C. LE FINANCEMENT DES PROJETS : UNE DIFFICULTÉ PARTAGÉE

1. De nombreux leviers inégalement mobilisés par les collectivités
a) Des subventions et dotations fléchées vers la transition écologique et la rénovation des bâtiments publics des collectivités

Les élus disposent, pour la rénovation de leurs bâtiments scolaires, de différents leviers de financement apportés par l'État : DETR, DSIL, Fonds vert, auxquels se sont ajoutés les moyens dégagés dans le cadre du Plan de relance.

Ces soutiens sont orientés de manière explicite vers les projets liés à la transition écologique, dont fait partie la rénovation des bâtiments publics : l'Instruction ministérielle relative à la composition et aux règles d'emploi des dotations et fonds de soutien à l'investissement en faveur des territoires en 2023, datée du 8 février 2023, flèche les projets des collectivités « qui renforcent la résilience des territoires face au changement climatique et qui contribuent à l'atteinte des engagements internationaux de la France, notamment à l'objectif de la neutralité carbone à l'horizon de l'année 2050 ». Sont notamment visées les opérations de rénovation énergétique des bâtiments publics (travaux d'isolation, « modernisation des équipements par des énergies renouvelables », « outils de maîtrise et pilotage de la consommation »), ce qui inclut naturellement celles qui portent sur le bâti scolaire150(*). L'instruction ministérielle permet l'attribution de subventions bonifiées aux « projets de réhabilitation ou de construction de bâtiments allant au-delà de la réglementation en vigueur sur le plan des consommations d'énergie ou de l'empreinte carbone ».

Création, transformation et rénovation des bâtiments scolaires151(*) :
une dimension importante de la DSIL

« Cette priorité a été ajoutée aux priorités légales en 2018 afin de permettre notamment le financement des travaux nécessaires au dédoublement des classes de CP et de CE1 situées en zone REP+. Les travaux en question peuvent correspondre à la construction d'un bâtiment ou d'une nouvelle salle de classe, mais aussi à des aménagements de moindre ampleur visant à faciliter le travail des professeurs. Cette priorité marque une progression par rapport à 2020 : le montant des crédits alloués à cette thématique passe en effet de 65,6 millions d'euros à 97,9 millions d'euros, de même que le nombre de projets financés, qui passe de 336 à 516 projets (+180). Elle recouvre, à titre d'exemple, 194 projets liés à des travaux de réhabilitation, rénovation ou réaménagement effectués dans des bâtiments scolaires et 91 projets de construction de bâtiments liés au domaine scolaire (classes ; groupes scolaires ; cantines). »

La DSIL est déconcentrée : elle relève, en effet, des préfets de région, les préfets de département pouvant, selon la circulaire précitée, « être utilement associés au recensement et à la présélection des dossiers ».

La DETR est attribuée par les préfets de département, les commissions d'élus ayant préalablement défini les catégories d'opérations prioritaires, les taux de subventions minimaux et maximaux et ayant donné un avis sur les projets de subvention supérieurs à 100 000 euros. La DETR comme la DSIL sont accordées dans le cadre d'appels à projets, les demandes devant respecter un calendrier défini par circulaires préfectorales.

DETR, DSIL

La dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) est destinée à « soutenir les opérations d'investissement des communes et EPCI à fiscalité propre qui s'inscrivent dans la cadre de priorités locales définies par les commissions départementales d'élus »152(*). En référence à l'article L. 2334-33 du CGCT, l'éligibilité à la DETR des communes et EPCI à fiscalité propre est fondée sur des critères démographiques et de richesse fiscale. Cette dotation est annuelle et son montant global est voté chaque année par le Parlement.

La dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), créée en 2016, est inscrite à l'article L. 2334-42 du code général des collectivités territoriales et s'adresse à toutes les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre souhaitant bénéficier d'une subvention pour la réalisation d'un projet d'investissement s'inscrivant dans des priorités thématiques définies par la loi153(*).

Selon la Direction générale des collectivités territoriales (DGCL), ces dotations sont « amplifiées par les attributions du fonds de compensation de la TVA prévu par les articles L.1615-1 et suivant du code général des collectivités territoriales, à hauteur de 16,404% des dépenses d'investissement éligibles »154(*).

- Le Fonds vert, doté de deux milliards d'euros en 2023 au niveau national155(*), vise à « offrir à toutes les collectivités les ressources pour accélérer leur transition (...) dans le cadre de la planification écologique » ; il doit « être accessible et simple d'usage »156(*). Les enveloppes du Fonds vert sont réparties entre les départements par les préfets de région, « en dialogue avec les préfets de département ».

Le fonds comporte également une enveloppe d'ingénierie de 25 millions d'euros pour « aider les collectivités à faire émerger des projets à forte ambition environnementale ». Répartie par les préfets de région « en tenant compte des ressources initiales de chaque département en matière d'ingénierie », cette enveloppe peut notamment financer des « postes de chargés de mission ou de chefs de projets ». Indépendamment de cette enveloppe dédiée, les prestations d'ingénierie et d'études indispensables à la réalisation de projets sont éligibles, « pour les collectivités qui en ont besoin », au titre du Fonds vert.

DSIL, DETR et Fonds vert : des dotations de droit commun largement mobilisées pour la rénovation du bâti scolaire

Selon Mme Dominique Faure, ministre déléguée aux collectivités territoriales et à la ruralité157(*), grâce à la DSIL et la DETR, qui « totalisent 2 milliards d'euros », « c'est près de 6 500 projets relatifs aux bâtiments scolaires qui ont été soutenus en 2021, pour un soutien de près de 200 millions d'euros ».

« Je précise que la DETR représente environ 1,5 milliard d'euros et la DSIL environ 500 millions d'euros158(*). En dix ans, la DETR a doublé. Elle représente à présent trois quarts de l'investissement public DSIL et DETR combinées. »

« Avec le Fonds vert, la rénovation énergétique, en particulier des écoles, est encore plus au coeur des préoccupations du gouvernement et des élus. Début mai 2023, ce sont 105 projets de rénovation énergétique qui concernaient des écoles, dont 81 qui incluaient des travaux d'isolation et 72 projets de changement de système de chauffage. 20 millions d'euros d'aide du Fonds vert sont mobilisés sur ces 105 premiers projets qui permettent un gain énergétique annuel de 16 millions de kW/h d'énergie finale. »

Selon la DGCL, en 2022 les dotations d'investissement mobilisées pour des projets dans le domaine scolaire (rénovations globales, rénovations énergétiques, renaturation des cours d'école, équipements numériques, mise en accessibilité, extension et/ou restructuration des bâtiments...) ont représenté159(*) :

- 19% des montants de la DETR (188 M€) et 14% des 3 157 projets ainsi financés ;

- 25% des montants de la DSIL (203 M€) et 23% des 1 189 projets ainsi financés.

En ce qui concerne le Fonds vert, les données d'exécution ne sont pas encore disponibles compte tenu de la date de constitution de ce fond, mais au 27 mars 2023, 5 948 dossiers avaient été déposés pour un montant d'aide demandé de 2 160 M€, dont 40% concernaient des projets de rénovation des bâtiments non spécifiquement scolaires.

À la mobilisation de la DSIL, de la DETR et du Fonds vert s'ajoute la DPV (dotation politique de la ville) : 44% des montants (67 M€) et 32% des 300 projets ; et la DSID (dotation de soutien à l'investissement des départements : 53% des montants (107 M€) et 44% des 128 projets160(*).

Le Fonds vert est cumulable en principe avec les autres dotations de l'État, la DETR et la DSIL161(*). La circulaire préfectorale du 20 février 2023 relative à la Meurthe-et-Moselle précise qu'il est également cumulable avec les dispositifs régionaux et départementaux d'appui financier aux collectivités (comme Climaxion par exemple) et que « seuls les projets scolaires à dimension écologique pourront prétendre à un cumul de subventionnement avec la DETR ou la DSIL », signe de la priorité attachée à ce type de projet.

Focus sur la Meurthe-et-Moselle et le Finistère162(*)

Meurthe-et-Moselle :

Selon les informations recueillies lors d'une table ronde à la préfecture de Nancy, le 13 avril 2023, la transition écologique du bâti scolaire a reçu les soutiens suivants :

- au titre de la DETR, entre 2017 et 2022 : 7,4 millions d'euros de subventions, 22,4 millions d'euros de travaux et 160 projets soutenus pendant ces cinq années ; en fonction des années, le taux moyen de subvention par projet s'est établi entre 39,2% (en 2018) et 24,3% (en 2022) ; le montant moyen des 29 projets accompagnés en 2022 était de 126 000 euros ;

- depuis 2017, dans le cadre de la DSIL : 6,1 millions d'euros de subventions, 20,3 millions d'euros de travaux et 62 projets soutenus ; en fonction des années, le taux moyen de subvention par projet a été compris entre 34,8% (en 2020) et 20% (en 2017) ; le montant moyen des 10 projets accompagnés en 2022 était de 661 000 euros ;

- soit un total de 222 projets soutenus entre 2017 et 2022 : 13,5 millions d'euros de subventions et 42,7 millions d'euros de travaux.

Sur les sept projets accompagnés dans le cadre du Fonds vert au titre de la mesure « rénovation énergétique des bâtiments publics locaux », une opération concerne un établissement scolaire (0,7 million d'euros de subvention sur un coût de 1,8 million d'euros).

Finistère :

Selon les informations recueillies lors d'une table ronde à la sous-préfecture de Brest, le 11 mai 2023, les leviers de financement liés aux subventions de l'État en matière de rénovation du bâti scolaire s'établissement ainsi dans le département :

- en 2023, le département a attribué 1,5 million d'euros de subventions (DETR et Fonds vert) pour un montant d'investissement de l'ordre de 9,5 millions d'euros ;

- depuis 2020, les communes de l'arrondissement de Brest ont bénéficié de 6,1 millions d'euros (toutes subventions confondues : DSIL163(*), DETR et Fonds vert), pour 38 millions d'euros d'investissement total.

- L'enveloppe de 950 millions d'euros ouverte dans le cadre du Plan de relance a aussi permis de financer des opérations de rénovation de bâtiments publics, dont des établissements scolaires, visant à diminuer leur consommation énergétique. Dédiés à la rénovation énergétique, ces financements n'ont pas concerné les constructions de bâtiments neufs, même si ceux-ci répondent à des normes énergétiques exigeantes. Ils ont en revanche fléché explicitement les bâtiments scolaires parmi les projets devant faire l'objet d'un soutien spécifique.

L'importance des bâtiments scolaires dans les critères d'attribution
des dotations du Plan de relance

L'Instruction ministérielle du 18 novembre 2020 relative au soutien à la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités territoriales, qui a défini « les objectifs, les priorités opérationnelles et les critères à prendre en compte pour l'attribution de la dotation prévue dans le cadre du plan de relance en matière de soutien aux projets de rénovation énergétique du parc de bâtiments existants du bloc communal et des départements », a invité les préfets :

- à porter une attention toute particulière aux bâtiments scolaires du bloc communal et des départements et, plus particulièrement, aux projets « permettant d'éviter l'installation de climatisation (isolation, pare-soleil, végétalisation...) » ;

- à encourager les collectivités soutenues dans le cadre du Plan de relance à mettre en place un suivi des consommations énergétiques des bâtiments rénovés, car pour les établissements scolaires « les marges d'optimisation des consommations en fonction des usages et de l'occupation sont souvent importantes ».

Selon la Coordination interministérielle du Plan de rénovation énergétique des bâtiments, les bâtiments d'enseignement sont, d'ailleurs, les principaux bénéficiaires de ce dispositif :

- 2 440 projets soutenus ;

- 858 millions d'euros de subventions ;

- soit 63% de l'enveloppe globale consacrée par le plan de relance à la rénovation énergétique des collectivités territoriales (respectivement 74% et 90% des enveloppes de la DSID et DRI contre 38% pour la DSIL).

Les montants engagés s'élèvent à 1,7 milliard d'euros de travaux164(*).

La commune de Châteauneuf-de-Gadagne dans le Vaucluse, visitée par le président et la rapporteure le 5 juin 2023, a ainsi bénéficié d'une subvention à hauteur de 80% dans le cadre du Plan de relance pour financer les travaux de rénovation énergétique de son groupe scolaire.

b) L'apport des collectivités territoriales

Pour leurs projets de rénovation ou de construction, les collectivités territoriales peuvent aussi bénéficier de subventions d'investissement versées par d'autres collectivités territoriales, notamment les régions dans le cadre du Fonds européen de développement régional (FEDER), qui s'ajoutent aux soutiens en ingénierie précédemment évoqués.

Les programmes financés par l'Union européenne FEDER 2021-2027, dont la région est autorité de gestion, peuvent permettre sous conditions à d'autres niveaux de collectivité de bénéficier d'aides européennes pour la rénovation énergétique des collèges et des écoles, qui constitue un objectif prioritaire dans le cadre du Pacte vert pour l'Europe.

Par ailleurs, les régions et les départements, au travers de dispositifs de subventions, peuvent soutenir financièrement les opérations de rénovation thermique des écoles.

À titre d'exemple, la région Auvergne-Rhône-Alpes, au travers de ses dispositifs de subventions, apporte son soutien financier aux opérations de rénovations thermiques des écoles. Ainsi, plus de 50 opérations de réhabilitation thermique portées par des communes ou des communautés de communes ont bénéficié au cours des dernières années d'un financement de la région165(*).

Toutefois, selon la représentante de la région Centre-Val de Loire, les difficultés à financer la rénovation des lycées pourraient remettre en cause, dans certains territoires, la capacité des régions à soutenir les autres collectivités et les contraindre à se « concentrer sur (leur) seul patrimoine scolaire, au détriment de l'accompagnement des autres collectivités »166(*).

c) Des prêts spécifiques à la disposition des collectivités territoriales peu mobilisés

Le schéma ci-dessous illustre la faiblesse très nette de l'emprunt dans le financement des investissements des collectivités territoriales : ce rapport reviendra ultérieurement sur la réticence des élus à recourir à l'endettement.

Structures de financement des investissements des collectivités locales de 2018 à 2021167(*)

Parallèlement au recours au secteur bancaire, les collectivités peuvent s'adresser à la Banque des territoires qui propose diverses offres de prêt spécifiquement destinées aux collectivités territoriales168(*).

Parmi les différentes formes de prêts proposés par la Banque des territoires (Éduprêt, GPI Ambre...), l'attention de la mission a été attirée sur le mécanisme d'Intracting169(*), avance qui permet de rembourser les dépenses d'investissement par les économies d'énergie réalisées.

L'Intracting constitue aussi une méthode de travail qui s'inscrit dans une logique de priorisation des travaux en fonction des économies d'énergies susceptibles d'être obtenues.

Le remboursement du prêt étant partiellement assis sur les économies attendues des investissements réalisés, le prêteur accepte d'être exposé au risque de non-réalisation de ces économies.

Les échéances de remboursement de l'Intracting sont adaptées en fonction des économies d'énergie prévisionnelles, du calendrier des différentes tranches de travaux et, si besoin, adaptables, en cas de décalage des économies constatées. Les bénéficiaires sont identiques quels que soient les prêts proposés (collectivités, EPCI, syndicats, universités, hôpitaux...), afin que l'avance remboursable Intracting puisse également permettre la contractualisation de prêts de long terme, sur des rénovations plus lourdes ou de manière complémentaire. Le dispositif est piloté par un référent « Énergie », dont le bénéficiaire doit se doter, avec la mise à disposition d'un outil digital. Le taux est fixe et régulièrement actualisé.

Toutefois, ce dispositif n'est pas adapté à tous les projets de rénovation/construction. Il n'est, en effet, pertinent, selon FIN INFRA, que pour les « seuls travaux de performance énergétique qui s'autofinancent, c'est-à-dire qui génèrent suffisamment d'économies d'énergie pour rembourser le prêt sur sa maturité [...] essentiellement pour des travaux à gains rapides ou (...) certains travaux intermédiaires, si le prix de l'énergie reste élevé »170(*). Il est d'ailleurs réservé aux travaux d'un montant compris entre 500 000 euros et 5 millions d'euros.

d) Le tiers financement : un dispositif expérimental qui doit faire ses preuves

La loi du 30 mars 2023 a ouvert officiellement le droit pour l'État et les collectivités d'expérimenter, pendant cinq ans, le tiers financement pour la rénovation de leur bâti. Les collectivités territoriales pourront donc faire appel à un tiers financeur pour initier leurs travaux, sous forme d'un contrat de performance énergétique passé en marché public global de performance. L'expérimentation ouvrira ainsi le paiement différé sur ce type de marché.

Le tiers financement, dérogation explicite au droit de la commande publique, tire notamment les conséquences de l'insuffisante montée en puissance des contrats de performance énergétique (CPE), créés par la loi « Grenelle 1 » pour financer les travaux de rénovation énergétique, sur lesquels ce rapport reviendra ultérieurement.

Les collectivités devront toutefois justifier de l'intérêt d'y recourir en réalisant une étude préalable de soutenabilité budgétaire.

La loi n° 2023-222 du 30 mars 2023 visant à ouvrir le tiers financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique permet, à titre expérimental pendant une durée cinq ans, aux collectivités publiques soumises au principe de l'interdiction du paiement différé, de déroger à ce principe lorsqu'elles concluent des contrats de performance énergétique sous forme de marché global. La loi autorise ainsi les maîtres d'ouvrage publics à demander aux opérateurs de préfinancer l'opération et à payer les travaux durant la phase d'exploitation ou de maintenance, le paiement étant facilité par la compensation des économies d'énergie réalisées.

Les maîtres d'ouvrage publics disposeront de ce fait d'un outil supplémentaire pour adapter le calendrier de paiement de leurs investissements en fonction de leurs capacités financières, et lisser le coût des travaux dans le temps.

Ce dispositif expérimental vise à permettre une accélération des investissements de rénovation énergétique dans les bâtiments publics, sans recourir au dispositif complexe du marché de partenariat.

Toutefois, afin de garantir la sécurité juridique du dispositif au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les dérogations au « droit commun de la commande publique » et dans un souci de contrôle des dépenses publiques, le législateur a encadré le recours aux marchés globaux de performance énergétique à paiement différé en s'inspirant du régime juridique des marchés de partenariat. Il prévoit notamment la réalisation d'une étude préalable permettant de démontrer que le recours à un tel contrat est plus favorable que le recours à d'autres modes de réalisation du projet, notamment en termes de performance énergétique.

Par ailleurs, le texte sécurise l'intervention des syndicats d'énergies et des EPCI dans la réalisation des études et des travaux de rénovation et leur assure de pouvoir regrouper les opérations réalisées pour le compte des collectivités membres et conduire eux-mêmes des missions de tiers financement.

Enfin, la loi assure la cohérence du dispositif avec les modalités de paiement des sous-traitants en précisant que, en cas de recours au paiement différé, il est également dérogé au principe de paiement direct des sous-traitants. Ces derniers sont alors payés par l'entreprise principale, laquelle est tenue de constituer une caution personnelle et solidaire, et bénéficient d'une action directe contrat le maître d'ouvrage en cas de défaut de paiement de l'entrepreneur.

Les associations d'élus entendues par la mission d'information ont relativisé l'intérêt de cette formule et exprimé quelques réserves.

Régions de France estime ainsi que « dans un contexte de forte volatilité des prix l'énergie, des économies d'énergie en GigaWatts heures peuvent ne pas engendrer d'économies financières. Ainsi, gager les investissements d'une collectivité sur les économies financières et des systèmes d'externalisation de préfinancement ne semble pas pertinent »171(*).

Les élus départementaux n'ont pas jugé ce dispositif très prometteur, jugeant notamment qu'« intégrer un acteur supplémentaire complexifierait les choses, les rendrait moins fluides et déposséderait la collectivité de la maîtrise d'ouvrage »172(*).

D'après l'Association des maires de France, le tiers financement ne constitue pas forcément un outil pertinent pour les petites communes, en raison notamment du coût non négligeable des études préalables de soutenabilité financière que suppose le tiers financement, qu'il leur reviendra de financer avant toute réalisation d'un projet.

Par ailleurs, selon France urbaine, ce nouveau levier contractuel ne résout pas la question du financement d'ensemble de la rénovation énergétique. En ce sens, il ne constitue pas une solution globale.

Toutefois, la commission des lois du Sénat a vu dans le tiers financement un nouvel outil juridique susceptible de permettre d'« accélérer la rénovation énergétique des bâtiments publics », en donnant aux contractants publics la possibilité de différer le paiement des travaux, l'investissement financier initial reposant sur un tiers.

Pour la commission des lois du Sénat, le tiers financement constitue ainsi un « dispositif complémentaire bienvenu », même s'il « ne peut représenter l'unique solution pour réussir la transition énergétique du secteur public »173(*).

Selon la DGCL, « Sans méconnaître les surcoûts de financement inclus dans ce type de montage intégré, ils peuvent constituer un outil complémentaire notamment pour des opérations d'une taille significative face à des besoins d'ingénierie importants »174(*).

Pour sa part, la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, « personnellement convaincue de son bien-fondé », a jugé le principe de cette nouvelle loi « séduisant ». Son appropriation par les maires pourrait selon elle, compte tenu de la réticence de ces élus à s'endetter, être encouragée par la durée des prêts : « Il conviendra notamment de s'assurer que la durée des financements ne sera pas ramenée par la Caisse des dépôts de 25 ou 20 ans à 13 ou 12 ans, qui sont des durées que toutes les banques peuvent assurer. La Caisse des dépôts doit pouvoir apporter aux élus un accompagnement sur une durée plus longue »175(*).

La mobilisation de cette nouvelle formule par les collectivités est un point de vigilance pour la mission d'information. La loi du 30 mars 2023 s'appuyant sur une expérimentation de cinq ans, le suivi de ce dispositif sera essentiel.

La mission d'information appelle donc le gouvernement, à l'échéance de la fin de 2024, à procéder à un premier bilan de la mise en oeuvre du tiers financement et de son utilisation spécifique dans le cadre d'investissements concernant la transition écologique des bâtiments scolaires, afin de savoir précisément combien de projets ont ainsi été financés et pour quels montants, quels bâtiments (écoles, collèges ou lycées) et quels types d'investissement.

Recommandation : Effectuer dès la fin de l'année 2024 un premier bilan du recours au mécanisme du tiers financement par les collectivités territoriales dans le cadre d'investissements concernant la transition écologique des bâtiments scolaires, afin de savoir précisément combien de projets ont ainsi été financés et pour quels montants, quels bâtiments (écoles, collèges ou lycées) et quels types d'investissement.

e) Les certificats d'économie d'énergie : un mécanisme complexe

La valorisation des certificats d'économies d'énergie (CEE) permet également d'apporter un financement dans le cadre de travaux de rénovation. Les fournisseurs d'énergie sont en effet susceptibles de soutenir financièrement les maîtres d'ouvrage en achetant des certificats d'énergie.

Les collectivités peuvent valoriser les CEE en leur nom propre, ce qui implique une incertitude sur le prix de cession des CEE, ou contractualiser avec un prestataire176(*).

Selon une étude d'Intercommunalités de France sur le financement de la transition écologique et énergétique publiée en septembre 2022, « le changement d'un système de chauffage peu performant dans un bâtiment de 1 000 m² permet d'obtenir une prime de 1 000 euros à 8 000 euros via les CEE obtenus ». La même étude note qu'entre le 1er janvier 2018 et le 31 août 2021, « pour des opérations standardisées et spécifiques (classique et précarité), 7,2% des certificats d'économies d'énergie (CEE) ont concerné le secteur du bâtiment tertiaire ».

D'après l'ADEME, le CEE représente, selon les périodes, entre 30 et 60 millions d'euros. Le taux de financement des travaux par les CEE est en moyenne de 10% pour une rénovation globale.

Toutefois, ce mécanisme s'avère complexe à mettre en oeuvre sur le plan administratif, surtout pour les plus petites collectivités177(*).

Le dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE)

Le dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE), créé par les articles 14 à 17 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique (loi POPE), constitue l'un des principaux instruments de maîtrise de la politique de maîtrise de la demande énergétique.

Ce dispositif repose sur une obligation triennale de réalisation d'économies d'énergie en CEE (1 CEE = 1 kWh cumac d'énergie finale) imposée par les pouvoirs publics aux fournisseurs d'énergie (les « obligés »). Ceux-ci sont ainsi incités à promouvoir activement l'efficacité énergétique auprès des consommateurs d'énergie : ménages, collectivités territoriales ou professionnels.

Les CEE sont attribués, sous certaines conditions, par les services du ministère chargé de l'énergie, aux acteurs éligibles (obligés, mais aussi d'autres personnes morales non obligées) réalisant des opérations d'économies d'énergie. Ces actions peuvent être menées dans tous les secteurs d'activité (résidentiel, tertiaire, industriel, agricole, transport, etc.), sur le patrimoine des éligibles ou auprès de tiers qu'ils ont incités à réaliser des économies d'énergie. Les obligés ont également la possibilité d'acheter des CEE à d'autres acteurs ayant mené des actions d'économies d'énergie, en particulier les éligibles non obligés. Ils peuvent aussi obtenir des certificats en contribuant financièrement à des programmes d'accompagnement.

Source : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

2. L'accès aux dotations et subventions : un « parcours du combattant » pour toutes les collectivités

L'accès à ces différents dispositifs, par ailleurs relativement nombreux et diversifiés, a été souligné par tous les élus rencontrés par la mission d'information comme un obstacle majeur à la conduite de leurs projets.

Les représentants des collectivités territoriales auditionnés par la mission d'information ont fait part des difficultés que rencontrent les élus locaux lors du montage des dossiers et des demandes de subventions. Dans le même esprit, les élus consultés en ligne soulignent la complexité des démarches et parlent à ce propos de « parcours du combattant », voire d'« usine à gaz », a fortiori parce qu'il faut rédiger un dossier particulier pour chaque demande.

Des difficultés à se repérer dans cette diversité de leviers financiers ont été mises en avant par tous les élus locaux entendus ou rencontrés par la mission d'information : « Aucune collectivité territoriale ne connaît toutes les aides existantes auxquelles elle a droit », ont ainsi affirmé les représentants du réseau AMORCE lors de leur audition par les rapporteurs de la mission d'information.

L'AMF a exprimé le souhait d'une meilleure visibilité des aides : « Les maires sont (...) obligés de chercher des financements possibles dans le cadre des dotations existantes, de partenaires spécifiques (Banque des territoires, Ademe...). Cette absence de visibilité requiert une ingénierie que ne disposent pas toutes les communes, en particulier rurales. Par ailleurs, les aides prévues dans le cadre du Fonds vert manquent aujourd'hui de clarté, ce qui peut freiner les travaux de rénovation »178(*).

Les subventions supposent en outre des délais particulièrement contraints pour le dépôt des dossiers de demande, ce qui pénalise les collectivités ne disposant pas des ressources humaines et des compétences techniques pour y répondre dans les temps impartis. C'est notamment le cas pour le Fonds vert : cette difficulté a été relevée par les associations d'élus, qu'il s'agisse des départements (« les délais de réponse sont très courts : cela pose un problème réel aux petites collectivités territoriales, qui ne disposent pas des moyens techniques et humains suffisants »179(*)) ou de l'échelon communal.

Est également soulignée l'« incompatibilité des délais » entre les réponses du financeur et le calendrier de la collectivité (vote des budgets, dates de dépôt des dossiers, réponses des financeurs et démarrage souhaité des travaux).

De même, la lenteur des réponses est critiquée, car elle « met fortement en péril le financement des projets et, de fait, la trésorerie des collectivités qui sont dépendantes de ces aides ». D'après les témoignages reçus par la mission d'information, cet inconvénient est le fait de l'État, mais aussi des régions et départements lorsqu'elles attribuent des aides à d'autres collectivités.

Au-delà de leur possible fluctuation d'une année sur l'autre, les dotations de l'État reposent sur des appels à projets fonctionnant sur une logique strictement annuelle. Or les projets de rénovation ou de construction initiés par les élus locaux recouvrent une dimension pluriannuelle qui n'est, pour l'instant, pas prise en compte dans le cadre des financements extérieurs. Les collectivités ont, dans la plupart des cas, besoin de prévisibilité et de visibilité en termes de financement, afin de leur permettre d'élaborer une véritable stratégie de rénovation énergétique dans la durée et de sécuriser leurs projets. Un élu en a témoigné sur la plateforme du Sénat : l'imprévisibilité de ces aides et l'impossibilité d'anticiper « la part exacte des aides de l'État » sont dénoncées, car elles empêchent de présenter un plan de financement.

Les élus locaux auditionnés par la mission d'information ont suggéré que l'attribution des subventions et dotations d'investissement versées par l'État puisse se faire dans le cadre d'une programmation pluriannuelle. Comme l'a indiqué la présidente de la commission Éducation, sport et culture de l'ADF, « Les collectivités territoriales ne disposent plus de marge de manoeuvre financière. Des plans pluriannuels s'imposent, eu égard au coût de construction d'un nouveau collège - entre 20 et 25 millions d'euros »180(*).


* 150 Parmi les autres priorités sont mentionnés les équipements sportifs ainsi que la mise en valeur du patrimoine naturel ou culturel.

* 151 Source : DGCL, Bilan de l'utilisation de la DSIL en 2021 - Synthèse globale.

* 152 Circulaire ministérielle du 8 février 2023.

* 153 Développement écologique des territoires, qualité du cadre de vie, rénovation énergétique et développement des énergies renouvelables ; mise aux normes et la sécurisation des équipements publics ; développement d'infrastructures en faveur de la mobilité ou en faveur de la construction de logements ; développement du numérique et de la téléphonie mobile ; création, transformation et rénovation des bâtiments scolaires ; réalisation d'hébergement et d'équipements publics rendus nécessaires par l'accroissement du nombre d'habitants.

* 154 Source : réponses écrites de la DGCL au questionnaire de la rapporteure.

* 155 À titre d'exemple, 86,39 millions d'euros pour la région Bretagne.

* 156 Circulaire ministérielle relative au Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires (« fonds vert »).

* 157 Compte rendu du 7 juin 2023.

* 158 570 millions d'euros au niveau national pour 2023.

* 159

 En 2022, la DSIL a fait l'objet d'un abondement exceptionnel de 303 M€. En 2021, 123 M€ de DSIL avaient été attribués à 829 projets d'investissement dans le domaine scolaire, soit 23% des montants et 22% des projets (source : DGCL, réponses écrites au questionnaire de la rapporteure).

* 160

 Selon la DGCL, « le FCTVA constituant un soutien global à l'investissement des collectivités locales, il ne permet pas d'isoler par projet le montant de FCTVA obtenu. Toutefois la réforme de l'automatisation ayant conduit à définir un périmètre comptable d'éligibilité, il sera possible d'obtenir, dans le cadre du bilan de la réforme le montant d'attributions de FCTVA accordées suite à des dépenses en faveur des travaux de construction et d'entretien des bâtiments publics, qui représente plus de 30% des attributions de FCTVA, s'étant élevées à près de 6,5 Md€ en 2022 ».

* 161 La circulaire préfectorale du 1er décembre 2022 relative à la DSIL dans le département de Meurthe-et-Moselle demande aux collectivités « de ne pas cumuler DSIL et DETR pour une même opération, » sauf pour les « projets de construction/extension de bâtiments scolaires et périscolaires qui conduisent à regrouper plusieurs écoles ».

* 162 Voir en annexe les comptes rendus de ces déplacements.

* 163

Au titre de la DSIL, la quote-part des quatre départements bretons s'établit à 34 millions d'euros.

* 164 Source : Coordination interministérielle du Plan de rénovation énergétique des bâtiments, réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.

* 165 Réponses écrites de Régions de France au questionnaire de la rapporteure.

* 166 Compte rendu du 29 mars 2023.

* 167 Source : Climat : comment les collectivités territoriales financent leurs investissement, I4CE, novembre 2022.

* 168 Prêts d'une durée de 15 à 40 ans, avec des formules à taux fixe ou adossées au livret A (la réalisation d'un objectif de 30% d'efficacité énergétique est nécessaire pour obtenir le meilleur taux) ; prêts en fonds propres ou quasi fonds propres, avec la possibilité d'intervenir en partenariat avec d'autres acteurs privés et publics, locaux ou nationaux ; en complément des offres de prêts, dans le cadre de la gestion de dispositifs de financement innovants.

* 169 L'Intracting permet de financer tous les travaux de rénovation et d'optimisation énergétique des acteurs publics locaux de manière à dégager des économies d'énergie à court terme, sur une durée maximale de treize ans (changement des équipements, chauffage, production d'eau chaude, ventilation, éclairage ou régulation, etc.)

* 170 Réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.

* 171 Réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.

* 172 Compte rendu du 28 mars 2023.

* 173 Rapport sur la proposition de loi visant à ouvrir le tiers financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique, fait par Mme Jacqueline Eustache-Brinio au nom de la commission des lois (Sénat, n° 321, 2022-2023).

* 174 Source : réponses écrites de la DGCL au questionnaire de la rapporteure.

* 175 Compte rendu du 7 juin 2023.

* 176 Selon la DGCL, les collectivités sont éligibles aux bonification induite par l'extension du « coup de pouce Chauffage des bâtiments résidentiels collectifs et tertiaires » par l'arrêté du l'arrêté du 12 juillet 2022 modifiant l'arrêté du 29 décembre 2014 relatif aux modalités d'application du dispositif des certificats d'économies d'énergie et l'arrêté du 22 décembre 2014 définissant les opérations standardisées d'économies d'énergie (source : réponses écrites de la DGCL au questionnaire de la rapporteure).

* 177 À titre d'exemple, le conseil départemental de la Drôme a fait observer à la mission d'information que, « pour les passages en LED, les certificats d'économie d'énergie ne sont pas réellement utilisables du fait de la complexité des études à mettre en oeuvre pour permettre de les justifier » (Source : réponses écrites d'ADF au questionnaire de la rapporteure).

* 178 Réponses écrites de l'AMF au questionnaire de la rapporteure.

* 179 Compte rendu du 28 mars 2023 (audition des représentants de l'Assemblée des départements de France).

* 180 Compte rendu du 28 mars 2023 (audition de l'Assemblée des départements de France).