B. DES MISSIONS RÉGALIENNES DE L'ÉTAT QUI DOIVENT ÊTRE PLEINEMENT EXERCÉES AVEC LES MOYENS JUSTIFIÉS PAR LA SITUATION

Aussi, la mission n'a pu que constater que le manque d'État, souvent déploré au quotidien, se manifeste particulièrement dans la demande relayée par l'ensemble des acteurs, politiques, économiques, sociaux ou culturels, d'une meilleure sécurité au quotidien et d'un traitement judiciaire plus rapide et efficace pour que la promesse républicaine se matérialise en actes concrets y compris à des milliers de kilomètres de l'hexagone.

En effet, les rapporteurs ont pu constater combien la défiance affichée s'accompagnait - sans que cela soit jugé contradictoire - d'un désir de voir l'État plus présent au quotidien sur ses missions régaliennes. Sur ce point, force est de constater que: plus que dans d'autres collectivités de la République, la présence de l'État déconcentré dans les départements et collectivités de la Caraïbe se caractérise par la faiblesse de ses moyens.

En matière de sécurité, si l'engagement de l'ensemble des forces de sécurité intérieure et des agents des douanes doit être signalé, les rapporteurs soulignent qu'ils font face à une situation sécuritaire particulièrement dégradée. Celle-ci s'explique par trois principaux éléments :

- la situation insulaire des collectivités rend leur territoire particulièrement poreux aux influences extérieures, d'autant que certaines îles voisines sont connues pour abriter des organisations criminelles qui projettent leurs actions dans les îles françaises ;

- les collectivités antillaises se situent dans une zone particulièrement exposée au trafic international de stupéfiants en provenance d'Amérique du Sud ;

- à l'exception notable de Saint-Barthélemy, les territoires des Antilles sont touchés par une violence de plus en plus marquée au quotidien, présente dans l'ensemble de la zone Caraïbe et qui s'explique par une circulation d'armes particulièrement importante.

Pour faire face à cette situation, les forces de sécurité intérieure sont à la peine :

- d'une part, des escadrons de gendarmerie mobile doivent en permanence être stationnés dans ces territoires, et renouvelés tous les trois mois (deux en Guadeloupe « continentale » et une dans les « îles du nord » ; deux en Martinique) et font en réalité davantage de la sécurité publique que du maintien de l'ordre ;

- d'autre part, ils disposent d'équipements qui ont unanimement été décrits comme inadaptés à ces enjeux. À titre d'exemple, les forces de sécurité ont déploré manquer de moyens matériels pour contrôler l'ensemble des installations aéroportuaires, principales comme secondaires, et n'être pas en mesure d'assurer de réelles surveillances périmétriques de ces îles.

L'indigence de ces moyens obère toute capacité de réaction efficace des forces de sécurité intérieure face aux mouvements criminels entre les îles, c'est pourquoi la mission préconise de renforcer urgemment les moyens, singulièrement nautiques et héliportés, des forces de sécurité intérieure, en particulier au sein de l'antenne de l'OFAST de Fort-de-France.

L'importance des faits de violence en Guadeloupe, en Martinique et à Saint-Martin induit une forte activité pénale des juridictions, visitées par la mission, qui s'illustrent par la vétusté de leurs locaux et le manque de personnels pour y faire face. La commission des lois sera vigilante au plein déploiement des recrutements rendus possibles par le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice, actuellement en navette, mais aussi au respect des délais prévus pour les opérations de réhabilitation des locaux de la cour d'appel et du tribunal judiciaire de Basse-Terre.

En outre, au regard du volume du contentieux traité à Basse-Terre lié à des faits commis à Saint-Martin et Saint-Barthélemy - de l'ordre de 40 % du volume contentieux total du tribunal judiciaire - la mission estime que la question de la création d'un tribunal judiciaire de plein exercice à Saint-Martin doit être posée.

Enfin, il convient de renforcer la coopération avec les îles avoisinantes dans l'ensemble des matières régaliennes. Si forces de sécurité intérieure et acteurs judiciaires ont déjà initié des coopérations bilatérales, il convient de prolonger cet effort en systématisant l'échange d'informations et la formation des personnels des forces de sécurité intérieure et en améliorant la coordination judiciaire, notamment par la nomination de magistrats de liaison et le développement d'accords judiciaires bilatéraux pour lutter plus efficacement contre les trafics internationaux d'armes et de drogue. Ces coopérations en matière régalienne apparaissent d'autant plus nécessaires compte tenu de l'instabilité de certains pays dans l'environnement proche de ces territoires, à l'exemple d'Haïti.

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