Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Guy Benarroche, Mme Alexandra Borchio Fontimp.

1. Procès-verbal

2. Questions d’actualité au Gouvernement

difficultés de la filière photovoltaïque française et nécessaire planification territoriale de la transition énergétique

M. Ronan Dantec ; M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics ; M. Ronan Dantec.

drame survenu à viry-châtillon

M. Jean-Raymond Hugonet ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Jean-Raymond Hugonet.

recul du trait de côte

M. Dominique Théophile ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

meurtre de shemseddine

Mme Laure Darcos ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

jeux en ligne illégaux

Mme Nathalie Delattre ; M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.

politique sanitaire de l’eau

M. Alexandre Ouizille ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; M. Alexandre Ouizille.

situation à gaza

Mme Michelle Gréaume ; M. Stéphane Séjourné, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

surpopulation carcérale

M. Michel Canévet ; Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles ; M. Michel Canévet.

liberté d’enseignement

M. Max Brisson ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Max Brisson.

avenir de la politique agricole commune

M. Jean-Claude Tissot ; M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

gestion des finances publiques

M. Stéphane Sautarel ; M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics ; M. Stéphane Sautarel.

indemnisation chômage des travailleurs frontaliers

M. Loïc Hervé ; Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités ; M. Loïc Hervé.

financement des secteurs public et privé de la santé

Mme Florence Lassarade ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.

réforme de la fonction publique

M. Pierre-Alain Roiron ; M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques ; M. Pierre-Alain Roiron.

atteinte à la laïcité et harcèlement scolaire

Mme Valérie Boyer ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Valérie Boyer.

compétence « eau et assainissement »

M. Jean-Michel Arnaud ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Jean-Michel Arnaud.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile

3. Candidatures à une commission mixte paritaire

4. Communication relative à une commission mixte paritaire

5. Abrogation de la réforme des retraites. – Discussion d’une proposition de loi

Discussion générale

Mme Monique Lubin, auteure de la proposition de loi

Mme Marion Canalès, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles

M. Olivier Henno

Mme Raymonde Poncet Monge

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Henri Cabanel

M. Martin Lévrier

Mme Annie Le Houerou

Mme Pascale Gruny

M. Christopher Szczurek

M. Daniel Chasseing

Clôture de la discussion générale.

Irrecevabilité

Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement

Rappels au règlement

M. Patrick Kanner

Mme Céline Brulin

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Laurence Rossignol

M. Emmanuel Capus

M. Thomas Dossus

M. Pascal Savoldelli

Suspension et reprise de la séance

Irrecevabilité (suite)

M. Stéphane Sautarel, vice-président de la commission des finances

La proposition de loi est déclarée irrecevable.

6. Service civique. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

M. Patrick Kanner, auteur de la proposition de loi

Mme Sylvie Robert, rapporteure de la commission de la culture

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles

Mme Mathilde Ollivier

M. Gérard Lahellec

M. Henri Cabanel

M. Martin Lévrier

M. David Ros

M. Cédric Vial

Mme Marie-Claude Lermytte

M. Pierre-Antoine Levi

M. Stéphane Piednoir

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée

Article 1er

Amendement n° 7 rectifié de M. Patrick Kanner. – Adoption.

Amendements identiques nos 1 rectifié de M. Stéphane Piednoir et 8 de Mme Mathilde Ollivier. – Retrait de l’amendement n° 1 rectifié, l’amendement n° 8 étant devenu sans objet.

Amendement n° 2 rectifié de M. Stéphane Piednoir. – Retrait.

Amendement n° 10 rectifié bis de Mme Annick Billon. – Adoption par scrutin public n° 176.

Amendement n° 6 de Mme Mathilde Ollivier. – Rejet.

Amendement n° 9 rectifié ter de Mme Annick Billon. – Adoption.

Amendements identiques nos 3 rectifié de M. Stéphane Piednoir et 4 rectifié quater de M. Cédric Vial. – Adoption, par scrutin public n° 177, des deux amendements.

Adoption de l’article modifié.

Article 1er bis (nouveau) – Adoption.

Article 2

Amendement n° 13 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 3

Amendement n° 11 rectifié ter de Mme Annick Billon. – Adoption par scrutin public n° 178.

Adoption de l’article modifié.

Articles 3 bis (nouveau) et 4 – Adoption.

Vote sur l’ensemble

Mme Mathilde Ollivier

M. Patrick Kanner

Mme Annick Billon

Mme Sylvie Robert, rapporteure

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture

Adoption, par scrutin public n° 179, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

7. Mise au point au sujet d’un vote

8. Conférence des présidents

Conclusions de la conférence des présidents

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

9. Haut-Commissariat au plan : quel bilan et quelle influence sur les politiques publiques depuis 2020 ? – Débat organisé à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires

M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires

Mme Evelyne Corbière Naminzo

M. Christian Bilhac ; Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

M. Bernard Buis ; Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

Mme Nicole Bonnefoy ; Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-Baptiste Blanc ; Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

Mme Vanina Paoli-Gagin

Mme Denise Saint-Pé

Mme Anne Souyris ; Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement ; Mme Anne Souyris.

M. Michaël Weber

M. Marc Laménie ; Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Conclusion du débat

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires

10. Ordre du jour

Nomination de membres d’une commission mixte paritaire

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Guy Benarroche,

Mme Alexandra Borchio Fontimp.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Avant toute chose, j’excuse l’absence du Premier ministre, qui effectue un voyage officiel au Canada, ce qui ne lui permet pas d’être présent parmi nous aujourd’hui.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

difficultés de la filière photovoltaïque française et nécessaire planification territoriale de la transition énergétique

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Ronan Dantec. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

Monsieur le ministre, à la fin de cette semaine, l’entreprise Systovi, située à Carquefou, commune de la banlieue de Nantes, fermera peut-être ses portes faute de repreneurs. Il aura suffi de quelques semaines et d’un dumping extrême des fabricants chinois de panneaux photovoltaïques pour détruire son modèle économique, pourtant solide.

Face à cette situation, l’État reste muet. Alors que les déclarations en faveur d’un réarmement industriel saturent les discours gouvernementaux, ici, rien, le silence…

Certes, on nous parle – je le dis pour éviter que cela ne soit le cœur de votre réponse – de la construction de gigafactories, mais ces projets ne pourront voir le jour que si l’Europe se met vraiment en ordre de bataille en matière douanière contre le dumping chinois, ce qui est très loin d’être acquis. En attendant, les entreprises les plus innovantes meurent, faute de soutien.

Le succès de Systovi résultait aussi des commandes de collectivités territoriales, de Milizac à Saint-Joachim, à la fois intéressées par les innovations de cette entreprise et soucieuses d’acheter des produits locaux et nationaux.

Nous savons que la transition territoriale est au cœur de la planification écologique : le ministre Christophe Béchu le martèle lors de toutes les COP régionales. Nous l’avions d’ailleurs souligné au moment de l’examen au Sénat de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, que nous avions tous votée, et qui prévoit un dispositif précis de partage de la valeur de la recette financière des énergies renouvelables (EnR) au profit du bloc communal.

Pourtant, un an après, les décrets d’application ne sont toujours pas publiés – ils seraient, selon la rumeur, bloqués à Bercy –, ce qui prive les collectivités de ressources précieuses.

Je vous pose donc deux questions précises. Les décrets sur le partage de la valeur vont-ils être publiés ? Allez-vous préserver la filière photovoltaïque française existante ?

Il y a urgence climatique ! Or, d’après le Haut Conseil pour le climat (HCC), vous seriez en train de l’oublier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Roland Lescure, auquel vous aviez initialement adressé votre question, et qui accompagne le Premier ministre durant son déplacement au Canada.

Il m’a chargé de vous répondre en vous communiquant un certain nombre d’éléments sur l’action du Gouvernement et sur ses objectifs, que vous partagez pour une large part.

Nous voulons ainsi faire de notre pays la première grande nation verte et continuons à investir – vous le savez – comme jamais auparavant dans les énergies renouvelables. À cet effet, il faudra pousser tous les curseurs : l’énergie nucléaire, les énergies renouvelables, la sobriété.

Permettez-moi de vous donner quelques chiffres, car, vous avez raison de le dire, seuls les résultats comptent.

En 2023, notre pays a battu un record pour ce qui est de l’installation de nouvelles capacités photovoltaïques, puisque celles-ci sont passées de 2,7 à 3,1 gigawatts.

M. Ronan Dantec. Ce n’est pas la question…

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. La production électrique de toutes les filières décarbonées a progressé. Bruno Le Maire et Roland Lescure ont d’ailleurs annoncé vendredi dernier, à Manosque, le rehaussement à 6 gigawattheures par an de nos objectifs de déploiement de procédés de production d’énergie solaire.

M. Yannick Jadot. C’est l’industrie qui produit !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous sommes là au cœur de la question que vous m’avez posée en évoquant la situation d’une entreprise de votre territoire.

Grâce à la publication du décret relatif à l’agrivoltaïsme, nous pourrons libérer du foncier. Vous le savez, les communes ont déjà identifié 180 000 zones témoins, ce qui nous permettra d’accélérer le mouvement.

Je vous rejoins lorsque vous dites que nous ne pourrons pas reprendre le contrôle de notre souveraineté énergétique si nous ne saisissons pas l’occasion que représente le déploiement des énergies renouvelables pour réindustrialiser notre pays.

Tel est bien l’objectif que nous visons (M. Ronan Dantec le nie.) au travers du crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte (C3IV) et de l’aide à l’installation des gigafactories, ces très grandes usines que vous avez mentionnées.

Je terminerai mon propos en évoquant la situation de Systovi. Sachez que nous examinons avec beaucoup d’attention ce dossier, et notamment le modèle économique de l’entreprise.

M. le président. Il faut conclure !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous accompagnons cette société et sommes prêts à travailler avec vous sur le sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour la réplique.

M. Ronan Dantec. Monsieur le ministre, vous ne vous êtes pas engagé sur le partage de la valeur, alors qu’ici, au Sénat, nous avions tous voté en faveur de ce dispositif.

Votre réponse, qui n’a fait qu’ajouter deux minutes de silence supplémentaires à ce sujet, est extrêmement inquiétante ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

drame survenu à viry-châtillon

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, nonobstant son déplacement au Canada…

La classe politique, dans son ensemble, a exprimé sa profonde indignation et sa compassion après la mort de Shemseddine le vendredi 5 avril, à Viry-Châtillon, dans mon département de l’Essonne. La disparition tragique de cet adolescent de 15 ans, sauvagement massacré par cinq individus, dont quatre mineurs, vient malheureusement s’ajouter à une liste déjà trop longue et insupportable.

Au-delà des éternelles déclarations médiatiques, d’une fermeté de façade qui ne trompe plus personne, du gigantesque déni idéologique qui paralyse l’action publique, des sempiternelles déclarations solennelles du Président de la République jurant que « la main de l’État ne tremblera pas » et que « l’école doit rester un sanctuaire », alors qu’elle est devenue un coupe-gorge (Protestations sur les travées des groupes GEST et SER.), quelle réforme en profondeur allez-vous enfin engager, monsieur le Premier ministre, avec l’aide de votre gouvernement, pour lutter contre ce qui n’a plus rien à voir avec la fatalité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Joshua Hochart et Christopher Szczurek applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Nicole Belloubet, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Non, monsieur le sénateur Hugonet, l’école n’est pas un coupe-gorge ! Et je trouve gravissime que vous employiez ces mots, alors même que l’ensemble de nos équipes éducatives, de nos personnels, sont arc-boutés précisément pour que l’école reste un lieu de sécurité et de sérénité. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST, RDPI et RDSE. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe et Mme Isabelle Florennes applaudissent également. – Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) C’est en tout cas la volonté du Gouvernement, et nous nous employons à faire en sorte qu’il en soit ainsi.

Je voudrais redire la gravité, que vous avez soulignée, des instants qui nous ont réunis auprès de Shemseddine lorsque nous nous sommes rendus à Viry-Châtillon. J’étais présente au moment où la mort de cet élève a été annoncée à ses camarades. J’ai pu, aux côtés de la communauté éducative, partager leur douleur et dire l’infinie tristesse qui a saisi le collège.

Monsieur le sénateur, ce ne sont pas que des mots ! Lorsque l’on appartient à une famille, on vibre de ces sentiments et de ce ressenti, et l’on n’a qu’un désir, c’est de protéger cette famille. C’est ce que nous faisons !

Je ne répéterai pas ce que j’ai eu l’occasion de dire, ici même, à plusieurs reprises. C’est un véritable bouclier de sécurité que le Gouvernement dresse autour des établissements scolaires (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) : un bouclier fondé sur les forces de l’ordre, le travail pédagogique, le respect des valeurs républicaines et l’ensemble des dispositifs de formation, de prévention, de protection juridique que nous établissons pour l’ensemble de nos personnels éducatifs.

S’y ajoutent, bien entendu, un enseignement aux valeurs de la République, un enseignement fondé sur la science, et l’ensemble des apprentissages que nous devons à nos élèves. Tous ces éléments constituent ce bouclier de sécurité que nous entendons dresser et préserver. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.

M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la ministre, l’ouvrage collectif intitulé Les territoires perdus de la République  Antisémitisme, racisme et sexisme en milieu scolaire est paru en 2002. Les plus grands spécialistes ont posé les diagnostics depuis bien longtemps !

L’ultraviolence juvénile n’est pas le fruit du hasard. Partout, l’autorité est bafouée et l’anomie nous guette. Alors, au moment même où les piliers de notre société sont consciencieusement dynamités les uns après les autres, l’heure n’est plus aux missions flash ou à je ne sais quel autre sabir !

L’urgence commande désormais d’agir. Mais quand allez-vous enfin ouvrir les yeux sur ce qui se passe dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Joshua Hochart et Christopher Szczurek applaudissent également.)

recul du trait de côte

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Dominique Théophile. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Monsieur le ministre, le 8 mars 2024, l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) publiait un rapport sur les conséquences du recul du trait de côte. Ce rapport, bien que déjà très alarmant, a été complété la semaine dernière par celui du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema).

Les chiffres qui en ressortent font froid dans le dos. En 2028, environ un millier de bâtiments pourraient être touchés par le recul du trait de côte à l’échelle nationale. Encore pire, en 2050, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), le niveau de la mer aura augmenté d’un mètre ; à cette même échéance, le Cerema estime que 5 200 logements et 1 400 locaux d’activité, représentant une valeur totale de plus de 1,2 milliard d’euros, pourraient être affectés par ce recul.

Ces scénarios illustrent les possibles conséquences de l’inaction face aux effets du changement climatique, qui obligeront nombre de nos compatriotes de l’Hexagone comme des outre-mer à changer de logement ou à l’adapter.

Parmi les personnes les plus affectées figurent les habitants de mon département, la Guadeloupe, où 500 foyers, composés majoritairement de personnes âgées, voient leur vie menacée du fait de leur exposition aux phénomènes climatiques naturels.

Dans le cadre de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, le Gouvernement a instauré un nouvel instrument, le bail réel d’adaptation à l’érosion côtière, afin d’accompagner ces familles et de les aider à se reloger. Toutefois, ce bail concerne avant tout les propriétaires. Or la majorité des victimes de l’érosion en Guadeloupe ne le sont pas ; elles ne peuvent donc pas bénéficier de ce dispositif de droit commun.

Monsieur le ministre, face à l’ampleur de ces scénarios, l’anticipation s’impose. Les acteurs locaux sont déjà prêts et engagés, mais ils ont besoin de ressources.

Quelles sont les mesures prévues pour les accompagner et rendre le relogement de ces familles le moins pénible possible ? Quelles actions l’État mettra-t-il en place pour mieux appréhender ce phénomène et renforcer l’information des acquéreurs comme des locataires ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur Théophile, compte tenu de votre engagement en faveur de la sauvegarde des récifs coralliens, des départements et régions d’outre-mer (Drom) de façon générale, et de la Guadeloupe en particulier, je ne suis pas surpris que vous me posiez cette question véritablement d’actualité. En effet, le Cerema a publié la semaine dernière les cartes aux horizons 2030, 2050 et 2100 des départements les plus touchés par la montée des océans, ainsi que les scénarios qu’il envisage.

La première raison pour laquelle mon ministère a commandé cette cartographie et fait en sorte qu’elle soit publiée est exactement la même que la vôtre lorsque vous m’interrogez sur ce sujet : il s’agit de favoriser la prise de conscience. Car 2050, ce n’est pas si loin !

En 2050, plus de 5 000 logements seront touchés par le recul du trait de côte et, sur ce nombre, 10 % se situent en Guadeloupe. Il est donc nécessaire d’examiner précisément l’évolution de ce phénomène sur votre territoire.

Une mission d’inspection spécifique aux outre-mer est en cours, afin d’étudier de manière plus fine la typologie particulière des habitats ultramarins. Dans l’Hexagone, on observe une surreprésentation des propriétés et des résidences secondaires parmi les 20 % d’habitations les plus touchées sur le littoral. Ce n’est pas nécessairement le cas partout, comme vous l’avez dit.

Très concrètement, le plan national d’adaptation au changement climatique, qui sera présenté dans les prochaines semaines et que connaît bien le sénateur Dantec, comprend un volet consacré à la montée des océans. Quant au projet de loi de finances pour 2025, il prévoira les dispositifs d’accompagnement budgétaire nécessaires.

La mission confiée à la députée Sophie Panonacle vise à définir, en concertation avec l’Association nationale des élus du littoral (Anel), et en particulier le maire des Sables-d’Olonne, la meilleure répartition possible des financements dédiés à l’information, à l’indemnisation et à la capacité de construction en zone rétro-littorale.

Voilà ce à quoi nous travaillons, avec un impératif : ne pas rester dans l’inaction. Dans certains endroits il faudra construire des digues ; dans d’autres, il faudra replanter des mangroves ; et, dans d’autres encore, il faudra éviter de mener un combat perdu contre la mer, selon ce que nous diront les experts.

Vous aurez l’occasion de vous exprimer très rapidement sur cette panoplie de mesures que nous envisageons, qui vont de l’étude des phénomènes à l’indemnisation. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

meurtre de shemseddine

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Laure Darcos. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Madame la ministre, Shemseddine avait 15 ans. Il sortait de son cours de musique quand il a été tabassé à mort par plusieurs jeunes encapuchonnés pour la simple raison qu’il fréquentait une jeune fille et que cela déplaisait aux frères de celle-ci.

Présente, comme vous, vendredi sur les lieux de ce meurtre barbare aux côtés de mon ami Jean-Marie Vilain, maire de Viry-Châtillon, j’ai croisé à la sortie du collège ses camarades, en pleurs, incrédules et terrorisés. Malgré leur désarroi, ils posaient tous la même question : « À qui le tour ? ».

Au cœur d’une société déboussolée, l’école a vocation à être un sanctuaire de la République, formant génération après génération nos enfants au respect mutuel et aux droits humains élémentaires, où les élèves comme leurs professeurs se sentiraient en sécurité.

Les communes ne cessent d’investir dans les quartiers populaires pour que chacun, dans sa différence, vive en harmonie avec les autres. L’effort consenti est colossal. Je peux témoigner que le maire de Viry-Châtillon et son équipe développent de nombreuses actions dans leur ville pour que les habitants s’y sentent heureux.

Alors, que faire de plus ? Que faire de mieux ? Comme vous tous ici, je me sens découragée devant l’ultraviolence de mineurs de plus en plus jeunes. Ceux-ci perdent le sens du bien et du mal, notamment à travers les réseaux sociaux, qui influencent leurs comportements et répandent de manière virale des rumeurs abjectes sur leurs camarades.

Pouvons-nous accepter de cette jeunesse une haine des forces de police, des pompiers, des élus et de leurs enseignants ? Pouvons-nous nous habituer à cet ensauvagement, qui vire à la barbarie ordinaire ?

Bien sûr, il faudra punir ces assassins très sévèrement et, autour d’eux, rappeler qu’en France il existe un devoir fondamental de respect de la vie d’autrui.

Par ailleurs, en 2024, l’infantilisation des femmes par un patriarcat moyenâgeux n’a pas sa place dans la République, et l’éducation à la sexualité à l’école doit pouvoir être enseignée en toute sérénité.

Notre indignation ne ramènera pas Shemseddine à la vie. Sa maman, une veuve courageuse, son frère et sa sœur sont brisés à tout jamais. Pouvons-nous espérer que ce drame serve à une véritable prise de conscience et à un sursaut collectif ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE, RDPI et SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Nicole Belloubet, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Laure Darcos, je sais que vous vous êtes rendue à Viry-Châtillon ; nous y étions à peu près au même moment. Je partage votre émotion, ayant eu l’occasion de parler avec la maman de Shemseddine qui m’a dit combien elle était, comme nous tous ici, anéantie par ce qui s’est passé. Et j’ai la volonté de tout faire pour que le bouclier dont je parlais en réponse à une précédente question d’actualité soit effectivement mis en place.

Vous vous demandez, madame la sénatrice, ce que nous pouvons faire de plus. Je crois que nous ne devons en aucune manière nous décourager. Nous devons continuer à nous arc-bouter pour que l’école soit un sanctuaire, non pas totalement fermé, mais un sanctuaire qui protège les jeunes et la communauté éducative, et qui permette de construire des ponts vers l’extérieur, vers les collectivités qui nous aident tant.

Vous avez cité le maire de Viry-Châtillon, M. Vilain, que je salue ici tout particulièrement pour la mesure de ses propos et pour l’action qu’il conduit. Il a notamment mis en place des cellules de soutien psychologique à la maison des jeunes et de la culture (MJC) de sa ville pour que tous les jeunes, choqués comme ils le sont, puissent venir s’y exprimer en cette période de fermeture du collège pour cause de vacances scolaires.

Pour le reste, au sein même de notre communauté éducative, je veux dire – sans reprendre ici l’ensemble des dispositions juridiques applicables – que l’enseignement fondé sur la science, que l’égalité entre les filles et les garçons, que le respect des valeurs de la République, que le respect entre les jeunes, et notamment entre filles et garçons, que l’éducation à la vie affective et à la vie sexuelle, sont des incontournables que nous nous emploierons à diffuser auprès des élèves.

C’est par la diffusion de ces valeurs républicaines et de nos enseignements scientifiques que nous contribuerons à l’emporter en toute hypothèse. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

jeux en ligne illégaux

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Nathalie Delattre. L’année passée, plus de 4,5 millions de Français ont utilisé, souvent à leur insu, des applications et des sites illégaux de jeux de casino en ligne. Basées à l’étranger, ces entreprises profitent de l’absence de régulation française pour cibler un jeune public et réaliser des profits importants.

L’absence de règles applicables à ces jeux de casino en ligne surexpose nos concitoyens à la captation de leurs données personnelles, à la fraude aux moyens de paiement, à l’installation de programmes informatiques malveillants, au non-paiement des gains et, au travers de la cybercriminalité, participe au financement d’activités terroristes.

Ces sites frauduleux posent également de sérieux problèmes en termes de santé publique : près de 80 % de leurs bénéfices sont réalisés grâce à des joueurs ayant une pratique de jeu à risque ; un quart d’entre eux sont âgés de 18 à 24 ans.

Alors que nos établissements de jeux physiques ou les sociétés de paris en ligne, à l’instar de Betclic, sont soumis – heureusement ! – à une obligation de surveillance et de traitement de l’addiction, ce qui engage leur responsabilité civile et pénale, c’est le jackpot – en toute impunité ! – pour les sites illégaux.

En 2019, par le biais de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, vous avez confié des pouvoirs étendus à l’Autorité nationale des jeux (ANJ) pour lutter contre cette offre illégale. Après quatre années de mission, force est de constater son impuissance, alors que l’inspection générale des finances (IGF) souligne la nécessité de lutter contre ces pratiques illicites.

Pourtant, la légalisation du casino en ligne est un moyen efficace d’assécher l’offre illégale. L’exemple des Pays-Bas montre que 85 % de ces sites ont disparu après cette légalisation et que celle-ci n’a absolument pas fragilisé les casinos physiques, bien au contraire.

De plus, dans un contexte de déséquilibre budgétaire, cette régulation pourrait rapporter près d’un milliard d’euros de recettes fiscales à l’État.

Face à ces multiples constats, le Gouvernement compte-t-il, comme le font le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, la Belgique et tant d’autres pays, légaliser le casino en ligne ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Mickaël Vallet. Rien ne va plus ! (Sourires.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice Nathalie Delattre, nous partageons tous ici l’idée selon laquelle les jeux illégaux en ligne posent de nombreux problèmes.

Vous dites qu’il n’y a pas de règles. Or il en existe bien une : les jeux de casino en ligne sont interdits !

Ces jeux sont problématiques, je le répète, et d’abord pour tous ceux qui respectent les règles, c’est-à-dire les casinos physiques et les jeux de paris en ligne.

Ils posent surtout un énorme problème de santé publique. Je citerai deux chiffres. Le taux de prévalence du jeu excessif, qui permet d’évaluer le nombre de personnes se trouvant dans une situation de dépendance au jeu, est de 46 % pour les joueurs de jeux de casino en ligne, contre 11 % pour ceux qui s’adonnent aux paris sportifs.

La libéralisation, que vous appelez de vos vœux, soulève plusieurs questions.

Tout d’abord, si l’on considère l’écosystème existant, composé de casinos physiques et de sites en ligne, et les pays qui ont fait le choix de la libéralisation, on constate qu’il y a toujours une offre illégale de jeux de casino en ligne. Notre objectif est de bloquer ces jeux et d’interdire l’accès à ces sites.

Vous avez cité la loi Pacte de 2019. Or nous avons encore fait évoluer la réglementation : ainsi, la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France prévoit une procédure administrative qui autorise désormais la présidente de l’ANJ à décider de bloquer un site ; c’était auparavant de la seule compétence du juge. Et cela marche ! En un an et demi seulement, 946 procès-verbaux ont été dressés ; 355 ordres administratifs ont été établis ; et 1 500 sites ont été bloqués.

Avant d’envisager d’autres évolutions législatives, madame la sénatrice, continuons de dresser ensemble le bilan des dispositifs en vigueur, pour resserrer l’étau autour de celles et de ceux qui ne respectent pas la réglementation actuelle ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

politique sanitaire de l’eau

M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Alexandre Ouizille. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

Monsieur le ministre, en vous posant cette question relative au scandale des eaux minérales Nestlé, j’ai une pénible impression de déjà-vu.

Le 7 février dernier, mes collègues Hervé Gillé et Élisabeth Doineau interrogeaient le Gouvernement à propos des pratiques illégales des industriels du secteur de l’eau minérale. Bruno Le Maire leur avait répondu qu’il s’agissait d’une affaire de tromperie commerciale, que l’autorité judiciaire en était saisie, que cela valait quitus pour le Gouvernement et qu’il n’avait rien à en dire de plus.

Depuis lors, cependant, il y a du nouveau d’un point de vue sanitaire.

Le Monde et France Info ont en effet révélé que, depuis octobre 2023, le Gouvernement avait entre les mains une étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) mettant gravement en cause le groupe Nestlé, et selon laquelle la qualité sanitaire des eaux minérales de cette marque n’est pas garantie ; de la matière fécale a ainsi été trouvée dans les prélèvements effectués.

Monsieur le ministre, cette question ne relève pas seulement de l’autorité judiciaire : elle est au cœur des prérogatives de l’État sanitaire et du Gouvernement !

Allez-vous publier cette étude de l’Anses pour que nous puissions objectiver la situation sanitaire ? Pourquoi n’en avoir pas fait mention, le 7 février dernier, devant la représentation nationale ? Où en êtes-vous de la mise en œuvre du plan de surveillance renforcé préconisé par l’Anses ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – M. Michel Savin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur Alexandre Ouizille, il faut le dire de manière très claire, l’eau est le produit alimentaire le plus contrôlé en France. Les agences régionales de santé (ARS) assurent chaque jour des dizaines et des dizaines de contrôles sanitaires sur l’ensemble du territoire. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

M. Hussein Bourgi. C’est inquiétant !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Votre question fait référence à la conformité sanitaire de l’eau en bouteille produite par le groupe Nestlé Waters. Des révélations récentes ont mis en évidence que cette société aurait eu recours à des traitements de l’eau interdits par la réglementation.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Une enquête préliminaire pour tromperie a été ouverte à l’encontre de cette entreprise par le parquet d’Épinal. Bien évidemment, je ne commenterai pas ici une affaire judiciaire en cours.

Toutefois, je veux redire que les contrôles sanitaires réalisés par les ARS sur les deux sites qui auraient utilisé des traitements interdits ont toujours témoigné de la conformité sanitaire de l’eau embouteillée. Je tiens donc à rassurer nos concitoyens : les eaux mises en vente respectaient, et respectent, les normes sanitaires. La question est seulement de savoir si elles respectent les normes applicables aux eaux de source ou aux eaux minérales ; la justice est saisie de ce point.

En complément de ces contrôles sanitaires, les ARS du Grand Est et d’Occitanie ont demandé la mise en place d’un plan de surveillance renforcé des sites concernés. À cet effet, une note d’appui scientifique et technique a été produite par l’Anses, afin d’aider les ARS à définir les paramètres et les conditions de cette surveillance renforcée de la sécurité sanitaire des filières d’eau conditionnée. Ce plan est actuellement mis en œuvre à la demande des ARS, et cela sur les deux sites.

L’Anses a par ailleurs rappelé que certaines sources étaient sujettes à des contaminations saisonnières, du fait notamment des intempéries. Il est donc nécessaire que les ARS effectuent des contrôles réguliers de l’eau en vue de suspendre la commercialisation de manière provisoire lorsqu’une contamination temporaire est constatée ; c’est ce que font ces agences.

Je veux le redire ici aux Français, la sécurité sanitaire est une priorité absolue et le Gouvernement restera intransigeant sur ce point.

M. Mickaël Vallet. Et le rapport ?

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Enfin, ayant été nommé ministre le 8 février dernier, il m’était impossible de répondre à vos collègues le 7 février… (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour la réplique.

M. Alexandre Ouizille. Monsieur le ministre, cela fait trois à zéro : trois questions pour zéro réponse ! Arrêtez avec les faux-fuyants et les faux-semblants : ils posent problème. Certes, vous avez été nommé le 8 février, mais il y avait bien un gouvernement dans notre pays avant cette date !

Nous voulons toute la vérité. C’est pourquoi nous avons proposé la création d’une commission d’enquête pour aller jusqu’au bout de ces questions relatives aux eaux minérales. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)

situation à gaza

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Mme Michelle Gréaume. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, dans une tribune signée conjointement avec le président égyptien al-Sissi et le roi Abdallah de Jordanie, le Président de la République vient d’appeler à un cessez-le-feu à Gaza et à la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Le chef de l’État demande l’arrêt du processus de colonisation et affirme sa volonté de faire aboutir une solution à deux États.

Cette prise de position n’est pas anodine. Elle tient compte de l’exigence mondiale d’un arrêt de la guerre et des massacres en cours à Gaza où, il faut le rappeler, plus d’enfants ont été tués en quatre mois qu’en quatre ans de conflits à travers le monde.

Mais après ? Aussi fortes soient-elles, les déclarations restent sans portée si les décisions ne suivent pas. Depuis six mois, aucune déclaration, aucune résolution de l’ONU, aucune injonction de la Cour internationale de justice, aucune négociation, y compris celle qui a lieu au Caire en ce moment, n’ont fait fléchir la volonté de Benyamin Netanyahou de régler le dossier palestinien à sa manière.

Aux yeux du monde, cette guerre dépasse très largement la seule volonté de punir le Hamas des atrocités perpétrées le 7 octobre dernier, atrocités que nous condamnons de nouveau, sans aucune hésitation.

Mme Michelle Gréaume. Il faut joindre les actes aux paroles et aux écrits.

Aussi, je vous le demande, monsieur le ministre : agissez concrètement et fermement. Faites immédiatement pression pour qu’Israël applique les mesures conservatoires décidées par la Cour internationale de justice face au risque de génocide en cours à Gaza ! (Mme Valérie Boyer proteste.)

Mme Michelle Gréaume. Faites pression sur les États-Unis pour qu’ils stoppent leurs livraisons d’équipements et de composants militaires à l’État hébreu, et appliquons aussi cette exigence à nous-mêmes : cessons de prêcher la paix en alimentant la guerre !

Faites pression au sein de l’Union européenne pour abroger l’accord d’association avec Israël et imposer des sanctions ! (M. Max Brisson proteste.)

Enfin, monsieur le ministre, la France s’associera-t-elle à l’Espagne, à la Belgique, à l’Irlande, à Malte et à la Slovénie pour reconnaître l’État palestinien, et ainsi permettre la coexistence pacifique de deux peuples dans deux États pour assurer la sécurité ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Stéphane Séjourné, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, la position française sur le conflit en cours repose sur des principes clairs, qui fondent sa solidité. Permettez-moi de vous les rappeler.

La guerre que le Hamas a déclenchée contre Israël le 7 octobre dernier en se rendant coupable du plus grand massacre antisémite du XXIe siècle engendre une tragédie. Ainsi que vous l’avez rappelé, chacun mesure la gravité des événements. Lors de ces attaques, quarante-deux Français ont été tués ; trois de nos compatriotes sont encore otages à Gaza – nous faisons tout pour les libérer.

Nul ne peut ignorer que cette tragédie est aussi celle des civils palestiniens. La population de Gaza manque de tout : eau, nourriture, médicaments. Elle ne doit pas payer les crimes de guerre du Hamas, et Israël doit également faire en sorte que l’aide humanitaire puisse parvenir en quantité suffisante aux civils.

C’est donc une obligation, pour la France, que d’agir.

Nous agissons à tous les échelons. Sur l’initiative de la France, les membres élus et les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU sont en pleine concertation pour adopter une résolution réaffirmant la nécessité d’un cessez-le-feu immédiat, la libération de tous les otages et rappelant les grands paramètres de la solution à deux États.

Nous agissons également sur le volet humanitaire pour remédier à l’urgence. La France peut d’ailleurs s’enorgueillir d’avoir été parmi les premiers pays à contribuer à l’aide humanitaire. Encore hier, aux côtés de la Jordanie, nous avons mené une action de largage d’envergure. Nous poursuivons dans ce domaine la coopération que nous menons depuis quelques mois auprès de ce pays et de l’Égypte.

Enfin, même si cela fait actuellement l’objet d’un débat, il n’y a pas à ce stade de projet de sanctions global contre Israël.

M. le président. Il faut conclure !

M. Stéphane Séjourné, ministre. La France a déjà pris des mesures pour sanctionner les colons responsables de violences en Cisjordanie. Nous continuerons en ce sens si la situation l’exige. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

surpopulation carcérale

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Michel Canévet. « La cocotte-minute est prête à exploser », comme le titrait hier Le Télégramme, à Brest et dans l’Ouest, en évoquant la situation des prisons.

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté rappelait, le week-end dernier, que 76 000 places sont occupées dans les prisons françaises, pour 61 600 places disponibles. C’est dire l’ampleur du problème !

Le taux d’occupation de la prison de Brest l’illustre particulièrement – tout comme celui de la prison d’Angers, dont notre collègue Emmanuel Capus me parlait tout à l’heure.

M. Emmanuel Capus. Tout à fait !

M. Michel Canévet. Très concrètement, à Brest, il y a aujourd’hui 484 détenus pour 253 places. Il y a un an, il y en avait 384… La situation est particulièrement grave : vendredi et lundi prochains, la cour d’assises du Finistère jugera un détenu de cette prison ayant assassiné un de ses codétenus au mois d’août 2021.

Que se passe-t-il aujourd’hui à la prison de Brest ? Des lames et des paquets de « shit » sont lancés par-dessus le mur d’enceinte ! Dans la prison, les détenus s’entassent à trois dans des cellules de neuf mètres carrés ! Les personnels de l’établissement sont ciblés physiquement : le médecin s’est fait agresser au mois de février dernier, tout comme l’infirmière l’année dernière.

Que compte faire le Gouvernement, au-delà des 4 100 nouvelles places créées sur les 15 000 places prévues en 2017 ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de léducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de lenfance, de la jeunesse et des familles. Monsieur le sénateur Canévet, les conditions de détention sont au cœur des préoccupations du Gouvernement et, plus particulièrement, du garde des sceaux, qui ne peut être présent dans l’hémicycle cet après-midi, puisqu’il est en déplacement au Québec avec le Premier ministre, et qui m’a chargée de vous répondre.

La prison est bien sûr nécessaire pour punir et protéger nos concitoyens. Mais l’incarcération doit se faire dans des conditions dignes, ce à quoi le garde des sceaux s’emploie chaque jour.

Monsieur le sénateur, vous avez rappelé que la livraison de 15 000 nouvelles places de prison constitue un programme ambitieux et un levier essentiel.

Au 1er janvier 2024, dix-neuf établissements ont déjà été livrés, et près de la moitié des établissements du programme immobilier seront opérationnels dès cette année.

En outre, la direction de l’administration pénitentiaire poursuit, avec beaucoup d’énergie et de vigueur, l’accélération des transferts vers ces établissements pour permettre aux condamnés d’y effectuer leurs peines, et ce afin de limiter de fait la surpopulation carcérale.

En ce qui concerne la maison d’arrêt de Brest, monsieur le sénateur, vous avez raison : son taux d’occupation est particulièrement élevé. Le programme immobilier comporte la construction d’un futur centre pénitentiaire à Vannes, qui permettra certainement d’apporter des solutions pérennes.

Au-delà de ces perspectives, la situation de la maison d’arrêt de Brest fait l’objet d’un dialogue nourri entre l’autorité judiciaire et les services pénitentiaires.

Vous me demandez ce que le Gouvernement fait concrètement, maintenant. Des signalements spécifiques ont été réalisés auprès de la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Rennes. À Brest, le taux d’octroi de mesures de libération sous contrainte prononcées par l’autorité judiciaire est de 69 % plus élevé que la moyenne nationale, parce qu’il s’agit là d’un levier supplémentaire permettant de réduire la surpopulation carcérale. Je parle là de sorties de détention encadrées – et non de sorties sèches –, qui contribuent à combattre la récidive.

Vous avez enfin évoqué les risques auxquels sont exposés les personnels et les détenus de cet établissement. Le site de la maison d’arrêt sera sécurisé grâce à un investissement de plus de 11 millions d’euros destiné à lutter contre les lames et le « shit » et à protéger les professionnels. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour la réplique.

M. Michel Canévet. La situation, particulièrement préoccupante, appelle des réactions immédiates. Sans cela, les prisons continueront malheureusement d’être une source de faits divers.

Les divers événements relatés depuis le début de cette séance de questions d’actualité au Gouvernement, tout comme les récentes annonces du garde des sceaux sur le nombre d’incarcérations – une centaine – réalisées à la suite des opérations « place nette », montrent, hélas, que les prisons sont occupées par de plus en plus de détenus. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

liberté d’enseignement

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Madame la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, « détournement de fonds publics », « caisse noire », « manquements graves », « fraudes », « système hors de contrôle », « ségrégation scolaire », « omerta politique » : voilà ce qui restera du rapport sur le financement public de l’enseignement privé des députés Paul Vannier, du groupe La France insoumise (LFI), et Christopher Weissberg, du groupe Renaissance.

Ces graves accusations n’ont manifestement pas semé le trouble parmi les députés du groupe majoritaire, alors qu’elles jettent l’opprobre sur l’ensemble des établissements de l’enseignement privé sous contrat, ainsi que sur les services de votre ministère ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Madame la ministre, ma question est simple : l’enseignement privé sous contrat concourt-il encore au service public de l’éducation ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Nicole Belloubet, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Brisson, les choses sont très claires dans mon esprit. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Notre Constitution pose un certain nombre de règles interprétées par le Conseil constitutionnel. Au nombre de celles-ci figure le principe de la liberté d’enseignement, considéré depuis 1977 comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Cela signifie donc qu’aux côtés des établissements publics des établissements privés sous contrat peuvent participer à l’enseignement.

Je suis attachée au respect des textes, et notamment à la loi de 1959 sur les rapports entre l’État et les établissements d’enseignement privés.

Disons clairement les choses. Certains établissements privés accueillent des enfants extrêmement divers, à l’image de la population de notre territoire, et à l’instar des établissements publics. Dans d’autres lieux, pour d’autres raisons, il y a moins de mixité sociale et scolaire dans ces établissements. Nous pouvons partager ce constat.

Pour autant, je souhaite suivre les règles en vigueur. Les établissements privés sous contrat doivent respecter un certain nombre de principes, notamment les règles et les programmes.

M. Pierre Ouzoulias. C’est vrai !

Mme Nicole Belloubet, ministre. Nous nous en assurons en vérifiant que les textes sont bien appliqués, et nous souhaitons contrôler encore davantage la manière dont ces établissements privés travaillent. Je veux parler d’un contrôle administratif, pédagogique et financier en lien avec les directions régionales des finances publiques.

Mme Valérie Boyer. Mais ces établissements respectent déjà les règles !

Mme Nicole Belloubet, ministre. Nous allons accentuer ces contrôles – le secrétariat général de l’enseignement catholique y est d’ailleurs tout à fait favorable –, et je présenterai à cet effet un plan pluriannuel.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Nicole Belloubet, ministre. Pour terminer, permettez-moi de rappeler que le premier article du code de l’éducation, l’article L. 111-1, prévoit que la mixité soit assurée par les établissements publics et par les établissements d’enseignement privés sous contrat. Je m’y attacherai également. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.

M. Max Brisson. Bien sûr, pour vous répliquer, j’aurais pu parler de la diversité, de la souplesse, des réussites de l’enseignement privé dans de nombreux territoires, et de ses difficultés dans d’autres.

Bien sûr, j’aurais pu inviter ses détracteurs à sortir de la caricature et à trouver dans l’enseignement privé quelques clés de réussite, afin de redonner ses lettres de noblesse à l’enseignement public.

M. Mickaël Vallet. Faites donc un rapport !

M. Max Brisson. Je souhaiterais plutôt vous faire part d’une impression. Ceux qui, au nom de leur dogme, ont malmené l’école publique n’enragent-ils pas désormais de constater, impuissants, la réussite de ceux qui ont gardé leurs distances avec certaines folies destructrices ?

Est-ce vraiment la faute de l’enseignement privé s’il n’a pas passé par-dessus bord les concepts d’autorité, de mérite, de respect, de discipline, d’assiduité et d’excellence qui, pendant longtemps, ont fait les beaux jours de l’école publique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Si l’école publique se portait mieux, l’école privée serait-elle vraiment un problème pour eux ?

M. Mickaël Vallet. Et l’éducation à la sexualité ?

M. Max Brisson. Devons-nous, pour faire plaisir à quelques enragés, piétiner la liberté de choix des parents et détruire l’école qui fonctionne encore ?

Mes chers collègues, allons-nous vraiment les laisser faire ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. Joshua Hochart et Christopher Szczurek applaudissent également. – Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

avenir de la politique agricole commune

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Claude Tissot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Monsieur le ministre, le 26 mars dernier, une révision de la politique agricole commune (PAC) a été validée par les ministres européens de l’agriculture.

Une nouvelle fois, les ennemis de la PAC ont été rapidement identifiés : il s’agirait de la conditionnalité des aides et des mesures environnementales, pourtant déjà particulièrement timides.

Ce détricotage environnemental, pour lequel la France a œuvré vaillamment, néglige pourtant deux constats majeurs.

En premier lieu, les agriculteurs sont et seront les premières victimes du dérèglement climatique. Il n’y a qu’à observer les risques pesant sur les régions viticoles pour le constater.

En second lieu, les agriculteurs demandent avant tout des revenus convenables, à la hauteur de leur travail.

Plutôt que ce terrible retour en arrière, la France devrait encourager une révision de cette PAC, qui est à bout de souffle, qui ne protège ni les agriculteurs ni les consommateurs contre la forte volatilité des prix, et qui n’incite pas suffisamment à lancer l’indispensable transition agroécologique.

Monsieur le ministre, il est essentiel de revoir le logiciel de la PAC, en commençant par le système des aides. Sortons des aides à l’hectare et au volume, pour passer à un système fondé sur l’actif agricole. (M. Laurent Duplomb proteste.) Fixons un plafonnement pour assurer une meilleure répartition entre les agriculteurs, comme le fait déjà l’Espagne. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Mettons en place un système d’aides contracycliques plafonnées permettant de dégager des moyens pour soutenir les filières en crise.

Surtout, renforçons les mesures favorisant la transition agroécologique, avec des critères ambitieux et une valorisation des services environnementaux rendus par les paysans.

Alors que le Conseil d’État a sévèrement commenté le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles, et que le Conseil constitutionnel va devoir se prononcer sur la sincérité de l’étude d’impact élaborée par votre gouvernement, il est peut-être temps, monsieur le ministre, de changer de méthode.

La France va devoir adapter son plan stratégique national pour permettre cette révision, contrairement à ce que nous a indiqué Mme la ministre déléguée Pannier-Runacher à la fin du mois de février. Comptez-vous, monsieur le ministre, profiter de cette occasion pour inclure des mesures qui permettront vraiment de remettre du revenu dans les fermes ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – MM. Jean-Marc Boyer et Laurent Duplomb sexclament.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Tissot, je vous remercie de cette question, qui me permettra d’apporter diverses précisions.

Premièrement, je vous rappelle que nous n’en sommes qu’à la première année d’exécution de la PAC, puisque cette dernière a été mise en place en 2023. Il ne me semble pas judicieux de changer les règles en cours de route et de procéder à la grande réorientation que vous souhaitez, car les agriculteurs ont besoin de stabilité.

M. Mickaël Vallet. Tout comme le budget de l’État !

M. Marc Fesneau, ministre. En revanche, nos paysans ont besoin de simplification. C’est tout le sens des mesures prises sur l’initiative de la France. Je les assume, et je ne suis pas le seul, puisque ces dispositions ont été approuvées par vingt-six des vingt-sept pays membres, dans leur diversité et leur pluralisme. C’est dire si le besoin de simplification était grand ! Au sujet de la PAC, il nous faut faire preuve d’un peu de pragmatisme.

Nous n’en avons pas rabattu pour autant sur les objectifs environnementaux. (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.) En ce qui concerne les jachères, nous maintenons les capacités de rotation des cultures, les infrastructures agroécologiques et les cultures captant des nitrates.

Vous avez raison, monsieur le sénateur, les agriculteurs ont besoin d’être accompagnés, car les défis liés aux transitions sont immenses.

Deuxièmement, conformément à ce que le Premier ministre et le Président de la République avaient annoncé, nous avons engagé un débat sur la rémunération des agriculteurs à l’échelle européenne. La Commission européenne s’est engagée à travailler à un « Égalim européen » sur le volet de la rémunération, afin d’éviter les distorsions entre pays membres. La commande publique doit également pouvoir soutenir la production bio et les produits sous d’autres signes de qualité.

Troisièmement – vous avez raison sur ce point –, nous devons préparer la PAC de 2027. Que devons-nous faire pour préparer l’agriculture aux chocs climatiques, géopolitiques et économiques qui sont devant nous ?

Nous devons réfléchir, dans ce cadre, aux meilleurs outils à mettre en place. Aujourd’hui, nous faisons en sorte que la PAC permette aux agriculteurs de faire face aux défis auxquels ils sont exposés. D’ici à 2027, nous aurons largement le temps d’en rediscuter.

M. Marc Fesneau, ministre. Quatrième et dernier sujet, le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles comporte des dispositions en matière de transition écologique – nous aurons là encore l’occasion d’en parler. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

gestion des finances publiques

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Stéphane Sautarel. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

Monsieur le ministre, je n’imaginais pas venir au secours du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, tant sa responsabilité est engagée dans la situation catastrophique de nos finances publiques depuis sept ans. (M. François Patriat sexclame.) Et pourtant, le voilà devenu l’allié du Parlement, plaidant pour le dépôt d’un projet de loi de finances rectificative (PLFR), tant la digue de nos déficits et de notre dette a lâché.

Ce tsunami menace l’archipel français et inquiète désormais nos compatriotes.

M. Stéphane Sautarel. Toutefois, le jugement élyséen est tombé lundi après-midi dernier. Le Président de la République a déclaré ne pas voir « l’intérêt » d’un PLFR, et a ajouté : « Nous n’avons pas un problème de dépenses excessives, mais un problème de moindres recettes. »

M. Éric Bocquet. Tout à fait !

M. Stéphane Sautarel. Bref, c’est pas nous, c’est la conjoncture, ou pire, ce sont les Français qui ne contribuent pas suffisamment !

Non ! C’est vous et votre gouvernement, monsieur le ministre, qui avez engendré 1 000 milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires et porté notre dette à bientôt 3 200 milliards d’euros. C’est vous qui avez surestimé les recettes, dopées à l’argent public du « quoi qu’il en coûte », et désormais en repli. (M. François Patriat proteste.)

L’examen de ce collectif budgétaire par le Parlement ne doit pas être le fait du prince. Il est dicté par la Constitution et, plus encore, par l’intérêt général.

Le Président de la République accable les partenaires sociaux, ainsi que les collectivités territoriales, peut-être même désormais ses ministres, et surtout les Français, coupables de ne pas payer assez d’impôts, lesquels les assomment pourtant déjà. Sans doute s’agit-il de la préfiguration d’un plan caché d’augmentation des impôts à la suite des élections européennes… Cela n’est pas acceptable !

Recevoir des leçons de la part du mauvais élève de la classe, qui ne reconnaît jamais ses erreurs, est humiliant pour chacun d’entre nous, pour les élus locaux que nous sommes, et dangereux pour notre pays !

M. Stéphane Sautarel. Monsieur le ministre, oserez-vous affirmer devant la représentation nationale que vous n’aurez ni recours aux hausses d’impôts ni besoin de réduire la dépense publique au-delà des dix milliards d’euros déjà actés en 2024 et, donc, que vous tablez sur une augmentation du déficit bien au-delà de 5 % du PIB ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Sautarel, vous le savez, le contexte a changé… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) J’y insiste – vous l’avez dit vous-même –, le contexte économique a changé, et cela se traduit dans les chiffres, lesquels chiffres sont à votre disposition, notamment à celle du rapporteur général de la commission des finances de votre assemblée.

M. Jean-François Husson. Non, pas tous !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Pour rappel, nous avons perdu 20 milliards d’euros de recettes en 2023. Ce ralentissement économique pèse aussi sur l’année 2024, et c’est pourquoi nous avons revu nos prévisions de croissance.

Et oui, les dépenses de l’État ont été maîtrisées ! (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Goy-Chavent feint dapplaudir. – M. Jean-François Husson lève les bras au ciel.)

M. Jean-François Husson. C’est une plaisanterie !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. En 2023, nous avons baissé les dépenses de l’État de 8 milliards d’euros. Compte tenu de cette baisse, il nous faut envisager une autre trajectoire.

Le programme de stabilité que nous avons envoyé au Haut Conseil des finances publiques, qui sera présenté en conseil des ministres la semaine prochaine, comporte une nouvelle estimation de notre déficit public pour 2024, puisque nous anticipons désormais un déficit de 5,1 % du PIB.

Cette situation exige que nous fassions de nouveaux efforts.

M. Patrick Kanner. Qui devra les faire ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous avons annulé 10 milliards d’euros de crédits dans le budget de l’État, en pleine conformité – j’y insiste – avec la loi organique relative aux lois de finances.

M. Patrick Kanner. Il faut un PLFR !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous sommes venus nous expliquer au Sénat comme à l’Assemblée nationale. Nous avons donc respecté le Parlement.

Comment réaliser ces 10 milliards d’euros supplémentaires sans autre texte financier ?

D’abord, nous détenons plus de 7 milliards d’euros de réserve de précaution au sein des ministères, précisément pour faire face à de tels risques et à d’éventuelles difficultés.

M. Jean-François Husson. Et les crédits reportés ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. En outre, nous avons engagé un dialogue avec les collectivités territoriales qui, vous le savez, doivent elles aussi participer à cet effort de redressement des finances publiques. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, SER, GEST et CRCE-K.)

Enfin, sur le volet des recettes, il n’y a pas de plan caché : nous n’augmenterons pas les impôts des Français.

Mme Valérie Boyer. Attention, votre nez s’allonge comme celui de Pinocchio !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous n’excluons pas d’agir sur les rentes, ainsi que le Premier ministre l’a indiqué, en mettant à contribution les énergéticiens ou en taxant les rachats d’actions.

Monsieur Sautarel, je regrette que votre groupe n’ait pas assisté au rendez-vous que Bruno Le Maire et moi-même avons organisé, afin de travailler à ces pistes d’économies. Vous étiez absents ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.

M. Stéphane Sautarel. Monsieur le ministre, le rapporteur général de notre commission des finances était présent à ce rendez-vous ; en revanche, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n’est pas là aujourd’hui !

M. François Patriat. Il travaille !

M. Stéphane Sautarel. M. Le Maire a annoncé que la France respecterait la règle des 3 % de déficit public d’ici à 2027, mais je ne vois pas comment nous pourrions la tenir.

Je vous confie un message à son adresse et à celle du Président de la République : la confiance est déjà « pétée », comme le chef de l’État le dit lui-même. C’est lui, c’est vous qui avez rompu la confiance avec le pays tout entier. Votre déni de la réalité ne fera qu’amplifier le fossé qui se creuse entre vous, les Français et leurs représentants.

Je conclus par la formule d’un grand Auvergnat…

M. le président. Il faut conclure !

M. Stéphane Sautarel. … qui inspire humilité et conscience : « Il vaut mieux partir quand on peut rester que rester quand on doit partir. » (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

indemnisation chômage des travailleurs frontaliers

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste.

M. Loïc Hervé. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Madame la ministre, à l’heure où l’on apprend qu’en 2024 le déficit public de la France atteindra plus de 5 % du PIB au lieu des 4,4 % initialement prévus et qu’il faut donc faire des économies tous azimuts, le régime d’indemnisation du chômage des travailleurs frontaliers interroge plus que jamais.

En effet, selon le droit européen en vigueur, un Français domicilié en France qui perd son emploi dans un État membre de l’Espace économique européen ou en Suisse est principalement indemnisé par l’Unédic.

C’est par rapport à la Suisse que l’application de cette règle est la plus problématique. En effet, ce pays réunit 43 % des Français travaillant dans un pays frontalier, un pourcentage qui ne cesse d’augmenter. Surtout, les rémunérations versées en Suisse sont très largement supérieures aux salaires français : le salaire minimum y est de 4 400 euros brut par mois, contre 1 767 euros brut en France.

Résultat : entre 2012 et 2020, les sommes déboursées par l’Unédic en raison de ce dispositif ont explosé. Elles sont passées de 540 millions à 920 millions d’euros par an, soit une hausse de 400 millions d’euros, due pour 70 % aux seules personnes ayant subi un licenciement en Suisse.

Madame la ministre, cette règle internationale est à l’évidence très défavorable à la France. Allez-vous enfin tenter de rééquilibrer les choses en notre faveur ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. – Mme Frédérique Puissat et M. François Bonhomme applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Monsieur le sénateur Loïc Hervé, vous avez parfaitement raison, et votre constat est totalement juste.

Les règles d’indemnisation du chômage des frontaliers qui travaillent dans un pays de l’Union européenne ou en Suisse et qui résident en France sont régies par le règlement européen (CE) n° 883/2004.

Ces règles – vous l’avez dit, je ne peux que le répéter – sont particulièrement défavorables à la France, car elles conduisent à ce que les prestations soient versées par le pays dans lequel réside le chômeur et non par celui dans lequel il a cotisé.

Une compensation par les États dans lesquels les personnes ont cotisé est effectivement prévue par le règlement précité, mais elle est très loin de couvrir les coûts supportés par notre assurance chômage, d’autant plus que le salaire moyen est particulièrement élevé en Suisse.

Malheureusement, ce problème ne peut pas se résoudre en droit interne et ne relève pas du périmètre de la réforme de l’assurance chômage. Je le dis devant M. le ministre des affaires étrangères et M. le ministre délégué chargé de l’Europe, c’est une question de droit européen qui suppose de parvenir à un consensus avec les autres États membres.

La France a proposé un projet de révision de ce règlement, pour que l’État dans lequel la personne a travaillé prenne en charge l’indemnisation. Cela semble logique, mais, malheureusement, bon nombre d’États membres s’y opposent. Cette négociation, qui porte sur l’ensemble des volets de la sécurité sociale, dure depuis 2016.

Pour autant, nous sommes évidemment déterminés à faire avancer cette négociation. Je remercie d’ailleurs la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées, Fadila Khattabi, qui me représentera dès la semaine prochaine à Bruxelles lors d’un conseil des ministres des affaires sociales, d’accepter cette lourde tâche.

Vous l’avez noté, j’ai cité trois des ministres présents cet après-midi au banc du Gouvernement. J’espère qu’en leur compagnie, à quatre, nous ferons avancer ce dossier ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.

M. Loïc Hervé. Madame la ministre, j’ai peut-être raison, mais cela représente tout de même 9 milliards d’euros depuis le début des négociations en 2016.

Mme Catherine Vautrin, ministre. C’est pour cela que je vous le concède !

M. Loïc Hervé. Ce n’est pas faute d’avoir sans cesse alerté vos prédécesseurs par divers moyens – courrier ou question écrite –, laissés le plus souvent sans réponse.

M. Loïc Hervé. J’entends votre volontarisme sur ce dossier. Il faut agir, ne serait-ce que par respect pour les entreprises françaises et leurs salariés qui portent la charge de cette indemnisation du chômage des travailleurs transfrontaliers licenciés à l’étranger.

Le financement de l’écart ne peut pas incomber à ces personnes et à ces entreprises. Les élections européennes constituent sans doute un moment opportun pour faire avancer ce sujet. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

financement des secteurs public et privé de la santé

M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Florence Lassarade. Ma question s’adresse au ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

Monsieur le ministre, tant l’hôpital public que l’hôpital privé font face à une crise financière majeure, qui se double d’une crise des ressources humaines liée au manque d’attractivité de l’hôpital et des métiers de la santé.

Dans ce contexte de crise généralisée, le Gouvernement a annoncé, sans concertation ni dialogue, une hausse de 4,3 % des tarifs des hôpitaux publics, alors que le secteur privé lucratif devra, quant à lui, se contenter d’une hausse indigente de 0,3 % de ses tarifs.

Même si l’inflation est de 4 % pour tous, vous justifiez cet arbitrage inique en expliquant que le secteur privé a connu une forte dynamique ces dernières années.

Or l’activité du secteur privé lucratif a servi à compenser la faiblesse de l’activité du secteur public. Contrairement aux idées reçues, les établissements de santé privés contribuent aussi à la prise en charge de patients précaires et sont parfois l’unique recours dans les déserts médicaux.

Votre décision aggravera malheureusement une situation déjà critique, puisque les charges augmentent de façon exponentielle, tandis que les tarifs demeurent insuffisants pour assurer une gestion viable des établissements.

En 2024, 50 % des établissements de santé privés seront en déficit, alors qu’ils représentent 35 % de l’activité hospitalière.

Pour couronner le tout, le Premier ministre a annoncé, entre autres choses, l’expérimentation de la fin du parcours de soins et la revalorisation des séances de psychologues en accès direct, qui passeront de 30 euros à 50 euros.

Parallèlement, dans le cadre des négociations conventionnelles avec l’assurance maladie, il est proposé d’augmenter le tarif des consultations des médecins généralistes – diplôme de niveau bac+10 – à 30 euros et celui des consultations des psychiatres – diplôme de niveau bac+12 – à 57 euros. On appréciera !

La Fédération de l’hospitalisation privée, les syndicats de médecins libéraux ont annoncé une grève totale à compter du 3 juin prochain.

Les Français ne pourront pas continuer à être soignés sans les médecins libéraux et sans l’hôpital privé ! Allez-vous donner des moyens au secteur privé lucratif, afin d’éviter à terme la fermeture d’hôpitaux privés ? Avez-vous des propositions concrètes à faire pour soutenir les médecins libéraux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Florence Lassarade, les secteurs public et privé ont toute leur place dans notre système de santé, chacun dans leur rôle, pour faire face aux tensions. Je m’attache, comme l’ensemble du Gouvernement, à défendre cette idée, en cherchant à faire respecter les principes de complémentarité des offres et d’équité de traitement.

La complémentarité, c’est tout le sens de la politique de territorialisation, soutenue par le Sénat, qui permet, en décloisonnant les secteurs, de faire coopérer l’ensemble des professionnels, qu’ils soient publics ou privés.

M. Fabien Genet. Tant qu’il en reste !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. L’équité de traitement est garantie au travers de l’accompagnement financier des professionnels. Je veux parler de la répartition des 106 milliards d’euros votés dans le cadre de l’enveloppe fermée que constitue l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) des établissements au titre de 2024.

Quant à la campagne tarifaire, elle repose, je le rappelle, sur une régulation prix-volume, c’est-à-dire que la hausse des tarifs dépend du volume d’activité. Ce n’est pas un prix de façade, une note attribuée en fonction de critères arbitraires, mais le résultat de cette dynamique.

Nous prenons également en compte l’impact des décisions de l’État employeur.

Mme Sophie Primas. Dans le privé aussi !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Nous avons tous salué ici l’effort de ce gouvernement pour revaloriser les gardes, notamment de nuit, et mieux rémunérer ceux qui travaillent tant le jour que la nuit. Parmi les 3 milliards d’euros supplémentaires qui seront versés au secteur public en 2024, un milliard d’euros est donc consacré à une meilleure rémunération des soignants à l’hôpital.

Dans le cadre de la campagne tarifaire, les choix sont les mêmes, qu’il s’agisse du public ou du privé. Je pense aux critères de revalorisation de certaines activités, notamment pour ce qui concerne la pédiatrie – je suis certain que vous y serez sensible.

M. le président. Il faut conclure !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Lorsque ces critères sont appliqués, on en arrive aux tarifs que vous évoquez. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

réforme de la fonction publique

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Pierre-Alain Roiron. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Permettez-moi de vous citer, monsieur le ministre : « La justice, […] c’est de sanctionner les agents qui ne font pas suffisamment leur travail. » Vous n’avez cessé de vous en prendre à notre système social : réforme de l’assurance chômage, réforme des retraites, etc.

Aujourd’hui encore, vous exprimez un mépris certain envers le cœur de notre service public, les fonctionnaires. Vous ne répondez pas à leur demande d’ouvrir de réelles négociations avec les partenaires sociaux, puisque vous ne proposez qu’une simple concertation, dont chacun connaît par avance le résultat : c’est la fameuse verticalité !

Vos propositions ? Elles vont à l’encontre des agents. Vous mettez l’accent sur l’individualisation des rémunérations et le développement de leur part aléatoire.

L’attractivité de la fonction publique, c’est l’emploi à vie, qui permet d’éviter la concurrence salariale avec le privé et de limiter la corruption.

Votre réforme ne répond pas aux préoccupations majeures des fonctionnaires que sont, par exemple, l’égalité salariale entre les femmes et les hommes et la hausse des salaires.

Alors qu’un grand nombre de nos territoires souffrent de l’absence de services publics, une absence qui contribue à la montée de l’extrême droite dans notre pays, ma question sera simple : monsieur le ministre, jusqu’où comptez-vous aller ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Ian Brossat applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Monsieur le sénateur Pierre-Alain Roiron, avant de vous répondre, permettez-moi de saluer les agents publics de notre pays, ceux qui, dans nos écoles, nos commissariats, nos hôpitaux, nos collectivités territoriales, servent nos concitoyens et font vivre le service public, qui appartient à tous les Français. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.)

Comme eux, je suis attaché au statut de la fonction publique et à ses fondamentaux,…

Mme Gisèle Jourda. C’est faux !

M. Stanislas Guerini, ministre. … qui forment un ensemble de droits et de devoirs.

Les droits, c’est l’égalité d’accès aux emplois publics, la protection contre l’arbitraire. Les devoirs, c’est la probité, la neutralité, le sens du service au public et l’adaptabilité.

Le statut de la fonction publique doit-il pour autant être synonyme de statu quo ? Je ne le crois pas. Est-ce que tout va bien, comme vous semblez le penser, dans la fonction publique ?

Mme Laurence Rossignol. Non, tout ne va pas bien !

M. Stanislas Guerini, ministre. Peut-on tout expliquer ?

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, vous qui êtes en contact quotidiennement avec les employeurs territoriaux, comment expliquer un certain nombre de rigidités ?

Comment expliquer à un maire qu’il ne peut pas titulariser un apprenti qui travaille depuis deux ans dans sa collectivité ?

Comment expliquer aux employeurs territoriaux qu’ils ne peuvent pas promouvoir leurs propres agents, les plus méritants, en vertu de quotas de promotion fixés au niveau national ?

Comment expliquer à un employeur local qu’il ne peut pas sanctionner un agent qui ne fait pas son travail – même si ce n’est guère que dans un cas sur cent ? Une telle situation n’est-elle pas décalée ? N’est-ce pas décourageant pour les quatre-vingt-dix-neuf autres fonctionnaires qui, eux, font leur travail ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Monsieur le sénateur, tels sont les enjeux que j’ai placés au cœur de la concertation qui s’ouvre, sur mon initiative, avec les organisations syndicales et l’ensemble des employeurs publics de notre pays. Cette concertation porte sur un projet de réforme qui doit constituer un rendez-vous important pour la fonction publique.

M. le président. Il faut conclure !

M. Stanislas Guerini, ministre. J’ai également engagé des négociations sur la question des salaires et sur celle des conditions de travail. C’est ainsi que nous relèverons le défi de l’attractivité et de l’efficacité de la fonction publique ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour la réplique.

M. Pierre-Alain Roiron. Selon le Premier ministre, « quand tu casses, tu répares ». Or, depuis 2017, vous avez beaucoup cassé : le système social, le système de soins, l’assurance maladie et, désormais, la fonction publique.

Monsieur le ministre, charité bien ordonnée commence par soi-même : appliquez donc vos méthodes à vous-même ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)

atteinte à la laïcité et harcèlement scolaire

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Valérie Boyer. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Nul n’ignore le point commun entre Samuel Paty, Dominique Bernard et le proviseur du lycée Maurice-Ravel : ils ont été lâchement assassinés par les terroristes islamistes ou bien contraints de démissionner. Combien se taisent et ont peur ?

Nul n’ignore le sort de Mila. Hier, c’était Shemseddine qui était enterré. Âgé de 15 ans, il avait été roué de coups de pied par deux frères qui prétendaient protéger l’honneur de leur sœur. Je pense aussi à Samara, 14 ans, lynchée pour s’habiller « à l’européenne », selon les dires de sa maman.

Madame la ministre, vous avez indiqué qu’un enfant par classe était harcelé. Mes questions sont précises : combien de petits Français comme Samara ou Shemseddine sont-ils menacés et harcelés pour une réputation aux allures de charia ?

Ces situations sont-elles précisément recensées dans votre bilan des signalements des atteintes à la laïcité et de harcèlement ? Si oui, quelles en sont les conséquences concrètes ?

Enfin, que faites-vous pour écarter vraiment les harceleurs, responsabiliser leurs parents et empêcher que l’islamisme poursuive la conquête de nos écoles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Nicole Belloubet, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Boyer, tant la laïcité que la lutte contre le harcèlement sont des éléments sur lesquels nous sommes arc-boutés.

La laïcité, je l’ai dit à plusieurs reprises devant vous, est le terrain neutre permettant réellement aux enseignements fondés sur la science, et non pas sur ce que l’on croit, de se déployer. C’est la raison pour laquelle nous sommes intransigeants sur le respect du principe de laïcité. Par le passé, cela a pris la forme de la loi de 2004, puis de l’interdiction de l’abaya ; nous poursuivons aujourd’hui une véritable politique pour le respect de ce principe républicain.

Vous évoquez la question du harcèlement. Vous le savez, nous mettons également en œuvre une politique globale en la matière.

Cela passe d’abord par ce que nous appelons le « 100 % détection ». Je l’ai dit et je le redis devant vous, c’en est fini du « pas de vagues » dans les établissements. Tous les faits doivent faire l’objet d’un signalement pour que nous puissions nous assurer qu’ils sont traités au niveau des établissements et des académies.

Nous menons également des actions de formation et d’accompagnement de nos enseignants.

Des sanctions sont en outre prononcées. Je vous le rappelle, depuis un décret paru en 2023, il est possible d’exclure d’un établissement du premier degré, en lui proposant un autre établissement, un élève coupable de harcèlement scolaire, qui met ainsi en danger la sécurité de ses camarades.

Madame la sénatrice, je n’aurai pas le temps d’énumérer devant vous l’ensemble des mesures mises en œuvre.

Je pourrais vous parler de la mise en place du 3818, un numéro destiné à recevoir les appels de tous ceux qui estiment subir un harcèlement. Je pourrais vous parler des conseils de discipline qui se réunissent pour statuer sur ces phénomènes.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Nicole Belloubet, ministre. Je pourrais aussi vous parler de tous les services dédiés à la vie scolaire que nous déployons.

Mais tout cela ne suffirait pas à dire à quel point nous souhaitons vraiment que ces phénomènes de harcèlement cessent dans nos établissements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour la réplique.

Mme Valérie Boyer. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Malheureusement, pour ce qui concerne Samara et Shemseddine, vous n’avez pas répondu précisément à ma question…

Assiste-t-on, dans nos collèges et nos lycées, à la mise en place d’un contrôle social passant par la police du vêtement, comme en Iran ?

Pour un gouvernement qui a fait de l’égalité entre les femmes et les hommes à l’école sa priorité nationale, votre réponse m’inquiète.

Comme l’a rappelé le président de notre groupe, Bruno Retailleau, « aujourd’hui, la charia s’applique dans certains quartiers, avec des crimes d’honneur et une police des mœurs ».

Responsabilisation des parents, suspension des allocations familiales, port de l’uniforme, qui arrive tardivement et avec parcimonie, respect de la laïcité dans le sport, interdiction du port du voile pour les accompagnatrices scolaires, et tant d’autres mesures : pourquoi le Gouvernement s’y est-il systématiquement opposé pendant des années ?

Une fois encore, une fois de trop, nous voyons dans notre pays, non pas des « zones de non-droit », mais des « zones d’un autre droit » dans lesquelles l’islamisme s’affiche en uniforme et menace nos enfants, nos enseignants et nos proviseurs, où les mœurs islamistes et la police du vêtement se mêlent au harcèlement, où l’impunité l’emporte sur la fermeté, où la cruauté l’emporte sur l’autorité.

La violence, le communautarisme et le radicalisme comblent le vide laissé par le refus de transmettre ce qui nous unit, le refus du commun, le refus de transmettre la culture et l’autorité.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Valérie Boyer. Que de temps, que de blessés et de vies perdus avant que vous ne vous décidiez à mettre des mots sur ces phénomènes et à agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

compétence « eau et assainissement »

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

M. Jean-Michel Arnaud. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Le 30 mars 2023, voilà un peu plus d’un an, le Président de la République s’exprimait, sur les rives du lac de Serre-Ponçon, sur la fin de l’obligation du transfert des compétences eau et assainissement. Il prônait un modèle pluriel, différencié, reposant sur l’intelligence des élus de terrain et la diversité du territoire.

M. Jean-Michel Arnaud. Il avait évoqué la possibilité de nouveaux syndicats et d’une intercommunalité choisie ; en somme, il s’agissait de trouver « de bonnes solutions mutualisées ».

Nous avons, avec un certain nombre de collègues, fait des propositions à votre intention, monsieur le ministre. Je pense notamment à la création de nouveaux syndicats supracommunaux, qui perdureraient après le 1er janvier 2026. Nous avons également proposé de revenir sur l’obligation de transfert des compétences eau et assainissement des communes aux communautés de communes, en autorisant un transfert direct et, donc, sans subdélégation desdites compétences des communes aux syndicats.

Monsieur le ministre, nous avons énormément travaillé ensemble dans un esprit de confiance. Pourriez-vous nous indiquer quel est le véhicule législatif – projet de loi ou proposition de loi qui bénéficierait de votre soutien – auquel vous souhaitez recourir pour que nous puissions avancer concrètement, dans les toutes prochaines semaines, sur ce sujet ? J’attends votre réponse. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Arnaud, j’ai le souvenir de ce moment trop court partagé avec Mathieu Darnaud, Franck Menonville et vous-même au cours d’un petit-déjeuner de travail. Nous avions fait le point sur la proposition de loi de M. Jean-Yves Roux visant à permettre une gestion différenciée des compétences eau et assainissement, et sur l’ensemble des épisodes précédents, si j’ose dire.

Dans votre département, le Président de la République a pris deux engagements.

Le premier concerne la sécurisation du pilotage et du financement par les départements des projets d’interconnexion des réseaux d’eau potable. Cette disposition, souhaitée par l’Assemblée des départements de France (ADF), figure « en dur » dans le projet de loi d’orientation agricole. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le second a trait à l’intercommunalisation obligatoire, une démarche prévue par la loi NOTRe en 2015, et dont nous avons déjà décalé la mise en œuvre de 2020 à 2026.

Mme Sophie Primas. On n’en veut pas !

M. Christophe Béchu, ministre. Je vous confirme l’assouplissement que nous avions évoqué ce jour-là, mais permettez-moi d’abord d’apporter des précisions sur le calendrier et le véhicule législatif choisis.

S’agissant du calendrier, nous voterons le dispositif alternatif dont nous avons parlé, à savoir la possibilité d’organiser la gestion de l’eau à un niveau infracommunautaire, avant la fin de cette année. Le texte, qui débutera son chemin législatif ici, au Sénat, vous sera soumis avant l’été.

Nous ne pouvons pas laisser les communes isolées continuer à exercer les compétences eau et assainissement, tant elles concentrent, malheureusement, les difficultés en termes d’accès à l’eau potable. Très souvent, les problèmes d’approvisionnement que l’on observe en période de sécheresse surviennent sur les territoires des communes qui gèrent leurs réseaux d’eau potable de manière isolée.

Il faut donc tourner le dos à une forme de « jardin à la française » trop rigide, pour assumer une nouvelle manière de faire, en particulier dans les territoires de montagne et les zones sous-denses.

M. Christophe Béchu, ministre. Pour autant, il ne me semble pas souhaitable de revenir sur les compétences qui ont déjà été transférées ; le nouveau dispositif vaudrait donc pour l’avenir. Par ailleurs, nous avons besoin d’un garant – les préfets seraient susceptibles de jouer ce rôle – dans le cadre d’un nouveau schéma départemental de gestion de l’eau, qui ne reposerait plus sur le principe de subdélégation. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le ministre, il est rare que je le dise, mais pour une fois, vous avez été clair ! (Sourires.)

Désormais, il faut que nous puissions réfléchir collectivement – j’associe aussi bien Mathieu Darnaud, Franck Menonville, Marie-Pierre Monier que Jean-Yves Roux à cette démarche – à la mise en œuvre du dispositif que vous venez de dévoiler, en respectant le calendrier que vous avez fixé.

Il reste quatre-vingt-dix semaines avant le 1er janvier 2026. Toutes les collectivités de France en attente d’une solution ont aujourd’hui grand besoin d’une clarification.

La proposition sur laquelle nous convergeons me semble satisfaisante, même si elle ne conviendra pas à tout le monde. Je vous invite donc, monsieur le ministre, à concrétiser les engagements que vous venez de prendre devant le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Savin. Très bien !

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mardi 30 avril 2024, à dix-sept heures quinze.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Dominique Théophile.)

PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

4

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

5

 
Dossier législatif : proposition de loi d'abrogation de la réforme des retraites portant l'âge légal de départ à 64 ans
Discussion générale (fin)

Abrogation de la réforme des retraites

Discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de la proposition de loi d’abrogation de la réforme des retraites portant l’âge légal de départ à 64 ans, présentée par Mme Monique Lubin, M. Patrick Kanner, Mme Annie Le Houerou et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 360, résultat des travaux n° 499, rapport n° 498).

Discussion générale

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Monique Lubin, auteure de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

Mme Monique Lubin, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, sur notre initiative, la question des retraites revient aujourd’hui en débat, dans un hémicycle où l’exécutif et la majorité sénatoriale ont imposé l’adoption d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale repoussant l’âge de départ à la retraite à 64 ans, avant que l’exécutif ne fasse passer ce texte au forceps à l’Assemblée nationale, en recourant à l’article 49.3 de la Constitution.

Les majorités sénatoriale et gouvernementale ont ignoré la volonté des Français, qui s’est pourtant exprimée pendant plusieurs mois dans le cadre d’une mobilisation qui a réuni des millions de personnes – citoyens, syndicats et associations – contre une réforme dont ils ne voulaient pas.

À rebours de ses engagements de campagne, le Président de la République a voulu et obtenu ce report de l’âge de départ à la retraite, qui pèsera sur ceux « qui ne sont rien », pour reprendre ses propres termes.

Tout ça pour ça ? Pour quel gain ?

Nous n’avons cessé de le rappeler tout au long de l’année dernière, pour un système des retraites versant plus de 300 milliards d’euros de pensions par an, un déficit de 12 milliards d’euros, éventuellement envisageable dans douze ans, semblait gérable, sans que l’effort doive porter, brutalement et lourdement, sur les plus vulnérables.

Depuis 2017, les retraités ont subi une baisse de leur pouvoir d’achat en raison de la hausse de la contribution sociale généralisée et de la sous-indexation des pensions.

Contrairement aux assertions alarmistes qui ont été celles du Gouvernement durant plusieurs mois, les comptes de notre système de retraite étaient équilibrés en 2023. La part de la richesse nationale consacrée aux retraites devrait ainsi rester stable dans les années à venir.

Mais les Cassandre des retraites préfèrent évoquer le solde du système de retraites, les milliards d’euros ainsi affichés étant plus propices à affoler les Français… Il est pourtant démontré que l’expression en parts de PIB est bien plus efficace que celle en termes de solde, tant ce dernier peut être soumis à des variations aussi soudaines qu’imprévisibles. Le dernier débat qui s’est déroulé devant le COR, le Conseil d’orientation des retraites, l’a d’ailleurs démontré.

Les déficits du système auraient même pu être financés par la réduction des exonérations de cotisations sociales ou par la fin du remboursement de la dette sociale.

Aujourd’hui, alors que la réforme est adoptée, on estime que notre système des retraites devrait revenir au quasi-équilibre à l’horizon 2030.

Mais, au-delà de cette échéance, les effets de la réforme se dissiperont : à la réduction des dépenses issues d’une baisse du nombre de départs à la retraite devrait en effet succéder leur hausse du fait de l’augmentation de la durée des carrières et, donc, de celle des pensions.

Le report de l’âge de départ à la retraite, qui n’a pas apporté de solution à la problématique des recettes, accroîtra à terme les dépenses. À cet égard, nous ne manquons pas de noter que, par manque de recettes suffisantes, le déficit public de la France a atteint 5,5 % de son PIB en 2023.

Nous actons également le fait que, responsable de cette dérive du budget de l’État, le Gouvernement ne se décide pas à changer de cap ou de politique ni à modifier la manière dont il gère les finances du pays.

Choisir de s’attaquer aux recettes de l’État en baissant les impôts des entreprises et des plus riches est un choix qui a pourtant fait l’éclatante démonstration de son inanité.

Mais l’exécutif est très attaché à cette stratégie et ne souhaite pas y mettre un terme. Il préfère inspecter les caisses des assurances sociales et tirer profit des petites machineries réglementaires et législatives qu’il a mises en place pour soustraire la gestion de ces dernières aux partenaires sociaux.

Une tentative de ponctionner un milliard d’euros à l’Agirc-Arrco a ainsi récemment échoué, du moins pour l’instant.

Ce sont par ailleurs 12 milliards d’euros que le Gouvernement veut prélever à l’Unédic sur la période 2023-2026. Or ces 12 milliards d’euros coûteront un milliard d’euros à l’association, contrainte de s’endetter pour satisfaire aux exigences du Gouvernement.

Sans réelle politique de sauvegarde du système de protection des actifs, le Gouvernement ambitionne surtout de corriger le résultat budgétaire de ses choix politiques. Ce faisant, il met en péril le modèle de l’assurance chômage, pour renflouer d’autres caisses qu’il a très mal gérées.

Ce n’est pas non plus pour sauver l’Agirc-Arrco que le Gouvernement a essayé de prélever un milliard d’euros sur les fonds de cette caisse de retraite complémentaire : cette dernière se porte bien, du fait de sa gestion rigoureuse par les partenaires sociaux.

Et ce n’est pas non plus pour sauver le système des retraites que le Gouvernement a imposé sa réforme paramétrique de report de l’âge de départ.

En effet, elle n’offre pas de solution de long terme pour la pérennité de notre modèle par répartition. En revanche, ce qui est sûr, c’est qu’elle a d’ores et déjà un coût social important. À moyen et long termes, le Gouvernement a créé des actifs particulièrement vulnérables, des seniors sans emploi ni retraite qui, âgés de 53 ans à 69 ans, n’ont déclaré au cours d’une année civile ni revenu d’activité ni pension de retraite, que ce soit en propre ou en réversion.

En 2021, 16,7 % des personnes âgées de 62 ans étaient dans cette situation ; 3 % d’entre elles étaient au chômage et 13,7 % en inactivité, ce qui les faisait dépendre alors soit du revenu de solidarité active (RSA), soit d’une pension d’invalidité ou du revenu d’une ou d’un conjoint.

L’année dernière, alors que le Gouvernement estimait que la nouvelle réforme des retraites devait permettre à 300 000 seniors supplémentaires de se maintenir dans l’emploi, nous disions que cet effet serait contrebalancé par d’autres dépenses.

À partir des travaux de la Drees (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) et de la Dares (direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) présentés fin janvier 2023 au Conseil d’orientation des retraites, Michaël Zemmour estimait déjà à 300 000 le nombre de personnes supplémentaires qui seraient maintenues dans le sas de précarité entre emploi et retraite, en cas de report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, ce qui doit entraîner une hausse de 100 000 du nombre d’allocataires des minima sociaux, une hausse de 120 000 du nombre de pensions d’invalidité, et une hausse de 80 000 du nombre de chômeurs indemnisés et de personnes sans emploi n’ayant droit à aucune prestation spécifique.

Le Gouvernement avait connaissance des effets de la réforme sur la précarité des seniors, puisqu’il en avait évalué le coût budgétaire dans l’étude d’impact qui accompagnait son projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

Un décalage de la retraite à 64 ans devait ainsi engendrer non seulement une économie de l’ordre de 15 milliards d’euros au niveau des pensions, mais aussi une hausse simultanée de 5 milliards d’euros de prestations sociales diverses.

Loin de corriger le tir, l’exécutif a décidé d’agrémenter sa réforme des retraites de la suppression de l’allocation de solidarité spécifique, et d’acculer ces seniors à solliciter les départements, déjà débordés, pour bénéficier du RSA.

Les travaux et auditions que nous avons menés depuis 2017 ont, en tout état de cause, mis en évidence le fait qu’aucun projet de réforme des retraites visant à faire travailler les gens plus longtemps ne peut être envisagé sans, a minima, des mesures préalables en faveur de l’emploi des seniors et de prise en compte de la pénibilité.

Madame la ministre déléguée, vous songez aujourd’hui à raboter les droits au chômage des seniors. Le Gouvernement prend le risque, ce faisant, de jeter des centaines de milliers de personnes dans la précarité, et met en péril l’équilibre budgétaire des collectivités territoriales chargées de l’insertion. Cette tentative pour masquer les conséquences de vos choix idéologiques et politiques ne trompe personne.

De fait, les arguments que nous avons invoqués l’année dernière demeurent valables.

Les effets délétères de la politique gouvernementale sur les seniors vont, de fait, tout particulièrement affecter les femmes, malgré les mesures correctives prises par le Gouvernement.

Je souhaiterais par ailleurs attirer votre attention sur les incompréhensions que pourrait susciter notre débat sur les retraites.

Je vous rappelle que, comme le prévoient les textes, le solde de notre système de retraite est présenté de telle sorte que l’on considère que les régimes des fonctionnaires de l’État et les autres régimes spéciaux sont systématiquement à l’équilibre. Dans ces conditions, le déficit du système ne peut pas être aggravé par le déséquilibre des régimes de retraite des fonctionnaires de l’État et les autres régimes spéciaux.

Le solde des régimes de retraite est une notion largement conventionnelle dès lors que certains régimes, dont celui des fonctionnaires de l’État, sont considérés comme équilibrés systématiquement.

Enfin, pour refinancer le système de retraite et le ramener à l’équilibre d’ici à 2027, l’économiste Michaël Zemmour a démontré qu’il faudrait augmenter le taux des cotisations de 0,8 point, soit 14 euros par mois pour un salarié au Smic.

Ce débat est loin d’être clos. Certains s’étonnent ici que nous ayons déposé une telle proposition de loi. Si nous l’avons fait, c’est pour marquer le premier anniversaire de la réforme, mais c’est aussi pour montrer que nous sommes loin d’en avoir terminé avec la protection du système de retraite des Français. Nous voyons poindre de nouveau à l’horizon des débats visant à prolonger une fois de plus le temps de travail de nos concitoyens. Nous y sommes totalement opposés !

À ceux de mes collègues qui nous ont demandé si tout cela était bien sérieux, je veux leur répondre que : oui, c’est très sérieux ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Marion Canalès, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, dans quel contexte abordons-nous ce texte ? Nous venons d’assister, cette nuit, à l’échec des négociations pour un nouveau pacte de la vie au travail, notamment sur l’emploi des seniors, et au report de la réunion prévue ce mercredi matin pour entériner l’avenant senior de la convention de l’Unédic.

Il avait été évidemment beaucoup question de l’emploi des seniors lors des discussions sur la réforme des retraites. Plusieurs de nos collègues avaient à l’époque exprimé leurs craintes. On leur avait alors apporté des garanties pour les rassurer, mais le doute peut légitimement persister au vu de l’actualité, notamment celle de ce jour.

Mme Lubin vient de le souligner, près d’un an s’est écoulé depuis la promulgation de la réforme des retraites le 14 avril dernier. Cela fait donc un an que l’âge légal de départ à la retraite a été relevé de 62 à 64 ans, que la durée pour pouvoir partir avec une pension à taux plein a été portée à quarante-trois annuités et que la fin des régimes spéciaux a été actée.

Si, sur ce dernier point, les décrets d’application ont été rapidement pris, en revanche, les décrets relatifs à l’octroi de trimestres supplémentaires aux sapeurs-pompiers volontaires, prévus à l’article 24 de la loi, ne sont, eux, toujours pas publiés…

Permettez-moi de regretter, mes chers collègues, l’empressement à géométrie variable dans la mise en œuvre du texte. Je ne suis d’ailleurs pas la seule à le déplorer ici, puisque la situation des sapeurs-pompiers volontaires est régulièrement évoquée sur l’ensemble des travées de notre hémicycle.

Cette réforme a été largement contestée, sur le fond comme sur la forme. Les débats que nous avons eus ont été réduits à cinquante jours ; les discussions ont été corsetées par le recours aux articles 44.3 et 49.3 de la Constitution ; et les votes ont été contraints.

Le Gouvernement avait promis le retour à l’équilibre du système de retraite en 2030. Le COR l’a montré avec beaucoup de clarté : le système sera toujours déficitaire en 2030, à hauteur d’environ 5 milliards d’euros, et le restera d’ici à 2070, la réforme tendant même à accroître les dépenses de retraites à cet horizon.

Le Gouvernement ne peut pourtant pas dire qu’il n’était pas averti : les rapporteurs du texte pour le Sénat, Élisabeth Doineau et René-Paul Savary, avaient rappelé ici même que le Gouvernement fondait sa réforme sur une hypothèse irréaliste en termes de taux de chômage, et que le déficit du système de retraite était sous-évalué d’environ 6 milliards d’euros en 2030.

Du reste, les estimations des effets de la réforme reposaient sur les simulations publiées par le COR en 2022, lesquelles incluaient déjà ses effets sur les recettes du système de retraite. En d’autres termes, les conséquences de la réforme ont été prises en compte deux fois.

S’ajoute à ce constat le fait que le Gouvernement, pour établir ses projections, retenait l’hypothèse que l’Agirc-Arrco continuerait de sous-indexer les pensions de ses assurés jusqu’en 2033, préemptant avec une certaine forme de légèreté les décisions des partenaires sociaux.

Or, dans la foulée de la réforme, ceux-ci ont non seulement rendu le cumul emploi-retraite créateur de droits – comme c’est désormais le cas pour les régimes de base –, supprimé le bonus-malus appliqué depuis 2019, qui avait perdu toute justification du fait du report de l’âge légal de départ, mais ils ont aussi décidé de revaloriser les pensions à un niveau proche de l’inflation.

Dès lors, le régime devrait devenir déficitaire dès 2025 et le rester à l’horizon 2037 – le déficit devrait s’élever à plus de 2 milliards d’euros en 2030.

Cette trajectoire n’est évidemment pas sans conséquence sur celle du système de retraite. Celui-ci ne sera donc pas à l’équilibre en 2030, tant s’en faut, contrairement à ce qu’annonçait le Gouvernement pendant l’examen du texte.

C’est un fait établi : un an après son adoption, la réforme n’est pas aussi efficace que l’exécutif l’avait affirmé et réaffirmé.

Pour autant, cette réforme qui n’atteint pas ses objectifs économiques affecte bel et bien la vie quotidienne des Français. À l’horizon de 2070, l’âge moyen de départ à la retraite sera relevé de six mois supplémentaires, pour s’établir à 64,6 ans.

Un tel niveau n’a plus été atteint depuis les générations nées avant 1910, ce qui marque la plus importante régression sociale que notre pays ait connue depuis plusieurs décennies. L’âge moyen de départ à la retraite est donc relevé à 64,6 ans, alors que l’espérance de vie en très bonne santé avoisine les 63 ans…

Ne perdons pas de vue la réalité, mes chers collègues : un tiers des assurés sociaux n’occupent pas un emploi au cours de l’année précédant la liquidation de leur pension, soit juste avant de partir à la retraite. Ils seront donc nécessairement maintenus dans cette situation du fait du relèvement de deux ans de l’âge légal de départ, qu’ils soient chômeurs, malades ou bénéficiaires des prestations de solidarité.

Cette réforme augmentera donc mécaniquement les dépenses sociales, sans compter qu’elle accroîtra également le nombre de salariés concernés par ce problème, tout le monde n’étant pas suffisamment en bonne santé ou n’ayant pas un emploi assez stable pour pouvoir travailler deux années de plus. Le surcoût en matière de dépenses sociales, de dépenses d’assurance chômage, maladie ou invalidité représenterait plus de 3 milliards d’euros.

On peut résumer la contre-productivité sociale de cette réforme de la manière suivante : pour chaque euro de dépenses économisé pour les retraites, 25 centimes supplémentaires seront dépensés au titre des autres prestations sociales.

Réformes successives de l’assurance chômage, suppression de l’allocation de solidarité spécifique (ASS), tentative d’allongement du délai de carence : toutes ces réformes qui sont engagées ou actées ont donc un lien avec la réforme des retraites, dans la mesure où elles visent à amoindrir le coût financier de la réforme sans relever le principal défi, celui de son coût social.

Non seulement cette réforme ne réglera pas le chômage des seniors, mais les femmes seront aussi, hélas, les principales perdantes. Ce sujet avait été soulevé l’an dernier par notre collègue Monique Lubin, auteur de cette proposition de loi, dont je tiens à saluer le travail et la combativité.

Les femmes, en effet, bénéficient majoritairement des majorations de durée d’assurance accordées au titre de la naissance et de l’éducation des enfants. Ces trimestres leur permettent, en règle générale, d’atteindre plus tôt que les hommes la durée d’assurance requise pour le taux plein, ce qui contribue à expliquer que l’âge moyen de départ à la retraite des femmes soit légèrement inférieur à celui des hommes.

Or, du fait du report de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite, les majorations de durée d’assurance seront en quelque sorte « écrasées » par des trimestres cotisés, et les deux années de travail supplémentaires seront cotisées en pure perte.

L’exemple de la génération de 1972 est emblématique de cette injustice frappante : les hommes de cette génération partiront en moyenne cinq mois plus tard qu’avant la réforme, contre neuf mois pour les femmes, et ce alors que ces dernières sont déjà moins bien payées que les hommes et plus souvent victimes d’accidents du travail. En vingt ans, selon un rapport de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) et divers travaux de la délégation aux droits des femmes du Sénat, le nombre d’accidents du travail des hommes a baissé de 27 % quand celui des femmes a augmenté de 46 %.

Pourtant, à en croire le Gouvernement, cette réforme était une réforme sociale. La revalorisation de 100 euros des minima de pension, mise en avant avec insistance par le Gouvernement, devait garantir aux travailleurs une retraite minimale de 1 200 euros par mois.

La réalité est malheureusement bien différente. D’après la Caisse nationale d’assurance vieillesse, le montant accordé aux nouveaux retraités au titre du minimum contributif n’a augmenté que de 30 euros en moyenne en 2024. Les personnes parties à la retraite avant l’entrée en vigueur de la réforme devaient, pour leur part, bénéficier d’une majoration exceptionnelle pouvant aller jusqu’à 100 euros. Or seuls 20 000 des 500 000 bénéficiaires recensés à la fin de l’année 2023 ont perçu l’intégralité de ces 100 euros…

Comme vous le constatez, mes chers collègues, le bilan de cette réforme est bien trop maigre sur le plan budgétaire au regard de ses effets négatifs sur le plan social.

C’est la raison pour laquelle, à titre personnel – j’y insiste –, je soutiens pleinement cette proposition de loi. À l’inverse, la commission ne l’a, elle, pas adoptée dans la mesure où elle considère qu’il est inenvisageable de revenir sur la réforme des retraites, compte tenu notamment de la situation de nos finances publiques.

Pourtant, l’ancien président du COR l’a dit et répété avant d’être remercié : les dépenses de retraite ne dérapent pas. Elles représentaient 13,8 % de la richesse nationale en 2021 ; elles représenteront 13,7 % de celle-ci en 2070.

Comment un pays ruiné au lendemain d’une guerre mondiale a-t-il été capable de créer un système de retraite, alors qu’un gouvernement à la tête d’un pays qui n’a jamais été aussi riche n’est capable que de le déconstruire ?

M. Patrick Kanner. Très bien !

Mme Marion Canalès, rapporteure. Tout est une question de répartition et de choix.

Si des ressources doivent être trouvées, c’est du côté des recettes qu’il faut aller les chercher. Des solutions existent, à commencer par un très léger relèvement – de 1 point – du taux de la cotisation patronale d’assurance vieillesse, mesure prônée de longue date par le Haut-commissaire au Plan, François Bayrou. Cette seule mesure rapporterait près de 8 milliards d’euros au système de retraite, avec un effet quasiment imperceptible sur le coût du travail.

Ne fermons pas les yeux devant la manne qu’il est possible de mobiliser pour financer les retraites de nos aînés. Parlons, par exemple, des 60 milliards d’euros d’allégements de cotisations sociales perdus chaque année par la sécurité sociale. Je ne dis pas que tout doit reposer sur les entreprises : parlons aussi des 60 milliards d’euros que coûte aux entreprises l’absence de simplification dénoncée par notre collègue Olivier Rietmann, président de la délégation sénatoriale aux entreprises, et mentionnée par le Premier ministre dans son discours de politique générale.

Aucune piste ne doit être négligée pour des motifs idéologiques.

En la matière, c’est de pragmatisme et non d’idéologie qu’il faut faire preuve en allant chercher l’argent là où il y en a. Comment accepter que l’effort ne pèse que sur les épaules des travailleurs quand le Gouvernement renonce à 3 milliards d’euros chaque année après avoir supprimé l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ? Malgré les récentes saillies de certains membres de la majorité, comment ne pas se poser la question des superprofits ?

Le nerf de la guerre, nous en conviendrons tous, reste l’emploi, en particulier celui des seniors. Si nous conduisions une vraie politique pour rehausser le taux d’emploi de ces personnes en France – je rappelle que ce taux atteint 82 % aux Pays-Bas –, cela ne nous rapporterait pas moins de 140 milliards d’euros de recettes supplémentaires chaque année. Ce n’est pas en réduisant la durée d’indemnisation du chômage des seniors, comme l’a évoqué M. Le Maire, que le sujet sera réglé.

« Tant qu’on n’a pas réglé le problème du chômage dans notre pays, franchement, ce serait assez hypocrite de décaler l’âge légal. ». Ces mots sont ceux d’Emmanuel Macron. Il avait raison !

Forte de cette certitude, je confirme qu’il faut avoir bien du courage pour travailler jusqu’à 62 ans. Voilà pourquoi je vous invite, en mon nom personnel, à voter pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. (M. Martin Lévrier applaudit.)

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de léducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de lenfance, de la jeunesse et des familles. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons dans cet hémicycle pour débattre de la réforme des retraites, presque un an jour pour jour après sa promulgation.

Cette réforme, qui a fait l’objet de quatre mois de concertation et de 175 heures de débats parlementaires, est allée au bout de son cheminement démocratique.

Aujourd’hui encore, le Gouvernement défendra cette réforme indispensable pour assurer l’avenir de notre système par répartition, qui est pleinement entrée en vigueur depuis le 1er septembre dernier.

Malheureusement, aujourd’hui, vous réservez le précieux temps de débat parlementaire dont vous disposez à un coup de communication.

M. Mickaël Vallet. Cela nous regarde ! Ce n’est pas à vous d’en juger !

M. Patrick Kanner. C’est inadmissible !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Le Gouvernement s’y opposera sans surprise.

Vous voulez abroger purement et simplement la réforme des retraites de 2023, alors qu’elle est déjà entrée en vigueur. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?

Il s’agit d’aggraver de près de 14 milliards d’euros le déficit de notre système de retraite en 2030 et de supprimer la revalorisation des petites pensions : pour 185 000 nouveaux retraités chaque année, cela signifie 30 euros de plus chaque mois. Mais, pire encore, pour 550 000 petites pensions ayant déjà été liquidées, c’est une revalorisation moyenne de 50 euros par mois qui s’applique depuis septembre dernier.

Mme Cathy Apourceau-Poly. À force de payer des impôts, il n’en restera plus rien !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Qu’allez-vous faire : diminuer leurs pensions et leur reprendre les sommes reçues depuis septembre ?

Et le milliard d’euros consacré à la prévention de la pénibilité sur le quinquennat, qu’en faites-vous ? (Mme Corinne Féret proteste.) Deux morts au travail chaque jour : cela ne mérite-t-il pas pour vous que l’on travaille sur la prévention ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Les mesures en faveur des mères de famille, des aidants ou des orphelins, qui sont le fruit de débats constructifs, ont finalement fait l’objet d’un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Au-delà de toutes ces mesures, dans le fond, le nœud du désaccord concerne l’allongement de la durée d’activité. Vous le savez, l’âge légal sera rehaussé progressivement de 62 à 64 ans d’ici à la fin du quinquennat, et la mise en place de l’allongement de la durée d’assurance, issu de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, dite loi Touraine, sera accélérée.

Sur ce point, nous n’évitons pas le débat et nous rappelons ce qui a motivé notre choix de faire travailler progressivement plus longtemps les Français qui le peuvent.

Mme Émilienne Poumirol. Il n’y a pas eu de débat ! Il n’y a eu que des artifices…

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Nous avons d’abord fait le choix de reporter l’âge légal de départ à la retraite, comme tous nos voisins qui ont d’ailleurs décidé d’aller bien au-delà des 64 ans ; c’est la clé de l’emploi des seniors.

C’est un choix équilibré et progressif qui agit simultanément sur l’âge et la durée, en préservant les carrières longues et difficiles. (Mme Émilienne Poumirol ironise.) Cette assemblée a régulièrement défendu une augmentation encore plus rapide de l’âge légal de départ.

Travailler plus longtemps, c’est enfin le moyen le plus juste de financer les progrès et les avancées de la réforme. (M. Jean-Claude Tissot proteste.)

Ce qui est au cœur de notre désaccord et, donc, au cœur de votre proposition est au fond assez simple : au premier alinéa de l’article unique, vous proposez de revenir sur la réforme des retraites.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Cet article se comprend plus simplement. On nous demande de choisir entre des solutions qui ne sont pas acceptables à nos yeux : léguer 150 milliards d’euros de déficit aux générations futures,…

Mme Émilienne Poumirol. N’importe quoi !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. … baisser les pensions des retraités, ou créer de nouveaux impôts. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Lors de l’examen du texte en commission, vous avez proposé, madame la rapporteure, une piste de financement alternative. Vous voulez financer la suppression de la réforme des retraites en supprimant les allégements de cotisations pour les entreprises, que vous voulez compenser par une simplification administrative censée rapporter plusieurs milliards d’euros. Le problème est que la hausse du coût du travail aurait un impact délétère sur l’emploi, notamment pour les personnes les moins qualifiées.

Quant à la simplification des contraintes qui pèsent sur les entreprises, nous y travaillons : le ministre de l’économie présentera prochainement un projet de loi de simplification de la vie des entreprises, et la ministre du travail présentera également un projet d’acte II de la réforme du marché du travail, qui simplifiera la vie des employeurs. (Protestations sur des travées du groupe SER.)

Mme Émilienne Poumirol. Encore des exonérations !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. C’est un travail sérieux et minutieux que les entreprises attendent et que nous avons engagé avec elles.

Même si ce sont les règles de la discussion budgétaire qui vous y invitent, je remarque également que vous gagez le financement de votre proposition de loi sur une augmentation des taxes sur le tabac…

Mme Monique Lubin. Comme pour les retraites agricoles !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Au-delà des dispositions figurant dans ce texte, de quoi parle-t-on aujourd’hui ? Il s’agit de revenir sur un vote qui a déjà eu lieu…

M. Joshua Hochart. On ne peut pas dire que ce soit la faute des socialistes… (Sourires.)

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Cette proposition de loi est une occasion manquée, celle de continuer à avancer sur la question du travail.

Plus encore, c’est la Constitution que les auteurs de ce texte ne respectent pas, sans parler du débat sur l’article 40 : comment contester que 14 milliards d’euros constituent bel et bien une dépense ?

Mme Corinne Féret. Bien sûr…

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Débattre de la pertinence de certaines normes constitutionnelles n’est pas un problème en soi, mais une proposition de loi sur les retraites ne saurait en aucun cas être la bonne occasion pour en discuter.

Mme Colombe Brossel et M. Mickaël Vallet. Ce n’est jamais le bon moment !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Madame la rapporteure, il est essentiel de réfléchir à la question du travail, à celle de l’accompagnement des seniors ou à celle des femmes. Malheureusement, ce texte n’apporte aucune réponse à toutes ces problématiques.

Le moteur de la démocratie, c’est de débattre et de comparer des projets alternatifs. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. On vous a vu à l’œuvre durant la réforme des retraites !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Vous comprendrez ma déception devant une telle proposition de loi.

En conclusion, je peux vous assurer et, surtout, assurer aux Français que nous travaillons à proposer un projet positif, c’est-à-dire un projet qui ne soit pas une négation, mais une affirmation. Nous savons où nous voulons aller.

Mme Corinne Féret. On voit bien le résultat !

Mme Émilienne Poumirol. Vous agissez contre les petits !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Nous ferons en sorte que la France tende vers le plein emploi. (Protestations sur les travées du groupe SER.) Comme je le disais lorsque je vous ai présenté la réforme des retraites pour la première fois, nous voulons une société du travail, qui soit une société du plein emploi pour tous et du bon emploi partout. C’est cette société que nous souhaitons bâtir !

Mme Laurence Rossignol. Vous croyez vraiment à ce que vous racontez ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Oui, madame la sénatrice ! Une société de l’amélioration des conditions de travail et du renforcement de la valeur travail est possible : c’est notre projet !

Mme Laurence Rossignol. Ah oui, elle y croit…

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Conformément à l’engagement du Président de la République, nous continuons à agir avec les organisations syndicales et l’ensemble des parlementaires qui le souhaitent.

Hélas, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui n’est qu’un projet de suppression. C’est la raison pour laquelle nous nous y opposons. (MM. Martin Lévrier et Emmanuel Capus applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Pascale Gruny applaudit également.)

M. Olivier Henno. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, il n’appartient bien sûr pas à un groupe de juger du sérieux ni de l’utilité d’une initiative parlementaire, quelle qu’elle soit. Notre devoir et notre rôle consistent simplement à dire ce que l’on en pense et d’expliquer notre vote.

Vous ne serez néanmoins pas surpris d’apprendre que le groupe Union Centriste votera contre cette proposition de loi d’abrogation de la réforme des retraites, car elle n’est rien d’autre qu’un rétropédalage. Elle me fait d’ailleurs penser à cette ancienne émission d’Eugène Saccomano, On refait le match : on trouve qu’elle est intéressante au début, mais c’est rapidement lassant…

Pourquoi revenir sur cette réforme, et uniquement sur cette réforme ?

Mme Laurence Rossignol. Parce que les Français le veulent !

M. Olivier Henno. Vous auriez tout aussi bien pu décider de revenir sur la réforme Balladur, sur la réforme Fillon ou sur la réforme qui décalait l’âge de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans, puisque certaines forces politiques y sont favorables. (Marques dapprobation sur des travées des groupes UC et INDEP. – Exclamations sur des travées du groupe SER.)

Pourquoi ne pas l’avoir fait ? En réalité, vous n’avez pas proposé le retour à la retraite à 60 ans, parce qu’entre-temps il y a eu la réforme Touraine,…

Mme Cathy Apourceau-Poly. C’était avant !

M. Olivier Henno. … laquelle a d’ailleurs eu des conséquences non négligeables pour les salariés. Après tout, ce n’est pas parce que l’augmentation du nombre de trimestres est progressive que cette mesure est indolore pour les personnes concernées.

Le paradoxe, votre drame en quelque sorte, c’est que vous faites preuve de responsabilité quand vous exercez le pouvoir et que vous faites de l’opposition quand vous n’y êtes plus.

Selon moi, la réforme Touraine était une bonne réforme, qui a permis d’équilibrer les régimes de retraite. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Claude Tissot. C’est pourquoi vous ne l’avez pas votée !

M. Olivier Henno. Évidemment, ça vous gêne qu’on le dise, mais il faut aller jusqu’au bout et assumer ! (Mêmes mouvements sur les travées du groupe SER.)

Mme Colombe Brossel. La situation n’était pas la même !

M. Olivier Henno. Au fond, je le répète, deux logiques s’affrontent au sein de votre mouvance politique : celle de la responsabilité quand vous exercez le pouvoir et une certaine culture d’opposition quand vous ne l’exercez pas…

Idem pour les exonérations de charges. Vous vous insurgez contre elles, mais vous avez voté le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Reconnaissez que ce n’était pas une paille : une exonération de 4 points puis de 6 points de charges,…

M. Mickaël Vallet. Non, de cotisations !

M. Olivier Henno. … pour un total de 40 milliards d’euros. C’est considérable ! Ce n’était pas une mauvaise mesure, voyez-vous…

Mme Laurence Rossignol. Vous adorez quand on gouverne, alors !

M. Olivier Henno. Je déteste surtout votre démagogie, madame Rossignol !

M. Mickaël Vallet. Vous êtes un idéologue !

M. Olivier Henno. S’inscrire, comme vous le faites, dans deux logiques aussi dissemblables selon que vous êtes dans l’opposition ou dans la majorité ne sert pas l’idée que je me fais de la démocratie ! (M. Michel Canévet applaudit.)

M. Olivier Henno. Sur le fond, ce texte est-il sérieux ? La dette de notre pays s’élève à 3 000 milliards d’euros. Notre déficit budgétaire est dramatique et atteindra 5,1 % du PIB en 2024 : voilà ce sur quoi devraient porter vos critiques !

Mme Laurence Rossignol. Lorsque nous gouvernions, c’était mieux !

M. Olivier Henno. La France va dépenser 14,4 % de sa richesse pour les retraites, contre 11,9 % en moyenne dans les autres pays européens.

Nos dépenses publiques équivalent à 57 % du PIB ; quant aux recettes, elles s’élèvent à plus de 52 % de celui-ci. Comment pourrions-nous encore augmenter le niveau des recettes et des dépenses publiques ? Il n’est pas responsable de faire croire aux Français qu’ils pourraient travailler moins !

Mme Colombe Brossel. Ce sont encore les salariés qui paient…

M. Olivier Henno. C’est d’ailleurs le mal de la société française. Car la dette ne finance pas des dépenses d’avenir, elle finance des dépenses de soins ou de retraite, dont la charge sera reportée sur d’autres, c’est-à-dire nos enfants, que nous sacrifions.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Vous avez raison !

Mme Colombe Brossel. Oh là là !

M. Olivier Henno. Je ne partage en rien les principes sur lesquels repose cette proposition de loi. C’est le mal de toute la société française que de vouloir toujours reporter les décisions réalistes, difficiles sur nos enfants,…

M. Jean-Claude Tissot. Parlez-en à Marc Fesneau !

M. Olivier Henno. … un mal qui touche même le COR, à en croire les indiscrétions.

Pour parvenir à un scénario, il faut se mettre d’accord : d’une certaine façon, on préfère le consensus à la vérité ! Ce consensus, on le construit sur l’hypothèse d’un taux de productivité qui progresserait de 1 % par an : on n’arrive pas à se faire à l’idée qu’elle n’augmente que de 0,4 % par an depuis dix ans. On préfère la fuite en avant à la réalité !

Cette proposition de loi tombe bien mal. Mieux vaudrait reprocher au Gouvernement la non-maîtrise des dépenses publiques…

Mme Laurence Rossignol. Nous étions meilleurs qu’eux !

M. Olivier Henno. … et critiquer le fait qu’il n’ait pas su tourner le dos au « quoi qu’il en coûte ». Voilà quel devrait-être le cœur du sujet aujourd’hui.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Chantal Deseyne applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Mme Monique de Marco et M. Jean-Claude Tissot applaudissent.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, il y a maintenant presque un an, l’acte II de la feuille de route antisociale du Gouvernement, la réforme des retraites, était imposé par 49.3, après une brèche dans l’assurance chômage, que le Gouvernement promet aujourd’hui d’aggraver, et juste avant la loi pour le plein emploi qui a instauré France Travail et réformé le RSA sur le modèle des lois Hartz en Allemagne, lesquelles ont eu pour conséquence, selon la direction générale du Trésor, l’augmentation de moitié du taux de pauvreté.

Cette attaque menée contre le monde du travail, au mépris des mobilisations sociales massives qui ont rassemblé des millions de personnes, cette réforme rejetée par 93 % des actifs, a été imposée après une brutalisation et un bridage sans précédent du débat parlementaire, avec la complicité de la droite des deux assemblées.

C’est un passage en force antidémocratique sous couvert de sauvegarde du régime des retraites par un gouvernement dont l’impéritie ne cesse de poindre, lui qui annonçait l’équilibre du régime pour 2030, quand le COR indique, dans ses dernières projections incluant les mesures de la fameuse réforme, que l’ensemble des régimes présenteront un besoin de financement de 0,2 à 0,3 point de PIB à cette échéance, soit 5 à 8 milliards d’euros.

Cette réforme est déjà frappée d’inefficacité, car elle reposait sur des hypothèses macroéconomiques plus optimistes que celles du consensus des économistes, que le Gouvernement fait mine de découvrir en prétextant une conjoncture défavorable. En effet, qui aurait pu prévoir ? Pas le Gouvernement, semble-t-il !

Mais elle est surtout frappée d’inefficacité parce que les régimes de retraite, comme n’a cessé de le répéter le COR, ne sont pas confrontés à un problème de dynamique de dépenses, mais à un problème de ressources, diagnostic que valident les projections. Or, comme cette analyse est trop éloignée des dogmes surannés de l’orthodoxie libérale, le Gouvernement a veillé, grâce à une reprise en main, à ce que les travaux du COR concluent désormais à la nécessité de ses contre-réformes.

Pourtant, la France fait bien face à un problème de ressources dû à la baisse des contributions financières de la branche famille et de l’assurance chômage, à la stagnation de la rémunération et des effectifs des fonctionnaires, à la sous-compensation de certaines exonérations de cotisations sociales, à la multiplication des primes désocialisées dont l’effet substitutif est prouvé, à la déflation salariale, ainsi qu’à certaines mesures de la réforme des retraites – je pense aux modifications apportées au cumul emploi-retraite, qui augmentent le coût d’un dispositif favorisant l’allongement du temps de travail.

Nous avons en revanche soutenu les mesures d’atténuation de la brutalité de la réforme comme la revalorisation du minimum contributif dont la Drees souligne les effets redistributifs, même si la revalorisation des pensions n’est que de 30 euros en moyenne. Rappelons-le, ce n’est que l’application d’une promesse liée à la précédente réforme reportant l’âge de départ à la retraite.

Idem pour la surcote parentale pour les femmes, qui ne représente que la moitié de ce qu’elles auraient touché si nous nous en étions tenus au statu quo.

Même les quelques avancées concernant les carrières longues ne nécessitaient ni ne justifiaient une réforme dont le contenu antisocial a été largement prouvé.

Vous n’avez toujours pas renoncé à ponctionner l’Agirc-Arrco ni l’Unédic. Vous vous livrez à un pitoyable jeu de bonneteau, alors que la dette prise en compte dans le pacte de stabilité est consolidée, et que cela conduira à des surcoûts financiers pour ces deux organismes, qui ne sont pas déficitaires. Au passage, vous malmenez les corps intermédiaires et le paritarisme.

Rien n’invalide donc, depuis un an, notre analyse sur votre contre-réforme. Aussi, par cohérence, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera cette proposition de loi. Mieux encore, une fois au Gouvernement, nous abrogerons cette réforme ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, la réforme des retraites d’Emmanuel Macron figurait dans les recommandations adressées par le semestre européen à la France depuis plusieurs années.

La casse des protections collectives a été l’obsession des gouvernements libéraux et de la Commission européenne, afin de favoriser le développement des retraites individuelles. Monsieur Henno, puisque vous y avez fait allusion, notre groupe s’est systématiquement opposé aux réformes Balladur, Fillon, Raffarin, Woerth et Touraine !

MM. Philippe Mouiller et Martin Lévrier. Ça, c’est vrai !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Il y a un peu plus d’un an, le 11 mars 2023, le Sénat achevait l’examen de la réforme des retraites.

Le 14 avril de la même année, le Conseil constitutionnel validait officiellement le recul social le plus grave de la décennie.

Quatre jours plus tard, le groupe CRCE-K déposait une proposition de loi visant à l’abrogation du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 portant réforme des retraites.

Lorsque nous avons appris le dépôt par le groupe socialiste, le 26 février 2024, d’un texte similaire, nous nous sommes rassemblés dans un pôle progressiste contre le Gouvernement et la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)

C’est avec un certain plaisir que nous avons entendu la majorité sénatoriale reconnaître, la semaine dernière, que cette réforme, dont elle a toujours revendiqué la paternité, s’inscrivait dans une logique purement budgétaire.

Le président Bruno Retailleau s’était personnellement impliqué pour faire voter l’allongement de la durée de cotisation à quarante-trois annuités et le recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, au nom de la préservation de notre système de retraite par répartition. Cela ne l’avait pas empêché de soutenir l’amendement de Jean-François Husson visant à introduire une part de capitalisation dans notre système.

Le double discours des Républicains sur les retraites est… éloquent. D’un côté, les salariés doivent accepter des sacrifices sur leurs droits collectifs au nom du maintien de l’équilibre du système de retraites. De l’autre, mes chers collègues de droite, vous agissez pour développer la capitalisation individuelle et les fonds de pension américains, si chers à vos cœurs.

Ce débat aux accents de déjà-vu offre l’occasion au Gouvernement et à la majorité sénatoriale de justifier a posteriori une réforme injuste, inefficace et inégalitaire. Vous allez nous rejouer le débat sur les retraites sur l’air de l’austérité et du dérapage des dépenses publiques.

Je rappelle que le déficit des retraites à l’origine de votre réforme scélérate n’est le fait ni des travailleurs ni des retraités. Il est la conséquence des politiques d’austérité dictées par Bruxelles, qui ont conduit, notamment, au non-remplacement des départs à la retraite dans la fonction publique. Le démantèlement des « conquis sociaux » se fait au détriment de la prise en compte de la pénibilité des métiers.

La suppression des régimes spéciaux, qui permettaient une meilleure prise en considération de la réalité des conditions de travail, est une perte immense pour les cheminots, les électriciens, les gaziers et les salariés des autres régimes fermés. En faisant le choix d’accélérer le calendrier de la réforme Touraine, le Gouvernement s’est attaqué aux plus précaires.

L’augmentation de la durée de cotisation frappe en premier lieu les femmes ayant des carrières hachées, les salariés aux métiers pénibles et les personnes ayant fait des études longues.

En maintenant la décote sur les pensions incomplètes, vous avez aggravé la précarité tout en préservant les intérêts des plus riches et des puissants.

La droite sénatoriale et le Gouvernement ont systématiquement refusé nos propositions d’augmenter les recettes en mettant à contribution les revenus financiers du capital, les milliards d’euros de dividendes versés chaque année, ou même les entreprises à travers une hausse des cotisations patronales.

Pour notre part, nous défendons un projet solidaire où l’humain prime la finance et les intérêts des multinationales. Vous avez fait adopter un projet brutal, en recourant au 49.3 après des mois de mobilisation sociale.

Pour l’ensemble de ces raisons, les membres du groupe CRCE-K voteront en faveur de l’abrogation de cette réforme antisociale. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel. (M. Christian Bilhac applaudit.)

M. Henri Cabanel. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, certains d’entre nous semblent avoir la mémoire courte. Avez-vous oublié la réforme Touraine adoptée par le Parlement le 18 décembre 2013 ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Eh oui !

M. Henri Cabanel. Promulgué le 20 janvier 2014, le texte est en réalité entré en vigueur le 1er janvier 2020. Son objectif était de porter à 172 – soit quarante-trois ans – le nombre de trimestres requis pour une pension à taux plein pour les personnes nées en 1973 et après.

L’âge de l’emploi stable se situe en moyenne autour de 23 ans, car le taux d’activité augmente progressivement : de 16,7 % entre 15 et 19 ans, il passe à 60 % entre 20 et 24 ans. Aussi, on comprend vite que, sous l’effet de cette seule réforme, la grande majorité des personnes nées après 1973 serait partie à la retraite à 64 ans ou plus tard !

Pourtant, on connaît la suite.

D’un côté, des milliers d’amendements déposés pour ralentir l’examen du texte et, disons-le clairement, pour faire obstruction – car nous avons en mémoire le show de ces centaines d’amendements identiques déposés et défendus…

De l’autre, le recours au 49.3 à l’Assemblée nationale et au 44.3 dans cet hémicycle, qui n’a pas grandi le Gouvernement, suscitant l’incompréhension et la colère de nos concitoyens, tant la méthode était agressive, inexpliquée et maladroite.

Comment, en effet, défendre un texte, alors qu’aucun syndicat ne l’avait cautionné et que les sondages soulignaient l’opposition des Français ?

Résultat : peu de débats, un passage en force, et exit les vrais sujets, comme les carrières longues, les parcours des seniors et des femmes, ou encore la pénibilité.

Cette réforme a laissé un goût amer à tous ceux qui en avaient compris les enjeux : financer les prochaines retraites dans un contexte de vieillissement démographique, mais surtout de désenchantement du monde professionnel.

Le groupe du RDSE a toujours défendu une réforme du système des retraites, qui consisterait à remplacer les annuités par des points au sein d’un régime universel.

Les rapports du COR ont souvent démontré qu’une telle mesure était techniquement possible et permettrait notamment d’intégrer des dispositifs de solidarité. C’était d’ailleurs la réforme proposée par le Président de la République en 2019, avant qu’il ne l’abandonne en raison de la crise de la covid-19 et des contestations sociales.

Mais pas de débat non plus à ce sujet !

Le Gouvernement n’a donc prévu qu’une anticipation de la loi Touraine et le report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans. L’éléphant a accouché d’une souris !

Ce seul changement n’aurait pas dû enflammer la sphère politique qui, avec raison et conscience, depuis des décennies, du président Sarkozy au président Hollande, a toujours pris ses responsabilités pour réformer le régime des retraites et son équilibre.

Revenir aujourd’hui avec cette proposition de loi pour modifier ce seul indicateur d’âge, c’est légiférer pour légiférer, moins d’un an après l’adoption du dernier texte.

Quelques semaines avant les élections européennes, cet article unique d’abrogation du report de l’âge de départ à la retraite relève davantage d’une forme d’opportunisme politique que d’une vraie volonté de débattre et de relever les enjeux en présence. C’est pourquoi une majorité de sénateurs de mon groupe ne souhaite pas participer au vote.

Exit les carrières longues qui sont les premières à pâtir de cette réforme. Exit la pénibilité et les carrières hachées des femmes, à peine abordées. Exit la problématique des seniors. Ce sujet est pourtant très préoccupant, car le fait de porter à 43 ans la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein implique de travailler sur l’employabilité de ces personnes.

Quand on voit l’échec des négociations qui ont eu lieu cette semaine entre les syndicats et le patronat, on a quelques soucis à se faire.

Autre inquiétude : la hausse du taux d’absentéisme. En 2022, 35 % des salariés ont déclaré un arrêt de travail, contre 28 % en 2021, soit une progression de sept points, avec une augmentation notable des absences chez les plus jeunes. Deux indicateurs sont particulièrement inquiétants : les maladies professionnelles, principalement les troubles musculo-squelettiques, ainsi que les pathologies psychologiques sont à l’origine des arrêts de travail dont la durée est la plus longue.

L’enjeu crucial qui devrait nous animer est celui du bien-être au travail. Nous devons penser au-delà des querelles politiques pour avancer. Prenons les problèmes à bras-le-corps. Si le contexte nous a obligés, dès 2013, à envisager une durée de travail de 43 ans, unissons-nous pour le bien-être des travailleurs ! (M. Christian Bilhac applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, tout le monde nous l’envie : notre système de retraite par répartition, fondé sur la solidarité intergénérationnelle, est un système unique, fierté de notre nation.

Le principe est simple : les cotisations des actifs servent à payer les pensions des retraités. C’est un système d’équilibre qui, si une génération n’y trouve pas son compte, peut s’effondrer.

Cet équilibre a pour socle l’évolution démographique. En 1980, il y avait 2,68 actifs pour un retraité, contre 1,67 en 2020. Et en 2050, il n’y aura plus qu’environ 1,3 actif pour un retraité. Le socle se dégradant, nous ne pouvions rester les bras ballants.

Trois leviers étaient à notre disposition pour maintenir le système à l’équilibre : augmenter les cotisations des actifs, diminuer les pensions des retraités ou augmenter le nombre d’années travaillées par les actifs. On pourrait en imaginer un quatrième, j’y reviendrai.

Le Gouvernement, suivi par sa majorité, ainsi que par celle du Sénat, a pris la décision d’utiliser l’allongement de la durée du travail comme levier qui, si je ne m’abuse, s’inscrit dans la même veine que la réforme proposée par Mme la ministre Touraine. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Cette réforme socialiste prévoyait, entre autres, un allongement de la durée de cotisation en augmentant le nombre de trimestres cotisés. En bref, un jeune concerné par ladite réforme qui aurait commencé à travailler à 21 ans aurait eu le droit de prendre sa retraite à taux plein à 64 ans.

Promulguée le 20 janvier 2014, cette loi, ainsi que les diverses mesures qu’elle comportait, devait entrer très progressivement en vigueur. Sauf erreur de ma part, les socialistes, alors majoritaires, et leurs alliés – à l’exception des communistes – l’ont soutenue sans réticence. (Mme Colombe Brossel proteste.) De fait, il s’agissait d’un vote relativement indolore, puisque ses effets ne se feraient sentir qu’au-delà de leur mandat !

Pour notre part, nous avons pleinement assumé notre réforme et son application immédiate, tout en l’améliorant pour protéger les plus vulnérables. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Mme Colombe Brossel. C’est une blague ?

M. Mickaël Vallet. Ça s’est vu dans la rue !

M. Martin Lévrier. Nous nous retrouvons aujourd’hui, à la demande de ceux qui ont soutenu la réforme Touraine, pour abroger un texte qu’ils auraient pleinement approuvé en 2014 : Kafka, sors de cet hémicycle !

Empêtrés dans leurs oppositions systématiques, nos collègues en ont-ils mesuré les conséquences et sont-ils prêts à les assumer ? (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Mme Corinne Féret. Bien sûr que oui ! On les connaît mieux que vous !

M. Martin Lévrier. Les 19,7 milliards d’euros de recettes prévus disparaîtront.

Le déséquilibre de ce système n’ira qu’en s’aggravant, quand bien même – et c’est ici le quatrième levier dont j’ai parlé précédemment – le taux de fécondité s’établirait, d’un coup de baguette magique, à trois enfants par femme.

M. Mickaël Vallet. Vous appelez ça une baguette magique, vous ?

M. Martin Lévrier. Il ne faudrait pas moins de vingt ans pour en sentir les effets.

Ce n’est cependant pas la seule et unique conséquence, et je m’étonne que mes collègues socialistes, auteurs de cette proposition de loi, et si prompts à revendiquer les valeurs sociales, n’en aient pas parlé.

Vous qui vous réclamez des valeurs fondamentales que sont l’égalité et la solidarité, comment récupérez-vous les 6,8 milliards d’euros de mesures qui accompagnent la réforme que vous nous proposez d’abroger ici et maintenant ?

Êtes-vous prêts à faire fi des mesures de rattrapage offrant de meilleures pensions aux femmes aux carrières hachées ?

Mme Émilienne Poumirol. Et aux seniors ?

M. Martin Lévrier. Êtes-vous prêts à revenir sur la revalorisation des petites pensions, qui peuvent atteindre 100 euros par mois ? (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Êtes-vous prêts à revenir sur tout ce qui a été fait pour les aidants, les carrières longues, les agriculteurs ? Pas moi !

Nous avons débattu ici même, il y a près d’un an, de cette réforme. Pendant plus de 70 % du temps, vous avez monopolisé la parole. Que proposez-vous aujourd’hui ? (Protestations sur les travées du groupe SER.) Ni suggestion ni solution pour la sauvegarde du système le plus solidaire – j’y insiste – qui soit ! (Mme Colombe Brossel proteste.)

Plus surprenant encore, il y a un an, vous avez, à l’occasion des débats, dix jours durant, dénigré la valeur travail pour en conclure que cette réforme priverait les actifs de deux ans de vie.

Mme Émilienne Poumirol. On ne dénigre pas la valeur travail !

M. Martin Lévrier. Pour tirer le trait d’humour à l’extrême : le travail tue ; alors, si tout travail tue, qui paiera les retraites ?

La question n’est pas de savoir si nous voulons travailler plus longtemps. Demandons-nous plutôt comment faire du travail une source d’épanouissement pour tous. (M. Mickaël Vallet ironise.)

C’est à ce défi que nous devons répondre ensemble. À l’heure où la défiance envers les responsables politiques se fait de plus en plus vive, nous devons réaffirmer notre devoir : dire la vérité aux Françaises et aux Français. Oui, certaines des mesures de cette réforme sont clivantes. Est-ce une raison pour l’abroger, alors qu’elle est nécessaire ?

Vous vous en doutez, notre groupe s’opposera avec vigueur à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Michel Canévet applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour débattre de la proposition de loi du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain visant à abroger la réforme des retraites adoptée il y a un an.

Permettez-moi de rappeler les circonstances dans lesquelles cette réforme a été adoptée. Malgré l’opposition des syndicats et des manifestations d’une ampleur sans précédent, le Gouvernement s’est obstiné à faire passer cette réforme à marche forcée. En ayant recours à un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, ce dernier a réduit le délai d’examen du texte au Parlement et s’est donné la possibilité d’utiliser l’article 49.3 à l’Assemblée nationale. C’est un refus de débattre, qui n’a rien de bien démocratique.

Alors qu’il n’y a pas eu de vote à l’Assemblée nationale, les débats sur les travées de la gauche ont été d’une rare intensité au Sénat.

En soutien au Gouvernement, la majorité sénatoriale a, pour la première fois depuis la réforme de 2015, utilisé l’article 38 du règlement de notre assemblée pour abréger les débats, et s’est peu exprimée, voire pas du tout.

Le Gouvernement a également fait usage du vote bloqué prévu à l’article 44.3 de la Constitution pour contraindre les sénateurs à se prononcer sur le texte par blocs d’amendements, sélectionnés par lui-même. Ce faisant, il a ignoré l’avis des partenaires sociaux, bafoué le rôle du Parlement, saboté le débat parlementaire et précipité une réforme profondément injuste.

Les conséquences de cette réforme ne sont pas digérées.

La justification avancée par le Gouvernement pour le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans reposait sur la réduction du déficit, avec la promesse d’un système équilibré d’ici 2030.

On en sera loin ! Décidément, les prévisions du grand argentier de l’État, M. Le Maire, ne font pas recette !

Loin d’équilibrer notre système de retraite, cette réforme a des conséquences économiques et sociales dégradées sur des catégories déjà fragilisées.

Le relèvement de l’âge d’ouverture des droits entraîne une augmentation des coûts pour notre protection sociale.

La direction générale du Trésor prévoit une hausse d’environ 3,2 milliards d’euros des dépenses sociales hors retraite à la pleine mise en œuvre de la réforme.

Cette somme comprend 1,8 milliard d’euros pour les pensions d’invalidité, qui seront versées à 20 000 bénéficiaires supplémentaires, 1,3 milliard d’euros pour les allocations chômage, afin d’indemniser 80 000 personnes privées d’emploi de plus, 970 millions d’euros pour les indemnités journalières en cas de maladie, et 830 millions d’euros pour les prestations de solidarité, notamment l’allocation de solidarité spécifique (ASS), afin de répondre aux besoins des probables 100 000 allocataires de minima sociaux supplémentaires. Pour ces personnes, madame la ministre déléguée, ce n’est pas de la communication !

Avec de telles prévisions, on comprend mieux l’empressement du Gouvernement à vouloir réformer l’assurance chômage et supprimer l’ASS !

Cette réforme injuste pénalise particulièrement celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt et qui occupent souvent les métiers les plus pénibles.

Dans notre pays, l’écart d’espérance de vie entre les 5 % des Français les plus riches et les 5 % des Français les plus pauvres est de treize ans. Il s’élève à sept ans entre un cadre et un ouvrier. Un quart des hommes les moins aisés décèdent avant l’âge de 62 ans et ne perçoivent donc pas leur retraite. Cette réforme fait abstraction de la question de la pénibilité, ce qui est d’autant plus préoccupant que quatre des dix critères de pénibilité ont été supprimés par les ordonnances Travail de Muriel Pénicaud.

Les travailleurs seniors sont particulièrement pénalisés, la grande majorité des personnes au chômage à l’âge de 60 ans n’ayant pas l’occasion de retrouver un emploi.

Alors que les mesures timides pour améliorer l’emploi des seniors ont été invalidées par le Conseil constitutionnel, le Gouvernement a choisi de reporter ce sujet à des négociations ultérieures, changeant ainsi l’ordre des priorités : d’abord une réforme drastique, puis des discussions sur la manière dont les personnes concernées pourront travailler deux années de plus.

Plutôt que d’encourager les entreprises à recruter ou à maintenir les seniors en poste, le Gouvernement multiplie les annonces de réduction des droits, notamment en matière de chômage, comme si le fait de rester sans emploi relevait d’un choix volontaire.

Les femmes sont également les grandes perdantes de cette réforme. En règle générale, elles atteignent plus souvent que les hommes la durée de cotisation requise à l’âge de 62 ans, en raison des majorations de durée d’assurance accordées pour la maternité et l’éducation des enfants.

Le report de l’âge légal à 64 ans les oblige à prolonger leur activité de deux années supplémentaires sans bénéficier d’avantages significatifs, tandis que les hommes sont souvent déjà contraints de travailler au-delà de 62 ans pour obtenir une retraite à taux plein et sont donc moins affectés par cette disposition.

En ce qui concerne l’une des principales mesures d’accompagnement de la réforme, consistant à augmenter de 100 euros le minimum contributif des régimes alignés et la pension majorée de référence (PMR) du régime des non-salariés agricoles, elle ne profite en réalité qu’à une infime partie des assurés.

En effet, seuls ceux qui ont cotisé tout au long de leur carrière au niveau du salaire minimum sont censés bénéficier de cette augmentation de 100 euros. Malheureusement, les bénéficiaires sont peu nombreux. Quelle déception pour ceux qui avaient cru en cette revalorisation !

Des solutions existent pour assurer la pérennité de notre système de retraite. La question des recettes ne doit pas être un tabou.

Selon les estimations de la direction de la sécurité sociale, une augmentation d’un point du taux de la cotisation patronale d’assurance vieillesse pourrait générer des recettes estimées à 6,8 milliards d’euros si elle ne touchait que l’assiette plafonnée.

Par ailleurs, la suppression partielle des allégements généraux de cotisations sociales, qui représentent une perte de près de 60 milliards d’euros de recettes pour la sécurité sociale en 2022, ou encore l’affectation de recettes fiscales supplémentaires au financement des retraites pourrait être envisagée.

À titre d’exemple, le Gouvernement a décidé, en 2020, de réduire les impôts de production de plus de 10 milliards d’euros, tandis que le remplacement de l’ISF par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) en 2018 a entraîné une perte de ressources d’environ 3 milliards d’euros.

Enfin, la création d’une taxe sur les superprofits – une proposition récemment soutenue par la présidente de l’Assemblée nationale – est une piste qui pourrait également être explorée.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain continue de s’opposer à cette réforme brutale aux effets délétères.

Je tiens donc à saluer le travail accompli par mon groupe, et tout particulièrement par ma collègue Monique Lubin, qui poursuit inlassablement le combat pour une plus grande justice au travail et pour la contribution à la solidarité nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Mme Marie-Do Aeschlimann applaudit.)

Mme Pascale Gruny. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, en voyant arriver sur le bureau du Sénat la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui, j’ai d’abord cru à une mauvaise plaisanterie. (Protestations sur les travées du groupe SER. – MM. Michel Canévet et Emmanuel Capus applaudissent.)

Mme Pascale Gruny. Nos collègues socialistes proposent en effet d’abroger purement et simplement la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, qui porte la dernière réforme des retraites.

Au-delà de l’affichage politique et dogmatique, prenons quelques minutes pour rappeler en quoi revenir sur cette réforme serait une folie.

Être parlementaire, mes chers collègues, c’est d’abord faire preuve de responsabilité. C’est être amené à prendre des décisions parfois déplaisantes, mais pourtant indispensables à la préservation de notre pacte social.

Lorsque l’on fait passer l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans, ce n’est pas pour sanctionner les Français. Il s’agit au contraire de s’assurer que leurs retraites et celles de leurs enfants seront financées.

Notre responsabilité n’est pas d’ignorer les difficultés ou de laisser à nos successeurs le soin de les régler. Au contraire, elle nous invite à regarder la situation en face et à lui apporter des réponses durables et justes.

Chacun sait ici que, pour financer les retraites, il y a trois voies possibles.

La première est de baisser les pensions des retraités. Nous nous y refusons, car, du fait de leur indexation sur l’inflation, le niveau de vie moyen des retraités devrait passer de 101 % du niveau de vie des actifs en 2019 à 85 %, voire 75 % en 2070.

La deuxième est d’augmenter massivement les cotisations ou la fiscalité. Nous nous y refusons également, car les prélèvements obligatoires représentent déjà 48 % de notre PIB, soit le record de la zone euro. Relever le taux de la cotisation patronale d’assurance vieillesse, comme le suggère Mme la rapporteure, accroîtrait le coût du travail et fragiliserait encore davantage la compétitivité des entreprises françaises.

M. Emmanuel Capus. Et voilà !

Mme Pascale Gruny. Je regrette que les syndicats patronaux n’aient pas été auditionnés, ce qui est révélateur du caractère très orienté et partial de cette démarche.

La troisième solution consiste à travailler un peu plus longtemps, en relevant l’âge légal de départ et la durée de cotisation.

M. Emmanuel Capus. Ça, c’est bien !

Mme Pascale Gruny. C’est la voie la plus raisonnable, celle que tous les autres pays ont choisie et que nous avons retenue, car nous vivons plus longtemps : depuis 1950, notre espérance de vie a progressé de quinze ans.

Rappelons qu’avant la réforme de 2023 l’âge légal de départ à la retraite de la France était l’un des moins élevés des pays de l’OCDE. Après le relèvement à 64 ans, il reste en dessous de celui de nombreux autres pays : il est de 65 ans en Belgique, à Chypre ou en Espagne, et s’élève même à 67 ans en Allemagne, en Italie ou au Danemark.

Je pose donc la question à nos collègues socialistes : pourquoi vous opposez-vous aujourd’hui au report de l’âge légal à 64 ans après l’avoir voté en 2014 ?

Faut-il vous le rappeler ? Même sans la réforme de 2023, l’âge moyen de départ à la retraite devait de toute façon atteindre les 64 ans dans le courant des années 2030 du fait des réformes allongeant la durée de cotisation,…

Mme Raymonde Poncet Monge. Il fallait laisser faire !

Mme Pascale Gruny. … à commencer par la réforme de Marisol Touraine de 2014, alors ministre du gouvernement socialiste de Jean-Marc Ayrault, sous la présidence de François Hollande. Visiblement, vous avez la mémoire courte !

Mme Corinne Féret. Pas du tout !

Mme Pascale Gruny. Aucune posture dogmatique ne permettra de régler la question démographique. Sans réforme, le ratio entre cotisants et retraités atteindra inexorablement 1,2 en 2070, contre 1,7 en 2020.

Au-delà de la question démographique, le contexte budgétaire paraît particulièrement mal choisi pour renoncer aux recettes générées par la réforme de 2023. Le rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 souligne que, malgré cette réforme, une dégradation de la trajectoire financière de la branche vieillesse s’annonce.

D’ici à 2027, le déficit de cette branche pourrait s’établir à 11,2 milliards d’euros en raison, notamment, du vieillissement démographique, du ralentissement de la croissance de la masse salariale du secteur privé et des difficultés financières du régime des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Et sans la réforme des retraites de 2023, le déficit de la branche vieillesse serait de 17,5 milliards d’euros en 2027.

Réformer les retraites, c’est donc empêcher une nouvelle dégradation des comptes publics. C’est aussi se donner la possibilité d’augmenter le taux d’emploi des seniors pour créer des recettes autres que des cotisations vieillesse pour un montant qui pourrait atteindre, selon la direction générale du Trésor, 15 milliards d’euros par an.

Enfin et surtout, en voulant abroger le texte de 2023, vous abrogez la réforme dans son intégralité, y compris tous les apports que le Sénat avait obtenus, parfois de haute lutte, et sur lesquels il paraît aujourd’hui inconcevable de revenir.

En abrogeant cette réforme, vous abrogez la création de l’assurance vieillesse des aidants, la revalorisation des minima sociaux, la création de la pension d’orphelin et de la surcote de 5 % pour les mères qui ont validé leur durée d’assurance.

Vous abrogez aussi les nouveaux droits en matière de carrières longues qui profitent déjà aux Français : à la fin de l’année 2023, 30 % des nouveaux retraités concernés par la réforme sont partis avant l’âge légal grâce à ce dispositif, contre 20 % fin 2022, selon la Caisse nationale d’assurance vieillesse.

Je pourrais aussi évoquer les apports visant à prendre en compte l’engagement des citoyens, comme l’octroi de trimestres pour les sapeurs-pompiers volontaires ou encore la possibilité pour les élus locaux de cotiser intégralement sur leurs indemnités. Je citerai enfin le renforcement de la lutte contre la fraude, avec notamment des contrôles biométriques de l’existence des pensionnés résidant à l’étranger mis en place à compter de la fin de l’année 2023.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, la réforme telle que nous l’avons votée est la seule voie possible pour sauver notre système de retraite. Bien sûr, elle n’est pas parfaite. Nous aurions voulu aller plus loin, notamment sur l’emploi des seniors. Mais n’oublions pas tout le travail réalisé par le Sénat pour améliorer la version initiale du Gouvernement.

Plutôt que de vouloir abroger cette réforme et imaginer des scénarios alternatifs non réalistes, concentrons nos efforts sur une nouvelle loi Travail et sur l’accompagnement des salariés, en améliorant la prévention en matière de santé et la sécurité, afin que ceux-ci soient toujours en bonne santé au moment de prendre leur retraite.

Pour conclure, cette proposition de loi est symptomatique du décalage entre les discours de la gauche française et la réalité du monde dans lequel nous vivons. À chaque fois qu’elle s’est retrouvée au pouvoir, elle a, par ses réformes, laissé croire aux Français qu’ils pourraient travailler moins longtemps, à rebours de tous les autres pays ayant une économie comparable.

Cela a commencé avec l’abaissement de l’âge de départ à la retraite de 65 à 60 ans voulu par François Mitterrand. Cela a continué sous le gouvernement de Lionel Jospin avec les 35 heures de Mme Aubry, une idée tellement lumineuse qu’aucun autre pays au monde n’en a voulu ! (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Le groupe Les Républicains ne laissera pas dénaturer la réforme de 2023, car ce serait mettre en péril le retour à l’équilibre de notre système de retraite. Notre principal objectif est bien de sauver notre régime par répartition et de garantir ainsi à nos concitoyens que le pacte social conclu après-guerre restera toujours bien vivant.

Pour toutes ces raisons, je vous invite, comme l’a fait la commission des affaires sociales, à rejeter massivement ce texte.

Mes chers collègues, vous arrive-t-il de rencontrer des jeunes ? Pour ma part, cela me fait vraiment mal au cœur de les entendre dire qu’ils ne toucheront jamais de retraite. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, deux ans après avoir fait réélire Emmanuel Macron, les socialistes semblent vouloir se racheter auprès de nos compatriotes en proposant un texte certes salutaire, mais dont ils savent qu’il n’aura aucune chance de l’emporter, ici comme à l’Assemblée nationale.

La gauche semble tout d’un coup prise d’un certain remords. Pour autant, ce petit coup parlementaire ne saurait tromper personne et les classes populaires ont compris depuis longtemps ce qu’il en était.

Quant à la droite, nous regrettons qu’elle se soit ralliée aux discours trompeurs des think tanks libéraux, notamment au fameux argument « tarte à la crème » selon lequel, puisque l’on vit plus longtemps, on doit travailler plus longtemps, en omettant toujours de dire que l’on ne vit pas plus longtemps en bonne santé, d’autant que la pénibilité a été, comme les carrières longues, la grande absente des débats l’année dernière ; le fils d’ouvrier, petit-fils et arrière-petit-fils de mineur que je suis ne peut que le déplorer !

La majorité sénatoriale appelle à la responsabilité, nous dit que la situation financière dramatique impose un effort de nos compatriotes, mais, vous vous en doutez, si nous partageons ce constat, nos solutions d’économies sont grandement différentes et le recul de l’âge de départ à la retraite n’en fait pas partie.

Pour finir ce tour d’horizon des responsabilités respectives, nous ne pouvons oublier le Gouvernement, naturellement. Alors qu’il a été porté au pouvoir sur une promesse de sérieux et de bonne gestion financière, la réalité a malheureusement éclaté au grand jour. Notre système de retraites n’a pas été sauvé par cette réforme. Pis, le Conseil d’orientation des retraites prévoit d’ores et déjà un déficit du système de retraites pour 2027, annonçant une réforme de plus grande ampleur et des économies supplémentaires, soit un nouveau tour de souffrances pour nos compatriotes. Pour autant, reconnaissons à Emmanuel Macron qu’il n’a trahi personne avec cette réforme ; il l’avait annoncée dans son programme en 2022 et tous ceux qui l’ont soutenu ici l’ont fait en connaissance de cause.

Des économies à faire, il y en a. En premier lieu, nous pourrions nous attaquer au coût, sans cesse plus lourd, de l’immigration et de l’insécurité ou à la contribution nette, beaucoup trop nette, au budget de l’Union européenne. Alors, de grâce, cessons de vouloir saigner toujours plus nos compatriotes ! Si nous ne défendons pas un fumeux « droit à la paresse », nous défendons un droit au repos après des décennies de travail et de contribution aux finances de la France. La retraite, socle de notre pacte social, doit être profondément réformée. Il faut davantage soulager ceux de nos compatriotes qui effectuent les carrières les plus pénibles.

La proposition présidentielle de Marine Le Pen reste donc toujours valable. Toutes les personnes qui auront commencé à travailler avant 20 ans pourront partir à la retraite à partir de 60 ans si elles ont 40 annuités de cotisation. Ceux qui ont commencé progressivement, après 20 ans, iraient jusqu’à l’âge de 62 ans. Voilà une réforme juste, nécessaire et utile pour nos compatriotes !

C’est la raison pour laquelle nous voterons cette proposition de loi, justement parce que nous ne sommes pas sectaires : dès lors qu’un texte nous semble aller dans le sens des intérêts des compatriotes, nous le votons, même quand nous en combattons les auteurs et en dénonçons l’hypocrisie. (M. Joshua Hochart applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Mme Corinne Bourcier et M. Martin Lévrier applaudissent.)

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la réforme des retraites de 2023, décalant l’âge de départ à 64 ans, a été perçue par beaucoup de nos concitoyens comme une contrainte ; 70 % d’entre eux s’y opposaient et les syndicats ont suscité une forte mobilisation des travailleurs.

La commission des affaires sociales avait modifié de nombreux articles de ce texte, pourtant, afin d’atténuer certaines de ses mesures et, surtout, de prendre en compte les carrières longues et pénibles, mais aussi la carrière hachée des femmes. Elle y avait ajouté le droit à des trimestres supplémentaires pour les aidants, les sapeurs-pompiers ou encore les emplois de travaux d’utilité collective (TUC). Ces améliorations ont permis que ce projet de loi soit adopté.

Faut-il aujourd’hui la remettre en cause ? En 2021, le COR et la Drees ont dessiné des perspectives de déficit de 10 milliards d’euros par an à partir de 2026, et de 20 milliards d’euros par an à partir de 2030. Ces prévisions étaient inférieures à celles de beaucoup d’économistes. Si rien n’est fait, le déficit va augmenter, car le nombre de retraités passera de 17 millions en 2020 à 21 millions en 2035. Et le nombre de cotisants par retraité diminue, passant de 1,7 en 2020 à 1,3 en 2050. Le coût des retraites atteint presque 15 % du PIB et représente un quart des dépenses publiques.

Il faut aussi rappeler que les cotisations versées par l’État employeur, dans le cadre de la convention d’équilibre permanent des régimes, représentent 74 % des salaires des fonctionnaires civils et davantage pour les régimes spéciaux ; pour les collectivités et les hôpitaux, elles représentent 31 % des salaires, contre 16,5 % dans le secteur privé.

Dans le secteur privé, cela dit, l’État subventionne également les exonérations de cotisations qui ont remplacé le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui avait été créé par le gouvernement de François Hollande – le bon sens corrézien ! – pour rendre nos entreprises plus compétitives. Grâce à ces exonérations, des entreprises ont été créées et le taux de chômage a été ramené de 9,6 % à 7,5 %.

Il faut poursuivre dans ce sens, mais le budget de notre pays, avec 3 000 milliards d’euros de dette et 5,5 % de déficit en 2023, peut-il subventionner davantage les retraites et les entreprises ? Nous voyons bien que non.

Mme Touraine, ministre du travail dans le gouvernement de François Hollande, et le parti socialiste lui-même, ont bien compris en 2015 les difficultés qui existaient pour équilibrer les retraites et ils ont voté une loi allongeant la durée de cotisation à 43 ans pour bénéficier d’une retraite complète : pour un début de carrière à 21 ans, le départ était fixé à 64 ans.

Les partenaires sociaux doivent être davantage intégrés dans les réflexions et les actions. Pour cela, nous devons revenir à ce que le Sénat avait adopté et rétablir les quatre critères de pénibilité supprimés en 2017, mais en les adaptant à la réalité. Nous devons garantir que les travailleurs seniors ne soient pas dans la précarité et puissent continuer un travail adapté, grâce à des CDI de fin de carrière, à du temps partiel compensé, à du tutorat, à des retraites anticipées ou progressives, et avec davantage de prévention au travail, une formation accentuée et, enfin, l’augmentation des petites retraites.

En France, 57 % des travailleurs âgés de 55 à 64 ans sont en emploi, contre 72 % en Allemagne. L’objectif est donc d’augmenter le nombre de cotisants de 10 %, afin d’équilibrer le régime des retraites en 2030.

Mes chers collègues, développer l’emploi des seniors sans précarité pour eux, afin d’équilibrer le régime et de maintenir les retraites par répartition, devrait être un objectif social commun pour nos enfants et l’avenir de la France. Cet objectif est visé par notre pays. Nous ne voterons donc pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Irrecevabilité

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement.

Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, en application de l’article 40 de la Constitution, selon lequel « [l]es propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique », le Gouvernement considère que la proposition de loi d’abrogation de la réforme des retraites portant l’âge légal de départ à 64 ans, présentée par Mme Monique Lubin et plusieurs de ses collègues, n’est pas recevable et ne peut donc pas être soumise à discussion.

Mme Annie Le Houerou. Refus de débattre !

Mme Émilienne Poumirol. Encore une fois !

M. le président. Mes chers collègues, conformément à l’article 45, alinéa 4, de notre règlement, le Gouvernement soulève à l’encontre de la présente proposition de loi une exception d’irrecevabilité fondée sur l’article 40 de la Constitution. En application de l’article 45 du règlement du Sénat, l’irrecevabilité est admise de droit et sans débat si elle est affirmée par la commission des finances.

La parole est à M. le vice-président de la commission des finances.

Mme Émilienne Poumirol. M. Kanner avait demandé la parole avant !

M. Stéphane Sautarel, vice-président de la commission des finances. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en tant que vice-président de la commission des finances, je vous annonce que notre commission va se réunir dès à présent pour se prononcer sur cette question. Je sollicite à cet effet une suspension de séance de quinze minutes.

Rappels au règlement

M. le président. Avant de suspendre la séance, je donne la parole à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Kanner. Un rappel au règlement est prioritaire sur tout autre élément de procédure, monsieur le président…

La messe est dite, mesdames les ministres ! Il y a bien deux poids et deux mesures dans votre appréciation.

Voilà quelques semaines, ici même, M. Mouiller présentait une proposition de loi dont l’adoption créerait une charge publique, puisqu’elle portait sur les retraits agricoles. Ce texte était assorti du même gage exactement que celui que nous avons présenté. Et là, pas d’article 40 ! Deux poids, deux mesures, vous disais-je…

Voilà quelques jours, le 2 avril dernier, vous avez promulgué une loi visant à pérenniser les jardins d’enfants gérés par une collectivité publique ou bénéficiant de financements publics, assortie également du même gage. Là encore, le texte a été adopté, mais il a même été promulgué !

Donc, oui, il y a deux poids, deux mesures, et cette proposition de loi, que nous avons portée et qu’a défendue Mme Canalès, rapporteure, tout comme Mme Lubin, son auteure, en pâtit.

Mesdames les ministres, vous voulez, avec le soutien de la majorité sénatoriale, nous donner des leçons, mais, quand on a 3 100 milliards d’euros de dettes, quand on a un déficit qui dépassera, en 2024, 5 % du PIB, quand on présente un budget insincère, quand on refuse au Parlement un projet de loi de finances rectificative (PLFR), quand on lui refuse même un débat au titre de l’article 50-1 de la Constitution sur la situation budgétaire du pays, on n’a pas de leçons à donner, permettez-moi de vous le dire.

Vous avez décidé d’arrêter ce débat. Pourtant, il aurait pu être intéressant, susciter des échanges avec nos amis, nos partenaires, nos collègues de la droite… Le climat se dégrade, notamment à l’encontre des parlementaires, mais sachez que nous saurons nous en souvenir et pour longtemps. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. MM. Joshua Hochart et Christopher Szczurek applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour un rappel au règlement.

Mme Céline Brulin. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 32 bis de notre règlement.

Certes, l’invocation de l’article 40 par le Gouvernement impose une réunion de la commission des finances. Elle pourrait même, je pense, compte tenu du sujet, susciter une réunion de la commission des affaires sociales.

Néanmoins, je rappelle que ce texte est débattu dans le cadre de l’espace réservé d’un groupe et que le Sénat tout entier a accepté d’inscrire cette proposition de loi dans cet espace réservé. Je pense que l’examen de ce texte est nécessaire, ne serait-ce que pour tirer un premier bilan de la réforme des retraites. Effectivement, celle-ci fait débat, ce qui est parfaitement légitime. L’amélioration de la retraite des femmes, nos collègues ont dit tout à l’heure ce qu’il en était ; l’amélioration du taux d’emploi des seniors, qui devait accompagner cette réforme des retraites, nous voyons aujourd’hui ce qu’il faut en penser ; la revalorisation des petites pensions atteint 30 euros en moyenne, loin de ce qui avait été annoncé.

Alors, madame la ministre, vous nous donnez des leçons de responsabilité et de sérieux budgétaire sur un ton péremptoire. (Mme la ministre déléguée sen défend.) Pardon, mais ce gouvernement n’est pas en mesure de donner de leçons à qui que ce soit ici en la matière ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

J’alerte la majorité sénatoriale, qui est elle-même délégitimée par cette intervention du Gouvernement,…

Mme Céline Brulin. … puisque, je le répète, c’est le Sénat qui a accepté de mettre ce débat à l’ordre du jour.

Nous avons adopté ensemble, ici, un certain nombre de propositions de loi à l’unanimité, par exemple celle qui est devenue la loi du 30 décembre 2023 visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie ou encore la proposition de loi visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien. Nous avions aussi débattu de la proposition de loi visant à protéger les collectivités territoriales de la hausse des prix de l’énergie en leur permettant de bénéficier des tarifs réglementés de vente de l’énergie. (Plusieurs sénateurs des groupes UC et Les Républicains frappent leur pupitre pour signifier à loratrice que son temps de parole est écoulé.)

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Céline Brulin. Hier encore, nous avons débattu d’une proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l’exercice du droit de grève ; pour notre part, nous l’avons combattue, mais il était légitime qu’elle soit examinée dans cet hémicycle.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Céline Brulin. J’espère que nous saurons tous, d’une même voix, défendre ce droit d’initiative parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER ; Mme Monique de Marco applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour un rappel au règlement.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 38 bis de notre règlement, relatif à l’organisation de nos travaux.

Le Gouvernement invoque l’article 40 de la Constitution pour déclarer irrecevable la présente proposition de loi.

Le président de la commission des finances sait pourtant que, dans le cadre d’un espace réservé, l’interprétation de l’article 40 est souple, afin de permettre le débat sur des textes proposés par les groupes minoritaires. Nous défendons ici, au-delà de la « niche » de nos collègues socialistes, le droit d’initiative parlementaire, prévu à l’article 45 de la Constitution.

Jusqu’à présent, au Sénat, les propositions de loi étaient protégées de l’épée de Damoclès de l’article 40. Si celles des groupes minoritaires sont désormais déclarées irrecevables, nous ne pourrons plus débattre au Sénat de textes tels que la proposition de loi d’André Chassaigne devenue la loi du 17 décembre 2021 visant à assurer la revalorisation des pensions agricoles les plus faibles ou comme la proposition de loi de Philippe Mouiller visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles.

Si l’on applique strictement l’article 40, alors le Parlement peut directement s’autodissoudre. Nous connaissons l’état des rapports de force au Sénat, donc nous connaissons déjà l’issue d’un vote sur l’abrogation de la réforme des retraites. Dès lors, pourquoi voulez-vous empêcher le débat et le vote du Sénat ? (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour un rappel au règlement.

Mme Laurence Rossignol. J’ai entendu beaucoup de critiques, depuis le début de ce débat, sur le fait que nous ayons déposé cette proposition de loi. La première relevait en particulier le fait que ce texte était « politique ». Mais, chers collègues, faisons-nous au moins le crédit de dire que nous faisons beaucoup de propositions de loi politiques et que celles-ci ne viennent pas uniquement de nos travées, puisque bon nombre d’entre elles sont issues du côté droit de l’hémicycle. Assumons donc de faire de la politique ! Ne serait-ce que, pour ce qui nous concerne, pour pouvoir nous adresser aux 70 % de Français qui étaient opposés à cette réforme, à ceux qui étaient dans la rue, et qui, depuis un an, digèrent très difficilement ce qui s’est passé l’année dernière.

Madame la ministre, vous avez brandi l’article 40. Enfin, ce gouvernement dialogue avec le Parlement et prend une initiative ! Depuis trois mois que le Premier ministre a été nommé, vous n’avez adopté en Conseil des ministres et soumis au Parlement, je crois, qu’un seul projet de loi : celui qui portait sur la Nouvelle-Calédonie. Nous avons débattu du texte relatif à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), mais il datait du gouvernement précédent.

Ainsi, puisque le Gouvernement n’assume pas sa fonction d’initiative des projets de loi, nous déposons des propositions de loi et nous les faisons dans l’intérêt des Français, dans l’intérêt des salariés, et ceux-ci en ont bien besoin ! Qu’il s’agisse de votre réforme des retraites, de la réforme que vous préparez sur l’assurance chômage, ou de celle que le ministre de la fonction publique prépare contre la fonction publique, il y a vraiment besoin, dans ce pays, de faire de la politique pour parler aux couches populaires ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour un rappel au règlement. (Marques dexaspération sur les travées du groupe SER.)

M. Emmanuel Capus. Je souhaite à mon tour faire un rappel au règlement en application de l’article 36, et je vise pour cela l’article 45 du règlement ; certains oublient qu’il faut viser une disposition précise du règlement lors d’un rappel au règlement…

Je veux rassurer mes collègues : nous venons de terminer le débat. Il ne faut pas dire qu’il n’y aura pas de débat, puisque nous venons de l’avoir et que chaque orateur s’est exprimé ! (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

Je partage l’avis de Daniel Chasseing : la réforme des retraites était indispensable pour sauvegarder les retraites des Français. Il ne faut pas dire n’importe quoi en prétendant que le débat serait interdit : nous venons de l’achever et il ne reste qu’à voter sur un article unique, sur lequel aucun amendement n’a été déposé. Dire aux Français qu’on nous prive de débat, c’est n’importe quoi !

Sur le fond, il ne faut pas dire non plus n’importe quoi. (Vives protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.) Le Gouvernement demande simplement que la commission des finances examine la recevabilité de ce texte. Mes collègues commissaires et moi-même allons nous réunir et nous verrons ce que décide la commission. Ne soyez pas défaitistes à ce point ! La commission des finances regardera si ce texte crée une dépense, ou non. S’il en crée, il sera déclaré irrecevable. Sinon, nous reprendrons l’examen de son article unique, qui supprime la réforme des retraites et tous les avantages que celle-ci avait octroyés à un ensemble de Français.

Par conséquent, pas de panique : ayez confiance en vos collègues de la commission des finances. Celle-ci va se réunir et tout va bien se passer. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour un rappel au règlement.

M. Thomas Dossus. Mon cher collègue, il y a des sénateurs qui ne sont pas membres de la commission des finances et qui aimeraient bien s’exprimer sur les manœuvres du Gouvernement visant à fuir le débat.

Je ne reviens pas sur les conditions baroques du débat sur la réforme des retraites, il y a un an : le Gouvernement avait choisi un véhicule législatif qui contraignait extrêmement la discussion, ce qui nous a empêchés d’aller au bout de tout ce nous voulions dire sur le sujet.

Le Gouvernement a peur de s’exposer sur le fiasco de sa gestion budgétaire. Il a peur de débattre avec le Parlement, puisqu’il ne dépose pas de projet de loi de finances rectificative, alors même qu’il a besoin de faire des économies, après s’être largement planté dans ses prévisions budgétaires.

Aujourd’hui, il veut une nouvelle fois esquiver le débat au Parlement, esquiver le vote. C’est évidemment scandaleux. Soyons clairs : en laissant le Gouvernement mettre fin au débat sur une proposition de loi examinée dans le cadre d’une niche, nous exposons toutes les niches futures à ce genre de manœuvre. D’ailleurs, un certain nombre d’initiatives parlementaires, y compris venant des rangs de la droite – quasiment toutes, en fait –, auraient pu y être exposées. Nous allons ancrer une jurisprudence dangereuse pour l’initiative parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour un rappel au règlement.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vise l’article 45, alinéa 4, du règlement.

Voici l’énième acte d’autoritarisme de ce gouvernement, qui se dérobe en utilisant l’article 40 de la Constitution. Nous souhaitons aller jusqu’au bout du débat, jusqu’au vote, après une discussion, argument contre argument.

Il est tout de même curieux que votre gouvernement invoque l’article 40, mesdames les ministres. Nous avons été une majorité, ici, à qualifier votre budget d’insincère. Vous soulevez l’article 40 contre cette proposition de loi alors que vous vous êtes vous-même corrigés, sans même nous laisser intervenir, en décidant par décret de réduire les dépenses de 10 milliards d’euros. Et voilà que vous recourez abusivement à l’article 40, après avoir abusé, c’est peu de le dire, de l’article 49.3. Et vous l’avez fait aussi à l’Assemblée nationale.

Vous nous répétez qu’il faut dire la vérité aux Français, ne pas être dans la polémique ou l’opposition stérile. Je suis membre de la commission des finances – je vais participer à sa réunion – et je l’affirme : on peut créer de nouvelles dépenses fiscales ou élargir des niches fiscales existantes sans que l’article 40 soit invoqué, même lorsque l’État ou la sécurité sociale voient leurs recettes diminuer. Voilà la vérité : malgré l’article 40, des dizaines de milliards d’euros de crédits peuvent être reportés, de même qu’il est possible de mettre en réserve une partie des crédits budgétaires. J’ai assisté à la séance de questions d’actualité au Gouvernement cet après-midi : à la faveur d’une question posée au ministre Cazenave, j’ai appris qu’il y avait un matelas de 7 milliards d’euros pour imprévus ! (Mme la ministre déléguée minimise.)

Franchement, il faut aller au bout du débat et respecter cette initiative parlementaire. Il y a eu assez de manque de respect vis-à-vis de la population, qui était majoritairement opposée à cette réforme, et vis-à-vis des parlementaires. Allons au bout du débat, celui-ci sera apaisé, respectueux et tout le monde aura sa légitimité pour donner son avis. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des finances.

M. Stéphane Sautarel, vice-président de la commission des finances. Tous mes collègues l’auront bien compris, mais je le précise : je me prononçais non sur le fond, mais sur la forme. Le règlement prévoit, dans ce cas, un renvoi à la commission des finances. L’examen de la recevabilité de la proposition de loi relève non d’une décision personnelle du président ou du vice-président de la commission des finances, mais de la commission elle-même. (M. Patrick Kanner ladmet.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quinze minutes.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Irrecevabilité (suite)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application de l’article 45 du règlement du Sénat, l’irrecevabilité est admise de droit et sans débat si elle est affirmée par la commission des finances.

Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Stéphane Sautarel, vice-président de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des finances s’est réunie et a estimé que la proposition de loi était irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

M. le président. En conséquence, la proposition de loi d’abrogation de la réforme des retraites portant l’âge légal de départ à 64 ans est déclarée irrecevable.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi d'abrogation de la réforme des retraites portant l'âge légal de départ à 64 ans
 

6

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le service civique
Article 1er

Service civique

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du Socialiste, Écologiste et Républicain, de la proposition de loi visant à renforcer le service civique, présentée par M. Patrick Kanner et plusieurs de ses collègues (proposition n° 600 [2022-2023], texte de la commission n° 497, rapport n° 496).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Kanner, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que notre nation est fragilisée par le poids des crises à répétition, le socle même de notre République, le lien social, est aujourd’hui mis à l’épreuve. C’est dans ce contexte tumultueux que je m’adresse à vous comme législateur, mais aussi comme défenseur d’une génération en quête de sens, de direction et surtout d’actions concrètes.

La jeunesse française, animée par un désir d’engagement, pleine d’idéaux et de causes à défendre, se heurte pourtant à un mur de frustrations en raison d’un manque de possibilités et de moyens, ainsi que d’une confiance en l’avenir érodée. Devant cette réalité, des questions demeurent. Comment allons-nous répondre à l’appel de nos jeunes ? Sommes-nous prêts à transformer leur aspiration en une force motrice pour notre République ?

La réponse – j’en suis convaincu, mes chers collègues – réside en partie dans le renforcement du service civique. Avec plus de 780 000 jeunes accompagnés depuis sa création, le succès du dispositif ne fait plus aucun doute.

Une telle réussite n’est pas le fruit du hasard. Elle résulte, certes, du nombre d’engagés, mais aussi, et surtout, des valeurs et compétences que le service civique promeut : la solidarité, la conscience collective, la diversité des expériences sociales ainsi que le développement d’aptitudes favorisant l’insertion professionnelle. Ces aspects, qui sont au cœur de son action, en font un pilier essentiel dans le tissu socio-éducatif de notre pays.

Au fil des ans, le service civique s’est révélé être un vecteur d’orientation pour les jeunes, leur offrant souvent les clés pour affiner leur projet de vie professionnelle. Il a été négligé depuis 2017 au profit d’un dispositif inspiré de la culture militaire (Mme la ministre déléguée sesclaffe.), par ailleurs tout à fait respectable. Pour notre part, nous préférons vous proposer un dispositif citoyen, ancré dans l’éducation populaire. Laissons derrière nous la nostalgie pour redynamiser ce dispositif éprouvé et transpartisan. Il est essentiel de se souvenir que l’engagement doit résulter d’un choix personnel. Celui-ci ne doit pas être imposé par le Gouvernement ; il doit émerger spontanément, comme le fruit d’une décision individuelle.

Dans le contexte actuel de tensions, exacerbées par une jeunesse désorientée parfois jusqu’à l’extrême, comme l’ont cruellement illustré les émeutes de juillet dernier, il devient essentiel de revitaliser le service civique.

Dès 2022, notre collègue Stéphane Piednoir avait qualifié le service civique d’« école de l’engagement citoyen à davantage valoriser ». (M. Stéphane Piednoir acquiesce.) Animé par cette conviction, j’ai conçu une proposition de loi ambitieuse, articulée autour de cinq axes stratégiques, visant à augmenter considérablement l’attractivité et l’impact de ce dispositif. Mon objectif, qui est aussi celui du groupe socialiste, est clair : transformer positivement l’accès, la visibilité et la valeur de cet engagement dans la vie de nos jeunes.

Premièrement, en élargissant l’accès au service civique jusqu’à 30 ans, nous ouvrons grand les portes de l’engagement. Cependant, étant conscient des questionnements autour d’une telle démarche, je salue la proposition pragmatique de Mme la rapporteure Sylvie Robert, qui limite cet élargissement à 27 ans, comme un premier pas mesuré et prometteur. Mais la recherche permanente du compromis m’amènera à vous proposer que l’élargissement puisse être expérimenté pour une période de trois ans.

Deuxièmement, diversifier les structures d’accueil en y incluant les institutions de la République, c’est offrir une pluralité d’engagements possibles, garantissant ainsi à chaque jeune de trouver une mission qui lui ressemble. Si la présente proposition de loi prospère, le Sénat, l’Assemblée nationale et le Conseil économique, social et environnemental (Cese) pourront recevoir des jeunes en service civique.

Troisièmement, lutter contre l’invisibilité du service civique m’a amené à ériger sa promotion en mission nationale au sein de nos structures éducatives. Intégrer la possibilité d’effectuer un service civique au cœur du parcours académique, grâce à une année de césure assortie de la promesse d’un retour garanti en formation, marque un pas significatif vers une incorporation harmonieuse de ce dispositif dans nos trajectoires éducatives.

Quatrièmement, revaloriser l’indemnité du service civique, qui reste largement en dessous du seuil de pauvreté, constitue une mesure de bon sens et un signal fort de notre engagement envers la jeunesse. Rappelons-nous que les 18-25 ans sont les plus exposés à la précarité. L’indemnité actuelle de 620 euros, avec 505 euros à la charge de l’État et 115 euros à la charge de l’organisme d’accueil, constitue un frein majeur pour de nombreux jeunes issus de milieux défavorisés. Une revalorisation de cette indemnité est impérative, afin de permettre à toutes les personnes désireuses de s’engager de le faire sans craindre pour leur subsistance financière. Cette problématique étant délaissée par l’exécutif pour des raisons comptables – je n’y reviens pas, cela a déjà été évoqué –, il nous incombe, à nous parlementaires, de prendre nos responsabilités pour permettre à toute cette génération de s’engager dignement.

Cinquièmement, valoriser cet engagement dans les parcours académiques et professionnels, comme Parcoursup ou encore les concours de la fonction publique, c’est donner de la valeur à l’engagement et envoyer un message clair : la République reconnaît, valorise et récompense le service qu’ont rendu de jeunes citoyens.

Mes chers collègues, ce que vous propose le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, ce n’est pas seulement une réforme, c’est un appel à l’action, un appel à donner à notre jeunesse les moyens de s’engager !

Je suis conscient que, malgré cette initiative législative, de nombreux défis restent à relever. Des interrogations subsistent, y compris au sein de mon camp politique au sens large.

Originellement imaginé comme un engagement accessible à tous, sans exigence de compétences spécifiques, le service civique se trouve désormais à la croisée des chemins. Les pratiques condamnables telles que l’emploi déguisé ou la sélection sur compétences menacent son intégrité et son objectif d’inclusion, favorisant ainsi une certaine forme d’élitisme au détriment de la diversité sociale.

Pour prévenir de telles dérives, il est vital, madame la ministre, d’accentuer à l’avenir les contrôles opérés par l’Agence du service civique, ainsi que par l’inspection de travail. De plus, un renforcement du soutien aux structures d’accueil et aux tuteurs, via une formation adéquate, un accompagnement continu et une augmentation des ressources financières et humaines à leur disposition est nécessaire pour assurer un encadrement de qualité pour les volontaires, dans le respect des principes fondateurs du service civique.

En outre, aujourd’hui, l’objectif de mixité sociale se heurte à une réalité d’exclusion économique. À défaut d’une hausse de l’indemnité – pour être clair, je préfère qu’un jeune de 25 ans demande à effectuer une mission de service civique plutôt qu’à percevoir le revenu de solidarité active (RSA) –, que le Gouvernement et la majorité sénatoriale voient manifestement d’un mauvais œil, des mesures complémentaires telles que la prise en charge des frais de transport ou l’attribution d’un logement étudiant pourraient être envisagées pour éliminer les barrières matérielles à l’engagement.

Seule une détermination continue à améliorer et à élargir le service civique fera de ce dispositif un véritable instrument d’émancipation et d’intégration sociale pour tous les jeunes, quelles que soient leur origine ou leur situation économique. Le service civique est une politique publique vertueuse.

Mes chers collègues, l’heure est venue d’agir avec courage et conviction. Faisons du service civique la pierre angulaire d’une République bienveillante et empathique, une République qui écoute, qui inspire et qui valorise de jeunes citoyens. Unissons-nous pour transformer le service civique en un pilier de notre cohésion nationale, un catalyseur pour une génération prête à affronter positivement les défis si lourds de notre époque. C’est bien ensemble que nous bâtirons une France plus forte, plus unie et infiniment plus inclusive, en faisant confiance aux jeunes générations ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Henri Cabanel applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Sylvie Robert, rapporteure de la commission de la culture, de léducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une « école de l’engagement citoyen à davantage valoriser » : telle est la description du service civique faite de manière consensuelle par la mission d’information visant à renforcer la culture citoyenne de nos collègues Henri Cabanel et Stéphane Piednoir.

Depuis la création du service civique, le nombre de volontaires n’a cessé de progresser. Après une phase d’expansion entre 2010 et 2017, le nombre annuel de missions se stabilise désormais autour de 80 000 par an.

Au-delà de ces chiffres, le service civique a su trouver sa place en tant que politique publique en faveur à la fois de la jeunesse et de l’engagement. Il a su convaincre également au sein de la classe politique, je tiens à le signaler : le service civique, issu d’une proposition de loi sénatoriale, traverse les courants politiques. Il a été mis en place sous la présidence de Nicolas Sarkozy, est monté en puissance sous celle de François Hollande et a été officiellement intégré au sein du dispositif « 1 jeune, 1 solution » par Emmanuel Macron.

Chaque année, ce sont des jeunes aux parcours très différents en termes d’âge, de diplôme, de situation ou d’origine qui deviennent volontaires. Cette variété des profils témoigne de la capacité du dispositif à remplir sa mission d’accueil de la jeunesse dans sa diversité pour constituer un moment de mixité sociale et d’engagement au service des autres.

La proposition de loi de M. Kanner et du groupe socialiste vise à renforcer le service civique. Je salue cette initiative, qui va permettre au Sénat de souligner, de manière transpartisane – j’en suis convaincue –, l’utilité du dispositif, dans un contexte budgétaire qui s’annonce en revanche compliqué pour l’Agence du service civique : l’annulation de 100 millions d’euros de crédits est en effet évoquée…

Au-delà de ces perspectives budgétaires inquiétantes, de multiples obstacles subsistent, auxquels cette proposition de loi souhaite répondre.

Tout d’abord, cette forme d’engagement est encore trop souvent méconnue des jeunes.

Au cours de ses travaux, la commission de la culture a sécurisé le mécanisme de césure pour les jeunes en prévoyant dans la loi le droit de réintégrer la formation dans laquelle ils étaient inscrits avant leur mission. En effet, le service civique intervient le plus souvent lors des études supérieures, l’âge moyen des volontaires étant de 21 ans.

En revanche, elle a supprimé l’obligation d’intégrer cet engagement parmi les critères devant être pris en compte dans l’examen des candidatures dans les filières sélectives. Cela, vous l’imaginez, risquait de créer une rupture d’égalité.

Autre obstacle identifié, l’indemnité, dont le montant constitue parfois un frein pour le jeune en situation précaire. Un premier effort a été fait voilà quelques mois pour porter l’indemnité à 620 euros, soit un montant supérieur au RSA. En accord avec l’auteur du texte, qui souhaite une augmentation supplémentaire de celle-ci, j’ai proposé à la commission de l’aligner sur la rémunération touchée par un jeune de 18 ans en première année d’alternance. Nous aurons, je l’imagine, l’occasion d’en débattre en séance.

La commission est en revanche revenue sur l’allocation de fin de contrat. Elle estime que celle-ci fait doublon avec les droits acquis au titre du compte d’engagement citoyen (CEC) dont bénéficie tout volontaire effectuant une mission de six mois minimum. Afin de tenir compte de la spécificité du service civique et des volontaires, qui sont très souvent des étudiants ou des jeunes en reprise d’études, nous avons étendu au paiement des frais d’inscription en formation initiale les droits acquis dans le CEC au titre du service civique.

Autre point important, le texte ouvre la voie à une aide financière renforcée pour la structure d’accueil en fonction du diplôme, de l’origine ou encore d’une situation de handicap du volontaire accueilli. C’est une forme d’encouragement des structures à choisir des jeunes au profil plus atypique.

C’est également dans cette optique que le texte initial prévoyait de porter à 30 ans l’âge plafond pour effectuer un service civique. Cette disposition a fait débat lors de nos travaux en commission.

Pour maintenir l’équilibre fragile entre politique en faveur de l’engagement et outil d’insertion professionnelle, j’ai proposé à la commission de porter l’âge limite à 27 ans, soit deux ans de plus que l’âge actuel. Je suis certaine que le débat se poursuivra tout à l’heure lors de l’examen des articles !

Les auteurs du texte souhaitent également renforcer la formation des jeunes volontaires. La commission a inséré une disposition afin que ces formations soient réalisées par un organisme accrédité spécifiquement pour cela. Elle a aussi porté à trois le nombre de jours de formation obligatoire.

Le texte ouvre également la voie à tous les organismes agréés pour faire de l’intermédiation. Cette possibilité, qui permet à une structure de porter juridiquement le service civique et de mettre à disposition le volontaire au profit d’une autre structure, souvent plus petite, est actuellement réservée aux associations.

Avec ce texte, une intercommunalité pourra par exemple prendre en charge un service civique au profit des communes ou des associations de son territoire. Cette mesure est de nature à faciliter le développement du service civique auprès de petites structures et dans les territoires ruraux.

Le texte vise ensuite à mieux valoriser le service civique. Au nom du principe d’égal accès aux emplois publics, la commission a substitué à la prise en compte d’un service civique dans les épreuves d’admissibilité des concours externes une possibilité pour les statuts particuliers de permettre aux anciens volontaires de bénéficier d’une dérogation aux conditions de diplôme ou de titre pour s’inscrire à ces concours. Pour le troisième concours, elle a remplacé la création d’une voie spécifique pour les anciens volontaires par une prise en compte de la durée du service civique dans le calcul de la durée d’expérience professionnelle exigée.

Le service civique est ainsi pris en compte de la même manière que les contrats d’apprentissage ou de professionnalisation.

Enfin, nous avons inclus la durée du service civique dans les périodes pouvant être prises en compte dans le cadre d’une procédure de validation des acquis de l’expérience.

Chers collègues, depuis sa création en 2010, le service civique a su montrer toute sa pertinence et se forger une place à part entière auprès des jeunes. Quinze ans après sa création, et alors que notre jeunesse a soif d’engagement, ce texte représente, une nouvelle fois sur l’initiative du Sénat, une étape supplémentaire dans le développement du service civique.

Je conclus en disant que, dans notre contexte, parfois qualifié de morose, ce texte est un signal de confiance envoyé à la jeunesse, mais aussi la promesse de faire de la place des jeunes une priorité dans notre société ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Henri Cabanel applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de léducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de lenfance, de la jeunesse et des familles. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est pour moi un vrai plaisir de pouvoir échanger avec vous aujourd’hui non seulement sur le service civique, mais aussi, plus largement, sur la société de l’engagement que nous construisons pour notre jeunesse et avec elle.

L’engagement peut prendre plusieurs formes. Pour ma part, je mets un point d’honneur à accompagner chaque jeune vers l’engagement qu’il souhaite, sans lui imposer, tant s’en faut, une forme ou un autre. Service civique, bénévolat, jeune sapeur-pompier, service national universel, réserve opérationnelle, démocratie collégienne et lycéenne ou encore scoutisme : toutes ces formes d’engagement méritent d’être accompagnées et reconnues, toutes méritent d’être proposées à notre jeunesse. À chacun de trouver ensuite celle avec laquelle il se sent le mieux, celle avec laquelle il va grandir, celle avec laquelle il va, en un sens, construire un bout de son avenir et de son chemin.

Vous avez raison, monsieur Kanner : c’est bien dans une société de l’engagement que l’on crée du lien, que l’on bâtit une société plus forte, une société qui nous fait confiance et qui nous donne confiance en l’avenir. Plus que jamais peut-être, alors que la société est confrontée à plus de difficultés et que les violences croissent, ce qui permet de faire face, c’est une confiance plus forte en l’avenir, en soi, en sa propre génération. Cela passe par l’engagement.

Ce qui est certain, c’est que le service civique évolue. Et c’est un succès. Voilà déjà quatorze ans qu’il existe. Plus de 775 000 jeunes en ont bénéficié. C’est un souvenir ancré dans nos territoires. Une génération entière peut rejoindre le dispositif : de 16 ans à 30 ans pour les personnes en situation de handicap. Le projet a vocation à continuer à évoluer.

Beaucoup trop de nos collectivités n’accueillent pas encore des jeunes en service civique, même si l’on note une augmentation qu’il faut, me semble-t-il, saluer. Aujourd’hui, des intercommunalités prennent en charge des missions d’agrément pour des communes. Des communes s’engagent à offrir une telle possibilité aux plus jeunes. En effet, quelles sont les structures les plus proches dans nos territoires ruraux ? L’école et la mairie. Et fondamentalement, l’école et la mairie permettent un engagement de proximité, offrant ainsi une chance aux jeunes ruraux.

Au-delà, nous devons aussi accompagner l’ensemble des aspirations de notre jeunesse. Le service civique, c’est un engagement auprès des anciens, par exemple dans les Ehpad, au sein d’associations sportives ou encore à l’échelon européen, avec le service civique européen.

L’une des priorités pour les jeunes aujourd’hui, c’est la question écologique. Voilà deux jours, avec le ministre Christophe Béchu, nous avons lancé le service civique écologique pour plus de 50 000 jeunes. Ces derniers ont vocation à être accueillis et accompagnés.

Le service civique, c’est aussi un service civique d’urgence. Cela figure dans la proposition de loi, même s’il faut peut-être affiner la rédaction. Il s’agit de permettre à des jeunes, comme cela a été le cas pendant le covid-19, d’interrompre leur mission pour répondre à une urgence sociale ou écologique, pour venir en aide à un village après une inondation ou pour accompagner les personnes les plus vulnérables en cas de canicule.

Faisons confiance au service civique, en continuant d’adapter le dispositif aux aspirations et aux réalités de notre jeunesse.

Bien entendu, je ne suis pas naïve. Au contraire : je crois tellement en ce projet que je vous rejoins sur la nécessité de lever les freins, l’un après l’autre. Et il y en a, même si la situation s’améliore. Il y a plus de jeunes qui s’engagent dans les territoires ruraux, 21 %, et c’est une chance ; il faut continuer dans cette voie. Il y a une stabilité du nombre de jeunes qui s’engagent dans les quartiers prioritaires, et c’est essentiel. Il y a plus de jeunes en situation de handicap, parce que nous les avons formés et parce que l’Agence du service civique s’engage au quotidien.

Le dispositif n’est pas encore suffisamment connu aujourd’hui, même si nous avons mené avec l’Agence du service civique une campagne grand public, avec des affiches à proximité des lycées et des universités, dans les abribus, mais aussi des messages à la télévision ou sur les réseaux sociaux, c’est-à-dire là où sont les jeunes.

D’autres difficultés persistent. Je pense par exemple au logement ou aux transports.

Le logement est un frein très important. Certains jeunes sont malheureusement empêchés d’aller dans des métropoles pour des raisons de coût. Face à cela, nous avons apporté des réponses complémentaires. Le service civique Jeunes et nature permet à un jeune de s’engager sur un territoire qui ne serait pas le sien. Des associations nouent des partenariats avec les foyers de jeunes travailleurs ou des maisons des adolescents ayant des logements. Des élus locaux mettent à disposition des logements communaux pour accueillir en colocation des jeunes en service civique.

Aujourd’hui, le service civique, c’est une multiplicité de réponses, notamment territoriales. C’est surtout, je crois, une communauté d’actions qu’il faut continuer à accompagner. Car oui, ce magnifique dispositif est un succès pour les jeunes et pour la France !

Certes, il reste – c’est vrai – un certain nombre de défis à relever.

L’un d’eux réside, je le crois, dans la reconnaissance de ces magnifiques parcours, que notre société a vocation à mieux accompagner et faire connaître. C’est la raison pour laquelle les travaux de la Haute Assemblée aujourd’hui sont, me semble-t-il, importants ; il faut mettre en lumière cette remarquable génération.

L’an dernier, 150 000 jeunes ont fait un service civique, un record, c’est la preuve que le dispositif fonctionne. Cette année – nous ne sommes qu’au début du mois d’avril –, plus de 90 000 jeunes ont déjà commencé leur mission de service civique. Signe de l’ancrage de ce superbe projet, neuf jeunes sur dix aujourd’hui sont satisfaits de l’aventure. Mieux, plus de 60 % des jeunes ayant effectué un service civique s’engagent ensuite bénévolement dans une association ou rejoignent un conseil municipal des jeunes. C’est dire que le service civique permet quelque chose de fondamental : la société regarde les jeunes avec confiance et ceux-ci ont envie de rendre cette confiance.

Au-delà de l’engagement, notion qui, je le crois, nous réunit tous, le service civique renforce la cohésion nationale et la mixité sociale. Il offre surtout une formidable occasion de vivre un parcours citoyen.

Madame la rapporteure, cette proposition de loi, que vous avez améliorée en commission, comporte un certain nombre de mesures positives. Si j’ai quelques réserves sur plusieurs dispositions, je tiens à saluer la qualité de votre travail.

Mes réserves portent d’abord sur tout ce qui pourrait créer une zone de flou entre service civique et projet d’insertion professionnelle. Le service civique, c’est une mission d’engagement. C’est la raison pour laquelle je suis, monsieur le président Kanner, extrêmement vigilante à la substitution à l’emploi. Nous avons augmenté le nombre d’agents chargés de contrôler les missions et doté l’Agence du service civique d’un outil informatique permettant de détecter les missions qui cibleraient toujours les mêmes profils, en fonction par exemple du diplôme : si, pour certaines missions, il était systématiquement fait appel aux détenteurs d’un BTS (brevet de technicien supérieur) de management commercial opérationnel (MCO), il y aurait de quoi s’étonner ! Ces contrôles sont essentiels. Je serai intransigeante, car la confusion que je viens d’évoquer est contraire à l’esprit même du service civique et met de fait en danger ce magnifique projet.

Par ailleurs, la rédaction des dispositions relatives au service civique d’urgence – sur le fond, nous sommes d’accord – devra peut-être évoluer au cours de la navette parlementaire.

Nous sommes également interrogatifs sur l’obligation pour les services académiques d’accompagner une démarche d’insertion professionnelle – là encore, cela rapproche trop le service civique d’un projet d’insertion – ou sur l’utilisation du compte d’engagement citoyen pour une formation éligible au financement du compte personnel de formation (CPF). En effet, les droits acquis par un engagement de service civique peuvent permettre, par exemple, de payer une partie du permis de conduire ; nous tenons à laisser aux jeunes la liberté d’utiliser leur CEC comme ils le souhaitent et nous ne souhaitons pas le flécher sur la formation professionnelle.

Je pense qu’il y aura des débats sur l’extension de l’âge. Aujourd’hui, l’âge moyen des volontaires est de 21 ans. Mon objectif est d’en accueillir de plus jeunes. Il est possible d’effectuer un service civique dès 16 ans ; bien entendu, il faut que cela puisse mieux s’articuler avec leur parcours scolaire et universitaire. Aller jusqu’à 27 ans, cela soulève un certain nombre de questions, pour des raisons, là aussi, de proximité avec l’insertion professionnelle.

Toutefois, et sans préjuger de la nature des débats, je salue une nouvelle fois la qualité de votre travail, madame la rapporteure, et celle des échanges qui se sont tenus en commission.

Comme vous tous, je crois à la vertu de ce splendide engagement. Laissons à notre jeunesse la liberté de choisir la forme qu’il prendra et les missions à exercer. Si nous lui faisons confiance, faisons-lui confiance jusqu’au bout ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Annie Le Houerou et Nicole Bonnefoy applaudissent également.)

Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quatre mois après l’examen de notre proposition de loi pour une allocation universelle d’études, je me réjouis de voir, une nouvelle fois, le sujet de la jeunesse au cœur de nos débats.

En même temps, je dois bien vous l’avouer, je suis relativement perplexe face à ce texte.

Oui, le service civique est un marqueur fort des politiques de jeunesse. Alliant la solidarité et l’intérêt général, il s’inscrit dans une volonté d’ouverture et de découverte du monde associatif. Il représente, pour beaucoup de volontaires, un premier pas dans le monde du travail, ainsi que de nouvelles perspectives pour des jeunes en décrochage scolaire ou rencontrant des difficultés pour déterminer leur projet de vie.

Chez les écologistes, nous sommes bien clairs : nous sommes pour le service civique ! Mais c’est bien parce que nous sommes pour ce dispositif que nous refusons de fermer les yeux et de faire comme si les contours étaient parfaits et que la seule chose à faire soit de l’élargir.

Élargir un tel dispositif sans l’encadrer, c’est prendre le risque de le dénaturer et, surtout, de précariser les premiers concernés, c’est-à-dire les jeunes.

En effet, nous pensons que la montée en puissance du dispositif sur cette dernière décennie ne doit pas nous conduire à une course en avant des chiffres, à vouloir toujours plus de personnes engagées, sans se préoccuper de leur situation, de leur indemnisation et de leur insertion dans le monde du travail.

Mes chers collègues, il est de notre responsabilité de repérer, de comprendre et, surtout, de répondre aux limites du service civique.

Le texte comporte plusieurs mesures qui nous préoccupent : l’élévation de l’âge limite à 30 ans, puis à 27 ans après le passage en commission ; l’élargissement du périmètre à d’autres secteurs comme les assemblées parlementaires, les juridictions administratives et financières ; le retour en arrière en commission sur le niveau d’augmentation de l’indemnité, qui, finalement, n’est pas à la hauteur des attentes.

Ces élargissements, sans renforcer les garde-fous face au risque d’emploi dissimulé, ne sont pas souhaitables. Dans ce cas, le risque est de voir se développer un service civique à deux vitesses, selon la perspective esquissée par l’étude du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), avec, d’un côté, les jeunes les plus diplômés qui s’engageraient après une période d’activité par goût de l’intérêt général et, de l’autre, les jeunes moins diplômés qui feraient un service civique après une période de chômage pour trouver une opportunité professionnelle et une source de revenus. Comment pourrait-il en être autrement lorsque l’indemnité est actuellement fixée à 619 euros, même pas la moitié d’un Smic ?

Comme indiqué clairement dans le rapport de la commission, le cœur du sujet est le niveau de l’indemnisation. Je vois déjà des sénateurs de la majorité de droite vouloir revenir sur cette idée d’augmentation. J’alerte fortement au sujet de ce positionnement. On peut débattre pendant des heures et des heures au sujet de la jeunesse, mais si l’on ne prend pas conscience de la précarité des jeunes en service civique et de leurs difficultés dans la vie, alors on n’avancera pas et on n’améliorera pas la situation ! J’espère que vous appliquerez également au service national universel (SNU), qui coûte 2 000 euros par mois et par jeune, la rigueur budgétaire dont vous faites votre mantra.

Nous avons l’occasion de proposer un autre chemin à la jeunesse. Renforçons le service civique existant et améliorons le dispositif, en augmentant nettement l’indemnité, en nous assurant du respect des missions, en encadrant le temps horaire des volontaires et en proposant dix jours de formation.

Nous le savons, les réponses apportées par le Gouvernement ne répondent pas au quotidien des jeunes. Madame la ministre, avec le SNU, vous proposez de mettre la jeunesse au pas.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Non !

Mme Mathilde Ollivier. Vous annoncez en outre que les coupes budgétaires risquent d’affecter le budget du service civique et, dans le même temps, vous évoquez un budget disponible pour inventer un nouveau gadget, le service civique écologique. (Mme la ministre déléguée manifeste son incompréhension.) Pourtant, plus de mille annonces de service civique en lien avec les questions environnementales sont déjà en ligne, je l’ai moi-même constaté.

M. Michel Savin. C’est vrai !

Mme Mathilde Ollivier. Loin de combler les failles du dispositif, cette proposition n’est pas à la hauteur de la précarité grandissante de la jeunesse. Nous ne sommes pas convaincus et nous définirons notre vote en fonction du sort des différents amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le plus grand mérite de cette proposition de loi est de nous rappeler que le service civique est l’école de l’engagement citoyen, tout en mettant en évidence la ligne de crête que représente son examen, qui doit préserver l’équilibre subtil entre engagement et insertion : engagement volontaire, pour servir les valeurs de la République dans le cadre d’une mission d’intérêt général, et insertion, qui fait cheminer vers l’emploi, ce qui n’est pas la raison d’être première du service civique.

Je vous remercie également, madame la rapporteure, d’avoir pointé, en commission et lors de votre propos liminaire, les limites imposées à la représentation parlementaire dans l’appréciation du SNU. En effet, ce sujet n’a jamais fait l’objet d’un débat ni même d’une information de la représentation nationale.

Chaque époque a eu son lot d’inventions à destination de la jeunesse ; je ne rappellerai pas tous les dispositifs, des TUC aux CES (contrats emploi-solidarité), j’en passe et des meilleures !

Le service civique, créé par la loi du 10 mars 2010 relative au service civique, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, est, nous dit-on, un dispositif d’encouragement et de soutien public à l’engagement citoyen. Il a prospéré sous la présidence Hollande et trouve son prolongement aujourd’hui, avec comme objectif le renforcement de la cohésion nationale et de la mixité sociale, en offrant la possibilité aux jeunes de 16 à 25 ans – peut-être demain de 16 à 27 ans – de s’engager pour une durée de six à douze mois dans une mission d’intérêt général. Tout cela est fort bien.

Cependant, permettez-moi d’exprimer quelques réserves quant à l’envergure du dispositif. En effet, ses faiblesses sont de taille, puisqu’elles ont trait, à mes yeux, à sa substance même.

Premièrement, le service civique ne parvient toujours pas à satisfaire l’un des objectifs pour lesquels il a été créé, à savoir renforcer la mixité sociale dans la société. C’est ce que révèle d’ailleurs le dernier rapport de la Cour des comptes, qui fait état d’une dégradation de la mixité sociale.

Deuxièmement, la convergence entre l’engagement volontaire et l’appropriation des notions d’intérêt général et de citoyenneté demeure fragile. Le service civique est plus considéré comme un moyen pour les jeunes d’acquérir de l’expérience et de faciliter l’accès à l’emploi que comme une voie leur permettant de s’engager pour l’intérêt général.

Enfin, troisièmement, l’absence de substitution à l’emploi durable doit demeurer un point de vigilance, comme l’a rappelé M. Kanner dans son intervention liminaire. Le service civique ne doit pas être le moyen de remédier aux difficultés financières des associations ou au manque de moyens dans les services publics.

Nous craignons donc que cette disposition aille à rebours des préoccupations de la jeunesse d’aujourd’hui. En effet, avec un taux de chômage des 18-25 ans de 17,4 % en novembre 2023, la France enregistre un taux supérieur à la moyenne européenne. Le service civique représente donc, pour la majorité des jeunes, un moyen de subsistance et une possibilité d’insertion professionnelle. Ce constat devrait nous inciter à réinvestir en priorité dans les emplois aidés, qui offriraient des salaires dignes et décents.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe CRCE-K s’abstiendra sur ce texte.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE.)

M. Henri Cabanel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Shemseddine avait 15 ans. Il est mort jeudi dernier après avoir été tabassé à Viry-Châtillon. Deux jours avant, Samara était, elle aussi, frappée à Montpellier, dans mon département. Des jeunes massacrant d’autres jeunes… Qu’avons-nous donc raté ?

Cette proposition de loi s’inscrit dans ce contexte de violence, de déni de la vie, si précieuse, sur fond de valeurs oubliées ou jamais acquises.

Le service militaire unissait les classes sociales et les niveaux d’études dans un objectif de défense de la patrie et du pays. Les différents gouvernements ont senti qu’il fallait renouer avec un sens commun autour de la République après la fin de la conscription nationale en 1997.

Le groupe du RDSE s’est toujours engagé pour ces enjeux. Yvon Collin, son ancien président, est à l’origine de la proposition de loi visant à rendre obligatoire le service civique, qui est devenue la loi du 10 mars 2010 relative au service civique.

Le service civique a connu une transformation significative depuis son lancement. En 2015, le gouvernement Valls annonçait sa volonté d’universaliser le dispositif. La loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a de fait renforcé le service civique, en permettant de l’étendre à plus de 770 000 jeunes.

Pourtant, alors que l’objectif était de l’ouvrir au plus grand nombre et de porter son budget à 1 milliard d’euros à l’horizon de 2018, l’enveloppe allouée à l’Agence du service civique reste stable depuis plusieurs années et s’élève à un peu plus de 500 millions d’euros. Son budget s’est peu à peu effacé au profit du service national universel.

Mais pourquoi opposer les deux ? Dans le contexte actuel d’extrême violence, il est nécessaire et urgent de tout entreprendre pour rebâtir le sens du commun. Comme l’a dit hier matin Fabien Roussel à la radio, ces drames d’une violence extrême sont non « plus des faits divers, mais des faits de société ». Il est donc primordial de revoir l’éducation morale et civique et de revenir aux fondamentaux. La citoyenneté, c’est le civisme, la civilité, la solidarité, c’est vivre ensemble dans une société ; ce n’est pas faire sa loi et l’imposer aux autres.

C’est pourquoi, comme l’ensemble du groupe du RDSE, en particulier notre collègue Bernard Fialaire, très impliqué au sein de la commission de la culture, je souscris à la présente proposition de loi de M. Kanner et de ses collègues. Je remercie d’ailleurs ses auteurs d’avoir ainsi permis ce débat.

Ces derniers considèrent le service civique comme un véritable projet de société qui mérite d’être redynamisé et souhaitent que le dispositif s’étende à plus de jeunes, quels que soient leur origine, leur situation professionnelle ou leurs projets.

En juin 2022, dans mon rapport d’information intitulé Jeunesse et citoyenneté, une culture à réinventer, j’avais pointé, avec l’appui de notre collègue Stéphane Piednoir, président de la mission d’information sur la redynamisation de la culture, la méconnaissance généralisée des institutions et le sentiment d’illégitimité que ressentent certains jeunes. Nous avions formulé vingt-trois recommandations visant à faire des jeunes des acteurs à part entière de la vie démocratique.

En ce qui concerne le service civique, nous avions préconisé de porter une attention particulière sur le milieu rural, compte tenu des difficultés de mobilité et de logement qui le caractérisent.

Il faut également aller dans les quartiers, renouer un lien qui s’est brisé. À cet égard, je salue les jeunes de l’association À Vaulx Ambitions (Avas) de Vaulx-en-Velin, qui se lancent avec sérieux et énergie dans un travail que je leur ai proposé de réaliser sur la citoyenneté. Ils réfléchissent actuellement à la notion de citoyenneté d’initiative, car il existe une différence entre être citoyen et se sentir citoyen. De fait, tous les mineurs et les non-nationaux sont exclus de la citoyenneté. Difficile dans ce cas de se sentir membre et acteur de la société ; il faudrait se pencher sur ce problème.

Nous alertons sur le risque que le service civique pâtisse des récentes annonces de coupes budgétaires : l’annulation de 129 millions d’euros de crédits sur le programme 163 « Jeunesse et vie associative » pourrait l’affaiblir. Les signaux d’alerte actuels doivent au contraire faire de ces dispositifs une priorité d’État.

Vous l’aurez compris mes chers collègues, le groupe du RDSE votera cette proposition de loi à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE. – Applaudissements et exclamations amusées sur les travées du groupe SER.)

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Excellent !

M. Martin Lévrier. Incroyable !

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le service civique, créé en 2010, consiste en un engagement volontaire de six à douze mois, ouvert aux jeunes de 16 à 25 ans, ou à 30 ans pour les personnes en situation de handicap. Il permet aux jeunes de s’investir dans une mission d’intérêt général au sein d’une association, d’une collectivité publique ou d’un établissement public.

Le service civique est une chance pour la France.

Aux jeunes tout d’abord, il offre la possibilité de contribuer à une cause qui leur tient à cœur et ainsi de développer leur sens des responsabilités, leur engagement citoyen et leur solidarité. C’est pour eux une occasion unique d’acquérir de nouvelles compétences et de développer une expérience professionnelle. Ils peuvent ainsi améliorer leur curriculum vitæ et augmenter leurs chances de trouver un emploi après leur mission. Le service civique permet par ailleurs de rencontrer de nouvelles personnes, de découvrir de nouveaux horizons et de se développer personnellement. Grâce à lui, les jeunes peuvent gagner en confiance, en maturité et en autonomie.

Pour la société ensuite, le service civique constitue un outil précieux pour renforcer la cohésion sociale et le vivre-ensemble. Il permet aux jeunes de se mélanger, de s’entraider et de contribuer à une société plus solidaire et plus inclusive. Le service civique permet encore de sensibiliser les jeunes aux valeurs de la République et de les encourager à participer à la vie de la cité. Il est ainsi un outil essentiel pour la promotion de la citoyenneté et de la démocratie. Il permet enfin de répondre aux défis sociaux et environnementaux de notre époque. Les jeunes peuvent ainsi s’engager dans des missions de lutte contre la pauvreté, l’illettrisme ou l’exclusion ou encore pour la protection de l’environnement. Depuis sa création en 2010, ce dispositif a permis à plus de 780 000 jeunes de s’investir dans des domaines aussi variés que l’éducation, l’environnement, la solidarité ou la culture.

Nous examinons aujourd’hui un texte qui vise à le rendre plus attractif et accessible à tous les jeunes.

Cette proposition de loi est une étape importante pour le développement du service civique. Si elle est adoptée, elle encouragera plus de jeunes à s’engager dans une mission d’intérêt général, tout en améliorant la qualité des missions et l’accompagnement des volontaires. Elle renforcera l’encadrement légal et valorisera l’engagement citoyen.

Sur proposition de la rapporteure, la commission a remanié le texte en adoptant différents amendements. Je saisis l’occasion pour saluer la recherche constante de compromis ayant présidé à la construction d’un texte qui répondra au mieux aux enjeux tout en tenant compte de la diversité d’opinion de l’ensemble de l’hémicycle. Merci, madame la rapporteure !

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Elle est parfaite !

M. Martin Lévrier. Je le confirme, monsieur le président ! (Sourires.)

L’âge limite des volontaires a été fixé à 27 ans, excepté pour les jeunes en situation de handicap, pour lesquels elle est de 30 ans. Si nous comprenons la volonté de Mme la rapporteure, une extension de la tranche d’âge aurait pu être perçue comme un frein à l’accompagnement des jeunes sur le marché du travail. Par ailleurs, l’âge moyen des volontaires étant de 21 ans, il y a fort à parier que cette mesure n’aurait bénéficié qu’à un nombre très limité d’individus. Les volontaires plus âgés désireux de s’investir dans une mission auront toujours la possibilité de remplir des missions d’urgence en dehors de leur contrat.

Enfin, l’allocation de fin de contrat a été supprimée, car elle faisait double emploi avec le compte d’engagement citoyen. Le CEC sera désormais utilisé pour financer les frais d’inscription en formation initiale.

Le droit à la réintégration dans le cursus de formation est garanti pour les étudiants en césure. La possibilité pour les établissements d’enseignement supérieur de prendre en compte un engagement de service civique lors d’une inscription en premier cycle a été précisée. En revanche, l’obligation d’intégrer cet engagement parmi les critères d’accès aux filières sélectives a été supprimée.

Enfin, la commission a modifié l’article 3, visant à valoriser le service civique dans les concours de la fonction publique.

La question de la rémunération du service civique pose question et mérite d’être retravaillée. Si une revalorisation peut être envisagée, celle-ci doit se faire en concertation avec l’ensemble des parties prenantes. Il ne nous semble pas opportun de la faire évoluer dans le cadre de l’examen de ce texte.

Pour autant, ce qui fonctionne doit être soutenu. C’est la raison pour laquelle la commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

Notre groupe fera de même. Il soutiendra les efforts visant à faire connaître ce dispositif précieux pour renforcer la cohésion sociale, développer la citoyenneté et construire une société plus solidaire. (M. Patrick Kanner et Mme Nicole Bonnefoy applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. David Ros. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. David Ros. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « [q]ue les jeunes soient persuadés que l’expérience enseigne bien des choses, et aux grands cerveaux plus qu’aux petits ! » Si j’ai choisi d’introduire mon propos par cette phrase du politicien florentin du XVIe siècle François Guichardin, ce n’est point pour inviter les hauts fonctionnaires de Bercy à méditer sur les réalités de nos territoires, c’est pour rappeler à quel point la place que la formation, l’expérience et l’expérimentation occupent depuis des décennies est essentielle dans le parcours nécessaire d’apprentissage du citoyen.

Les violences entre jeunes des derniers jours, qui mènent trop souvent à des conséquences dramatiques, montrent plus que jamais notre besoin de « faire nation ».

Voilà quelques jours, Shemseddine, 15 ans, est décédé après avoir été roué de coups, non loin de son établissement scolaire, à Viry-Châtillon, en Essonne, dans le territoire dont je suis élu. J’adresse mes condoléances et tout mon soutien aux parents, à la famille, aux amis, aux élus de Viry-Châtillon et aux équipes pédagogiques dans cette épreuve, plus qu’insupportable. Cet acte montre une nouvelle fois – une fois de trop – qu’il est urgent de sortir de cette spirale de la violence.

Bien loin d’être naïfs, nous reconnaissons que le service civique est un moyen – non le seul moyen, mais tout de même l’un des moyens – de lutter contre l’engrenage de la violence qui enlise la jeunesse dans notre société. Il est essentiel de définir ou de redéfinir un cadre qui permette à la jeunesse de donner un sens à son engagement citoyen, à la croisée des chemins des droits et des devoirs, au carrefour républicain de l’utilité et des engagements.

À cet égard, le service civique est un outil utile. Depuis sa mise en place par le président Nicolas Sarkozy en 2010, il a fait ses preuves, en montant en puissance sous la présidence de François Hollande. Ce dispositif est en effet plébiscité par les jeunes et constitue un véritable levier d’intégration.

S’il ne s’agit nullement d’opposer le service civique au service national universel, porté depuis 2017 par les gouvernements successifs du président Emmanuel Macron, force est de constater, à l’épreuve des faits, que la mixité sociale est bien une différence majeure entre les deux dispositifs.

De plus, les annonces contradictoires récentes, dignes du fameux label présidentiel « En même temps » – nouvelles missions d’un côté, mais réduction budgétaire de 100 millions d’euros risquant de mettre en péril 50 000 missions de service public de l’autre – constituent un message bien négatif envoyé à notre jeunesse. (Mme la ministre déléguée hoche la tête en signe de dénégation.)

A contrario, cette proposition de loi, modifiée en commission dans un esprit consensuel par quinze amendements de Mme la rapporteure – je salue également son travail –, a pour objet de mieux intégrer la jeunesse à notre société et de l’éclairer quant au rôle qu’elle doit y exercer. Faute de pouvoir, à ce stade, augmenter le financement du service civique, elle vise en premier lieu à renforcer la notoriété et l’attrait du dispositif.

Les dispositions proposées sont vectrices d’intégration, d’autonomie, d’accueil et de vivre-ensemble. C’est justement ce dont nous avons plus que jamais besoin.

En l’espèce, le texte contient des avancées qui ne pourront être que bénéfiques à notre jeunesse.

Il s’agit d’avancées pédagogiques, tout d’abord, puisqu’il est proposé de renforcer l’accompagnement des jeunes et la communication sur ce dispositif insuffisamment connu et réputé. Il n’est pas normal, par exemple, qu’il faille nécessairement se rapprocher d’instances comme les missions locales, déjà débordées, pour en entendre parler. Il est donc proposé de renforcer l’obligation d’information des établissements du secondaire et du supérieur sur l’existence et l’intérêt du service civique.

Autre avancée : l’élargissement du dispositif. La mesure consistant à accompagner les jeunes jusqu’à 27 ans a été proposée par la rapporteure dans une démarche toujours consensuelle.

Avancée supplémentaire : l’augmentation de l’indemnité, portée à plus de 750 euros. Certes, cela constitue une dépense qui peut paraître superflue en cette période de tension pour les finances publiques. Cependant, il faut penser à long terme. Les jeunes en situation précaire doivent pouvoir bénéficier du service civique au même titre que les autres. On ne peut pas fermer la porte aux personnes les plus en difficulté, alors même que ce dispositif mène à une meilleure intégration et à l’emploi. Il est donc subséquemment utile pour réduire les charges sociales.

Dernière avancée, enfin : la valorisation de l’engagement des volontaires par la reconnaissance de ce dispositif dans la société, dans le cadre des études supérieures, de la fonction publique ou encore dans la validation des acquis de l’expérience.

Cette proposition de loi tend à renforcer l’attractivité d’un dispositif efficace d’intégration et d’accompagnement des jeunes vers l’emploi. Elle tend à lui donner un second souffle, ou, si vous me permettez cette expression à propos, une seconde jeunesse… (Sourires.)

M. David Ros. Bien évidemment le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera cette proposition de loi portée par M. Kanner. Nous la soutenons non pas parce qu’il est le président de notre groupe – cela aurait d’ailleurs pu être une raison suffisante (Sourires sur les travées du groupe SER.) –, mais parce que nous la trouvons nécessaire et utile pour notre jeunesse. Nous la soutenons avec la volonté de sensibiliser une majorité de sénateurs et de les convaincre de l’adopter, dans l’intérêt unique de notre jeunesse. Notre groupe a en effet la conviction – je dirai même la certitude – que, face aux innombrables enjeux auxquels notre pays est confronté, notre jeunesse est non pas le problème, mais bien la solution.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. David Ros. Et puisque l’un de nos illustres prédécesseurs, Victor Hugo, disait de la jeunesse qu’elle est « le sourire de l’avenir devant un inconnu qui est lui-même », redonnons ensemble le sourire à la jeunesse.

M. le président. Il faut conclure !

M. David Ros. Redonnons le sourire à tous les inconnus qui feront l’avenir de notre nation. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cédric Vial. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le service civique est un dispositif qui a fait ses preuves et dont l’intérêt est reconnu par l’ensemble des parties prenantes.

Il permet à des jeunes de 16 à 25 ans de s’engager, pendant une période de six à douze mois, auprès de structures pouvant relever des secteurs de la culture, du développement international, de l’action humanitaire, de l’éducation, de la protection de l’environnement, de la santé, de la solidarité, du sport ou encore de la citoyenneté européenne.

Depuis 2010, plus d’un demi-million de jeunes ont pu effectuer une mission de service civique. Actuellement, plus de 85 000 jeunes par an accèdent pour la première fois à ce dispositif, dont le budget s’élève à environ 440 millions d’euros. Le nombre de missions réalisées a quadruplé en dix ans.

Cela étant dit, ce dispositif mérite encore d’être amélioré et perfectionné. C’est l’ambition ayant motivé le dépôt de cette proposition de loi, qui nous est présentée aujourd’hui sur l’initiative de M. Kanner, que nous remercions de nous avoir permis de tenir ce débat sur la citoyenneté et la place des jeunes dans notre société.

Le groupe des Républicains et apparentés, que je représente, souhaite voter pour ce texte, malgré nos réserves initiales. Nous tenons d’ailleurs à remercier Mme la rapporteure, Sylvie Robert, qui par son travail et son écoute exigeante a permis de rapprocher les points de vue.

Mme Sylvie Robert, rapporteure. Pas tous !

M. Cédric Vial. Un accord semble désormais à notre portée, moyennant quelques ajustements, que la discussion à suivre devrait nous permettre d’obtenir.

Nous mesurons aussi l’effort consenti par l’auteur, Patrick Kanner, pour parvenir à un texte à l’ambition mesurée certes, mais susceptible de faire avancer la cause de l’engagement de notre jeunesse.

Certains diront que les jeunes ne s’investissent plus dans notre société et semblent se désintéresser de la démocratie. Je ne partage pas pleinement cette analyse. Pour ma part, je considère que c’est notre rôle, en tant que parlementaires, de proposer aux jeunes des outils pour évoluer dans la société et devenir des citoyens.

L’une des difficultés est qu’il existe de nombreux outils plus ou moins connus et plus ou moins cohérents. Le service civique en est un ; il a, lui, fait ses preuves depuis de nombreuses années. Ce dispositif est d’autant plus intéressant que nous pouvons y observer une surreprésentation des jeunes issus des quartiers prioritaires de la ville, ce qui n’est pas le cas, par exemple, du service national universel, qui accueille principalement des jeunes dont les parents appartiennent aux corps en uniforme.

Mme la ministre de l’éducation nationale a récemment annoncé devant la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport que le gel des crédits de son ministère aurait probablement une incidence sur le service civique. C’est un bien triste signal qui serait ainsi donné à la jeunesse qui veut s’en sortir ou qui s’engage pour une cause ou pour son pays.

Dans ce contexte, il est proposé au travers du texte que nous étudions aujourd’hui de réévaluer l’indemnité versée à la personne qui s’engage dans un service civique. Cette indemnité est aujourd’hui de l’ordre de 620 euros, pris en charge à 80 % par l’État et à 20 % par la structure accueillante. Le texte prévoit de la porter à 751 euros. Une telle augmentation pourrait bien sûr avoir du sens, car elle est la contrepartie d’un engagement fort, dans un contexte de forte inflation. Toutefois, elle se traduirait par une augmentation de 80 millions d’euros à 100 millions d’euros du budget de l’État, soit près de 20 % des crédits alloués chaque année au service civique.

C’est pourquoi cette revalorisation, si elle n’était pas assortie d’un engagement du Gouvernement d’augmenter dans les mêmes proportions la ligne budgétaire correspondant au service civique, se traduirait par une diminution de 17 000 à 20 000 contrats par an. Ainsi, sauf si le Gouvernement s’engage aujourd’hui à augmenter l’enveloppe budgétaire (Mme la ministre déléguée sourit.) pour permettre cette évolution de l’indemnité sans remettre en cause la dynamique vertueuse du nombre de services civiques, certains collègues et moi-même défendrons un amendement de suppression de cette disposition.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui permet d’afficher une volonté que nous souhaitons soutenir, celle de renforcer le service civique. Nous savons toutefois d’ores et déjà que le lien établi entre la Nation et la jeunesse devra, immanquablement et dans un avenir proche, être profondément revisité et réinventé.

Cette histoire est une autre histoire, c’est celle d’un pays – et surtout d’un gouvernement – qui aurait pour sa jeunesse une ambition forte et qui mènerait une politique volontariste afin de lui offrir des perspectives durables. Cette histoire reste à écrire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, aider les habitants au sein de la préfecture pour identifier l’interlocuteur ou le service compétent, animer une épicerie solidaire étudiante, lutter contre la fracture numérique, favoriser les actions du réseau des bibliothèques ou soutenir les actions des centres communaux d’action sociale (CCAS) dans les territoires ruraux, développer des actions culturelles en milieu carcéral : voilà autant de missions variées et essentielles proposées dans le cadre du service civique sur l’ensemble du territoire national.

Je pense en ce moment à l’équipe de la mission locale des Rives de l’Aa et de la Colme, à Bourbourg près de Gravelines, et par extension, à tous les encadrants – salariés ou bénévoles – de ces jeunes, à qui il faut rendre hommage.

En encourageant nos jeunes à participer au service civique, nous contribuons à forger des citoyens engagés, conscients des enjeux de notre société et prêts à agir pour la construire ensemble. Nous cultivons ainsi un essentiel sentiment d’appartenance et de solidarité. L’engagement permet également à de nombreux jeunes, parfois fermés et perdus, de s’ouvrir et de s’accomplir.

Depuis la création du dispositif en 2010, le nombre de volontaires au service civique est en constante progression. En 2023, près de 150 000 jeunes ont contribué activement à faciliter et à améliorer leur quotidien et celui des autres. C’est une année record.

Si le service civique a fait ses preuves, son développement est conditionné à des efforts pour mieux faire connaître, reconnaître et valoriser cette forme d’engagement. L’examen de ce texte nous en donne l’occasion. Aussi, je remercie Patrick Kanner et le groupe socialiste de l’avoir inscrit à l’ordre du jour.

Pour mieux faire connaître le service civique, il est essentiel – vous le savez, madame la ministre – de mieux communiquer sur les objectifs qu’il remplit, mais aussi sur les réussites.

Pour mieux le reconnaître et le valoriser, le texte contient plusieurs avancées auxquelles nous souscrivons. Je pense notamment à la mesure visant à proposer une meilleure formation et à faciliter le parcours étudiant des jeunes.

Le texte permet également aux anciens volontaires de participer au paiement de leurs frais scolaires en utilisant les droits acquis au cours de leur service civique. Ce sont des mesures pertinentes.

Je souligne que la commission a adopté une disposition visant à donner la possibilité à un jeune qui en fait la demande de participer à des missions de crise ou d’urgence non prévues dans sa mission d’origine. Cette avancée était attendue.

Pour finir, madame la ministre, je tiens à saluer la création d’un service civique écologique. Je reprends vos mots : « Nous nous sommes attachés à déterminer quelle jeunesse nous voulions laisser à la planète. Nous voulons choisir quelle planète nous allons laisser à la jeunesse. »

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. C’est vrai !

Mme Marie-Claude Lermytte. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires souscrit aux objectifs de ce texte et sera attentif aux échanges que nous aurons, au sein de l’hémicycle, à son sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Martin Lévrier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Pierre-Antoine Levi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de M. Kanner visant à renforcer le service civique, un dispositif qui a permis, depuis sa création en 2010, à plus de 780 000 jeunes de s’engager dans des missions d’intérêt général.

Permettez-moi avant tout de saluer chaleureusement Yvon Collin, ancien sénateur du Tarn-et-Garonne – mon prédécesseur –, qui fut à l’origine de la création du service civique.

Je tiens également à remercier M. Kanner d’avoir permis l’inscription de cette proposition de loi à notre ordre du jour ainsi que notre rapporteure, Sylvie Robert, pour la qualité de son travail, sa précision, mais également pour la qualité de nos négociations.

Aujourd’hui, nous nous apprêtons à écrire un nouveau chapitre de cette histoire réussie, ce qui témoigne de l’engouement, de l’efficacité et de la notoriété grandissante de ce dispositif. Celui-ci a non seulement enrichi nos politiques en faveur de la jeunesse, mais il a également gagné le cœur de nos jeunes : 84 % des participants le recommandaient en 2021 et 58 % désiraient poursuivre leur engagement bénévole après leur mission.

Cependant, malgré ces succès, le service civique est confronté à des défis qui entravent son développement : il est méconnu des jeunes ; l’indemnité est parfois insuffisante pour ceux qui sont en situation précaire ; et, si les missions sont de qualité, elles nécessitent une valorisation accrue. La proposition de loi vise à corriger ces défauts.

Près de 88 300 nouveaux contrats d’engagement ont été signés en 2023 ; il est primordial de continuer à soutenir cette montée en puissance.

Le texte, qui a été largement remanié par la commission, présente néanmoins des points de vigilance que le groupe Union Centriste souhaite mettre en exergue. Bien que les modifications apportées procèdent d’une intention positive, certaines d’entre elles nous semblent nécessiter un réexamen si nous ne voulons pas nous éloigner de l’esprit initial de ce beau dispositif.

Ainsi, aligner l’indemnité sur celle des apprentis constitue, à notre avis, une fausse bonne idée. L’objectif est d’augmenter l’attractivité du dispositif, mais cette mesure pourrait avoir des effets pervers, en incitant certaines entreprises à privilégier les services civiques aux embauches traditionnelles.

Par ailleurs, même si l’intention d’ouvrir davantage le dispositif est louable, l’extension de l’âge limite à 27 ans doit être abordée avec prudence. Nous accueillons favorablement l’amendement déposé par M. Kanner, tendant à en faire une simple expérimentation. Cette démarche pragmatique nous permettra d’évaluer les effets de cette mesure, avant, éventuellement, de la généraliser : il convient de nous assurer que le report de l’âge limite sert véritablement les intérêts de nos jeunes et du dispositif lui-même. Il est essentiel que le service civique demeure une expérience enrichissante et accessible pour tous les jeunes, sans que sa qualité ou ses objectifs fondamentaux soient compromis.

Nous ne pouvons pas non plus ignorer les enjeux liés à l’information et à l’accès du dispositif. La proposition de loi vise justement à faciliter cet accès, par le biais du renforcement de l’information auprès des jeunes et de la diversification des missions proposées.

Il est crucial que le service civique continue de représenter une opportunité de mixité sociale et d’ouverture, en accueillant des jeunes de tous les horizons, y compris ceux qui sont issus des quartiers prioritaires.

Enfin, nous devons veiller à ce que l’engagement des volontaires soit pleinement reconnu et valorisé, dans leur parcours tant éducatif que professionnel.

La suppression de l’obligation de prendre en compte le service civique dans les filières sélectives de l’enseignement supérieur et les modifications apportées à sa valorisation dans les concours de la fonction publique doivent faire l’objet d’une réflexion approfondie, afin de garantir un traitement équitable et une véritable reconnaissance de cet engagement.

La proposition de loi aborde également la question de la nécessité de préserver et de valoriser la qualité des missions proposées. C’est à la condition d’offrir aux jeunes des missions significatives, encadrées par un tutorat compétent et complétées par une formation civique et citoyenne, que le dispositif pourra pleinement remplir sa mission d’engagement et de cohésion sociale. Il est donc impératif que l’Agence du service civique et les structures d’accueil travaillent de concert pour garantir que les missions proposées répondent aux aspirations des jeunes.

Le renforcement de l’information est une autre pierre angulaire de cette proposition de loi. La méconnaissance du dispositif par les jeunes constitue un obstacle majeur à son développement. Il est donc essentiel de mener une campagne d’information ciblée et efficace pour démythifier le service civique, en soulignant sa distinction par rapport à d’autres formes d’engagement ou d’insertion professionnelle, et en mettant en avant son rôle dans la construction d’un parcours citoyen et professionnel.

La création d’un cadre juridique pour la participation à des missions d’urgence est une mesure positive : la flexibilité et la réactivité du service civique face aux besoins sociétaux seront améliorées.

Mes chers collègues, cette proposition de loi nous offre l’occasion de renforcer un dispositif qui a fait ses preuves, en l’adaptant aux défis contemporains. C’est dans une vision de long terme, dans l’esprit de promouvoir les valeurs de citoyenneté et de solidarité, que nous devons aborder les modifications proposées, afin que ce dispositif continue de jouer un rôle clé dans le parcours de vie de la jeunesse.

Le groupe Union Centriste est profondément attaché au fait que le service civique reste un vecteur d’engagement citoyen et de développement personnel. Il votera en faveur de ce texte, à condition que les points de vigilance que j’ai évoqués soient traités. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.  M. Henri Cabanel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, constatant que l’abstention aux différents scrutins locaux et nationaux était récurrente et de plus en plus forte depuis quelques années, en particulier chez les jeunes, le groupe du RDSE avait demandé la création, en 2020, d’une mission d’information visant à renforcer la culture citoyenne, que j’ai eu l’honneur de présider. Le rapporteur Henri Cabanel a largement embrassé ce vaste sujet, du parcours scolaire jusqu’à la multitude des engagements volontaires qui existent dans notre pays.

Le service civique n’a pas échappé à son examen minutieux. Le succès de ce dispositif n’est plus à démontrer : il correspond à une aspiration des jeunes, qui y trouvent un moyen de découvrir ou d’approfondir un engagement citoyen.

Toutefois, quelques points de vigilance ont été également formulés et je me réjouis que M. Kanner, l’auteur de cette proposition de loi, les ait pris en considération.

Ainsi, cet engagement ne doit pas être transformé, de manière opportune, en emploi précaire, en une sorte de plan B, comme cela a pu être parfois le cas au sein d’organismes peu soucieux de l’objectif initial. Pour éviter toute forme de dissimulation d’emploi, cette proposition de loi tend à favoriser les missions réalisées au moins en binôme. Cela va dans le bon sens. Je vous soumettrai tout à l’heure un amendement afin de préciser la rédaction proposée.

De même, il semble indispensable d’augmenter la durée de formation pour assurer la transmission des fondamentaux inhérents à ce parcours citoyen, qui vise, par exemple, à mieux faire connaître le fonctionnement de nos institutions. C’est une demande des jeunes, car ils estiment que la formation de deux jours est insuffisante.

L’extension de la limite d’âge suscitera sans aucun doute un débat. Quelle cible veut-on atteindre ? Telle est évidemment la question que nous devons nous poser. Pour éviter au groupe socialiste, comme on a déjà pu l’entendre ou le lire ici ou là, d’être accusé de proposer une mesure libérale, voire ultralibérale, permettant au patronat d’exploiter des jeunes jusqu’à un âge avancé, restons mesurés et ne reportons pas la limite d’âge jusqu’à 30 ans.

Par ailleurs, en ce qui concerne la dimension purement budgétaire, l’augmentation importante de l’indemnité prévue dans le texte ne me semble pas raisonnable, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, selon les calculs de notre collègue Cédric Vial, cette mesure coûterait plus de 150 millions d’euros. Compte tenu de l’état de nos finances publiques, je ne pourrai pas défendre cette position. J’observe de surcroît que le Gouvernement a évoqué des mesures d’économies sur le SNU et le service civique, avec une certitude inversement proportionnelle à la précision des annonces…

Ensuite, augmenter l’indemnité reviendrait peu ou prou à entrer dans une logique consistant à créer pour une catégorie de la population un revenu minimum supérieur au RSA, alors que l’on discute justement de l’opportunité de conditionner ce dernier à la réalisation d’un certain nombre d’heures de travail.

Je salue le travail de la rapporteure Sylvie Robert qui a proposé à la commission de limiter cette hausse. Je vous proposerai toutefois un amendement pour revenir au montant initial.

Nous aurons sans doute, mes chers collègues, quelques points de divergence, mais l’essentiel est de renforcer la consistance et la visibilité de ce service civique, sans dénaturer ses missions ni l’éloigner de ses principes fondateurs. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Je souhaite apporter, mesdames, messieurs les sénateurs, trois points d’éclairage.

Je commencerai par le volet budgétaire, sur lequel des doutes ont été exprimés. Les 100 millions d’euros évoqués portent exclusivement sur la trésorerie de l’Agence du service civique : ni le nombre de jeunes, ni le nombre de missions, ni la durée de celles-ci ne seront affectés. Les jeunes eux-mêmes ne seront pas touchés. Ces 100 millions d’euros de trésorerie provenaient du plan de relance, qui avait été sans doute un trop important.

Le deuxième point concerne les indemnités. Je rejoins les propos de M. Piednoir. Les jeunes les plus fragiles financièrement – les boursiers, ceux dont les parents sont bénéficiaires du RSA – perçoivent une indemnité complémentaire de 114 euros : une réponse sociale existe donc déjà.

Enfin, les services civiques écologiques constituent une magnifique opportunité. Au-delà des 1 000 missions qui existent déjà, nous ambitionnons de porter ce nombre à 50 000, grâce à des financements nouveaux, notamment de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), ou grâce au déploiement de 1 000 ambassadeurs du service civique écologique. Ces missions correspondent à une aspiration de la jeunesse. Elles ne se substitueront pas aux missions existantes, elles s’y ajouteront.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à renforcer le service civique

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le service civique
Article 1er bis (nouveau)

Article 1er

Le titre Ier bis du livre Ier du code du service national est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa du II de l’article L. 120-1 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le mot : « vingt-cinq » est remplacé par le mot : « vingt-sept » ;

b) À la troisième phrase, après le mot : « français, », sont insérés les mots : « une assemblée parlementaire, une juridiction administrative ou financière, » ;

c) Avant la dernière phrase est insérée une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la nature de la mission et de l’organisme le permet, le jeune est affecté à la réalisation d’une mission collective impliquant au moins deux jeunes titulaires d’un engagement de service civique. » ;

1° bis (nouveau) Après le 4° de l’article L. 120-4, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° L’étranger âgé de seize ans révolus qui séjourne en France sous couvert de la protection temporaire mentionnée à l’article L. 581-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. » ;

1° ter (nouveau) Après l’article L. 120-12, il est inséré un article L. 120-12-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 120-12-1. – Le contrat prévoit la possibilité d’une mise à disposition temporaire de la personne volontaire dans le cadre d’une mission de crise ou d’urgence. Cette mise à disposition ne peut être réalisée qu’à la demande de la personne volontaire et avec l’accord de l’organisme d’accueil. Un décret fixe les conditions d’application du présent article. » ;

2° L’article L. 120-14 est ainsi modifié :

a) (nouveau) La première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « La personne volontaire effectuant un engagement de service civique bénéficie d’une formation civique et citoyenne et d’un accompagnement dans sa réflexion sur son projet d’avenir réalisés par un organisme agréé “formation service civique”. » ;

b) À la deuxième phase du deuxième alinéa, les mots : « dont la durée minimale est fixée par décret » sont remplacés par les mots : « d’une durée d’au moins trois jours » ;

c) (nouveau) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret fixe les modalités d’application du présent article. » ;

3° À la seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 120-18, après le mot : « montant », sont insérés les mots : « , qui ne peut être inférieur au montant de la rémunération versée aux apprentis dont l’âge est compris entre dix-huit et vingt ans dans le cadre de la première année du contrat d’apprentissage dans les conditions prévues à l’article L. 6222-29 du code du travail » ;

4° Le deuxième alinéa de l’article L. 120-19 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces prestations ne sont soumises ni à cotisations sociales ni à impôt sur le revenu. » ;

5° (Supprimé)

6° Au deuxième alinéa de l’article L. 120-31, après le mot : « accueil », sont insérés les mots : « , du niveau d’études, du lieu de résidence et d’une éventuelle situation de handicap » ;

7° Au premier alinéa de l’article L. 120-32, les mots : « sans but lucratif de droit français, personnes morales de droit public français, collectivités territoriales étrangères ou organismes sans but lucratif de droit étranger » sont remplacés par les mots : « et personnes morales éligibles à l’agrément de service civique tels que mentionnés au premier alinéa du II de l’article L. 120-1 ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Kanner et Ros, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. - Après l’alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Avant l’article L. 120-1, il est inséré un article additionnel L. 120-1-… ainsi rédigé :

« Article L. 120-1-… - Par dérogation aux conditions d’âge prévues à la première phrase du premier alinéa du II de l’article L. 120-1, une expérimentation est conduite pour une durée de trois ans, à compter de la publication de la loi n°… visant à renforcer le service civique, afin d’étendre aux personnes de 26 ans et 27 ans révolus, la possibilité de réaliser un engagement de service civique, dans les conditions prévues au même article L. 120-1.

« À l’issue de l’expérimentation, le Gouvernement présente au Parlement un rapport de bilan, en précisant, notamment, le profil et le niveau de formation des jeunes de 25 à 27 ans ayant accompli un engagement de service civique, leur taux d’intégration à la suite de cet engagement, dans une formation professionnelle ou dans l’enseignement supérieur ou dans un emploi, ainsi que le coût estimé de la généralisation du dispositif à cette tranche d’âge. » ;

II. – Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Patrick Kanner.

M. Patrick Kanner. J’avais proposé initialement de porter à 30 ans la limite d’âge pour effectuer un service civique, par parallélisme avec les conditions dont bénéficient les personnes handicapées.

Nous en avons débattu en commission. La discussion a été menée brillamment par notre rapporteure, Sylvie Robert et nous sommes tombés d’accord sur une extension de l’âge maximal à 27 ans. Néanmoins, j’ai bien senti que des interrogations subsistaient. C’est pourquoi je propose, au travers de cet amendement, de prévoir une expérimentation de l’ouverture du dispositif aux jeunes de la tranche d’âge de 25 ans à 27 ans.

Ma préoccupation est la même que pour l’augmentation de l’indemnité : pour les jeunes qui se retrouvent à l’âge de 25 ans en difficulté, sans rien – il y en a –, le service civique peut représenter une solution d’insertion tout à fait correcte, préférable au RSA.

Certains jeunes bien insérés seront tentés de faire un service civique pour s’engager ; d’autres pourront utiliser le dispositif comme un outil d’insertion professionnelle, même s’il ne s’agit pas d’un emploi aidé, bien évidemment. Il faut bien le préciser, en effet, le service civique n’a pas vocation à se substituer à des emplois existants, que ce soit dans les collectivités ou dans le secteur associatif.

Tel est l’esprit de cet amendement, que j’ai qualifié ce matin, en commission, d’amendement d’atterrissage. Manifestement, le vol a été bien pris en considération !

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 1 rectifié est présenté par M. Piednoir, Mme Di Folco, M. Burgoa, Mmes Estrosi Sassone et Joseph, MM. Sido, Saury, Lefèvre, Grosperrin, Milon, Savin et Michallet, Mmes P. Martin et Micouleau, M. Klinger, Mme Pluchet, MM. Belin et Rapin, Mme Nédélec, MM. Sautarel et Reynaud, Mmes Garnier et Lassarade, M. Bruyen, Mme Gruny et M. D. Laurent.

L’amendement n° 8 est présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.

M. Stéphane Piednoir. Je reprends au vol l’argument de M. Kanner ! (Sourires.)

Mon amendement vise à revenir au plafond de 25 ans, tel qu’il figure dans le statut initial du service civique.

J’ai salué, dans mon propos liminaire, le travail de la rapporteure, qui a permis de ramener, en commission, l’âge limite de 30 ans à 27 ans. À l’issue de la réunion de commission, j’ai tout de suite déposé cet amendement. Je n’avais pas connaissance alors de cette nouvelle proposition de M. Kanner. Nous écouterons donc attentivement les arguments de notre rapporteure pour déterminer notre position.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour présenter l’amendement n° 8.

Mme Mathilde Ollivier. Cet amendement vise à supprimer l’élargissement du service civique aux jeunes de plus de 25 ans.

Pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, il serait préjudiciable d’étendre le service civique aux plus de 25 ans sans améliorer le dispositif existant pour les 16 à 25 ans. Un tel élargissement renforcerait le risque de précarité chez les jeunes ayant entre 25 et 27 ans. De plus, la moyenne d’âge des volontaires est de 21 ans.

Selon une étude du Céreq, 22 % d’entre eux effectuent leur mission au cours de leur formation et 30 % six mois après la fin de leurs études. Plus le niveau de diplôme est élevé, plus le service civique intervient tôt dans le parcours de vie. Cette étude montre ainsi que la question de l’augmentation de l’âge limite n’est pas un sujet.

Encore une fois, j’alerte sur la volonté d’accroître les effectifs sans prendre en considération les failles existantes. Fournissons plutôt aux jeunes volontaires un cadre et une indemnité convenables, afin qu’ils puissent pleinement réaliser leur engagement citoyen. Nous aurons alors fait un grand pas pour le service civique !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Robert, rapporteure. Nous avons longuement débattu de la question de l’âge en commission. J’ai proposé de fixer le plafond à 27 ans, un compromis entre les 25 ans du droit actuel et les 30 ans figurant dans la rédaction initiale de la proposition de loi.

Nos échanges sur cette question se sont poursuivis toute la semaine, et je vous en remercie d’ailleurs à mon tour, mes chers collègues, puisque vous aussi m’avez remerciée d’avoir cherché la voie d’un compromis sénatorial.

L’amendement de l’auteur de la proposition de loi vise à instaurer une expérimentation pendant trois ans du report de l’âge limite à 27 ans. Cette proposition est aussi le fruit d’un consensus sénatorial. Qui dit expérimentation dit aussi évaluation.

Lors de nos débats, nous sommes convenus que 30 ans, c’était trop, et que le plafond de 27 ans était encore trop élevé, pour les raisons qui ont été énoncées. Par conséquent, l’expérimentation nous permettra d’observer au travers du parcours des jeunes si l’allongement aura permis aux jeunes de plus de 25 ans de bénéficier de l’engagement du service civique, plutôt que de basculer dans le RSA.

Dès lors, la commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 7 rectifié. Son adoption ferait tomber les amendements nos 1 rectifié et 8.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements nos 1 rectifié et 8 et un avis défavorable sur l’amendement n° 7 rectifié.

L’élargissement du service civique aux jeunes de 25 à 27 ans conduirait à rapprocher ce dispositif d’un mécanisme d’insertion professionnelle, au risque de le mettre en péril. J’entends que cette proposition d’expérimentation a fait l’objet de débats et résulte d’un consensus. Il me semble néanmoins préférable et plus sûr de conserver les limites d’âge en vigueur.

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. Comme cela a été rappelé, le service civique est un dispositif d’engagement et non d’insertion professionnelle.

À 25 ans, on franchit un seuil. Les jeunes qui rejoignent le service civique peuvent être globalement classés en trois catégories. Ils sont généralement soit en décrochage scolaire, soit dans une phase de césure dans leurs études, avant, par exemple, de changer d’orientation, soit en fin de cursus universitaire ou de formation, avant de s’engager dans une activité professionnelle. En général, quelle que soit leur catégorie, ils ont moins de 25 ans. L’âge moyen des bénéficiaires est d’ailleurs de 21 ans.

Je ne vois donc pas l’intérêt de porter l’âge limite au-delà de 25 ans, sinon pour les personnes en situation de handicap. Notre position était donc, comme l’a expliqué mon collègue Stéphane Piednoir, de refuser une extension au-delà de 25 ans.

Toutefois, au cours des discussions, nous avons été convaincus par l’idée d’essayer, de mener une expérimentation. Nous ne sommes pas convaincus sur le fond, mais rien n’interdit de procéder à une expérimentation : nous verrons bien ! Les départements, les missions locales peuvent être intéressés par une ouverture du dispositif. Attention toutefois à ne pas dévoyer le service civique : celui-ci doit rester un dispositif d’engagement.

Nous voterons donc pour l’amendement n° 7 rectifié de M. Kanner, en ayant conscience que son adoption ferait tomber les deux amendements suivants.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.

M. Stéphane Piednoir. Je souhaite prolonger mes propos antérieurs.

J’ai bien pris note de l’avis favorable du Gouvernement sur mon amendement. Néanmoins, Mme la rapporteure parlait de compromis entre 25 ans et 30 ans et l’amendement n° 7 rectifié constitue un compromis sur le compromis ! Le Sénat est la chambre de la sagesse…

Je souscris aux arguments développés par Cédric Vial : l’expérimentation devra faire l’objet d’une évaluation a posteriori.

Par conséquent, pour laisser le champ libre à l’amendement n° 7 rectifié, je retire mon amendement n° 1 rectifié.

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 8 n’a plus d’objet.

L’amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Di Folco, M. Burgoa, Mmes Estrosi Sassone et Joseph, MM. Sido, Saury, Lefèvre, Grosperrin, Milon, Savin et Michallet, Mmes P. Martin et Micouleau, M. Klinger, Mme Pluchet, MM. Belin et Rapin, Mme Nédélec, M. Sautarel, Mme Lassarade et M. D. Laurent, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

Lorsque la nature de la mission et de l’organisme le permet

par les mots :

À l’exception des cas où la nature de la mission et de l’organisme ne le permet pas

La parole est à M. Stéphane Piednoir.

M. Stéphane Piednoir. Il s’agit d’un amendement de précision. Il est important que les missions de service civique soient effectuées, a minima, par binôme, afin d’éviter toute forme de dissimulation d’emploi, car ce risque avait été souligné dans le rapport de la mission d’information sur la redynamisation de la culture citoyenne, dont Henri Cabanel était rapporteur.

Dans la rédaction de cet amendement, je force le trait : je propose que, sauf exception très particulière, les missions soient effectuées par binôme. Cet amendement vise donc à inverser le sens de la condition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Robert, rapporteure. Je comprends l’intention de notre collègue Stéphane Piednoir, qui propose en effet de renverser la logique.

Néanmoins, poser le principe que la mission doit être collective sauf impossibilité risque d’être un frein au service civique, car les organismes devront démontrer pourquoi, dans leur cas, la mission collective est impossible. À l’inverse, le texte actuel prévoit que, lorsque la nature de la mission et de l’organisme le permet, le jeune est affecté à la réalisation d’une mission collective.

La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 2 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Je comprends la philosophie de l’amendement. L’organisme Unis-Cité propose des missions collectives et cela fonctionne très bien, mais 36 % des structures accueillent un seul jeune en service civique. L’adoption de cet amendement fragiliserait plutôt les territoires ruraux et les petites associations. J’indique, pour vous rassurer, que des contrôles seront réalisés pour vérifier qu’il ne s’agit pas d’emploi dissimulé et que la mission est de qualité.

C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Piednoir, l’amendement n° 2 rectifié est-il maintenu ?

M. Stéphane Piednoir. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié est retiré.

L’amendement n° 10 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Lafon, Levi et C. Vial, Mmes Ventalon et Perrot, MM. Laugier, Brisson, Courtial et Henno, Mme Tetuanui, M. Cambier, Mme Guidez, M. Michallet, Mme Borchio Fontimp, M. Menonville, Mme Belrhiti, MM. Kern et H. Leroy, Mmes Morin-Desailly et Romagny, MM. Genet et Duffourg, Mmes Jacquemet et Muller-Bronn et M. Pillefer, est ainsi libellé :

Alinéas 6 et 7

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Je souhaite affirmer également mon attachement au service civique. Je tiens aussi à remercier l’auteur de ce texte et notre rapporteure, grâce auxquels nous débattons du service civique, dispositif qui existe déjà depuis quatorze ans et qui a prouvé sa pertinence.

L’alinéa 7 vise à permettre aux personnes accueillies en France au titre de la protection temporaire de postuler à un service civique. Cette disposition a été ajoutée en commission, sur l’initiative de la rapporteure.

Le service civique est déjà ouvert aux personnes de nationalité française, aux ressortissants des pays de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Suisse, ainsi qu’aux ressortissants de pays tiers sous certaines conditions, par exemple s’ils justifient d’un séjour régulier en France depuis plus d’un an.

Or, depuis la création du service civique, le nombre de demandes est supérieur au nombre de missions proposées.

Nous avons débattu tout à l’heure de l’élargissement du dispositif par un report de l’âge. De même, je ne voudrais pas que l’on élargisse trop la liste des personnes éligibles. À vouloir trop élargir le dispositif à de nouveaux publics, on risque d’en réduire la pertinence et de le dénaturer.

C’est pourquoi je propose de supprimer la disposition adoptée en commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Robert, rapporteure. À titre personnel, je considérais qu’il était important d’élargir le service civique aux personnes bénéficiant de la protection temporaire. La présidente de l’Agence du service civique nous a d’ailleurs dit qu’elle regrettait de ne pas avoir pu ouvrir le service civique à quelques jeunes Ukrainiens.

Pour autant, la commission a émis, lors de sa réunion de ce matin, un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Je comprends bien le risque que vous pointez, madame la sénatrice. Si nous n’avions pas assez de missions à proposer aux jeunes, je soutiendrais évidemment votre amendement, mais, de fait, nous en avons suffisamment.

Il faut en revanche veiller à leur bonne répartition sur le territoire, vous avez raison, il convient que les jeunes qui s’engagent puissent trouver des missions près de chez eux.

Je ne vois pas de risque particulier pour l’accueil des jeunes Ukrainiens, car ceux-ci sont très peu nombreux, au regard de nos capacités d’accueil.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 10 rectifié bis.

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec Mme la ministre. (Sourires.)

Selon nos calculs, quelques centaines de jeunes à peine seraient concernés par cette ouverture. Dans le contexte international actuel, ce geste représenterait une main tendue aux jeunes Ukrainiens venus en France en quête de quiétude, de solidarité, et peut-être aussi d’insertion, car il se peut que certains restent dans notre pays. Je regrette que la commission ait décidé de ne pas tendre la main à des personnes qui ont besoin d’un secours complémentaire, non pas d’assistance, mais d’insertion.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Je maintiens bien entendu cet amendement.

Comme je l’ai expliqué, il faut définir le périmètre et l’objectif du service civique. À vouloir donner trop de fins aux outils dont on dispose, on les dénature. Attention à rester dans les limites de l’objectif principal !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10 rectifié bis.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 176 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l’adoption 189
Contre 135

Le Sénat a adopté.

M. le président. L’amendement n° 6, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le second alinéa de l’article L. 120-8 du même code est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :

« Sans préjudice des dispositions prévues à l’article L. 433-1 du code de l’action sociale et des familles, la durée hebdomadaire du contrat de service civique ne peut dépasser trente-cinq heures, réparties au maximum sur cinq jours. » ;

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Cet amendement vise à revenir sur la durée maximale hebdomadaire du contrat de service civique.

Selon les dispositions actuelles, la durée hebdomadaire du contrat de service civique ne peut dépasser quarante-huit heures réparties au maximum sur six jours pour les personnes de plus de 18 ans. Seuls les mineurs âgés de 16 à 18 ans ont une durée hebdomadaire qui ne peut dépasser trente-cinq heures, réparties au maximum sur cinq jours.

Le service civique a pour objectif de renforcer la cohésion nationale et d’encourager l’engagement pour l’intérêt général. Il ne doit pas être utilisé par des organismes pour surexploiter les volontaires, notamment en alourdissant le poids des missions et du temps de travail. Il est essentiel de prévenir de potentielles dérives.

Le service civique connaît des failles en termes d’horaires, de densité de travail et surtout d’indemnisation. Nous devons, pour la sécurité et le bien-être des volontaires, cadrer les choses et homogénéiser au maximum les situations.

C’est pourquoi nous proposons, pour l’ensemble des volontaires en service civique, que la durée hebdomadaire de leur contrat ne dépasse pas trente-cinq heures réparties au maximum sur cinq jours.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Robert, rapporteure. Tel qu’il est rédigé, cet amendement tend à interdire toute durée de travail supérieure à trente-cinq heures par semaine, même ponctuellement.

Son adoption empêcherait par exemple un volontaire d’effectuer un service civique dans le cadre d’une association culturelle pour participer à l’organisation d’un festival, car durant un tel événement le volontaire peut être amené à faire plus de trente-cinq heures, tout en récupérant la semaine suivante. On le sait, les choses se passent ainsi.

Surtout, cela renforce le risque de confusion que vous avez vous-même évoqué en discussion générale entre service civique et emploi, ma chère collègue. La commission a toujours essayé de se maintenir sur cette ligne de crête pour préserver le fait que le service civique est d’abord un engagement.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Le Gouvernement y est également défavorable.

Cette disposition va à l’encontre de la liberté d’organisation de la mission d’engagement et je rejoins l’argument de la rapporteure pour les missions qui ont lieu dans le monde culturel ou sportif.

Du reste, nous sommes particulièrement vigilants sur cette question et les contrôles doivent être à la hauteur de cette nécessaire vigilance. Nous ne devons pas laisser dériver des missions au point d’épuiser les volontaires !

Sincèrement, votre proposition est très contraignante, madame la sénatrice. Imaginez ce que cela aurait donné pendant la période du covid-19. On peut aussi prendre l’exemple des jeunes qui réalisent une mission de service civique dans des associations étudiantes : ces associations organisent le temps d’engagement en prenant en compte les périodes de partiels des volontaires, mais aussi les temps forts pour elles, comme la rentrée universitaire où les besoins sont importants.

Ces exemples illustrent la nécessité de laisser de la liberté aux associations dans l’organisation des missions.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. Faisons un petit calcul : 48 heures par semaine, cela représente 9,6 heures par jour sur cinq jours ou 12 heures sur quatre jours. Je trouve cela un peu excessif pour des jeunes entre 18 et 25 ans. Le fait de mieux cadrer les missions me semble aller dans le bon sens.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié ter, présenté par Mme Billon, MM. Lafon, Levi et C. Vial, Mmes Ventalon et Perrot, MM. Laugier, Brisson, Courtial et Henno, Mme Tetuanui, M. Cambier, Mme Guidez, M. Michallet, Mme Borchio Fontimp, M. Menonville, Mme Belrhiti, MM. Kern et H. Leroy, Mme Morin-Desailly, M. Folliot, Mmes Romagny et Saint-Pé, MM. Delcros, Genet et Duffourg, Mmes Jacquemet et Muller-Bronn et MM. Pillefer et Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À la fin de la période d’engagement de service civique, la personne morale agréée et la personne volontaire rendent compte à l’Agence du service civique respectivement du nombre de jours de formation assurés et du nombre de jours de formation suivis.

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Depuis la création du service civique en 2010, tous les volontaires doivent recevoir une formation citoyenne relative aux institutions et aux valeurs de la République. Sa durée est fixée à deux jours.

La rédaction initiale de la proposition de loi prévoyait de porter cette durée à cinq jours. Sur l’initiative de la rapporteure, la commission a prévu trois jours.

Durant les débats, la rapporteure nous a alertés sur plusieurs points, notamment sur le coût supplémentaire que cela représentait.

Elle nous a aussi indiqué que cette obligation de formation n’était pas entièrement satisfaite, puisqu’un quart des jeunes engagés n’en bénéficie toujours pas et que seulement la moitié d’entre eux font deux journées effectives de formation.

On constate donc que ces formations sont payées, mais qu’elles ne sont pas toujours exécutées. Madame la ministre, vous avez dit, lors de votre intervention à la tribune, que l’Agence du service civique avait accru ses contrôles, mais je pense que ce n’est pas encore suffisant.

Cet amendement a pour objet de renforcer les contrôles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Robert, rapporteure. La commission a effectivement décidé de porter la durée de formation à trois jours. Je trouve que cette augmentation doit avoir pour corollaire le renforcement des contrôles, afin de garantir que les formations sont bien dispensées.

La commission est favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Cet amendement est satisfait aujourd’hui par une disposition de niveau réglementaire et je ne m’opposerai pas à ce que les contrôles soient renforcés pour garantir la confiance dans le système.

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 3 rectifié est présenté par M. Piednoir, Mme Di Folco, M. Burgoa, Mmes Estrosi Sassone et Joseph, MM. Sido, Saury, Lefèvre, Grosperrin, Milon, Savin et Michallet, Mmes P. Martin et Micouleau, M. Klinger, Mme Pluchet, MM. Belin et Rapin, Mme Nédélec, MM. Sautarel et Bruyen et Mmes Borchio Fontimp et Gruny.

L’amendement n° 4 rectifié quater est présenté par M. C. Vial, Mme Ventalon, M. Levi, Mme Billon, MM. Darnaud, H. Leroy, Bacchi, Brisson, Cambier et Laugier, Mmes Demas, Bellurot et Garnier, M. Ruelle, Mme Lassarade, MM. Anglars, Lafon et Kern, Mmes Morin-Desailly, Romagny, de La Provôté et Saint-Pé, M. Genet et Mmes Gatel et Jacquemet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié.

M. Stéphane Piednoir. Le présent amendement vise à maintenir l’indemnisation du service civique telle qu’elle est prévue aujourd’hui. Je laisse Cédric Vial, qui a déposé un amendement identique, vous en donner les détails. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié quater.

M. Cédric Vial. Comme je l’indiquais dans la discussion générale, le coût de la revalorisation de l’indemnité versée aux volontaires peut être estimé entre 80 millions et 100 millions d’euros selon la durée des missions, ce qui représente à peu près 20 % des crédits alloués chaque année au service civique par l’État.

Si l’on porte l’indemnité à 751 euros à budget constant, un rapide calcul montre que cela représente entre 17 000 et 20 000 missions en moins chaque année, sauf si vous avez une nouvelle à nous annoncer en la matière, madame la ministre…

Il me semble en effet que notre priorité doit être de ne pas rogner sur le nombre de missions, d’autant qu’il y a déjà aujourd’hui plus de demandes que de missions pouvant être effectivement attribuées. Réduire le nombre des missions de service civique serait un mauvais signal.

Pour autant, nous devons garder en tête l’idée qu’augmenter l’indemnité pourrait être nécessaire à l’avenir, même sans aller jusqu’à 751 euros…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Robert, rapporteure. Vous l’avez compris, mes chers collègues, à titre personnel, il me paraît important de revaloriser l’indemnité et je croyais avoir trouvé une position de compromis en proposant la semaine dernière à la commission de fixer cette indemnité par référence à la rémunération versée à un jeune majeur âgé de 18 à 20 ans lors de sa première année en contrat d’apprentissage, soit 751 euros.

La commission en a finalement décidé autrement, puisqu’elle a émis un avis favorable sur les amendements identiques nos 3 rectifié et 4 rectifié quater ; dont acte !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Je vais suivre la sagesse des sénateurs Piednoir et Vial. Notre idée est de garantir la qualité des missions et de ne pas réduire leur nombre. Or chacun connaît la situation budgétaire…

J’ajoute que les indemnités continuent d’augmenter, puisqu’elles sont indexées sur le point d’indice de la fonction publique.

Parallèlement, nous agissons sur d’autres aspects comme le logement ou les transports. Par exemple, nous soutenons des associations comme InSite, qui loge les volontaires, et nous travaillons avec les autorités régulatrices des transports pour qu’elles reconnaissent le statut de volontaire du service civique afin d’alléger les dépenses de transport de ces jeunes.

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Avec ces amendements, les choses sont claires, même si l’avis du Gouvernement ne l’est pas tant que cela, puisqu’il s’en remet à la sagesse du Sénat…

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Non, l’avis est favorable !

M. Patrick Kanner. Cela veut dire, madame la ministre, que le Gouvernement ne veut pas débloquer quelques dizaines de millions d’euros. Je le regrette !

J’ai eu l’honneur et la chance d’appartenir à un gouvernement dans lequel je portais ce dossier et pour lequel le service civique était une priorité absolue sur le plan budgétaire. Je regrette que ce ne soit pas le cas pour le gouvernement actuel. Des dizaines de milliers de jeunes auraient pu être plus reconnus.

Chacun ici peut d’ailleurs admettre que 620 euros ne permettent pas une émancipation financière. Je ne dis pas non plus que le compromis proposé en commission par Mme Robert pouvait suffire : je souhaitais que nous allions plus loin !

A priori, le Sénat va cependant refuser cette avancée qui s’inscrivait tout de même – je le signale – dans la logique du relèvement de l’âge des volontaires à 27 ans, ce qui créait un lien avec le niveau du RSA. Tout ce qui peut être mis sur la table pour éviter qu’un jeune en difficulté soit amené à demander le RSA, parce qu’il n’a pas d’autre solution, va dans le bon sens.

Je prends acte du fait que la majorité sénatoriale ne semble pas vouloir faire ce geste. Je note néanmoins que nos amis de la droite sénatoriale, du groupe Les Républicains en particulier, disent qu’ils auraient été prêts à voter un relèvement de l’indemnité si le Gouvernement avait lui-même fait un geste. Je constate que ce geste n’est pas venu !

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. Au moment de l’examen du projet de loi de finances, Mme Thevenot, alors secrétaire d’État chargée de la jeunesse et du service national universel, avait évoqué l’idée de revoir l’indemnisation des volontaires du service civique à la hausse. Madame la ministre, on vous donne l’occasion d’avancer sur cette question !

Mes chers collègues, quand allez-vous prendre conscience de la précarité croissante des jeunes et réagir aux files interminables devant les distributions alimentaires en fin d’année ? Lorsque je me suis rendue à l’une d’elles, il y avait dans la file des volontaires du service civique : qui peut vivre avec 600 euros par mois ?

Par ces amendements et le vote qui va certainement advenir, vous exprimez une nouvelle fois votre déconnexion face à cette jeunesse.

Comme je le disais en discussion générale, les volontaires du service civique sont de deux types. Certains le font par goût, par envie de s’investir. D’autres, parce qu’ils n’ont pas d’emploi : pour eux, l’une des motivations principales est l’indemnité. On a vraiment besoin de revoir cette indemnité à la hausse pour répondre à la situation de ces personnes. Augmentons cette indemnité !

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Madame la ministre, je suis entré dans l’hémicycle plein d’espérance. J’étais persuadé qu’après l’excellent compromis trouvé par notre rapporteure, après le remarquable plaidoyer de Patrick Kanner, vous alliez nous dire que le Gouvernement prenait en considération la proposition de notre rapporteure et que nous allions trouver une solution.

Dans ce cas, comme l’a excellemment compris Patrick Kanner, nous nous serions laissé faire, nous aurions apporté un plein soutien à cette proposition et je suis persuadé que Cédric Vial et Stéphane Piednoir auraient retiré leurs amendements.

Ce que nous ne voulons pas, c’est que l’excellente proposition de Sylvie Robert conduise à réduire le nombre de contrats. Mme la ministre dit que nous faisons preuve de sagesse, mais je reconnais que c’est une sagesse un peu rabougrie. Si un geste avait été fait par le Gouvernement, nous n’aurions pas eu cette crainte de voir le nombre de contrats diminuer en raison d’une enveloppe budgétaire constante.

J’avais dit en commission que nous interrogerions le Gouvernement à ce sujet. Quand nous avons auditionné Mme Belloubet, nous n’avons pas été déçus… Et nous sommes encore plus déçus en vous écoutant, madame la ministre, malgré vos efforts et votre sourire.

C’est pourquoi nous voterons les amendements de Stéphane Piednoir et de Cédric Vial.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 rectifié et 4 rectifié quater.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 177 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 245
Contre 96

Le Sénat a adopté.

Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 2

Article 1er bis (nouveau)

L’article L. 6323-6 du code du travail est complété par un III ainsi rédigé :

« III. – Les droits acquis au titre d’un service civique peuvent être mobilisés dans des conditions définies par décret pour le paiement des droits d’inscription mentionnés à l’article L. 719-4 du code de l’éducation. – (Adopté.)

Article 1er bis (nouveau)
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Article 3

Article 2

Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° L’article L. 122-3 est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « ou un contrat de service civique tel que mentionné à l’article L. 120-3 du code du service national. À l’issue de ce contrat, il lui est proposé une formation professionnelle, un dispositif d’accompagnement ou d’insertion sociale et professionnelle ou la reprise de sa formation initiale. » ;

2° et 3° (Supprimés)

3° bis (nouveau) L’article L. 611-12 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce décret prévoit les conditions de réintégration de l’étudiant dans la formation dans laquelle il est inscrit. » ;

4° L’article L. 612-3 est ainsi modifié :

a) Le troisième alinéa du I est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces établissements peuvent prendre en compte la situation des bacheliers ayant réalisé un engagement de service civique au sens de l’article L. 120-3 du code du service national. » ;

b) (Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 13, présenté par Mme S. Robert, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° La vingt-troisième ligne du tableau constituant le second alinéa du I de l’article L. 165-1 est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

« 

L. 122-3

Résultant de la loi n° … du … visant à renforcer le service civique

L. 122-4 et L. 122-5

Résultant de l’ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000

 » ;

II. – Compléter cet article par cinq alinéas ainsi rédigés :

…° Le tableau constituant le second alinéa du I des articles L. 685-1, L. 686-1 et L. 687-1 est ainsi modifié :

…) La treizième ligne est ainsi rédigée :

« 

L. 611-12

Résultant de la loi n° … du … visant à renforcer le service civique

 » ;

…) La seizième ligne est ainsi rédigée :

« 

L. 612-13

Résultant de la loi n° … du … visant à renforcer le service civique

 ».

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Sylvie Robert, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 3 bis (nouveau)

Article 3

Le code général de la fonction publique est ainsi modifié :

1° et 2° (Supprimés)

3° (nouveau) Au second alinéa de l’article L. 325-8, après le mot : « professionnalisation », sont insérés les mots : « ainsi que le temps effectif du service civique » ;

4° (nouveau) La sous-section 1 de la section 2 du chapitre V du titre II du livre III est complétée par un article L. 325-13-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 325-13-1. – Les statuts particuliers des corps ou cadres d’emplois précisent les conditions dans lesquels les personnes ayant effectué un service civique peuvent bénéficier de dérogations aux conditions de titre ou de diplôme pour se présenter aux concours mentionnés à l’article L. 325-2. »

M. le président. L’amendement n° 11 rectifié ter, présenté par Mme Billon, MM. Lafon, Levi et C. Vial, Mmes Ventalon et Perrot, MM. Laugier, Brisson, Courtial et Henno, Mme Tetuanui, M. Cambier, Mme Guidez, M. Michallet, Mme Borchio Fontimp, M. Menonville, Mme Belrhiti, MM. Kern et H. Leroy, Mmes Morin-Desailly, Romagny et Saint-Pé, MM. Delcros, Genet et Duffourg, Mmes Jacquemet et Muller-Bronn et MM. Pillefer et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. L’article 3 vise à prendre en compte davantage le service civique dans les procédures d’accès par concours à la fonction publique. Il prévoit notamment la possibilité pour les statuts particuliers de faire bénéficier les anciens volontaires d’une dérogation aux conditions de diplômes ou de titres pour s’inscrire aux concours de la fonction publique.

Actuellement, cette dérogation est de droit pour les parents d’au moins trois enfants et possible pour les sportifs de haut niveau. Les épreuves et le concours en lui-même restent inchangés pour les candidats.

Le service civique, d’une durée d’un an maximum – sa durée moyenne est de huit mois –, n’a pas vocation à remplacer des années d’études et par conséquent les titres et diplômes reçus.

Le service civique n’est pas un frein à la poursuite des études supérieures ni à la formation et il ne doit surtout pas le devenir. D’ailleurs, un amendement adopté en commission sur l’initiative de la rapporteure vise à sécuriser le droit à la réintégration du volontaire dans son cursus de formation pour tout étudiant effectuant une césure, ce qui finalement favorise le lien entre études et service civique.

Le présent amendement vise à ne pas maintenir la possibilité de dérogation aux conditions de diplômes ou de titres pour s’inscrire aux concours de la fonction publique, considérant qu’elle n’est pas justifiée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Robert, rapporteure. Madame Billon, je rappelle, vous l’avez dit, que tous les candidats passent les mêmes épreuves, si bien que l’accès égal aux emplois publics est maintenu.

Il me semble intéressant de valoriser le service civique au sein de la fonction publique.

En outre, le droit autorise déjà des dérogations de diplômes et de titres pour les parents de trois enfants et les sportifs de haut niveau. Pourquoi les perchistes qui passent 6 mètres 10 y auraient-ils droit et pas les jeunes du service civique ? À titre personnel, je ne comprends pas bien pourquoi nous ferions cette différence…

Néanmoins, la commission a émis ce matin un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Avis favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié ter.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 178 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 227
Contre 114

Le Sénat a adopté.

Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
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Article 4 (début)

Article 3 bis (nouveau)

À l’article L. 6412-1-1 du code du travail, après le mot « éducation », sont insérés les mots : «, la période de service civique mentionnée au II de l’article L. 120-1 du code du service national ». – (Adopté.)

Article 3 bis (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le service civique
Article 4 (fin)

Article 4

Les conséquences financières résultant pour l’État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs, prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services. – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. À nos yeux, le texte de nos collègues socialistes a été détricoté.

Le fait que la proposition d’augmentation de l’indemnité ait été supprimée par nos collègues du groupe Les Républicains nous pose vraiment problème. Pourtant, dans son intervention en discussion générale, Cédric Vial a lui-même parlé de l’intérêt de la mixité au sein du service civique. Or l’augmentation de l’indemnité est importante pour permettre à tous les jeunes d’y avoir accès. Si l’indemnité n’est pas suffisamment élevée, certains jeunes ne pourront pas participer au service civique et seuls ceux qui ont déjà des moyens suffisants pourront le faire. Ce point pose problème pour nous.

Un autre point pose problème, c’est la part de l’administration dans les missions du service civique : elle est passée de 12 % à 38 % entre 2014 et 2021. Or nous refusons que les services publics trouvent là une occasion d’embaucher du personnel moins bien rémunéré. L’enquête menée par l’émission Cash Investigation diffusée sur France 2 et relative aux volontaires dans les services publics était accablante : 5 000 missions de service civique à Pôle emploi, beaucoup dans les administrations financières, etc. Bref, il existe déjà une problématique en termes d’emploi dissimulé, si bien que l’ouverture du service civique à plus d’organismes nous pose aussi problème.

Enfin, je me suis exprimée sur l’extension du service civique à la tranche d’âge 25-27 ans : nous sommes plutôt contre, même si nous pouvions accepter la proposition de compromis consistant à l’expérimenter.

Ainsi, au regard de tous ces éléments, le groupe GEST va devoir voter contre ce texte.

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Certains verront dans la rédaction finale de ce texte une bouteille à moitié vide, d’autres une bouteille à moitié pleine, mais, pour notre part, nous le voterons.

Tout d’abord, pour respecter le travail réalisé par la rapporteure au nom de la commission. Elle a su créer – cela a été salué – un climat favorable au consensus, à la recherche de l’intérêt général, en un mot, un climat sénatorial !

Ensuite, pour permettre à ce texte de prospérer. Si le Sénat le rejetait, nous en resterions là et le message envoyé aux jeunes ne serait pas très positif.

Surtout, j’ai noté les ouvertures, au moins de principe, à défaut d’être budgétaires, de la part de Mme la ministre pour conforter et développer cette belle politique publique qu’est le service civique : c’était l’esprit de la proposition de loi que j’ai eu l’honneur de déposer.

Bien sûr, j’aurais aimé qu’on aille plus loin, c’était aussi l’idée de ce texte. Nous sommes déçus, mais malgré cela, en particulier malgré le recul sur la question de l’indemnisation – Mathilde Ollivier en a parlé –, et pour faire avancer les choses, nous voterons pour ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Le groupe Union Centriste va voter pour le texte issu de nos débats.

Madame la rapporteure, nous avons progressé en commission, puis en séance ce soir, et la discussion générale a démontré que nous sommes tous attachés au service civique.

Cette politique publique concerne beaucoup de jeunes ; elle a besoin de moyens et doit être développée de manière égale dans tous les territoires.

Nous comptons sur vous, madame la ministre, notamment sur la question budgétaire. La semaine dernière, nous avons auditionné Mme la ministre Belloubet, qui nous a un peu inquiétés en laissant entendre qu’il pourrait y avoir une réduction du budget du service civique. Cela a été infirmé, ce qui est une bonne chose. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Sylvie Robert, rapporteure. Je veux remercier chacune et chacun d’entre vous ; nous avons cheminé ensemble vers un compromis. Il peut décevoir certains – il va même amener nos amis écologistes à voter contre ce texte, ce que je regrette profondément, en particulier sur un sujet comme le service civique –, mais nous franchissons une étape et nous renforçons malgré tout le dispositif. C’est pourquoi j’espère que ce texte pourra être examiné par l’Assemblée nationale et, en disant cela, je me tourne vers le président de mon groupe, Patrick Kanner, qui est aussi l’auteur de cette proposition de loi.

En tout cas, il était important que le Sénat réaffirme aujourd’hui l’importance de l’engagement des jeunes dans notre société, alors qu’elle ne va pas bien ; certains ont parlé de la violence que l’on voit émerger ici et là.

Je crois que, collectivement, nous avons fait avancer un peu le sujet et je m’en félicite.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de léducation, de la communication et du sport. Je veux d’abord remercier notre rapporteure. Nous connaissions ses qualités, son talent ; nous avons découvert qu’elle savait aussi faire des compromis pour que nous avancions ensemble dans le bon sens. Merci pour ce travail ! Je sais que ce n’est pas toujours facile.

Je voudrais aussi remercier Patrick Kanner qui, au travers de ce texte, a permis un débat sur le service civique, ce qui n’est pas si fréquent. Il a su identifier des points d’amélioration pour ce dispositif. Je sais que le texte ne va pas aussi loin qu’il l’aurait voulu et je veux le remercier pour les concessions qu’il a faites par rapport à son intention initiale. Cela va contribuer à ce que ce texte soit adopté à une très large majorité, ce qui est très important, parce que cela nous permet d’exprimer notre soutien envers le service civique.

J’ai toujours plaisir à rappeler que c’est le Sénat qui est à l’origine de la création du service civique et nous réaffirmons ce soir, grâce à l’initiative de Patrick Kanner, qu’il joue un rôle majeur dans l’engagement des jeunes dans la société. Tel est le sens principal du vote de ce soir et la raison de mes remerciements envers l’auteur du texte.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à renforcer le service civique.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 179 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 323
Pour l’adoption 307
Contre 16

Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)

Article 4 (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le service civique
 

7

Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.

M. Pierre-Antoine Levi. Monsieur le président, lors du scrutin n° 176 sur l’amendement n° 10 rectifié bis à l’article 1er de la proposition de loi visant à renforcer le service civique, ma collègue Nadia Sollogoub ne souhaitait pas prendre part au vote.

M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.

8

Conférence des présidents

M. le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents réunie ce jour sont consultables sur le site du Sénat.

En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.

Conclusions de la conférence des présidents

SEMAINE DE CONTRÔLE

Jeudi 11 avril 2024

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures

(Ordre du jour réservé au groupe RDSE)

- Proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole, présentée par M. Michel Masset et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 501, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 29 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 3 avril matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 8 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 10 avril matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 10 avril à 15 heures

- Proposition de loi tendant à préserver l’accès aux pharmacies dans les communes rurales, présentée par Mmes Maryse Carrère, Guylène Pantel et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 503, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 2 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 3 avril matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 8 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 10 avril matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 10 avril à 15 heures

Suspension des travaux en séance plénière :

du lundi 15 au dimanche 28 avril 2024

SEMAINE DE CONTRÔLE

Mardi 30 avril 2024

À 14 heures

- Débat sur le programme de stabilité et l’orientation des finances publiques (demande de la commission des finances)

• Intervention liminaire du Gouvernement

• Temps attribué à la commission des finances : 15 minutes

• Temps attribué à la commission des affaires sociales : 5 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 29 avril à 15 heures

- Débat sur le thème : « Planification écologique et COP régionales : quelle efficacité ? » (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes, y compris la réplique

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute

• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 29 avril à 15 heures

À l’issue du débat

- Examen d’une proposition de création d’une commission spéciale en vue de l’examen du projet de loi de simplification, sous réserve de son dépôt

- Sous réserve de la décision de sa création, désignation des trente-sept membres de la commission spéciale sur le projet de loi de simplification, sous réserve de son dépôt

• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette commission spéciale : mardi 30 avril à 13 h 30

À 17 h 15

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 30 avril à 13 heures

SEMAINE SÉNATORIALE

Mardi 7 mai 2024

À 9 h 30

- Questions orales

À 14 h 30

- Proposition de loi portant statut de personne morale de droit public à statut particulier à l’Académie nationale de chirurgie, présentée par Mme Pascale Gruny et M. Alain Milon (texte n° 359, 2022-2023) (demande du groupe Les Républicains)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 29 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 30 avril après-midi

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 6 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 7 mai après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 6 mai à 15 heures

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 14 mai 2024

À 14 h 30 et le soir

- Proposition de loi visant à poursuivre la dématérialisation de l’état civil du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, présentée par Mme Samantha Cazebonne (procédure accélérée ; texte n° 433, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 6 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 7 mai en début de matinée

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 13 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 14 mai en début de matinée

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 13 mai à 15 heures

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, allongeant la durée de l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate (texte n° 380, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : jeudi 11 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 30 avril en début de matinée

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 13 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 14 mai en début de matinée

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 13 mai à 15 heures

- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France (procédure accélérée ; texte A.N., n° 2321)

Ce texte sera envoyé à la commission des finances avec une saisine pour avis de la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 6 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 7 mai en début d’après-midi

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 13 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 14 mai en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 13 mai à 15 heures

Mercredi 15 mai 2024

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 15 mai à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Sous réserve de sa transmission, suite de la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France (procédure accélérée ; texte A.N., n° 2321)

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession (texte n° 374, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 6 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 7 mai en début d’après-midi

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 13 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 15 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 14 mai à 15 heures

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 14 mai à 15 heures

- Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, ratifiant l’ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé (texte n° 528, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 6 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 7 mai après-midi

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 13 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 15 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 14 mai à 15 heures

- Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne (texte n° 520, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 29 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 30 avril après-midi

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 13 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 15 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 14 mai à 15 heures

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 21 mai 2024

À 14 h 30 et le soir

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif (texte n° 292, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques avec une saisine pour avis de la commission des finances.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 3 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 7 mai à 14 h 30

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 16 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 21 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 17 mai à 15 heures

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à faciliter la transformation des bureaux en logements (texte n° 406, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques avec une saisine pour avis de la commission des finances.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 13 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 15 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 17 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 21 mai après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 17 mai à 15 heures

Mercredi 22 mai 2024

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 22 mai à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à faciliter la transformation des bureaux en logements (texte n° 406, 2023-2024)

- Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (texte A.N., n° 2424)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Réunion de la commission pour le rapport : mercredi 15 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 21 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 22 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 21 mai à 15 heures

- une convention internationale examinée selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne relatif à l’apprentissage transfrontalier (procédure accélérée ; texte n° 426, 2023-2024)

• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : vendredi 17 mai à 15 heures

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 21 mai à 15 heures

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à prévenir les ingérences étrangères en France (texte n° 479, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois avec une saisine pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 13 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 15 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 21 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 22 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 21 mai à 15 heures

SEMAINE DE CONTRÔLE

Mardi 28 mai 2024

À 14 h 30

- Débat relatif à la francophonie (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute

• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes

• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 27 mai à 15 heures

À 16 h 15 et le soir

- Débat sur le bilan de l’application des lois

• Présentation du rapport sur l’application des lois : 10 minutes

• Réponse du Gouvernement : 5 minutes

• Débat interactif avec les présidents des commissions permanentes et le président de la commission des affaires européennes : 2 minutes maximum par président, y compris la réplique, avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

• Débat interactif avec les groupes à raison d’un orateur par groupe : 2 minutes maximum par orateur, y compris la réplique, avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 27 mai à 15 heures

- Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques (texte n° 310, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains et du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 17 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 22 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 27 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 28 mai après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 27 mai à 15 heures

- Proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre, présentée par Mme Jacqueline Eustache-Brinio et plusieurs de ses collègues (texte n° 435, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 17 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 22 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 27 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 28 mai après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 27 mai à 15 heures

Mercredi 29 mai 2024

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 29 mai à 11 heures

De 16 h 30 à 20 h 30

(Ordre du jour réservé au groupe RDPI)

- Débat sur le thème : « Le contrôle des investissements étrangers en France comme outil d’une stratégie d’intelligence économique au service de notre souveraineté »

• Temps attribué au groupe Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants : 8 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute

• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes

• Conclusion par le groupe Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 28 mai à 15 heures

- Proposition de loi ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d’assistant familial, présentée par M. Xavier Iacovelli (texte n° 522, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 17 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 22 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 27 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 29 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 28 mai à 15 heures

À l’issue de l’espace réservé ou le soir

- Débat sur le thème : « La France a-t-elle été à la hauteur des défis et de ses ambitions européennes ? » (demande du groupe SER)

• Temps attribué au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes, y compris la réplique

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute

• Conclusion par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 28 mai à 15 heures

Jeudi 30 mai 2024

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures

(Ordre du jour réservé au GEST)

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (texte n° 514, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 20 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 22 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 27 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 29 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 29 mai à 15 heures

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l’argile (texte n° 513, 2022-2023)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 17 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 22 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 27 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 29 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 29 mai à 15 heures

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Lundi 3 juin 2024

À 17 heures

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : vendredi 31 mai à 15 heures

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : vendredi 31 mai à 15 heures

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi allongeant la durée de l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : vendredi 31 mai à 15 heures

Le soir

- Sous réserve de son dépôt, projet de loi de simplification

Mardi 4 juin 2024

À 9 h 30

- Questions orales

À 14 h 30 et le soir

- Sous réserve de son dépôt, suite du projet de loi de simplification

Mercredi 5 juin 2024

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 5 juin à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Sous réserve de son dépôt, suite du projet de loi de simplification

Éventuellement, jeudi 6 juin 2024

À 10 h 30 et à 14 h 30

- Éventuellement, sous réserve de son dépôt, suite du projet de loi de simplification

SEMAINE SÉNATORIALE

Mardi 11 juin 2024

À 14 h 30

- Sous réserve de son dépôt, explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi de simplification

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 10 juin à 15 heures

• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 11 juin à 12 h 30

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 25 juin 2024

À 14 h 30

- Sous réserve de son dépôt et de sa transmission, explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi Logement

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 24 juin à 15 heures

• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 25 juin à 12 h 30

Prochaine réunion de la Conférence des Présidents :

mercredi 15 mai 2024 à 18 heures

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures trente, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Haut-Commissariat au plan : quel bilan et quelle influence sur les politiques publiques depuis 2020 ?

Débat organisé à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, sur le thème « Haut-Commissariat au plan : quel bilan et quelle influence sur les politiques publiques depuis 2020 ? »

Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour du droit de repartie, pour une minute.

Madame la ministre déléguée, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé une place dans l’hémicycle.

Le temps de réponse du Gouvernement à l’issue du débat est limité à cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la réflexion prospective est plus que jamais indispensable dans le monde où nous vivons. Il importe d’anticiper et d’imaginer différents futurs possibles, d’analyser les tendances actuelles, les facteurs de changement et de prendre en compte les incertitudes qui pourraient façonner le monde de demain.

Pour cela, la planification est un outil central qui s’inscrit depuis toujours dans une tradition bien française.

Déjà, en 1944, le Conseil national de la Résistance, dans ses propositions, s’inspire des politiques du plan, énonce un ensemble de principes politiques et sociaux : restauration de la démocratie, égalité des droits, droit au travail, sécurité sociale, réforme du système éducatif et nationalisation de certains secteurs clés de l’économie.

En 1946, le Commissariat général du plan, imaginé par Jean Monnet, s’impose comme une planification influencée par le New Deal en définissant les priorités économiques de la Nation. Il permet de reconstruire et moderniser les infrastructures, les industries et l’agriculture de la France de l’après-guerre.

Dès la fin des années 1970, la planification s’épuise et a moins de sens aux yeux des décideurs politiques dans une société qui se développe autour de la mondialisation, de la construction européenne, de la décentralisation, et avec l’essor des politiques libérales. C’est d’ailleurs sous le gouvernement de Dominique de Villepin que le sort du Commissariat général du plan sera scellé. À cette époque, rares sont ceux qui cherchent à s’extraire d’une mainmise du marché confortée par des politiques ultralibérales.

En 2020, la politique de planification est remise au goût du jour. Sous l’impulsion du Premier ministre Jean Castex à la suite de la crise du covid-19, M. François Bayrou est nommé haut-commissaire au plan et à la prospective afin d’« éclairer les choix collectifs que la Nation aura à prendre pour maintenir ou reconstruire sa souveraineté et une autonomie européenne face à l’impact des évolutions démographiques, à la grande transition écologique et aux bouleversements du numérique et de la recomposition des chaînes de valeur mondiales ». Joli programme !

Présentée comme « tout sauf un lot de consolation » par le Président de la République, cette réanimation, en fin de quinquennat, d’un commissariat au plan, par principe chargé du long terme, a laissé certains d’entre nous perplexes.

Après trois ans et demi de travaux, il nous semblait intéressant de dresser un premier bilan. Je me suis plongé dans les travaux qui ont été réalisés : de nombreux sujets sont traités, mais de manière cloisonnée ; des perspectives sont tracées, mais aucune bifurcation n’est envisagée.

D’un point de vue quantitatif, seize rapports ont trait à des questions d’ordre démographique, social et économique.

D’un point de vue qualitatif, on retrouve des sujets certes intéressants, mais traités en silo, sans aucune transversalité ni prise en compte des défis qui nous font face. C’est d’ailleurs bien là que le bât blesse !

Toute prospective reste vaine si elle se limite à des réponses technosolutionnistes, si elle se maintient dans un cadre et dans la continuité de ce qui se fait déjà, sans imaginer les risques de chocs et de crises potentielles, notamment environnementales, géopolitiques, ou l’évolution des modes de vie.

On le sait, notre avenir dépend des actions entreprises aujourd’hui pour préserver les ressources et les écosystèmes. Ces actions doivent être la matrice principale de nos politiques pour l’avenir. L’innovation technologique, la coopération internationale, les changements sociaux et économiques doivent s’envisager sous le prisme de la finitude de la planète. Kenneth Boulding le rappelait : « Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. »

Aujourd’hui, il faudrait 2,7 planètes s’il était permis à chacun sur terre de disposer du niveau de vie par tête des Français.

Le 2 août 2023, nous avons consommé toutes les ressources que notre planète peut régénérer en une année. Ce que l’on appelle le jour du dépassement arrivera certainement quelques jours plus tôt cette année.

Tout cela, le Haut-Commissariat au plan ne le prend pas en compte. Il n’a donc malheureusement pas opéré sa mise à jour, en restant bloqué sur le mode de développement des Trente Glorieuses, qui s’est construit sur la consommation de masse, alors que l’avenir est à la sobriété, à l’efficacité, à l’évolution des modes de vie, à la lutte contre les inégalités et à la justice sociale.

À ce propos, la note sur le déficit du commerce extérieur est très éclairante : le Haut-Commissariat effectue des plus et des moins en matière d’importations et d’exportations. Le seul angle est la balance commerciale, qu’il ne contrebalance pas avec l’impact significatif que ces productions ont sur l’environnement, que ce soit sur la perte de biodiversité, sur la pollution ou sur le changement d’affectation des sols, ici ou de l’autre côté de l’océan. La note rappelle que 60 % de l’excédent agricole repose sur les céréales, mais, à côté de cela, la France reste extrêmement dépendante aux tourteaux de soja brésilien et aux engrais importés.

Cette spécialisation de notre agriculture n’est absolument pas interrogée. Renforcer nos exportations par la course aux rendements et au moins-disant n’est pas viable. Le monde agricole le paie aujourd’hui très cher. C’est pourquoi une planification écologique digne de ce nom est indispensable.

Il est impératif de répondre aux enjeux d’indépendance stratégique vis-à-vis des pays exportateurs de technologies et d’aligner la stratégie industrielle nationale avec les objectifs climatiques et sociaux ; de relocaliser l’emploi sur le territoire national sur toute la chaîne de valeur ; de relocaliser et contrôler les impacts environnementaux, les émissions de gaz à effet de serre des filières industrielles. Il s’agit non pas seulement de décarboner ici, mais de produire utile et durable. Un vrai changement de paradigme !

Une véritable planification doit aussi intégrer les questions d’aménagement du territoire. Je pense aux mobilités, notamment au réseau ferré, pour mieux desservir et structurer les territoires. Laisser faire le marché amène à toujours plus de concentration, et ce à tous les niveaux. Rééquilibrer notre pays demande une action publique au travers de politiques qui n’abandonnent pas des territoires et restaurent les services publics.

Cette planification nécessite des investissements. À cet égard, quelle articulation y a-t-il entre le Haut-Commissariat au plan, France Stratégie, France 2030, le secrétariat général pour l’investissement ou avec les lois de programmation budgétaire, qui ont tendance à se multiplier dernièrement ?

Plutôt qu’une planification qui n’en porte que le nom, nous proposerions une véritable feuille de route associant moyen et long termes, basée sur de nouveaux indicateurs, en particulier la santé mentale et physique de nos concitoyens, c’est-à-dire une planification à laquelle serait associé l’ensemble de la société – citoyens, associations, syndicats et entreprises –, sur le modèle des conventions citoyennes. La planification doit être également ascendante et non pas seulement descendante si elle veut atteindre ses objectifs.

Il faut se réapproprier le temps long malgré les incertitudes, construire la résilience, engager les transitions, investir dans l’adaptation tout en atténuant le réchauffement climatique. Le travail réalisé par le Haut-Commissariat reste beaucoup trop imprégné par les vieux paradigmes et ne dessine pas un futur dissocié de la croissance, de l’extractivisme, de la prédation des ressources de notre planète. En bref, il ne trace pas le chemin d’un avenir durable.

C’est peu dire que nous restons sur notre faim. Pour nous, la planification est essentielle pour sortir du court-termisme et de ses impasses. La reconnexion aux moyen et long termes évite de toujours courir après l’actualité et d’aller de surprise en surprise, comme notre Président de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Nicole Bonnefoy applaudit également.)

M. le président. Dans la suite du débat, la parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Plan est né, à la Libération, de la volonté de refonder l’économie française sur des bases nouvelles. Il s’agissait d’accompagner l’effort de reconstruction du pays au sortir de la guerre.

Le Commissariat général du plan avait pour fonction de penser l’orientation du développement économique et industriel selon les besoins, les ressources et les ambitions du pays.

Dans les années 1960, cette structure est l’instrument de la modernisation technologique de l’économie française, concrétisée par le lancement de grands projets industriels : TGV, aéronautique, spatial, maillages autoroutiers, indépendance énergétique, automobile, etc.

Plus récemment, après sa mise en sommeil en 2005, l’urgence écologique, l’ampleur de la désindustrialisation et la fragilité de nos chaînes d’approvisionnement dans des secteurs essentiels ont rendu nécessaire la mise en place d’une planification. C’est pourquoi un Haut-Commissariat au plan et à la prospective a été remis à l’ordre du jour en 2020.

Toutefois, quelques notes et quelques mois plus tard, selon la formule du journal Le Monde, une question se pose avec acuité : à quoi sert ce nouveau Haut-Commissariat au plan et à la prospective ?

La fonction de haut-commissaire au plan et à la prospective résulte-t-elle d’une véritable prise en compte de l’expérience de la planification depuis 1945 ? Est-ce véritablement le retour de l’État stratège ? Est-ce un outil au service de notre pays, dans un contexte de mondialisation, avec une France présente sur la scène internationale, sur tous les océans, forte de ses territoires ultramarins, ou plutôt un élément de communication politique ?

Nous n’aurons sans doute pas la réponse ce soir.

Pour notre part, il nous semble essentiel de renouer avec une véritable planification permettant de dégager des priorités de long terme claires et déconnectées des enjeux purement électoraux. Il nous semble aussi nécessaire de dégager des objectifs de moyen terme cohérents entre eux, des objectifs qui permettent d’inscrire l’action politique, administrative et législative dans le temps long.

De tout cela, nous sommes loin !

Il nous faut aujourd’hui une véritable planification pour la transition écologique calibrée sur l’urgence climatique ; pour une politique industrielle volontariste, et non pas modeste et défensive ; pour une souveraineté alimentaire et énergétique ; pour le renforcement du capital humain et pour la préservation et la transmission des savoirs.

Nous avons besoin d’une planification qui associe étroitement toutes les parties prenantes. La démarche de planification doit faire société. C’est une innovation qui doit être poursuivie en associant les représentants des salariés et des chefs d’entreprise, les experts, les hauts fonctionnaires, les cadres, mais aussi les associations et les élus locaux. La planification doit permettre de se réapproprier le temps long, pour que nous cessions de subir le monde en évolution.

De plus, comme l’ont souligné nombre de chercheurs, les défis auxquels notre pays doit faire face sont nombreux tant la casse de nos outils de production a été profonde. Que dire encore de nos services publics, à commencer par l’école et l’université, réduits aujourd’hui comme peau de chagrin et à la merci de Parcoursup ?

Si l’État souhaite orienter la politique économique et industrielle conformément aux objectifs affichés, qu’ils soient environnementaux, sanitaires ou sociaux, il ne peut se contenter de la « coopération bienveillante » des entreprises. Il ne peut oublier que les logiques et finalités des grandes entreprises privées passent avant tout par l’optimisation du profit.

Or, comme cela a été souligné par François Bayrou, actuel haut-commissaire au plan et à la prospective, cette institution doit servir un « projet de société » centré sur la justice sociale au travers de l’éducation et de la santé par l’aménagement des régions en vue de réduire les inégalités.

Il faudra donc nécessairement renouer avec l’interventionnisme de l’État, dans une autre logique économique, à rebours des politiques actuelles au service du capitalisme prédateur. (M. Philippe Grosvalet applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Christian Bilhac. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, gouverner, c’est prévoir ! C’était vrai hier, ça l’est encore aujourd’hui.

Si l’intention politique fait peu de doute, ce débat a le mérite d’appeler l’attention sur une structure passée, c’est le cas de le dire, au second plan… D’où cette question légitime : quelle influence a eu le Haut-Commissariat au plan et à la prospective (HCP) sur les politiques publiques depuis sa création en 2020 ?

Créé après la levée du premier confinement, le HCP avait pour vocation d’accompagner le plan de relance du Gouvernement afin de surmonter les effets économiques de la crise sanitaire. D’emblée, il fut très visible médiatiquement avec la nomination de François Bayrou à sa présidence.

En réalité, il s’agissait plutôt d’une renaissance, puisque le premier Commissariat général du plan avait été créé en 1946, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, sous l’égide de Jean Monnet et Félix Gouin. Il incarnait une forme originale de planification à la française, dont les objectifs, définis en commun avec les partenaires sociaux, étaient d’orienter les investissements vers les secteurs prioritaires pour reconstruire la France.

Revenant aux sources de ce qui a fait le succès du rattrapage économique de la France pendant les Trente Glorieuses, je citerai, pour mon département et ma région, l’exemple de la mission Racine, qui illustre parfaitement l’intérêt de cette planification. Créée en 1963, elle avait un objectif ambitieux : l’aménagement du littoral du Languedoc-Roussillon pour développer et diversifier l’économie. Assainissement des zones côtières, démoustication et construction de stations balnéaires dédiées aux classes moyennes et populaires en pleine expansion : la mission Racine a permis d’équiper ce territoire alors en crise.

Depuis, le contexte a radicalement changé. Déjà, en 1981, sortant du bureau du Président de la République François Mitterrand, Michel Rocard qualifiait sa nomination en tant que ministre du plan et de l’aménagement du territoire de « mise au placard ». Aujourd’hui, le vrai ministre du plan s’appelle Emmanuel Macron, Président de la République. Tous les grands projets stratégiques sont annoncés par l’Élysée, sans référence aucune aux travaux du HCP.

Je me pose une question : quels sont les liens entre le Haut-Commissariat au plan et à la prospective et la gouvernance des contrats de plan État-région ou interrégionaux ? Aucune lettre de mission ne semble avoir été donnée à cet égard au HCP.

L’aménagement du territoire reste un axe essentiel pour nos territoires. Après des années de ringardisation sémantique, le mot « planification » est redevenu porteur dans le débat public. Le retour au « planisme » a de quoi étonner de la part d’un exécutif qui, depuis 2017, se réclame de la start-up nation.

Officiellement abandonnés en 2006, le principe de planification et le Commissariat général du plan avaient été remplacés par le Centre d’analyse stratégique, devenu en 2013 France Stratégie. Pourquoi avoir créé ces nouvelles structures ? C’est une spécialité française d’ajouter des couches au millefeuille administratif ; je crains toutefois que ce dernier ne perde ainsi en efficacité.

Doté d’un budget annuel de 15 millions d’euros, prélevés sur les crédits du Premier ministre, le HCP est chargé d’orienter les politiques publiques en matière de souveraineté économique, de démographie, d’environnement et de santé. « Vaste programme ! », comme aurait dit le général de Gaulle.

Il a rendu une douzaine de rapports, mais il n’a pas le monopole du conseil et de la prospective. En effet, la liste est longue des organismes travaillant sur les mêmes sujets : France Stratégie, le Conseil économique, social et environnemental (Cese), sans oublier le Conseil national de l’industrie, le secrétariat général à la planification écologique, le Conseil d’analyse économique, Bpifrance, le Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), ou encore le Conseil national de la refondation. Vous me pardonnerez si j’en oublie… (Sourires.)

Pour l’anecdote, j’ai relevé que le rapport d’activité 2023 de France Stratégie était, avec vingt-quatre pages, deux fois plus long que celui du HCP…

L’existence de multiples comités Théodule travaillant sur les mêmes thématiques prospectives devrait nous interroger et nous conduire à simplifier et rationaliser leurs missions, ce qui serait source de sérieuses économies pour l’État. Ce ne serait pas du luxe par les temps qui courent, madame la ministre…

En conclusion, je dirai que le bilan de l’influence du HCP, dans sa forme actuelle, sur les politiques publiques est paradoxalement inexistant, alors que les enjeux sont considérables. Un constat s’impose : nous n’avons plus de Plan, …

M. le président. Il faut conclure !

M. Christian Bilhac. … ni de plan B, ni de bon plan. Nous avons plutôt hérité d’un comité Théodule plan-plan. (Rires et applaudissements sur les travées des groupes RDSE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, par les temps qui courent, il est important aussi de dire la vérité sur les chiffres. Sauf erreur de ma part, vous avez évoqué un chiffre de 15 millions d’euros de budget pour le Haut-Commissariat au plan, alors qu’il est en réalité de 500 000 euros : 350 000 euros au titre du Plan et 150 000 au titre du Conseil national de la refondation. Ces structures ont décliné des actions territorialement, que ce soit sur la santé, la planification écologique ou l’éducation.

M. Christian Bilhac. Je vous l’accorde !

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, abandonnée depuis près de vingt ans par les gouvernements successifs, l’idée de planification a été réhabilitée par le Président de la République, Emmanuel Macron, au mois de septembre 2020, via la création du Haut-Commissariat au plan et à la prospective, avec pour chef d’orchestre M. François Bayrou.

Mes chers collègues, quatre ans après son installation, vous souhaitez, par ce débat, dresser le bilan de cette instance et évaluer son influence sur les politiques publiques. Au risque de vous décevoir, vous ne m’entendrez pas dire que ce bilan est remarquable, que son organisation doit rester inchangée ou que son influence est sans pareille.

Non, vous ne m’entendrez pas dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ! (M. Daniel Salmon rit.)

Je dresserai, comme vous, je l’espère, un bilan tout en nuances de cette jeune institution.

Au risque de vous persuader, mes chers collègues, je tenterai de vous convaincre que cette instance a tout son sens, si tant est qu’elle ait les moyens de ses ambitions. Avec la crise sanitaire, le dérèglement climatique et le retour de la guerre en Europe, l’idée selon laquelle nous pourrions vivre paisiblement sans nous préoccuper de l’avenir a été réduite comme peau de chagrin. À l’image de l’abondance rêvée d’une oasis dans le désert mondialisé, le mirage de la profusion s’est peu à peu dissipé, laissant ainsi s’ancrer la notion de souveraineté dans tous les domaines.

Paralysés par le temps de l’urgence et soumis aux notifications instantanées de l’actualité, peut-être avions-nous oublié la nécessité d’anticiper, de réfléchir à long terme et de préparer l’avenir. Cela tombe bien, c’est justement le rôle du Haut-Commissariat au plan.

Est-ce une idée nouvelle ?

Certainement pas, puisque Jean Monnet a été nommé commissaire général du plan dès le 3 janvier 1946, sous l’impulsion du général de Gaulle. Cette institution a fait l’unanimité dans le pays jusque dans les années 1980.

Soixante-dix-huit ans plus tard, si le Haut-Commissariat au plan et à la prospective ne semble pas faire l’unanimité, il n’en demeure pas moins que son existence a tout son sens. J’oserai même vous dire qu’il est utile et qu’il peut l’être encore davantage. Que ce soit pour délivrer des analyses sur des sujets stratégiques ou alimenter le débat public, une telle instance de prospective est nécessaire pour notre pays.

Comment la France peut-elle demain assurer sa souveraineté sans disposer de données objectives ? Comment le Parlement peut-il légiférer sur l’avenir sans être éclairé par des travaux indépendants et des services compétents ? Loin de moi l’idée de vouloir dénigrer le travail que nous accomplissons avec les services du Sénat, mais reconnaissons que nous n’avons pas l’apanage des rapports prospectifs.

À la lecture du dernier rapport d’activité du HCP, pris séparément, certains passages peuvent laisser perplexe. Cependant, les sujets sur lesquels l’instance a décidé de travailler sont bel et bien stratégiques pour l’avenir de notre pays.

De la démographie à la géothermie, en passant par le sashimi et l’aquaculture, tout saute, tourbillonne, voltige sous nos yeux pour finir par atterrir miraculeusement dans ce rapport. Je n’ai pas le talent d’interprétation de Louis de Funès dans LAile ou la cuisse, mais il faut reconnaître, plus sérieusement, que le développement de l’aquaculture est un véritable sujet de souveraineté alimentaire. En 2020, chaque Français a consommé en moyenne 31,8 kilogrammes de produits d’origine aquatique et 83 % des poissons d’élevage consommés en France sont importés.

Cela étant, dans quelle mesure le Haut-Commissariat au plan est-il influent ? Surtout, sur quels éléments peut-on évaluer cette influence ?

Je remarque que de nombreux points issus de son travail relatif au vieillissement de la population ont été repris dans la proposition de loi visant à garantir le droit à vieillir dans la dignité et à préparer la société au vieillissement de sa population.

Par ailleurs, le 22 février 2023, alors qu’elle était ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher a présenté, en compagnie du haut-commissaire, un plan d’action pour accélérer le déploiement de la géothermie. Il s’agit d’un sujet stratégique majeur pour notre souveraineté énergétique, sur lequel le Haut-Commissariat avait préalablement travaillé, inspirant ainsi le plan d’action présenté.

Je n’oublie pas les nombreux partenariats noués depuis 2020 avec diverses instances et la réunion des sherpas avec les principales forces sociales et économiques du pays.

Le HCP a donc une influence sur nos politiques publiques. Celle-ci peut et doit être renforcée, mais je ne peux laisser dire que cette instance n’a aucune influence. Un peu de nuance, mes chers collègues !

Mieux, je suis convaincu que le Haut-Commissariat pourrait avoir une tout autre utilité si son organisation faisait l’objet d’une réforme en profondeur, en commençant par sa structure. Avec une équipe de dix personnes, a-t-il les moyens de ses ambitions ? Ne faut-il pas s’inspirer davantage de l’architecture du Commissariat général du plan créé par le général de Gaulle, avec ses 160 agents ?

Par ailleurs, comment mieux articuler le Haut-Commissariat au plan avec les autres instances, que l’orateur précédent a énumérées et qui font de la prospective pour l’État en matière d’action publique ? Ne faudrait-il pas en placer certaines sous sa houlette, afin de gagner en clarté et de mutualiser leurs moyens, ce qui serait bienvenu en cette période de recherche d’économies ?

Enfin, ne serait-il pas pertinent de renforcer ses liens avec la société civile en reconnaissant le Conseil économique, social et environnemental comme véritable commanditaire des travaux du Haut-Commissariat au plan ?

Les pistes à envisager sont multiples pour améliorer l’efficacité et la visibilité de cette structure, qui, je le rappelle, n’a que quatre ans.

Mes chers collègues, aidons le Haut-Commissariat au plan à grandir jusqu’à ce qu’il devienne mature, épanoui et central dans la conduite des politiques publiques de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous avez tout à fait raison : il faut que la communication des travaux du HCP sur les différents sujets de planification soit la plus large possible. C’est déjà le cas. Aujourd’hui en sont destinataires le Président de la République, le secrétaire général de l’Élysée, le Premier ministre et les membres de son cabinet, les ministres concernés – vous avez mentionné Agnès Pannier-Runacher –, les opérateurs de l’État, les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, les présidents des commissions législatives compétentes, les députés français au Parlement européen intéressés, ainsi que le président du Cese.

Vous avez d’ailleurs évoqué les liens avec le Cese. À mon sens, tout l’intérêt du HCP est de rester autonome. Il peut ainsi prendre de la hauteur pour distinguer les sujets qui deviennent prégnants dans l’opinion et les besoins de notre pays. Vous avez parlé de l’aquaculture, mais il y a aussi les médicaments. Le HCP a également éclairé le débat sur la réforme des retraites. Je peux en témoigner, étant députée à l’époque.

Le budget de cette instance doit aussi être stable pour garantir la permanence et la pertinence des travaux menés. Il a un peu augmenté ces dernières années, mais je ne suis pas hostile à une réflexion sur le sujet pour les années à venir, compte tenu de l’importance des enjeux de planification et des défis sociétaux, sociaux et environnementaux qui nous attendent.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au mois de septembre 2020, en pleine crise sanitaire, le Président de la République nommait François Bayrou au poste de haut-commissaire au plan et à la prospective, à défaut de lui octroyer un maroquin.

Dès l’origine, la lettre de mission qu’il a adressée au haut-commissaire au plan et à la prospective, titre pompeux et hautement symbolique dans une France sonnée par le covid-19 et marquée par la crise des « gilets jaunes », était assez floue sur son rôle exact. Le haut-commissaire devra « éclairer les choix collectifs que la Nation aura à prendre pour maintenir ou reconstruire sa souveraineté et une autonomie européenne face à l’impact des évolutions démographiques, à la grande transition écologique et aux bouleversements du numérique et de la recomposition des chaînes de valeur mondiales ».

Madame la ministre, ne dit-on pas : « Qui trop embrasse mal étreint » ?

Vaste programme en tous les cas pour notre « haut-commissaire du temps long », en quelque sorte, qui est assisté d’une dizaine de collaborateurs. En effet, les enjeux de long terme ne manquent pas au regard de la crise climatique.

Relevons tout de même un premier paradoxe : nous avons un Haut-Commissariat au plan et à la prospective sans réelle planification. Nous pourrions faire un parallèle avec le secrétariat général à la planification écologique rattaché au Premier ministre : nous avons l’outil stratégique, mais pas les moyens, en d’autres termes, des présentations PowerPoint, mais pas de quoi passer à l’action ! Pis, la crise budgétaire est prétexte à ponctionner massivement dans les crédits de la transition écologique, lesquels sont réduits de 2,2 milliards d’euros.

Revenons aux productions du maire de Pau.

En trois ans et demi, le Haut-Commissariat a produit une quinzaine de rapports sur différents sujets. Le rapport d’activité de cette structure est particulièrement éclairant pour mesurer la faiblesse du travail accompli. On ne comprend pas bien la plus-value des documents du Haut-Commissariat, comparés à ceux de France Stratégie, organe autonome également rattaché au Premier ministre, qui a succédé en 2006 au Centre d’analyse stratégique.

En sus de ses fonctions, le haut-commissaire est également, depuis septembre 2022, secrétaire général du Conseil national de la refondation. Cette instance de concertation peinant à déboucher sur des mesures concrètes, il n’y a pas là de quoi mieux cerner le rôle du haut-commissaire…

En eux-mêmes, les rapports du Haut-Commissariat ne sont pas inintéressants, mais ils ne présentent pas une véritable vision de l’avenir. Ils accompagnent bien souvent l’action du Gouvernement a posteriori, tel un exercice d’autosatisfaction, que ce soit sur les retraites, la dette ou encore le travail.

Ainsi, dans une note de juillet 2021 intitulée Lagriculture : enjeu de reconquête, pas un mot n’est dit de la transition agroécologique, dont la nécessité est pourtant bien étayée scientifiquement. Sur les pesticides, il y est dit que l’Espagne et l’Allemagne en font une consommation plus importante rapportée à leur surface agricole utile. L’argument « quand on se compare, on se rassure » est régulièrement avancé pour ne surtout pas penser les transitions des pratiques. La culture du maïs est même encensée et encouragée, car elle permet de piéger du carbone, mais ses besoins hydriques ne sont pas évoqués.

À l’inverse, le Haut Conseil pour le climat remplit son rôle en interpellant directement le Gouvernement sur ses insuffisances. Ainsi, le 2 avril dernier, il n’a eu aucune peine à dénoncer le « risque de recul de l’ambition de la politique climatique » de l’État. Au lieu de nous gargariser de la baisse des émissions de gaz à effet de serre, qui tient à des effets conjoncturels comme l’inflation, nous devrions entendre cet appel et rattraper notre retard en matière de planification.

À ce jour, cinq documents majeurs de planification manquent à l’appel : la loi de programmation relative à l’énergie et au climat, la stratégie française sur l’énergie et le climat, la troisième stratégie nationale bas-carbone (SNBC), le troisième plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc), enfin, la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie. Madame la ministre, qu’attendons-nous pour avancer ?

Depuis sa nomination, le haut-commissaire est auditionné de temps en temps par la Haute Assemblée. La dernière fois, ce fut le 6 janvier 2022 sur le commerce extérieur. Force est toutefois de constater que le Haut-Commissariat éprouve quelques difficultés pour s’imposer comme un interlocuteur stratégique en matière d’action publique, malgré son titre honorifique, qui rappelle l’âge d’or de la planification économique après la Libération.

Je pense que ni l’État ni le Parlement n’ont besoin d’une instance comparable pour prévoir l’avenir et penser le temps long. À l’heure où il cherche à réaliser des économies, le Gouvernement devrait également savoir repérer ses erreurs d’investissement plutôt que de faucher les crédits nécessaires à la transition écologique.

Je remercie mes collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires d’avoir pris l’initiative d’organiser ce débat. Je conclurai sur cette question, madame la ministre : quand seront disponibles les documents de planification écologique afin que l’on puisse en débattre ici, au Sénat ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Bonnefoy, le Haut Conseil pour le climat, que vous avez cité, reconnaît en effet les très bons résultats de la France, dont les émissions de gaz à effet de serre en 2023 ont diminué de 4,8 % par rapport à 2022.

M. Ronan Dantec. À l’échelon européen, c’est 6 % !

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Notre ambition collective étant d’être bons en la matière, nous devrions nous attacher à nous améliorer et intensifier nos efforts, car ce sujet mérite mieux qu’une querelle partisane. L’enjeu est national, pour ne pas dire mondial.

L’ensemble des trajectoires climatiques et énergétiques de la France ont été présentées par le Gouvernement et le Président de la République au mois de septembre 2023 dans le cadre de la planification écologique.

Nous sommes le premier pays au monde à disposer d’un plan d’action aussi précis pour respecter l’objectif de diminuer de 55 % nos émissions en 2023. Ce plan est d’ores et déjà mis en œuvre et financé pour un montant historique de 8 milliards d’euros en 2024.

Pour vous répondre précisément sur les documents de planification, le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie est finalisé et disponible pour consultation. De même, la stratégie nationale bas-carbone est achevée et nous nous sommes engagés à la mettre en consultation avant la fin du mois. Enfin, le plan national d’adaptation au changement climatique, pour lequel ont lieu les derniers arbitrages à l’échelon interministériel, sera également mis en consultation à la fin du mois.

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’observe M. le haut-commissaire lui-même : « Historiquement, le Plan a toujours eu des relations difficiles avec les gouvernements. ».

Alors que nous nous penchons ce soir sur le bilan du Haut-Commissariat au plan et à la prospective pour évaluer ses performances depuis sa refonte en 2020, la remarque incisive de M. Bayrou nous encourage encore plus à examiner le rôle stratégique de cette instance au sein de notre architecture politique actuelle, d’autant qu’existent par ailleurs un secrétariat général à la planification écologique, des COP régionales et France Stratégie.

Le Haut-Commissariat se heurte à des difficultés évidentes dans ses interactions avec le Gouvernement et ses différents satellites. Son influence semble de faible portée, loin des leviers du pouvoir. Les propos de M. Bayrou témoignent d’une certaine désillusion et sont révélateurs : l’influence du Haut-Commissariat sur les processus décisionnels est difficile à mesurer.

Le Haut-Commissariat au plan, institution pivot de l’après-guerre, a vu son rôle se transformer au fil du temps. Son influence s’est progressivement étiolée, ce qui a conduit à sa dissolution en 2006. Il est refondé en 2020, sa mission étant censée avoir été renouvelée. Elle est désormais axée sur les défis écologiques, technologiques et sociétaux de long terme pour guider la politique économique.

Le Haut-Commissariat s’est-il fidèlement acquitté de sa mission ? Est-il à la hauteur des espérances placées en lui dans le décret du 1er septembre 2020 ? Ces questions se posent de toute évidence. Ainsi, on peut s’interroger sur la pertinence des seize notes analytiques qu’il a produites et sur leur rôle dans l’élaboration des choix politiques.

L’influence qu’il clame avoir exercée, notamment sur le renouveau nucléaire français, contraste avec le scepticisme public sur son rôle effectif. Cette dissonance nous conduit à interroger la méthodologie de coordination et de collaboration entre le Haut-Commissariat et les autres instances décisionnelles nationales.

Comment le Haut-Commissariat au plan et à la prospective garantit-il donc l’animation et la coordination avec les autres institutions, qu’il s’agisse du Cese, de France Stratégie, de France 2030, du Conservatoire national des arts et métiers, des académies des sciences et des technologies, du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), de Bpifrance, du secrétariat général à la planification écologique, du commissariat général au développement durable ou des services d’études de chaque ministère ? Quelles preuves tangibles attestent de l’exécution de sa mission ?

Des éléments concrets et rationnels doivent être présentés au Parlement, me semble-t-il, comme des calendriers de réunions, des documents de travail communs, des séminaires organisés.

En outre, dans quelle mesure le haut-commissaire au plan et à la prospective a-t-il orienté les politiques publiques ? Quels projets de loi ou décrets font explicitement référence aux notes du Haut-Commissariat ? Quelles notes sont réellement citées ?

Comme l’a souligné à plusieurs reprises M. le haut-commissaire, le Haut-Commissariat au plan et à la prospective serait un « outil d’influence » plutôt que de pouvoir ou de conduite de politiques publiques. À l’heure du tout numérique, quel est le poids réel du Haut-Commissariat au plan et à la prospective sur les réseaux sociaux ? Quels sont ses taux d’engagement ? Ces données sont essentielles pour quantifier son influence auprès de l’opinion publique.

Par ailleurs, l’implication du Haut-Commissariat dans le développement d’un plan national d’action pour accélérer le déploiement de la géothermie illustre sa capacité à engager des dialogues productifs, notamment avec le ministère de la transition écologique. Cette initiative spécifique met en lumière l’importance de clarifier les modalités de contribution du Haut-Commissariat au cadre politique global, surtout dans des domaines aussi critiques que celui de la transition écologique.

Toutefois, le haut-commissaire a joué un rôle ambigu, car il est aussi président d’un parti politique, cela a été dit, et élu. Son influence résulte-t-elle du cumul de ses fonctions ou de la substance de son travail ? La transparence étant primordiale, des réponses doivent être apportées à ces questions.

Finalement, face aux urgences identifiées que sont la transition écologique, la santé et les retraites – on pourrait également citer la formation tout au long de la vie –, il est temps de passer de la réflexion à l’action. Les outils existent, mais doivent être optimisés et coordonnés efficacement. Qui fera quoi, et avec quels moyens ? La nécessité de s’organiser et de rationaliser est impérieuse, à court et moyen termes.

Le rapport de M. Jean Pisani-Ferry met en évidence la nécessité urgente de réorienter les finances publiques vers la transition écologique, dont il estime le coût à plus de 66 milliards d’euros par an d’ici à 2030. Qui financera ces efforts ?

On ne dira rien de l’objectif de « zéro artificialisation nette » des sols, qui appelle des solutions financières et fiscales assez rapidement, mais dont le modèle économique est un impensé public. La reconquête des friches est également un sujet qu’il faut traiter. On parle de 40 milliards d’euros, mais, là non plus, il n’existe toujours pas de modèle économique.

L’heure est non plus aux discours, mais à l’action mesurable et aux résultats tangibles. Madame la ministre, nous ne pouvons plus attendre : une planification et des résultats à moyen terme sont nécessaires, ainsi qu’une territorialisation et des solutions financières. Il est temps d’adapter notre écosystème et nos outils, de prévoir des moyens et, évidemment, d’associer le Parlement et les élus locaux à tout cela.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, pour ne pas nous en tenir à la prospective, je vous propose d’examiner le bilan de ce qui a été fait par le haut-commissaire au plan et à la prospective ces dernières années.

À titre d’exemple, après la crise sanitaire du covid-19, il nous a fallu réindustrialiser notre pays pour gagner en souveraineté dans le domaine du médicament en visant les médicaments utilisés en priorité par les Français. Nous l’avons fait en nous appuyant, notamment, sur les travaux du haut-commissaire.

Pour en revenir à la prospective, la question de la santé mentale fait l’objet d’un travail et donnera lieu prochainement à une publication, ce qui nous permettra d’être éclairés de manière approfondie sur un certain nombre de sujets d’actualité.

Je ne suis pas sûre d’avoir bien compris votre question sur le taux d’engagement du haut-commissaire sur les réseaux sociaux, je vous prie de m’en excuser. En tout état de cause, je pense que la fonction première du haut-commissaire au plan et à la prospective est non pas de recueillir des likes, mais bien de prévoir des actions concrètes pour les Français.

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pendant plus de soixante ans, le Commissariat général du plan a structuré nos politiques publiques et piloté les grands projets menés par l’État. Aujourd’hui encore, nous bénéficions de ses réalisations en matière d’infrastructures stratégiques, telles les centrales nucléaires ou les lignes de TGV.

De 1946 à 2006, ce commissariat a garanti la continuité de ces projets structurants, par-delà les changements et les alternances politiques. La construction de notre parc nucléaire constitue à cet égard une réalisation unique sous la VRépublique.

Voulu par le général de Gaulle, pensé sous Georges Pompidou et industrialisé sous Valéry Giscard d’Estaing, poursuivi par François Mitterrand, entretenu par Jacques Chirac et défendu par Nicolas Sarkozy, il aura finalement été sabordé par François Hollande. Heureusement, les réalisations du plan Messmer ont résisté à l’accord entre les socialistes et les écologistes.

Alors que l’EPR (European Pressurized Reactors) de Flamanville est, souhaitons-le, sur le point d’être mis en service, après vingt ans de travaux et douze ans de retard, où en est l’efficacité de notre planification ? Rappelons que, dans les années 1980, nous parvenions à mettre en service jusqu’à six réacteurs nucléaires par an. (M. Ronan Dantec sexclame.) De telles performances nous paraissent désormais hors de portée. Que s’est-il donc passé pour que nous craignions d’échouer aujourd’hui, là où nous avons réussi hier ?

En 2006, on a cru moderniser l’action publique en dépoussiérant le vieux Commissariat général du plan. Le nom sonnait sans doute suranné, il faisait un peu trop Trente Glorieuses, ambiance Louis de Funès, Boris Vian et 2CV. Toujours est-il qu’en renommant ainsi l’institution on a changé sa fonction.

C’est à cette époque que de nombreux dirigeants politiques et économiques se sont fourvoyés en poursuivant le mirage d’une France sans usines. On pensait alors que notre pays, où l’on est forcément plus intelligent que les autres, pourrait rester un centre de décision en cessant d’être un site de production.

Il aura fallu une succession de crises sans précédent pour que nous revenions à la raison et que nous retrouvions l’urgence du temps long. Avec la crise sanitaire, la crise énergétique et la guerre en Europe, notre pays redécouvre l’impérieuse nécessité de bâtir des politiques publiques par-delà les cycles électoraux.

Pour réindustrialiser le pays, faire émerger des innovations de rupture, relancer un programme nucléaire ambitieux, garantir notre indépendance sanitaire, mais aussi pour assurer notre souveraineté alimentaire et renforcer notre arsenal militaire, nous devons fixer des objectifs et construire des stratégies.

Dans cette perspective, tout ce qui contribue à inscrire le débat politique dans le temps long, tout ce qui permet de l’extraire des querelles politiciennes, sert les intérêts de la France.

Tel est, j’en suis sûre, tout l’objet de ce débat. Je n’imagine pas que nos collègues écologistes, qui nous rappellent sans cesse – et avec raison – l’urgence du défi climatique et la nécessité de la planification écologique, aient pu céder à quelque tentation politicienne en proposant ce débat sur le Haut-Commissariat au plan et à la prospective. (Exclamations amusées sur les travées du groupe GEST.)

En décochant des flèches sur le sujet de la planification, en visant le Gouvernement et sa majorité, vous critiquez de fait, chers collègues du groupe écologiste, ce que vous défendez depuis des années. Attaquer le Haut-Commissariat au plan et à la prospective pour mieux défendre la planification écologique, c’est un peu comme critiquer les chasseurs pour mieux défendre la chasse : cela ne fonctionne pas ! (Sourires.)

Est-ce à dire que l’action du Haut-Commissariat au plan et à la prospective suffit pour renouer avec la France des grands projets industriels ? Certainement pas ! Il manque même l’essentiel, selon moi.

Le problème du Haut-Commissariat au plan et à la prospective, ce n’est pas la qualité de ses travaux, c’est que personne ne les applique. Il est un laboratoire d’idées, pas un démonstrateur.

Tout est dans l’intitulé : le Commissariat général du plan est devenu le Haut-Commissariat au plan, comme s’il regardait désormais la planification comme une chose très lointaine, sur laquelle on n’aurait plus prise. C’est malheureusement le cas.

La comparaison avec la Chine est, à cet égard, très instructive. Les Chinois sont devenus les champions de la planification. Ils ont fait ce qu’ils savent faire : ils ont copié une idée produite chez nous, la planification, pour l’industrialiser chez eux. Dans ce pays, lorsque l’objectif est fixé, tout l’appareil d’État se mobilise d’un coup.

M. Daniel Salmon. Le génie chinois !

Mme Vanina Paoli-Gagin. La planification à la française ne doit pas déterminer tous les aspects de la société, mais elle devrait au moins déterminer tous ceux de l’action publique, non pour rejouer les Trente Glorieuses, mais pour répondre aux défis du XXle siècle.

Depuis 2020, le Haut-Commissariat au plan et à la prospective a publié d’excellents rapports sur la démographie, l’agriculture, le travail, le commerce extérieur, le nucléaire, les retraites, mais si ceux-ci ne servent qu’à garnir des bibliothèques, si nous n’en tirons aucune leçon en termes de politique publique, la France se condamne elle-même au déclassement.

Nous sommes, je l’espère, entrés dans l’âge du « faire ». Il faut désormais nous ressaisir, non pas en ressassant des rapports, mais en les mettant en application et en mettant notre appareil productif au service de cette planification.

En France, on n’a pas de pétrole, vous le savez, mais on a des idées. Il faut désormais les mettre en œuvre !

M. le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Denise Saint-Pé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier sincèrement le groupe écologiste d’avoir pris l’initiative de ce débat, car il est important que le Parlement puisse dresser un premier bilan de l’action du Haut-Commissariat au plan et à la prospective.

À ses débuts, en 2020, la pandémie venait de nous rappeler cruellement les risques encourus du fait de notre dépendance à certains produits critiques fabriqués à l’étranger, qu’il s’agisse de médicaments ou de vaccins, pour ne citer que ces exemples.

Il était donc nécessaire de créer une structure qui puisse prendre du recul et analyser les problématiques rencontrées par notre pays, tout en étant également capable d’aller au-delà du simple diagnostic, pour anticiper et se montrer force de proposition.

C’est ce que le Haut-Commissariat au plan et à la prospective a fait en publiant plus d’une quinzaine de notes à la fois didactiques et synthétiques, dont nombre d’entre elles ont été suivies d’effets, le Gouvernement en ayant tenu compte.

À titre d’exemple, la politique énergétique française actuelle repose sur le triptyque énoncé le 10 février 2022 par Emmanuel Macron dans son discours de Belfort, à savoir les énergies renouvelables, le nucléaire et la sobriété. Comment ne pas y voir l’influence du Haut-Commissariat au plan et à la prospective, quand celui-ci publiait au mois de mars 2021 une note sur l’électricité ?

Cette note évoquait une augmentation importante de la consommation électrique à venir et invitait par conséquent à mettre en œuvre un nouveau mix énergétique, fondé sur un équilibre entre les énergies renouvelables au caractère intermittent, la production d’électricité pilotable et décarbonée, donc essentiellement d’origine nucléaire, et l’engagement d’économie d’énergie.

Cette note était d’autant plus pertinente qu’elle alertait sur le risque de black-out, menace devenue particulièrement concrète un an plus tard, quand la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine s’est ajoutée aux problèmes de corrosion sous contrainte d’une partie de nos réacteurs nucléaires.

En matière de géothermie également, le Haut-Commissariat au plan et à la prospective a eu un effet d’entraînement certain, puisque sa note sur le sujet d’octobre 2022 a été partiellement reprise dans le plan d’action pour accélérer le déploiement de la géothermie lancé par le Gouvernement au mois de février 2023.

Sur d’autres sujets, le Haut-Commissariat au plan et à la prospective peut en revanche difficilement formuler des réponses à court terme, tant les perspectives dressées s’inscrivent dans le temps long.

Je pense par exemple à la note de décembre 2020 sur les produits vitaux et secteurs stratégiques, réactualisée en 2021 et en 2023. Dans la note de 2023, le haut-commissaire invite le Gouvernement à adopter des politiques ciblant des filières particulières, telles que l’aquaculture, pour reconquérir notre souveraineté alimentaire, agricole et industrielle.

Il serait injuste de reprocher au Haut-Commissariat au plan et à la prospective que ses recommandations sur ces sujets ne soient pas suivies, alors même que de telles politiques requièrent du temps, et surtout de l’argent, ce qui n’est pas évident dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons.

Je trouve donc que, pour une institution qui n’a pas encore quatre ans, qui ne comprend que huit équivalents temps plein et dont le budget s’élève à 500 000 euros, le Haut-Commissariat au plan et à la prospective a déjà un bilan dont il peut être fier. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Anne Souyris. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit ce soir pourrait se résumer ainsi : quelle est au fond l’utilité du Haut-Commissariat au plan et à la prospective ?

Pour répondre à cette question, je prendrai l’exemple d’un enjeu crucial pour l’avenir de notre pays : l’accès aux médicaments, dans un contexte de pénurie régulière, liée au modèle économique du système de production. Vous l’avez évoqué précédemment, madame la ministre.

En 2023, 37 % des Françaises et des Français déclaraient avoir été confrontés à une pénurie de médicaments. Ces pénuries sont de plus en plus fréquentes et concernent même des médicaments aussi répandus que le Doliprane, comme l’ont relevé nos collègues Sonia de La Provôté et Laurence Cohen lors des travaux de la commission d’enquête sénatoriale sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique française en 2022 et en 2023.

Heureusement, le Haut-Commissariat au plan et à la prospective avait publié au mois de février 2022 une note à ce sujet intitulée Médicaments : identifier nos vulnérabilités pour garantir notre indépendance. Le haut-commissaire avait d’ailleurs demandé une mission d’appui de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) sur ce même sujet, ce qui paraissait évidemment opportun au regard de l’expertise de l’Igas sur les enjeux de santé.

Ce qui a retenu mon attention, c’est à quel point la note du Haut-Commissariat était uniquement fondée sur le rapport de l’Igas. Les propos tenus dans ces deux documents sont strictement les mêmes, la seule différence étant qu’ils sont moins précis dans la note du Haut-Commissariat…

Il faut également noter que les recommandations formulées dans ces documents en février 2022 n’ont jamais été suivies d’effets. Si l’Igas a établi un indice pour identifier les médicaments critiques en croisant leur criticité thérapeutique et leur criticité industrielle, il n’a été appliqué qu’à deux aires thérapeutiques, la cardiologie et l’anesthésie-réanimation, à aucune autre. Le Gouvernement n’a même pas utilisé cet indice pour identifier la vulnérabilité aux pénuries des 454 médicaments définis comme essentiels.

Pourtant, des actions peuvent être menées pour lutter contre les pénuries. Il est ainsi possible de relocaliser les productions de médicaments, en particulier des principes actifs pharmaceutiques, qui représentent la phase essentielle de la production et dont dépendent les autres maillons de la chaîne de production. À cet égard, les chiffres sont clairs : 80 % des principes actifs consommés en Europe sont aujourd’hui encore produits en Inde et en Chine.

Le Haut-Commissariat n’évoque pas non plus les travaux permettant la production publique des produits les plus critiques, un tel retour dans le secteur public étant pourtant nécessaire, comme l’ont recommandé nos collègues Pascale Gruny et Laurence Harribey dans un rapport d’information.

Il n’est pas question non plus de l’agence de l’innovation et de la souveraineté sanitaire qu’il était recommandé de mettre en place.

Nous parlons ici d’un enjeu majeur. Le temps est à l’action, l’action rapide, mais pour préserver notre avenir. La production de rapports de prospective dans lesquels rien n’est anticipé et qui, surtout, ne sont suivis d’aucune action ne sert à rien.

Les pénuries de médicaments ne sont pas à prendre à la légère. Elles créent des risques et accroissent les inégalités dès aujourd’hui.

Par exemple, quand, au mois de novembre 2022, l’amoxicilline pour les enfants était en rupture, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a conseillé aux praticiens d’utiliser les doses prévues pour les adultes. Les parents devaient broyer un comprimé destiné aux adultes, le dissoudre dans de l’eau, puis utiliser une seringue pour mesurer la quantité adaptée au poids de l’enfant. Outre le fait que cette procédure, peu familière pour beaucoup, aurait pu entraîner des erreurs de dosage, elle a contribué au phénomène d’antibiorésistance, les restes de médicament étant le plus souvent jetés dans l’évier.

J’évoquerai un autre exemple significatif. Selon une étude, le risque de récidive d’un cancer de la vessie était passé de 16 % à 46 % pour les patients soignés en période de pénurie d’un traitement de référence.

Enfin, les pénuries ont un coût. Ainsi, le rejet d’une greffe de reins à cause d’une pénurie de médicaments antirejet entraîne pour le patient l’obligation d’être dialysé, le coût de ce traitement s’élevant à 80 000 euros par an.

La lutte contre les pénuries de médicaments est un enjeu européen et important. Le Haut-Commissariat aurait pu être pertinent s’il avait rendu un travail précis et concret. Il ne l’a pas fait.

Pour conclure, quelle est la plus-value des travaux du Haut-Commissariat, si on les compare à ceux des inspections générales, sachant qu’ils sont identiques et que les recommandations ne sont pas davantage suivies d’effets quand elles émanent du Haut-Commissariat ?

En ce qui concerne la pénurie de médicaments, en tout cas, nous avons la réponse : il n’y en a pas, sauf preuve du contraire, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Michaël Weber applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, les différents gouvernements l’ont dit et répété à de nombreuses reprises depuis la crise du covid-19, tout comme le Président de la République lui-même : il existe un plan de relocalisation des médicaments, 450 molécules faisant l’objet d’un suivi. (Mme Anne Souyris le réfute.) Si ! La production d’un certain nombre de médicaments a d’ailleurs déjà été relocalisée.

Toutefois, vous conviendrez avec moi que la relocalisation ne se fait pas en un claquement de doigts. Cela nécessite de reconstruire des filières, de réindustrialiser massivement, après des années d’abandon.

Je suis là non pas pour chercher des coupables ou les pointer du doigt, mais bien pour que l’on trouve ensemble des solutions, à l’échelle nationale bien évidemment, mais aussi à l’échelle européenne. Nous pouvons y arriver, comme nous l’avons déjà fait pendant la crise du covid-19 pour aider les Français, mais aussi les autres pays européens et le reste du monde, en particulier dans le cadre de l’initiative Covax.

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour la réplique.

Mme Anne Souyris. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. On peut néanmoins remarquer que, pour le moment, aucune production publique n’a été pensée en France…

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Si !

Mme Anne Souyris. Non.

… même s’il a été procédé in extremis à quelques sauvetages d’industries. À l’échelon européen, c’est le grand néant : il n’y a ni pensée européenne ni préconisation française du Gouvernement pour soutenir une production publique européenne !

M. le président. La parole est à M. Michaël Weber.

M. Michaël Weber. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à quoi le haut-commissaire au plan sert-il véritablement ?

Nous connaissons l’attrait du Gouvernement pour les effets d’annonce. Il s’empare de concepts et de thèmes éloquents, qui, malheureusement, se révèlent n’être que des idées creuses. Il poursuit ainsi indifféremment la même politique en ponctuant son discours de références gaullistes bien senties : « souveraineté », « relance », « planification », « grand débat », « refondation », « combat du siècle », « réarmement » sont autant de mots à forte portée symbolique, proclamés avec verve, mais soigneusement vidés de sens.

Le président Emmanuel Macron, qui souhaitait incarner un renouveau politique, excelle en réalité dans l’une des plus vieilles pratiques politiciennes, celle de la sophistique : une apparente sagesse, mais dépourvue de réalité.

La création d’un Haut-Commissariat au plan et à la prospective est symptomatique de cette stratégie de communication. Celui-ci rejoint d’autres avatars, comme le Conseil national de la refondation (CNR), le grand débat national, voire le secrétariat général à la planification écologique (SGPE). Soit ces institutions ne disposent ni de leviers de décision ni de moyens pour agir, soit elles ne sont pas décisives au moment des arbitrages.

Dans son avis budgétaire sur la mission « Direction de l’action du Gouvernement », la commission des lois du Sénat déplorait la nébuleuse des entités interministérielles parmi lesquelles figure le Haut-Commissariat au plan, au périmètre d’action incertain. Quelle place occupe-t-il en effet dans l’administration gouvernementale ? Qui peut nous dire à quoi le Haut-Commissariat au plan sert véritablement ?

D’abord, il ne produit pas de plan à proprement parler. Il est tout au mieux un groupe de réflexion gouvernemental. Le terme est purement symbolique : le Gouvernement se targue d’une filiation gaulliste, mais celle-ci s’arrête aux mots. Il n’a jamais été question d’une quelconque planification.

La lettre de mission mentionne l’objectif d’« éclairer les choix collectifs que la Nation aura à prendre pour […] reconstruire sa souveraineté ». Le Haut-Commissariat produit donc quelques notes de synthèse éparses sur des sujets divers, sans aucune cohérence ni indépendance, sans transversalité ni modernité, sans avenir ni espoir.

Ce Haut-Commissariat est déjà suranné, à l’image de son dirigeant. Présidant un Haut-Commissariat au plan, sans plan, ce dernier est le « Don Quichotte d’une planification imaginaire », comme le résumait un journaliste.

Tout cela serait anecdotique si l’existence d’une telle institution fantôme n’avait pas un coût pour nos finances publiques. Ce qui reste le plus absurde en matière de gestion des finances publiques demeure la double antenne de cette institution, séparée entre Paris et Pau, où un bureau accueille quelques conseillers, à l’heure où la demande est urgente d’une mutualisation des moyens, notamment immobiliers.

L’imposture est grossière et la déception laisse place à la colère, car c’est en réalité une occasion manquée ! Nous avons plus que jamais besoin de planification pour répondre aux défis de la transition écologique et énergétique, mais aussi aux enjeux économiques et sociaux, que l’on ne peut plus abandonner au gré des conjonctures, des intérêts particuliers et des visées à court terme.

Nous avons besoin aujourd’hui d’une vision stratégique et politique pour définir la direction voulue, ainsi que d’objectifs à long terme. Comment, sinon, concilier l’exigence climatique et écologique avec l’activité humaine ? Comment stopper l’érosion de la biodiversité ? Comment freiner le réchauffement climatique ? Même en 1967, le Plan avait été plus imaginatif, ses agents se rendant, en 4L, à la rencontre des territoires ruraux et revenant à Paris avec, par exemple, l’idée, qui m’est chère, des parcs naturels régionaux. Aujourd’hui, même délocalisée à Pau, cette planification est vide de sens, de moyens et de résultats.

Si vous croyez à la vertu de la planification, ne perdez plus de temps et mettez-y du contenu ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie sincèrement nos collègues du groupe GEST d’avoir demandé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour de nos travaux. Il est important d’organiser de tels débats !

Quel est le bilan et quelle est l’influence du Haut-Commissariat au plan sur les politiques publiques depuis 2020 ? Voilà un vaste sujet, d’autant que l’opinion publique n’a pas forcément connaissance de cette structure.

Dans son propos liminaire, Daniel Salmon a fort justement rappelé le contexte historique de la planification dans notre pays : l’après-guerre, les Trente Glorieuses, l’apparition de la notion d’aménagement du territoire, avec les grands chantiers. Ceux qui suivaient les cours de géographie et d’aménagement du territoire connaissaient bien alors l’ouvrage Paris et le désert français. L’objectif était de rééquilibrer quelque peu le territoire.

C’était aussi l’époque des grandes options, des problématiques liées au monde agricole – cela a été évoqué –, à l’emploi, au logement, à l’éducation nationale, à l’économie sous toutes ces formes, celle des grands projets en matière de santé, de politique sociale, d’équipements et d’énergie. Je peux en témoigner puisqu’une centrale nucléaire a alors été construite dans mon département des Ardennes. Autant de gros chantiers ayant des conséquences sur les territoires.

Je le rappelle, le Commissariat général au plan de modernisation et d’équipement (CGP) a été créé en 1946 sur l’initiative du général de Gaulle et de Jean Monnet, deux personnalités qui ont marqué l’histoire de notre pays.

Au cours de la période 1946-2006 sont apparus des enjeux particulièrement importants, parmi lesquels il convient de citer les enjeux financiers, liés au budget de l’État – mes collègues de la commission des finances peuvent en témoigner – et au budget de la sécurité sociale, ainsi que les liens entre les représentants de l’État et les collectivités territoriales.

Les enjeux ne manquent pas ! On pourrait aussi citer les problématiques du transport ferroviaire, notamment du TGV, et du désenclavement. Il ne faut pas, selon moi, oublier le sujet de la desserte locale assurée par les trains d’équilibre du territoire (TET), celui des voies d’eau, le défi climatique, ainsi que les contraintes et les conséquences qu’impliquent ces problématiques pour l’ensemble de l’activité économique sous toutes ses formes.

Madame la ministre, j’aimerais savoir en quoi consiste l’action de l’actuel Haut-Commissariat au plan, qui existe depuis 2020 et fonctionne avec des moyens humains limités, pour ce qui concerne nos territoires de métropole et d’outre-mer. Quels sont les enjeux ? Comment s’articule sa gouvernance ? Quelles sont les retombées de son activité sur le terrain ?

Quelles sont les perspectives d’avenir définies dans le cadre du partenariat qui a été mis en place au sein de chaque département et territoire entre le Haut-Commissariat, les collectivités territoriales – notamment les élus de proximité –, les acteurs économiques et les représentants de l’État ?

Telles sont les modestes questions que je souhaitais vous poser. (M. Daniel Salmon applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous avez souligné, comme plusieurs de vos collègues, l’importance de travailler sur le sujet de l’aménagement du territoire. Je vous annonce que le haut-commissaire au plan se saisira de ce dossier au cours des prochaines semaines, ainsi que de celui de la santé mentale. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Si j’ai bien compris votre question, cher collègue Salmon, vous doutez de l’utilité et de l’influence du Haut-Commissariat au plan sur les politiques publiques.

Je vous rassure, le constat n’est pas nouveau. François Bayrou nous le rappelle dans une interview : « Historiquement, le Plan a toujours eu des relations difficiles avec les gouvernements. » Qu’en est-il vraiment et que souhaitons-nous ?

En 1946, lorsque le Plan a été créé sur l’initiative du général de Gaulle et de Jean Monnet, l’heure était à la reconstruction et à la modernisation du pays. L’idée de planifier l’économie française était une nécessité – une « ardente obligation », précisait le Général.

Le plan quinquennal qui s’est ensuivi a assigné à chaque secteur économique des objectifs chiffrés, et ce jusqu’à la fin des années 1980. À l’évidence, nous en sommes très loin aujourd’hui. Ne comparons donc pas ce qui n’est pas comparable !

Fallait-il pour autant supprimer le Commissariat général du plan en 2006, pour le remplacer par le Conseil d’analyse stratégique (CAS), devenu France Stratégie ?

Le président Macron lui-même le souligne : « France Stratégie mène une politique d’évaluation et non de prospective stratégique. » Tout est dit !

La force du Plan ne résidait pas seulement dans sa loi ou ses outils de modélisation, mais dans sa démarche prospective à moyen et long termes. Poser les bonnes questions au bon moment, apporter aux décideurs publics les solutions crédibles parce qu’elles avaient été discutées entre tous les acteurs publics et privés, était dans l’ADN du Plan. La concertation démocratique fut l’un des éléments déterminants de la méthode de Pierre Massé. Elle est toujours et plus que jamais d’actualité.

Le Plan mobilise l’expertise pour alimenter la concertation. Il doit « éclairer les choix collectifs [sur] les grands enjeux [et] sensibiliser l’opinion publique à ces sujets », écrit François Bayrou dans son rapport d’activité.

À quoi ressemble le Plan en 2024 ?

Ce ne sont pas les comités et conseils en tout genre qui manquent au Gouvernement, cela a été souligné. Encore faut-il les coordonner ! Comme le soulignait le regretté économiste Daniel Cohen, « le Plan devra jouer un rôle de chef d’orchestre ». C’est d’ailleurs ce rôle que s’est donné François Bayrou, répondant ainsi à la mission que lui a assignée le président Macron en 2020 : répondre aux évolutions démographiques, à la transition écologique, au bouleversement du numérique et à la reconquête de l’appareil productif.

Selon vous, cher collègue Salmon, les notes et documents stratégiques du Plan n’auraient eu aucune influence sur l’action gouvernementale… Prenons le seul exemple de l’énergie, le travail du Plan sur la nouvelle stratégie nucléaire a été déterminant pour aboutir au discours du Président de la République à Belfort, comme l’a rappelé Denise Saint-Pé.

Sur les retraites, là encore, François Bayrou ne s’est pas privé d’alerter les pouvoirs publics sur les 30 milliards d’euros, au minimum, qui manquaient pour équilibrer notre système de retraite, comme le reconnaît aujourd’hui le Conseil d’orientation des retraites (COR).

Je pourrais encore citer les travaux sur la réindustrialisation, l’agriculture, le vieillissement démographique, ainsi que ceux à venir sur la santé mentale ou sur l’eau – monsieur Salmon, vous devriez être sensible à ce dernier sujet.

Peut-être, et ce sera ma conclusion, faut-il donner plus de moyens au Haut-Commissariat, dont les effectifs n’ont qu’un lointain rapport avec ceux du Plan au XXe siècle : ce ratio est de 1 à 10 !

Nous sommes bien d’accord, le Haut-Commissariat au plan doit monter en puissance pour pouvoir, comme il l’a fait avec le CNR, animer et éclairer les débats nécessaires à une vision ambitieuse pour la France de demain.

Conclusion du débat

M. le président. En conclusion de ce débat, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en 1946, date de sa création par le général de Gaulle, la mission originelle du Commissariat général du plan est de moderniser la France et de la préparer aux enjeux de l’après-guerre : tracer des chemins, placer des repères pour mieux appréhender les grands enjeux de demain.

Au mois de septembre 2020, lorsqu’il prend la décision de faire renaître le Plan, après vingt ans d’abandon par les gouvernements successifs, le Président de la République lui confie une mission essentielle pour l’avenir de notre Nation : éclairer la décision publique et le débat démocratique. On peut le résumer ainsi : penser le souhaitable, réfléchir au faisable et construire le possible.

La pertinence du rétablissement d’une réflexion stratégique sur l’avenir de notre pays, à moyen et long termes, nous a été rappelée brutalement par la crise du covid-19. Cette crise dont l’intensité a surpris le monde entier a entraîné dans notre Nation une prise de conscience douloureuse, au-delà du seul domaine sanitaire. En mettant en lumière certaines faiblesses structurelles de notre pays, elle nous a conduits à réfléchir au projet de société que la France souhaitait construire et défendre, pour elle-même et face au monde.

C’est la mission qui a été confiée au Haut-Commissariat au plan par le Président de la République : enraciner à nouveau les défis de long terme dans le débat public.

Le Haut-Commissariat au plan, c’est donc avant tout une certaine conception de l’action publique : aider notre pays, en ce moment de doutes et de grandes menaces, à trouver un chemin de souveraineté et de puissance. Cette réflexion sur un temps plus long permet à cette instance autonome de s’affranchir de la dictature de l’urgence et de la tyrannie de l’immédiat, auxquelles les décideurs politiques sont trop souvent soumis.

La réflexion prospective permet une respiration bienvenue face à l’apnée que semble imposer, à longueur de plateaux de télévision, l’instantanéité de l’actualité et des réseaux sociaux.

Ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, j’ai une conviction : l’un des éléments clés pour faire progresser le débat démocratique en France est précisément notre capacité collective à prendre du recul, et ce non pas pour fuir les questions délicates ou sensibles, mais au contraire pour formuler exactement le but que l’on se propose d’atteindre et trouver la manière de rassembler la communauté nationale pour y parvenir. Ce n’est pas toujours facile, je le conçois, et encore moins pour celles et pour ceux qui sont en responsabilité.

C’est la raison pour laquelle le rôle du Haut-Commissariat au plan est précieux pour notre démocratie. Il éclaire les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux qui nous font face, qu’ils soient démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires ou culturels.

Des épidémies à la pénurie de médicaments, de la désindustrialisation à l’avenir de l’agriculture, de la démographie à la dette et à la question des retraites, le Haut-Commissariat au plan a eu à cœur depuis sa réinstallation de prendre à bras-le-corps des sujets aussi sensibles qu’essentiels pour notre avenir, des sujets qui nous permettent de faire Nation et de conforter la puissance de la France dans la durée.

L’ensemble des rapports produits proposent des orientations stratégiques claires et opérationnelles assorties, le cas échéant, d’éléments de planification. J’en profite pour remercier le haut-commissaire, M. François Bayrou, et ses équipes de l’important travail accompli ces trois dernières années.

Je terminerai en soulignant l’importance de la mission de pédagogie du Haut-Commissariat au plan. Ses prochains travaux, notamment ceux qui sont consacrés à la santé mentale et à la formation professionnelle, touchent directement au quotidien de nos concitoyens, qui les attendent pour cette raison même. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous remercie toutes et tous de votre participation à ce débat qui aura au moins eu le mérite d’inciter la plupart d’entre nous à consulter la quinzaine de rapports rendus par le haut-commissaire au plan en trois ans. Cela ne nous aura pas pris trop de temps !

Le haut-commissaire au plan est donc « chargé d’animer et de coordonner les travaux de planification et de réflexion prospective conduits pour le compte de l’État et d’éclairer les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires, technologiques et culturels ».

Vous l’avez tous dit, nous n’avons pas manqué de travaux de planification ces dernières années, entre les différentes lois de programmation, la planification menée par le SGPE, la stratégie d’innovation France 2030, ou encore le plan national d’adaptation au changement climatique.

A priori, notre haut-commissaire au plan ne devrait pas chômer pour éclairer tous ces travaux, d’autant que nous ne manquons pas d’opérateurs ou d’autorités indépendantes qui produisent de nombreux rapports très fournis : l’Insee, la Cour des comptes, le Haut Conseil pour le climat (HCC), le Cese, et j’en oublie. La prospective et l’analyse ne manquent pas dans les services de l’État !

La question sous-jacente que de nombreux orateurs et oratrices ont eu le loisir de soulever est donc la suivante : à quoi sert le Haut-Commissariat au plan ? Madame la ministre, je suis au regret de vous le dire : vos réponses et non-réponses tout au long de ce débat n’ont pas permis de répondre très concrètement à cette question.

Mon collègue Daniel Salmon l’a souligné en introduction : notre pays n’a jamais eu autant besoin de planification. Si, au sortir de la guerre, c’était la reconstruction du pays qui justifiait cet effort du plan, aujourd’hui, c’est la crise climatique qui nous oblige.

Le président d’EDF l’expliquait hier, dans Les Échos, à propos de la relance du nucléaire : « Commencer un chantier avant d’avoir fini les plans, ce n’est pas la meilleure façon de le réussir. » C’est pourtant la méthode actuelle du Gouvernement dans les domaines énergétique et climatique. Nous avons en effet voté une loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, une loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes et une loi relative à l’industrie verte, mais nous n’avons toujours pu débattre ni de la loi de programmation énergétique ni de la nouvelle stratégie nationale bas-carbone.

Quand même le Gouvernement renonce à avoir un plan, il est difficile pour le haut-commissaire au plan de se sentir investi de sa mission !

Il y a moins d’un mois, nous avons débattu dans cet hémicycle du rapport de la Cour des comptes, qui, au long de ses plus de 700 pages – environ deux fois le volume de ce qu’a produit le Haut-Commissariat au plan en trois ans –, soulignait l’impératif d’adaptation au changement climatique auquel notre pays devait s’atteler d’urgence. Ce rapport traçait ainsi un besoin de plan évident, même vital, car c’est bien notre capacité à habiter le territoire qui est en jeu.

Au-delà du Haut-Commissariat, finalement très anecdotique, c’est bien l’ensemble de la prospective, de la planification, en un mot le rôle de l’État stratège, qu’il faut redéfinir pour affronter un avenir très incertain.

Cese, France Stratégie, France 2030, SGPE, et j’en passe : ces opérateurs sont nombreux et produisent un travail de qualité, mais ils sont souvent ignorés et mal coordonnés avec les politiques gouvernementales.

Par ailleurs, une question majeure nous taraude, celle de la démocratie. Si la planification a une histoire forte de verticalité en France, la nomination du haut-commissaire au plan n’y a pas échappé. Il semble que ce mode de nomination, fait du prince par excellence, peut expliquer la défiance à son égard.

Si nous devons planifier notre avenir commun, il est temps d’associer la société civile, les citoyens, le monde économique, les collectivités territoriales et le Parlement dans un effort commun et partagé pour une vision de long terme. En matière de planification, tout ne saurait être décidé à Paris via un tableur Excel.

Nous avons besoin d’une vision partagée, à moyen et long termes, pour faire face aux enjeux qui viennent. S’il nous faut repenser la fonction de haut-commissaire au plan comme grand chef d’orchestre de cette planification, la première urgence est de repenser sa légitimité démocratique. Aujourd’hui, elle est quasi nulle.

Dans un idéal logique, le haut-commissaire au plan, investi par le Parlement, coordonnerait réellement les différentes stratégies de planification et viendrait régulièrement présenter ces plans devant le Parlement, comme le fait annuellement le président de la Cour des comptes.

Notre débat vient de démontrer, sans que l’on fasse ici de procès d’intention, qu’actuellement la fonction du haut-commissaire au plan n’est pas en adéquation avec l’ampleur des enjeux d’avenir. C’est très inquiétant, tant ceux-ci sont colossaux. Madame la ministre, il est temps de repenser la planification telle que la pratique ce gouvernement !

Pour reconstruire un récit commun optimiste pour l’avenir, penser le temps long doit devenir un exercice démocratique certes piloté, mais aussi beaucoup plus partagé. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Haut-Commissariat au plan : quel bilan et quelle influence sur les politiques publiques depuis 2020 ? »

10

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 11 avril 2024 :

De dix heures trente à treize heures et de quatorze heures trente à seize heures :

(Ordre du jour réservé au groupe RDSE)

Proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole, présentée par M. Michel Masset et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 501, 2023-2024) ;

Proposition de loi tendant à préserver l’accès aux pharmacies dans les communes rurales, présentée par Mmes Maryse Carrère, Guylène Pantel et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 503, 2023-2024).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures vingt-cinq.)

nomination de membres dune commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et dadministration générale pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi améliorant lefficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels a été publiée conformément à larticle 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :

Titulaires : M. François-Noël Buffet, Mmes Muriel Jourda, Elsa Schalck, MM. Paul Toussaint Parigi, Jérôme Durain, Mmes Marie-Pierre de La Gontrie, Patricia Schillinger ;

Suppléants : Mmes Françoise Dumont, Catherine Di Folco, MM. Philippe Bonnecarrère, Pierre-Alain Roiron, Ian Brossat, Alain Marc, Guy Benarroche.

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER