cela serait anecdotique si l’existence d’une telle institution fantôme n’avait pas un coût pour nos finances publiques. Ce qui reste le plus absurde en matière de gestion des finances publiques demeure la double antenne de cette institution, séparée entre Paris et Pau, où un bureau accueille quelques conseillers, à l’heure où la demande est urgente d’une mutualisation des moyens, notamment immobiliers.

L’imposture est grossière et la déception laisse place à la colère, car c’est en réalité une occasion manquée ! Nous avons plus que jamais besoin de planification pour répondre aux défis de la transition écologique et énergétique, mais aussi aux enjeux économiques et sociaux, que l’on ne peut plus abandonner au gré des conjonctures, des intérêts particuliers et des visées à court terme.

Nous avons besoin aujourd’hui d’une vision stratégique et politique pour définir la direction voulue, ainsi que d’objectifs à long terme. Comment, sinon, concilier l’exigence climatique et écologique avec l’activité humaine ? Comment stopper l’érosion de la biodiversité ? Comment freiner le réchauffement climatique ? Même en 1967, le Plan avait été plus imaginatif, ses agents se rendant, en 4L, à la rencontre des territoires ruraux et revenant à Paris avec, par exemple, l’idée, qui m’est chère, des parcs naturels régionaux. Aujourd’hui, même délocalisée à Pau, cette planification est vide de sens, de moyens et de résultats.

Si vous croyez à la vertu de la planification, ne perdez plus de temps et mettez-y du contenu ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie sincèrement nos collègues du groupe GEST d’avoir demandé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour de nos travaux. Il est important d’organiser de tels débats !

Quel est le bilan et quelle est l’influence du Haut-Commissariat au plan sur les politiques publiques depuis 2020 ? Voilà un vaste sujet, d’autant que l’opinion publique n’a pas forcément connaissance de cette structure.

Dans son propos liminaire, Daniel Salmon a fort justement rappelé le contexte historique de la planification dans notre pays : l’après-guerre, les Trente Glorieuses, l’apparition de la notion d’aménagement du territoire, avec les grands chantiers. Ceux qui suivaient les cours de géographie et d’aménagement du territoire connaissaient bien alors l’ouvrage Paris et le désert français. L’objectif était de rééquilibrer quelque peu le territoire.

C’était aussi l’époque des grandes options, des problématiques liées au monde agricole – cela a été évoqué –, à l’emploi, au logement, à l’éducation nationale, à l’économie sous toutes ces formes, celle des grands projets en matière de santé, de politique sociale, d’équipements et d’énergie. Je peux en témoigner puisqu’une centrale nucléaire a alors été construite dans mon département des Ardennes. Autant de gros chantiers ayant des conséquences sur les territoires.

Je le rappelle, le Commissariat général au plan de modernisation et d’équipement (CGP) a été créé en 1946 sur l’initiative du général de Gaulle et de Jean Monnet, deux personnalités qui ont marqué l’histoire de notre pays.

Au cours de la période 1946-2006 sont apparus des enjeux particulièrement importants, parmi lesquels il convient de citer les enjeux financiers, liés au budget de l’État – mes collègues de la commission des finances peuvent en témoigner – et au budget de la sécurité sociale, ainsi que les liens entre les représentants de l’État et les collectivités territoriales.

Les enjeux ne manquent pas ! On pourrait aussi citer les problématiques du transport ferroviaire, notamment du TGV, et du désenclavement. Il ne faut pas, selon moi, oublier le sujet de la desserte locale assurée par les trains d’équilibre du territoire (TET), celui des voies d’eau, le défi climatique, ainsi que les contraintes et les conséquences qu’impliquent ces problématiques pour l’ensemble de l’activité économique sous toutes ses formes.

Madame la ministre, j’aimerais savoir en quoi consiste l’action de l’actuel Haut-Commissariat au plan, qui existe depuis 2020 et fonctionne avec des moyens humains limités, pour ce qui concerne nos territoires de métropole et d’outre-mer. Quels sont les enjeux ? Comment s’articule sa gouvernance ? Quelles sont les retombées de son activité sur le terrain ?

Quelles sont les perspectives d’avenir définies dans le cadre du partenariat qui a été mis en place au sein de chaque département et territoire entre le Haut-Commissariat, les collectivités territoriales – notamment les élus de proximité –, les acteurs économiques et les représentants de l’État ?

Telles sont les modestes questions que je souhaitais vous poser. (M. Daniel Salmon applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous avez souligné, comme plusieurs de vos collègues, l’importance de travailler sur le sujet de l’aménagement du territoire. Je vous annonce que le haut-commissaire au plan se saisira de ce dossier au cours des prochaines semaines, ainsi que de celui de la santé mentale. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Si j’ai bien compris votre question, cher collègue Salmon, vous doutez de l’utilité et de l’influence du Haut-Commissariat au plan sur les politiques publiques.

Je vous rassure, le constat n’est pas nouveau. François Bayrou nous le rappelle dans une interview : « Historiquement, le Plan a toujours eu des relations difficiles avec les gouvernements. » Qu’en est-il vraiment et que souhaitons-nous ?

En 1946, lorsque le Plan a été créé sur l’initiative du général de Gaulle et de Jean Monnet, l’heure était à la reconstruction et à la modernisation du pays. L’idée de planifier l’économie française était une nécessité – une « ardente obligation », précisait le Général.

Le plan quinquennal qui s’est ensuivi a assigné à chaque secteur économique des objectifs chiffrés, et ce jusqu’à la fin des années 1980. À l’évidence, nous en sommes très loin aujourd’hui. Ne comparons donc pas ce qui n’est pas comparable !

Fallait-il pour autant supprimer le Commissariat général du plan en 2006, pour le remplacer par le Conseil d’analyse stratégique (CAS), devenu France Stratégie ?

Le président Macron lui-même le souligne : « France Stratégie mène une politique d’évaluation et non de prospective stratégique. » Tout est dit !

La force du Plan ne résidait pas seulement dans sa loi ou ses outils de modélisation, mais dans sa démarche prospective à moyen et long termes. Poser les bonnes questions au bon moment, apporter aux décideurs publics les solutions crédibles parce qu’elles avaient été discutées entre tous les acteurs publics et privés, était dans l’ADN du Plan. La concertation démocratique fut l’un des éléments déterminants de la méthode de Pierre Massé. Elle est toujours et plus que jamais d’actualité.

Le Plan mobilise l’expertise pour alimenter la concertation. Il doit « éclairer les choix collectifs [sur] les grands enjeux [et] sensibiliser l’opinion publique à ces sujets », écrit François Bayrou dans son rapport d’activité.

À quoi ressemble le Plan en 2024 ?

Ce ne sont pas les comités et conseils en tout genre qui manquent au Gouvernement, cela a été souligné. Encore faut-il les coordonner ! Comme le soulignait le regretté économiste Daniel Cohen, « le Plan devra jouer un rôle de chef d’orchestre ». C’est d’ailleurs ce rôle que s’est donné François Bayrou, répondant ainsi à la mission que lui a assignée le président Macron en 2020 : répondre aux évolutions démographiques, à la transition écologique, au bouleversement du numérique et à la reconquête de l’appareil productif.

Selon vous, cher collègue Salmon, les notes et documents stratégiques du Plan n’auraient eu aucune influence sur l’action gouvernementale… Prenons le seul exemple de l’énergie, le travail du Plan sur la nouvelle stratégie nucléaire a été déterminant pour aboutir au discours du Président de la République à Belfort, comme l’a rappelé Denise Saint-Pé.

Sur les retraites, là encore, François Bayrou ne s’est pas privé d’alerter les pouvoirs publics sur les 30 milliards d’euros, au minimum, qui manquaient pour équilibrer notre système de retraite, comme le reconnaît aujourd’hui le Conseil d’orientation des retraites (COR).

Je pourrais encore citer les travaux sur la réindustrialisation, l’agriculture, le vieillissement démographique, ainsi que ceux à venir sur la santé mentale ou sur l’eau – monsieur Salmon, vous devriez être sensible à ce dernier sujet.

Peut-être, et ce sera ma conclusion, faut-il donner plus de moyens au Haut-Commissariat, dont les effectifs n’ont qu’un lointain rapport avec ceux du Plan au XXe siècle : ce ratio est de 1 à 10 !

Nous sommes bien d’accord, le Haut-Commissariat au plan doit monter en puissance pour pouvoir, comme il l’a fait avec le CNR, animer et éclairer les débats nécessaires à une vision ambitieuse pour la France de demain.

Conclusion du débat

M. le président. En conclusion de ce débat, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en 1946, date de sa création par le général de Gaulle, la mission originelle du Commissariat général du plan est de moderniser la France et de la préparer aux enjeux de l’après-guerre : tracer des chemins, placer des repères pour mieux appréhender les grands enjeux de demain.

Au mois de septembre 2020, lorsqu’il prend la décision de faire renaître le Plan, après vingt ans d’abandon par les gouvernements successifs, le Président de la République lui confie une mission essentielle pour l’avenir de notre Nation : éclairer la décision publique et le débat démocratique. On peut le résumer ainsi : penser le souhaitable, réfléchir au faisable et construire le possible.

La pertinence du rétablissement d’une réflexion stratégique sur l’avenir de notre pays, à moyen et long termes, nous a été rappelée brutalement par la crise du covid-19. Cette crise dont l’intensité a surpris le monde entier a entraîné dans notre Nation une prise de conscience douloureuse, au-delà du seul domaine sanitaire. En mettant en lumière certaines faiblesses structurelles de notre pays, elle nous a conduits à réfléchir au projet de société que la France souhaitait construire et défendre, pour elle-même et face au monde.

C’est la mission qui a été confiée au Haut-Commissariat au plan par le Président de la République : enraciner à nouveau les défis de long terme dans le débat public.

Le Haut-Commissariat au plan, c’est donc avant tout une certaine conception de l’action publique : aider notre pays, en ce moment de doutes et de grandes menaces, à trouver un chemin de souveraineté et de puissance. Cette réflexion sur un temps plus long permet à cette instance autonome de s’affranchir de la dictature de l’urgence et de la tyrannie de l’immédiat, auxquelles les décideurs politiques sont trop souvent soumis.

La réflexion prospective permet une respiration bienvenue face à l’apnée que semble imposer, à longueur de plateaux de télévision, l’instantanéité de l’actualité et des réseaux sociaux.

Ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, j’ai une conviction : l’un des éléments clés pour faire progresser le débat démocratique en France est précisément notre capacité collective à prendre du recul, et ce non pas pour fuir les questions délicates ou sensibles, mais au contraire pour formuler exactement le but que l’on se propose d’atteindre et trouver la manière de rassembler la communauté nationale pour y parvenir. Ce n’est pas toujours facile, je le conçois, et encore moins pour celles et pour ceux qui sont en responsabilité.

C’est la raison pour laquelle le rôle du Haut-Commissariat au plan est précieux pour notre démocratie. Il éclaire les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux qui nous font face, qu’ils soient démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires ou culturels.

Des épidémies à la pénurie de médicaments, de la désindustrialisation à l’avenir de l’agriculture, de la démographie à la dette et à la question des retraites, le Haut-Commissariat au plan a eu à cœur depuis sa réinstallation de prendre à bras-le-corps des sujets aussi sensibles qu’essentiels pour notre avenir, des sujets qui nous permettent de faire Nation et de conforter la puissance de la France dans la durée.

L’ensemble des rapports produits proposent des orientations stratégiques claires et opérationnelles assorties, le cas échéant, d’éléments de planification. J’en profite pour remercier le haut-commissaire, M. François Bayrou, et ses équipes de l’important travail accompli ces trois dernières années.

Je terminerai en soulignant l’importance de la mission de pédagogie du Haut-Commissariat au plan. Ses prochains travaux, notamment ceux qui sont consacrés à la santé mentale et à la formation professionnelle, touchent directement au quotidien de nos concitoyens, qui les attendent pour cette raison même. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous remercie toutes et tous de votre participation à ce débat qui aura au moins eu le mérite d’inciter la plupart d’entre nous à consulter la quinzaine de rapports rendus par le haut-commissaire au plan en trois ans. Cela ne nous aura pas pris trop de temps !

Le haut-commissaire au plan est donc « chargé d’animer et de coordonner les travaux de planification et de réflexion prospective conduits pour le compte de l’État et d’éclairer les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires, technologiques et culturels ».

Vous l’avez tous dit, nous n’avons pas manqué de travaux de planification ces dernières années, entre les différentes lois de programmation, la planification menée par le SGPE, la stratégie d’innovation France 2030, ou encore le plan national d’adaptation au changement climatique.

A priori, notre haut-commissaire au plan ne devrait pas chômer pour éclairer tous ces travaux, d’autant que nous ne manquons pas d’opérateurs ou d’autorités indépendantes qui produisent de nombreux rapports très fournis : l’Insee, la Cour des comptes, le Haut Conseil pour le climat (HCC), le Cese, et j’en oublie. La prospective et l’analyse ne manquent pas dans les services de l’État !

La question sous-jacente que de nombreux orateurs et oratrices ont eu le loisir de soulever est donc la suivante : à quoi sert le Haut-Commissariat au plan ? Madame la ministre, je suis au regret de vous le dire : vos réponses et non-réponses tout au long de ce débat n’ont pas permis de répondre très concrètement à cette question.

Mon collègue Daniel Salmon l’a souligné en introduction : notre pays n’a jamais eu autant besoin de planification. Si, au sortir de la guerre, c’était la reconstruction du pays qui justifiait cet effort du plan, aujourd’hui, c’est la crise climatique qui nous oblige.

Le président d’EDF l’expliquait hier, dans Les Échos, à propos de la relance du nucléaire : « Commencer un chantier avant d’avoir fini les plans, ce n’est pas la meilleure façon de le réussir. » C’est pourtant la méthode actuelle du Gouvernement dans les domaines énergétique et climatique. Nous avons en effet voté une loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, une loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes et une loi relative à l’industrie verte, mais nous n’avons toujours pu débattre ni de la loi de programmation énergétique ni de la nouvelle stratégie nationale bas-carbone.

Quand même le Gouvernement renonce à avoir un plan, il est difficile pour le haut-commissaire au plan de se sentir investi de sa mission !

Il y a moins d’un mois, nous avons débattu dans cet hémicycle du rapport de la Cour des comptes, qui, au long de ses plus de 700 pages – environ deux fois le volume de ce qu’a produit le Haut-Commissariat au plan en trois ans –, soulignait l’impératif d’adaptation au changement climatique auquel notre pays devait s’atteler d’urgence. Ce rapport traçait ainsi un besoin de plan évident, même vital, car c’est bien notre capacité à habiter le territoire qui est en jeu.

Au-delà du Haut-Commissariat, finalement très anecdotique, c’est bien l’ensemble de la prospective, de la planification, en un mot le rôle de l’État stratège, qu’il faut redéfinir pour affronter un avenir très incertain.

Cese, France Stratégie, France 2030, SGPE, et j’en passe : ces opérateurs sont nombreux et produisent un travail de qualité, mais ils sont souvent ignorés et mal coordonnés avec les politiques gouvernementales.

Par ailleurs, une question majeure nous taraude, celle de la démocratie. Si la planification a une histoire forte de verticalité en France, la nomination du haut-commissaire au plan n’y a pas échappé. Il semble que ce mode de nomination, fait du prince par excellence, peut expliquer la défiance à son égard.

Si nous devons planifier notre avenir commun, il est temps d’associer la société civile, les citoyens, le monde économique, les collectivités territoriales et le Parlement dans un effort commun et partagé pour une vision de long terme. En matière de planification, tout ne saurait être décidé à Paris via un tableur Excel.

Nous avons besoin d’une vision partagée, à moyen et long termes, pour faire face aux enjeux qui viennent. S’il nous faut repenser la fonction de haut-commissaire au plan comme grand chef d’orchestre de cette planification, la première urgence est de repenser sa légitimité démocratique. Aujourd’hui, elle est quasi nulle.

Dans un idéal logique, le haut-commissaire au plan, investi par le Parlement, coordonnerait réellement les différentes stratégies de planification et viendrait régulièrement présenter ces plans devant le Parlement, comme le fait annuellement le président de la Cour des comptes.

Notre débat vient de démontrer, sans que l’on fasse ici de procès d’intention, qu’actuellement la fonction du haut-commissaire au plan n’est pas en adéquation avec l’ampleur des enjeux d’avenir. C’est très inquiétant, tant ceux-ci sont colossaux. Madame la ministre, il est temps de repenser la planification telle que la pratique ce gouvernement !

Pour reconstruire un récit commun optimiste pour l’avenir, penser le temps long doit devenir un exercice démocratique certes piloté, mais aussi beaucoup plus partagé. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Haut-Commissariat au plan : quel bilan et quelle influence sur les politiques publiques depuis 2020 ? »