D. LA QUESTION DU COÛT DES TRAVAUX

1. Des budgets hors de portée

« Le bâtiment d'après la première guerre mondiale présente une large salle, haute, munie de grandes fenêtres. La chaudière sans régulation moderne consomme comme tous les modèles d'il y a 30 ans et le prix des factures a augmenté de 50 % en quelques années. Le préau, fermé il y a 20 ans, a une isolation modeste, et son chauffage - radiants électriques - n'est que très ponctuel, car insuffisant, ce qui limite l'utilisation de ce grand local pour les activités scolaires. Une rénovation énergétique efficace serait un investissement hors de proportion avec les moyens disponibles, en regard des charges et emprunts en cours. »

De plus, la concurrence exercée par d'autres investissements prioritaires (désamiantage, accessibilité, sécurité) est régulièrement citée parmi les freins aux travaux de rénovation énergétique en raison de l'impossibilité de financer tous ces investissements.

Par ailleurs, des témoignages alertent sur la dérive des coûts liée à des dépenses imprévues : « Dans la rénovation prévoir toujours une part de "surprises" qui entraînent des coûts supplémentaires ».

Un certain nombre de réponses attirent l'attention de la mission d'information sur l'impossibilité dans laquelle se trouvent les petites collectivités, pour des raisons budgétaires, de procéder à une rénovation globale, ce qui les contraint à procéder au coup par coup, alors même que cette méthode ne constitue pas la formule la plus satisfaisante ni la plus économe in fine :

- « Nous avons (avec assez de difficultés) réussi à supprimer 3 chaudières fuel hors d'âge qui chauffaient les bâtiments des écoles par une chaudière à bois déchiqueté et gaz en 2020. (...) Nous avons pu isoler une partie des classes grâce au plan de relance. La difficulté pour nos petites collectivités c'est de lancer un plan de rénovation global. Nous faisons au coup par coup, car nous n'avons pas les moyens de lancer autant de travaux, même si cela serait plus rentable énergétiquement et financièrement ; nous devons travailler par tranches, car nous n'avons pas les moyens autrement » ;

- « Ne pas faire des petits pas, car la performance finale est moins bonne, reconstruire tout d'un coup est bien plus efficace. Ce bon choix se heurte frontalement au problème des financements nettement insuffisants » ;

- « Nous avons déjà entrepris une première tranche de rénovation énergétique (isolation de la face nord du bâtiment principal et pose de panneaux photovoltaïques en toiture), il nous reste à terminer les travaux d'isolation et à changer le mode de chauffage, puis à réaliser une petite extension pour regrouper tous les classes sur un même site. L'importance de cet investissement (près de 2M€) nous aura contraints à réaliser l'opération en trois tranches et sur une durée supérieure à 5 ans pour pouvoir mobiliser les financements nécessaires (le département, la Région, la DETR, la DSIL et le fonds Vert en 2023 !) et ne pas surendetter la commune ».

L'impossibilité de mettre en oeuvre une démarche globale est imputée également à l'absence de financements mobilisables sur une longue période :

- « Une rénovation globale des bâtiments serait nécessaire, mais la commune n'a pas les moyens financiers suffisants pour l'envisager » ;

- « Il faut aujourd'hui, faute de moyens, rester terre à terre et essayer de rénover petit à petit, ce qui dans le cadre actuel des subventions potentiellement mobilisables s'apparente à un parcours du combattant. Il n'y a pas de dispositif qui couvre des dépenses au-delà de 4 ans, ce qui est d'une incohérence absurde au regard des enjeux financiers sur ce type de rénovation de complexe scolaire ».

Des préoccupations d'égalité entre les écoles, et donc entre élèves selon le territoire où ils vivent, contribuent, dans ce contexte financier tendu, à répartir les financements entre différentes écoles et à privilégier, en raison de ce saupoudrage, des démarches de rénovations partielles : « Certes il est plus pertinent de rénover tout en une seule fois, mais ça coûte très cher et cela induit que certaines écoles n'auront pas de travaux avant des années. Bref laissez aux villes le choix, nous connaissons notre bâti et ses contraintes et que l'État nous fasse confiance, il ne peut pas être mieux placé que nous pour décider que faire dans tel ou tel bâtiment ».

Un témoignage souligne l'importance du reste à charge pour les communes, en dépit des subventions, ainsi que la nécessité d'assurer la rénovation énergétique d'autres bâtiments communaux : « Même s'il y a des subventions, le reste à charge est conséquent et d'autres bâtiments communaux sont malheureusement dans un plus triste état ! » ; « Les subventions n'étant pas forcément garanties, il est difficile de prévoir le réel reste à charge de la commune sur un projet à engager. C'est aussi un frein non négligeable dans les prises de décisions ».

2. Le coût des études amont

Nombre d'élus attirent l'attention de la mission sur les dépenses imputables aux études préalables, qui font « exploser les prix », et mettent en doute l'intérêt de celles-ci :

- « En 2023 nous avons tout juste de quoi faire une étude de sol, par manque de moyens en matière d'ingénierie et besoin d'accompagnement dans ce domaine » ;

- « J'ai fait une étude pour la rénovation et l'extension de mon bâti scolaire en y intégrant les éléments d'amélioration énergétique. Cette étude globale faite par un architecte m'a coûté 17 000€. Je n'ai pas obtenu la validation de mon projet, ce qui se traduit par une absence de subventions alors même que l'État insiste sur la nécessité de l'isolation thermique et un parc immobilier à émission zéro. J'ai donc le sentiment de ne pas être accompagnée sur un sujet présenté comme majeur. » ;

- « Trop d'argent à dépenser en études et honoraires de cabinets divers et variés avant d'avoir pu donner "le premier coup de pioche"! ».

D'autres réponses appellent à un allègement des études amont : « simplifier les démarches, en n'exigeant pas un monceau d'études préalables ».

Quant au recours à une assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO), son coût n'est pas à la portée de toutes les collectivités : un élu note, à propos d'un projet de changement de chaudière et de protection de baies vitrées, que « même 50 000 euros sont impossibles pour nous ».

Un élu propose ainsi de « Partager les constats afin de centraliser les besoins et de proposer des études gratuites pour les diagnostics dans un premier temps. Puis, ensuite disposer de subventions afin de modifier les bâtiments scolaires en termes d'économies énergétiques ».

3. La situation des écoles rurales

L'attention de la mission d'information est attirée sur le cas spécifique des écoles en milieu rural :

« Un des problèmes des petites écoles rurales est que la commune n'a pas le budget pour mettre un système de chauffage plus performant, mieux isoler nos vieux bâtiments ou mettre des panneaux solaires sur les bâtiments publics, rendre nos vieilles écoles plus confortables et pratiques au quotidien. Ce problème est aussi lié à la réalité de la scolarisation en milieu rural : nous avons peu d'enfants, peu de budget, un risque de fermeture de classe régulier, et les bâtis non rénovés sont peu attractifs aussi bien pour les familles que les enseignants. Cela pénalise la commune dans son développement, car nous savons à quel point l'école est le premier poumon du village ».

Un autre répondant aspire à la mise en place d'une dotation spécifique destinée aux territoires ruraux « en fonction des ressources réelles de la commune ».

4. Des retours sur investissement trop éloignés pour justifier de telles dépenses

Selon d'autres témoignages, le retour sur investissement est trop faible pour justifier ces dépenses de rénovation :

- « Le changement complet d'énergie et d'isolation sera très couteux. Si le gain environnemental est indéniable, il en est tout autre d'un point du vue économique. Les projections réalisées par ALT69 (Agence locale pour la transition énergétique du Rhône) montrent qu'au bout de 20 ans le coût économique sera identique (avec les données connues aujourd'hui). Notre budget communal n'a pas la capacité d'engager de tels travaux si aucune économie n'est attendue » ;

- « L'impact du coût de l'énergie est à l'identique des autres communes. Pour les réduire au maximum nous avons travaillé avec les professeurs et élève pour les sensibiliser, effectué des travaux de régulation et de calfeutrage de base travaux avec un taux de rentabilité interne (TRI) inférieur à3 ans, mais pas abordé les travaux d'isolation, car le TRI est supérieur à 30 ans, ce qui implique que nous chargerions notre budget, aussi bien de fonctionnement que d'investissement : juste l'inverse de ce que nous voulons réaliser avec cette augmentation extraordinaire des coûts de l'énergie. Notre problème c'est l'asphyxie de notre budget de fonctionnement » ;

- « D'autres projets ont été étudiés, il y a de ça 3 ans, à savoir couvrir le toit de l'école par des panneaux photovoltaïques, pour cela il faudrait toucher à la structure du bâtiment ; retour sur investissement 17 ans : pas intéressant pour la commune ».