PREMIÈRE PARTIE

LES DISPOSITIFS D'ACCOMPAGNEMENT MIS EN oeUVRE POUR FAIRE FACE À LA CRISE DES PRIX DE L'ÉNERGIE

I. LA CRISE DES PRIX DE L'ÉNERGIE ET SA RÉPERCUSSION SUR LES FACTURES DES CONSOMMATEURS FINALS

A. LES PRIX DU GAZ ONT CONNU DES VARIATIONS TRÈS IMPORTANTES ENTRE 2021 ET 2023, QUI SE SONT RÉPERCUTÉES SUR LES TARIF RÈGLEMENTÉS DE VENTE

1. Après un pic en 2022, les prix du gaz sont redescendus au niveau de mai 2021
a) L'automne et l'hiver 2021 : la première phase de la crise

Les prix de gros européens du gaz naturel ont augmenté à partir du printemps 2021, et de façon plus importante et rapide à compter du mois de juillet. Ces niveaux de prix, qui étaient alors inédits en Europe, découlaient de plusieurs facteurs :

une demande importante, dans un contexte de reprise économique au niveau mondial, de niveaux bas de stockages européens en gaz en raison d'un hiver 2020-2021 rigoureux1(*) et d'une croissance de la consommation de gaz naturel liquéfié (GNL) en Asie supérieure à la croissance de la production mondiale, limitant les quantités livrées sur les marchés européens ;

une offre contrainte, en raison de la saturation des capacités de production en Algérie et en Norvège, d'une tendance décroissante de la production de gaz naturel dans l'Union européenne, avec notamment l'arrêt progressif de l'exploitation du champ de Groningue aux Pays-Bas, et d'exportations de gaz russe vers l'Union européenne restant inférieures aux niveaux observés par le passé, notamment en 2019.

b) En 2022 : l'explosion des prix du gaz

Les anticipations de prix du gaz par les acteurs du marché à la fin de l'année 2021 prévoyaient que les prix de gros sur les produits futurs retrouveraient des niveaux plus modérés, tout en restant élevés, à partir du deuxième trimestre 2022, avant de revenir à un niveau normal en 2023.

L'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022, et le conflit qui s'en est suivi, ont bouleversé ces prévisions : le prix sur le cours spot européen de référence pour le gaz (TTF néerlandais) est passé de 73 euros le MWh le 13 février 2022 à 193 euros le MWh le 27 févier, avant de décroître légèrement et de se maintenir à un niveau très élevé (175 euros le MWh le 3 juillet 2022, contre 40 euros le MWh le 25 juillet 2021).

Les prix du gaz ont ensuite fortement remonté le reste de l'été, jusqu'à atteindre 310 euros/MWh le 26 août. À titre de comparaison, les prix sont près de 15 fois plus élevé qu'au début de l'année 2021 (aux alentours de 20 euros le MWh). Cette forte hausse a été provoquée par les annonces fin août de la maintenance sur Nordstream 1.

Les prix étaient ensuite redescendus en septembre et en octobre (fin septembre 2022, les prix du gaz s'élevaient à 102,18 euros/MWh), mais restaient nettement plus élevés qu'en 2021.

L'Union européenne importe environ 155 milliards de mètres cubes de gaz russe chaque année, soit 40 % de sa consommation (le gaz russe représente 18 % des importations françaises de gaz). Dans le contexte du conflit russo-ukrainien, Gazprom a considérablement réduit ses exportations de gaz vers l'Union européenne via le pipeline Nord Stream 1, impactant les importations françaises et allemandes : la France ne reçoit plus de gaz russe par gazoduc depuis la mi-juin 2022. L'augmentation considérable des prix du gaz sur le marché de gros européen a ainsi découlé principalement de la réduction des livraisons de gaz russe.

La Commission de régulation de l'énergie, dans une délibération du 22 juin 2022 indique qu'en l'absence de prolongation du gel tarifaire à compter du 1er juillet 2022, les TRVg auraient augmenté de 51,31 % hors taxes par rapport aux tarifs gelés à leur niveau d'octobre 2021.

Par ailleurs, alors que les marchés de gros du gaz en France et en Allemagne étaient historiquement très proches, le spread France/Allemagne a fortement augmenté au pic de la crise (août/ septembre 2022), atteignant 80 euros/MWh, en défaveur de la France, en raison du remplissage des stockages par l'Allemagne.

Évolution des prix du gaz entre janvier 2021 et octobre 2022

c) En 2023 : une redescente progressive du prix du gaz

Au cours de l'année 2023, le prix du gaz a poursuivi sa tendance baissière engagée à la fin de l'année 2022. Ainsi, au 10 avril 2023, il était à 42,6 euros par MWh, contre 60,5 euros par MWh au 5 janvier 2023 (marché « day-ahead »).

La baisse du prix du gaz s'explique par l'augmentation de l'approvisionnement de l'Europe en gaz norvégien, ainsi que par une demande de gaz en diminution. Dans ses réponses au questionnaire du rapporteur spécial, Engie souligne que cette baisse de la demande est « amenée à se poursuivre du fait de la reconduction du plan européen de baisse de 15 % de la demande de gaz [...] décidée lors du Conseil UE du 30 mars »2(*).

Évolution des prix du gaz de mai 22 à mai 2023

2. L'évolution des prix de gros du gaz se répercute de manière importante sur le prix

Les consommateurs aux offres de marché ont subi de plein fouet l'augmentation des prix, mais les consommateurs au tarif réglementé de vente du gaz (TRVg), n'ont pas été épargnés par la crise.

En effet, le TRVg n'est pas un « prix fixe ». Il fluctue depuis 2013 mensuellement sur la base d'une formule qui repose principalement sur l'évolution des prix de gros du gaz, mensuels et trimestriels. Plus précisément, le niveau des TRVg évolue de manière annuelle concernant leur composante « hors approvisionnement », et de manière mensuelle pour leur composante « approvisionnement ». L'encadré suivant présente de manière détaillée la façon dont les TRVg sont calculés.

Les tarifs réglementés de vente de gaz

Les TRV de gaz sont encadrés par les articles L. 445-1 à L. 445-4 et R. 445-1 à R. 445-7 du code de l'énergie.

Aux termes de l'article L. 445-3, « les tarifs réglementés de vente du gaz naturel sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l'ensemble de ces coûts [...] ». L'article R. 445-2 du code de l'énergie précise que « les tarifs réglementés de vente du gaz naturel couvrent les coûts d'approvisionnement en gaz naturel et les coûts hors approvisionnement. Ils comportent une part variable liée à la consommation effective et une part forfaitaire calculée à partir des coûts fixes de fourniture du gaz naturel [...] ».

Une formule tarifaire traduit la totalité des coûts d'approvisionnement en gaz naturel pour chaque fournisseur (article R. 445-3 du code de l'énergie). La formule tarifaire et les coûts hors approvisionnement permettent de déterminer le coût moyen de fourniture du gaz naturel, à partir duquel sont fixés les tarifs réglementés de vente de celui-ci.

Les coûts hors approvisionnement comprennent notamment :

- les coûts d'utilisation des réseaux de transport de gaz naturel et, le cas échéant, des réseaux de distribution publique de gaz naturel, résultant de l'application des tarifs d'utilisation des infrastructures de gaz fixés par la Commission de régulation de l'énergie ;

- les coûts d'utilisation des stockages de gaz naturel ;

- les coûts de commercialisation des services fournis (marketing, gestion de clientèle, etc.), y compris une marge commerciale raisonnable.

Aux termes de l'article R. 445-4 du code de l'énergie, un arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie, pris après avis de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) « fixe, à l'issue de l'analyse détaillée remise par celle-ci, [...] au plus tard le 1er juillet, les barèmes des tarifs réglementés à partir, le cas échéant, des propositions du fournisseur, ainsi que la formule tarifaire des TRV pour les 12 mois suivants, reflétant l'évolution des coûts d'approvisionnement à un pas de temps mensuel ou trimestriel. » Dit plus simplement, les TRVg sont fixés une fois par an par l'État, sur proposition de la CRE.

Concernant les coûts d'approvisionnement R. 445-5 du code de l'énergie prévoit que « le fournisseur modifie, selon une fréquence définie par arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie et au maximum une fois par mois, jusqu'à l'intervention d'un nouvel arrêté tarifaire pris en application de l'article R. 445-4, les barèmes de ses tarifs réglementés en y répercutant les variations des coûts d'approvisionnement en gaz naturel, telles qu'elles résultent de l'application de sa formule tarifaire ».

En résumé, l'évolution mensuelle des TRV de gaz naturel reflète donc les variations de la composante « approvisionnement » seulement, à l'exception du mois de juillet où l'évolution des TRV intègre aussi la révision des coûts hors approvisionnement.

Source : commission des finances

Décomposition des coûts couverts par la facture au tarif réglementé de vente
de gaz naturel d'Engie pour un client moyen en octobre 2021

Source : GRDF

La France important 99 % du gaz naturel qu'elle consomme, elle est fortement exposée aux variations des prix du gaz sur les marchés européens et mondiaux, et en conséquence les TRVg, par la composante « approvisionnement » essentiellement, sont également affectés. Ainsi, entre juin et octobre 2021, le TRVg moyen a augmenté de près de 44 %.

À partir de l'automne 2021, le TRVg a été gelé, pour éviter que la crise énergétique ait des conséquences trop importantes sur les ménages. Toutefois, la Commission de régulation de l'énergie a continué à publier, pour référence, les TRVg tels qu'ils seraient s'ils n'y avaient pas eu le gel des prix. Pour cette raison, cette mesure est parfois appelée « TRVg non gelés ».

La Commission de régulation de l'énergie, dans une délibération du 22 juin 2022 avait par exemple indiqué qu'en l'absence de prolongation du gel tarifaire, les TRVg auraient augmenté de 51,31 % hors taxes à compter du 1er juillet 2022 par rapport aux tarifs gelés à leur niveau d'octobre 2021.

Comparaison de l'évolution des TRVg avec et sans gel
entre janvier 2019 et juillet 2022

Source : commission de la régulation de l'énergie

Dans le sens inverse, la diminution du prix de gros du gaz en 2023 a également conduit à une diminution des TRVg, si bien qu'ils se trouvent en dessous de la limite de prix définie lors de la prolongation du bouclier tarifaire gaz par la loi de finances initiale pour 2023, c'est-à-dire le niveau des TRVg en octobre 2021 augmenté de 15 %.


* 1 Selon la CRE, le mois d'avril 2021 a été le plus froid depuis 20 ans en France et cette vague de froid européenne a maintenu une consommation élevée en Europe, réduisant le rythme de remplissage des stockages.

* 2 Réponses au questionnaire du rapporteur spécial.

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