II. LE CONSTAT : UNE LÉGISLATION EN MATIÈRE DE RÉNOVATION THERMIQUE QUI TIENT INSUFFISAMMENT COMPTE DES QUALITÉS INTRINSÈQUES DU BÂTI ANCIEN

Les principales mesures de la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021

Cette loi a mis en place des mesures destinées à accélérer la transition énergétique de l'habitat :

- classement des logements en fonction de leur performance en matière énergétique et en matière d'émission de gaz à effet de serre,

- réalisation obligatoire d'un audit énergétique par les propriétaires de maisons individuelles ou d'immeubles classés comme passoires thermiques avant la réalisation de la vente de leur bien,

- gel des loyers des passoires thermiques à compter de 2023,

- interdiction progressive de leur mise en location à compter de 2025.

Ces mesures visent à inciter les propriétaires à réaliser des travaux de rénovation énergétique performante dans six domaines (isolation des murs, isolation des toitures, isolation des planchers bas, remplacement des menuiseries extérieures, remplacement des systèmes de ventilation, remplacement du système de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire) afin de permettre au logement d'atteindre une classe A ou B.

Elles s'appliquent indistinctement à tous les types de bâti, à l'exception des monuments historiques, exemptés du DPE.

La loi autorise seulement des assouplissements en ce qui concerne les résultats à attendre des travaux de rénovation énergétique réalisés dans les immeubles protégés au titre du patrimoine (immeubles situés dans les sites patrimoniaux remarquables ou dans les abords, ceux labellisés « Architecture contemporaine remarquable » et ceux faisant l'objet de règles relatives à l'aspect extérieur fixées par le plan local d'urbanisme). Afin de tenir compte des contraintes architecturales ou patrimoniales qui leur sont propres, elle prévoit que la rénovation énergétique pourra être considérée comme performante même si le logement n'atteint pas la classe A ou B à l'issue des travaux lorsqu'ils lui ont permis de gagner deux classes et que les six postes de travaux ont été traités.

Aucune disposition n'existe pour le patrimoine non protégé sauf lorsque le coût des travaux de rénovation énergétique performante excède 50 % de la valeur vénale du bien ou lorsque ces travaux font courir un risque de pathologie du bâti attesté par un homme de l'art.

Source : commission de la culture, de l'éducation et de la communication

A. DES OUTILS ÉLABORÉS DE MANIÈRE UNIFORME...

Si les objectifs de la loi « Climat et résilience » sont pleinement partagés, les outils mis en place se révèlent inadaptés aux spécificités du bâti ancien.

1. Les modalités de calcul du nouveau DPE sont trop simplificatrices

60%

du bâti d'avant 1948

classé en E, F ou G
selon les chiffres de l'ADEME
portant sur le premier
trimestre 2023.

2. Les solutions de rénovation généralement préconisées pour faire gagner des classes se révèlent très largement inappropriées au bâti ancien

L'isolation par l'extérieur apparait à proscrire en cas de façade en pierre de taille ou de façade à pan de bois ou à colombage, ou du remplacement des menuiseries extérieures, susceptible de faire perdre sa cohérence patrimoniale au bâti. L'isolation des murs représente souvent une priorité lors de l'isolation des logements alors que les analyses montrent qu'elles ne représentent que 10 % à 30 % des déperditions dans le bâti ancien, celles-ci intervenant principalement au niveau de la toiture, faisant de l'isolation des combles une priorité.

Maison divisée en deux logements dont l'une des parties a été isolée
par l'extérieur


Source : Maisons paysannes

Certaines des solutions préconisées peuvent faire perdre à ce bâti sa valeur patrimoniale et architecturale. Surtout, comme elles ne tiennent pas compte des caractéristiques hydriques et thermiques propres à ces bâtiments, elles peuvent générer des pathologies (humidité, moisissures) susceptibles de rendre sa dégradation irréversible et son occupation impossible.

Il est par ailleurs rare que ces solutions, en règle générale standardisées et industrielles, valorisent l'utilisation de matériaux bio-sourcés ou fabriqués localement, en dépit de leur moindre empreinte environnementale.

3. Les aides financières octroyées ne comportent aucun dispositif ciblé garantissant une rénovation respectueuse de ce type de bâti

Les propriétaires sont encouragés à recourir aux solutions standardisées, même inadaptées, dans la mesure où elles sont subventionnées, tel le remplacement des portes et fenêtres anciennes par des menuiseries en PVC.

Les thèmes associés à ce dossier