B. LA QUESTION DE LA RÉCUPÉRATION DES EAUX DE PLUIE

Dans le même esprit, l'attention de la mission d'information a été attirée sur la question de la récupération de l'eau de pluie, autorisée dans les collèges et lycées (notamment pour l'arrosage et l'eau des sanitaires), mais interdite dans les établissements recevant du public a priori plus sensible, dont font partie les écoles maternelles et élémentaires266(*). En effet, cette eau ne respecte pas les normes de qualité réglementaire applicable à l'eau potable.

Plusieurs élus locaux, dans le cadre de la consultation en ligne, ont appelé à une évolution de cette réglementation, notamment pour pouvoir arroser les végétaux de la cour : « je souhaitais que nous mettions des récupérateurs d'eau pour économiser l'eau et arroser tous les végétaux que nous mettons dans les cours pour les rafraichir, or il est interdit dans une école d'utiliser l'eau de pluie pour arroser... ». De même, l'impossibilité, en application de la réglementation, d'utiliser les eaux de pluie pour les sanitaires n'est pas toujours comprise des élus locaux.

Cet enjeu est, en revanche, pris en compte dans certains établissements français à l'étranger, qui ne sont pas soumis à ces normes nationales.

Alertée par la récurrence d'épisodes de sécheresse et convaincue de la nécessité d'intégrer la problématique de la raréfaction de l'eau à la rénovation des bâtiments scolaires, la mission d'information souhaite que soit mise à l'étude une modification des normes relatives à l'utilisation des eaux de pluie dans les établissements du premier degré.

Il s'agirait d'étendre aux établissements du premier degré la réglementation applicable, dans les établissements du second degré, à la récupération des eaux de pluie et à leur utilisation dans les sanitaires ainsi que l'entretien des espaces extérieurs, à condition toutefois que cette évolution n'affecte pas la sécurité des enfants.

Recommandation :

- Mettre à l'étude l'extension, aux établissements du premier degré, de la réglementation applicable, dans les établissements du second degré, à la récupération des eaux de pluie et à leur utilisation dans les sanitaires ainsi que pour l'entretien des espaces extérieurs.

C. UN PARADOXE : L'ABSENCE DE NORME EN MATIÈRE DE SANITAIRES

La mission d'information relève que l'installation de toilettes dans les établissements scolaires ne fait l'objet d'aucune règlementation, ce qui constitue un véritable paradoxe eu égard :

- à la diversité des normes constatées par ailleurs dans le domaine environnemental et en matière de bâtiment ;

- aux enjeux de santé, de sécurité et de dignité que revêt l'aménagement des sanitaires dans les écoles, collèges et lycées.

La rénovation des sanitaires constitue en effet un point d'alerte depuis de nombreuses années.

En 2007, l'Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires et d'enseignement supérieur a tiré la sonnette d'alarme sur l'état des toilettes dans les établissements scolaires. La moitié des élèves de CM1 et CM2 interrogés jugeaient ainsi les toilettes peu accueillantes, et 14,4% des enfants indiquaient déjà avoir eu peur aux toilettes.

Quinze ans après, cette question demeure. Dans son rapport annuel de 2022, la Défenseure des droits des enfants parle de violences et de « zones de non-droit ». Elle soulignait ainsi que « l'école en premier lieu, et au sein des structures de sport et de loisirs, la question des sanitaires - toilettes, douches et vestiaires - est souvent mise de côté alors même qu'elle est centrale pour le respect et le bien-être des enfants. Le mauvais état d'entretien de ces lieux, leur configuration initiale et leur caractère souvent collectif font de ces lieux pourtant essentiels dans le quotidien des enfants de véritables repoussoirs, voire des zones de non-droit où toutes sortes de violences peuvent survenir ».

Huit enfants sur dix se retiendraient d'aller aux toilettes en primaire. Ce constat est inquiétant ; cette situation inadmissible doit impérativement prendre fin.

L'état très dégradé des sanitaires dans les collèges est également évoqué par le dernier rapport public annuel de la Cour des comptes267(*).

L'absence de réglementation dans ce domaine sensible, où l'on attendrait un minimum de prérequis, ne laisse pas d'interroger alors même que le code du travail prévoit des obligations pour l'employeur afin de garantir l'hygiène des salariés et de bonnes conditions de travail. Il fixe ainsi des règles spécifiques à respecter en matière d'aménagement et de conception des cabinets d'aisance sur le lieu de travail. Dans les entreprises, le nombre de toilettes est défini en fonction du nombre de salariés (article R 4228-10 du code du travail, dans la partie consacrée à la santé et la sécurité au travail).

L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a indiqué à la mission d'information268(*) qu'elle se référait aux codes du travail et de la construction et de l'habitation faute de dispositions dédiées aux établissements scolaires. Par exemple, à l'école maternelle du lycée français de Madrid, les sanitaires ont été installés entre deux salles de classe.

Certes, le guide « Bâtir l'école et le collège » de 2022, publié par la cellule Bâti scolaire du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, fait quelques recommandations en la matière, en l'absence d'une législation précise.

La cellule Bâti scolaire a ainsi produit plusieurs fiches techniques relatives aux sanitaires. Elle propose ainsi, pour les écoles maternelles, des sanitaires permettant de respecter l'intimité de chaque enfant (cloisons), répartis en plusieurs îlots au sein de l'école, à proximité des salles de classe, pour permettre aux élèves de s'y rendre à chaque fois qu'ils en ont besoin, et une cabine pour 10 élèves.

L'aménagement des sanitaires, quel que soit le niveau d'enseignement, reste à l'appréciation des collectivités territoriales.

Malgré l'importance de ces questions pour la santé, la sécurité et la dignité des élèves, de la maternelle au lycée, la mission d'information, sensible aux contraintes que constituent les normes pour les collectivités, a écarté la création, dans le code de l'éducation, de dispositions spécifiques aux sanitaires dans les établissements scolaires.

Elle est néanmoins convaincue de la nécessité de diffuser largement les bonnes pratiques qui doivent être portées à la connaissance des élus et des acteurs locaux pour l'aménagement des sanitaires des écoles, collèges et lycées.

Elle recommande donc qu'une attention particulière soit portée aux questions relatives aux sanitaires dans l'identification des documents destinés à concourir à l'information des élus sur la plateforme dont elle recommande la création, où doivent figurer les bonnes pratiques en matière de sanitaires définies par les guides de la cellule Bâti scolaire du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, de l'école maternelle au lycée.

Recommandation :

- Intégrer à la plateforme dédiée aux bâtiments scolaires, créée à l'attention des élus, les bonnes pratiques en matière de sanitaires définies par les guides de la cellule Bâti scolaire du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse à l'attention de chaque type d'établissement, de l'école maternelle au lycée.


* 266 Arrêté du 21 août 2008 relatif à la récupération des eaux de pluie et à leur usage à l'intérieur et à l'extérieur des bâtiments. Cette interdiction concerne également les établissements de santé, les établissements d'hébergement des personnes âgées, les cabinets médicaux, des cabinets dentaires, les crèches, les laboratoires d'analyses de biologie médicale et les établissements de transfusion sanguine.

* 267 « La construction, la rénovation et l'entretien des collèges : mieux articuler les actions de l'Éducation nationale et des départements », Rapport public annuel 2023 de la Cour des comptes - mars 2023 - page 359.

* 268 Compte rendu du 22 mars 2023.