B. S'ADAPTER AUX SPÉCIFICITÉS DE L'IMMOBILIER PÉNITENTIAIRE ET DES STRUCTURES DE PRISE EN CHARGE DES MINEURS

1. Répondre, après évaluation et dans des délais plus courts, aux demandes dites « hors programme »

Les exemples de défauts de conception précédemment cités par le rapporteur illustrent la nécessité, même dans les programmes cadres, de conserver une certaine souplesse pour pouvoir traiter rapidement les demandes « hors cadre » mais qui répondent pourtant à des impératifs de terrain. À titre d'exemple, un centre pénitentiaire a dû attendre de longs mois avant d'obtenir un accord pour faire installer un filet de protection entre deux étages d'un quartier de détention, ce dispositif n'étant pas compris dans le programme cadre. Le risque de bousculade, et donc de chutes depuis le 1er et/ou le 2e étage était pourtant réel et source d'inquiétudes pour les personnels sur place.

Il est impératif de corriger ces défauts le plus en amont possible, pour éviter des travaux d'aménagement trop lourds et, partant, des coûts encore plus élevés. De plus, au regard de la récurrence de ce type d'événements, il pourrait être tout à fait envisageable d'isoler dans le cadre de la gestion de l'opération une poche de crédits alloués à la correction de ces malfaçons en cours de chantier et hors du programme cadre.

Il ne s'agit donc pas ici de modifier les cahiers des charges fonctionnels, qui doivent tendre vers une plus grande standardisation, mais d'être en mesure de répondre aux défauts de conception, dont une partie s'explique justement par les fréquentes modifications du cahier des charges.

Recommandation n° 8 : permettre à l'Agence pour l'immobilier de la justice de pouvoir traiter plus rapidement les demandes « hors programme » lorsqu'il s'agit de remédier à des défauts de conception majeurs. Prévoir, dans le cadre des estimations actualisées du coût total de chacun des projets immobiliers, des « poches de réserves » à allouer à ces demandes (Agence pour l'immobilier de la justice).

2. La performance énergétique, un impondérable à adapter aux particularités du parc pénitentiaire

La performance énergétique des bâtiments n'a été que peu abordée par les personnes entendues par le rapporteur dans le cadre de ses travaux, alors même qu'elle est au coeur des réflexions sur l'usage des bâtiments du secteur tertiaire et sur les obligations qui sont imposées, y compris à l'État, en termes de réduction de la consommation énergétique.

Le dispositif éco énergie tertiaire (EET)

Éco Énergie Tertiaire (EET) est une obligation réglementaire qui engage tous les acteurs du tertiaire vers la sobriété énergétique. Issue de l'article 175 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, elle impose une réduction progressive de la consommation d'énergie dans les bâtiments à usage tertiaire afin de lutter contre le changement climatique. Cette réduction doit être de l'ordre de - 40 % en 2030 par rapport à 2010, puis de - 50 % en 2040 et de - 60 % en 2050.

Tous les bâtiments dont la surface de plancher excède 1 000 mètres carrés sont concernés, avec une obligation de reporting annuelle. Quelques exceptions concernent les constructions provisoires (permis de construire précaires), les lieux de culte, les activités à usage opérationnel à des fins de défense, de sécurité civile ou de sûreté intérieure du territoire. Le parc immobilier pénitentiaire ne rentre pas dans ces exceptions et est donc soumis aux obligations du décret.

Source : ministère de la transition énergétique

Tout en partageant pleinement ces objectifs, le rapporteur souligne que l'immobilier pénitentiaire fait face à des contraintes spécifiques, au regard notamment de la vétusté de son parc ainsi que des obligations de prise en charge de personnes 24h/24h.

Surtout, il existe encore un décalage entre les objectifs affichés par le Gouvernement et les réalisations concrètes, dans le cadre des opérations les plus récentes comme celles comprises dans le plan 15 000. Par exemple, à Mulhouse-Lutterbach, le choix a été fait d'un chauffage par granulés à bois, ce qu'ont découvert les services financiers de la direction interrégionale des services pénitentiaires Grand-Est, suscitant d'importantes difficultés d'approvisionnement, d'abord pour trouver un prestataire, ensuite pour la bonne exécution du contrat. Les chaudières à bois ont notamment été arrêtées pendant six mois, de mai 2022 à novembre 2022, du fait d'un problème sur le marché de fourniture en granulés à bois52(*), et ils ont donc dû recourir davantage au chauffage à gaz... Une source d'énergie plus pertinente aurait pu être choisie s'il avait été tenu compte des particularités de la région d'implantation du centre pénitentiaire - en l'occurrence la géothermie.

Le rapporteur regrette par ailleurs que des données plus fines ne soient pas transmises sur la performance énergétique du parc immobilier pénitentiaire, au-delà de l'indicateur agrégé transmis dans la documentation budgétaire53(*). Le périmètre de calcul de l'indicateur 1.1 « Performance énergétique du parc occupé en année n- 1 », attaché au programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice », ne comprend en effet ni les établissements pénitentiaires en contrat de partenariat ni ceux en gestion déléguée54(*). Le ministère de la justice a en outre admis que l'outil de suivi des fluides interministériel (OSFI), sur lequel repose cet indicateur, devait encore être fiabilisé et complété.


* 52 Le titulaire du marché avait décidé de ne pas approvisionner le centre, estimant qu'il vendait à pertes au regard des conditions de marché.

* 53 Selon les données présentées dans le projet annuel de performances de la mission « Justice » annexé au projet de loi de finances pour 2024, la consommation d'énergie finale rapportée s'élèverait, sur le périmètre du parc immobilier concerné, à 170 kWh par mètre carré de surface utile brute.

* 54 Les fonctions pouvant être déléguées, dans le cadre de marchés publics « multi-techniques et mult-services » sont les fonctions d'intendance et de logistique telles que la restauration, l'hôtellerie, la cantine, le transport, la maintenance, le nettoyage, l'accueil des familles ou encore le travail en détention.

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