III. LES RECOMMANDATIONS DE LA MISSION POUR MIEUX ACCOMPAGNER LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES FACE À L'AMPLEUR DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE DU BÂTI SCOLAIRE

L'échéance de 2030 fixée par le décret tertiaire est pour demain, celles de 2040 et 2050 sont pour après-demain : elles doivent être anticipées dès maintenant.

« En matière de bâti scolaire, la dynamique à impulser pour relever les défis de la transition écologique repose sur les collectivités territoriales qui en ont la compétence. Elle nécessite un accompagnement renforcé des élus sur les plans financier, technique et juridique. »

Nadège Havet, rapporteure

· Améliorer l'accès à l'ingénierie : un prérequis, plus particulièrement pour les maires

 

L'accès à l'ingénierie passe tout d'abord par une information simple et complète. Or l'information des élus reste aujourd'hui dispersée, de qualité inégale et parfois dépassée.

De plus, la complexité des investissements de rénovation énergétique souligne la nécessité d'échanges de retours d'expériences entre collectivités.

Face à ce constat, la mission d'information préconise :

- la création d'une plateforme regroupant toutes les informations utiles à l'élaboration et à la conduite des projets de rénovation des bâtiments scolaires. Il s'agit notamment de partager les bonnes pratiques, mais aussi les écueils à éviter ;

- l'organisation chaque année, dans les départements, de conférences des acteurs locaux de l'ingénierie ;

- la mise à l'étude d'une adresse courriel générique, dans chaque département, afin de permettre à tout maire, par cette « boîte aux lettres » dédiée, d'obtenir les réponses que pose son projet de rénovation du bâti scolaire en matière d'ingénierie.

· Sécuriser le financement des investissements en renforçant l'efficacité des dotations et subventions publiques

 

Le financement des projets, dont l'organisation s'échelonne sur plusieurs années, s'établit brique après brique, sans visibilité et avec beaucoup d'incertitudes.

La méthode des appels à projet est une contrainte forte pour certaines collectivités ; elle favorise les dossiers « tout prêts » qui bénéficient ainsi d'une sorte d'effet d'aubaine.

De plus, les différents guichets de subvention (État, régions...) fonctionnent avec des calendriers différents.

La mission d'information formule donc 6 recommandations visant à faciliter l'accès des collectivités territoriales aux financements :

- l'alignement des calendriers des dotations et subventions : les collectivités demandent plus de prévisibilité et de simplicité pour sécuriser des investissements qui doivent s'inscrire dans une logique pluriannuelle ;

- une réflexion afin de limiter les études préalables nécessaires pour obtenir certaines subventions. Elles représentent une dépense non négligeable pour certaines communes et limitent souvent l'intérêt du bilan exigé (exemple d'une étude de 4 000 euros pour obtenir une subvention espérée, mais non assurée, de 6 000 euros pour le remplacement d'ampoules par des LED). Elles suscitent le découragement des élus si la subvention est finalement refusée ;

- la prise en compte, dans l'attribution des subventions, des travaux préalablement effectués par les collectivités. Les niveaux de réduction d'énergie exigés pour obtenir une subvention pénalisent les collectivités territoriales qui ont déjà investi dans ce domaine : le système actuel est en quelque sorte une « prime au mauvais élève » de la transition énergétique ;

- la mise à l'étude d'une formule forfaitaire dans l'attribution des subventions, dans une logique de barème (en euro par m², en fonction du niveau de performance énergétique visé par le projet) : il s'agit de mettre en place un système de subvention plus simple, transparent et prévisible ;

- l'abaissement du reste à charge pour les collectivités territoriales (actuellement de 20% minimum), lorsqu'elles ne possèdent pas les moyens financiers nécessaires. Pour de petites communes confrontées à des chantiers importants, un reste à charge de 20% reste souvent un seuil infranchissable. Il doit pouvoir être fixé à 10% en fonction des capacités financières des collectivités ;

- la mise à l'étude d'un interlocuteur unique pour aider les collectivités territoriales à mobiliser le levier de financement adapté à leur projet d'investissement.

· Lutter contre le déficit de connaissance des besoins en matière de rénovation du parc scolaire

 

Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, a évoqué le chiffre de 5,2 milliards d'euros par an sur dix ans (soit 52 milliards d'euros) pour la rénovation énergétique des seules écoles publiques.

Le rapport Demarcq de mars 2020 sur la rénovation énergétique des bâtiments scolaires estimait nécessaire un budget de 40 milliards d'euros pour atteindre en 10 ans l'objectif de réduction de 40% prévu par le décret tertiaire pour 2030. Cette estimation doit être réévaluée à l'aune de l'évolution des prix et des objectifs fixés par le décret tertiaire à l'échéance de 2040 et 2050 ; elle suppose toutefois une connaissance de l'état du parc scolaire qui manque actuellement.

 

Selon l'ADEME, 100 milliards d'euros sont nécessaires pour que l'ensemble du parc des collectivités territoriales (dont les bâtiments scolaires) atteigne les objectifs du décret tertiaire.

Cette valse des chiffrages montre que l'estimation du coût de la rénovation du bâti scolaire ne repose pas sur des bases solides.

La mission d'information préconise donc de créer un centre de ressources, en lien avec les collectivités territoriales et les associations d'élus, pour connaître l'état des lieux des bâtiments scolaires avant et après travaux, estimer les économies d'énergie ainsi réalisées et anticiper les travaux qui restent à effectuer pour atteindre les objectifs de réduction des consommations d'énergie et d'émission de gaz à effet de serre aux échéances de 2030, 2040 et 2050.

· Adapter certaines normes aux enjeux du changement climatique

La mission d'information propose de mettre à l'étude l'extension, aux établissements du premier degré, de la possibilité de récupérer les eaux de pluie, par exemple pour les sanitaires ou l'entretien des espaces extérieurs de l'école, en prenant en compte les enjeux sanitaires d'une telle évolution de la réglementation.

 

Les maires consultés par la mission d'information ont pointé cette difficulté, qu'ils estiment contradictoire avec le risque de sécheresse. Actuellement, l'utilisation des eaux de pluie n'est possible que pour les établissements du second degré.

· Évaluer les mesures récentes pouvant contribuer à la rénovation du bâti scolaire

La mission d'information appelle à une évaluation des récentes mesures susceptibles de concerner la rénovation des bâtiments scolaires. Elle recommande, dès la fin de 2024, un bilan du recours au « tiers financement » créé par la loi du 30 mars 2023, du Plan « 10 000 écoles » et du recours au soutien en ingénierie prévu par le programme « Village d'avenir » dans le cadre d'investissements concernant des écoles.