Sommaire
Présidence de M. Didier Mandelli
proposition de loi visant à sortir la france du piège du narcotrafic
Vote sur l'ensemble de la proposition de loi
Vote sur l'ensemble de la proposition de loi organique
Candidatures à une commission mixte paritaire
Restitution d'un bien culturel à la République de Côte d'Ivoire
Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission
proposition de loi relative à la restitution d'un bien culturel à la république de côte d'ivoire
Comment relancer le fret ferroviaire ?
Débat organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky
Modification de l'ordre du jour
nomination de membres d'une commission mixte paritaire
Présidence de M. Didier Mandelli
vice-président
Secrétaires :
M. Guy Benarroche,
Mme Sonia de La Provôté.
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 10 avril 2025 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n'y a pas d'observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Décès d'un ancien sénateur
M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Henri Torre, qui fut sénateur de l'Ardèche de 1980 à 2008.
3
Sortir la France du piège du narcotrafic et statut du procureur de la République national anti-criminalité organisée
Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire sur une proposition de loi et une proposition de loi organique
M. le président. L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic (texte de la commission n° 535, rapport n° 534) et de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur de la République anticriminalité organisée (texte de la commission n° 536, rapport n° 534).
La conférence des présidents a décidé que ces textes feraient l'objet d'explications de vote communes.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, messieurs, madame les ministres, mes chers collègues, je profite de l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi et la proposition de loi organique relatives au narcotrafic pour évoquer de manière générale ce problème.
Vous vous souvenez tous que la commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, créée au mois de novembre 2023, sur l'initiative du groupe Les Républicains, a donné lieu à un travail transpartisan, lequel a montré à quel point le narcotrafic était non pas une simple succession d'infractions qui troubleraient l'ordre public, mais bien une série de comportements portant atteinte aux intérêts de la Nation tout entière.
Une fois cette évidence rappelée, le président de la commission d'enquête Jérôme Durain, aujourd'hui rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire, et le rapporteur Étienne Blanc, ont déposé une proposition de loi et une proposition de loi organique traitant, pan par pan, de l'intégralité des sujets nécessitant une modification législative, afin d'engager efficacement la lutte contre le narcotrafic.
Ce travail a été accompli de manière transpartisane et ces textes ont été votés à l'unanimité. Le même travail a été réalisé à l'Assemblée nationale, où, après des discussions multiples, mais fructueuses, nous avons réussi à trouver un accord sur l'intégralité des dispositions qu'ils contenaient. Le temps qui m'est imparti ne me permettant pas de toutes les énumérer, je me contenterai d'en citer trois, de manière chronologique, jusqu'à l'instruction.
Premièrement, nous avons décidé la création d'un parquet national anticriminalité organisée (Pnaco), parquet unique destiné à coordonner l'action des autres parquets sur la criminalité organisée et le narcotrafic. C'est nécessaire si nous voulons maîtriser l'hydre du narcotrafic qui s'est abattue sur la France comme sur bien d'autres pays.
Ce parquet sera opérationnel dès le mois de janvier prochain, du moins je l'espère, puisque c'est la date qui a été fixée avec l'accord de M. le garde des sceaux. (M. le garde des sceaux acquiesce.) Il permettra cette lutte efficace.
Deuxièmement, nous avons changé le régime non seulement des demandes de nullité, mais surtout des mises en liberté.
Pour un narcotrafiquant, la mise en liberté constitue un enjeu crucial. En effet, un individu détenu, qu'il soit prévenu ou accusé, est jugé dès lors qu'une décision de justice intervient ; en revanche, au regard de l'état d'encombrement des juridictions françaises, malheureusement, dès lors que cet individu est libre, cette décision peut ne pas intervenir.
Il fallait donc que la guérilla procédurale qui est aujourd'hui mise en œuvre par les narcotrafiquants soit freinée par des dispositions qui, sans être attentatoires au droit de la défense, empêchent, de façon objective, de soulever des moyens procéduraux de mauvaise foi aux fins d'obtenir la mise en liberté de ceux-là mêmes qui ne devraient jamais sortir de prison avant d'être jugés.
Troisièmement, nous avons beaucoup travaillé sur l'incarcération, qui constitue l'issue importante de la procédure. À l'Assemblée nationale, M. le garde des sceaux a proposé que des quartiers de lutte contre la criminalité organisée soient instaurés. Nous avons retravaillé cette disposition, à laquelle, comme nos collègues députés, nous sommes favorables sur le principe.
Tout cela nous permet d'obtenir un équilibre qui me paraît bon. Ainsi, la décision du garde des sceaux de recourir à des quartiers de lutte contre la criminalité organisée sera réinterrogée tous les ans, afin qu'elle ne puisse être attentatoire aux libertés individuelles.
Telles sont les principales dispositions sur lesquelles je souhaitais donner quelques éléments d'explication. La proposition de loi en contient d'autres, qui ont déjà été débattues en séance publique et sur lesquelles nous avons trouvé un accord avec nos collègues de l'Assemblée nationale.
Il me paraît important que cette proposition de loi et cette proposition de loi organique, qui ont été adoptées ici même à l'unanimité, connaissent aujourd'hui une issue similaire, au moment nous examinons les conclusions de la commission mixte paritaire. En effet, c'est d'une seule voix que les parlementaires et le Gouvernement, par l'intermédiaire des ministres ici présents, qui se sont beaucoup investis sur ce sujet, doivent s'exprimer face à l'hydre du narcotrafic.
Cela nous permettra de lutter efficacement contre la criminalité organisée qui s'abat sur la France, avec son cortège de menaces, de corruptions et de violences. Nous devons apporter une réponse commune, forte et unanime.
J'ai l'espoir que, aujourd'hui encore, nous retrouverons cette même unanimité dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE, ainsi qu'au banc des commissions. – M. le garde des sceaux applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie les parlementaires, qu'ils siègent au Sénat ou à l'Assemblée nationale, du travail accompli en séance publique et en commission mixte paritaire sur ces textes si importants pour nos magistrats, nos forces de l'ordre et l'ensemble de notre pays. Ainsi, nous pourrons lutter contre le narcotrafic.
Je remercie évidemment au premier chef les auteurs de cette proposition de loi et de cette proposition de loi organique, MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain, même s'ils peuvent considérer que le bébé dont ils ont permis la naissance a grossi depuis lors. En effet, de nouveaux articles ont été introduits et des modifications ont été apportées – pour autant, tout cela a été fait avec votre accord, monsieur le rapporteur.
C'est le cas du parquet national antistupéfiants, qui est devenu le parquet national anticriminalité organisée (Pnaco). C'est également le cas de dispositions très importantes qui ont été instaurées à destination des magistrats, notamment des magistrats spécialisés.
C'est aussi le cas de certains articles qui, comme vous l'avez souligné dans votre rapport, monsieur Durain, ne sont pas des cavaliers législatifs, puisqu'ils contiennent des dispositions pénitentiaires, et qui ont considérablement enrichi ce texte pour créer le nouveau régime carcéral, inspiré de l'article 43 bis italien, avec des prisons de haute sécurité.
La première de ces prisons de haute sécurité sera inaugurée le 1er juillet prochain, à Vendin-le-Vieil ; la seconde sera ouverte le 15 octobre, à Condé-sur-Sarthe.
Y seront enfermés les 200 narcotrafiquants les plus dangereux, rompant ainsi avec la tradition pénitentiaire française qui consiste à classer ou à catégoriser les détenus selon leur statut devant la justice – ceux qui relèvent de la détention provisoire sont placés en maison d'arrêt, ceux qui sont condamnés pour peine sont détenus en prison pour peine, etc. –, et non en fonction de leur dangerosité. Ainsi, il est prévu que la prison de Vendin-le-Vieil accueille 70 % de personnes placées en détention provisoire.
C'est vrai, ce régime carcéral est extrêmement strict, mais il permet d'isoler les trafiquants et les narcotrafiquants du reste de la société, pour qu'ils ne puissent plus diriger leur point de deal, blanchir leur argent, commanditer des assassinats ou menacer des directeurs de prison, des agents pénitentiaires, des magistrats, des policiers, des femmes et des hommes politiques, des journalistes ou des avocats, comme on l'a vu encore très récemment à Nancy. À l'instar des Italiens, nous couperons tout lien social entre les personnes placées en détention et l'extérieur, notamment le narcotrafic.
Vous l'avez souligné, madame la présidente de la commission des lois, ce régime carcéral extrêmement original et strict soulève des questions.
C'est pourquoi j'ai souhaité que le travail que nous avons accompli à l'Assemblée nationale – je sais qu'il a recueilli le même consensus au Sénat – puisse avoir lieu d'abord avec MM. Durain et Vicot, respectivement rapporteurs pour le Sénat et pour l'Assemblée nationale de la commission mixte paritaire, puis avec le groupe socialiste, et plus largement la gauche, qui représente l'opposition au Sénat comme à l'Assemblée nationale.
J'ai également souhaité que le Conseil d'État soit saisi des dispositions carcérales que j'ai proposées, puisqu'elles ne figuraient pas dans la proposition de loi initiale. Après que celui-ci a émis un avis positif, nous avons modifié à la virgule près ce nouveau régime carcéral, lequel, j'en suis sûr, échappera aux fourches caudines du Conseil constitutionnel.
Je me félicite du vote très large que ce régime carcéral a recueilli à l'Assemblée nationale – le texte qui a été voté à l'unanimité au Sénat ne contenait pas ces dispositions.
C'est pourquoi, dans un esprit de compromis, j'ai accepté que, au lieu des deux ans d'enfermement qui étaient prévus, soit posé le principe d'un an d'enfermement renouvelable, afin de recueillir le vote positif du groupe socialiste. Un tel dispositif, sur lequel, une fois que nous aurons pris les premières décisions, nous disposerons rapidement des jurisprudences du Conseil d'État, est un bon compromis républicain : il s'agira bien d'un régime carcéral, expression de la volonté de la Nation tout entière, respectueux de la dignité des personnes détenues.
Le ministre d'État, ministre de l'intérieur, et moi-même avons constaté à quel point ce régime carcéral nouveau, qui isolera les personnes de leur trafic, soulevait question, posait problème et, si j'ose dire, stressait les narcotrafiquants.
Il n'est qu'à voir les très nombreuses prises à partie d'agents pénitentiaires survenues récemment : leurs voitures et leurs domiciles ont été attaqués à la kalachnikov ou au cocktail Molotov ; les centres de détention eux-mêmes ont été visés. Les auteurs de ces actes ont voulu s'opposer à l'instauration de ce régime carcéral, imaginant peut-être que les agents de l'administration pénitentiaire, déjà sous le coup de menaces et en butte aux difficultés extrêmement fortes de leur métier, fassent grève ou en empêchent l'adoption.
Tel n'a pas été le cas : malgré les difficultés, les agents de surveillance pénitentiaire et les agents des services de probation ont été courageux et ont tenu un peu partout en France. Vous les avez soutenus, mesdames, messieurs les parlementaires. Je vous en remercie, comme je salue le parquet national antiterroriste et les forces de l'ordre sous l'autorité du ministre de l'intérieur, qui ont interpellé une partie très importante des personnes responsables de ces menaces.
Le vote du Sénat aujourd'hui, comme celui de l'Assemblée nationale demain, sera aussi une réponse aux narcotrafiquants, qui ont voulu nous faire reculer et faire reculer l'autorité de l'État.
Une fois que le Conseil constitutionnel se sera exprimé – si j'ai bien lu les gazettes, il sera saisi par les députés de La France insoumise –, nous préparerons les décrets d'application, qui sont déjà en cours d'élaboration.
Madame la présidente de la commission des lois, ainsi que je vous l'ai proposé, nous vous soumettrons les décrets relatifs au monde carcéral, afin qu'ils puissent être publiés au mois de juin prochain. Ainsi, le 31 juillet prochain, la prison de Vendin-le-Vieil deviendra la première prison de haute sécurité de notre pays et accueillera les cent premiers narcotrafiquants soumis à ce nouveau régime.
C'est un point important, d'autant que, le 14 mai prochain, nous commémorerons le massacre d'Incarville et l'assassinat de deux agents pénitentiaires lors de l'évasion de M. Amra.
Ce régime carcéral n'est pas complet. C'est pourquoi, à l'occasion de l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire et contrairement à mon habitude en tant que ministre, j'ai déposé deux amendements – je prie cette assemblée de m'en excuser.
Tous deux visent à rétablir l'anonymisation des agents pénitentiaires lorsqu'ils établissent les procès-verbaux dans le cadre de leur mission. En effet, d'après les témoignages que j'ai recueillis, au cours de ses travaux longs et fructueux, les membres de la commission ont – par erreur ou en raison de la difficulté de leur tâche – supprimé cette disposition.
Lorsqu'ils découvrent un téléphone portable en cellule ou qu'ils doivent prendre un certain nombre de dispositions – placer des détenus dans un quartier disciplinaire, par exemple –, ces agents doivent inscrire leur nom et prénom, ce qui les expose, ainsi que leurs familles, puisque leur domicile peut être trouvé. Cela crée un très fort climat d'insécurité.
Depuis très longtemps, ils réclament l'anonymisation de la procédure et l'inscription de leur seul numéro de matricule, sur le modèle de ce qui a été prévu en 2021, lorsque j'étais ministre de l'intérieur, pour les officiers de police judiciaire, notamment ceux qui sont chargés des enquêtes sur les trafics de drogue. Il me semble donc opportun de rétablir cette disposition, supprimée par inadvertance en commission mixte paritaire.
Au regard des difficultés que rencontrent les agents de l'administration pénitentiaire, j'ai déposé un second amendement ayant pour objet l'anonymisation générale des agents des maisons d'arrêt et de tous les centres de détention.
En effet, l'anonymisation ne peut pas concerner uniquement les prisons de haute sécurité : elle concerne les agents de tous les établissements pénitentiaires, qui doivent pouvoir n'inscrire que leur matricule, dès lors qu'ils dressent un procès-verbal. Ainsi, en cas de contestation, il sera possible de connaître leur identité, sans que leurs noms et prénoms soient jetés en pâture.
L'adoption de ces amendements de bon sens permettra d'envoyer un signe d'encouragement à l'administration pénitentiaire, me semble-t-il.
Oui, madame le rapporteur, je le confirme, le Pnaco existera bien au 1er janvier prochain. Nous pourrons l'inaugurer ensemble. Je vous remercie d'avoir trouvé un compromis sur la date.
Oui, grâce au travail accompli par M. le ministre de l'intérieur, au chef de filât qu'il aura désigné, mais aussi aux dispositions numériques et techniques qu'il a fait voter, nous contribuerons à procéder à davantage d'interpellations et à mettre fin à l'expansion du narcotrafic dans notre pays, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays qui nous entourent, comme la Belgique et les Pays-Bas.
Aujourd'hui, pour la première fois, nous regagnons du terrain ; pour la première fois, nous faisons mal aux narcotrafiquants. Les attaques de prison et des agents pénitentiaires le démontrent.
Cela, nous le devons au Sénat. Nous le devons à l'action de nos policiers, de nos magistrats, de nos greffiers, de nos forces de l'ordre. Nous le devons aussi à la Nation tout entière, qui, je l'espère, soutiendra ce texte ici et, demain, à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, peu de textes ont une telle force.
Je l'ai déjà dit le 4 février dernier : ce texte n'a rien de banal. En effet, il s'agit d'un texte régalien puissant, résultat d'une initiative parlementaire et plus encore sénatoriale. C'est très rare, et cela fait bien longtemps que cela ne s'est pas produit. Je tenais à le souligner.
Je me souviens de la commission d'enquête qui a été à son origine, de ses conclusions reprises par son président et son rapporteur, Jérôme Durain et Étienne Blanc, dans une proposition de loi, du vote à l'unanimité au Sénat le 4 février et de l'adoption à une large majorité à l'Assemblée nationale – 436 voix pour. Ce fut une bonne surprise et un vrai succès, car cela n'allait pas de soi.
Ce qui est rare aussi, par les temps qui courent et dans la situation politique qui est la nôtre, c'est qu'un texte aussi important soit adopté avec une pareille majorité. Cela veut bien dire que l'on peut transcender les clivages partisans, dès lors que les objectifs touchent aux intérêts fondamentaux de la Nation.
Vous l'avez souligné, madame la présidente de la commission des lois, le narcotrafic est à la fois la cause et la racine de nombreux homicides, de l'hyperviolence que connaît notre société et d'un ébranlement de nos institutions, notamment via les phénomènes de corruption.
Je suis certain que ce texte marquera une rupture : il y aura un avant et un après.
M. Jérôme Durain, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Espérons-le !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. Nous en avons déjà des manifestations.
Comme le ministre d'État, garde des sceaux, vient de l'évoquer, dans la matinée, nos forces de sécurité intérieure, sous l'autorité du procureur national antiterroriste, ont interpellé pas moins d'une trentaine de narcoracailles, ainsi que je les appelle. Petites mains, donneurs d'ordre : tous ces individus ont participé à plus d'une centaine de faits ayant visé les établissements pénitentiaires et les domiciles des agents pénitentiaires.
C'est bien la preuve que ce texte va déranger le milieu du narcotrafic. Nous avons déclaré la guerre aux narcotrafiquants, et c'est la raison pour laquelle ils veulent aussi nous faire la guerre.
Si ce texte est voté avec la même unanimité que le 4 février dernier, nous disposerons d'un arsenal qui changera tout. L'État sera totalement réorganisé.
Le garde des sceaux a parlé de la spécialisation de la chaîne judiciaire. Dans quelques semaines je me rendrai à Nanterre, où nous inaugurerons l'état-major chargé de la lutte contre la criminalité. Je rappelle que, sur un même plateau, seront rassemblés les services de renseignement et les services d'enquête de quatre ministères – l'intérieur, l'économie, la justice, via le renseignement pénitentiaire, et les armées, via la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) –, sur le modèle de l'état-major permanent qui a fait ses preuves en matière de lutte contre le terrorisme.
Il s'agit de décloisonner l'État, pour que l'information circule entre les ministères et les différents services. Ainsi, face à des réseaux très structurés et très coordonnés, nous aurons enfin un État bien plus agile.
En outre, nous bénéficierons d'une mobilisation nouvelle et forte contre le blanchiment d'argent, mais aussi contre les phénomènes de corruption, qui aujourd'hui concernent les emplois tant publics que privés.
Nous n'avons voulu désigner aucune profession en particulier, mais les chroniques médiatiques montrent bien que des procès en cours touchent un grand nombre de professions. Un réarmement régalien est donc nécessaire contre le blanchiment et les phénomènes de corruption de plus en plus prégnants – les narcotrafiquants et la criminalité organisée charrient des milliards d'euros et de dollars.
Nous doterons aussi de nouvelles armes nos services de renseignement, qui, au quotidien, luttent contre des narcotrafiquants et des criminels, qui, j'y insiste, sont extrêmement dangereux. En effet, il nous faut adapter les nouvelles technologies d'interception – satellites, algorithmes… Il s'agit là d'un pas décisif.
Les élus sont satisfaits que les préfets puissent disposer du pouvoir d'interdiction de paraître sur un point de deal, ainsi que d'un pouvoir de substitution à un bailleur social ou privé pour expulser de son domicile une narcoracaille qui pourrit la vie des habitants de l'ensemble de son immeuble, lesquels doivent subir ses nuisances, puisqu'ils n'ont pas les moyens de déménager.
Nous étendrons les pouvoirs dont les préfets disposent en matière de fermeture de commerces, notamment des débits de boissons, pour que des établissements qui sont aujourd'hui des blanchisseuses – on le sait parfaitement – puissent être fermés. (M. le rapporteur acquiesce.) Le maire de Belfort, que j'ai rencontré à l'occasion de l'un de mes nombreux déplacements, m'a indiqué avoir dû acheter pas moins de trente commerces pour éviter un tel phénomène.
Il est important que les élus aient le soutien de l'État, via les préfets.
Je remercie la commission des lois et les auteurs de la proposition de loi d'avoir été à l'initiative de mesures de protection de nos personnels, notamment ceux qui peuvent avoir recours aux appareils de renseignement.
Nous avons progressivement affiné le dossier coffre, qui s'appelle désormais le procès-verbal distinct. Le Conseil d'État, à qui il a été soumis, a validé les choix que nous avons faits ensemble et qui visent à rendre notre action plus efficace, c'est-à-dire à protéger notre personnel et à sauver des vies sans porter atteinte à nos grands équilibres constitutionnels en matière de libertés publiques.
Je conclurai en adressant un immense merci à ceux qui ont participé à l'aventure qu'a constituée ce parcours parlementaire sénatorial : Jérôme Durain, Étienne Blanc, les sénateurs qui ont fait partie de la commission mixte paritaire et qui sont ici présents, ceux qui ont défendu la proposition de loi et la proposition de loi organique et vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui avez voté à l'unanimité le 4 février dernier.
J'espère que cette unanimité sera de nouveau de mise aujourd'hui. C'est important, parce que, grâce à ce nouveau texte, non seulement nous disposerons désormais d'un nouvel arsenal, mais, surtout, nous exprimerons une volonté nationale, celle des représentants du peuple français, quelles que soient les travées sur lesquels ils siègent au Sénat.
Je n'ai jamais dit, et personne d'autre au Gouvernement non plus, que le combat contre les narcotrafiquants et la criminalité organisée serait facile et que, en quelques semaines, après le vote de ce texte, nous arriverons à éradiquer le narcotrafic. Ce sera long, mais nous y parviendrons, car nous aurons désormais les armes nécessaires.
Cette volonté nationale est fondamentale. Cela donne une force à la République et à la France. Je vous remercie de l'avoir compris et de tous exprimer votre vote, comme le 4 février dernier, pour donner le maximum de force à ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons eu plusieurs fois l'occasion de le rappeler, ici, devant vous, et devant les députés, la lutte contre le narcotrafic et la criminalité organisée est une priorité absolue du Gouvernement. Le Premier ministre en a souligné l'urgence dès sa déclaration de politique générale. Et chaque jour, l'actualité nous montre l'intensité de la menace que constitue la criminalité organisée.
Vous savez mon attachement, en tant que ministre des comptes publics, à la situation budgétaire de notre pays. Nous ne pouvons pas tolérer la perte de recettes fiscales et le détournement d'argent public liés à la criminalité organisée.
Je suis également la ministre des douanes. Plusieurs services de Bercy concourent à la lutte contre la criminalité organisée. C'est le cas de deux centrales du renseignement du premier cercle, la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et Tracfin, mais également de la direction générale du Trésor, notamment en matière de sanctions et de lutte contre la criminalité financière.
Nous avons fait le vœu de ne pas avoir la main qui tremble face à ces criminels et de nous donner collectivement les moyens d'agir pour lutter contre ces trafics.
C'est tout d'abord grâce à vous, qui avez pris l'initiative de cette proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, et je vous en remercie très sincèrement.
C'est aussi grâce au travail collaboratif que nous avons mené pour identifier les besoins des services et leurs contraintes, afin de coller aux réalités du terrain, pour penser le corpus législatif le plus adapté à cette menace nouvelle, du moins par son ampleur.
Tout cela concourt à récompenser le travail considérable qui est accompli par les services de Bercy dans la lutte contre les trafics de stupéfiants et la criminalité organisée, le blanchiment et les flux financiers illicites.
Je tiens, une fois encore, mais ce n'est que mérité, à saluer la très grande mobilisation et l'engagement sans relâche, chaque jour, à chaque heure, des services de la douane, de Tracfin et de la direction générale du Trésor, pour lutter contre ce fléau. Ils collaborent avec les services de police judiciaire et l'autorité judiciaire et inscrivent leur action en matière de lutte contre les trafics de stupéfiants et contre le blanchiment dans le cadre interministériel du Plan national de lutte contre les stupéfiants.
La proposition de loi permet de renforcer significativement les pouvoirs d'action de mon ministère, pour entraver et bloquer les flux, la logistique et l'enrichissement des trafiquants.
Je rappelle les mesures qui nous paraissent les plus importantes.
Il a été décidé de créer un dispositif de gel administratif des avoirs des narcotrafiquants (Gaban), sur le modèle de ce qui existe déjà en matière de lutte contre le terrorisme, pour bloquer l'accès aux financements, en complément de l'action judiciaire, dans les cas de fuite, ou pour élargir les actions aux personnes de l'entourage de la personne impliquée et aux structures-écrans.
Il est prévu d'interdire aux fournisseurs de services sur actifs numériques de proposer des comptes anonymes ou des mixeurs de cryptoactifs, qui sont des vecteurs majeurs de blanchiment des revenus issus de trafics de stupéfiants.
Tracfin aura accès au système d'immatriculation des véhicules (SIV) pour élargir ses enquêtes patrimoniales.
La présomption de blanchiment douanier sera élargie aux évolutions technologiques, notamment aux cryptomonnaies. Nous pourrons ainsi mieux suivre tout ce qui concourt à opacifier les transactions financières. Les lanceurs d'alerte auront également la possibilité d'adresser des signalements à Tracfin.
Grâce à vous, sur proposition du Gouvernement, plusieurs mesures visant à renforcer la répression du blanchiment et à entraver les criminels ont été adoptées lors des débats. Toutefois, je regrette que certaines mesures très importantes pour les douanes et qui constituaient de réelles avancées n'aient pas été retenues par la commission mixte paritaire.
Je pense en particulier à la disposition permettant aux agents des douanes d'avoir accès systématiquement aux données de certains opérateurs privés dans les secteurs des transports et de la logistique, mesure dont la portée a été très largement atténuée.
Je pense également à la possibilité, pourtant votée à l'unanimité dans les deux assemblées, pour des agents des douanes spécialement habilités d'appréhender des criminels en autorisant les visites domiciliaires passé vingt et une heure, sur ordonnance du juge des libertés et de la détention, en flagrance dans les locaux d'habitation et hors flagrance dans les locaux qui ne sont pas à usage d'habitation.
Vous le voyez, beaucoup reste à faire. J'espère que nous aurons très prochainement la possibilité de discuter de nouveau de ces sujets, car je sais votre attachement à nos douaniers et à leur travail. Vous savez combien leur implication au quotidien et leur rôle en matière de lutte contre les stupéfiants et la criminalité organisée sont majeurs. Je rappelle que 70 % des stupéfiants saisis dans notre pays sont le fait des douaniers.
Je vous remercie une nouvelle fois pour l'ensemble du travail que vous avez accompli. Les progrès sont indéniables ; il nous reste cependant encore du travail. Je salue la mobilisation nationale pour lutter contre le fléau qu'est le narcotrafic. Nous le combattons en menant une action résolue. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et INDEP.)
M. le président. Nous passons à la discussion des textes élaborés par les commissions mixtes paritaires sur le projet de loi et le projet de loi organique.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n'est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue d'abord sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l'ensemble de chacun de ces textes.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi.
proposition de loi visant à sortir la france du piège du narcotrafic
TITRE Ier
ORGANISATION DE LA LUTTE CONTRE LE NARCOTRAFIC
Article 1er
I et II. – (Supprimés)
II bis. – Au chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la sécurité intérieure, il est ajouté un article L. 121-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-1. – Il est institué par acte réglementaire un service chef de file en matière de lutte contre la criminalité organisée.
« Cet acte précise les conditions dans lesquelles ce service :
« 1° Impulse, anime, pilote et coordonne l'action interministérielle des services de l'État qui y concourent, dans le respect de leurs missions, de leurs pouvoirs et de leur autorité de rattachement ;
« 2° Organise les échanges d'informations utiles à l'accomplissement de leurs missions ;
« 3° Informe chaque année la représentation nationale de l'adéquation des moyens juridiques, matériels et humains qui lui ont été conférés aux missions dont il est chargé. »
III. – Le II de l'article L. 822-3 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° A Au premier alinéa, les mots : « et des 1° et 2° » sont supprimés ;
1° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;
2° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, la mention : « 2° » est supprimée ;
b) Sont ajoutés les mots : « sont subordonnées à une autorisation préalable du Premier ministre, délivrée dans les conditions prévues aux articles L. 821-1 à L. 821-4 après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ».
III bis. – Au troisième alinéa de l'article L. 854-6 du code de la sécurité intérieure, les mots : « aux deux premiers alinéas et au 2° du » sont remplacés par le mot : « au ».
IV. – (Supprimé)
Article 1er bis
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport décrivant les dysfonctionnements des logiciels utilisés par les services de police ainsi que leurs effets sur la lutte contre le trafic de stupéfiants. Ce rapport propose des pistes de réformes envisageables pour régler ces dysfonctionnements.
Article 2
I. – (Supprimé)
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l'article 19 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque le crime ou le délit constitue l'une des infractions mentionnées au premier alinéa de l'article 706-75, l'officier de police judiciaire informe simultanément le procureur de la République territorialement compétent et la section spécialisée du parquet du tribunal judiciaire mentionnée au même article 706-75 dont la compétence est étendue au ressort d'une ou de plusieurs cours d'appel. » ;
1° bis (Supprimé)
2° Au dernier alinéa de l'article 52-1, la référence : « 706-75-1 » est remplacée par la référence : « 706-78-1 » ;
3° Au premier alinéa de l'article 704-1, les mots : « , s'il s'agit de délits, » sont supprimés ;
4° Au premier alinéa de l'article 705, les mots : « et 706-42 » sont remplacés par les mots : « , 706-42, 706-74-1 et 706-75 » ;
5° Après la référence : « 705 », la fin du dernier alinéa de l'article 706-42 est ainsi rédigée : « , 706-17, 706-74-1 et 706-75 relatifs aux infractions économiques et financières, aux actes de terrorisme et à la lutte contre la criminalité organisée. » ;
6° Avant le chapitre Ier du titre XXV du livre IV, il est inséré un chapitre Ier A ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER A
« Du procureur de la République anti-criminalité organisée
« Art. 706-74-1. – I. – Le procureur de la République anti-criminalité organisée, le pôle de l'instruction, le tribunal correctionnel et la cour d'assises de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 704, 705, 706-42 et 706-75 pour la poursuite, l'instruction et le jugement des infractions suivantes, dans les affaires qui sont ou apparaissent d'une très grande complexité en raison notamment de la gravité ou de la diversité des infractions commises, du grand nombre d'auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s'étendent :
« 1° Les crimes et les délits mentionnés à l'article 706-73, à l'exclusion des 11°, 11° bis et 18° ;
« 2° Les crimes et les délits mentionnés à l'article 706-73-1, à l'exclusion du 11°, et à l'article 706-74 ;
« 3° (Supprimé)
« 4° Les délits prévus aux articles 314-2 et 324-1 du code pénal, ceux prévus à l'article 415 du code des douanes et ceux prévus aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, lorsqu'ils sont commis en bande organisée, et aux 1° à 3° du I de l'article 1744 du même code.
« Cette compétence s'étend aux infractions connexes.
« Cette compétence s'étend également aux infractions de recel d'un bien ou d'un objet provenant du délit prévu à l'article 434-35 du code pénal, d'évasion prévues aux articles 434-27 à 434-37 du même code et d'association de malfaiteurs prévues à l'article 450-1 dudit code qui sont commises en détention par une personne détenue, prévenue ou condamnée pour des crimes ou des délits pour lesquels le procureur de la République anti-criminalité organisée a exercé sa compétence.
« En ce qui concerne les mineurs, le procureur de la République anti-criminalité organisée, le juge d'instruction, le juge des enfants, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs de Paris exercent, dans les conditions définies au présent article, une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application du code de la justice pénale des mineurs.
« Lorsque le procureur de la République anti-criminalité organisée exerce sa compétence à l'égard d'un mineur, il confie l'exercice des poursuites à un substitut qu'il a spécialement chargé des affaires concernant les mineurs.
« Lorsque le procureur de la République anti-criminalité organisée est compétent pour la poursuite des infractions relevant du champ d'application du présent article, il exerce ses attributions sur l'ensemble du territoire national. Il en est de même lorsque le tribunal correctionnel du tribunal judiciaire, la cour d'assises ou la cour d'assises des mineurs de Paris exercent la compétence qui leur est confiée en application du premier alinéa du présent I.
« II. – Sans préjudice du troisième alinéa de l'article 41, le procureur de la République anti-criminalité organisée peut requérir, par délégation judiciaire, tout procureur de la République de procéder ou de faire procéder aux actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions mentionnées au I du présent article dans les lieux où celui-ci est territorialement compétent.
« La délégation judiciaire mentionne les actes d'enquête confiés au procureur de la République ainsi requis. Elle ne peut prescrire que des actes se rattachant directement à l'enquête pour laquelle elle a été délivrée. Elle indique la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête. Elle est datée et signée par le procureur de la République anti-criminalité organisée.
« Le procureur de la République anti-criminalité organisée fixe le délai dans lequel la délégation lui est transmise, accompagnée des procès-verbaux relatant son exécution. La délégation judiciaire et les procès-verbaux lui sont transmis dans un délai de huit jours à compter de la fin des opérations exécutées dans le cadre de cette délégation, à défaut de délai fixé par cette dernière.
« Les magistrats requis pour l'exécution de la délégation judiciaire exercent, dans les limites de la délégation judiciaire, tous les pouvoirs du procureur de la République anti-criminalité organisée mentionnés au I.
« III. – Les procureurs de la République près les tribunaux judiciaires mentionnés à l'article 706-75 avisent sans délai le procureur de la République anti-criminalité organisée des affaires dont sont saisies la section spécialisée du parquet et la formation spécialisée de l'instruction.
« IV. – (Supprimé)
« Art. 706-74-2. – I. – Sans préjudice de l'article 43-1, la compétence du procureur de la République anti-criminalité organisée s'exerce de façon prioritaire sur celle des autres juridictions tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement. Les procureurs de la République près ces juridictions se dessaisissent alors sans délai à son profit.
« Dans les cas où le procureur de la République anti-criminalité organisée n'a pas exercé sa compétence en application du premier alinéa du présent I, tout procureur de la République près un tribunal judiciaire autre que celui de Paris peut, pour les infractions mentionnées au I de l'article 706-74-1, requérir le juge d'instruction initialement saisi de se dessaisir au profit de la juridiction d'instruction de Paris. Les parties et le procureur de la République anti-criminalité organisée sont préalablement avisés et invités à faire connaître leurs observations. La décision du juge d'instruction initialement saisi est rendue au plus tôt huit jours et au plus tard un mois après la communication de la requête aux parties.
« Lorsque le juge d'instruction décide de se dessaisir, cette décision ne prend effet qu'à l'expiration du délai de cinq jours prévu au II du présent article.
« II. – En cas de refus du juge d'instruction de se dessaisir, lorsque la décision prévue au deuxième alinéa du I n'a pas été rendue dans le délai d'un mois ou en cas de contestation du dessaisissement par les parties, la décision rendue en application du même I peut, à l'exclusion de toute autre voie de recours, être déférée à la chambre criminelle de la Cour de cassation, au plus tard cinq jours après sa notification, à la requête du procureur de la République territorialement compétent ou des parties.
« La chambre criminelle désigne, dans un délai de huit jours à compter de la réception du dossier, le magistrat chargé de poursuivre l'information. Son arrêt est porté à la connaissance des magistrats concernés et est notifié aux parties.
« Dès que l'ordonnance de dessaisissement est passée en force de chose jugée, en cas de dessaisissement, le procureur de la République territorialement compétent adresse le dossier de la procédure au procureur de la République anti-criminalité organisée.
« Dans le cas prévu au présent II, le mandat de dépôt ou d'arrêt conserve sa force exécutoire. Les actes de poursuite ou d'instruction et les formalités intervenus avant que la décision de dessaisissement soit devenue définitive n'ont pas à être renouvelés.
« Art. 706-74-2-1. – I. – Jusqu'à la mise en mouvement de l'action publique et sur demande du procureur de la République anti-criminalité organisée, le procureur de la République compétent en application de l'article 706-75 peut exercer sur l'ensemble du territoire national une compétence conjointe à celle du procureur de la République anti-criminalité organisée pour les affaires d'une très grande complexité portant sur les infractions mentionnées au I de l'article 706-74-1. Dans ce cas, le procureur de la République anti-criminalité organisée coordonne le déroulement de la procédure.
« Jusqu'à la mise en mouvement de l'action publique, le procureur de la République anti-criminalité organisée peut exercer une compétence conjointe à celle du procureur compétent en application de l'article 706-75, sur demande de celui-ci. Dans ce cas, le procureur de la République compétent en application du même article 706-75 coordonne le déroulement de la procédure.
« II. – La décision de cosaisine n'est pas susceptible de recours. Elle est versée au dossier de la procédure.
« III. – Le ministère public près la juridiction territorialement compétente en application de l'article 706-74-1 dans le cadre de la cosaisine prévue au premier alinéa du I du présent article ou en application de l'article 706-75 dans le cadre de la cosaisine prévue au second alinéa du I du présent article est représenté soit par le procureur de la République anti-criminalité organisée, soit par le procureur de la République mentionné à l'article 706-76, soit par les deux. L'ensemble des demandes, des actes de procédure et des décisions adressés au ministère public en application du présent code sont transmis au procureur de la République qui coordonne le déroulement de la procédure.
« Art. 706-74-3. – (Supprimé)
« Art. 706-74-4. – Le procureur général près la cour d'appel de Paris anime et coordonne, en concertation avec le procureur de la République anti-criminalité organisée, la conduite de la politique d'action publique pour l'application du présent article. Le procureur de la République anti-criminalité organisée définit à cette fin la doctrine de répartition des dossiers entre les parquets territorialement compétents et les parquets spécialisés pour le traitement des infractions relevant de la délinquance et de la criminalité organisées. Il peut également, à la demande du procureur de la République territorialement compétent, rendre un avis sur les requêtes en dessaisissement émises en application du premier alinéa de l'article 706-77.
« Les procureurs de la République compétents des juridictions mentionnées à l'article 706-75 transmettent au procureur de la République anti-criminalité organisée l'ensemble des informations nécessaires à l'exercice de la compétence prioritaire de celui-ci sur l'ensemble du territoire national.
« Les procureurs de la République informent sans délai le procureur de la République anti-criminalité organisée de la délivrance d'une autorisation de livraison surveillée en application de l'article 706-80-1, de la délivrance d'une autorisation d'infiltration délivrée en application de l'article 706-81, de la communication d'informations en application de l'article 706-105-1, de la tenue des opérations prévues à l'article 706-106 ou de la réception d'une décision d'enquête européenne émanant d'un État qui sollicite la mise en place d'une mesure d'infiltration sur le territoire national en application de l'article 694-30. Ils l'informent également sans délai d'éléments laissant penser qu'une personne est susceptible de bénéficier d'une exemption ou d'une réduction de peine en application de l'article 132-78 du code pénal lorsque cette personne est mise en cause dans le cadre d'une affaire concernant une infraction mentionnée aux articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 du présent code.
« Le procureur de la République anti-criminalité organisée peut directement recevoir, de la part des services mentionnés aux articles L. 811– 2 et L. 811-4 du code de la sécurité intérieure et à l'initiative de ces derniers, toute information relative aux infractions mentionnées à l'article 706-74-1 du présent code ou intéressant une procédure judiciaire pour laquelle il a exercé sa compétence dont ces services ont connaissance à l'occasion de l'exercice de leurs missions.
« Art. 706-74-5. – La juridiction saisie en application des articles 706-74-1 et 706-74-2 reste compétente quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l'affaire, sous réserve des articles 181 et 469. Si les faits constituent une contravention, le renvoi de l'affaire devant le tribunal de police compétent est prononcé en application de l'article 522.
« Art. 706-74-6. – I. – Par dérogation à l'article 34, le ministère public près la cour d'assises statuant en première instance est représenté par le procureur de la République anti-criminalité organisée ou par l'un de ses substituts. En appel, le procureur général peut se faire représenter par le procureur de la République anti-criminalité organisée ou par l'un de ses substituts.
« II. – Par dérogation au second alinéa de l'article 380-1, en cas d'appel d'une décision d'une cour d'assises dont la compétence territoriale est étendue à l'ensemble du territoire national pour le jugement des crimes entrant dans le champ d'application de l'article 706-74-1, la chambre criminelle de la Cour de cassation peut désigner la même cour d'assises, autrement composée, pour connaître de l'appel. » ;
7° Le premier alinéa de l'article 706-75 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans les conditions prévues à l'article 19, ces juridictions sont avisées de la constatation par un officier ou un agent de police judiciaire de toute infraction mentionnée au premier alinéa du présent article. » ;
7° bis Après le deuxième alinéa du même article 706-75, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette compétence s'étend également aux infractions de recel d'un bien ou d'un objet provenant du délit prévu à l'article 434-35 du code pénal, d'évasion prévues aux articles 434-27 à 434-37 du même code et d'association de malfaiteurs prévues à l'article 450-1 dudit code qui sont commises en détention par une personne détenue, prévenue ou condamnée pour des crimes ou des délits pour lesquels le procureur de la République a exercé sa compétence en application du présent article. » ;
8° Le dernier alinéa dudit article 706-75 est supprimé ;
9° L'article 706-75-1 est abrogé ;
9° bis À l'article 706-75-2, les mots : « des articles 706-73, à l'exception du 11°, 706-73-1 ou 706-74 » sont remplacés par les mots : « de l'article 706-75 » ;
10° L'article 706-77 est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « Le procureur de la République près un tribunal judiciaire peut, pour les infractions mentionnées au premier alinéa de l'article 706-75, requérir le juge d'instruction de se dessaisir au profit de la juridiction d'instruction compétente en application du même article 706-75. » ;
b et c) (Supprimés)
11° (Supprimé)
12° Après l'article 706-78, sont insérés des articles 706-78-1 et 706-78-2 ainsi rédigés :
« Art. 706-78-1. – Au sein de chaque tribunal judiciaire dont la compétence territoriale est étendue au ressort d'une ou de plusieurs cours d'appel, le procureur général et le premier président, après avis du procureur de la République et du président du tribunal judiciaire, désignent respectivement un ou plusieurs magistrats du parquet, juges d'instruction et magistrats du siège chargés spécialement de l'enquête, de la poursuite, de l'instruction et du jugement des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73, à l'exception des 11°, 11° bis et 18°, de l'article 706-73-1, à l'exception du 11°, ou de l'article 706-74. Pour siéger au sein du tribunal correctionnel, peuvent être désignés des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues à la section II du chapitre V bis de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.
« Au sein de chaque cour d'assises dont la compétence territoriale est étendue au ressort d'une ou de plusieurs cours d'appel, le premier président désigne, en application des articles 244 à 253, des magistrats du siège chargés spécialement du jugement des crimes relevant des infractions mentionnées au premier alinéa du présent article. Peuvent être désignés des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues au second alinéa de l'article 249.
« Au sein de chaque cour d'appel dont la compétence territoriale est étendue au ressort d'une ou de plusieurs cours d'appel, le premier président et le procureur général désignent des magistrats respectivement du siège et du parquet général chargés spécialement du jugement des délits et du traitement des affaires entrant dans le champ d'application de l'article 706-73, à l'exception des 11°, 11° bis et 18°, de l'article 706-73-1, à l'exception du 11°, ou de l'article 706-74. Pour siéger au sein de la chambre des appels correctionnels, peuvent être désignés des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues à la section II du chapitre V bis de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée.
« Art. 706-78-2. – Les magistrats mentionnés aux articles 706-74-1 et 706-76 ainsi que le procureur général près la cour d'appel compétente peuvent demander à des assistants spécialisés, désignés dans les conditions prévues à l'article 706, de participer, selon les modalités prévues au même article 706, aux procédures concernant les crimes et les délits entrant dans le champ d'application de l'article 706-73, à l'exception des 11°, 11° bis et 18°, de l'article 706-73-1, à l'exception du 11°, ou de l'article 706-74. » ;
12° bis A L'article 706-79 est abrogé ;
12° bis (Supprimé)
12° ter La seconde phrase du dernier alinéa de l'article 706-80-1 est supprimée ;
13° (Supprimé)
III. – Le présent article entre en vigueur le 5 janvier 2026.
IV. – Le code de l'organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° À l'article L. 217-1, les mots : « et un procureur de la République antiterroriste » sont remplacés par les mots : « , un procureur de la République antiterroriste et un procureur de la République anti-criminalité organisée » ;
2° Aux articles L. 217-2 et L. 217-3, les mots : « et le procureur de la République antiterroriste » sont remplacés par les mots : « , le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République anti-criminalité organisée » ;
3° À l'article L. 217-4, les mots : « ou au procureur de la République antiterroriste » sont remplacés par les mots : « , au procureur de la République antiterroriste ou au procureur de la République anti-criminalité organisée ».
V. – À la seconde phrase du dernier alinéa de l'article 67 bis-3 du code des douanes, les mots : « près le tribunal judiciaire de Paris » sont remplacés par les mots : « anti-criminalité organisée ».
VI. – (Supprimé)
TITRE II
LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT
Article 3
I. – (Supprimé)
I bis. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° La section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier est ainsi modifiée :
aa) (Supprimé)
a) Après l'article L. 132-3, il est inséré un article L. 132-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 132-3-1. – Le maire est informé par le représentant de l'État dans le département des mesures de fermeture administrative prises sur le territoire de la commune en application de l'article L. 333-2. » ;
b) (Supprimé)
2° Après le chapitre III du titre III du livre III, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE III BIS
« Commerces et établissements ouverts au public
« Art. L. 333-2. – La fermeture de tout local commercial, établissement ou lieu ouvert au public ou utilisé par le public peut être ordonnée, pour une durée n'excédant pas six mois, par le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, par le préfet de police, lorsque les conditions de son exploitation ou de sa fréquentation rendent possible la commission des infractions prévues aux articles 222-34 à 222-39, 321-1, 321-2, 324-1 à 324-5, 450-1 et 450-1-1 du code pénal ou en cas de troubles à l'ordre public résultant de ces infractions.
« Lorsque la fermeture est prononcée pour une durée de six mois, elle emporte l'abrogation de toute autorisation ou de tout permis permettant l'exploitation d'une activité commerciale accordé par l'autorité administrative ou par un organisme agréé ou résultant de la non-opposition à une déclaration.
« Le ministre de l'intérieur peut décider de prolonger la fermeture administrative décidée en application du premier alinéa du présent article, pour une durée n'excédant pas six mois.
« Art. L. 333-3. – Le fait, pour le propriétaire ou l'exploitant, de ne pas respecter un arrêté de fermeture pris sur le fondement de l'article L. 333-2 est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende, de la peine complémentaire de confiscation des revenus générés pendant la période d'ouverture postérieure à la notification de la mesure et de la peine complémentaire d'interdiction de gérer un commerce pendant cinq ans.
« En cas de récidive, l'auteur encourt la peine de confiscation de tous les biens ayant permis la commission de l'infraction.
« Art. L. 333-4 et L. 333-5. – (Supprimés)
I ter. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Les articles L. 3422-1 et L. 3422-2 sont abrogés ;
2° Aux articles L. 3823-3, L. 3833-2 et L. 3842-3, la référence : « L. 3422-1 » est remplacée par les mots : « L. 333-2 du code de la sécurité intérieure » ;
3° Au deuxième alinéa de l'article L. 3842-1, les mots : « L. 3422-1 et L. 3422-2 » sont remplacés par les mots : « L. 333-2 et L. 333-3 du code de la sécurité intérieure ».
I quater. – L'article 706-33 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « hôtel, maison meublée, pension, débit de boissons, restaurant, club, cercle, dancing, lieu de spectacle ou leurs annexes ou lieu quelconque ouvert au public ou utilisé par le public, » sont remplacés par les mots : « local commercial, établissement ou lieu ouvert au public ou utilisé par le public ainsi que leurs annexes » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est également applicable en cas de poursuite pour l'une des infractions mentionnées aux articles 321-1, 321-2 et 324-1 à 324-6-1 du code pénal qui est commise en lien avec l'une des infractions mentionnées au premier alinéa du présent article. »
II. – Le code de la route est ainsi modifié :
1° A Après l'article L. 330-1, il est inséré un article L. 330-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 330-1-1. – L'habilitation des professionnels de l'automobile à effectuer des opérations d'immatriculation enregistrées dans le traitement automatisé ne peut être délivrée qu'après une enquête administrative, réalisée dans les conditions prévues à l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure. » ;
1° Le I de l'article L. 330-2 est ainsi modifié :
a) Le 3° est complété par les mots : « , ainsi qu'aux agents des douanes et aux agents des services fiscaux habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en application, respectivement, des articles 28-1 et 28-2 du même code » ;
b) Au 7° bis, après le mot : « publiques », sont insérés les mots : « et de l'administration des douanes et droits indirects » ;
c) Après le même 7° bis, il est inséré un 7° ter ainsi rédigé :
« 7° ter Aux agents du service à compétence nationale mentionné à l'article L. 561-23 du code monétaire et financier, pour l'exercice de leurs missions ; »
2° (Supprimé)
3° Le I de l'article L. 330-3 est ainsi modifié :
a) Le 3° est complété par les mots : « , ainsi qu'aux agents des douanes et aux agents des services fiscaux habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en application, respectivement, des articles 28-1 et 28-2 du même code » ;
b) Il est ajouté un 7° ainsi rédigé :
« 7° Aux agents du service à compétence nationale mentionné à l'article L. 561-23 du code monétaire et financier, pour l'exercice de leurs missions prévues par ce même code. »
III. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° A Après le II bis de l'article L. 112-6, sont insérés des II ter et II quater ainsi rédigés :
« II ter. – Nonobstant le I, le paiement des opérations afférentes à la location de véhicules automobiles ne peut être effectué en espèces.
« II quater. – (Supprimé) » ;
1° L'article L. 561-2 est ainsi modifié :
a) Après le 8°, il est inséré un 8° bis ainsi rédigé :
« 8° bis Les marchands de biens et les promoteurs immobiliers, dans des conditions définies par décret ; »
b) Après le 10°, sont insérés des 10° bis à 10° quater ainsi rédigés :
« 10° bis Les personnes se livrant à titre habituel et principal à la vente ou à la location de véhicules automobiles, à l'exception des constructeurs et des importateurs de véhicules automobiles commercialisés auprès d'un distributeur ou d'un concessionnaire, lorsque le prix de vente, de revente ou de location du véhicule est supérieur à un seuil déterminé par décret ;
« 10° ter Les personnes se livrant à titre habituel et principal à la vente ou à la location de navires de plaisance, à l'exception des constructeurs et des importateurs de navires de plaisance commercialisés auprès d'un distributeur ou d'un concessionnaire, lorsque le prix de vente, de revente ou de location du navire de plaisance est supérieur à un seuil déterminé par décret ;
« 10° quater Les personnes se livrant à titre habituel et principal à la vente ou à la location d'aéronefs privés, à l'exception des constructeurs et des importateurs d'aéronefs privés commercialisés auprès d'un distributeur ou d'un concessionnaire, lorsque le prix de vente, de revente ou de location de l'aéronef privé est supérieur à un seuil déterminé par décret ; »
c) Après le 16°, il est inséré un 16° bis ainsi rédigé :
« 16° bis Les sociétés sportives mentionnées à l'article L. 122-1 du même code affiliées à la Fédération française de football, dans des conditions fixées par décret ; »
1° bis A L'article L. 561-23 est ainsi modifié :
a) Au II, après la référence : « L. 561-27, », est insérée la référence : « L. 561-27-1, » ;
b) Le III est ainsi modifié :
– après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 561-15-1, » ;
– après la référence : « L. 561-27, », est insérée la référence : « L. 561-27-1, » ;
1° bis B À la première phrase du premier alinéa du I de l'article L. 561-24, après la référence : « L. 561-27, », est insérée la référence : « L. 561-27-1, » ;
1° bis L'article L. 561-25 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase du I, après la référence : « L. 561-27, », est insérée la référence : « L. 561-27-1, » ;
b) Après le II quater, sont insérés des II quinquies à II septies ainsi rédigés :
« II quinquies. – Le service mentionné à l'article L. 561-23 peut demander toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission aux conseillers en gestion stratégique, financière ou de projets.
« II sexies. – Le service mentionné à l'article L. 561-23 peut demander toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission aux opérateurs de plateforme de dématérialisation titulaires de l'immatriculation mentionnée à l'article 290 B du code général des impôts.
« II septies. – Le service mentionné à l'article L. 561-23 du présent code peut demander toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission aux plateformes d'intermédiation pour la domiciliation d'entreprises. » ;
c) Au III, la référence : « II quater » est remplacée par la référence : « II septies » ;
1° ter Après l'article L. 561-27, il est inséré un article L. 561-27-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 561-27-1. – Le service mentionné à l'article L. 561-23 reçoit toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de ses missions à l'initiative des lanceurs d'alerte, dans les conditions prévues au 1° du II de l'article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. » ;
2° L'article L. 561-34 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes énumérées à l'article L. 561-2 suivent une formation sur leurs obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Un décret définit les conditions dans lesquelles cette formation obligatoire est mise en œuvre. L'évaluation du respect de cette obligation est assurée par les autorités de contrôle mentionnées à l'article L. 561-36. » ;
2° bis Au 14° du I de l'article L. 561-36, après la référence : « 8° », est insérée la référence : « , 8° bis » ;
3° L'article L. 561-47 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le greffier constate qu'une société ou une entité mentionnée au 1° de l'article L. 561-45-1 du présent code n'a pas déclaré au registre du commerce et des sociétés ou mis en conformité les informations relatives aux bénéficiaires effectifs à l'expiration d'un délai de trois mois à compter d'une mise en demeure de la société ou de l'entité par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à son siège social, il peut procéder à sa radiation d'office dudit registre. Toute radiation d'office effectuée en application du présent article est portée à la connaissance du teneur du registre national des entreprises et du ministère public. Elle est susceptible de faire l'objet d'un rapport dans des conditions fixées par décret. » ;
4° L'article L. 561-47-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « inscrites dans le registre des » sont remplacés par les mots : « relatives aux » et le mot : « mentionné » est remplacé par le mot : « mentionnées » ;
b) Le second alinéa est ainsi rédigé :
« Dans ces cas, le greffier met en demeure la société ou l'entité immatriculée de régulariser son dossier par l'intermédiaire de l'organisme unique mentionné à l'article L. 123-33 du code de commerce. Si la société ou l'entité n'a pas déféré à cette mise en demeure dans un délai de trois mois à compter de sa réception, le greffier procède à la radiation d'office de l'intéressée du registre du commerce et des sociétés. Toute radiation d'office effectuée en application du présent article est portée à la connaissance du teneur du registre national des entreprises et du ministère public. » ;
5° Le premier alinéa de l'article L. 561-48 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Il peut procéder à la radiation d'office du registre du commerce et des sociétés de la société ou de l'entité, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision. Il en informe le teneur du registre national des entreprises et en avise le ministère public. » ;
6° Le III des articles L. 773-42 et L. 774-42 est complété par un 14° ainsi rédigé :
« 14° Aux articles L. 561-47 et L. 561-47-1, les références au registre national des entreprises sont remplacées par les références aux dispositions applicables localement ayant le même objet. » ;
7° et 8° (Supprimés)
IV. – La section II du chapitre III du titre II du livre des procédures fiscales est ainsi modifiée :
1° L'article L. 135 ZC est ainsi modifié :
aa) Après la référence : « 28-1 », est insérée la référence : « , 28-1-1 » ;
a) La dernière occurrence du mot : « et » et les mots : « ainsi qu' » sont remplacés par le signe : « , » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et aux données juridiques immobilières » ;
2° À l'article L. 135 ZJ, les mots : « détachés ou mis à disposition par l'administration fiscale en application de » sont remplacés par les mots : « mentionnés à » ;
2° bis L'article L. 135 ZL est complété par les mots : « , ainsi qu'aux données juridiques immobilières » ;
3° Le V est complété par un article L. 151 C ainsi rédigé :
« Art. L. 151 C. – Le greffier du tribunal de commerce ou du tribunal judiciaire statuant en matière commerciale peut obtenir de l'administration fiscale communication des informations détenues en application de l'article 1649 A du code général des impôts nécessaires à la validation et au contrôle prévus aux articles L. 123-41 et L. 123-42 du code de commerce. »
V. – Le paragraphe 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre XII du code des douanes est complété par un article 323-12 ainsi rédigé :
« Art. 323-12. – Au cours de l'enquête douanière, les agents des douanes peuvent être autorisés par le procureur de la République à procéder à la saisie, aux frais avancés du Trésor, d'une somme d'argent versée sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôt, de paiement ou d'actifs numériques mentionnés à l'article L. 54-10-1 du code monétaire et financier et dont la confiscation est prévue par le présent code. Le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République, se prononce par ordonnance motivée sur le maintien ou la mainlevée de la saisie dans un délai de dix jours à compter de sa réalisation, y compris si la juridiction de jugement est saisie.
« L'ordonnance précitée est notifiée au ministère public, au titulaire du compte ou au propriétaire de l'actif numérique et, s'ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce compte ou cet actif, qui peuvent la déférer à la chambre de l'instruction par déclaration au greffe du tribunal dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance. Cet appel n'est pas suspensif. L'appelant ne peut prétendre dans ce cadre qu'à la mise à disposition des seules pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu'il conteste. S'ils ne sont pas appelants, le titulaire du compte et les tiers peuvent néanmoins être entendus par la chambre de l'instruction, sans toutefois pouvoir prétendre à la mise à disposition de la procédure.
« Lorsque la saisie porte sur une somme d'argent versée sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôt ou de paiement ou sur des actifs numériques mentionnés au même article L. 54-10-1, elle s'applique indifféremment à l'ensemble des sommes inscrites au crédit de ce compte ou à l'ensemble des actifs numériques détenus au moment de la saisie et à concurrence, le cas échéant, du montant indiqué dans la décision de saisie. »
VI. – L'article L. 123-2 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le greffier peut vérifier par tout moyen la cohérence et la validité des pièces d'identité étrangères fournies. »
VII. – Le 1° du III du présent article entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 10 juillet 2027, à l'exception du c qui entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 10 juillet 2029.
Article 3 bis A
Le II de la section II du chapitre III du titre II du livre des procédures fiscales est complété par un article L. 135 ZR ainsi rédigé :
« Art. L. 135 ZR. – Pour les besoins de l'accomplissement de leurs missions, les agents des services spécialisés de renseignement mentionnés à l'article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure, individuellement désignés et spécialement habilités disposent d'un droit d'accès direct aux informations contenues dans les fichiers tenus en application des articles 1649 A et 1649 ter du code général des impôts, aux données relatives aux mutations à titre onéreux ou gratuit et aux actes relatifs aux sociétés ainsi qu'aux informations mentionnées à l'article L. 107 B du présent code. »
Article 3 bis
Le code des douanes est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa du 1 de l'article 66, les mots : « , définies à l'article 67 sexies » sont remplacés par les mots : « mentionnés au paragraphe 47 de l'article 1er du règlement délégué (UE) n° 2015/2446 de la Commission du 28 juillet 2015 complétant le règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil au sujet des modalités de certaines dispositions du code des douanes de l'Union » ;
2° L'article 67 sexies est ainsi rédigé :
« Art. 67 sexies. – I. – Pour la recherche et la prévention des infractions mentionnées aux articles 414, 414-2 et 415, lorsqu'elles sont commises en bande organisée, ainsi qu'à l'article 459, les agents des douanes individuellement désignés et spécialement habilités par le ministre chargé des douanes accèdent, sur autorisation préalable du Premier ministre, aux données relatives à l'identification et à la traçabilité du trafic international des marchandises, des moyens de transport et des personnes qui sont contenues dans les traitements automatisés des opérateurs et des prestataires suivants :
« 1° Les opérateurs de transport aérien ;
« 2° Les opérateurs de transport ferroviaire de marchandises ;
« 2° bis Les opérateurs de transport routier de marchandises ;
« 3° Les opérateurs de transport maritime et fluvial de marchandises ;
« 4° Les prestataires de services postaux définis au 1 de l'annexe II de la directive (UE) 2022/2555 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l'ensemble de l'Union, modifiant le règlement (UE) n° 910/2014 et la directive (UE) 2018/1972, et abrogeant la directive (UE) 2016/1148 (directive SRI 2).
« Sont exclues de l'accès prévu au premier alinéa du présent I les données mentionnées au I de l'article 6 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
« Cet accès ne peut, en aucun cas, porter atteinte au secret des correspondances.
« I bis (nouveau). – L'autorisation mentionnée au I du présent article est délivrée sur demande écrite et motivée du ministre chargé des douanes pour une durée maximale de trois mois. Elle est renouvelable dans les mêmes conditions. Elle vaut uniquement pour les opérateurs et les prestataires individuellement désignés.
« Lorsqu'elle a pour objet le renouvellement d'une autorisation, la demande expose les raisons pour lesquelles ce renouvellement est justifié au regard des objectifs poursuivis.
« II. – Le ministre chargé des douanes est autorisé à exploiter les données obtenues en application du I au moyen de traitements automatisés de données respectant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée.
« Ces traitements ne peuvent procéder à aucun rapprochement, aucune interconnexion ni aucune mise en relation automatisée avec d'autres traitements de données à caractère personnel.
« Ils ne produisent aucun autre résultat et ne peuvent fonder, par eux-mêmes, aucune décision individuelle ni aucun acte de poursuite.
« Les prestataires et les entreprises mentionnés au I du présent article informent les personnes concernées par les traitements mis en œuvre par la direction générale des douanes et droits indirects.
« III. – Les données faisant l'objet des traitements mentionnés au II sont conservées pendant un délai de deux ans à compter de leur enregistrement.
« Les opérateurs et les prestataires mentionnés au I peuvent conclure avec les services de l'administration des douanes une convention définissant les conditions de mise à disposition des données obtenues en application du même I.
« III bis. – Est puni d'une amende d'un montant maximal de 50 000 euros le fait, pour un opérateur ou un prestataire mentionné au I, de mettre à la disposition des services de l'administration des douanes des données inexploitables, incomplètes ou manifestement fausses ou de ne pas mettre à leur disposition les données mentionnées au présent article.
« Le manquement est constaté et poursuivi par un procès-verbal établi dans les conditions prévues par le présent code. Copie du procès-verbal est remise à l'intéressé. L'amende est prononcée pour chaque transport ayant donné lieu à un manquement.
« IV. – Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine les modalités d'application du présent article. Ce décret détermine notamment :
« 1° A (nouveau) Les conditions de mise en œuvre de la procédure d'autorisation mentionnée au I ;
« 1° Les catégories de données mentionnées au I et concernées par les traitements mentionnés au II ;
« 2° Les modalités d'accès et d'utilisation de ces données par les agents mentionnés au I ;
« 3° Les modalités du contrôle du respect de l'obligation mentionnée au dernier alinéa du II ;
« 4° Les modalités de destruction des données à l'expiration du délai mentionné au III ;
« 5° Les modalités d'exercice par les personnes concernées de leur droit d'accès aux données et de rectification de celles-ci. »
Article 4
I. – L'article 324-1-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette présomption s'applique à toute opération effectuée, dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article, au moyen d'un crypto-actif comportant une fonction d'anonymisation intégrée ou au moyen de tout type de compte ou de technique permettant l'anonymisation ou l'opacification des opérations en crypto-actifs. »
II. – (Supprimé)
III. – Le code des douanes est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Après le mot : « dissimuler », la fin de l'article 415-1 est ainsi rédigée : « une telle origine ou le bénéficiaire effectif de ces fonds ou actifs numériques.
« Cette présomption s'applique à toute opération effectuée, dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article, au moyen d'un crypto-actif comportant une fonction d'anonymisation intégrée ou au moyen de tout type de compte ou de technique permettant l'anonymisation ou l'opacification des opérations en crypto-actifs. »
Article 4 bis A
Le code pénal est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° L'article 321-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sous réserve du treizième alinéa de l'article 131-21 et des droits du propriétaire de bonne foi, la confiscation des biens saisis dont le propriétaire ne peut justifier de l'origine et qui, pour ce motif, a été condamné en application du présent article est obligatoire. Cette confiscation n'a pas à être motivée. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer la confiscation de tout ou partie des biens mentionnés au présent alinéa, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. »
Article 4 bis BA
I. – À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2222-9 du code général de la propriété des personnes publiques, après le mot : « gendarmerie, », sont insérés les mots : « des formations de la marine nationale, ».
II. – À la première phrase du troisième alinéa des articles 41-5 et 99-2 du code de procédure pénale, après le mot : « gendarmerie, », sont insérés les mots : « aux formations de la marine nationale, ».
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Article 4 bis C
I. – La première phrase du neuvième alinéa de l'article 706-160 du code de procédure pénale est ainsi modifiée :
1° Le mot : « immobilier » est supprimé ;
2° À la fin, les mots : « et de collectivités territoriales » sont remplacés par les mots : « , de collectivités territoriales ainsi que des services judiciaires, des services des douanes, des services de police, des unités de gendarmerie, de l'Office français de la biodiversité, des services de l'État chargés de la sécurité civile et de la gestion des crises ou des services placés sous l'autorité du ministre chargé du budget qui effectuent des missions de police judiciaire ».
II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
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Article 5
(Supprimé)
Article 5 bis
I. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Après le 1° bis de l'article L. 562-1, il est inséré un 1° ter ainsi rédigé :
« 1° ter “Trafic de stupéfiants” : les faits prévus et réprimés par les articles 222-34 à 222-38 du code pénal ainsi que par le dernier alinéa de l'article 414 et l'article 415 du code des douanes ; »
2° Après l'article L. 562-2-1, il est inséré un article L. 562-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 562-2-2. – Le ministre chargé de l'économie et le ministre de l'intérieur peuvent décider conjointement, après information du procureur de la République anti-criminalité organisée, pour une durée de six mois renouvelable sept fois, le gel des fonds et des ressources économiques :
« 1° Qui appartiennent à ou sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes physiques ou morales ou toute autre entité qui commettent, tentent de commettre, facilitent ou financent un trafic de stupéfiants ou y participent et qui présentent une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics en raison de leur rôle dans ce trafic et de son ampleur ;
« 2° Qui appartiennent à ou sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes morales ou toute autre entité elles-mêmes détenues ou contrôlées par les personnes mentionnées au 1° ou agissant sciemment pour le compte ou sur instructions de celles-ci. » ;
3° Aux articles L. 562-5 et L. 562-7 et au premier alinéa de l'article L. 562-8, après la référence : « L. 562-2-1, », est insérée la référence : « L. 562-2-2, » ;
3° bis (Supprimé)
4° Au premier alinéa de l'article L. 562-9, après la référence : « L. 562-2-1 », est insérée la référence : « , L. 562-2-2 » ;
5° Au premier alinéa de l'article L. 562-11, les mots : « et L. 562-2-1 » sont remplacés par les mots : « , L. 562-2-1 et L. 562-2-2 ».
II. – À la première phrase du second alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, après le mot : « terrorisme », sont insérés les mots : « ,du trafic de stupéfiants ».
TITRE III
RENFORCEMENT DU RENSEIGNEMENT ADMINISTRATIF EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE NARCOTRAFIC
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Article 7 bis
Après le chapitre II du titre III du livre II du code de la sécurité intérieure, il est inséré un chapitre II bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE II BIS
« Recueil des données relatives aux navires de plaisance
« Art. L. 232-9. – I. – Afin de prévenir et de réprimer le terrorisme, de faciliter la constatation des infractions s'y rattachant, de faciliter la constatation des infractions liées à la criminalité organisée, au sens des articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale, et des infractions de contrebande, d'importation ou d'exportation commises en bande organisée, prévues et réprimées par le dernier alinéa de l'article 414 du code des douanes, ainsi que la constatation, lorsqu'elles portent sur des fonds provenant de ces mêmes infractions, de la réalisation ou de la tentative de réalisation des opérations financières définies à l'article 415 du même code et afin de permettre le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs, l'autorité portuaire ou l'autorité investie du pouvoir de police portuaire collecte les données qui permettent d'identifier les navires de plaisance qui ont un autre port d'attache, leur propriétaire, les personnes qu'ils transportent ainsi que leur itinéraire. Elle transmet ces données aux services de l'État chargés de la prévention et de la répression des infractions mentionnées au présent alinéa.
« Un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des ports détermine les ports concernés par l'obligation définie au premier alinéa du présent I.
« II. – (Supprimé)
« III. – Les données collectées et transmises en application du I, les modalités de leur transmission ainsi que les services de l'État mentionnés au premier alinéa du même I sont précisés par décret en Conseil d'État.
« Ce décret précise les conditions dans lesquelles l'autorité portuaire ou l'autorité investie du pouvoir de police portuaire vérifie les données de l'identité civile des personnes concernées.
« III bis. – En cas de méconnaissance par une autorité portuaire ou par une autorité investie du pouvoir de police portuaire des obligations fixées au présent article, l'amende et la procédure prévues à l'article L. 232-5 sont applicables.
« Lorsque l'infraction définie au premier alinéa du présent III bis est commise de manière habituelle, elle est punie de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 30 000 euros.
« IV. – (Supprimé)
« V. – Les données mentionnées au I peuvent être conservées pendant une durée maximale de cinq ans.
« VI. – Le présent article n'est pas applicable aux navires soumis à l'article L. 232-7-1. »
Article 8
I à V. – (Supprimés)
V bis. – Le premier alinéa du I de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Les mots : « et 4° » sont remplacés par les mots : « , 4° et 6° » ;
2° À la fin, les mots : « ou des menaces terroristes » sont remplacés par les mots : « , des menaces terroristes ou des menaces relatives à la criminalité organisée et à la délinquance organisée portant sur des délits punis de dix ans d'emprisonnement en tant qu'elles concernent le trafic de stupéfiants, le trafic d'armes et de produits explosifs, l'importation et l'exportation de ces marchandises prohibées commises en bande organisée ainsi que le blanchiment des produits qui en sont issus ».
V ter. – Le II de l'article 6 de la loi n° 2024-850 du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, la date : « 1er juillet » est remplacée par la date : « 31 décembre » ;
2° Le 1° est ainsi modifié :
a) Au a, les mots : « et 4° » sont remplacés par les mots : « , 4° et 6° » ;
b) Au b, les mots : « ou des menaces terroristes » sont remplacés par les mots : « , des menaces terroristes ou des menaces relatives à la criminalité organisée et à la délinquance organisée portant sur des délits punis de dix ans d'emprisonnement en tant qu'elles concernent le trafic de stupéfiants, le trafic d'armes et de produits explosifs, l'importation et l'exportation de ces marchandises prohibées commises en bande organisée ainsi que le blanchiment des produits qui en sont issus ».
VI. – Au plus tard deux ans puis six mois avant le 31 décembre 2028, le Gouvernement remet au Parlement des rapports sur l'application du présent article s'agissant de la finalité prévue aux V bis et V ter.
Ces rapports évaluent notamment l'efficacité du dispositif pour détecter des menaces ou des infractions liées à la criminalité et à la délinquance organisées et donnent le sens des avis rendus par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Des versions de ces rapports transmises à la délégation parlementaire au renseignement évaluent la pertinence des paramètres de conception des traitements utilisés, comportent des exemples de mise en œuvre des algorithmes et font état du volume de données traitées, du nombre d'identifiants signalés par les traitements automatisés ainsi que du nombre de transmissions à l'autorité judiciaire.
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Article 8 ter A
Le III de l'article L. 853-3 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « trente jours » sont remplacés par les mots : « deux mois » ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'elle a pour unique objet de permettre le retrait des dispositifs techniques après l'échéance de l'autorisation d'utilisation de ces dispositifs, l'autorisation, spécialement motivée, est délivrée pour une durée maximale de trente jours et est renouvelable dans les mêmes conditions de durée. »
Article 8 ter
(Supprimé)
TITRE IV
RENFORCEMENT DE LA RÉPRESSION PÉNALE DU NARCOTRAFIC
Chapitre Ier
Mesures de droit pénal
Article 9
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° Le 14° du II de l'article 131-26-2 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
a bis) Après le mot : « code », sont insérés les mots : « ainsi que le délit de concours à une organisation criminelle prévu à l'article 450-1-1 » ;
b) Les mots : « lorsqu'il a pour objet un crime ou un » sont remplacés par les mots : « lorsque l'association de malfaiteurs ou l'organisation criminelle a pour objet la préparation d'un crime ou d'un » ;
2° Le titre V du livre IV est ainsi modifié :
aa) L'intitulé est complété par les mots : « et du concours à une organisation criminelle » ;
a) (Supprimé)
b) L'article 450-1 est ainsi modifié :
– après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'infraction préparée est un crime pour lequel la loi prévoit une peine de réclusion criminelle à perpétuité ou une répression aggravée en cas de commission en bande organisée, la participation à une association de malfaiteurs est punie de quinze ans de réclusion criminelle et de 225 000 euros d'amende. » ;
– au deuxième alinéa, après le mot : « crimes », sont insérés les mots : « autres que ceux mentionnés au deuxième alinéa » ;
c) (Supprimé)
d) Après le même article 450-1, sont insérés des articles 450-1-1 et 450-1-2 ainsi rédigés :
« Art. 450-1-1. – Constitue une organisation criminelle toute association de malfaiteurs prenant la forme d'une organisation structurée entre ses membres et préparant un ou plusieurs crimes et, le cas échéant, un ou plusieurs délits mentionnés aux 1° à 10°, 12° à 14° et 17° de l'article 706-73 du code de procédure pénale.
« Le fait de concourir sciemment et de façon fréquente ou importante à l'organisation ou au fonctionnement d'une organisation criminelle, indépendamment de la préparation d'une infraction particulière, est puni de trois ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.
« Art. 450-1-2. – (Supprimé) » ;
e) À l'article 450-2, après la référence : « 450-1 », sont insérés les mots : « ou ayant commis l'infraction prévue à l'article 450-1-1 » ;
f) Au premier alinéa de l'article 450-3, les mots : « de l'infraction prévue par l'article 450-1 » sont remplacés par les mots : « des infractions prévues aux articles 450-1 et 450-1-1 » ;
g) Au premier alinéa de l'article 450-4, les mots : « de l'infraction définie à l'article 450-1 » sont remplacés par les mots : « des infractions définies aux articles 450-1 et 450-1-1 » ;
h) À l'article 450-5, les mots : « au deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « aux deuxième et troisième alinéas ».
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le 5° bis du I de l'article 28-1 est ainsi modifié :
a) Au début, sont ajoutés les mots : « les crimes ou » ;
b) Après le mot : « pénal », sont insérés les mots : « ainsi que le délit prévu à l'article 450-1-1 du même code » ;
c) Les mots : « lorsqu'ils ont » sont remplacés par les mots : « lorsque l'association de malfaiteurs ou l'organisation criminelle a » ;
2° Le 4° de l'article 689-5 est ainsi modifié :
a) Au début, sont ajoutés les mots : « Crime ou » ;
b) Le mot : « prévu » est remplacé par le mot : « prévus » ;
c) Après le mot : « pénal », sont insérés les mots : « ou délit de concours à une organisation criminelle prévu à l'article 450-1-1 du même code » ;
d) Les mots : « lorsqu'il » sont remplacés par les mots : « lorsque l'association de malfaiteurs ou l'organisation criminelle » ;
3° Les articles 706-26 et 706-34 sont ainsi modifiés :
a) Les mots : « le délit » sont remplacés par les mots : « les crimes ou les délits » ;
b) Le mot : « prévu » est remplacé par le mot : « prévus » ;
c) Après les mots : « même code », sont insérés les mots : « et le délit de concours à une organisation criminelle prévu à l'article 450-1-1 dudit code » ;
d) Les mots : « lorsqu'il » sont remplacés par les mots : « lorsque l'association de malfaiteurs ou l'organisation criminelle » ;
3° bis (nouveau) Le 4° de l'article 706-55 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « malfaiteurs », sont insérés les mots : « , le concours à une organisation criminelle » ;
b) Après la référence : « 450-1 », est insérée la référence : « , 450-1-1 » ;
4° Le 15° de l'article 706-73 est ainsi modifié :
a) Au début, sont ajoutés les mots : « Crimes ou » ;
b et c) (Supprimés)
4° bis A (nouveau) L'article 706-73-1 est ainsi modifié :
a) Au début du 4°, sont ajoutés les mots : « Crimes ou » ;
b) Après le même 4°, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis Délit de concours à une organisation criminelle prévu à l'article 450-1-1 du même code ; »
4° bis Le 2° de l'article 706-74 est ainsi modifié :
a) Au début, sont ajoutés les mots : « Aux crimes ou » ;
b) Les mots : « par le deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « aux deuxième et troisième alinéas » ;
5° Le 7° de l'article 706-167 est ainsi modifié :
a) Au début, les mots : « Le délit » sont remplacés par les mots : « Les crimes ou les délits » ;
b) Le mot : « prévu » est remplacé par le mot : « prévus » ;
b bis et c) (Supprimés)
Article 9 bis
La section 7 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal est complétée par un article 222-43-2 ainsi rédigé :
« Art. 222-43-2. – Lorsqu'un crime ou un délit prévu à la présente section est aggravé par le port d'une arme apparente ou cachée, les peines privatives de liberté encourues sont portées à :
« 1° La réclusion criminelle à perpétuité lorsque l'infraction est punie de trente ans de réclusion criminelle ;
« 2° Trente ans de réclusion criminelle lorsque l'infraction est punie de vingt ans de réclusion criminelle ;
« 3° Quinze ans de réclusion criminelle lorsque l'infraction est punie de dix ans d'emprisonnement ;
« 4° Sept ans d'emprisonnement lorsque l'infraction est punie de cinq ans d'emprisonnement. »
Article 9 ter
(Supprimé)
Article 10
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l'article 227-18-1, après le mot : « stupéfiants », sont insérés les mots : « ou à se rendre complice de tels actes » ;
2° Après le même article 227-18-1, il est inséré un article 227-18-2 ainsi rédigé :
« Art. 227-18-2. – Le fait de publier, sur une plateforme en ligne ou sur un service de réseaux sociaux en ligne, définis respectivement aux 4 et 5 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, un contenu accessible aux mineurs proposant aux utilisateurs de transporter, de détenir, d'offrir ou de céder des stupéfiants ou de se rendre complice de tels actes est puni de sept ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. »
Article 10 bis A
(Supprimé)
Article 10 bis
Après l'article 132-6 du code pénal, il est inséré un article 132-6-1 ainsi rédigé :
« Art. 132-6-1. – Par dérogation aux articles 132-2 à 132-5, lorsque l'auteur a commis une infraction mentionnée aux articles 706-73 et 706-73-1 alors qu'il était détenu, les peines prononcées pour cette infraction se cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles prononcées pour l'infraction en raison de laquelle il était détenu.
« La dernière juridiction appelée à statuer sur l'une des infractions commises en concours peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas faire application du présent article. »
Article 10 ter A
Après l'article 131-30-2 du code pénal, il est inséré un article 131-30-3 ainsi rédigé :
« Art. 131-30-3. – Sans préjudice de l'article 131-30-2, l'interdiction du territoire français est prononcée par la juridiction de jugement dans les conditions prévues à l'article 131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable de l'une des infractions définies aux articles 222-34 à 222-38.
« Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer ces peines, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. »
Article 10 ter B
Après l'article 222-37 du code pénal, il est inséré un article 222-37-1 ainsi rédigé :
« Art. 222-37-1. – Lorsque les infractions prévues aux articles 222-35 à 222-37 sont commises par un majeur agissant avec l'aide ou l'assistance, directe ou indirecte, d'un mineur pour le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou la vente de stupéfiants, les peines privatives de liberté encourues sont portées à :
« 1° Quinze ans de réclusion criminelle lorsque l'infraction est punie de dix ans d'emprisonnement ;
« 2° Trente ans de réclusion criminelle lorsque l'infraction est punie de vingt ans de réclusion criminelle ;
« 3° La réclusion criminelle à perpétuité lorsque l'infraction est punie de trente ans de réclusion criminelle.
« L'aide ou l'assistance d'un mineur peut être caractérisée par tout acte de sollicitation, d'incitation ou d'organisation ayant pour effet d'intégrer un mineur dans un réseau de trafic de stupéfiants, que cette participation soit volontaire ou contrainte. »
Article 10 ter
I. – (Supprimé)
II. – Le code de la route est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l'article L. 325-1-1 est complété par les mots : « , qu'il soit immatriculé en France ou à l'étranger » ;
2° Le troisième alinéa du II de l'article L. 325-1-2 est ainsi modifié :
a) La première phrase est supprimée ;
b) À la dernière phrase, après le mot : « loué », sont insérés les mots : « de bonne foi et ».
Article 10 quater
À la seconde phrase du premier alinéa de l'article 222-38 du code pénal, le mot : « moitié » est remplacé par le mot : « totalité ».
Chapitre II
(Division supprimée)
Article 11
I. – L'article 706-88-2 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :
« Art. 706-88-2. – Lorsque la présence de substances stupéfiantes dans le corps de la personne gardée à vue pour une infraction mentionnée au 3° de l'article 706-73 est établie dans les conditions prévues au présent article, le juge des libertés et de la détention peut, à titre exceptionnel et selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article 706-88, décider que la garde à vue en cours de cette personne fera l'objet d'une prolongation supplémentaire de vingt-quatre heures.
« Avant l'expiration du délai de garde à vue prévu au même article 706-88, la personne dont la prolongation exceptionnelle de la garde à vue est envisagée est examinée par un médecin désigné par le procureur de la République, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire. Le médecin délivre un certificat médical par lequel il établit la présence ou l'absence de substances stupéfiantes dans le corps de la personne et se prononce sur l'aptitude au maintien en garde à vue. Ce certificat est versé au dossier.
« À l'expiration de la quatre-vingt-seizième heure, la personne dont la prolongation de la garde à vue est ainsi décidée peut demander à s'entretenir avec un avocat, selon les modalités prévues à l'article 63-4. La personne gardée à vue est avisée de ce droit dès la notification de la prolongation prévue au présent article.
« Elle est également avisée de son droit de demander un nouvel examen médical au cours de la prolongation.
« S'il n'a pas été fait droit à la demande de la personne gardée à vue de faire prévenir, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et sœurs ou son employeur de la mesure dont elle fait l'objet, dans les conditions prévues aux articles 63-1 et 63-2, elle peut réitérer cette demande à compter de la quatre-vingt-seizième heure. »
II. – (Supprimé)
Article 11 bis A
Après l'article 222-44-1 du code pénal, il est inséré un article 222-44-2 ainsi rédigé :
« Art. 222-44-2. – Les personnes physiques coupables des infractions prévues aux articles 222-34 à 222-40 encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° Lorsque l'infraction a été commise dans un aéronef réalisant un vol commercial ou dans une embarcation maritime, l'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de prendre place dans tout aéronef réalisant un vol commercial et dans toute embarcation maritime au départ et à destination d'aéroports et de ports dont la liste est fixée par la juridiction ;
« 2° Lorsque l'infraction a été commise dans un aéroport ou dans un port, l'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans les aéroports et dans les ports dont la liste est fixée par la juridiction.
« Les interdictions prévues aux 1° et 2° du présent article peuvent être modifiées par le juge de l'application des peines, dans les conditions fixées par le code de procédure pénale.
« Est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende la violation par le condamné des interdictions prévues aux 1° et 2° du présent article. »
Article 11 bis
(Supprimé)
Chapitre III
Lutte contre le trafic en ligne
Article 12
I. – La section 2 du chapitre II du titre Ier de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique est ainsi modifiée :
A. – L'article 6-1 est ainsi modifié :
1° A Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
1° La première phrase du même premier alinéa est ainsi modifiée :
a) La deuxième occurrence du mot : « ou » est remplacée par le signe : « , » ;
b) Après les mots : « du même code », sont insérés les mots : « ou contre la cession ou l'offre de stupéfiants dans les conditions prévues à l'article 222-39 dudit code » ;
c) À la fin, les mots : « et 227-23 » sont remplacés par les mots : « , 227-23 et 222-39 » ;
2° À la fin de la première phrase du deuxième alinéa et à la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « et 227-23 » sont remplacés par les mots : « , 227-23 et 222-39 » ;
2° bis À la fin de la dernière phrase du deuxième alinéa, à la seconde phrase du quatrième alinéa et aux avant-dernier et dernier alinéas, le mot : « article » est remplacé par la référence : « I » ;
3° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Sans préjudice des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, les fournisseurs de services d'hébergement et les fournisseurs de contenus concernés par une demande de retrait faite en application du I du présent article ainsi que la personnalité qualifiée mentionnée au même I peuvent demander au président du tribunal administratif ou au magistrat délégué par celui-ci l'annulation de cette demande, dans un délai de quarante-huit heures à compter soit de la réception de la demande, soit, s'agissant du fournisseur de contenus, du moment où il est informé par le fournisseur de services d'hébergement du retrait du contenu.
« Il est statué sur la légalité de l'injonction de retrait dans un délai de soixante-douze heures à compter de la saisine. L'audience est publique.
« Les jugements rendus en application du présent II sur la légalité de la décision sont susceptibles d'appel dans un délai de dix jours à compter de leur notification. Dans ce cas, la juridiction d'appel statue dans un délai d'un mois à compter de sa saisine.
« Les modalités d'application du présent II sont précisées par décret en Conseil d'État. » ;
B. – L'article 6-2 est ainsi modifié :
a) Au I et au premier alinéa du III, après le mot : « pénal », sont insérés les mots : « ou un contenu relatif à la cession ou l'offre de stupéfiants relevant de l'article 222-39 du même code » ;
b) À la fin du troisième alinéa du III, les mots : « de l'infraction prévue à l'article 227-23 du code pénal » sont remplacés par les mots : « des infractions prévues aux articles 227-23 et 222-39 du code pénal » ;
C. – Au premier alinéa du I de l'article 6-2-1, après le mot : « pénal », sont insérés les mots : « ou un contenu relatif à la cession ou l'offre de stupéfiants relevant de l'article 222-39 du même code » ;
D. – L'article 6-2-2 est abrogé.
II. – L'article 323-3-2 du code pénal est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Après la seconde occurrence de la référence : « 6 », sont insérés les mots : « ou celles mentionnées aux articles 15, 16 et 18 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques) » ;
b) Les mots : « cinq d'emprisonnement et de 150 000 euros » sont remplacés par les mots : « sept ans d'emprisonnement et de 500 000 euros » ;
2° Au III, le montant : « 500 000 euros » est remplacé par les mots : « un million d'euros ».
III. – (Supprimé)
Article 12 bis
Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Le 1° du II bis de l'article L. 34-1 est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « ou de son service de communications interpersonnelles avec prépaiement. Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles les opérateurs vérifient les données relatives à l'identité civile ainsi que les services de l'État qui ne sont pas soumis à cette vérification ; »
1° (Supprimé)
1° bis (nouveau) Après le 2° du I de l'article L. 39-3, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° De ne pas procéder à la vérification et à la conservation des données relatives à l'identité civile dans les conditions prévues au 1° du II bis de l'article L. 34-1. » ;
2° (Supprimé)
II. – (Supprimé)
TITRE V
MESURES DE PROCÉDURE PÉNALE ET FACILITATION DE L'UTILISATION DES TECHNIQUES SPÉCIALES D'ENQUÊTE
Article 13
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° A Après l'article 242, il est inséré un article 242-1 ainsi rédigé :
« Art. 242-1. – Sans préjudice du titre XVI du livre IV, pour le jugement des crimes commis en bande organisée et du crime d'association de malfaiteurs en vue de commettre de tels crimes, les règles relatives à la composition et au fonctionnement de la cour d'assises sont fixées à l'article 698-6.
« Pour le jugement des accusés mineurs âgés de seize ans au moins, les règles relatives à la composition et au fonctionnement de la cour d'assises des mineurs sont fixées au même article 698-6, deux des assesseurs étant désignés parmi les juges des enfants du ressort de la cour d'appel, dans les conditions prévues à l'article L. 231-10 du code de la justice pénale des mineurs. Les articles L. 513-2, L. 513-4 et L. 522-1 du même code sont également applicables. » ;
1° et 2° (Supprimés)
2° bis Après l'article 706-75-2, sont insérés des articles 706-75-3 et 706-75-4 ainsi rédigés :
« Art. 706-75-3. – Par dérogation à l'article 712-10, les décisions concernant les personnes condamnées pour une infraction entrant dans le champ d'application de l'article 706-73, à l'exception des 11°, 11° bis et 18°, de l'article 706-73-1, à l'exception du 11°, et de l'article 706-74 relèvent de la compétence du juge de l'application des peines du tribunal judiciaire de Paris, du tribunal de l'application des peines de Paris et de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris :
« 1° De manière exclusive, lorsque ces personnes ont été condamnées par les juridictions de jugement de Paris statuant en application de l'article 706-74-1, quel que soit le lieu de détention ou de résidence des condamnés ;
« 2° De manière concurrente, lorsque ces personnes ont été condamnées dans des procédures pour lesquelles n'a pas été exercée la compétence prévue au même article 706-74-1.
« Ces décisions sont prises après avis du juge de l'application des peines compétent en application de l'article 712-10.
« Pour l'exercice de leurs attributions, les magistrats des juridictions mentionnées au premier alinéa du présent article peuvent se déplacer sur l'ensemble du territoire national, sans préjudice de l'application de l'article 706-71 sur l'utilisation de moyens de télécommunication.
« Le ministère public auprès des juridictions du premier degré de Paris compétentes en application du présent article est représenté par le procureur de la République anti-criminalité organisée en personne ou par ses substituts.
« Art. 706-75-4. – Par dérogation à l'article 712-10, les décisions concernant les personnes condamnées pour une infraction entrant dans le champ d'application de l'article 706-73, à l'exception des 11°, 11° bis et 18°, de l'article 706-73-1, à l'exception du 11°, et de l'article 706-74 relèvent de la compétence du juge de l'application des peines du tribunal judiciaire mentionné à l'article 706-75 dans le ressort duquel est situé soit l'établissement pénitentiaire dans lequel le condamné est écroué, soit, si le condamné est libre, sa résidence habituelle ou, s'il n'a pas en France de résidence habituelle, le tribunal judiciaire ayant prononcé la condamnation :
« 1° De manière exclusive, lorsque ces personnes ont été condamnées par les juridictions de jugement statuant en application de l'article 706-75 ;
« 2° De manière concurrente, lorsque ces personnes ont été condamnées dans des procédures pour lesquelles n'a pas été exercée la compétence prévue au même article 706-75.
« Il en va de même pour la détermination du tribunal de l'application des peines et de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel territorialement compétents.
« Ces décisions sont prises après avis du juge de l'application des peines compétent en application de l'article 712-10.
« Pour l'exercice de leurs attributions, les magistrats des juridictions mentionnées au premier alinéa du présent article peuvent se déplacer sur l'ensemble du territoire interrégional, sans préjudice de l'application des dispositions de l'article 706-71 relatives à l'utilisation de moyens de télécommunication. » ;
3° et 4° (Supprimés)
Article 14
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° A L'article 132-78 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « infraction », la fin du premier alinéa de l'article 132– 78 est supprimée ;
b et c) (Supprimés)
1° Après le même article 132-78, il est inséré un article 132-78-1 ainsi rédigé :
« Art. 132-78-1. – Lorsque la personne a bénéficié de l'exemption ou de la réduction de peine mentionnée à l'article 132-78, la décision de condamnation fixe également la durée maximale de l'emprisonnement encouru par le condamné si, au cours d'une durée de dix ans en cas de condamnation pour délit ou de vingt ans en cas de condamnation pour crime, surviennent des éléments nouveaux faisant apparaître le caractère mensonger ou volontairement incomplet des déclarations ou s'il commet un nouveau crime ou délit. La durée de l'emprisonnement encouru, cumulée à la peine d'emprisonnement prononcée, ne peut excéder le maximum légal en l'absence de l'exemption ou de la réduction de peine mentionnée au même article 132-78.
« Les conditions dans lesquelles le tribunal de l'application des peines peut décider de l'exécution de tout ou partie de la peine d'emprisonnement sont fixées par le code de procédure pénale. » ;
2° L'article 221-5-3 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « d'assassinat » sont remplacés par les mots : « de meurtre » ;
– à la fin, les mots : « et d'identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices » sont supprimés ;
a bis) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La peine privative de liberté encourue par l'auteur ou le complice du crime de meurtre est réduite des deux tiers si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, il a permis d'identifier les autres auteurs ou complices ou d'éviter la répétition de l'infraction. Lorsque la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, elle est ramenée à quinze ans de réclusion criminelle. » ;
b) Le second alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « ramenée à vingt ans de réclusion criminelle » sont remplacés par les mots : « réduite des deux tiers » ;
– le mot : « et » est remplacé par le mot : « ou » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, elle est ramenée à quinze ans de réclusion criminelle. » ;
2° bis À la fin du premier alinéa des articles 222-6-2, 224-5-1, 224-8-1, 225-4-9, 225-11-1, 311-9-1, 312-6-1 et 324-6-1, les mots : « et d'identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices » sont supprimés ;
2° ter À la première phrase du second alinéa des articles 222-6-2, 224-5-1, 224-8-1, 225-4-9, 225-11-1 et 312-6-1 et au second alinéa de l'article 311-9-1, les mots : « de moitié » sont remplacés par les mots : « des deux tiers » et le mot : « et » est remplacé par le mot : « ou » ;
3° (Supprimé)
3° bis À la première phrase des articles 222-43 et 422-2 et à l'article 442-10, les mots : « de moitié » sont remplacés par les mots : « des deux tiers » et le mot : « et » est remplacé par le mot : « ou » ;
3° ter Au premier alinéa de l'article 414-4, les mots : « de moitié » sont remplacés par les mots : « de deux tiers » et la seconde occurrence du mot : « et » est remplacé par le mot : « ou » ;
3° quater (nouveau) Au second alinéa de l'article 324-6-1 et aux articles 432-11– 1, 435-6-1 et 435-11-1, les mots : « de moitié » sont remplacés par les mots : « des deux tiers » ;
4° (Supprimé)
4° bis La section 10 du chapitre II du titre II du livre II est complétée par un article 222-67-1 ainsi rédigé :
« Art. 222-67-1. – Toute personne qui a tenté de commettre les infractions prévues à la présente section est exempte de peine si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d'éviter leur réalisation.
« La peine privative de liberté encourue par l'auteur ou le complice de l'une des infractions prévues à la présente section est réduite des deux tiers si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, il a permis de faire cesser la réalisation de l'infraction ou d'identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices. » ;
5° L'article 450-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La peine privative de liberté encourue par l'auteur ou le complice des infractions prévues aux articles 450-1 et 450-1-1 est réduite des deux tiers si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, il a permis de faire cesser l'infraction, d'éviter la commission d'une infraction préparée par le groupement ou l'entente ou d'identifier les autres auteurs ou complices de l'infraction préparée. »
I bis. – Le code de la défense est ainsi modifié :
1° Aux articles L. 1333-13-10 et L. 2339-13, les mots : « de moitié » sont remplacés par les mots : « des deux tiers » et la seconde occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « ou » ;
2° À l'article L. 2341-6 et à la première phrase des articles L. 2342-76 et L. 2353-9, les mots : « de moitié » sont remplacés par les mots : « des deux tiers » et le mot : « et » est remplacé par le mot : « ou » ;
2° bis À la seconde phrase de l'article L. 2342-76, le mot : « vingt » est remplacé par le mot : « quinze ».
I ter. – À l'avant-dernier alinéa de l'article 1741 du code général des impôts, les mots : « de moitié » sont remplacés par les mots : « des deux tiers »,après le mot : « permis », sont insérés les mots : « de faire cesser l'infraction ou » et, après les mots : « d'identifier », sont insérés les mots : « , le cas échéant, ».
I quater. – La section 1 du chapitre V du titre VI du livre IV du code monétaire et financier est complétée par un article L. 465-3-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 465-3-7. – Lorsque l'action publique est mise en mouvement par le procureur de la République financier dans les conditions prévues au III de l'article L. 465-3-6, l'article 132-78 du code pénal est applicable aux délits mentionnés à la présente section.
« Dans le cas mentionné au deuxième alinéa de l'article 132-78 du code pénal, la peine encourue est réduite des deux tiers. La même réduction s'applique à la peine d'amende encourue. »
II. – Le titre XXI bis du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° A L'intitulé est ainsi rédigé : « Des collaborateurs de justice » ;
1° Au début, il est ajouté un chapitre Ier ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER
« De l'octroi du statut de collaborateur de justice
« Art. 706-63-1 A. – I. – Les personnes éligibles aux exemptions ou aux réductions de peine en application du code pénal peuvent bénéficier, au cours de l'enquête ou de l'instruction, du statut de collaborateur de justice dans les conditions prévues au présent chapitre.
« II et III. – (Supprimés)
« Art. 706-63-1 BA. – Au cours de l'enquête ou de l'instruction, lorsqu'une personne mise en cause manifeste sa volonté de faire des déclarations permettant soit d'éviter la réalisation de l'infraction, soit de faire cesser l'infraction, d'éviter que l'infraction ne produise un dommage ou d'identifier les autres auteurs ou complices, le procureur de la République ou, après avis du procureur de la République, le juge d'instruction peut requérir un service placé sous l'autorité ou sous la tutelle du ministre de l'intérieur et figurant sur une liste fixée par décret, aux fins d'évaluer la personnalité et l'environnement de cette personne.
« Après réception de cette évaluation, le procureur de la République procède ou fait procéder au recueil des déclarations de cette personne par procès-verbal distinct lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ces déclarations sont déterminantes pour la manifestation de la vérité. Dans le cadre d'une information judiciaire, le juge d'instruction procède lui-même au recueil ou peut y faire procéder, sous réserve du deuxième alinéa de l'article 152. Dans tous les cas, le recueil est effectué dans les formes prescrites par le présent code.
« Art. 706-63-1 B. – I. – (Supprimé)
« II. – Le procureur de la République ou le juge d'instruction vérifie le caractère sincère, complet et déterminant des déclarations recueillies par procès-verbal. Il recueille l'avis de la commission mentionnée à l'article 706-63-1.
« Si le procureur de la République ou, sur avis conforme du procureur de la République, le juge d'instruction estime opportun l'octroi du statut de collaborateur de justice, il saisit par requête la chambre de l'instruction de la cour d'appel. Les procès-verbaux de déclaration et d'évaluation et l'avis de la commission sont joints à la requête.
« Est également jointe à la requête la convention, conclue avec le procureur de la République ou le juge d'instruction, par laquelle la personne éligible au statut de collaborateur de justice s'engage, jusqu'à sa comparution devant la juridiction de jugement, à répondre aux convocations délivrées dans le cadre de la procédure et à ne pas commettre un nouveau crime ou un nouveau délit.
« III à V. – (Supprimés)
« Art. 706-63-1 CA. – Si la chambre de l'instruction estime, au vu du dossier de la procédure, que les conditions mentionnées à l'article 132-78 du code pénal sont réunies, elle octroie par ordonnance motivée le statut de collaborateur de justice. Elle statue après avoir recueilli par écrit les réquisitions du procureur général ainsi que les observations éventuelles de la personne concernée ou de son avocat. La chambre de l'instruction peut, si elle l'estime nécessaire, procéder à l'audition de la personne concernée, en recourant au besoin à un moyen de télécommunication audiovisuelle selon les modalités prévues à l'article 706-71 du présent code.
« La décision de la chambre de l'instruction est notifiée à la personne concernée ou à son avocat ainsi qu'au parquet général et au magistrat à l'origine de la saisine. Elle peut faire l'objet d'un appel, dans un délai de dix jours à compter de sa notification, devant la même chambre de l'instruction autrement composée. La décision de celle-ci n'est pas susceptible de recours. L'ordonnance de la chambre de l'instruction est également communiquée au requérant et à la commission mentionnée à l'article 706-63-1.
« En cas d'octroi du statut de collaborateur de justice, une fois la décision devenue définitive, l'ordonnance, la requête, les procès-verbaux de déclaration, l'avis de la commission mentionnée à l'article 706-63-1, la convention mentionnée à l'article 706-63-1 B et tous les actes s'y rapportant sont alors versés au dossier de la procédure.
« En l'absence de saisine de la chambre de l'instruction ou lorsque celle-ci ne fait pas droit à la requête, les procès-verbaux de déclaration et d'évaluation, l'avis de la commission mentionnée à l'article 706-63-1 ainsi que tous les actes s'y rapportant ne sont pas versés au dossier de la procédure mais sont conservés dans un dossier distinct du dossier de la procédure, dans lequel figure également, le cas échéant, la convention mentionnée à l'article 706-63-1 B, la requête et l'ordonnance de la chambre de l'instruction.
« Art. 706-63-1 CB. – Le statut de collaborateur de justice peut être révoqué par la chambre de l'instruction, saisie à cette fin par le procureur de la République ou le juge d'instruction, si des éléments nouveaux font apparaître le caractère mensonger ou volontairement incomplet des déclarations ou en cas de commission d'un nouveau crime ou d'un nouveau délit.
« Art. 706-63-1 C. – Lorsqu'elle est saisie en ce sens, la juridiction de jugement est tenue d'octroyer au collaborateur de justice le bénéfice de l'exemption ou de la réduction de la peine encourue prévues à l'article 132-78 du code pénal.
« Toutefois, la juridiction de jugement peut décider, par décision motivée, de ne pas octroyer cette exemption ou cette réduction de peine en cas de révocation du statut, en cas de survenance après sa saisine d'un élément nouveau faisant apparaître le caractère mensonger ou volontairement incomplet des déclarations ou en cas de commission d'un nouveau crime ou d'un nouveau délit.
« Art. 706-63-1 D. – (Supprimé)
« Art. 706-63-1 E. – Si, au cours d'une durée de dix ans en cas de condamnation pour délit ou de vingt ans en cas de condamnation pour crime à compter du jour où cette décision est devenue définitive, surviennent des éléments nouveaux faisant apparaître le caractère mensonger ou volontairement incomplet des déclarations ou si la personne concernée commet un nouveau crime ou un nouveau délit, le tribunal de l'application des peines du siège de la juridiction ayant prononcé la condamnation peut, sur réquisitions du procureur de la République, ordonner par une décision motivée, rendue après un débat contradictoire tenu en chambre du conseil, la mise à exécution de l'emprisonnement décidé en application de l'article 132-78-1 du code pénal.
« Art. 706-63-1 F. – Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent chapitre. » ;
1° bis Il est inséré un chapitre II intitulé : « De la protection des collaborateurs de justice » et comprenant les articles 706-63-1 à 706-63-2 ;
2° L'article 706-63-1 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Les mesures de protection et de réinsertion sont définies, sur réquisitions du procureur de la République, par une commission nationale dont la composition et les modalités de fonctionnement sont définies par décret en Conseil d'État. Au titre des mesures de protection, la personne peut, en cas de nécessité, être autorisée à faire usage d'une identité d'emprunt. La commission nationale fixe les obligations que doit respecter la personne et assure le suivi des mesures de protection et de réinsertion, qu'elle peut modifier ou auxquelles elle peut mettre fin à tout moment. En cas d'urgence, les services compétents prennent les mesures nécessaires et en informent sans délai la commission nationale. » ;
a bis) (Supprimé)
a ter) L'avant-dernier alinéa est supprimé ;
b) (Supprimé)
2° bis Après le même article 706-63-1, sont insérés des articles 706-63-1-1 et 706-63-1-2 ainsi rédigés :
« Art. 706-63-1-1. – Est puni des peines prévues au troisième alinéa de l'article 706-63-1 le fait, tant que les déclarations du collaborateur de justice n'ont pas été versées au dossier de la procédure en application de l'article 706-63-1 CA, de révéler :
« 1° Le fait qu'une personne a manifesté sa volonté de faire des déclarations permettant soit d'éviter la réalisation de l'infraction, soit de faire cesser l'infraction, d'éviter que l'infraction ne produise un dommage ou d'identifier les autres auteurs ou complices ;
« 2° Le contenu des déclarations de cette personne.
« Art. 706-63-1-2. – Le collaborateur de justice peut déclarer comme domicile l'adresse de son avocat ou du service placé sous l'autorité ou la tutelle du ministre de l'intérieur mentionné à l'article 706-63-1 BA, avec leur accord. » ;
3° L'article 706-63-2 est ainsi rédigé :
« Art. 706-63-2. – Lorsque cette comparution est susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l'intégrité physique des collaborateurs de justice ou celles de leurs proches, la chambre de l'instruction peut, d'office ou à leur demande, ordonner leur comparution à tous les stades de la procédure dans des conditions de nature à préserver leur anonymat, y compris par l'utilisation d'un dispositif technique mentionné à l'article 706-61 ou d'un dispositif permettant d'altérer ou de transformer leur voix ou leur apparence physique. Dans ce cas, cette décision est valable pour toute procédure à laquelle ils sont témoin ou partie. La chambre de l'instruction statue à huis clos après avoir recueilli les observations écrites du procureur général et des parties concernées.
« La juridiction de jugement peut également ordonner le huis clos. Elle statue à huis clos sur cette demande. »
III. – Dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'évolution du statut de collaborateur de justice.
Article 14 bis
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° A L'article 706-40-1 est abrogé ;
1° B L'intitulé du titre XXI du livre IV est complété par les mots : « et des victimes » ;
1° C À la première phrase du premier alinéa de l'article 706-57, après le mot : « infraction », sont insérés les mots : « , qu'elles soient témoin ou victime, » ;
1° D À la première phrase du premier alinéa de l'article 706-58, les mots : « d'une personne visée » sont remplacés par les mots : « d'un témoin mentionné » ;
1° E Aux premier et second alinéas de l'article 706-59, les mots : « d'un témoin » sont remplacés par les mots : « d'une personne » ;
1° Le second alinéa du même article 706-59 et le dernier alinéa de l'article 706-62-1 sont complétés par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsque cette révélation a eu pour conséquence, directe ou indirecte, des violences à l'encontre de cette personne ou de l'un de ses proches, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 € d'amende. Lorsque cette révélation a eu pour conséquence, directe ou indirecte, la mort de cette personne ou de l'un de ses proches, les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 € d'amende. » ;
2° La seconde phrase du premier alinéa de l'article 706-61 est ainsi rédigée : « L'anonymat du témoin est préservé par tout moyen, y compris par l'utilisation d'un dispositif technique permettant d'altérer ou de transformer sa voix ou son apparence physique. » ;
3° (Supprimé)
4° L'article 706-62-2 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– le mot : « fait » est remplacé par les mots : « ou ses proches font » ;
– le mot : « sa » est remplacé par le mot : « leur » ;
– après le mot : « protection », sont insérés les mots : « et de réinsertion » ;
– sont ajoutés les mots : « dans les conditions définies à l'article 706-63-1 » ;
b) Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;
c) Les quatrième et cinquième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait de révéler qu'une personne fait usage d'une identité d'emprunt en application du présent titre ou de révéler tout élément permettant son identification ou sa localisation ainsi que celle de ses proches est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende. Lorsque cette révélation a eu pour conséquence, directe ou indirecte, des violences à l'encontre de cette personne ou de l'un de ses proches, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 € d'amende. Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 € d'amende lorsque cette révélation a eu pour conséquence, directe ou indirecte, la mort de cette personne ou de l'un de ses proches. » ;
d) Avant le dernier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigé:
« Lorsque cette comparution est susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l'intégrité physique des personnes mentionnées au premier alinéa ou celles de leurs proches, la juridiction de jugement peut, d'office ou à la demande des personnes mentionnées au même premier alinéa, ordonner leur comparution dans des conditions de nature à préserver leur anonymat, y compris par l'utilisation d'un dispositif technique mentionné à l'article 706-61 ou d'un dispositif permettant d'altérer ou de transformer leur voix ou leur apparence physique. Dans ce cas, cette décision est valable pour toute procédure à laquelle ils sont témoin ou partie. La juridiction statue à huis clos après avoir recueilli les observations écrites du procureur de la République et des parties concernées.
« La juridiction de jugement peut également ordonner le huis clos. Elle statue à huis clos sur cette demande. »
Article 15
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° et 1° bis (Supprimés)
2° Après l'article 706-74, il est inséré un article 706-74-1 A ainsi rédigé :
« Art. 706-74-1 A. – I. – Sans préjudice de l'article 15-4, dans l'exercice de ses fonctions, tout agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale affecté dans un service spécialement chargé des enquêtes en matière de délinquance et de criminalité organisées peut être identifié, à défaut de ses nom et prénom, par un numéro d'immatriculation administrative, complété par sa qualité et son service ou son unité d'affectation, dans les actes de procédure qu'il établit ou dans lesquels il intervient.
« L'agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale peut également déposer ou comparaître comme témoin au cours de l'enquête ou devant les juridictions d'instruction ou de jugement et se constituer partie civile en utilisant ces mêmes éléments d'identification dans les cas suivants :
« 1° Lorsqu'il a rédigé des actes de procédure ou participé à des actes d'enquête ;
« 2° Lorsqu'il est entendu en qualité de témoin ou de partie civile en raison de faits commis dans l'exercice de ses fonctions ou en rapport avec l'exercice de ses fonctions.
« Ces éléments d'identification sont seuls mentionnés dans les procès-verbaux, les citations, les convocations, les ordonnances, les jugements et les arrêts.
« Le présent I n'est pas applicable lorsque, en raison d'un acte commis dans l'exercice de ses fonctions, l'agent mentionné au premier alinéa du présent I est entendu en application des articles 61-1 ou 62-2 ou fait l'objet de poursuites pénales. Par ailleurs, l'agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale ne peut se prévaloir de ces modalités d'identification lorsque les faits pour lesquels il est amené à déposer ou à comparaître en qualité de témoin ou de partie civile sont sans rapport avec l'exercice de ses fonctions.
« II. – Saisi par une partie à la procédure d'une requête écrite et motivée en vue de l'exercice des droits de la défense ou des droits de la partie civile et tendant à la communication des nom et prénom d'un agent identifié selon les modalités prévues au I du présent article, le juge d'instruction ou le président de la juridiction de jugement ou, lorsqu'il est fait application de l'article 77-2, le procureur de la République en informe l'agent, qui fait valoir le cas échéant ses observations tendant à s'y opposer.
« Le juge d'instruction, le président de la juridiction de jugement ou, lorsqu'il est fait application du même article 77-2, le procureur de la République communique l'identité de l'agent, sauf s'il estime, au regard des observations de celui-ci, que la révélation de son identité fait peser une menace sur sa vie ou son intégrité physique ou sur celles de ses proches.
« Lorsque le juge d'instruction, le président de la juridiction de jugement ou, lorsqu'il est fait application dudit article 77-2, le procureur de la République envisage de communiquer l'identité de l'agent malgré son opposition, l'agent peut former un recours suspensif devant la chambre de l'instruction ou le procureur général compétent. Lorsque la procédure est menée par le juge d'instruction ou qu'une juridiction est saisie, le procureur de la République interjette appel devant la chambre de l'instruction dans les conditions prévues aux articles 185 à 187-3. Lorsque la décision de communication de l'identité de l'agent relève du procureur de la République, le recours de l'agent dont l'identité est en cause est traité dans les conditions prévues à l'article 40-3.
« III. – Hors les cas prévus au dernier alinéa du I et au II du présent article, la révélation des nom et prénom du bénéficiaire d'une autorisation délivrée en application du I ou de tout élément permettant son identification personnelle ou sa localisation est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Lorsque cette révélation a entraîné des violences à l'encontre du bénéficiaire de l'autorisation ou de ses proches, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende. Lorsque cette révélation a entraîné la mort de l'agent ou de l'un de ses proches, les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende, sans préjudice du chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal.
« IV. – Un arrêté conjoint des ministres de l'intérieur et de la justice établit la liste des services spécialement chargés des enquêtes en matière de délinquance et de criminalité organisées mentionnés au premier alinéa du I du présent article. »
II. – Après l'article 3 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative à l'exercice par l'État de ses pouvoirs de police en mer pour la lutte contre certaines infractions relevant de conventions internationales, il est inséré un article 3-1 ainsi rédigé :
« Art. 3-1. – Dans le cadre de la mise en œuvre de la présente loi, les agents mentionnés à l'article 3 peuvent être autorisés, dans les conditions et selon les procédures définies à l'article 706-74-1 A du code de procédure pénale, à ne pas être identifiés par leurs nom et prénom dans les actes de procédure qu'ils établissent ou dans lesquels ils interviennent. »
III. – La seconde phrase du premier alinéa de l'article 55 bis du code des douanes est complétée par les mots : « et, pour les agents affectés dans un service figurant sur la liste mentionnée au IV de l'article 706-74-1 A du même code, selon les procédures prévues au même article 706-74-1 A ».
Article 15 bis A
La section 8 du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale est complétée par un article 706-105-2 ainsi rédigé :
« Art. 706-105-2. – Les interprètes requis à l'occasion d'une procédure pénale relative aux infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73, à l'exception du 11°, et des articles 706-73-1 et 706-74, aux fins d'assistance aux actes prévus à l'article 10-3 et au deuxième alinéa de l'article 100-5 ou en application de l'article 803-5 peuvent être autorisés par le procureur général compétent à ne pas être identifiés par leurs nom et prénom lorsque la révélation de leur identité est susceptible, compte tenu des conditions d'exercice de leur mission ou de la nature des procédures pour lesquelles ils sont requis, de mettre en danger leur vie ou leur intégrité physique ou celles de leurs proches.
« Cette autorisation permet à l'interprète qui en bénéficie d'être identifié par un numéro anonymisé.
« L'identité des interprètes mentionnés au premier alinéa du présent article ne peut être communiquée que sur décision du procureur général compétent. Elle est également communiquée, à sa demande, au président de la juridiction de jugement saisie des faits.
« La révélation des nom et prénom ou de tout élément permettant l'identification personnelle ou la localisation d'un interprète autorisé à ne pas être identifié par ses nom et prénom sur le fondement du même premier alinéa est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Lorsque cette révélation a entraîné des violences à l'encontre de l'interprète ou de ses proches, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende. Lorsque cette révélation a entraîné la mort de l'interprète ou de l'un de ses proches, les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende, sans préjudice du chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal.
« Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'État. »
Article 15 bis B
La section 8 du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale est complétée par un article 706-105-3 ainsi rédigé :
« Art. 706-105-3. – I. – Tout agent de l'administration pénitentiaire victime ou témoin, dans l'exercice de ses fonctions, d'une infraction mentionnée aux articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74 ou d'une infraction commise par une personne mise en cause, prévenue, accusée ou condamnée pour des infractions mentionnées aux mêmes articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 peut être autorisé à être identifié dans les actes de procédure, à défaut de ses nom et prénom, par un numéro d'immatriculation administrative, complété par sa qualité et son établissement ou son service d'affectation, lorsque la révélation de son identité est susceptible, compte tenu des conditions d'exercice de sa mission, de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches. Cette autorisation emporte également la possibilité pour l'agent concerné de déposer ou de comparaître comme témoin au cours de l'enquête ou devant les juridictions d'instruction ou de jugement et de se constituer partie civile en utilisant ces mêmes éléments d'identification.
« II. – Tout agent de l'administration pénitentiaire peut être autorisé à être identifié, dans les rapports qu'il rédige à la demande de l'autorité judiciaire dans le cadre d'une procédure pénale portant sur une infraction mentionnée aux articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74 ou sur une personne mise en cause, prévenue, accusée ou condamnée pour des infractions mentionnées aux mêmes articles 706-73, 706-73-1 et 706-74, à défaut de ses nom et prénom, par un numéro d'immatriculation administrative, complété par sa qualité et son établissement ou son service d'affectation.
« II bis (nouveau). – Les autorisations mentionnées aux I et II du présent article sont délivrées par le chef de l'établissement pénitentiaire ou par le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation compétent. Le numéro d'immatriculation administrative de l'agent ainsi que sa qualité et son établissement ou son service d'affectation sont alors les seuls mentionnés dans les rapports, procès-verbaux, citations, convocations, ordonnances, jugements ou arrêts.
« II ter (nouveau). – Les I et II ne sont pas applicables lorsque, en raison d'un acte commis dans l'exercice de ses fonctions, l'agent mentionné au premier alinéa du I est entendu en application des articles 61-1 ou 62-2 ou fait l'objet de poursuites pénales.
« L'agent de l'administration pénitentiaire ne peut se prévaloir de ces modalités d'identification lorsque les faits pour lesquels il est amené à déposer ou à comparaître en qualité de témoin ou de partie civile sont sans rapport avec l'exercice de ses fonctions.
« II quater (nouveau). – Saisi par une partie à la procédure d'une requête écrite et motivée en vue de l'exercice des droits de la défense ou des droits de la partie civile et tendant à la communication des nom et prénom d'un agent identifié selon les modalités prévues aux I et II du présent article, le juge d'instruction ou le président de la juridiction de jugement ou, lorsqu'il est fait application de l'article 77-2, le procureur de la République en informe l'agent, qui fait valoir, le cas échéant, ses observations tendant à s'y opposer.
« Le juge d'instruction, le président de la juridiction de jugement ou, lorsqu'il est fait application du même article 77-2, le procureur de la République communique l'identité de l'agent, sauf s'il estime, au regard des observations de celui-ci, que la révélation de son identité fait peser une menace sur sa vie ou son intégrité physique ou sur celles de ses proches.
« Lorsque le juge d'instruction, le président de la juridiction de jugement ou, lorsqu'il est fait application dudit article 77-2, le procureur de la République envisage de communiquer l'identité de l'agent malgré l'opposition de celui-ci, l'agent peut former un recours suspensif devant la chambre de l'instruction ou le procureur général compétent. Lorsque la procédure est menée par le juge d'instruction ou qu'une juridiction est saisie, le procureur de la République interjette appel devant la chambre de l'instruction dans les conditions prévues aux articles 185 à 187-3. Lorsque la décision de communication de l'identité de l'agent relève du procureur de la République, le recours de l'agent dont l'identité est en cause est traité dans les conditions prévues à l'article 40-3.
« II quinquies (nouveau). – Hors les cas prévus aux II ter et II quater du présent article, la révélation des nom et prénom du bénéficiaire d'une autorisation délivrée en application du I ou du II ou de tout élément permettant son identification personnelle ou sa localisation est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Lorsque cette révélation a entraîné des violences à l'encontre du bénéficiaire de l'autorisation ou de ses proches, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende. Lorsque cette révélation a entraîné la mort de l'agent ou de l'un de ses proches, les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende, sans préjudice du chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal.
« III. – Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'État. »
Article 15 bis C
La section 8 du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale est complétée par un article 706-105-4 ainsi rédigé :
« Art. 706-105-4. – Les professionnels accompagnant les mineurs dans le cadre d'une procédure pénale relative aux infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 du code de procédure pénale, dont la liste est définie par décret, peuvent être autorisés par le procureur général compétent à ne pas être identifiés par leurs nom et prénom lorsque la révélation de leur identité est susceptible, compte tenu des conditions d'exercice de leur mission ou de la nature des procédures pour lesquelles ils accompagnent les mineurs, de mettre en danger leur vie ou leur intégrité physique ou celles de leurs proches. Cette autorisation permet aux personnes qui en bénéficient d'être identifiées par un numéro anonymisé.
« L'identité des professionnels mentionnés au premier alinéa du présent article ne peut être communiquée que sur décision du procureur général compétent. Elle est également communiquée, à sa demande, au président de la juridiction de jugement saisie des faits.
« Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'État. »
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Article 15 ter
L'article 706-96 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre d'une enquête ou d'une information judiciaire relative à l'une des infractions prévues aux 1° à 6° et 11° à 12° de l'article 706-73, au blanchiment des mêmes infractions ou à une association de malfaiteurs qui a pour objet la préparation de l'une desdites infractions, il peut également être recouru, pour les finalités mentionnées au premier alinéa du présent article, à un dispositif permettant l'activation à distance d'un appareil électronique fixe. Cette opération est autorisée par le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, ou par le juge d'instruction, après avis du procureur de la République. Le procureur de la République ou le juge d'instruction peut désigner toute personne physique ou morale habilitée et inscrite sur l'une des listes prévues à l'article 157 en vue d'effectuer les opérations techniques permettant la mise en œuvre du dispositif mentionné au présent alinéa ; il peut également prescrire le recours aux moyens de l'État soumis au secret de la défense nationale, selon les formes prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier. »
Article 15 quater
Après le paragraphe 3 de la section 6 du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale, il est inséré un paragraphe 3 bis ainsi rédigé :
« Paragraphe 3 bis
« De l'activation à distance des appareils électroniques mobiles
« Art. 706-99. – Dans le cadre d'une enquête ou d'une information judiciaire relative à l'une des infractions prévues aux 1° à 6° et 11° à 12° de l'article 706-73, au blanchiment des mêmes infractions ou à une association de malfaiteurs qui a pour objet la préparation de l'une desdites infractions, lorsque les circonstances de l'enquête ne permettent pas la mise en place de la technique mentionnée au premier alinéa de l'article 706-96 au regard soit de l'impossibilité de déterminer les lieux où le dispositif technique pourrait être utilement mis en place, soit des risques d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique des agents chargés de la mise en œuvre de ces dispositifs, le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, ou le juge d'instruction, après avis du procureur de la République, peut autoriser l'activation à distance d'un appareil électronique mobile, à l'insu ou sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur, aux seules fins de procéder à la captation, à la fixation, à la transmission et à l'enregistrement des paroles prononcées par des personnes ou de l'image de ces dernières, pendant une durée strictement proportionnée à l'objectif recherché.
« L'autorisation est délivrée pour une durée de quinze jours, renouvelable une fois, dans le cas mentionné au 1° de l'article 706-95-12 et pour une durée de deux mois, renouvelable deux fois, dans le cas mentionné au 2° du même article 706-95-12.
« La décision autorisant le recours à l'activation à distance mentionnée au premier alinéa du présent article précise l'infraction qui motive le recours à ces opérations, la durée de celles-ci ainsi que tous les éléments permettant d'identifier l'appareil. Elle est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que cette opération est nécessaire et fait état des motifs attestant de l'impossibilité de recourir au dispositif technique mentionné au premier alinéa de l'article 706-96.
« Le procureur de la République ou le juge d'instruction peut désigner toute personne physique ou morale habilitée et inscrite sur l'une des listes prévues à l'article 157 en vue d'effectuer les opérations techniques permettant la mise en œuvre de l'activation à distance mentionnée au premier alinéa du présent article ; il peut également prescrire le recours aux moyens de l'État soumis au secret de la défense nationale, selon les formes prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier.
« Art. 706-100. – À peine de nullité, l'activation à distance d'un appareil électronique mobile mentionnée à l'article 706-99 ne peut concerner les appareils utilisés par un député, un sénateur, un magistrat, un avocat, un journaliste ou un médecin.
« À peine de nullité, et hors les cas prévus à l'article 56-1-2, ne peuvent être transcrites les données relatives aux échanges avec un avocat qui relèvent de l'exercice des droits de la défense et qui sont couvertes par le secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
« À peine de nullité, ne peuvent être transcrites les données relatives aux échanges avec un journaliste permettant d'identifier une source en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
« À peine de nullité, ne peuvent être transcrites les données collectées grâce à l'activation à distance d'un appareil électronique mobile s'il apparaît que ce dernier se trouvait dans l'un des lieux mentionnés aux articles 56-1, 56-2, 56-3 et 56-5 du présent code.
« Le magistrat ayant autorisé le recours au dispositif ordonne, dans les meilleurs délais et dans les conditions prévues à l'article 706-95-14, la destruction des données qui ne peuvent être transcrites. Il ordonne également la destruction des procès-verbaux et des données collectées lorsque les opérations n'ont pas été réalisées conformément à son autorisation ou lorsque les formalités prévues par le présent code n'ont pas été respectées. »
Article 16
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° A Au deuxième alinéa de l'article 194, les mots : « ou 167, avant-dernier alinéa » sont remplacés par les mots : « 167, avant-dernier alinéa ou 706– 104 » ;
1°, 2° et 2° bis (Supprimés)
2° ter Après la première occurrence du mot : « opérations », la fin de l'article 706-102-3 est ainsi rédigée : « ainsi que la durée de ces dernières.
« Sous réserve de l'application de l'article 706-104, elle précise également la localisation exacte ou la description détaillée des systèmes de traitement automatisé de données. » ;
3° La section 7 du chapitre II du titre XXV du livre IV est complétée par des articles 706-104 à 706-104-1 ainsi rédigés :
« Art. 706-104. – I. – Lorsque, dans une enquête ou une instruction relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73 et 706-73-1, la divulgation des informations relatives à la mise en œuvre d'une technique spéciale d'enquête mentionnée aux sections 5 et 6 du présent chapitre est de nature à mettre gravement en danger la vie ou l'intégrité physique d'une personne, des membres de sa famille ou de ses proches, le juge des libertés et de la détention, saisi à tout moment par requête motivée du procureur de la République ou du juge d'instruction, peut, par décision motivée, autoriser que n'apparaissent pas dans le dossier de la procédure :
« 1° Les informations relatives à la date, à l'heure et au lieu de la mise en place des dispositifs techniques d'enquête mentionnés aux mêmes sections 5 et 6 ;
« 2° Les informations permettant d'identifier une personne ayant concouru à l'installation ou au retrait du dispositif technique mentionné au présent chapitre.
« La requête précise les raisons impérieuses qui justifient que ces informations ne soient pas versées au dossier de la procédure. Elle comporte toute indication permettant d'apprécier le respect des principes de proportionnalité et de subsidiarité.
« II. – La décision du juge des libertés et de la détention est jointe au dossier de la procédure. Les informations mentionnées aux 1° et 2° du I du présent article sont inscrites dans un procès-verbal, qui est versé dans un dossier distinct du dossier de la procédure, dans lequel figure également la requête prévue au premier alinéa du même I. Ces informations sont inscrites sur un registre coté et paraphé, qui est ouvert à cet effet au tribunal judiciaire.
« II bis et II ter. – (Supprimés)
« III. – Au cours de l'enquête ou de l'instruction, le dossier distinct est accessible à tout moment au procureur de la République ou au juge d'instruction et au juge des libertés et de la détention. Il est également accessible au président de la chambre de l'instruction ou à ladite chambre dans le cadre de sa saisine.
« La divulgation des indications y figurant est passible des peines prévues à l'article 413-13 du code pénal.
« Art. 706-104-1 A. – Sans préjudice des recours portant sur la régularité de la technique mise en place, la personne mise en cause ou mise en examen ou le témoin assisté peut également, dans un délai de dix jours à compter de la date à laquelle il lui a été donné connaissance de la technique spéciale d'enquête, contester devant le président de la chambre de l'instruction le recours à la procédure prévue à l'article 706-104. La décision du président de la chambre de l'instruction n'est pas susceptible de recours.
« Le président de la chambre de l'instruction peut, si la complexité du dossier le justifie, décider, soit d'office, soit sur demande du procureur de la République, de la personne mise en cause ou mise en examen ou du témoin assisté, de renvoyer le jugement du dossier devant la formation collégiale de la juridiction. Il fait alors partie de la composition de cette juridiction. Cette décision constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours.
« Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le fondement des éléments recueillis au moyen d'une technique d'enquête dont certains éléments ont été inscrits sur le procès-verbal distinct, sauf si la requête et le procès-verbal mentionnés au II dudit article 706-104 ont été versés au dossier.
« Art. 706-104-1. – Par dérogation au dernier alinéa de l'article 706-104-1 A et hors les cas dans lesquels la connaissance des informations mentionnées aux 1° et 2° du I de l'article 706-104 est indispensable à l'exercice des droits de la défense, le juge des libertés et de la détention, saisi par requête motivée du procureur de la République ou du juge d'instruction, peut autoriser, à titre exceptionnel et par décision spécialement motivée, que certains éléments recueillis dans les conditions prévues au même article 706-104 puissent fonder une condamnation sans que la requête et le procès-verbal mentionné au II dudit article 706-104 aient été versés au dossier lorsque leur connaissance est absolument nécessaire à la manifestation de la vérité en considération de raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête ou de l'instruction mais que la divulgation des informations mentionnées aux 1° et 2° du I du même article 706-104 présenterait un risque excessivement grave pour la vie ou l'intégrité physique d'une ou de plusieurs personnes.
« La personne incriminée sur le fondement de ces éléments peut, dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision du juge des libertés et de la détention rendue en application du premier alinéa du présent article, contester devant la chambre de l'instruction le recours à la procédure prévue au présent article. Lorsque la chambre estime que les conditions mentionnées au premier alinéa ne sont pas réunies ou que la connaissance des informations mentionnées aux 1° et 2° du I de l'article 706-104 n'est plus susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l'intégrité physique de la personne, des membres de sa famille ou de ses proches, elle subordonne le caractère incriminant des éléments recueillis au versement, au dossier de procédure, du procès-verbal mentionné au II du même article 706-104.
« La chambre de l'instruction statue au vu des pièces de la procédure et de celles figurant dans le dossier mentionné au premier alinéa du présent article, par une décision motivée. » ;
4° (Supprimé)
Article 16 bis
L'article 706-95-20 du code de procédure pénale est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – Au cours de l'enquête, en vue de mettre en place un dispositif technique mentionné au I du présent article et sur requête du procureur de la République, le juge des libertés et de la détention peut autoriser l'introduction dans un lieu privé, y compris en dehors des heures prévues à l'article 59, à l'insu ou sans le consentement du propriétaire ou de l'occupant des lieux ou de toute personne titulaire d'un droit sur ceux-ci. Ces opérations, qui ne peuvent avoir d'autre fin que la mise en place du dispositif technique, sont effectuées sous le contrôle du juge des libertés et de la détention. Le présent alinéa s'applique également aux opérations ayant pour objet la désinstallation du dispositif technique mis en place.
« Au cours de l'information, en vue de mettre en place un dispositif technique mentionné au I du présent article, le juge d'instruction peut autoriser l'introduction dans un lieu privé, y compris en dehors des heures prévues à l'article 59, à l'insu ou sans le consentement du propriétaire ou de l'occupant des lieux ou de toute personne titulaire d'un droit sur ceux-ci. S'il s'agit d'un lieu d'habitation et que l'opération doit intervenir en dehors des heures prévues au même article 59, l'autorisation est délivrée par le juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par le juge d'instruction. Ces opérations, qui ne peuvent avoir d'autre fin que la mise en place du dispositif technique, sont effectuées sous l'autorité et le contrôle du juge d'instruction. Le présent alinéa est également applicable aux opérations ayant pour objet la désinstallation du dispositif technique mis en place.
« La mise en place du dispositif technique ne peut concerner les lieux mentionnés aux articles 56-1, 56-2, 56-3 et 56-5 ni être mise en œuvre dans le bureau ou le domicile des personnes mentionnées à l'article 100-7.
« La décision autorisant le recours au dispositif technique mentionné au I du présent article comporte tous les éléments permettant d'identifier les lieux privés ou publics visés, l'infraction qui motive le recours à cette mesure ainsi que la durée de celle-ci. »
Article 17
I. – L'avant-dernier alinéa de l'article 230-46, le dernier alinéa de l'article 706-32, le second alinéa de l'article 706-80-2, le deuxième alinéa de l'article 706-81 et le dernier alinéa de l'article 706-106 du code de procédure pénale sont complétés par une phrase ainsi rédigée : « Ne constituent pas une incitation à commettre une infraction les actes qui contribuent à la poursuite d'une infraction déjà préparée ou débutée au moment où l'autorisation mentionnée au présent article a été accordée par le magistrat compétent, y compris en cas de réitération ou d'aggravation de l'infraction initiale. »
II. – Le code des douanes est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l'article 67 bis-1 A est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ne constituent pas une incitation à commettre une infraction les actes qui contribuent à la poursuite d'une infraction déjà préparée ou débutée au moment de l'information du procureur de la République, y compris en cas de réitération ou d'aggravation de l'infraction initiale. » ;
2° L'avant-dernier alinéa du II de l'article 67 bis, l'avant-dernier alinéa de l'article 67 bis-1 et le second alinéa de l'article 67 bis-4 sont complétés par une phrase ainsi rédigée : « Ne constituent pas une incitation à commettre une infraction les actes qui contribuent à la poursuite d'une infraction déjà préparée ou débutée au moment où l'autorisation mentionnée au présent article a été accordée par le procureur de la République, y compris en cas de réitération ou d'aggravation de l'infraction initiale. »
Article 17 bis A
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À l'avant-dernier alinéa de l'article 230-46, les mots : « à commettre » sont remplacés par les mots : « ayant déterminé la commission de » ;
2° Au dernier alinéa de l'article 706-32, au second alinéa de l'article 706-80-2 et au dernier alinéa de l'article 706-106, les mots : « à commettre » sont remplacés par les mots : « ayant déterminé la commission d' » ;
3° À la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 706-81, les mots : « à commettre des » sont remplacés par les mots : « ayant déterminé la commission d' ».
II. – Le code des douanes est ainsi modifié :
1° À la dernière phrase de l'avant-dernier alinéa du II de l'article 67 bis, les mots : « à commettre des » sont remplacés par les mots : « ayant déterminé la commission d' » ;
2° Au dernier alinéa de l'article 67 bis-1 A, les mots : « à commettre » sont remplacés par les mots : « ayant déterminé la commission de ».
Article 17 bis
I. – La première phrase du deuxième alinéa de l'article 706-81 du code de procédure pénale est complétée par les mots : « ou comme une victime, un tiers mandaté par cette dernière ou toute personne intéressée à la commission de l'infraction ».
II. – À la première phrase de l'avant-dernier alinéa du II de l'article 67 bis du code des douanes, le mot : « intéressés » est remplacé par les mots : « receleurs ou comme une victime, un tiers mandaté par cette dernière ou toute personne intéressée ».
Article 18
I. – L'article 706-32 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « pénal, », sont insérés les mots : « de constater une opération de blanchiment constitutive de l'infraction mentionnée à l'article 222-38 du même code, » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L'autorisation mentionnée au premier alinéa du présent article peut également permettre aux officiers ou agents de police judiciaire concernés de recourir à une identité d'emprunt, y compris en faisant usage d'un dispositif permettant d'altérer ou de transformer leur voix ou leur apparence physique. »
II. – (Supprimé)
Article 19
I. – L'article 15-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité est abrogé.
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° La section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier est complétée par un article 15-6 ainsi rédigé :
« Art. 15-6. – Les services de police et de gendarmerie ainsi que les agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en application de l'article 28-1 peuvent rétribuer toute personne étrangère aux administrations publiques qui leur a fourni des renseignements ayant amené directement soit la découverte de crimes ou de délits, soit l'identification des auteurs de crimes ou de délits.
« Les modalités de la rétribution de ces informateurs sont déterminées par arrêté conjoint du ministre de la justice, du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des finances. » ;
1° bis Le titre IV du même livre Ier est complété par un chapitre IX ainsi rédigé :
« CHAPITRE IX
« Du recours aux informateurs et de la protection de leur anonymat
« Art. 230-54. – I. – Afin de constater les crimes ou les délits, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, les officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours de l'enquête ou sur commission rogatoire peuvent avoir recours à des informateurs. Les informations permettant de déterminer que ces derniers ont concouru à l'enquête ou de les identifier n'apparaissent pas dans la procédure.
« Le recueil des renseignements, qu'il ait été sollicité ou non, s'effectue sous la responsabilité de l'autorité hiérarchique et par des agents spécialement formés et dûment habilités.
« Un décret détermine les conditions d'application du présent article, notamment les modalités d'évaluation collégiale des informateurs par les services de police et de gendarmerie.
« II. – Les relations entre les officiers ou agents de police judiciaire et les informateurs mentionnés au I ne peuvent inciter, de manière à la déterminer, à la commission d'une infraction. Ne constituent pas une incitation à commettre une infraction les relations qui contribuent à la poursuite d'une infraction déjà préparée ou débutée au moment où le recueil a été consenti ou sollicité, y compris en cas de réitération ou d'aggravation de l'infraction initiale. » ;
2° La section 2 du chapitre II du titre XXV du livre IV est complétée par un article 706-87-1 ainsi rétabli :
« Art. 706-87-1. – I. – Lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction concernant l'un des crimes ou délits entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 le justifient, le procureur de la République anti-criminalité organisée peut, après avoir recueilli l'avis de la commission mentionnée à l'article 706-63-1, autoriser l'infiltration civile des informateurs mentionnés à l'article 15-6, lorsqu'ils sont majeurs, dans les conditions prévues à la section 1 du présent chapitre, sous réserve des dispositions spécifiques de la présente section.
« Cette autorisation ne peut intervenir qu'après une évaluation effectuée par un service placé sous l'autorité ou sous la tutelle du ministre de l'intérieur et figurant sur une liste fixée par décret, aux fins d'évaluer la personnalité et l'environnement de cette personne.
« La conduite de l'infiltration civile se fait sur le fondement d'une convention conclue entre le procureur de la République anti-criminalité organisée et l'informateur, qui indique :
« 1° La liste des délits auxquels l'informateur infiltré est autorisé à participer, sans être pénalement responsable de ses actes, à la seule fin de se faire passer, auprès des personnes suspectées de commettre un crime ou un délit mentionné au premier alinéa du présent I, pour l'un de leurs coauteurs, complices ou receleurs. À peine de nullité, cette participation ne peut porter sur des crimes, des délits de violences volontaires contre les personnes, ou des infractions plus graves que celles dont la recherche a justifié l'autorisation de l'opération ou comporter des actes constituant une incitation, de manière à la déterminer, à la commission d'une infraction ;
« 2° La durée pour laquelle l'infiltration civile est autorisée. Cette durée ne peut pas excéder trois mois et est renouvelable trois fois, la convention pouvant être mise à jour à tout moment au cours de la période d'autorisation ;
« 3° La rétribution accordée à l'informateur infiltré ainsi que les éventuelles réductions de peine dont il bénéficie en application de l'article 132-78 du code pénal pour des délits commis avant la conclusion de la convention ;
« 4° (nouveau) Les mesures de protection et de réinsertion dont l'informateur infiltré peut bénéficier. Celles-ci sont définies, sur réquisitions du procureur de la République anti-criminalité organisée, par la commission mentionnée à l'article 706-63-1. Au titre des mesures de protection, l'informateur peut, en cas de nécessité, être autorisé à faire usage d'une identité d'emprunt. La commission nationale fixe les obligations que doit respecter l'informateur et assure le suivi des mesures de protection et de réinsertion, qu'elle peut modifier ou auxquelles elle peut mettre fin à tout moment. En cas d'urgence, les services compétents prennent les mesures nécessaires et en informent sans délai la commission nationale.
« La convention précise que, en cas de commission par l'informateur infiltré d'une infraction ne figurant pas dans la convention au titre du 1° du présent I, il encourt la révocation des avantages de toute nature qui lui ont été accordés, sur simple décision du procureur de la République national anti-criminalité organisée. Cette décision constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours.
« La convention comporte également l'engagement de l'informateur infiltré de ne pas commettre un nouveau crime ou un nouveau délit pendant une durée de dix ans à compter du jour où l'infiltration civile prend fin, de faire des déclarations complètes et sincères et de répondre aux convocations délivrées dans le cadre de la procédure. Lorsque cette comparution est susceptible de mettre gravement en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches, la chambre de l'instruction peut, d'office ou à la demande de l'informateur, ordonner sa comparution à tous les stades de la procédure dans des conditions de nature à préserver son anonymat, y compris par l'utilisation d'un dispositif technique mentionné à l'article 706-61. Dans ce cas, cette décision est valable pour toute procédure à laquelle il est témoin ou partie. La chambre de l'instruction statue après avoir recueilli les observations écrites du procureur général et des parties concernées.
« L'infiltration civile est effectuée sous le contrôle du procureur de la République anti-criminalité organisée, qui peut l'interrompre à tout moment, et sous la supervision d'un officier de police judiciaire spécialement habilité dans des conditions fixées par décret. L'officier de police judiciaire peut être autorisé par le procureur de la République national anti-criminalité organisée à faire usage, dans ses relations avec l'informateur infiltré, d'une identité d'emprunt.
« En cas de décision d'interruption de l'opération ou à l'expiration du délai fixé par la décision autorisant l'infiltration civile et en l'absence de prolongation, l'informateur infiltré peut poursuivre les activités mentionnées au présent article, sans en être pénalement responsable, le temps strictement nécessaire à la garantie de sa sécurité et de celle de ses proches. Cette poursuite fait l'objet d'une autorisation écrite et motivée du procureur de la République anti-criminalité organisée.
« L'infiltration civile fait l'objet d'un rapport rédigé par l'officier de police judiciaire ayant supervisé l'opération, qui comprend les éléments strictement nécessaires à la constatation des infractions et ne met pas en danger la sécurité de l'informateur infiltré.
« L'infiltration civile prend fin de plein droit dès lors que les conditions de la convention mentionnée au présent I n'ont pas été respectées par l'informateur infiltré. Ce dernier est alors responsable pénalement de l'ensemble des actes qu'il a commis.
« Lorsque l'informateur mentionné au premier alinéa du présent I est entendu en qualité de témoin, les questions qui lui sont posées ne peuvent avoir pour objet ni pour effet de révéler, directement ou indirectement, sa véritable identité.
« Hors le cas où l'informateur infiltré ne dépose pas sous sa véritable identité, aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations faites par celui-ci.
« II (nouveau). – Si, au cours d'une durée de dix ans à compter du jour où l'opération d'infiltration a pris fin, surviennent des éléments nouveaux faisant apparaître le caractère mensonger ou volontairement incomplet des déclarations faites par l'informateur infiltré auprès de l'officier de police judiciaire chargé de superviser l'infiltration, si l'informateur commet dans ce même délai une nouvelle infraction ou s'il refuse d'être entendu en application du 4° du I ou de s'acquitter de toute obligation prévue par la convention mentionnée au même I, le tribunal de l'application des peines peut, sur réquisitions du procureur de la République anti-criminalité organisée ou d'un de ses substituts, ordonner par une décision motivée, rendue après un débat contradictoire tenu en chambre du conseil, la mise à exécution de l'emprisonnement décidé en application de l'article 132-78-1 du code pénal ; il ordonne également le remboursement total ou partiel des rétributions perçues en application du 3°.
« III (nouveau). – Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent article. »
Article 20
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° A Au début de la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 115, sont ajoutés les mots : « Sauf lorsque la personne est mise en examen pour l'une des infractions mentionnées aux articles 706-73, 706-73-1 ou 706-94, » ;
1° (Supprimé)
1° bis La première phrase du troisième alinéa de l'article 173 est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « adresse », sont insérés les mots : « , à peine d'irrecevabilité, » ;
b) (Supprimé)
1° ter A L'article 197 est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsqu'un arrêt de la chambre de l'instruction renvoie l'examen de l'affaire à une nouvelle date, le procureur général est dispensé de notification aux parties et aux avocats qui étaient présents lors du prononcé de l'arrêt. » ;
b) Au deuxième alinéa, après le mot : « recommandée », sont insérés les mots : « ou, lorsqu'il en est dispensé, du prononcé de l'arrêt ordonnant le renvoi de l'examen de l'affaire » ;
1° ter L'article 198 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le dernier mémoire déposé par une partie récapitule l'ensemble des moyens pris de nullité de la procédure, à défaut de quoi ils sont réputés avoir été abandonnés. » ;
b) (Supprimé)
2° et 2° bis (Supprimés)
3° L'article 385 est ainsi modifié :
a) À la fin de la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « ou avant l'expiration des délais d'un mois ou de trois mois prévus par l'article 175 » sont supprimés ;
b) (Supprimé)
4° (Supprimé)
Article 20 bis
Le premier alinéa de l'article 324-1 du code pénal est complété par une phrase ainsi rédigée : « Quels que soient les faits matériels qui le caractérisent, il est réputé occulte au sens de l'article 9-1 du code de procédure pénale. »
Article 20 ter
(Supprimé)
Article 21
I. – (Supprimé)
II. – La loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative à l'exercice par l'État de ses pouvoirs de police en mer pour la lutte contre certaines infractions relevant de conventions internationales est ainsi modifiée :
1° A Le 2° de l'article 1er est complété par les mots : « et l'infraction définie à l'article 434-4 du même code lorsqu'elle est en relation avec l'une de ces mêmes infractions » ;
1° (Supprimé)
2° L'article 5 est ainsi modifié :
aa) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises toute personne soupçonnée d'avoir commis au-delà de la mer territoriale française l'infraction de participation à une association de malfaiteurs prévue à l'article 450-1 du code pénal, lorsque ladite association de malfaiteurs a été formée ou établie en vue de commettre sur le territoire français une ou plusieurs autres infractions mentionnées au 2° de l'article 1er de la présente loi. » ;
ab) Au début du troisième alinéa, sont ajoutés les mots : « Sous réserve du troisième alinéa du présent article, » ;
a et b) (Supprimés)
3° (Supprimé)
Article 21 bis
L'article 230-22 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation, si les enquêtes et investigations mentionnées au même 1° portant sur une ou plusieurs infractions mentionnées aux articles 706-73 à 706-74 se poursuivent après l'expiration du délai de trois ans prévu au premier alinéa du présent article, les données à caractère personnel éventuellement révélées par ces enquêtes et investigations peuvent être conservées jusqu'à la clôture de l'enquête, sur décision du magistrat saisi de l'enquête ou chargé de l'instruction. La décision de prolongation est valable pour deux ans et est renouvelable jusqu'à la clôture de l'enquête. » ;
2° Au second alinéa, les mots : « du même article » sont remplacés par les mots : « de l'article 230-20 ».
Article 21 ter
I. – (Supprimé)
II. – La section 2 du chapitre IV du titre II du code des douanes est ainsi modifiée :
1° (Supprimé)
2° Sont ajoutés des articles 64-1 à 64-6 ainsi rédigés :
« Art. 64-1. – En cas de délit flagrant, si les nécessités de l'enquête douanière relative aux infractions mentionnées au dernier alinéa de l'article 414, lorsqu'elles portent sur des produits stupéfiants et qu'elles sont commises en bande organisée, l'exigent, le juge des libertés et de la détention peut autoriser les agents des douanes qui y sont habilités à effectuer des opérations de visite et de saisie en dehors des heures prévues à l'article 64. Ces opérations ne peuvent, à peine de nullité, concerner des locaux d'habitation.
« Art. 64-2. – (Supprimé)
« Art. 64-3. – À peine de nullité, l'autorisation prévue à l'article 64-1 est donnée pour des opérations de visite et de saisie déterminées et fait l'objet d'une ordonnance écrite précisant la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels les visites et les saisies peuvent être faites.
« Les opérations sont faites sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales. Ce magistrat est informé dans les meilleurs délais par les agents des douanes habilités des actes accomplis en application de l'article 64-1.
« Pour l'application du même article 64-1, est compétent le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire du lieu où se déroulent les opérations de visite et de saisie. La visite s'effectue sous le contrôle du juge qui a autorisé la visite.
« Art. 64-4. – Les opérations prévues à l'article 64-1 ne peuvent, à peine de nullité, avoir d'autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans la décision du juge des libertés et de la détention.
« Le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision du juge des libertés et de la détention ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.
« Art. 64-5. – L'ordonnance mentionnée à l'article 64-3 peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel dans les conditions prévues à l'article 64.
« L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les conditions prévues au même article 64.
« Art. 64-6. – Le premier président de la cour d'appel connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie autorisées en application de l'article 64-3 dans les conditions prévues à l'article 64.
« L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les conditions prévues au même article 64. »
Article 21 quater
Après la section 1 bis du chapitre II du titre XII du code des douanes, est insérée une section 1 ter ainsi rédigée :
« Section 1 ter
« De la commission rogatoire du juge d'instruction
« Art. 344-5. – Des agents des douanes, spécialement habilités par le ministre de la justice sur proposition du ministre chargé des douanes, peuvent recevoir du juge d'instruction des commissions rogatoires pour rechercher et constater les infractions prévues par le présent code. Ils peuvent uniquement mettre en œuvre les pouvoirs prévus aux sections 1, 3, 5 et 11 du chapitre IV du titre II, à l'exception des articles 60-3 et 65 quinquies, ainsi que les pouvoirs prévus aux chapitres IV bis et VI du même titre II. »
Article 21 quinquies
(Pour coordination)
I. – L'article 28-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le 5° du I est complété par les mots : « et, lorsqu'elles font suite à des constatations effectuées en application du code des douanes, par l'article 222-38 du même code » ;
2° À la première phrase du premier alinéa du II, après la référence : « 222-40 », sont insérés les mots : « du code pénal, sans préjudice du 5° du I du présent article, et ».
II. – La section 7 du chapitre IV du titre II du code des douanes est complétée par des articles 67 bis-6 et 67 bis-7 ainsi rédigés :
« Art. 67 bis-6. – Si les nécessités de l'enquête douanière relative aux délits mentionnés au dernier alinéa de l'article 414, lorsqu'ils portent sur des produits stupéfiants et qu'ils sont commis en bande organisée l'exigent, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans des conditions définies par décret peuvent être autorisés par le juge des libertés et de la détention à utiliser les techniques mentionnées au dernier alinéa de l'article 706-96 et à l'article 706-99 du code de procédure pénale. Cette utilisation se fait dans les conditions et selon les modalités prévues à la section 6 du chapitre II du titre XXV du livre IV du même code.
« Est compétent le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel la mise en place de la technique est envisagée. En cas d'autorisation, l'emploi de la technique s'effectue sous son contrôle ; il est informé sans délai des actes accomplis en application de son autorisation et peut à tout moment interrompre l'utilisation de la technique.
« Art. 67 bis-7. – Pour la mise en œuvre des procédures mentionnées aux articles 67 bis-5 et 67 bis-6, les agents des douanes habilités peuvent être autorisés à recourir au procès-verbal distinct prévu à l'article 706-104 du code de procédure pénale. Ce recours s'effectue selon les mêmes conditions, formes et procédures.
« Est compétent le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel la mise en place de la technique est envisagée. En cas d'autorisation, l'emploi de la technique s'effectue sous son contrôle ; il est informé sans délai des actes accomplis en application de son autorisation et peut à tout moment interrompre l'utilisation de la technique. »
TITRE VI
LUTTE CONTRE LA CORRUPTION LIÉE AU NARCOTRAFIC ET CONTRE LA POURSUITE DES TRAFICS EN PRISON
Article 22
I. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
A. – Le chapitre IV du titre Ier du livre Ier est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° L'article L. 114-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, après le mot : « défense », sont insérés les mots : « , soit les emplois publics et privés exposant leurs titulaires à des risques de corruption ou de menaces liées à la criminalité organisée » ;
b) (Supprimé)
3° (Supprimé)
A bis. – (Supprimé)
B. – À l'article L. 263-1, la référence : « IV » est remplacée par la référence : « VI ».
II. – Le code des transports est ainsi modifié :
A. – (Supprimé)
B. – Le livre III de la cinquième partie est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° L'article L. 5312-9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut être nommé membre du directoire s'il résulte de l'enquête administrative à laquelle il est procédé dans les conditions prévues au I de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure que son comportement est incompatible avec l'exercice des missions attribuées à cette instance. L'enquête est renouvelée chaque année. » ;
3° (Supprimé)
3° bis À l'article L. 5332-1, les mots : « , figurant sur une liste arrêtée par le ministre chargé des ports, » sont supprimés ;
3° ter AA L'article L. 5332-3 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Au 2°, les mots : « d'objets ou de produits prohibés tels que des armes ou des substances et engins dangereux non autorisés » sont remplacés par les mots : « d'armes, de substances et d'engins dangereux non autorisés, de stupéfiants et d'autres objets ou substances illicites » ;
c) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Des mesures de sûreté peuvent également avoir pour objet d'empêcher toute manipulation criminelle des cargaisons et toute extraction de stupéfiants hors des installations portuaires et des limites de sûreté portuaire.
« II. – Des mesures de sûreté peuvent être mises en œuvre pour prévenir les risques de compromission et de corruption des personnes physiques et morales identifiés dans les évaluations de sûreté prévues aux articles L. 5332-5 et L. 5332-9 et sont, le cas échéant, précisées dans les plans de sûreté prévus aux articles L. 5332-7 et L. 5332-10. » ;
3° ter A Au premier alinéa de l'article L. 5332-5, les mots : « figurant sur la liste prévue » sont remplacés par le mot : « mentionné » ;
3° ter Après le premier alinéa des articles L. 5332-7 et L. 5332-10, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le plan de sûreté comporte un volet consacré à la prévention et à la détection de la corruption liée à la criminalité organisée. » ;
3° quater A L'article L. 5332-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5332-8. – Pour des raisons de sûreté ou aux fins de prévenir la commission ou la tentative de commission d'infractions mentionnées à la section 7 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal, l'autorité administrative peut :
« 1° Interdire ou restreindre l'accès et les mouvements des navires, des bateaux ou d'autres engins flottants :
« a) Dans la partie des limites portuaires de sûreté mentionnées à l'article L. 5332-6 du présent code situées en dehors des limites administratives du port ;
« b) Dans les limites administratives du port, en enjoignant à l'autorité investie du pouvoir de police portuaire d'y procéder ;
« 2° Ordonner l'expulsion des navires, des bateaux ou d'autres engins flottants :
« a) Hors des limites administratives du port, en enjoignant à l'autorité investie du pouvoir de police portuaire d'y procéder ;
« b) Hors de la partie des limites portuaires de sûreté mentionnées à l'article L. 5332-6 situées en dehors des limites administratives du port. » ;
3° quater L'article L. 5332-11 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – L'inspection-filtrage comprend, selon les cas, les opérations techniques suivantes :
« 1° L'inspection, la détection et l'identification d'armes, de substances et d'engins dangereux non autorisés, de stupéfiants et d'autres objets ou substances illicites au moyen d'équipements de sûreté spécifiques sur :
« a) Les personnes ;
« b) Les véhicules, les unités de transport intermodal, les marchandises, les bagages, les colis et les autres biens ;
« 2° L'inspection visuelle des bagages et des véhicules ;
« 3° Les palpations de sûreté sur les personnes ;
« 4° Les fouilles de sûreté des véhicules, des unités de transport intermodal, des marchandises, des bagages, des colis et des autres biens. » ;
3° quinquies A Le second alinéa de l'article L. 5332-13 est supprimé ;
3° quinquies L'article L. 5332-14 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Sont ajoutés des I bis et II ainsi rédigés :
« I bis (nouveau). – Les systèmes de vidéosurveillance mis en œuvre sous la responsabilité des autorités portuaires et des exploitants d'installations portuaires sont des traitements de données à caractère personnel régis par le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
« II. – Aux seules fins de prévenir les infractions liées au trafic de stupéfiants et les risques de corruption et de trafic d'influence induits, l'autorité administrative peut exiger, en conclusion de l'évaluation de sûreté prévue à l'article L. 5332-9 d'une installation portuaire où sont chargés, déchargés, transbordés ou manutentionnés des conteneurs et au regard des circonstances locales :
« 1° La conservation des images captées par le système de vidéosurveillance de l'installation portuaire et de ses abords immédiats pour une durée qui ne peut excéder trente jours ;
« 2° La mise à la disposition des agents de la police nationale, de la gendarmerie nationale ou des douanes, par voie de convention, des images captées par le système de vidéosurveillance de l'installation portuaire et de ses abords immédiats.
« Un décret en Conseil d'État précise les éléments figurant dans la convention mentionnée au 2° du présent II, notamment l'indication du ou des services destinataires des images, les modalités de mise à disposition et de conservation des images et les mesures de sécurité afférentes, les responsabilités et les charges associées de chaque partie et les modalités d'information des personnes. » ;
3° sexies L'article L. 5332-15 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, après le mot : « sûreté », sont insérés les mots : « mentionnés à l'article L. 5332-11 » ;
b) Le II est ainsi rédigé :
« II. – Des agents de nationalité française ou ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou d'un pays tiers, s'ils justifient d'une connaissance de la langue française suffisante, désignés pour cette tâche par les personnes morales mentionnées à l'article L. 5332-4, peuvent également procéder :
« 1° Sur toute personne soumise à une inspection-filtrage, avec son consentement :
« a) Aux opérations techniques mentionnées au a du 1° du II de l'article L. 5332-11 ;
« b) Aux opérations techniques mentionnées au 4° du même II, sous le contrôle des officiers de police judiciaire ou des agents des douanes et sous réserve qu'ils disposent de l'agrément prévu au 2° du I de l'article L. 5332-18 et qu'elles soient réalisées par une personne du même sexe que celle qui en fait l'objet ;
« 2° Sur tout véhicule, toute unité de transport intermodal, toute marchandise, tout bagage, tout colis et tout autre bien soumis à une inspection-filtrage, avec le consentement de son propriétaire ou de la personne qui en a la responsabilité :
« a) Aux opérations techniques mentionnées au b du 1° et au 2° du II de l'article L. 5332-11 ;
« b) Aux opérations techniques mentionnées au 3° du même II, sous le contrôle des officiers de police judiciaire ou des agents des douanes et sous réserve qu'ils disposent de l'agrément prévu au 2° du I de l'article L. 5332-18.
« Dans les limites portuaires de sûreté, lorsque les personnes visées par les opérations techniques d'inspection-filtrage mentionnées au II de l'article L. 5332-11 refusent de donner leur consentement aux agents mentionnés au premier alinéa du présent II, il peut y être procédé par un des officiers ou agents mentionnés au I. » ;
3° septies La section 6 du chapitre II du titre III est ainsi rédigée :
« Section 6
« Autorisation, agrément et habilitation des personnes physiques
« Art. L. 5332-16. – Toute personne doit disposer d'une autorisation pour accéder à :
« 1° Une zone à accès restreint d'un port ou d'une installation portuaire ;
« 2° Une installation portuaire dans laquelle des conteneurs sont déchargés, chargés, transbordés ou manutentionnés ;
« 3° Une installation portuaire présentant des risques élevés et ne comprenant pas de zone à accès restreint.
« Art. L. 5332-17. – I. – Sont soumises à agrément les personnes exerçant au titre du présent chapitre des fonctions précisées par décret en Conseil d'État pour le compte de personnes morales mentionnées à l'article L. 5332-4.
« II. – Sont soumises à habilitation :
« 1° Les personnes accédant, sous la responsabilité des autorités portuaires, aux systèmes d'information des ports comprenant au moins une installation portuaire mentionnée au 2° de l'article L. 5332-16 ;
« 2° Les personnes accédant, sous la responsabilité des exploitants d'installations portuaires, au système d'exploitation d'une installation portuaire mentionnée au même 2°.
« III. – L'agrément ou l'habilitation tiennent lieu d'autorisation d'accès aux zones à accès restreint et aux installations portuaires mentionnées à l'article L. 5332-16.
« Art. L. 5332-18. – I. – À l'issue d'une enquête administrative, réalisée dans les conditions prévues à l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, sont délivrés :
« 1° Par l'autorité administrative :
« a) L'autorisation pour :
« – l'accès permanent aux zones à accès restreint mentionnées au 1° de l'article L. 5332-16 du présent code ou, lorsque l'autorité administrative le prévoit au regard des circonstances locales, l'accès temporaire à ces zones ;
« – l'accès permanent aux installations portuaires mentionnées au 2° du même article L. 5332-16 et, sauf exceptions identifiées par l'autorité administrative dans l'évaluation de sûreté prévue à l'article L. 5332-9 au regard des circonstances locales, l'accès temporaire à ces installations ;
« – l'accès permanent ou temporaire aux installations portuaires mentionnées au 3° dudit article L. 5332-16 lorsque l'autorité administrative le prévoit au regard des circonstances locales ;
« b) L'agrément prévu à l'article L. 5332-17 ;
« c) L'habilitation prévue au même article L. 5332-17 ;
« 2° Par l'autorité administrative et le procureur de la République, l'agrément des personnes chargées des opérations prévues au b des 1° et 2° du II de l'article L. 5332-15.
« II. – Lorsque la durée de validité des autorisations, agréments et habilitations mentionnés au I du présent article est supérieure à un an, les enquêtes mentionnées au premier alinéa du même I sont renouvelées chaque année.
« III. – Toute personne pour laquelle est sollicitée une autorisation d'accès, un agrément ou une habilitation mentionnés au I est informée qu'elle est susceptible de faire l'objet de l'enquête administrative prévue au même I.
« IV. – (Supprimé)
« Art. L. 5332-18-1 et L. 5332-18-2. – (Supprimés) » ;
3° octies La sous-section 1 de la section 3 du chapitre VI du même titre III est ainsi rédigée :
« Sous-section 1
« Sûreté portuaire
« Art. L. 5336-10. – Le fait pour l'exploitant d'une installation portuaire d'autoriser l'accès à cette installation portuaire en méconnaissance du a du 1° du I de l'article L. 5332-18 est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
« Art. L. 5336-10-1. – Le fait de s'introduire ou de tenter de s'introduire dans une zone à accès restreint d'un port ou d'une installation portuaire sans l'autorisation prévue au 1° de l'article L. 5332-16 est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
« Art. L. 5336-10-2. – Le fait de s'introduire ou de tenter de s'introduire sans l'autorisation prévue au 2° de l'article L. 5332-16 dans une installation portuaire au sein de laquelle des conteneurs sont déchargés, chargés, transbordés ou manutentionnés est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
« Art. L. 5336-10-3. – Le fait de s'introduire ou de tenter de s'introduire dans une installation portuaire présentant des risques élevés et ne comprenant pas de zone à accès restreint sans l'autorisation prévue au 3° de l'article L. 5332-16 est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende.
« Art. L. 5336-10-4. – Le fait de s'introduire ou de tenter de s'introduire dans une installation portuaire autre que celles mentionnées aux 1° à 3° de l'article L. 5332-16 est puni de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende.
« Art. L. 5336-10-5. – Le fait pour un télépilote d'engager ou de maintenir sans autorisation un aéronef circulant sans personne à bord au-dessus des limites administratives d'un port maritime mentionné à l'article L. 5332-1 est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.
« La peine est portée à deux ans d'emprisonnement et à 30 000 € d'amende lorsque l'aéronef procède sans autorisation, en méconnaissance de l'article L. 6224-1, au moyen d'un appareil photographique ou cinématographique ou par tout autre capteur de télédétection, à la captation, à l'enregistrement, à la transmission, à la conservation, à l'utilisation ou à la diffusion de données recueillies au-dessus d'une installation portuaire au sein de laquelle des conteneurs sont déchargés, chargés, transbordés ou manutentionnés. » ;
4° (Supprimé)
(Supprimé)
III. – La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique est ainsi modifiée :
1° Après le 2° du I de l'article 17, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Aux présidents, directeurs généraux et gérants des personnes morales exploitant des installations portuaires mentionnées au 2° de l'article L. 5332-16 du code des transports. » ;
2° (Supprimé)
IV. – Après l'article 11-2 du code de procédure pénale, il est inséré un article 11-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 11-2-1. – Par dérogation au I de l'article 11-2, le ministère public informe sans délai par écrit l'administration, toute personne morale chargée d'une mission de service public ou tout ordre professionnel des décisions mentionnées aux 1° à 3° du même I concernant une personne qu'il emploie lorsque ces décisions sont relatives à une ou plusieurs infractions mentionnées aux articles 706-73 et 706-73-1, hors les cas où cette information est susceptible de porter atteinte au bon déroulement de la procédure judiciaire.
« Les II à V de l'article 11-2 sont applicables. »
V. – (Supprimé)
VI. – La formation des agents chargés de la sûreté portuaire et aéroportuaire inclut obligatoirement une formation contre la corruption.
VII. – (Supprimé)
VIII. – Afin de prévenir et de détecter les risques de corruption liés aux trafics de stupéfiants, les administrations de l'État et les établissements publics impliqués dans la lutte contre le narcotrafic ou exerçant leurs activités dans des zones particulièrement exposées mettent en place un dispositif de prévention et de détection de la corruption comportant une cartographie des risques de corruption et des mesures de prévention et de contrôle adaptées en application de l'article 3 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie publique. Ce dispositif est mis à jour tous les deux ans.
Article 22 bis
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le 1° de l'article 706-1-1 est ainsi rédigé :
« 1° À l'article 432-15 du code pénal ; »
2° Après le 16° de l'article 706-73, sont insérés des 16° bis et 16° ter ainsi rédigés :
« 16° bis Crimes et délits de corruption d'agent public et trafic d'influence, prévus aux articles 432-11, 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-4 et 435-7 à 435-10 du code pénal, lorsqu'ils sont en relation avec l'une des autres infractions mentionnées au présent article ;
« 16° ter Délits de corruption prévus aux articles 445-1 à 445-2-2 du code pénal, lorsqu'ils sont commis en bande organisée et qu'ils sont en relation avec l'une des autres infractions mentionnées au présent article ; »
3° L'article 706-73-1 est complété par des 14° et 15° ainsi rédigés :
« 14° Crimes et délits de corruption d'agent public et de trafic d'influence, prévus aux articles 432-11, 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-4 et 435-7 à 435-10 du code pénal, à l'exception de ceux mentionnés au 16° bis de l'article 706-73 du présent code ;
« 15° Délits de corruption commis en bande organisée, prévus aux articles 445-1 à 445-2-2 du code pénal, à l'exception de ceux mentionnés au 16° ter de l'article 706-73 du présent code. »
II. – La section 1 du chapitre V du titre IV du livre IV du code pénal est complétée par un article 445-2-2 ainsi rédigé :
« Art. 445-2-2. – Lorsqu'elles sont commises en bande organisée, les infractions prévues à la présente section sont punies de dix ans d'emprisonnement et d'une amende d'un million d'euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction. »
Article 23
I. – (Supprimé)
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
1° bis Après l'article 145-1, il est inséré un article 145-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 145-1-1. – Par dérogation à l'article 145-1, la durée de la détention provisoire ne peut excéder six mois pour l'instruction des délits commis en bande organisée punis d'une peine de dix ans d'emprisonnement ainsi que pour celle des délits prévus aux articles 222-37, 225-5, 312-1 et 450-1 du code pénal.
« À titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut décider de prolonger la détention provisoire, pour une durée qui ne peut excéder six mois, par une ordonnance motivée dans les conditions prévues à l'article 137-3 du présent code et rendue après un débat contradictoire organisé selon les modalités prévues au sixième alinéa de l'article 145, l'avocat ayant été convoqué selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article 114 et la personne détenue ayant été avisée au plus tard cinq jours ouvrables avant la tenue du débat contradictoire. Cette décision peut être renouvelée selon la même procédure, sous réserve de l'article 145-3, la durée totale de la détention ne pouvant excéder deux ans.
« Le dernier alinéa de l'article 145-1 est applicable.
« Pour l'application du présent article, le délai de huit mois prévu au premier alinéa de l'article 145-3 est porté à un an. » ;
2° (Supprimé)
2° bis L'article 148 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Le troisième alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix » ;
– à la deuxième phrase, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq » ;
– sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « À peine d'irrecevabilité, aucune demande de mise en liberté ne peut être formée tant qu'il n'a pas été statué sur l'appel de la décision de rejet d'une précédente demande. Cette irrecevabilité s'applique de plein droit jusqu'à la date de la décision rendue par la chambre de l'instruction. » ;
c) La première phrase du dernier alinéa est ainsi modifiée :
– les mots : « les vingt » sont remplacés par les mots : « un délai de trente » ;
– les mots : « de sa saisine » sont remplacés par les mots : « à compter de la réception de la demande, » ;
d) (Supprimé)
2° ter À la seconde phrase du premier alinéa et à la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 148-1-1, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « huit » ;
3° L'article 148-2 est ainsi modifié :
aa) (Supprimé)
a) La première phrase du deuxième alinéa est ainsi modifiée :
– la première occurrence du mot : « les » est remplacée par les mots : « un délai de » ;
– la seconde occurrence du mot : « les » est remplacée par le mot : « de » ;
b et c) (Supprimés)
d) Au dernier alinéa, le mot : « vingt » est remplacé par le mot : « trente » ;
3° bis À l'article 148-4, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « six » ;
4° L'article 148-6 est ainsi modifié :
a, a bis et b) (Supprimés)
c) Au dernier alinéa, les mots : « déclaration au greffier » sont remplacés par les mots : « demande de mainlevée ou de modification du contrôle judiciaire » ;
4° bis (Supprimé)
5° L'article 179 est ainsi modifié :
a) Au quatrième alinéa, les mots : « soit de l'ordonnance de renvoi ou, en cas d'appel, de l'arrêt de renvoi non frappé de pourvoi, de l'arrêt déclarant l'appel irrecevable, de l'ordonnance de non-admission rendue en application du dernier alinéa de l'article 186 ou de l'arrêt de la chambre criminelle rejetant le pourvoi, soit » sont remplacés par les mots : « à laquelle la décision ordonnant le renvoi devant le tribunal correctionnel est devenue définitive ou » ;
b) (Supprimé)
6° À la première phrase du premier alinéa de l'article 187-3, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « huit » ;
7° À la seconde phrase du quatrième alinéa de l'article 706-71, après le mot : « évasion », sont insérés les mots : « ou de sa particulière dangerosité » ;
7° bis Le titre XXIII est complété par un article 706-71-2 ainsi rédigé :
« Art. 706-71-2. – Par dérogation au quatrième alinéa de l'article 706-71, la comparution devant une juridiction d'instruction d'une personne détenue affectée dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée, au sens de l'article L. 224-5 du code pénitentiaire, s'effectue par recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle, quelle que soit la cause nécessitant la comparution de la personne. Il en est de même lorsqu'il s'agit d'une audience au cours de laquelle il doit être statué sur le placement en détention provisoire ou la prolongation de la détention provisoire, sur l'appel portant sur une décision de refus de mise en liberté ou sur la saisine directe de la chambre de l'instruction en application du dernier alinéa de l'article 148 ou de l'article 148-4 du présent code.
« Toutefois, le juge des libertés et de la détention, le juge d'instruction ou la juridiction saisi peut, à la demande du ministère public ou d'office, décider de la comparution physique de la personne. Cette décision est motivée. » ;
7° ter (nouveau) L'article 706-79-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au présent article, la comparution devant la juridiction spécialisée mentionnée au premier alinéa a lieu par recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle lorsqu'il s'agit d'une audience au cours de laquelle il doit être statué sur la prolongation de la détention provisoire ou sur l'appel portant sur une décision de refus de mise en liberté. Toutefois, le juge des libertés et de la détention, le juge d'instruction ou la juridiction saisi peut, à la demande du ministère public ou d'office, décider de sa comparution physique. » ;
8° et 9° (Supprimés)
II bis. – Au premier alinéa de l'article L. 315-1 du code pénitentiaire, les mots : « de l'article 706-71 » sont remplacés par les mots : « des articles 706-71 et 706-71-2 ».
III. – Le code pénitentiaire est ainsi modifié :
1° L'article L. 113-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La formation initiale du personnel de l'administration pénitentiaire comprend une action de formation consacrée aux risques de corruption et aux réponses à y apporter. » ;
2° (Supprimé)
3° Le chapitre III du titre II du livre II est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Caméras installées sur des aéronefs
« Art. L. 223-21. – I. – Dans l'exercice de leurs missions, les services de l'administration pénitentiaire peuvent être autorisés à procéder à la captation, à l'enregistrement et à la transmission d'images au moyen de caméras installées sur des aéronefs, aux fins d'assurer :
« 1° La prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des établissements pénitentiaires particulièrement exposés, en raison de leurs caractéristiques ou des faits qui s'y sont déjà déroulés, à des risques d'incident, d'évasion ou de trafic d'objets ou de substances interdits ou constituant une menace pour la sécurité ;
« 2° La surveillance et la protection des établissements pénitentiaires, des domaines affectés à ceux-ci et de leurs abords immédiats, lorsqu'ils sont particulièrement exposés à des risques d'intrusion ou de dégradation ;
« 3° L'appui aux interventions de maintien de l'ordre menées par les équipes de sécurité pénitentiaire dans les établissements pénitentiaires, dans les domaines affectés à ceux-ci et à leurs abords immédiats ;
« 4° Le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par une collecte de preuves ;
« 5° La formation des agents.
« Le recours aux dispositifs prévus au présent I peut être autorisé uniquement lorsqu'il est proportionné au regard de la finalité poursuivie.
« II. – Les dispositifs mentionnés au I sont employés de telle sorte qu'ils ne visent pas à recueillir les images permettant de visualiser l'intérieur de cellules, sauf en cas d'incident grave touchant à l'ordre, à la discipline ou à la sécurité de l'établissement pénitentiaire, ou l'intérieur de domiciles ou leurs entrées. Lorsque l'emploi de ces dispositifs conduit à visualiser ces lieux, l'enregistrement est immédiatement interrompu. Toutefois, lorsqu'une telle interruption n'a pu avoir lieu compte tenu des circonstances de l'intervention, les images enregistrées sont supprimées dans un délai de quarante-huit heures à compter de la fin du déploiement du dispositif, sauf transmission dans ce délai dans le cadre d'un signalement à l'autorité judiciaire sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale.
« III. – L'autorisation est subordonnée à une demande, qui précise :
« 1° Le service responsable des opérations ;
« 2° La finalité poursuivie ;
« 3° La justification de la nécessité de recourir au dispositif, qui permet notamment d'apprécier la proportionnalité de son usage au regard de la finalité poursuivie ;
« 4° Les caractéristiques techniques du matériel nécessaire à la poursuite de la finalité ;
« 5° Le cas échéant, les modalités d'information du public ;
« 6° La durée souhaitée de l'autorisation ;
« 7° Le périmètre géographique concerné.
« L'autorisation est délivrée par décision écrite et motivée du directeur interrégional des services pénitentiaires compétent, qui s'assure du respect de la présente section. Elle détermine la finalité poursuivie et ne peut excéder le périmètre géographique strictement nécessaire à l'atteinte de cette finalité.
« Elle est délivrée pour une durée maximale de trois mois et renouvelable selon les mêmes modalités lorsque les conditions de sa délivrance continuent d'être réunies.
« Le directeur interrégional des services pénitentiaires peut mettre fin à tout moment à l'autorisation qu'il a délivrée lorsqu'il constate que les conditions ayant justifié sa délivrance ne sont plus réunies.
« Il informe le représentant de l'État dans le département concerné ou, à Paris, le préfet de police des autorisations qu'il a délivrées ou renouvelées.
« IV. – Le registre mentionné à l'article L. 223-24 fait apparaître le détail de chaque intervention réalisée dans le cadre de l'autorisation. Ce registre est transmis chaque semaine au directeur interrégional des services pénitentiaires, qui s'assure de la conformité des interventions réalisées à l'autorisation délivrée.
« Art. L. 223-22. – Les images captées et enregistrées peuvent être transmises à la cellule de crise de l'établissement pénitentiaire concerné et aux agents impliqués dans la conduite et l'exécution de l'intervention, qui peuvent les visionner en temps réel ou en différé pendant la durée strictement nécessaire à l'intervention.
« Les caméras sont équipées de dispositifs techniques permettant de garantir l'intégrité des enregistrements jusqu'à leur effacement et la traçabilité des consultations auxquelles il est procédé dans le cadre de l'intervention.
« Art. L. 223-23. – Le public est informé par tout moyen approprié de l'emploi de dispositifs aéroportés de captation d'images et de l'autorité responsable de leur mise en œuvre, sauf lorsque les circonstances l'interdisent ou lorsque cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis. Une information générale du public sur l'emploi de dispositifs aéroportés de captation d'images est organisée par le ministre de la justice.
« Art. L. 223-24. – La mise en œuvre du traitement prévu à l'article L. 223-21 doit être strictement nécessaire à l'exercice des missions concernées et adaptée au regard des circonstances de chaque intervention. Elle ne peut être permanente. Elle ne peut donner lieu à la collecte et au traitement que des données à caractère personnel strictement nécessaires à l'exercice des missions concernées et s'effectue dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
« Les dispositifs aéroportés ne peuvent procéder à la captation du son. Les images collectées par les caméras de ces dispositifs aéroportés ne peuvent faire l'objet d'aucun traitement algorithmique.
« L'autorité responsable tient un registre des traitements mis en œuvre précisant la finalité poursuivie, la durée des enregistrements réalisés ainsi que les personnes ayant accès aux images, y compris, le cas échéant, au moyen d'un dispositif de renvoi en temps réel.
« Les enregistrements peuvent être utilisés, après anonymisation, à des fins de pédagogie et de formation des agents.
« Hors les cas où ils sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements comportant des données à caractère personnel sont conservés sous la responsabilité du chef du service ayant mis en œuvre le dispositif aéroporté, pendant une durée maximale de sept jours à compter de la fin du déploiement du dispositif, sans que nul puisse y avoir accès, sauf pour les besoins d'un signalement dans ce délai à l'autorité judiciaire sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale.
« Art. L. 223-25. – Les modalités d'application de la présente section et les conditions d'utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce décret précise les exceptions au principe d'information du public prévu à l'article L. 223-23. »
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Article 23 bis
Le code pénal est ainsi modifié :
1° L'article 434-35-1 est ainsi rédigé :
« Art. 434-35-1. – Est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende le fait de s'introduire ou de tenter de s'introduire, sans motif légitime, dans le domaine matériellement délimité affecté à un établissement pénitentiaire.
« Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait, dans les mêmes conditions, de pénétrer dans un établissement pénitentiaire ou d'en escalader l'enceinte. » ;
2° (Supprimé)
Article 23 ter A
Le code pénal est ainsi modifié :
1° L'article 434-35 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa du présent article est applicable aux personnes détenues qui communiquent avec une personne située à l'extérieur de l'établissement, hors les cas où cette communication est autorisée en application de l'article 145-4 du code de procédure pénale ou des articles L. 345-1 à L. 345-6 du code pénitentiaire et est réalisée par les moyens autorisés par l'administration pénitentiaire. » ;
2° (nouveau) À la première phrase du troisième alinéa de l'article 434– 44, la première occurrence du mot : « dernier » est remplacée par le mot : « troisième ».
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Article 23 quater
Le chapitre III du titre II du livre II du code pénitentiaire est complété par une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5
« Caméras embarquées
« Art. L. 223-26. – Dans l'exercice de leurs missions de transfèrement et d'extraction et aux seules fins d'assurer la sécurité de ces opérations, les services de l'administration pénitentiaire peuvent procéder, au moyen de caméras embarquées dans les véhicules fournis par le service, à un enregistrement de leurs opérations dans des lieux publics lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances, à la personnalité ou au comportement des personnes détenues concernées.
« Art. L. 223-27. – L'enregistrement prévu à l'article L. 223-26 s'effectue au moyen de caméras fournies par le service.
« Il ne peut être permanent et ne peut être déclenché que lorsque les conditions prévues au même article L. 223-26 sont réunies. Il ne peut se prolonger au-delà de la durée de la mission.
« Art. L. 223-28. – Le public est informé, par une signalétique spécifique apposée sur le moyen de transport, que celui-ci est équipé d'une caméra. Toutefois, cette obligation ne s'applique pas aux véhicules ne comportant pas d'équipements ou de dispositifs de signalisation spécifiques et affectés à des missions impliquant l'absence d'identification du service pénitentiaire.
« Un signal visuel ou sonore spécifique indique si un enregistrement est en cours, sauf si les circonstances de l'intervention l'interdisent. Une information générale du public sur l'emploi des caméras embarquées est organisée par le ministre de la justice.
« Art. L. 223-29. – Lorsque la sécurité des agents est menacée, les images captées et enregistrées au moyen de caméras embarquées peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné et aux agents impliqués dans la conduite et l'exécution de l'intervention.
« Lorsqu'une telle consultation est nécessaire pour assurer la sécurité des interventions ou pour faciliter l'établissement fidèle des faits lors des comptes rendus d'interventions, les agents participant à l'intervention peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent dans ce cadre. Les caméras sont équipées de dispositifs techniques permettant de garantir l'intégrité des enregistrements jusqu'à leur effacement et la traçabilité des consultations lorsqu'il y est procédé dans le cadre de l'intervention.
« L'autorité responsable tient un registre des enregistrements réalisés par chaque véhicule équipé d'une caméra. Le registre précise les personnes ayant accès aux images, y compris, le cas échéant, au moyen d'un dispositif de renvoi en temps réel.
« Les caméras embarquées dans les véhicules ne peuvent comporter de traitements automatisés de reconnaissance faciale. Ces dispositifs ne peuvent procéder à aucun rapprochement, aucune interconnexion ni aucune mise en relation automatisée avec d'autres traitements de données à caractère personnel.
« Art. L. 223-30. – Hors les cas où ils sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements comportant des données à caractère personnel sont conservés sous la responsabilité du chef du service dont relève le dispositif embarqué pendant une durée maximale de sept jours à compter de la fin du déploiement du dispositif, sans que nul ne puisse y avoir accès, sauf pour les besoins d'un signalement dans ce délai à l'autorité judiciaire, sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale.
« Les caméras embarquées sont employées de telle sorte qu'elles ne visent pas à recueillir les images de l'intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées. Lorsque l'emploi de ces caméras conduit à visualiser de tels lieux, l'enregistrement est immédiatement interrompu. Toutefois, lorsqu'une telle interruption n'a pu avoir lieu compte tenu des circonstances de l'intervention, les images enregistrées sont supprimées dans un délai de quarante-huit heures à compter de la fin du déploiement du dispositif, sauf transmission dans ce délai dans le cadre d'un signalement à l'autorité judiciaire sur le fondement du même article 40.
« Art. L. 223-31. – Les modalités d'application de la présente section et les conditions d'utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »
Article 23 quinquies
Le livre II du code pénitentiaire est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa des articles L. 211-2 et L. 211-3, le mot : « spécifique » est remplacé par le mot : « sécurisé » et, à la fin, la référence : « L. 224-4 » est remplacée par la référence : « L. 224-9 » ;
2° Le chapitre IV du titre II est ainsi modifié :
a) L'intitulé est ainsi rédigé : « Quartiers sécurisés » ;
b) Est insérée une section 1 intitulée : « Quartiers spécifiques » et comprenant les articles L. 224-1 à L. 224-4 ;
c) À l'article L. 224-4, les mots : « du présent chapitre » sont remplacés par les mots : « de la présente section » ;
d) Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Quartiers de lutte contre la criminalité organisée
« Art. L. 224-5. – À titre exceptionnel, afin de prévenir la poursuite ou l'établissement de liens avec les réseaux de la criminalité et de la délinquance organisées, quelles que soient les finalités et les formes de ces derniers, les personnes majeures détenues pour des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74 du code de procédure pénale peuvent, sur décision du ministre de la justice, être affectées dans des quartiers de lutte contre la criminalité organisée, après avis du juge de l'application des peines compétent s'il s'agit d'une personne condamnée. S'il s'agit d'une personne prévenue, mise en examen ou accusée, il ne peut être procédé à l'affectation qu'après information du magistrat chargé de l'enquête ou de l'instruction et qu'à défaut d'opposition de sa part dans un délai de huit jours à compter de la réception de cette information.
« Art. L. 224-6. – La décision d'affectation dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée doit être motivée et n'intervient qu'après une procédure contradictoire au cours de laquelle la personne intéressée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites.
« Cette décision est valable pour une durée d'un an. Elle est renouvelable dans les mêmes conditions.
« Si la fin de la détention provisoire qui a justifié le placement de la personne détenue dans ce quartier est ordonnée alors que la personne reste détenue pour une autre cause ou si la personne détenue est jugée pour les faits ayant justifié le placement, la décision d'affectation fait l'objet d'un nouvel examen.
« Art. L. 224-7. – La décision d'affectation dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée ne porte pas atteinte à l'exercice des droits des personnes détenues prévus au livre III du présent code, sous réserve des aménagements qu'imposent les impératifs de sécurité et des restrictions prévues à la présente section.
« Art. L. 224-8. – Les personnes détenues affectées dans des quartiers de lutte contre la criminalité organisée font l'objet de fouilles intégrales systématiques après avoir été en contact physique avec une personne en mission ou en visite dans l'établissement sans être restées sous la surveillance constante d'un agent de l'administration pénitentiaire, sans préjudice des articles L. 225-1 à L. 225-5. Le présent alinéa s'applique sous réserve des adaptations décidées par l'autorité administrative compétente.
« Les visites se déroulent systématiquement dans un parloir équipé d'un dispositif de séparation. Ce dispositif ne s'applique ni aux mineurs sur lesquels la personne détenue, son conjoint, le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité ou son concubin exerce l'autorité parentale, ni en cas de circonstances familiales exceptionnelles. Toutefois, pour les mineurs de plus de seize ans, en cas de risque d'atteinte au bon ordre de l'établissement pénitentiaire, l'autorité administrative compétente peut décider que les visites se déroulent dans un parloir équipé d'un dispositif de séparation. Les dispositions relatives aux unités de vie familiale et aux parloirs familiaux prévues à l'article L. 341-8 ne s'appliquent pas dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée.
« Les modalités et les horaires d'accès aux dispositifs de correspondance téléphonique font l'objet de restrictions prévues par voie réglementaire garantissant à chaque personne détenue un accès à ces dispositifs pendant au moins deux heures, au moins deux jours par semaine.
« Les deuxième et troisième alinéas du présent article ne s'appliquent pas aux échanges entre la personne détenue et son avocat. À la demande de la personne détenue ou de son avocat, la visite de ce dernier se déroule dans un parloir équipé d'un dispositif de séparation, en garantissant la possibilité de transmettre et de présenter des documents.
« Art. L. 224-8-1. – La présente section n'est pas applicable aux détenus bénéficiant du statut de collaborateur de justice mentionné au titre XXI bis du livre IV du code de procédure pénale en application des articles 706-63-1 A ou 706-87-1 du même code ou ayant bénéficié de ce statut dans le cadre de la procédure pour laquelle ils exécutent leur peine.
« Art. L. 224-8-2. – Les agents de l'administration pénitentiaire affectés ou intervenant dans des quartiers de lutte contre la criminalité organisée interviennent dans des conditions qui garantissent la préservation de leur anonymat dans les conditions prévues à l'article 706-105-3 du code de procédure pénale.
« Art. L. 224-9. – Les conditions d'application de la présente section sont définies par un décret en Conseil d'État. »
Article 24
I. – (Supprimé)
II. – Après le titre II du livre II du code de la sécurité intérieure, il est inséré un titre II bis ainsi rédigé :
« TITRE II BIS
« LUTTE CONTRE LES TROUBLES GÉNÉRÉS PAR LE TRAFIC DE STUPÉFIANTS
« Art. L. 22-11-1. – Afin de faire cesser les troubles à l'ordre public résultant de l'occupation, en réunion et de manière récurrente, d'une portion de la voie publique, d'un équipement collectif ou des parties communes d'un immeuble à usage d'habitation, en lien avec des activités de trafic de stupéfiants, le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut, après en avoir informé le procureur de la République territorialement compétent, prononcer une mesure d'interdiction de paraître dans les lieux concernés à l'encontre de toute personne participant à ces activités.
« L'interdiction, qui est prononcée pour une durée maximale d'un mois, tient compte de la vie familiale et professionnelle de la personne concernée. En particulier, le périmètre géographique de la mesure ne peut comprendre son domicile.
« La mesure d'interdiction prise en application du présent article est écrite et motivée. Le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police met la personne concernée en mesure de lui présenter ses observations dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la décision.
« Art. L. 22-11-2. – Le non-respect d'un arrêté pris sur le fondement de l'article L. 22-11-1 est puni d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. »
III. – La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi modifiée :
1° (Supprimé)
1° bis Le b de l'article 7 est complété par les mots : « et de s'abstenir de tout comportement ou de toute activité qui, aux abords de ces locaux ou dans le même ensemble immobilier, porte atteinte aux équipements collectifs utilisés par les résidents, à la sécurité des personnes ou à leur liberté d'aller et venir » ;
2° (Supprimé)
IV. – Le code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Après l'article L. 442-4-2, il est inséré un article L. 442-4-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 442-4-3. – Lorsqu'il constate que les agissements en lien avec des activités de trafic de stupéfiants de l'occupant habituel d'un logement troublent l'ordre public de manière grave ou répétée et méconnaissent les obligations définies au b de l'article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, le représentant de l'État dans le département peut enjoindre au bailleur de saisir le juge aux fins de résiliation du bail dans les conditions prévues à l'article L. 442-4-2 du présent code. L'injonction précise les éléments de fait qui justifient la mise en œuvre de la procédure.
« Le bailleur fait connaître au représentant de l'État, dans un délai de quinze jours, la suite qu'il entend réserver à l'injonction. En cas de refus du bailleur, d'absence de réponse à l'expiration de ce délai ou lorsque, ayant accepté le principe de l'expulsion, le bailleur n'a pas saisi le juge à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de sa réponse, le représentant de l'État peut se substituer à lui et saisir le juge aux fins de résiliation du bail dans les conditions mentionnées au même article L. 442-4-2. »
Article 25
Le chapitre Ier du titre Ier de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée est complété par un article 9-2 ainsi rédigé :
« Art. 9-2. – Dans le cas prévu au premier alinéa de l'article L. 442-4-3 du code de la construction et de l'habitation, le représentant de l'État dans le département peut enjoindre à un bailleur ne relevant pas du livre IV du même code de mettre en œuvre une procédure de résiliation du bail locatif.
« En cas d'absence de réponse dans un délai d'un mois ou de refus du bailleur, le représentant de l'État dans le département a intérêt pour agir devant le juge civil pour demander la résiliation du bail. »
TITRE VII
DISPOSITIONS RELATIVES À L'OUTRE-MER ET DISPOSITIONS FINALES
Article 26
I. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° (nouveau) La troisième ligne du tableau du second alinéa du I des articles L. 732-1, L. 733-1 et L. 734-1 est ainsi rédigée :
« |
L. 112-6 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
» ; |
2° (nouveau) Le tableau du second alinéa du I de l'article L. 775-36, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2024-936 du 15 octobre 2024 relative aux marchés de crypto-actifs, est ainsi modifié :
a) La troisième ligne est ainsi rédigée :
« |
L. 561-2, à l'exception des 1° quater, 6° bis, 9° bis uniquement pour les opérateurs de jeux ou de paris sur le fondement de l'article 21 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010, et du 17° |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
» ; |
b) Les vingt-quatrième à vingt-sixième lignes sont remplacées par une ligne ainsi rédigée :
« |
L. 561-23 à L. 561-25 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
» ; |
c) Après la vingt-huitième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
L. 561-27-1 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
» ; |
d) La trente-neuvième ligne est ainsi rédigée :
« |
L. 561-34 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
» ; |
e) Les cinquante-deuxième et avant-dernière lignes sont remplacées par une ligne ainsi rédigée :
« |
L. 561-47 à L. 561-48 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
» ; |
3° Le tableau du second alinéa du I de l'article L. 775-37 est ainsi modifié :
a) La deuxième ligne de la seconde colonne est ainsi rédigée : « la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic » ;
b) La cinquième ligne est remplacée par six lignes ainsi rédigées :
« |
L. 562-2-2 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
|
L. 562-3 et L. 562-4 |
l'ordonnance n° 2020-1342 du 4 novembre 2020 |
||
L. 562-4-1 |
l'ordonnance n° 2022-230 du 15 février 2022 |
||
L. 562-5 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 562-6 |
l'ordonnance n° 2020-1342 du 4 novembre 2020 |
||
L. 562-7 à L. 562-9 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
» ; |
c) L'avant-dernière ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :
« |
L. 562-11 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
|
L. 562-12 |
l'ordonnance n° … s2020-1342 du 4 novembre 2020 |
» |
II. – Le code pénitentiaire est ainsi modifié :
1° La deuxième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 752-1, L. 762-1 et L. 772-1 est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
« |
L. 111-1 à L. 113-1 |
||
L. 113-2 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 113-3 et L. 113-4 |
» ; |
2° Le tableau du second alinéa des articles L. 753-1, L. 763-1 et L. 773-1 est ainsi modifié :
a) La deuxième ligne est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
« |
L. 211-1 |
||
L. 211-2 et L. 211-3 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 211-4 à L. 223-19 |
» ; |
b) Après la troisième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
L. 223-21 à L. 223-31 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
» ; |
c) L'avant-dernière ligne est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
« |
L. 224-1 à L. 224-3 |
||
L. 224-4 à L. 224-9 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 225-1 à L. 231-3 |
» ; |
3° La deuxième ligne du tableau du second alinéa de l'article L. 754-1 est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
« |
L. 311-1 à L. 313-3 |
||
L. 315-1 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 315-2 à L. 322-7 |
» ; |
4° La deuxième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 764-1 et L. 774-1 est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
« |
L. 311-1 à L. 313-3 |
||
L. 315-1 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 315-2 à L. 322-13 |
» |
III. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° (nouveau) Après le mot : « loi », la fin du premier alinéa des articles L. 155-1, L. 156-1, L. 157-1 et L. 158-1 est ainsi rédigée : « n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic, les dispositions suivantes : » ;
2° Les articles L. 285-1, L. 286-1 et L. 287-1 sont ainsi modifiés :
a) Après le mot : « loi », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic, les dispositions suivantes : » ;
b) Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Le titre II bis ; ».
III bis (nouveau). – Après le mot : « loi », la fin de l'article 711-1 du code pénal est ainsi rédigée : « n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic, en Nouvelle Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »
III ter (nouveau). – Le début du premier alinéa de l'article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé : « Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic, en Nouvelle-Calédonie… (le reste sans changement). »
III quater (nouveau). – Le code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifié :
1° La dixième ligne du tableau du second alinéa de l'article L. 5511-4 est ainsi rédigée :
« |
L. 2222-9 |
Résultant de la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
»; |
2° La treizième ligne du tableau du second alinéa de l'article L. 5611-3 est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
« |
L. 2141-3 |
||
L. 2222-9 |
Résultant de la loi n° du visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 2311-1, L. 2312-1 et L. 2321-3 |
» ; |
3° La onzième ligne du tableau du second alinéa de l'article L. 5711-2 est remplacée par une ligne ainsi rédigée :
« |
L. 2222-9 |
Résultant de la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
» |
III quinquies (nouveau). – Les articles L. 5332-16 à L. 5332-18 du code des transports, dans leur rédaction résultant du 3° septies du B du II de l'article 22 de la présente loi, entrent en vigueur six mois après la publication de leurs dispositions réglementaires d'application, et au plus tard le 1er juillet 2026.
III sexies (nouveau). – Le livre VII de la cinquième partie du code des transports est ainsi modifié :
1° L'article L. 5763-1 est ainsi modifié :
a) Les trois premiers alinéas sont remplacés par des I et II ainsi rédigés :
« I. – Sont applicables en Nouvelle-Calédonie les dispositions du livre III de la présente partie mentionnés dans la première colonne du tableau ci-après, dans leur rédaction indiquée dans la seconde colonne du même tableau :
« |
Dispositions applicables |
Dans leur rédaction résultant de |
|
L. 5332-1 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 5332-2 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5332-3 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 5332-4 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5332-5 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 5332-6 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5332-7 et L. 5332-8 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 5332-9 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5332-10 et L. 5332-11 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 5332-12 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5332-13 à L. 5332-18 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 5332-19 à L. 5332-21 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5336-1 à L. 5336-1-3 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5336-2 |
|||
L. 5336-8 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5336-10 à L. 5336-10-5 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
« II. – Les articles L. 5341-11 à L. 5342-6 sont applicables en Nouvelle-Calédonie. » ;
b) Au début du dernier alinéa, est ajoutée la mention : « III. – » ;
2° Le chapitre III du titre VI est complété par un article L. 5763-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 5763-2. – Pour l'application de l'article L. 5336-8 en Nouvelle-Calédonie, les mots : “mentionnés à l'article L. 5336-3” sont supprimés. » ;
3° L'article L. 5773-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5773-1. – Sont applicables en Polynésie française les articles du livre III de la présente partie mentionnés dans la première colonne du tableau ci-après, dans leur rédaction indiquée dans la seconde colonne du même tableau :
« |
Articles applicables |
Dans leur rédaction résultant de |
|
L. 5332-1 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 5332-2 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5332-3 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 5332-4 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5332-5 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 5332-6 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5332-7 et L. 5332-8 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 5332-9 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5332-10 et L. 5332-11 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 5332-12 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5332-13 à L. 5332-18 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 5332-19 à L. 5332-21 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5336-1 à L. 5336-1-3 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5336-2 |
|||
L. 5336-8 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5336-10 à L. 5336-10-5 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
» ; |
4° Le chapitre III du titre VII est complété par un article L. 5773-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 5773-2. – Pour l'application de l'article L. 5336-8 en Polynésie française, les mots : “mentionnés à l'article L. 5336-3” sont supprimés. » ;
5° L'article L. 5783-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5783-1. – Sont applicables à Wallis-et-Futuna les articles du livre III de la présente partie mentionnés dans la première colonne du tableau ci-après, dans leur rédaction indiquée dans la seconde colonne du même tableau :
« |
Articles applicables |
Dans leur rédaction résultant de |
|
L. 5332-1 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 5332-2 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5332-3 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 5332-4 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5332-5 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 5332-6 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5332-7 et L. 5332-8 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 5332-9 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5332-10 et L. 5332-11 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 5332-12 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5332-13 à L. 5332-18 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 5332-19 à L. 5332-21 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5336-1 à L. 5336-1-3 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5336-2 |
|||
L. 5336-8 |
l'ordonnance n° 2021-373 du 31 mars 2021 |
||
L. 5336-10 à L. 5336-10-5 |
la loi n° … du … visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
||
L. 5342-3 |
l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 |
» ; |
6° Le chapitre III du titre VIII est complété par un article L. 5783-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 5783-2. – Pour l'application de l'article L. 5336-8 à Wallis-et-Futuna, les mots : “mentionnés à l'article L. 5336-3” sont supprimés. »
III septies (nouveau). – Le 2° de l'article 12 bis de la présente loi entre en vigueur à la date de publication du décret prévu au 1° du II bis de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, et au plus tard un an après la promulgation de la présente loi.
III octies (nouveau). – L'article 13 de la présente loi entre en vigueur le 5 janvier 2026.
III nonies (nouveau). – Le 1° bis de l'article 20 est applicable aux requêtes en nullité formées à compter du 30 septembre 2025.
Le 1° ter et le 3° du même article 20 sont applicables aux mémoires et aux conclusions déposés à compter du 30 septembre 2025.
IV. – (Supprimé)
M. le président. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement et par la commission.
article 3
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 11
1° Remplacer les mots :
lorsque les conditions de son exploitation ou de sa fréquentation rendent possible la commission
par les mots :
aux fins de prévenir la commission ou la réitération
2° Compléter cet alinéa par les mots :
rendus possibles par les conditions de son exploitation ou sa fréquentation
La parole est à M. le ministre d'État.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Favorable.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 17 à 20
Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :
I ter – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le chapitre II du titre II du livre IV de la troisième partie est abrogé ;
2° Les articles L. 3823-3, L. 3833-2 et L. 3842-3 sont abrogés ;
3° L'article L. 3842-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « et de la loi n° xx-xx du xxxx 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
4° Au premier alinéa de l'article L. 3823-2, les mots : « , sous réserve des dispositions de l'article L. 3823-3, » sont supprimés et après les mots : « la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice » sont insérés les mots : « et de la loi n° du 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic » ;
5° À l'article L. 3833-1, les mots : « des articles L. 3833-2 et L. 3833-3 » sont remplacés par les mots : « de l'article L. 3833-3 » et après les mots : « la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice » sont insérés les mots : « et de la loi n° du 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic ».
La parole est à M. le ministre d'État.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. Cet amendement rédactionnel permettra de rendre le texte plus robuste d'un point de vue constitutionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jérôme Durain, rapporteur. Favorable.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Cet amendement vise à lever le gage prévu à l'alinéa 4 de l'article 4 bis C.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jérôme Durain, rapporteur. Favorable.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La section 1 du chapitre III du titre Ier du livre Ier du code pénitentiaire est complétée par un article L. 113-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 113-3-1. – Sans préjudice des dispositions de l'article 706-105-3 du code de procédure pénale, tout agent de l'administration pénitentiaire peut, dans l'exercice de ses fonctions, être autorisé par le chef de l'établissement pénitentiaire ou par le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation compétents à ne pas être identifié par ses nom et prénom, lorsque la révélation de son identité est susceptible, compte tenu des conditions d'exercice de sa mission, de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches.
« Par dérogation aux dispositions des articles L. 111-2 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions et les actes administratifs de toute nature pris par les agents bénéficiant de l'autorisation prévue au premier alinéa du présent article peuvent comporter seulement, outre la signature et la qualité, le numéro d'immatriculation administrative de leur auteur, le cas échéant mentionné sur la délégation de signature en lieu et place de ses prénom et nom.
« Lorsque, dans le cadre d'une procédure engagée devant une juridiction administrative ou judiciaire, la solution du litige dépend d'une question relative à un acte faisant l'objet d'une signature numérotée, les nom et prénom de la personne identifiée par un numéro d'immatriculation sont communiqués, à sa demande, à la juridiction ou au magistrat délégué par celle-ci, sans être versés au contradictoire.
« Toutefois, dans le cadre d'une procédure engagée devant une juridiction administrative, celle-ci, saisie d'une demande en ce sens par une partie à la procédure, peut les verser au contradictoire si, après que l'administration a été mise en mesure de présenter ses observations, elle n'estime pas que la révélation de l'identité de l'agent mettrait en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches. Dans le cadre d'une procédure engagée devant une juridiction judiciaire, une partie à la procédure peut présenter une demande en ce sens selon les modalités prévues au II quater de l'article 706-105-3 du code de procédure pénale.
« Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Comme je l'ai indiqué dans mon propos introductif, il s'agit d'anonymiser les agents pénitentiaires dans l'exercice de leurs fonctions.
Cet amendement tend à prévoir l'utilisation du matricule des agents pénitentiaires en lieu et place de leur nom et prénom lorsqu'ils effectuent un travail de discipline, parfois difficile, dans une cellule ou dans la prison, ce qui permettra toujours à l'administration de savoir qui a fait quoi en cas de recours.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jérôme Durain, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement tendant à prévoir la « pseudonymisation » des agents de l'administration pénitentiaire.
Il s'agit d'un sujet à caractère transversal que l'on retrouve dans tout le travail de la commission d'enquête et dans la présente proposition de loi. Il manquait cette petite pierre à l'édifice. Il nous paraît donc important, notamment dans le contexte particulier que nous connaissons, d'étendre ce régime aux agents de l'administration pénitentiaire.
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par Mme M. Jourda et M. Durain, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Remplacer la référence :
4°
par la référence :
neuvième alinéa
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 22
Remplacer les mots :
limites de sûreté portuaire
par les mots :
limites portuaires de sûreté
II. – Alinéa 48
Remplacer les références :
I bis et II
par les références :
II et III
III. – Alinéa 49
Remplacer la référence :
I bis
par la référence :
II
IV. – Alinéa 50
Remplacer la référence :
II
par la référence :
III
V. – Alinéa 60
Remplacer la référence :
4°
par la référence :
3°
VI. – Alinéa 63
Remplacer la référence :
3°
par la référence :
4°
VII. – Alinéa 80
Remplacer le mot :
ou
par le mot :
et
VIII. – Alinéa 95
Remplacer les mots :
au sein de
par le mot :
dans
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui concerne des enjeux portuaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 224-8-2. – Sans préjudice des dispositions de l'article 706-105-3 du code de procédure pénale, les agents de l'administration pénitentiaire affectés ou intervenant dans des établissements comprenant des quartiers de lutte contre la criminalité organisée interviennent dans des conditions qui garantissent la préservation de leur anonymat.
« Par dérogation aux dispositions des articles L. 111-2 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions et les actes administratifs de toute nature pris par les agents mentionnés au premier alinéa du présent article au sein de ces établissements ou des services pénitentiaires d'insertion et de probation compétents peuvent comporter seulement, outre la signature et la qualité, le numéro d'immatriculation administrative de leur auteur, mentionné sur la délégation de signature en lieu et place de ses prénom et nom.
« Lorsque, dans le cadre d'une procédure engagée devant une juridiction administrative ou judiciaire, la solution du litige dépend d'une question relative à un acte faisant l'objet d'une signature numérotée, les nom et prénom de la personne identifiée par un numéro d'immatriculation sont communiqués, à sa demande, à la juridiction ou au magistrat délégué par celle-ci, sans être versés au contradictoire.
« Toutefois, dans le cadre d'une procédure engagée devant une juridiction administrative, celle-ci, saisie d'une demande en ce sens par une partie à la procédure, peut les verser au contradictoire si, après que l'administration a été mise en mesure de présenter ses observations, elle n'estime pas que la révélation de l'identité de l'agent mettrait en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches. Dans le cadre d'une procédure engagée devant une juridiction judiciaire, une partie à la procédure peut présenter une demande en ce sens selon les modalités prévues au II quater de l'article 706-105-3 du code de procédure pénale. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Il s'agit ici de préserver l'anonymat des agents exerçant dans le cadre carcéral, c'est-à-dire dans les prisons de haute sécurité. Cette disposition, qui a été votée à l'Assemblée nationale, est le pendant de l'amendement que vous avez adopté précédemment concernant les agents de l'administration pénitentiaire en général.
Nous déposons deux amendements distincts, en espérant que le Conseil constitutionnel les retiendra.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jérôme Durain, rapporteur. Par cohérence avec l'avis que nous avons émis sur l'amendement n° 1, nous sommes favorables au présent amendement.
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après la cinquième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 762-13, L. 763-13 et L. 764-13 est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
L. 465-3-7 |
la loi n° du visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
».
II. – Après l'alinéa 12
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
d) bis La quarante et unième ligne est ainsi rédigée :
«
L. 561-36 |
la loi n° du visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
».
III. – Alinéa 18
Rédiger ainsi cet alinéa :
«
L. 562-2-2 |
la loi n° du visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
L. 562-3 et L. 562-3-1 |
l'ordonnance n° 2020-1342 du 4 novembre 2020 |
L. 562-4 et L. 562-4-1 |
l'ordonnance n° 2022-230 du 15 février 2022 |
L. 562-5 |
la loi n° du visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
L. 562-6 |
l'ordonnance n° 2022-230 du 15 février 2022 |
L. 562-7 à L. 562-9 |
la loi n° du visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
».
IV. – Alinéa 20
Rédiger ainsi cet alinéa :
«
L. 562-11 |
la loi n° du visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
L. 562-12 |
l'ordonnance n° 2022-230 du 15 février 2022 |
».
V. – Après l'alinéa 40
Insérer neuf alinéas ainsi rédigés :
3° L'article L. 288-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense » sont remplacés par les mots : « loi n° du visant à sortir la France du piège du narcotrafic » ;
b) Au 3° , la référence : « L. 232-8 » est remplacée par la référence : « L. 232-9 » ;
4° L'article L. 344-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense » sont remplacés par les mots : « loi n° du visant à sortir la France du piège du narcotrafic » ;
b) Au 3° , après la référence : « L. 333-1 » sont insérés les mots : « à L. 333-3 » ;
5° Le titre IX du livre VIII est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa des articles L. 895-1, L. 896-1 et L. 897-1, les mots : « loi n° 2024-850 du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France » sont remplacés par les mots : « loi n° du visant à sortir la France du piège du narcotrafic » ;
b) Au premier alinéa de l'article L. 898-1, les mots : « loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement » sont remplacés par les mots : « loi n° du visant à sortir la France du piège du narcotrafic ».
VI. -Après l'alinéa 69
Insérer trois paragraphes ainsi rédigés :
III septies A. – Le code de la route est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa du I de l'article L. 344-1 est complété par les mots : « immatriculé en France ou à l'étranger » ;
2° La seconde ligne du tableau du second alinéa de l'article L. 344-1-1 est ainsi rédigée :
«
Art. L. 325-1-2 |
Résultant de la loi n° du visant à sortir la France du piège du narcotrafic |
».
III septies B. – À l'article 14 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative à l'exercice par l'État de ses pouvoirs de police en mer pour la lutte contre certaines infractions relevant de conventions internationales, les mots : « de l'ordonnance n° 2019-414 du 7 mai 2019 modifiant la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative à la lutte contre la piraterie et aux modalités de l'exercice par l'État de ses pouvoirs de police en mer » sont remplacés par les mots : « de la loi n° du visant à sortir la France du piège du narcotrafic ».
III septies C. – Au III de l'article 9 de la loi n° 2024-850 du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France, les mots : « À l'expiration d'un délai de quatre ans à compter de la promulgation de la présente loi » sont remplacés par les mots : « À compter du 3 décembre 2028 ».
VII. – Compléter cet article par six paragraphes ainsi rédigés :
V. – Le V de l'article 2, le V de l'article 3, l'article 3 bis, le III de l'article 4, le III de l'article 15, le II de l'article 17, le II de l'article 17 bis A, le II de l'article 17 bis, l'article 21 ter, l'article 21 quater et le II de l'article 21 quinquies sont applicables à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
VI. – Pour l'application de l'article 3 bis à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises :
a) le 1° est supprimé ;
b) Au neuvième alinéa, les mots : « définis au 1 de l'annexe II de la directive (UE) 2022/2555 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l'ensemble de l'Union, modifiant le règlement (UE) n° 910/2014 et la directive (UE) 2018/1972, et abrogeant la directive (UE) 2016/1148 (directive SRI 2) » sont supprimés.
VII. – Après le premier alinéa du 1° du I de l'article L. 950-1 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'article L. 123-2 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° du visant à sortir la France du piège du narcotrafic. »
VIII. – Au premier alinéa du I de l'article 57 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, les mots : « loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique » sont remplacés par les mots : « la loi n° du visant à sortir la France du piège du narcotrafic ».
IX. – Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Le I de l'article L. 34-4 est ainsi modifié :
a) La référence : « L. 34-1 » est supprimée ;
b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'article L. 34-1 est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises dans sa rédaction résultant de la loi n° du visant à sortir la France du piège du narcotrafic ».
2° L'article L. 39-3-1 est complété par les mots : « dans sa rédaction résultant de la loi n° du visant à sortir la France du piège du narcotrafic ».
X. – Le III nonies du présent article est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Il s'agit d'un amendement de coordination concernant les outre-mer.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Favorable.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par Mme M. Jourda et M. Durain, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 70
Remplacer la référence :
2°
par la référence :
1° bis
La parole est à Mme le rapporteur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Le vote sur l'article 26, modifié, est réservé.
Je donne à présent lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique.
proposition de loi organique fixant le statut du procureur de la république anti-criminalité organisée
Article 1er
À la fin de la seconde phrase du neuvième alinéa de l'article 3-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les mots : « ou premier vice-procureur de la République financier près le tribunal judiciaire de Paris » sont remplacés par les mots : « , premier vice-procureur de la République financier ou premier vice-procureur de la République anti-criminalité organisée ».
Article 2
Le dernier alinéa de l'article 38-2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée est ainsi modifié :
1° Les mots : « près le tribunal judiciaire de Paris et » sont remplacés par le signe : « , » ;
2° La seconde occurrence des mots : « près le tribunal judiciaire de Paris » est remplacée par les mots : « et au procureur de la République anti-criminalité organisée, » ;
3° À la fin, les mots : « même tribunal » sont remplacés par les mots : « tribunal judiciaire de Paris ».
Article 3
La présente loi organique entre en vigueur le 5 janvier 2026.
M. le président. Aucun amendement n'a été déposé sur la proposition de loi organique fixant le statut du procureur de la République anti-criminalité organisée.
Explications de vote communes
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi et du projet de loi organique dans les rédactions résultant des textes élaborés par les commissions mixtes paritaires, textes modifiés par les amendements du Gouvernement et de la commission, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, messieurs les ministres d'État, madame la ministre, mes chers collègues, « Les drogues menacent notre société. Elles mettent en danger nos valeurs et sapent nos institutions. Elles tuent nos enfants. » Voilà ce que déclarait le président Reagan en 1986. Il s'alarmait alors de la prolifération de la cocaïne et de la survenue d'une nouvelle épidémie : le crack.
La tendance américaine d'hier est, hélas ! devenue la nôtre aujourd'hui. Le marché de la cocaïne dans notre pays, qui compte plus de 1 million de consommateurs réguliers, avoisine les 3 milliards d'euros. Tous nos territoires sont désormais concernés.
Nous avons déjà eu l'occasion de le dire :la drogue tue. Elle n'est pas une infraction sans victime : il y a bien sûr les décès liés à des surdoses ou à la toxicité des produits, mais il y a aussi toutes les victimes des cartels. Les trafiquants menacent, extorquent, enlèvent, frappent, mutilent et assassinent.
Enfin, la drogue joue un rôle dans certains passages à l'acte et provoque des accidents : 20 % des accidents mortels sur nos routes sont ainsi dus à la drogue.
N'oublions jamais que, derrière ces petits sachets, il y a des victimes et des familles endeuillées.
Les États-Unis sont à présent confrontés au fentanyl, dont le prix est aussi dérisoire que ses effets sont puissants. Cette nouvelle drogue a transformé des centaines de milliers d'Américains en véritables zombies. Beaucoup n'y survivront pas.
Nous devons tout faire pour que cette situation ne devienne pas celle de la France de demain. La drogue est le terreau fertile de la criminalité ; ceux qui soutiennent cette proposition de loi l'ont bien compris.
Ce texte, que le groupe Les Indépendants – République et Territoires salue d'autant plus qu'il est le fruit des travaux du Sénat, vise ainsi à ainsi à porter un coup d'arrêt à la criminalité organisée sur notre territoire.
Lors de nos débats, certains ont pu douter de l'efficacité des dispositions proposées tout en avançant l'idée que le meilleur moyen de lutter contre les trafics consisterait à renforcer les aides sociales. Ces jours derniers, tout le monde a pu constater qu'ils s'étaient lourdement trompés.
La violence des attaques portées contre les personnels pénitentiaires et les centres de détention traduit la pertinence des mesures envisagées. C'est bien parce que les trafiquants savent que la loi sera efficace qu'ils réagissent aussi violemment.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires tient à faire part de tout son soutien aux personnels pénitentiaires, à nos forces de sécurité intérieure ainsi qu'à leurs familles. La République doit continuer de protéger ceux qui nous protègent. Force doit rester à la loi.
En cohérence avec l'approche globale du texte, un parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco) est institué. Il sera notamment chargé des crimes les plus graves, comme les homicides ou l'organisation de réseaux criminels.
À cet égard, nous saluons la création de l'infraction de concours à une organisation criminelle. Inspirée du droit pénal italien anti-mafia, cette mesure pragmatique permettra la poursuite de tout individu appartenant à une bande ou à un gang.
Les têtes pensantes des trafics veillent à se tenir bien éloignées du terrain et des points de deal. Néanmoins, grâce aux améliorations apportées au statut de repenti, ainsi qu'au développement de l'infiltration, les services vont détenir davantage de renseignements sur ces organisations. Les poursuites judiciaires pourront atteindre le haut de la hiérarchie et se révèleront donc plus efficaces pour paralyser les trafics.
Plusieurs dispositions permettront non seulement de fermer les établissements concourant au blanchiment, mais aussi de geler les avoirs des trafiquants.
À cet égard, le groupe Les Indépendants – République et Territoires rappelle son attachement au caractère judiciaire des procédures. Ce n'est qu'à cette condition que l'autorité judiciaire peut remplir la mission qui lui est conférée par notre Constitution, à savoir être la gardienne des libertés individuelles.
Pour que la justice soit plus efficace, mieux vaut augmenter ses moyens que de promouvoir des procédures administratives, madame la ministre. Dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons, notre groupe a toujours affirmé que priorité devait être donnée au régalien.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutient l'objectif de lutte contre la criminalité organisée, particulièrement pour ce qui concerne la drogue. Nous voterons donc à l'unanimité ces deux propositions de loi.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre de l'intérieur, madame la ministre chargée des comptes publics, mes chers collègues, nous venons d'aboutir, en commission mixte paritaire, à un accord ferme, lucide et responsable.
Cet accord est également clair, sans ambiguïté : la République reprend la main face aux narcotrafiquants. Il marque sans conteste une avancée décisive dans la lutte contre le narcobanditisme, qui gangrène nos quartiers, pervertit nos institutions et menace l'autorité de l'État.
Je tiens d'abord à saluer le travail de la commission d'enquête du Sénat à l'origine de cette proposition de loi, tout particulièrement Jérôme Durain et Étienne Blanc, grands artisans, dans une démarche transpartisane, de ce texte majeur et même historique.
Je salue également l'écoute et le sens du dialogue du Gouvernement, qui a su tenir bon. Il lui a fallu beaucoup de courage pour porter ce texte ambitieux, dans un climat souvent miné par l'idéologie ou le déni.
Le Sénat a su peser dans toutes les discussions et obtenir des garanties. Nous avons eu gain de cause.
Ce texte, c'est d'abord et avant tout un signal envoyé aux Français, qui ne supportent plus l'impuissance publique ; un signal envoyé également aux trafiquants, qui doivent comprendre que la République ne reculera plus. Avec des mesures chocs, des mesures phares, nous passons d'une logique de tolérance à une logique de dissuasion. Cette rupture était nécessaire.
Soyons lucides : le trafic de drogue n'est plus ni un simple fléau sanitaire ni un simple fléau social. C'est un véritable système mafieux, structuré, militarisé, qui infiltre nos cités, notre économie, notre culture parfois. Il s'agit d'un défi d'autorité, d'un défi civilisationnel.
L'accord trouvé en commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic n'est pas un simple consensus parlementaire ; c'est un signal politique clair, net et attendu.
Ce texte est attendu par tous les Français qui n'en peuvent plus de voir la République reculer face à des narco-mafias qui dictent leur loi dans nos rues, dans nos quartiers, parfois jusque dans nos institutions.
Je le dis avec gravité, mais aussi avec fierté : cette proposition de loi constitue un tournant, un changement de paradigme, la fin de la naïveté, le retour de l'autorité. Ce texte consacre enfin une ligne de fermeté que nous réclamions depuis des années.
Il y a ceux qui parlent de « liberté individuelle » quand il s'agit de consommer de la drogue ; moi, je parle des mères qui pleurent leurs fils abattus dans un point de deal ; des enfants qui traversent un hall d'immeuble infesté de guetteurs armés. Je parle de la République humiliée, à genoux.
Nous avons tenu la ligne, cette ligne qui assume l'ordre, la sécurité, la souveraineté, une ligne qui n'excuse pas, qui ne relativise pas, mais qui agit.
Il n'y a pas de République sans courage. À ceux qui s'inquiètent de la fermeté du texte, et ils sont peu nombreux au Sénat, je réponds que la véritable violence, c'est l'inaction. À ceux qui nous accusent de vouloir faire peur, je réponds oui ! Il faut que les trafiquants aient peur : peur de la justice, peur de la prison, peur de perdre ce qu'ils ont volé à la République. La peur doit changer de camp !
Ce texte n'est pas une fin, c'est un début, un socle, un acte de reconquête de nos quartiers, de notre souveraineté, de notre pacte républicain. La République est de retour : elle parle fort, elle frappe juste et elle ne tremblera plus.
Les sénateurs du groupe Les Républicains voteront bien évidemment ce texte, avec détermination, car il incarne ce que nous devons à la France : la volonté de protéger, la force de rétablir l'ordre et la fierté d'être exigeant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le président, messieurs les ministres d'État, madame la ministre, mes chers collègues, depuis des lustres, une guerre fait rage sur le territoire français : une guerre qui fait de nombreuses victimes, souvent collatérales ; une guerre sournoise, souterraine, à l'abri des regards ; une guerre qui n'est pas classique, sans chars et sans bombes ; une guerre menée par des réseaux organisés, puissants, qui infiltrent nos quartiers, nos écoles, nos familles.
Il nous revient aujourd'hui de doter la France d'un nouvel arsenal législatif à la hauteur des enjeux pour mieux agir en première ligne. Vous le savez, la commission mixte paritaire, qui s'est réunie le 10 avril dernier, a été conclusive. Compte tenu des conséquences graves qu'entraînerait toute inaction dans ce combat – un combat que nous partageons tous, sur l'ensemble des travées de cet hémicycle –, nous nous réjouissons qu'un compromis ait été trouvé sur ce texte, qui pourra rapidement aboutir.
Au Sénat, nous avons défendu une approche ferme, réaliste et cohérente face à l'ampleur du fléau qu'est le narcotrafic. Je me félicite que le texte issu des travaux de la CMP préserve le travail que nous avons mené dans cet hémicycle.
Je pense notamment à la création d'un parquet national anti-criminalité organisée, qui permettra d'apporter des réponses judiciaires plus cohérentes et centralisées.
Il en va de même du gel administratif des avoirs des narcotrafiquants. Cette disposition offrira au pouvoir administratif une action complémentaire aux procédures existantes en matière judiciaire.
Je pense également à l'article 15 ter. J'avais déposé au nom de mon groupe un amendement visant à permettre d'activer à distance les appareils fixes connectés, sous le contrôle du magistrat. Ce développement des techniques d'enquête est indispensable afin de lutter efficacement contre le narcotrafic et ses séquelles.
Je tiens ici à saluer le sens des responsabilités dont ont fait preuve les députés en adoptant ce texte à une large majorité. À mon sens, la navette parlementaire a indéniablement permis d'enrichir la proposition de loi. Les ajouts de l'Assemblée nationale sont nombreux et bienvenus.
Je pense, entre autres, à l'article 10 ter B, qui durcit les sanctions des trafiquants impliquant des mineurs dans leurs réseaux. C'est une avancée que je salue, car elle répond à une réalité tragique que nous connaissons bien. Toutefois, comme je l'ai déjà souligné, le texte reste silencieux sur la question de la prévention, pourtant essentielle pour protéger durablement nos jeunes.
Dans les territoires ultramarins, comme la Guyane, que j'ai l'honneur de représenter dans cet hémicycle, le narcotrafic est une menace quotidienne. Il gangrène nos territoires, déstabilise notre jeunesse. Comment espérer gagner cette guerre quand tant de jeunes n'ont d'autres choix que d'avaler des boulettes pour payer des loyers en retard ou soutenir leur famille ?
La Guyane, désormais rejointe par la Martinique et la Guadeloupe, est devenue, malgré elle, un passage obligé pour les trafiquants.
Aussi, je tiens à réaffirmer, avec la plus grande fermeté, qu'il est nécessaire que le Gouvernement assume pleinement ses responsabilités en matière de contrôle aux frontières. Nous le savons, en dépit des contrôles renforcés au départ, des mules parviennent toujours à atterrir dans les aéroports parisiens.
C'est pourquoi j'en appelle solennellement à l'État : il est urgent d'installer des scanners aux aéroports d'Orly et de Roissy. Il s'agit d'une mesure simple, concrète, attendue de longue date et déjà mise en place par nos voisins belges et néerlandais sur des liaisons très spécifiques. Cette avancée permettrait de briser un maillon essentiel de la chaîne logistique des trafiquants.
Malgré ces quelques réserves, vous l'aurez compris, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants soutient largement les progrès apportés par ce texte pour sortir la France du piège du narcotrafic.
Enfin, je veux redire toute ma fierté d'avoir modestement apporté mon concours à l'élaboration d'un texte qui fera date. C'est avec fierté que j'ai mené ce combat aux côtés d'Étienne Blanc et de Jérôme Durain, depuis les travaux de la commission d'enquête, pour doter la France d'un outil de lutte contre les narcotrafiquants.
Le groupe RDPI votera ces propositions de loi. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre de l'intérieur, madame la ministre chargée des comptes publics, mes chers collègues, la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic témoigne de la qualité de l'initiative parlementaire, particulièrement du Sénat.
Par la coconstruction et le dialogue entre les chambres et avec le Gouvernement, sur la base d'un considérable travail de fond réalisé par la commission d'enquête conduite par Étienne Blanc et Jérôme Durain, que je salue, nous parvenons aujourd'hui, à l'issue de la procédure législative, à un texte important, suscitant une large adhésion.
Sur le fond, il n'est plus nécessaire, après les nombreux débats qui ont animé notre Parlement, de rappeler la prégnance du sujet abordé dans cette proposition de loi, comme le montre l'écho qu'elle a suscité dans le débat public et médiatique.
Les Français, leurs élus, les professionnels du droit, les forces de l'ordre, la police, la gendarmerie et la pénitentiaire connaissent désormais trop bien la réalité d'un narcotrafic d'ampleur et du quotidien.
Le rapport de la commission d'enquête sur lequel s'appuie la présente proposition de loi a fait la lumière sur l'étendue géographique du problème, qui touche désormais non plus seulement les centres urbains, mais aussi fortement le monde rural.
Le trafic de drogue ravage tout sur son passage : des espoirs des jeunes enrôlés jusqu'aux vies des victimes de la violence des bandes.
Il faut donc saluer les initiatives du législateur pour rendre plus efficaces les moyens de lutte contre le trafic de drogue. Mais parce que le trafic de drogue est désormais un fait de société, la répression ne suffira pas à elle seule à régler le problème. Il faut également faire preuve d'une plus grande ambition en matière de prévention. C'est indispensable pour réduire la consommation de drogue et donc le trafic.
Plus globalement, le narcotrafic se nourrit de la vulnérabilité sociale, économique ou sanitaire de certains citoyens. Il est dès lors crucial de développer des outils en matière de cohésion sociale, de protection de l'enfance, d'éducation, d'insertion et de réinsertion.
La lutte contre le narcotrafic est un combat pour une société meilleure. Elle concerne et mobilise tous les citoyens, non seulement les forces de l'ordre et la justice, mais également les assistants sociaux, le monde associatif, les soignants, les élus locaux. La plupart des dispositions de la proposition de loi font l'objet d'un large consensus transpartisan, ainsi qu'entre les deux chambres.
Parquet spécialisé, nouveau régime carcéral d'isolement, mesures répressives et outils pour les enquêteurs comme le renseignement algorithmique ou la surveillance à distance sont autant de mesures attendues et nécessaires.
Je prends acte de la suppression par la commission mixte paritaire de l'article 8 ter, qui permettait aux services de renseignement d'accéder au contenu des messageries chiffrées.
La CMP a également maintenu l'article 16 bis autorisant les dispositifs de surveillance dans les lieux privés, ainsi que des dispositions relatives au procès-verbal distinct. Ces mesures appellent une vigilance de notre part, tout comme la mise en œuvre du « dossier coffre », qui devra être évaluée afin de s'assurer que l'atteinte aux droits de la défense est proportionnée.
Bien que je me satisfasse du consensus trouvé sur l'article 16, il ne faut pas oublier, j'y insiste, qu'il emporte une atteinte importante aux droits fondamentaux et qu'il fragilise ainsi l'équité du procès et, in fine, la justice elle-même.
Or celle-ci a plus que jamais besoin d'être forte. À cette fin, elle doit être fondée sur le respect des droits. Il en va de même pour les forces de l'ordre, qui se voient confier des pouvoirs importants, dérogatoires au droit commun, à l'image du droit d'exception antiterroriste.
L'exercice de ces prérogatives doit s'accompagner de moyens humains et financiers à la hauteur, afin de garantir un cadre de travail serein qui limitera les risques de non-respect du droit, d'erreurs ou d'abus.
Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen votera à l'unanimité cette proposition de loi, en espérant qu'elle portera ses fruits et qu'elle permettra de lutter contre le fléau du narcotrafic. Toutefois, même si nous sommes satisfaits du travail accompli, nous ne devons pas nous voiler la face : il nous reste du chemin à parcourir. (Applaudissements au banc des commission.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.), président de la commission.
Mme Isabelle Florennes. Monsieur le président, messieurs les ministres d'État, madame la ministre, mes chers collègues, les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic sont sans nul doute le fruit d'un bon accord entre le Sénat et l'Assemblée nationale.
Elles restent dans la lignée du consensus qui s'est dégagé sur ce texte ici, au Sénat, le 4 février dernier, et valident le travail accompli par la commission d'enquête sénatoriale présidée par Jérôme Durain, dont le rapporteur était Étienne Blanc.
Nous ne pouvions pas objectivement rester inactifs face à l'ampleur des changements de méthode et de comportement des trafiquants de drogue.
Comme l'a déclaré dans la presse M. Philippe Marnat, ancien directeur chargé de la lutte contre la criminalité organisée : « Les responsables des trafics sont avant tout des logisticiens qui adaptent en continu leur mode opératoire à la réponse policière et douanière ».
Au-delà de cette flexibilité technique, l'usage de la violence et la volonté de tuer sont devenus monnaie courante, si j'ose user de cette expression, alors que le nombre de victimes directes et indirectes, qui sont désormais touchées par les agissements des nervis obéissant aux ordres meurtriers de leurs chefs, est terrible.
Dans cette course folle et effrayante, où tout semble permis, notre pays est particulièrement exposé, car il est à la fois un large bassin de consommation et un pays de transit, voire de rebond, vers des pays lointains, comme l'Australie, très distante de la France, où les prix des stupéfiants, notamment celui de la cocaïne, sont très élevés.
Heureusement, l'engagement de l'ensemble de nos forces de l'ordre, de nos magistrats et du personnel judiciaire qui les entourent, que je tiens ici à saluer, est tel que nous faisons face vaillamment. Mais nous devons leur permettre de s'adapter, car nous sommes entrés dans une ère nouvelle.
Le texte qui résulte des travaux de la CMP est multidimensionnel : il combine réponse immédiate et stratégie de long terme et repose sur un équilibre entre efficacité répressive et respect des libertés individuelles.
Les mesures clefs qui ont été adoptées ont pourtant fait l'objet de nombreux débats depuis des années.
L'une des questions centrales était de savoir si les règles applicables en matière de lutte contre le terrorisme pouvaient être transposées à la répression du trafic de drogue. L'adoption du présent texte permettra d'apporter une réponse claire et positive à cette interrogation.
Ainsi, un parquet national anti-criminalité organisée, à l'instar du parquet national anti-terroriste, verra le jour au mois de janvier 2026.
De même, des quartiers de haute sécurité seront créés pour les gros trafiquants et des outils de coercition seront instaurés contre les filières de blanchiment de l'argent de la drogue.
Deux autres innovations, attendues depuis longtemps, ont été adoptées : la réforme des repentis, avec la création d'une réduction de peine pouvant atteindre les deux tiers pour les collaborateurs de justice, et la création d'une nouvelle infraction de concours à une organisation criminelle.
Des points de tension entre nos deux assemblées ont été résolus. Ainsi, les fermetures administratives d'établissements participant au blanchiment de l'argent seront du ressort exclusif du préfet. Les maires n'auront pas cette compétence, ce qui évitera qu'ils soient l'objet de pression. La durée maximale de l'isolement carcéral en quartier de haute sécurité a été réduite, passant de deux ans à un an renouvelable. Enfin, la disposition controversée obligeant les plateformes à communiquer les correspondances a été abandonnée.
Ce texte répond à des impératifs sécuritaires par un système de limitations proportionnées, en accord avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui appelle à ce que les restrictions des libertés publiques soient « nécessaires, adaptées et proportionnées. »
Mes chers collègues, en adoptant ce texte, nous allons montrer notre détermination à lutter contre le crime organisé. Nous allons aussi réaffirmer que l'État de droit est plus fort que les mafias.
Vous l'aurez compris, les sénateurs du groupe Union Centriste voteront cette proposition de loi à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Monsieur le président, messieurs les ministres d'État, madame la ministre, mes chers collègues, nous connaissons bien, désormais, les réalités et les conséquences du trafic de drogue. Les habitants de ma ville de Marseille en sont souvent, hélas ! les premières victimes. Si nous savons l'horreur de cette gangrène mafieuse, nous ne pouvons ignorer qu'elle prospère sur la misère.
La France, septième puissance du monde, compte plus de 9,1 millions de pauvres, soit plus de 14 % de la population. Alors que, dans notre pays, un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, ces mafias sanguinaires n'hésitent pas, justement, à exploiter de plus en plus d'enfants. Les plus précaires et les plus fragiles sont toujours les premières victimes de ces mafias. Alors que les enfants de l'aide sociale à l'enfance (ASE) sont particulièrement exposés à cet esclavage – j'ose le mot –, la puissance publique défaillante fait des économies sur leurs dos et les abandonne aux mains de ces criminels.
Ce que je souhaite exprimer ici, mes chers collègues, alors que nous nous apprêtons à adopter définitivement cette proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, c'est que ledit piège est multidimensionnel. Lutter contre le narcotrafic, c'est aussi lutter contre les causes de ce chaos que nous organisons en laissant la pauvreté prospérer, les inégalités sociales et économiques exploser, et en abandonnant les plus précaires.
J'espère que l'intérêt que nous portons à ce texte sera étendu à un réel combat pour plus d'égalité, sans quoi ce travail sera vain. Si la sécurité est un droit fondamental que l'État doit faire respecter, elle ne peut être garantie sans un système plus égalitaire. À cet égard, une réelle politique globale de santé publique est primordiale pour lutter contre la consommation de drogue. Sans de tels efforts, le présent texte ne permettra pas de lutter réellement contre le trafic de stupéfiants et les mafias.
Par cohérence, je souhaite aussi attirer votre attention sur le fait que notre justice reste bien moins financée que chez nos voisins européens. C'est notamment vrai du juge des libertés et de la détention (JLD).
Afin de mieux protéger les habitants de notre pays, cette proposition de loi vise à inscrire dans notre droit des mesures privatives de libertés individuelles. La recherche d'équilibre entre nos droits fondamentaux conduit, dans un État de droit comme le nôtre, à mettre en place des verrous et des garanties de contrôle. Nombreuses sont les dispositions de ce texte qui font reposer ces contrôles sur le JLD.
Loi après loi, nous ne cessons d'accumuler sur les épaules de ces juges toujours plus de responsabilités, en leur demandant d'y faire face toujours plus vite ; mais les moyens mis en place pour leur permettre d'exécrer correctement ces missions sont défaillants et ne répondent en rien aux besoins immenses. La justice française est paupérisée.
Sans moyens supplémentaires substantiels, les JLD ne pourront exercer leurs missions. Le contrôle indispensable qu'ils réalisent ne permettra plus de garantir le respect de nos droits fondamentaux. L'État de droit n'est pas qu'une idée, qu'un idéal, il doit être une réalité pratique. Nous devons tout mettre en œuvre pour qu'il soit effectif.
Enfin, cette proposition de loi nous appelle à la plus grande vigilance. Nous touchons ici à nos droits fondamentaux et nous devons veiller à toujours trouver l'équilibre indispensable.
La création des quartiers sécurisés en prison, à l'article 23, présente des risques que souligne également la Défenseure des droits. Nous devons mesurer ce qu'implique une telle disposition et rester vigilants.
Puis, la mise en place de peines complémentaires d'interdiction de vol pour les mules interceptées et condamnées pourrait avoir des conséquences graves sur des personnes déjà précaires et en situation de quasi-esclavage.
Enfin, l'article 22 tend à instaurer de nouvelles mesures relatives à la lutte contre le trafic de drogue dans les ports. Mon groupe tient, depuis de début de nos travaux, à garantir la sécurité des travailleurs de nos ports, mais aussi la préservation de leurs libertés fondamentales. Si des garanties ont été instaurées, nous resterons vigilants quant à la mise en application de ces contrôles accrus.
Ainsi, malgré ces mises en garde et la vigilance importante qui sera la nôtre en matière de respect de notre État de droit, notre groupe, convaincu que la lutte contre les mafias et le trafic de stupéfiants s'intègre dans un projet de développement économique, social, démocratique et populaire, votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi qu'au banc des commissions. – Mme Isabelle Briquet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, messieurs les ministres d'État, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà au bout du chemin législatif de cette proposition de loi issue des travaux de notre assemblée.
Ces travaux, au départ, avaient suscité l'unanimité, car les recommandations qui en émanaient étaient claires, qu'il s'agisse de la lutte contre le blanchiment ou de la réorganisation de notre arsenal pénal. Elles comportaient également un volet sur la prévention, indispensable. L'idée était non pas d'être méchant avec les méchants, mais de taper au portefeuille et de s'attaquer au haut du spectre.
Le rapport de notre commission d'enquête sénatoriale comprenait trente-cinq recommandations, dont beaucoup ont été reprises dans ce texte, afin de changer de doctrine et de ne pas viser seulement le consommateur et les petites mains des réseaux, qui génèrent certes de gigantesques profits par la vente de stupéfiants, mais qui opèrent aussi dans les trafics d'armes, le racket, la traite des êtres humains et le proxénétisme.
De cette unanimité, que reste-t-il dans le texte issu de la commission mixte paritaire ? Cette globalisation des groupes organisés, au-delà de la vente de drogues, a été prise en compte avec la spécialisation de nos moyens de justice, au travers d'un parquet national non limité aux seuls stupéfiants, mais consacré à l'ensemble de la criminalité organisée.
Notre groupe salue cette vision, à la juste échelle de ces nouvelles mafias et de la nécessité d'y accorder une attention particulière. Nous alertons tout de même sur la dérive possible d'une centralisation excessive : nous devons être conscients que ces criminalités se retrouvent sur l'ensemble du territoire, en zone urbaine comme en zone rurale.
Notre groupe s'associe à la volonté nouvelle de s'attaquer enfin au haut du spectre, au blanchiment, à la corruption. C'est bien la raison qui nous a poussés, en première lecture, malgré certaines réserves, à voter le texte.
Car le constat premier de la commission d'enquête est celui de l'échec des politiques des places nettes, des opérations XXL… Plus de saisies, plus de personnes en prison, mais un trafic qui continue d'augmenter.
Ce texte, aussi ambitieux soit-il, laisse une question primordiale en suspens : quels moyens réels seront mobilisés par ce gouvernement pour mettre en œuvre vite et efficacement ces avancées ?
Il y a quelques années, nous avions créé une juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (Junalco). Je ne ferai offense à personne en disant que la machine n'a que trop peu fonctionné, en raison d'un manque non seulement de soutien politique, mais aussi matériel et financier et d'une pénurie de ressources humaines.
En votant ce texte, nous allons adopter des dispositions qui coûtent de l'argent et qui requièrent de nouveaux moyens humains alors, nous dit-on, que l'état dans lequel se trouvent nos finances publiques ne le permet pas.
Il y a assurément du bon, mais il y a aussi des manques. Nous regrettons que rien n'apparaisse dans le texte sur l'urgence de faire de la prévention une grande cause nationale, à l'attention des consommateurs et des personnes en grande précarité, cibles privilégiées des trafiquants pour devenir les petites mains de ces réseaux, le Lumpenproletariat de cette industrie.
Rien non plus sur des mesures d'information pour éviter l'entrée dans la consommation ni sur les parcours de soins, sur la prise en charge des addictions ou sur l'intérêt de légaliser ou de dépénaliser certains usages. Aucune mesure de politique de santé publique.
Rien non plus sur le volet économique et social, dont il a pourtant été question lors des travaux de la commission d'enquête, levier majeur de la lutte contre le narcotrafic, comme l'a très bien souligné Jérémy Bacchi à l'instant.
Rien sur la politique de la ville, rien sur la lutte contre la précarité ni sur l'insertion par l'école et le travail.
Rien, enfin, sur l'accompagnement et le traitement social des victimes du narcotrafic et de leurs familles.
L'autre volet important concerne l'introduction de dispositions qui nous paraissent fort gênantes. Si nous accueillons favorablement la suppression de l'accès aux messageries cryptées, certaines mesures nous paraissent bien trop attentatoires aux libertés.
C'est donc avec déception que notre groupe constate une sorte de « phagocytage » de la loi par les ministres d'État MM. Retailleau et Darmanin. La porte-parole du Gouvernement, Mme Sophie Primas, évoque après le conseil des ministres, au sujet des attaques inacceptables contre les lieux de détention, une réaction du milieu aux décisions courageuses de MM. Retailleau et Darmanin sur le narcotrafic et explique que, à quelques exceptions près, l'ensemble des autres dispositions et dispositifs mis en place par Bruno Retailleau et Gerald Darmanin, figurant dans une proposition de loi du Sénat, ont été votés.
Pas plus tard que jeudi dernier, le ministre d'État Bruno Retailleau se félicitait aussi de cette proposition de loi, issue de sa commission d'enquête sur le narcotrafic, née de son droit de tirage, et du vote définitif à venir.
Je rappelle simplement que la création de cette commission a été demandée en premier lieu par trois sénateurs écologistes et de gauche, élus des Bouches-du-Rhône : Marie-Arlette Carlotti, Jérémy Bacchi et moi-même.
M. Jérôme Durain. Mais pas des Bouches-du-Rhône ! (Mêmes mouvements.)
M. Guy Benarroche. Dans la même conférence de presse, M. Retailleau se félicitait que la loi accroisse les pouvoirs du préfet pour prononcer des interdictions de paraître, fermer des blanchisseuses ou se substituer aux bailleurs pour expulser des logements sociaux les trafiquants.
Notre groupe voit en cela aussi le détournement politique, regrettable, de l'objectif de la proposition de loi, puisque rien dans ces mesures, contestables constitutionnellement, ne s'attaque au haut du spectre. De plus, elles ne figurent pas dans les travaux de la commission d'enquête sénatoriale.
Le consensus du Sénat, celui de la commission d'enquête, n'est plus là, alors que ce texte aurait pu rester transpartisan grâce aux réelles mesures qu'il comporte pour s'attaquer vraiment aux organisations du narcotrafic et à leurs dirigeants.
Tout comme pour la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, nous ne pouvons voter un texte qui comporte manifestement des mesures non constitutionnelles.
Nous soulignons de nouveau le danger que comporte cette méthode, qui cherche à écrire des mesures d'affichage pour rejeter vers le Conseil constitutionnel la responsabilité de censurer des mesures présentées à tort comme des outils nécessaires.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. Jérôme Durain. Monsieur le président, messieurs les ministres d'État, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis pour la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire qui a permis à l'Assemblée nationale et au Sénat de se mettre d'accord sur une version consensuelle de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic.
À la différence de mon collègue Guy Benarroche, je considère que cette version reprend essentiellement le texte du Sénat, à l'exception de l'injonction pour richesse inexpliquée, en y intégrant les amendements du Gouvernement, dans une configuration assez originale, comme l'a souligné le ministre d'État Bruno Retailleau, ce qui est plutôt à l'honneur de nos institutions, de notre Parlement et du Sénat.
Permettez-moi d'abord d'exprimer la position du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sur le texte qui nous est proposé aujourd'hui. Par rapport à celui que nous avions voté à l'unanimité, le 4 février dernier, je note plusieurs motifs de satisfaction.
En premier lieu, la suppression de l'article 8 ter, qui avait été introduit contre l'avis de nos rapporteurs, et notamment de Muriel Jourda, est bienvenue. Cet article inquiétait bon nombre d'observateurs et de défenseurs des libertés publiques. Il ne nous semblait pas de bonne méthode d'introduire, par voie d'amendement sénatorial, une mesure aussi lourde.
De même, la limitation de l'extension du renseignement algorithmique au seul haut du spectre répond aux interrogations qui ont pu émerger.
L'article relatif au procès-verbal distinct constitue à n'en pas douter l'un des sujets les plus sensibles du texte. Les réécritures successives du dispositif, éclairées par l'avis du Conseil d'État et sur lesquelles notre commission des lois a beaucoup travaillé, me semblent aboutir à un juste équilibre entre les droits de la défense et le besoin de protéger l'efficacité des techniques spéciales d'enquête (TSE) pour lutter contre la criminalité organisée.
Acquis majeur du texte, le parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco), qui sera mis en place début 2026, jouera le rôle d'un chef d'orchestre, ce qui correspond aux vœux de la commission d'enquête que j'ai eu l'honneur de présider. Le Pnaco sera systématiquement informé des dossiers pris en charge par les juridictions interrégionales spécialisées (Jirs), ce qui lui permettra de faire jouer son pouvoir d'évocation pour tout le haut du spectre. En outre, il disposera d'un lien privilégié avec les services de renseignement du premier cercle.
J'en viens maintenant à l'enjeu sensible des prisons. Les propositions du garde des sceaux ont suscité des interrogations à gauche. Elles n'avaient pas été soumises à la sagesse du Sénat en première lecture – mais c'est ainsi que notre travail s'est organisé, autour de différents apports, pour aboutir au présent texte.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est une gauche fière de défendre l'héritage de Robert Badinter, qui avait contribué à la fin des quartiers de haute sécurité. Mais nous revendiquons également le fait d'incarner une gauche responsable, pleinement consciente des nouveaux enjeux propres à l'adaptation de la criminalité organisée au milieu carcéral. La commission d'enquête avait mis le doigt sur le danger qui pèse sur les prisons et sur les membres de l'administration pénitentiaire, que nous voulons assurer de notre plein soutien.
La commission mixte paritaire a décidé de réduire à douze mois la durée de la décision d'affectation dans ces quartiers de lutte contre la criminalité organisée, proposée par le garde des sceaux. Cette évolution, chère aux parlementaires socialistes, dissipera un certain nombre des craintes mises en avant par les opposants à cette mesure.
Vous connaissez tous la terrible actualité de notre pays à propos des prisons. Tout au long des travaux de la commission d'enquête, nous nous sommes interrogés : exagérions-nous la menace ? Les personnes auditionnées n'en faisaient-elles pas un peu trop ? Lorsque nous avons présenté nos recommandations, il y a d'ailleurs eu quelques sarcasmes, quelques doutes.
Aujourd'hui, plus personne ne doute de la gravité, de la réalité de la menace qui pèse sur le pays en raison du narcotrafic. Le texte que nous allons voter permettra de réduire le déséquilibre des moyens que nous constatons souvent dans la lutte contre la criminalité organisée, qu'il s'agisse des policiers, des douaniers, des gendarmes, des magistrats – et parfois même des élus locaux.
Cette proposition de loi permettra beaucoup, mais elle ne permettra pas tout. Il appartient à notre société de s'interroger sur son rapport à la drogue. En faisons-nous assez en termes de prévention ? D'autres orateurs ont posé la question.
La répression de la consommation est-elle une solution indépassable pour ce qui concerne certaines substances ? Les consommateurs malades sont-ils suffisamment accompagnés ?
Autant de questions qui méritent d'être abordées dans la sérénité, loin du combat partisan. J'espère que notre chambre pourra y contribuer, avec le même regard constructif que celui qu'elle a porté sur les aspects répressifs figurant dans ce texte.
Les sénateurs socialistes voteront cette proposition de loi en pleine responsabilité. (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement et de la commission.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 262 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Pour l'adoption | 325 |
Le Sénat a adopté.
(La proposition de loi est adoptée.)
(Applaudissements.)
Vote sur l'ensemble de la proposition de loi organique
M. le président. Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur de la République anti-criminalité organisée dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle qu'en application de cet article, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 263 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 341 |
Le Sénat a adopté.
(La proposition de loi organique est adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-deux.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.
5
Restitution d'un bien culturel à la République de Côte d'Ivoire
Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi relative à la restitution d'un bien culturel à la République de Côte d'Ivoire (proposition n° 140, texte de la commission n° 530, rapport n° 529).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.
Au cours de cette procédure, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l'ensemble du texte adopté par la commission.
proposition de loi relative à la restitution d'un bien culturel à la république de côte d'ivoire
Article unique
Par dérogation au principe d'inaliénabilité des collections publiques françaises inscrit à l'article L. 451-5 du code du patrimoine, à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le tambour parleur dit Djidji Ayôkwê conservé dans les collections nationales placées sous la garde du musée du quai Branly-Jacques Chirac, dont la référence figure en annexe à la présente loi, cesse de faire partie de ces collections.
L'autorité administrative dispose, à compter de la même date, d'un délai d'un an au plus pour transférer ce bien à la République de Côte d'Ivoire.
Annexe à l'article unique
Numéro d'inventaire du musée du quai Branly-Jacques Chirac : 71. 1930.5.1. – Tambour « parleur » de la communauté Atchan.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l'article 47 quinquies de notre règlement, au rapporteur de la commission, pendant sept minutes, puis au Gouvernement et, enfin, à un représentant par groupe pendant cinq minutes.
La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Max Brisson, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le moins que l'on puisse dire est que la proposition de loi de Laurent Lafon, que nous allons voter cette après-midi, est à plusieurs égards dérogatoire à la doctrine que nous nous sommes fixée sur les restitutions d'œuvres d'art, dans le cadre de l'engagement de longue date de la Haute Assemblée sur cette question.
En effet, avec mes collègues Catherine Morin-Desailly et Pierre Ouzoulias, nous avons recommandé dès 2020 que les engagements politiques et diplomatiques à la restitution de telle ou telle œuvre ne précèdent pas la consultation du Parlement.
Nous avons également préconisé l'intervention systématique d'un conseil national chargé d'une expertise scientifique préalable au temps politique.
Une forme de consensus s'était même nouée un temps sur la mise en pause des lois d'espèce – qui pouvaient nourrir le sentiment d'une sorte de fait du prince – pour privilégier la construction d'un cadre législatif général.
Sur la restitution du tambour parleur dit Djidji Ayôkwê, demandée par la Côte d'Ivoire il y a six ans, rien n'a été fait pour que cette méthode soit respectée : pas d'expertise préalable par un conseil scientifique, pas de loi-cadre… Et pourtant, la France s'est engagée, par la voix de son Président de la République, à satisfaire cette demande en 2021. Depuis lors, aucune portée juridique concrète n'a été donnée à cet engagement, que notre sens des responsabilités nous impose pourtant aujourd'hui de tenir.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. Max Brisson, rapporteur. Et c'est bien parce que la commission de la culture du Sénat a, depuis des années, travaillé sur la question des restitutions, qu'une initiative transpartisane, sur la proposition de Laurent Lafon, son président, a pu intervenir pour pallier cette carence.
Pourquoi donc, mes chers collègues, accepter de déroger à nos principes ? Parce que nous pouvons parfaitement appréhender l'origine de l'œuvre, son histoire, son entrée dans les collections publiques françaises, son parcours.
Djidji Ayôkwê est un tambour à fente de l'ethnie Atchan, arraché à sa communauté d'origine par l'administration coloniale il y a plus d'un siècle. Cet instrument, aujourd'hui exposé au musée du quai Branly-Jacques Chirac, n'est pas un tambour ordinaire de par ses dimensions – il mesure plus de 3,50 mètres –, ses qualités esthétiques, qui ont conduit à ce que sa présence au palais du gouverneur de Bingerville soit signalée au musée de l'Homme par l'écrivain Paul Morand en 1929, ou sa fonction au sein de l'ethnie Atchan, puisqu'il était utilisé comme instrument de communication servant à annoncer des événements et à transmettre des messages, notamment sur la progression de l'armée coloniale française.
Sa place dans la communauté était centrale, au point qu'il était considéré comme une entité spirituelle faisant partie intégrante du peuple atchan.
Nous vous invitons également à déroger à notre doctrine, mes chers collègues, parce que l'absence prolongée de ce tambour aurait pu créer des difficultés entre notre pays et la République de Côte d'Ivoire. Il eût été tout à fait regrettable que les excellentes relations que la France entretient avec la Côte d'Ivoire se trouvassent altérées par l'absence de traduction concrète des engagements pris par le chef de l'État en 2021. Ce ne sera heureusement pas le cas.
Je salue d'ailleurs la présence dans nos tribunes de Son Excellence M. Maurice Bandaman, ambassadeur de la République de Côte d'Ivoire en France et ancien ministre de la culture, ainsi que de M. Mamadou Touré, ministre de la promotion de la jeunesse, de l'insertion professionnelle et du service civique et de M. Ibrahima Diabaté, président du Conseil national des jeunes de Côte d'Ivoire. (M. Pierre Ouzoulias applaudit.)
L'inertie que nous avons connue ces dernières années était d'autant plus étonnante que la demande ivoirienne était parfaitement légitime compte tenu des conditions dans lesquelles le tambour a été intégré aux collections françaises, et tout-à-fait exemplaire au regard des préconisations de notre commission sur la méthode des restitutions.
Ce que nous n'avons pas encore intégré dans notre droit a été fait de manière spontanée par les acteurs de terrain ivoiriens et français, dans le cadre d'un projet muséal à forte dimension scientifique et partenariale, auquel la France apporte un appui opérationnel et financier.
Ce projet vise à adapter le musée des civilisations de Côte d'Ivoire à la conservation et à l'exposition du tambour. Il tend également à la construction d'une histoire du tambour incontestable d'un point de vue historique et partagée entre nos deux pays. Son achèvement, prévu pour le mois de juillet prochain, permettra une réappropriation de son patrimoine par la Côte d'Ivoire en même temps qu'une analyse de son passé colonial par la France.
L'exemplarité de cette démarche, conjuguée à l'importance des investissements consentis par notre pays, doit nous conduire à répondre dans les plus brefs délais à la demande de restitution formulée par la Côte d'Ivoire.
Grâce à vous, madame la ministre, la conclusion d'une convention de dépôt en novembre dernier a constitué un signal positif. Il est cependant impératif d'aller plus loin et de rendre à la Côte d'Ivoire la pleine et définitive propriété du tambour.
Parce qu'elle suppose de déroger au principe d'inaliénabilité des collections publiques, cette opération réclame l'intervention du législateur. Tel est l'objet de l'article unique de la présente proposition de loi.
Il est désormais certain que le mouvement de restitution ira en s'approfondissant. Les réserves du Sénat sur la méthode aujourd'hui suivie pour restituer des œuvres d'art restent entières. Comme nous l'avons fait lors de notre réunion du 9 avril dernier, j'exhorte le Gouvernement à travailler en lien avec notre commission pour définir de manière concertée les principaux éléments d'une éventuelle loi-cadre.
Dans cette attente, je vous invite, mes chers collègues, à suivre la position unanime de la commission en vous prononçant pour le retour du tambour parleur Djidji Ayôkwê sur son sol d'origine.
Ce faisant, nous répondrons à l'attente légitime de la communauté atchane et, au-delà, de toute la nation ivoirienne. Nous veillerons également, en responsabilité, à faire en sorte que la parole donnée par la France se traduise en actes. (Applaudissements.)
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner un texte important, dans la continuité d'un travail entamé depuis plusieurs années.
Je voudrais saluer l'engagement de la commission de la culture du Sénat, de son président, cher Laurent Lafon, ainsi que de son rapporteur, cher Max Brisson, dont le rôle en matière de restitution a été déterminant. Nous souhaitons même aller plus loin désormais.
Le Sénat s'est saisi de manière transpartisane de ce sujet essentiel pour l'apaisement des mémoires, contribuant à une véritable prise de conscience collective.
Je salue également la présence en tribune de M. l'ambassadeur de Côte d'Ivoire, Maurice Bandaman, et du ministre Mamadou Touré.
Dans ce travail, le ministère de la culture a également su prendre ses responsabilités. Je pense d'abord à la loi-cadre du 22 juillet 2023 relative à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945, que vous avez mentionnée.
Je songe également aux travaux qui sont en cours et à ceux qui ont déjà été menés sur les restes humains. À ce titre, la loi du 26 décembre 2023, initiée par la sénatrice Morin-Desailly, dont je salue le travail engagé de longue date sur le sujet, a permis la publication d'un décret, le 2 avril dernier, autorisant le transfert de trois crânes sakalaves des collections françaises à la République de Madagascar. Comme j'ai pu le constater lors du dernier déplacement dans ce pays avec le Président de la République, cela a été particulièrement apprécié sur place.
Je mentionne aussi le rapport et la proposition de loi du député Marion sur la restitution des restes humains ultramarins.
Le présent texte porte sur la restitution du tambour parleur atchan à la République de Côte d'Ivoire. Cette proposition de loi s'inscrit plus globalement dans une démarche très chère au Président de la République, qu'il a définie dans son discours de Ouagadougou en 2017 : celle qui vise à renouveler, à renforcer nos relations avec le continent africain, que ce soit par la restitution de biens culturels ou, plus largement, par la circulation des œuvres entre la France et ses partenaires africains.
Cet engagement s'est d'ailleurs déjà concrétisé via la loi du 24 décembre 2020 relative à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal.
Cette politique de restitution répond à des enjeux de politique étrangère. Elle est d'ailleurs de plus en plus prise en compte dans les enceintes diplomatiques : Union africaine, G20, Unesco. Elle répond également à un enjeu de réparation qu'il faut mentionner comme tel : réparation pour des peuples qui ont pu être privés de l'accès à leur patrimoine et à ce qui fait partie intégrante de leur mémoire.
Nous continuons aujourd'hui dans cette voie, avec la proposition de loi relative à la restitution du tambour parleur à la République de Côte d'Ivoire, qui nous occupe aujourd'hui.
Ce texte est le résultat d'un travail commun. La restitution avait été actée en 2021 par le Président de la République et son homologue, le président Alassane Ouattara. Depuis, un travail a été mené conjointement afin que ce tambour puisse retrouver son pays d'origine. Là encore, le ministère de la culture s'est pleinement engagé dans la démarche.
Je veux saluer aussi les travaux des équipes du musée du quai Branly-Jacques Chirac et du musée des civilisations de Côte d'Ivoire (MCCI). Ne l'oublions pas, le dialogue scientifique est constitutif du processus de restitution de biens culturels tel que nous le concevons avec nos partenaires africains et bien au-delà. Leur engagement a permis d'aboutir de façon pragmatique à une double solution : le dépôt et la restitution.
Le 18 novembre dernier, j'ai donc signé avec mon homologue ivoirienne, la ministre Françoise Remarck, une convention de dépôt. C'était une première étape pour garantir dès que possible le retour du tambour à Abidjan, selon le calendrier de fin des travaux et de réouverture du MCCI. Il s'agissait aussi d'envoyer un signal clair, volontariste, à nos partenaires ivoiriens et non de contourner le circuit législatif.
Parallèlement, votre engagement sur le sujet a abouti au dépôt d'une proposition de loi au Sénat. Ce texte nous permet désormais d'avancer sur le chemin de la restitution définitive. Son article unique vise à déroger au principe d'inaliénabilité des collections nationales, prévu par le code du patrimoine.
Il s'agit d'une proposition de loi d'espèce, qui constitue une avancée importante. Nous devrons à l'avenir poursuivre notre dialogue concernant l'élaboration d'une loi-cadre relative aux restitutions.
C'est un chantier dont nous devons nous saisir ensemble. Comme je l'ai indiqué en commission voilà quinze jours, j'y suis pleinement favorable. Les échanges que j'ai encore eus à Madagascar aux côtés du Président de la République nous renforcent dans cette conviction.
Je sais que le texte est très attendu par la Chambre haute. Je peux vous le dire, nous sommes prêts. Cependant, compte tenu des enjeux, le débat ne pourra se tenir que dans un cadre apaisé, vertueux, exprimant la volonté de la représentation nationale de faire droit aux demandes de restitution des partenaires étrangers.
M. Pierre Ouzoulias. C'est le cas au Sénat !
Mme Rachida Dati, ministre. Nous ne pouvons pas nous permettre d'ouvrir la porte à une instrumentalisation de telles questions. J'y veillerai dans le cadre de la consultation des groupes représentés au Parlement que je souhaite dès à présent engager sur ce dossier.
Cette proposition de loi et la restitution du tambour parleur s'inscrivent dans la perspective de la réouverture du MCCI, qui devrait avoir lieu d'ici à la fin de l'année 2025. Au regard de l'appui que la France apporte à sa rénovation et à sa modernisation, ce musée reflète notre ambition en matière de politique de restitution. Cette ambition s'accompagne d'un dialogue scientifique – je l'ai évoqué – ainsi que d'une démarche de coopération muséale et patrimoniale. Le partenariat avec la Côte d'Ivoire illustre parfaitement les différentes dimensions de notre approche.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la présente proposition de loi témoigne de la volonté de la France d'écrire une nouvelle page de notre histoire partagée avec l'Afrique. Cette page, nous l'écrivons conjointement avec le Sénat, en particulier avec sa commission de la culture. Le travail approfondi que vous avez mené nous permet désormais de franchir une nouvelle étape, essentielle, qui aboutira – j'en suis sûre – à l'adoption de cette loi-cadre attendue de tous.
Pour l'ensemble de ces raisons, vous pouvez compter sur mon soutien plein et entier sur la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Ruelle, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Jean-Luc Ruelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer la présence dans notre tribune de M. l'ambassadeur de Côte d'Ivoire et de M. Mamadou Touré, ministre de la promotion de la jeunesse, de l'insertion professionnelle et du service civique de ce pays.
Saviez-vous qu'au XXe siècle, le peuple ébrié atchan se servait du tambour parleur Djidji Ayôkwê pour avertir, grâce à un langage tambouriné, de dangers, dont celui de l'arrivée de l'administration coloniale venant réquisitionner les membres de la communauté pour le travail forcé ?
Le retour prochain sur ses terres d'origine de ce tambour sacré, datant de la fin du XVIIIe siècle et confisqué en 1916, est donc hautement symbolique, mais pas seulement…
Revenons sur la tumultueuse histoire de ce tambour, qui avait été réclamé en 2019 par le président Ouattara. Lors du sommet France-Afrique du 8 octobre 2021, le Président de la République française en avait annoncé la restitution. Puis, il ne s'est rien passé pendant trois ans. Rien ! Les autorités ivoiriennes finissaient même par désespérer de revoir un jour le précieux instrument. Tout cela par la faute des reports successifs du vote d'une loi-cadre sur la restitution de biens culturels – j'y reviendrai.
C'est donc pour examiner une loi d'exception visant à autoriser la restitution tant attendue du Djidji Ayôkwê que nous sommes réunis aujourd'hui. Exceptionnelle d'un point de vue procédural, cette loi l'est aussi en ce qui concerne ses effets.
La restitution du Djidji Ayôkwê à la Côte d'Ivoire s'inscrit dans une dynamique de réappropriation du patrimoine, de sauvegarde des mémoires, de découverte pour les jeunes générations de leur histoire, de leur culture, de consolidation d'une identité culturelle.
L'intégration espérée du Djidji Ayôkwê aux collections ivoiriennes s'est accompagnée d'une formidable revitalisation du MCCI, avec la réhabilitation du bâtiment principal, le réaménagement des espaces accueillant plus de 15 000 œuvres, la formation des équipes et le développement d'une stratégie de médiation culturelle. Ces actions ont été soutenues, notamment, par l'Agence française de développement (AFD) et Expertise France. Il n'y a donc aucun doute à avoir quant à la qualité de l'accueil qui sera réservé au tambour sur ses terres ancestrales.
Ce retour, couplé aux aménagements du MCCI, ouvre aussi la voie à celui des 148 objets du patrimoine encore réclamés par la Côte d'Ivoire. Leur restitution marquerait symboliquement une étape clef dans le renforcement du partenariat culturel et patrimonial entre nos deux pays.
Pour ces raisons, je me prononcerai bien évidemment en faveur de la présente proposition de loi.
Cela étant dit, j'aimerais vous faire part de quelques-unes de mes réflexions, mûries, entre autres, par mon expérience ivoirienne et, plus largement, africaine.
Premièrement, je souligne le caractère arbitraire et aléatoire des restitutions, ainsi que l'infime proportion d'objets rendus : moins d'une trentaine sur les 150 000 biens africains que conservent les 230 musées français.
À cet égard, je crois que la France gagnerait à s'inspirer de ses voisins européens, dont la politique en matière de restitution a gagné en souplesse au cours de ces cinq dernières années.
Comprenez-moi bien : il ne s'agit pas de rendre indistinctement ou au gré des nécessités diplomatiques. Il faut bien évidemment organiser scientifiquement les travaux d'examen de restitution et établir une méthodologie permettant de déterminer la provenance, la circonstance de la première acquisition, etc. Il convient en outre de s'assurer des conditions d'exposition, de mise en valeur et de conservation de l'œuvre transférée.
Deuxièmement, je voudrais évidemment revenir sur l'absence de loi-cadre. Madame la ministre, un projet de loi-cadre avait été rédigé en 2023 par votre prédécesseure, Mme Abdul Malak, mais il n'avait pas survécu aux critiques légitimes du Conseil d'État.
Aux yeux des juges, les motifs de restitution évoqués dans le texte, à savoir la conduite des relations internationales et la coopération culturelle, ne justifiaient pas une dérogation au principe d'inaliénabilité des collections publiques.
La sortie de la domanialité publique doit en effet être impérativement justifiée par un intérêt public supérieur ou par un motif impérieux.
Ces éléments auraient pu simplement être ajoutés au texte reproposé par la suite pour validation au Conseil d'État. Vous n'en avez pas fait une priorité, nous imposant ainsi de devoir légiférer a posteriori sur des restitutions déjà actées et annoncées.
De telles solutions de fortune ne sauraient constituer une politique culturelle cohérente, garante de l'intégrité de nos collections publiques et respectueuse de nos partenaires africains. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Mme Samantha Cazebonne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans la continuité des travaux engagés par la commission de la culture du Sénat sur les restitutions d'œuvres d'art. Nous pouvons nous féliciter de cette expertise et de ce travail transpartisan, qui a permis de faire émerger sereinement cette question à forts enjeux.
La présente proposition de loi vise à répondre à la demande de restitution du tambour Djidji Ayôkwê émise par les autorités ivoiriennes en 2019. En 2021, le Président de la République s'est engagé à donner satisfaction à cette requête, mais le processus juridique de sortie du tambour des collections publiques n'a pas été enclenché depuis.
Considéré comme une entité spirituelle par les communautés atchanes, auxquelles il appartenait, ce tambour parleur, confisqué en 1916, était un outil de communication servant à prévenir des dangers, à mobiliser pour la guerre. Il a été un outil de communication très utile, notamment lors de la conquête coloniale.
Cette restitution s'inscrit dans le cadre d'une coopération muséale et diplomatique étroite entre la France et la Côte d'Ivoire. Il est donc nécessaire de satisfaire la demande de restitution, afin de préserver la forte relation bilatérale entre la France et la Côte d'Ivoire – dont j'ai pu constater la vitalité lors de mes déplacements –, qu'il s'agisse de culture, de diplomatie, d'enseignement ou de développement. Je salue à cette occasion la présence de M. l'ambassadeur en tribune.
J'en profite également pour insister sur le travail de coopération muséale engagé entre la France et la Côte d'Ivoire en vue d'adapter les infrastructures du musée des civilisations de Côte d'Ivoire à la conservation, à l'exposition du tambour. Ce projet a pu se réaliser grâce à l'appui, sous la houlette du MCCI, de nos agences, comme l'AFD, Expertise France ou encore des entreprises françaises d'ingénierie culturelle.
Je voudrais souligner le rôle essentiel de ces agences dans notre politique de coopération internationale et d'aide au développement, ici dans une optique de développement de politiques culturelles durables. Cette approche partenariale, fondée sur l'échange de savoir-faire et de respect des identités, permet de renforcer le lien entre patrimoine et développement.
Ainsi, le lancement du processus de restitution a débuté le 18 novembre 2024 par la signature, par les ministres de la culture des deux pays, d'une convention de dépôt, c'est-à-dire un prêt de longue durée renouvelable, permettant de préparer le transfert du tambour dans les prochains mois.
Notre commission a jugé que cette solution provisoire n'était pas adéquate, compte tenu, d'une part, des engagements pris par la France et, d'autre part, des investissements fournis dans le cadre de la coopération muséale mise en œuvre. Une intervention législative était nécessaire ; je me réjouis que ce texte ait été déposé.
Je partage les conclusions de la commission sur la nécessité absolue de travailler à une loi-cadre sur les restitutions. Nous ne pourrons continuer de légiférer au cas par cas. Nous avons besoin d'un cadre juridique permettant et de respecter le principe d'inaliénabilité des collections publiques de nous adapter aux enjeux de notre temps.
Le groupe RDPI votera bien évidemment en faveur de la présente proposition de loi.
Je tenais enfin à saluer l'engagement du Gouvernement, qui prolonge la dynamique engagée par le Président de la République dans son discours de Ouagadougou de 2017 et confirmée par les récentes restitutions à la République du Bénin et au Sénégal.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe RDSE votera ce texte de restitution d'un bien culturel à la Côte d'Ivoire, comme nous l'avions indiqué en commission. Je souscris totalement aux propos du rapporteur Max Brisson.
Permettez-moi de profiter de l'occasion qui nous est offerte pour évoquer une réflexion que nous pouvons mener sur le statut et la patrimonialité des biens culturels.
L'inaliénabilité des biens culturels est issue de la Révolution française, qui voulait sauvegarder dans le patrimoine national des biens dont la royauté pouvait jouir à son gré. Reconnaissons-le, c'est l'inaliénabilité de la dimension culturelle des biens que nous voulons aujourd'hui garantir. Les différentes restitutions et les conditions que nous exigeons pour de tels transferts de propriété en attestent.
Nous pourrions envisager l'attribution de ces biens culturels à un patrimoine mondial de l'humanité.
M. Pierre Ouzoulias. Très bonne idée !
M. Bernard Fialaire. Ces biens culturels sont inestimables ; ils ne peuvent être négociés. Leur provenance peut prêter à discussion et soulève parfois des disputes historiques sur les us et coutumes en vigueur à l'époque de leur acquisition.
Le débat que nous avons eu sur le terme de « restitution », avec sa connotation culpabilisante, ou de « retour », avec une appréciation purement géographique, n'intègre pas l'apport culturel de l'acquéreur, qui a parfois sauvé de l'oubli, de la négligence ou même de la destruction les biens concernés. Ceux-ci deviennent des biens culturels par le regard porté par leur acquisition. Un bien devenu culturel relève du patrimoine mondial de l'humanité.
Ce ne sont pas des biens comme les autres. La convention de 1972 n'intègre pas les biens culturels matériels. Elle concerne les lieux patrimoniaux et, depuis 2003, le patrimoine immatériel de l'humanité. Ne conviendrait-il pas de faire évoluer cette convention pour l'élargir aux biens culturels matériels ?
Ce patrimoine mondial de l'humanité pourra alors se répartir entre les lieux d'origine de certains biens culturels, qui revêtent une dimension essentielle à l'identité d'un peuple ou d'un territoire – c'est le cas du tambour Djidji Ayôkwê –, et l'exposition dans des musées pour alimenter un dialogue interculturel.
Consacrer l'inaliénabilité culturelle d'un bien plutôt que sa propriété ne serait-il pas un progrès pour l'humanité que nous sommes en droit d'attendre de la contribution de la culture ?
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. Bernard Fialaire. Ce progrès dans le domaine culturel pourrait même éclairer une réflexion à mener sur la propriété d'autres biens, réflexion qui serait bien utile dans une période d'agressions territoriales et de prédation de richesses naturelles.
C'est le rôle de la culture que d'ouvrir les esprits et de stimuler l'émergence de concepts qui pourraient rendre notre monde plus beau et plus fraternel.
Madame la ministre, osons. C'est l'honneur de notre culture nationale d'initier cette avancée vers un patrimoine mondial qui intégrerait les biens culturels avec les sites et lieux patrimoniaux, ainsi que le patrimoine immatériel de l'humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. Pierre Ouzoulias. Très beau discours !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent texte visant à restituer le tambour parleur Djidji Ayôkwê à la Côte d'Ivoire s'inscrit dans la lignée de plusieurs textes d'initiative sénatoriale et d'un travail de fond réalisé par notre commission de la culture.
M'exprimant au nom groupe Union Centriste, je tiens à rappeler à quel point celui-ci a été, de longue date, moteur d'une réflexion devenue nécessaire alors que ces vingt dernières années, les demandes se sont faites de plus en plus pressantes, les pays anciennement colonisés retrouvant le chemin de leur histoire, ainsi que le besoin de renouer avec leur passé, de valoriser leur culture et leur identité, et même d'en faire un atout de développement.
La mondialisation et le travail d'institutions internationales comme l'Unesco ou le Conseil international des monuments et des sites (Icomos), ont contribué à une meilleure connaissance et reconnaissance des cultures de tout un chacun et ont relayé ces besoins.
Madame la ministre, nous saluons l'engagement de votre prédécesseure, Rima Abdul Malak, qui reconnaissait le travail pionnier du Sénat et proposait, en 2022, de mettre en œuvre un triptyque législatif avec un premier texte sur la restitution des biens spoliés dans le cadre des persécutions antisémites, un deuxième, en réalité déjà engagé par le Sénat, sur la restitution des restes humains et un troisième sur les biens culturels.
Après l'adoption de lois d'espèce, dont celle sur le retour de la Vénus hottentote à l'Afrique du Sud et des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et celle sur la restitution des vingt-six œuvres à la République du Bénin et du sabre d'El Hadj Omar Tall au Sénégal, texte dont j'étais rapporteure, nous avions insisté, toutes tendances politiques du Sénat confondues, sur la nécessité de disposer d'un cadre général et d'une méthode garantissant pour les parties prenantes l'authenticité et la rigueur de la démarche.
Il faut dire que nous avions moyennement apprécié que le Parlement, garant des collections nationales et seul habilité à permettre une dérogation au principe de leur inaliénabilité, ait été mis plusieurs fois devant le fait accompli d'annonces de restitution avant même d'avoir pu mesurer leur bien-fondé. Un tel contournement des procédures est au demeurant contre-productif, y compris pour les pays demandeurs.
Depuis 2022, il y a eu deux premières lois-cadres : la loi du 23 juillet 2023 relative à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945, rapportée par notre collègue Béatrice Gosselin, puis la loi du 26 décembre 2023, dont j'ai été à l'origine avec deux collègues, qui permet désormais la restitution de restes humains réclamés par des États étrangers appartenant aux collections publiques. Je me réjouis que ce dernier texte ait trouvé sa première application concrète avec la restitution des crânes sakalavas à Madagascar, madame la ministre. J'espère maintenant l'aboutissement rapide du dossier australien ; voilà plus de dix ans que l'ambassadeur d'Australie était venu me trouver…
Nous devons encore établir une liste claire des restes humains restituables présents dans nos collections publiques. Nous mesurons évidemment l'ampleur de la tâche et l'importance des moyens humains et financiers nécessaires. Maintenant, l'article 2 de la loi doit enfin s'appliquer concrètement. Une réponse rapide doit être apportée à la Guyane et à l'association Moliko pour le retour des restes humains kali'nas.
Aussi, sans plus attendre, nous avons déposé, avec Pierre Ouzoulias et Max Brisson, un texte très simple qui permettrait non pas de traiter toute la question ultramarine, au demeurant nécessaire, mais au moins déjà cette légitime demande. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Le troisième texte de loi se fait lui aussi attendre, d'où la proposition de notre président Laurent Lafon, que nous allons voter aujourd'hui, permettant d'honorer l'engagement pris par le Président de la République en 2021.
Notre rapporteur Max Brisson a très bien exprimé le bien-fondé de la restitution de cet objet, qui revêt une grande importance culturelle et spirituelle pour la communauté ivoirienne atchane, dont je salue chaleureusement les représentants présents parmi nous ce jour.
Madame la ministre, nous espérons donc que l'adoption de ce texte soit l'occasion de relancer et d'achever un processus législatif, dont l'aboutissement représenterait un véritable progrès sur un sujet hautement sensible, au carrefour de la culture et de la diplomatie.
Ici, au Sénat, nous sommes prêts pour cette loi-cadre, au contenu de laquelle nous avons déjà travaillé et à laquelle nous avons été étroitement associés. Vous comprendrez donc notre impatience.
J'y insiste, si la restitution des biens culturels et des restes humains participe au renouvellement des liens de la France avec certains États étrangers par le dialogue des cultures, elle n'épuise pas le champ des coopérations nécessaires et fructueuses. Telles étaient les préconisations de notre mission d'information avec Pierre Ouzoulias et Max Brisson : veiller à la circulation des œuvres, aux résidences croisées, aux expositions communes.
D'expérience, je puis vous dire que la restitution des têtes maories à la Nouvelle-Zélande a davantage été le début d'une nouvelle aventure…
M. Pierre Ouzoulias. C'est vrai !
Mme Catherine Morin-Desailly. … qu'un terme mis, certes, à une histoire abominable, mais aujourd'hui expliquée, racontée. En même temps, elle a permis l'émergence de nouveaux projets scientifiques et culturels et a rapproché nos peuples, nos cœurs et nos cultures. (Applaudissements.)
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Pierre Ouzoulias. « "D'où viens-tu ?" "Qui t'a créé ?" Le tambour est matière pour les artistes qui le sculptent, son pour les physiciens, divin pour les croyants. Pour ces derniers, au commencement, était le tambour. Le tambour est énergie, puis vibration, laquelle devient sons et mots, et finalement, phrase venue de Dieu. Il explique comment le verbe est né. » Ainsi s'exprimait Georges Niangoran-Bouah, ethnologue ivoirien, spécialiste des instruments de musique traditionnels d'Afrique de l'Ouest et de la mémoire sonore africaine, qui posa les bases de la drummologie, la science du langage tambouriné.
En 1958, le musée de l'Homme lui confia une mission ethnographique en Côte d'Ivoire pour tenter de déterminer l'origine, l'usage phonique et la fonction religieuse du tambour à fente appelé Djidji Ayôkwê, le tambour panthère. L'enquête qu'il mena auprès de la communauté des Tchaman Bidjans raviva le douloureux souvenir de la perte de ces objets et provoqua des cris d'effroi et de colère de ceux pour qui il conservait un prestige symbolique et une fonction initiatique dont ils avaient été privés.
Le calme revenu, la communauté décida d'adresser une supplique au président ivoirien Félix Houphouët-Boigny pour qu'il demande à son homologue français, le président Charles de Gaulle, la restitution du précieux tambour. Ce fut sans doute l'une des toutes premières demandes de restitution.
Symbolique, ce tambour l'est à plus d'un titre. C'est une œuvre d'art d'une grande force, réalisée par le sculpteur Biengui. C'est aussi un instrument de communication dont les messages pouvaient être entendus à plusieurs dizaines de kilomètres. C'est enfin un objet rituel indispensable aux cérémonies de l'organisation politique traditionnelle des Tchaman, fondée sur le système des classes d'âge, dit apasa.
Comme de nombreux biens culturels africains, ces multiples fonctions échappent aux catégories trop étroites de l'art occidental. Cette pluralité de sens a été détruite par l'appropriation coloniale et le transfert dans un musée. Sa restitution ne permettra pas de les restaurer. Il demeurera le témoin d'une tradition perdue. Comme le dit Guy Djagoua, le chef bidjan d'Attécoubé : « Tous ceux qui avaient le savoir-faire, qui sculptaient le tambour de génération en génération, sont partis avec leur connaissance ». La langue tambourinée elle-même n'est plus comprise. Djidji Ayôkwê a lancé son dernier message en 1916 pour prévenir de l'arrivée de la troupe qui s'est emparée de lui.
Ce tambour est également représentatif de la violence physique et symbolique exercée sur les populations, ainsi que des difficultés à en déterminer aujourd'hui les circonstances exactes. Sa saisie par l'administration coloniale en 1916 est avérée, mais les raisons de ce vol demeurent incertaines. Georges Niangoran-Bouah en cite deux versions divergentes.
Il fut probablement déposé à Bingerville, chef-lieu de la colonie, avant d'être convoyé à Paris et conservé définitivement par le musée d'ethnographie de Paris le 1er mars 1930.
En 1958, la mission ethnographique suscita une première demande de restitution, que l'on pourrait considérer, avec un brin de malice, comme réitérée par le Gouvernement ivoirien le 10 septembre 2019, soit plus de soixante ans plus tard.
La République française, par la promesse de son Président, s'était engagée, en 2023, à un rapatriement rapide. Nous sommes en 2025 et il fallut, l'an passé, la mission en Côte d'Ivoire d'une délégation de la commission de la culture du Sénat pour que ce dossier connaisse enfin un dénouement heureux.
Une nouvelle fois, il revient donc au Sénat de jouer un rôle décisif dans une restitution. Historiquement, c'est ici même que cette cause fut plaidée pour la première fois, et je rends hommage, à cet égard, au travail fondateur de notre collègue Catherine Morin-Desailly : bravant la ferme opposition de l'institution muséale et l'habileté obstructive des ministères de la culture successifs, c'est elle qui déposa, en 2008, une proposition de loi permettant le retour des têtes maories en Nouvelle-Zélande.
M. Max Brisson, rapporteur. Très bien !
M. Pierre Ouzoulias. Depuis, deux lois-cadres ont été votées. Nous attendons toujours la troisième, qui devrait nous éviter de voter dans l'urgence de nouvelles lois de circonstance.
En commission, puis en séance publique voilà quelques instants, nous avons entendu votre engagement, madame la ministre, à nous transmettre rapidement ce texte. Nous sommes prêts à l'examiner sans tarder. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « La restitution, ce n'est pas une faveur, c'est un droit. » Ces mots de l'universitaire et commissaire d'exposition sénégalaise N'Goné Fall doivent résonner aujourd'hui dans le cadre de nos débats.
Le bien culturel dont il est question aujourd'hui, le tambour parleur Djidji Ayôkwê, n'est pas seulement l'une des nombreuses pièces que compte le musée du quai Branly-Jacques Chirac. Il est le stigmate, sensible, d'une histoire longue, douloureuse et encore vive : celle de la domination coloniale, de la dépossession et du mépris culturel systématique.
Pendant des décennies, la France a construit une part de son prestige en pillant les terres, les richesses et les symboles des peuples qu'elle prétendait « civiliser ». La Côte d'Ivoire, comme tant d'autres nations africaines, a subi cette histoire dans sa chair, dans ses institutions et plus encore dans sa mémoire.
La restitution que prévoit le présent texte est un signe de bon sens, que je salue au nom du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Le ministère des affaires étrangères de la République de Côte d'Ivoire a officiellement réclamé ce bien en 2019. Il est satisfaisant que cette demande soit enfin mise à l'ordre du jour, six ans après. Toutefois, mes chers collègues, nous en sommes toutes et tous conscients : l'enjeu est bien plus grand aujourd'hui.
Les restitutions au compte-gouttes, qu'il s'agisse du tambour parleur, des trésors royaux d'Abomey ou du sabre avec fourreau dit d'El Hadj Oumar Tall, opérées au cours de ces cinq dernières années, sont insuffisantes.
Emmanuel Macron s'était engagé, à l'occasion du discours de Ouagadougou en 2017, à ce que « d'ici cinq ans, les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». Rappelons simplement que, à l'heure actuelle, 90 % à 95 % du patrimoine africain se trouvent en dehors du continent.
En 2023, les deux premiers textes du paquet législatif sur la restitution des restes humains et des biens culturels spoliés pendant la guerre par les nazis ont été adoptés, sous l'impulsion de l'ancienne ministre de la culture, Mme Rima Abdul-Malak, et de nos collègues du Sénat.
À l'époque, le Gouvernement et les forces en présence dans cet hémicycle s'étaient engagés à ce qu'ils soient suivis d'un texte sur la restitution des biens culturels.
Nous le savons tous ici, le texte est prêt. Il est sur votre bureau, madame la ministre, depuis des mois déjà. Alors, je vous le demande : où en sommes-nous ? Pourquoi cette loi-cadre a-t-elle si subitement disparu des radars de l'ordre du jour ?
Madame la ministre, mes chers collègues de la majorité sénatoriale et du socle commun, il est de votre responsabilité d'accorder vos violons pour que cette loi soit enfin mise à l'ordre du jour.
Au-delà du respect des engagements que vous avez pris, nous ne pouvons pas avancer sur la question de la restitution des biens culturels à coups de lois d'espèce, en fonction des priorités diplomatiques.
Nous avons besoin d'établir un processus permettant d'aboutir à la définition, sur la base de critères clairement déterminés, de la notion de spoliation coloniale. Nous pourrons alors faire la différence entre les acquisitions légitimes et celles qui sont illégitimes.
Il nous faut aussi mettre en place un cadre pour les commissions scientifiques chargées de déterminer la provenance et le contexte de l'acquisition ou de la spoliation des biens culturels et définir le moment, les modalités et les destinataires des restitutions.
Partout en Europe, de l'Allemagne aux Pays-Bas en passant par la Belgique, les États débiteurs d'un passé colonial se sont engagés dans ce travail mémoriel. Ne soyons pas à contre-courant de l'Histoire. Qu'attendons-nous ?
Le principe d'inaliénabilité des collections publiques est un principe important permettant de sortir des biens culturels du marché et de les protéger.
La restitution répond quant à elle à de forts enjeux historiques, sociaux et culturels. Nous devons donc concevoir la restitution comme une dérogation au principe d'inaliénabilité. Celle-ci est fondamentale dans le processus de réparation et de travail de mémoire que nous devons conjointement mener avec les pays et peuples colonisés.
Telle est la condition d'une collaboration réussie avec des États comme le Bénin ou la Côte d'Ivoire, qui développent des infrastructures muséales d'ampleur, ainsi que l'a constaté sur place la commission de la culture.
Ces œuvres revêtent, pour les peuples qui en ont été spoliés, une signification majeure. La restitution au Bénin des trésors royaux du palais d'Abomey et leur exposition à Cotonou – des dizaines de milliers de Béninois s'y sont pressés en un temps record – en sont la démonstration. Les Ivoiriens doivent eux aussi avoir accès, enfin, à leur patrimoine culturel.
Nous le savons, la mise sur pied d'une politique de restitution des œuvres indûment issues de la colonisation ou de guerres est indispensable pour l'avenir de nos relations. Ce que nous faisons n'est que « l'occasion pour la France de réparer et de réinventer sa relation avec l'Afrique », comme le rappelait très justement le philosophe et historien camerounais Achille Mbembe.
Le travail de réparation et de mémoire que nous devons accomplir en tant que nation à l'égard des pays que nous avons colonisés par le passé ne peut se satisfaire d'une loi d'espèce à l'image de celle dont nous discutons aujourd'hui.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en faveur de la proposition de loi relative à la restitution d'un bien culturel à la République de Côte d'Ivoire et demande, plus largement, que soit enfin mise à l'ordre du jour la loi-cadre tant attendue. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Yan Chantrel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est un honneur pour moi de m'exprimer sur cette proposition de loi transpartisane relative à la restitution du tambour Djidji Ayôkwê à la République de Côte d'Ivoire, surtout en présence de M. Mamadou Touré, ministre de la promotion de la jeunesse, de l'insertion professionnelle et du service civique, de Son Excellence M. Maurice Kouakou Bandaman, ambassadeur de Côte d'Ivoire en France, de M. Ibrahima Diabaté, président du Conseil national des jeunes de Côte d'Ivoire, et d'une délégation ivoirienne accompagnée de notre conseiller élu des Français de l'étranger à Abidjan, M. Baptiste Heintz, que je salue chaleureusement.
Cette proposition de loi fait suite au déplacement que nous avions effectué en Côte d'Ivoire, en septembre dernier, avec le président Laurent Lafon et nos collègues Max Brisson, Cédric Vial, Jean Hingray et Mathilde Ollivier.
À cette occasion, nous avions rencontré la ministre ivoirienne de la culture et de la francophonie, Mme Françoise Remarck, qui avait renouvelé officiellement la demande de restitution du tambour Djidji Ayôkwê.
Nous avions aussi effectué une visite du chantier du musée des civilisations de Côte d'Ivoire, actuellement réaménagé en vue d'accueillir le tambour.
Ce fut l'occasion de constater la formidable mobilisation des acteurs ivoiriens et français engagés dans le processus de restitution et les moyens financiers et humains déjà investis dans la coopération culturelle et muséale entre nos deux pays.
C'est donc de façon unanime que nous avions décidé, à notre retour, de déposer cette proposition de loi.
Il s'agit d'abord de tenir l'engagement de la France, confirmé par le Président de la République lors du sommet Afrique-France de 2021, selon lequel le tambour avait vocation à être restitué à la Côte d'Ivoire. Il n'était plus acceptable que le processus de déclassement du tambour fût au point mort depuis trois ans. Ces retards suscitent l'incompréhension en Côte d'Ivoire et dans la diaspora ivoirienne de métropole.
Il s'agit aussi de réparer une faute morale. Le Djidji Ayôkwê est un objet sacré du peuple atchan. Il était non seulement un instrument de musique produisant des sons, mais aussi un instrument de résistance.
Il était censé donner des informations sur le positionnement des ennemis dans la forêt et l'on dit qu'il servait à prévenir les villages lorsque les colons français venaient réquisitionner les populations pour le travail forcé.
Or ce tambour parleur fut réduit au silence en 1916, lorsque l'administrateur colonial, Marc Simon, le déroba à la communauté des Bidjans. Pendant quinze ans, il fut déposé, en guise de représailles, dans les jardins de sa résidence dans de piètres conditions, exposé aux intempéries, ce qui l'a grandement détérioré.
La restitution du Djidji Ayôkwê n'est donc pas uniquement un acte administratif ou juridique ; c'est un acte moral de justice, de réparation et de reconnaissance de la vérité historique.
Par cet acte, nous, représentants du peuple français, rendons le tambour parleur à leur propriétaire, tout en reconnaissant le témoignage de la domination et des violences coloniales qu'il constitue.
Nous avons pu constater, lors de notre voyage, que la restitution de ce bien culturel faisait l'objet d'un travail remarquable de formation et de mise en récit historique, en lien avec la communauté atchane.
Nous émettons le souhait que ces restitutions de biens culturels, encore trop peu nombreuses, fassent l'objet d'un travail historique et pédagogique approfondi dans notre pays également, et qu'elles servent de support à un meilleur enseignement de notre histoire coloniale.
Cela aussi contribuerait à créer les « conditions du pardon » pour la colonisation, pour reprendre l'expression utilisée la semaine dernière par le Président de la République lors de son déplacement à Madagascar.
Pour toutes ces raisons, nous voterons cette proposition de loi avec conviction. Il est du devoir de notre assemblée d'honorer la parole de la France. (Applaudissements sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur l'ambassadeur, mes chers collègues, la restitution du tambour parleur Djidji Ayôkwê à la Côte d'Ivoire, objet de cette proposition de loi, répond à une attente de longue date de sa communauté d'origine, celle des Atchans, pour laquelle il est sacré.
Cette restitution relève également d'enjeux diplomatiques, culturels et juridiques. Au-delà, elle participe de la consolidation de notre relation à la société civile et à la jeunesse ivoiriennes.
En ce sens, je tiens à saluer l'initiative transpartisane qui a mené à cette proposition de loi, en particulier le travail de nos collègues Laurent Lafon, Max Brisson, Catherine Morin-Desailly, Pierre Ouzoulias, Yan Chantrel, Jean Hingray, Mathilde Ollivier et Cédric Vial.
Sur le plan diplomatique, cette restitution est prioritaire. La Côte d'Ivoire, pays ami avec lequel nous entretenons d'excellentes relations, l'attend depuis des années.
Confisqué en 1916 et conservé dans les collections françaises depuis 1930, ce bien est réclamé par sa communauté d'origine depuis des décennies.
En 2019, la Côte d'Ivoire a fait une demande officielle en ce sens, à laquelle la France s'est engagée à donner suite lors du sommet Afrique-France de 2021. Pourtant, la restitution n'a toujours pas eu lieu, quand le Sénégal ou le Bénin, eux, ont bénéficié récemment d'opérations de cette nature.
Sur le plan culturel, la restitution est essentielle. Depuis 2022, le musée du quai Branly-Jacques Chirac a mené plusieurs opérations préparatoires à cet effet. Il a notamment accueilli la communauté atchane pour une cérémonie de désacralisation préalable à la restitution.
Une coopération muséale d'ampleur a également été mise en place avec le musée des civilisations de Côte d'Ivoire, l'Agence française de développement et Expertise France.
Cette restitution fait aussi écho au renforcement de nos relations avec la société civile ivoirienne, en particulier avec sa jeunesse. De nombreux projets réunissant nos deux pays ont déjà vu le jour, comme le Hub franco-ivoirien pour l'éducation. Rendre le tambour parleur au peuple ivoirien s'inscrirait dans la continuité de ces initiatives.
Le 7 juin 1978, l'appel d'Amadou-Mahtar M'Bow pour « le retour à ceux qui l'ont créé d'un patrimoine culturel irremplaçable » a marqué les esprits. Le directeur général de l'Unesco rappelait à quel point certains biens culturels participent de la mémoire collective de leur peuple d'origine.
Pour cette jeunesse ivoirienne, qui aspire à mieux connaître ses racines, la restitution du tambour parleur à la Côte d'Ivoire revêt une dimension particulière. À nous d'agir pour que la France honore son engagement.
À cet effet, le groupe Les Indépendants – République et Territoires salue cette démarche. Elle est à la fois légitime, nécessaire et urgente au regard du retard que nous avons déjà pris.
Néanmoins, nous regrettons, comme de nombreux collègues, que la restitution n'ait pas pour véhicule une loi-cadre.
Le présent texte prévoit une dérogation à l'article L. 451-5 du code du patrimoine consacrant le principe d'inaliénabilité des collections publiques françaises. Cette méthode, si elle se justifie pleinement par le contexte, présente des écueils. Continuer de procéder à des restitutions via des dérogations au principe d'inaliénabilité réduirait la portée juridique de ce principe pourtant essentiel.
Ce dernier tire ses racines de l'Ancien Régime. Il a été consacré par la cour d'appel de Paris en 1846, par la Cour de cassation en 1896, par le Conseil d'État en 1932 et, pour les collections des musées publics, par la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France. Ce principe protège notre patrimoine ; il ne doit pas être traité avec légèreté.
Or, à l'automne 2018, les collections publiques françaises comptaient au moins 88 000 objets provenant d'Afrique subsaharienne. Parmi eux, certains devront être restitués à leur pays d'origine, c'est un fait. Ferons-nous des lois de dérogation à chaque fois ? Cette méthode n'est souhaitable ni pour les peuples africains ni pour nous : nous avons besoin d'une loi-cadre.
La question de la restitution des biens culturels aux pays africains est posée depuis plusieurs années, voire depuis des décennies. En 1982, déjà, le ministère français des relations extérieures chargeait Pierre Quoniam de former un groupe de travail à cet effet. En novembre 2018, un nouveau rapport réalisé par Felwine Sarr et Bénédicte Savoy dressait un constat exhaustif et sans appel sur ces enjeux.
Enfin, la société civile s'est, elle aussi, emparée à juste titre de cette question, qui appelle une réponse à la hauteur.
Bien évidemment, je salue de nouveau les travaux de nos collègues Catherine Morin-Desailly, Max Brisson et Pierre Ouzoulias sur ce sujet.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires apporte tout son soutien à cette proposition de loi et tient à insister sur la nécessité d'adopter à terme une loi-cadre relative à ces enjeux. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et GEST. – Mme Catherine Morin-Desailly et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer la présence en tribune de l'ambassadeur de Côte d'Ivoire en France et du ministre Mamadou Touré. (Applaudissements.)
Leur présence témoigne de l'importance que revêt pour la Côte d'Ivoire le retour du tambour.
Nous ne pouvons que nous réjouir que ce texte recueille un très large consensus, voire même l'unanimité. Avec cette loi spécifique, nous corrigerons une anomalie : nous mettrons fin à la fois à une très forte attente en Côte d'Ivoire, accompagnée de travaux au musée des civilisations et d'un partenariat tout à fait exemplaire entre historiens et scientifiques ivoiriens et français, et à l'attente, en France, d'un véhicule législatif permettant ce retour.
Je remercie les parlementaires qui ont contribué à ce texte, en particulier les membres de la délégation transpartisane qui a été évoquée. Ce travail démontre aussi que la diplomatie parlementaire permet d'obtenir des résultats.
M. Pierre Ouzoulias. Exactement !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Je salue également l'engagement au long cours de Catherine Morin-Desailly sur la question des restitutions, auquel se sont associés Max Brisson et Pierre Ouzoulias, pour faire en sorte que le Sénat soit une véritable référence sur ce sujet.
Je tiens aussi à saluer Mme la ministre, qui a tout de suite réagi quand nous sommes venus la solliciter, à notre retour de Côte d'Ivoire, pour accélérer le processus de restitution au travers d'une proposition de loi spécifique. Madame la ministre, je vous remercie pour votre écoute et pour votre intervention tout à fait utile. Nous avons bien noté votre annonce sur la loi-cadre, que nous attendons de longue date et qui nous paraît tout à fait indispensable.
Sachez que vous trouverez dans cet hémicycle un lieu de dialogue serein et constructif pour avancer sur ce sujet. Bien entendu, s'il venait au Gouvernement la bonne idée de commencer le travail parlementaire sur cette loi-cadre au Sénat, nous en serions tout à fait heureux. (Applaudissements.)
M. le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, la proposition de loi relative à la restitution d'un bien culturel à la République de Côte d'Ivoire.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Intelligence artificielle
Débat organisé à la demande de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et de la délégation à la prospective
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) et de la délégation à la prospective, sur l'intelligence artificielle.
Dans le débat, la parole est à M. le président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il ne se passe plus un seul jour désormais sans que l'on évoque le sujet de l'intelligence artificielle (IA).
Les médias en parlent abondamment, de nombreux experts interviennent dans des colloques qui y sont consacrés, mais l'intelligence artificielle s'invite également dans les débats quotidiens, sur les lieux de travail, dans les écoles et les universités et jusque dans le cadre familial.
On y dit beaucoup de choses, parfois exactes, souvent approximatives et superficielles. On anticipe le pire ou le meilleur avec, me semble-t-il, un manque de nuance et, surtout, de compréhension. L'IA est à la fois omniprésente et insaisissable, elle fascine et inquiète en même temps.
C'est la raison pour laquelle l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et la délégation à la prospective, qui ont l'un et l'autre travaillé récemment en profondeur sur l'IA avec des approches très différentes, ont conjointement demandé ce débat.
Christine Lavarde, présidente de la délégation à la prospective, qui conclura ce débat, et moi-même souhaitions que le Sénat discute avec le Gouvernement, en séance publique, des orientations que notre pays doit prendre sur un sujet devenu hautement stratégique.
Le rapport récent de l'Opecst sur la question répondait à une commande du plus haut niveau parlementaire : à l'occasion du quarantième anniversaire de l'Office, les bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat ont en effet décidé conjointement de travailler sur les nouveaux développements de l'IA, à l'heure du déploiement incroyablement rapide de l'IA, notamment générative.
Je salue le travail approfondi qu'ont mené dans ce cadre nos collègues rapporteurs Patrick Chaize et Corinne Narassiguin, et vous engage à lire leur rapport quelque peu ardu certes, mais essentiel pour comprendre ce que l'IA peut ou ne peut pas faire.
Ce rapport évoque également les différentes problématiques soulevées par l'IA, qui transforme non seulement nos sociétés et nos économies, mais aussi les rapports de force politiques et géopolitiques.
La puissance des entreprises technologiques américaines – Google, Microsoft, Amazon, Meta, auxquelles j'ajoute Nvidia – est désormais bien connue de tous. L'aspiration de la Chine à devenir leader mondial dans le domaine d'ici à 2030 apparaît au travers d'annonces régulières et fortes.
Dans ce contexte, le défi pour l'Europe, et notamment pour la France, est celui de la souveraineté numérique, afin d'éviter de devenir une pure et simple « colonie numérique ».
L'Union européenne mise sur sa régulation, mais contrer la domination de la Big Tech américaine appelle au développement d'acteurs français et européens réellement puissants.
Lors du Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle, qui s'est tenu en février dernier à Paris, une coalition de plus de soixante entreprises européennes a été créée pour traduire dans les faits l'urgence d'une réaction européenne forte.
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer où en est cette initiative ? Quelle vision et quelle stratégie l'Europe et la France ont-elles déterminées et mises en place depuis ? Existe-t-il un plan d'action précis et financé ? Vous semble-t-il encore possible de se placer dans cette course effrénée, où chaque mois compte ?
Cette stratégie européenne paraît d'autant plus nécessaire que les manipulations politiques et les atteintes à la sécurité à grande échelle, créées à partir de systèmes d'IA, prennent une ampleur chaque jour plus importante.
Les équivalents européens de l'Opecst ont d'ailleurs consacré leur dernière réunion au sujet « IA et démocratie ». J'ai pu constater, à cette occasion, les vives inquiétudes que partageaient nos collègues.
Plus insidieuse encore est la domination culturelle que les systèmes d'IA permettent. Dominés par des acteurs anglo-saxons, ceux-ci risquent non seulement d'accentuer fortement l'hégémonie culturelle des États-Unis, mais aussi – c'est plus grave – de favoriser une forme d'uniformisation cognitive en appauvrissant la diversité culturelle et linguistique.
Il est urgent d'avoir des systèmes d'IA entraînés avec des données en français et construits autour de nos valeurs.
Madame la ministre, comment le Gouvernement s'est-il emparé de cette priorité ? Notre exception culturelle, régulièrement invoquée dans les discours, est cette fois-ci réellement en danger et les évolutions sont de plus en plus rapides. Comment garantir que l'IA s'aligne sur nos valeurs et qu'elle respecte les droits de l'homme ainsi que les principes humanistes ?
Dans le domaine scientifique, l'IA recèle par ailleurs de véritables promesses. En s'intégrant à toutes sortes de disciplines, elle ouvre des perspectives immenses, comme en témoignent les exemples de la génomique ou de la création de jumeaux numériques.
Ces avancées permettront de résoudre – j'en suis convaincu – des problèmes complexes et d'accélérer les découvertes. À cet égard, il n'est pas anodin que les prix Nobel 2024 de physique et de chimie soient revenus à des chercheurs en IA.
Les bénéfices de ces technologies commandent d'adapter nos politiques de recherche. Là encore, madame la ministre, vous pourrez nous dire quelles mesures sont prises pour aider nos scientifiques à s'emparer de ces outils, afin de développer et d'accélérer certaines de leurs recherches.
Il faut le dire, de nombreuses promesses ont été faites au cours des dernières années : des moyens financiers à hauteur de plusieurs centaines de millions d'euros, la création de neuf pôles d'excellence en IA ou encore la formation de 100 000 personnes par an. Mais l'exécution n'est pas au rendez-vous. Nos mesures sont insuffisamment coordonnées et souffrent surtout de l'absence de pilote, comme l'a récemment souligné la Cour des comptes.
Madame la ministre, vous êtes l'une des premières au monde à avoir dans l'intitulé de votre poste les mots « intelligence artificielle ». Disposez-vous pour autant de l'autorité et des moyens nécessaires pour piloter cette politique stratégique ?
Avez-vous autorité sur les services ministériels, notamment ceux de Bercy, qui négocient dans le cadre européen la politique de l'IA ? Êtes-vous en contact direct avec vos homologues allemands, néerlandais, italiens ou espagnols, qui ont une vision proche de la nôtre ?
Dans un rapport récent, Philippe Aghion et Anne Bouverot appellent de leurs vœux cette nécessaire coordination nationale et européenne. Ils proposent également un investissement massif de 27 milliards d'euros sur cinq ans pour la formation, la recherche, et le développement d'un écosystème robuste en IA.
Si la mobilisation de telles sommes paraît complexe dans le contexte budgétaire actuel, avez-vous néanmoins retenu quelques mesures parmi celles qu'ils préconisent ?
Vous l'aurez compris, notre principale interrogation concerne la stratégie de notre pays en matière d'IA pour aujourd'hui et pour demain. J'y insiste, il y a urgence. C'est d'ailleurs cet aspect qui faisait l'objet des toutes premières recommandations de l'Office.
S'y ajoutaient quelques autres, parmi lesquelles l'indispensable régulation mondiale de l'IA, actuellement éparpillée entre différents organismes.
Il nous semble essentiel que l'Union européenne, qui a déjà commencé à élaborer un cadre juridique pertinent en lien étroit avec l'OCDE, prenne rapidement le leadership sur cette question.
Ensuite, l'Office estime que nous devons, de manière prioritaire, accompagner le déploiement de ces technologies dans le monde du travail et anticiper les conséquences précises qu'elles emporteront. Certains outils d'intelligence artificielle y sont déjà présents et éveillent des inquiétudes.
Enfin, il est crucial de former les élèves des écoles, les collégiens, les lycéens, les étudiants des universités ainsi que, plus largement, le grand public. La connaissance du fonctionnement de cette technologie, de ses conséquences et de ses risques, notamment en termes de manipulation, nous paraît essentielle.
Tels sont, mes chers collègues, les axes principaux que je souhaitais évoquer pour introduire ce débat, dont je ne doute pas qu'il sera particulièrement riche et intéressant. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme cela vient d'être dit à juste titre : plus une journée ne se passe sans que nous entendions parler de l'intelligence artificielle.
Deux Français sur cinq déclarent avoir déjà utilisé l'IA. Or celle-ci n'est pas simplement une nouvelle innovation technologique. Elle modifie nos façons de produire, de décider, de comprendre le monde et donc, inévitablement, de gouverner.
C'est précisément pour cela que la France a créé un ministère de l'intelligence artificielle, comme elle a pu se doter, en d'autres temps, de ministères des postes et des télécommunications ou du numérique. Cette technologie est si puissante que nous devons mettre les moyens pour la gouverner.
Je salue le travail réalisé par les parlementaires, notamment au sein de l'Opecst. L'Office a publié un rapport très complet, mais que je ne qualifierais pas de particulièrement « ardu ». Celui-ci était absolument nécessaire pour que nous puissions appréhender les défis que nous devrons relever.
Nous ne sommes pas simplement confrontés à une nouvelle technologie : nous faisons face à une redistribution profonde des pouvoirs économiques, scientifiques et cognitifs. Ce qui est en jeu, ce n'est pas uniquement notre compétitivité, c'est notre capacité collective à orienter le progrès, à lui donner un sens, à rester maîtres de nos choix.
L'intelligence artificielle cristallise tous les défis du XXIe siècle, qu'il s'agisse de la souveraineté, de la démocratie, de la transition écologique, de l'éducation ou de la justice sociale. Elle nous oblige à répondre à cette question essentielle : qui décide et au nom de quoi ?
Dans L'Heure des prédateurs, Giuliano da Empoli compare l'attitude des responsables politiques à celle de Moctezuma face à Cortés : ils sont fascinés, dépassés, impuissants. Face à un pouvoir qu'ils ne comprennent pas, ils en sont réduits à vouloir impressionner par les apparences ces nouveaux maîtres du monde en les recevant dans les salons dorés de leurs ministères.
La comparaison est excessive, mais elle touche un point sensible. Oui, nous, politiques, avons parfois du mal à suivre la vitesse du progrès technologique. Oui, une poignée d'acteurs économiques concentrent de nos jours une puissance inédite. Mais non, la puissance publique n'est pas condamnée à l'impuissance. Notre action est claire : elle vise à développer, encadrer, orienter, corriger et agir.
L'intelligence artificielle est un sujet politique et le Gouvernement en a fait l'une de ses priorités. Il agit pour faire de la France une championne de l'IA. Le travail que nous menons depuis 2018 porte ses fruits. Grâce à la mise en place de la toute première stratégie nationale pour l'intelligence artificielle, plus de 2,5 milliards d'euros ont été investis dans toute la chaîne de valeur, depuis la recherche jusqu'à l'entreprise.
Dans le domaine de la recherche, les mathématiciens français ont reçu quatorze médailles Fields. Nos talents sont reconnus dans le monde entier. Nous avons accru notre effort en créant neuf clusters IA, répartis sur tout le territoire – Rennes, Sofia, Nancy, etc. Ils bénéficieront d'un budget de 360 millions d'euros, afin de former près de 100 000 personnes par an d'ici à 2030.
Nous avons développé notre capacité de calcul public, grâce à notre supercalculateur Jean Zay. Nous avons attiré les meilleurs centres de recherche mondiaux, tels ceux de DeepMind ou d'OpenAI. Ces centres ont essaimé, ce qui est une bonne chose. Actuellement, le France compte plus de 1 000 start-up dans l'intelligence artificielle, comme Mistral AI, Hugging Face ou encore Aqemia, dans le domaine de la santé. Celles-ci sont reconnues dans le monde entier. Elles permettent à la France d'être dans la course qui se joue au niveau mondial et d'offrir une troisième voie entre les États-Unis et la Chine.
En février dernier, s'est tenu ici, en France, comme vous l'avez rappelé, monsieur Piednoir, le grand sommet pour l'action sur l'IA, un événement d'ampleur mondiale, qui a constitué une nouvelle étape décisive.
Nous avons ainsi annoncé, à cette occasion, le lancement de la troisième étape de la stratégie nationale française pour l'intelligence artificielle, et mis en place un comité interministériel de l'IA, sous l'égide du Premier ministre.
L'instauration de ce comité répond à certaines de vos interrogations, monsieur Piednoir. L'IA, en effet, ne constitue pas seulement un enjeu économique, qui relèverait uniquement des ministères de Bercy, même si ces derniers participent au développement des politiques publiques en la matière : il s'agit bien d'un enjeu éminemment interministériel.
Le Premier ministre a mobilisé tous ses ministres, chacun dans le champ de ses compétences, pour avancer sur le sujet et coordonner la mise en œuvre de la stratégie nationale pour l'intelligence artificielle, en réponse au rapport de 2024 que vous avez mentionné. Nous déployons donc les moyens nécessaires pour faire face à l'ampleur du sujet. Tous les ministres sont à l'œuvre, je vous le garantis, pour avancer en la matière.
Ce sommet a aussi été l'occasion d'annoncer que 109 milliards d'euros allaient être investis pour développer l'IA et les infrastructures nécessaires pour accroître la puissance de calcul en France et près de 200 milliards d'euros d'investissement en Europe, afin de réaffirmer notre ambition en matière d'innovation.
Enfin, ce sommet a marqué une étape pour le monde. Nous étions attendus pour donner un cap à la gouvernance mondiale en la matière, que vous appelez de vos vœux dans votre rapport, pour encadrer cette technologie.
Nous avons annoncé des actions très concrètes. Je pense à la création de la fondation Current AI, qui sera dotée de 400 millions d'euros pour financer des intelligences artificielles d'intérêt général, à la formation d'une coalition mondiale pour une intelligence artificielle durable ou encore à la déclaration commune finale pour une intelligence artificielle inclusive et éthique, que vous avez mentionnée et qui a été signée par soixante-deux pays.
Dorénavant, l'enjeu crucial, dans cette course mondiale, est l'adoption de l'intelligence artificielle. Ma priorité est de faire de la France une championne de l'IA, afin de permettre à chacun de s'en emparer : c'est une condition de la compétitivité de notre économie, mais c'est surtout une nécessité pour construire une société inclusive dans laquelle l'innovation bénéficie à toutes et tous.
L'intelligence artificielle transforme déjà nos vies. J'ai pu le constater partout en France : à l'hôpital de Bourg-en-Bresse, où un médecin peut détecter des embolies pulmonaires ; à l'école, à Quimper, où un lycéen dyslexique comprend enfin ses cours grâce à un surlignage automatique ; dans une ferme, dans les Ardennes, où un agriculteur arrose moins, mais récolte plus ; dans les bureaux de Bercy, où les agents de la direction générale des finances publiques (DGFiP) peuvent mieux cibler leurs dossiers ; ou encore dans les maisons France Services, comme à La Motte-Servolex, où les agents peuvent répondre plus facilement aux usagers. Dans le monde du travail, l'intelligence artificielle facilite la prise de notes ou la rédaction, accélère l'écriture des contrats, optimise les plannings et simplifie les démarches administratives.
Pour autant, elle suscite toujours certaines craintes chez nos concitoyens et n'est pas utilisée par toutes et tous.
On peut évoquer la question de l'âge : alors que sept jeunes sur dix, de 18 ans à 24 ans, utilisent l'intelligence artificielle quotidiennement, ce n'est le cas que de deux personnes de plus de 60 ans sur dix. Seulement 5 % des PME l'utilisent au quotidien, contre près de 35 % des grandes entreprises.
Les études sont unanimes : à l'échelle du pays, nous ne sommes pas en avance en matière d'adoption de l'intelligence artificielle. Or celle-ci ne constituera un progrès que si elle n'est pas réservée à une minorité.
Je me suis donnée comme priorité d'en faire un outil d'émancipation, un moyen de résorber la fracture numérique. C'est pourquoi nous organisons des milliers de cafés IA partout sur le territoire.
Pour parvenir à faire adopter l'IA, nous devrons guider notre jeunesse : dès la prochaine rentrée, des cours seront intégrés aux programmes des classes de quatrième et de seconde, pour aider les élèves à utiliser cet outil et, surtout, à saisir son fonctionnement et à développer leur esprit critique.
En conclusion, il est nécessaire de comprendre et d'orienter l'intelligence artificielle, sans entraver l'innovation. Son utilisation comporte des risques et soulève des défis que nous devons affronter. Nous ainsi avons créé l'Institut national pour l'évaluation et la sécurité de l'intelligence artificielle, l'Inesia, qui vise à mieux comprendre ces modèles.
Nous pouvons également nous appuyer sur la réglementation européenne. Car oui, l'Europe régule. Quand on le dit, on entend souvent des railleries, mais en ce qui concerne l'intelligence artificielle, nous avons décidé, de façon déterminée, en tant qu'Européens, que la loi du plus fort ne devait pas l'emporter. Nous nous sommes ainsi dotés d'un texte afin de distinguer les usages anodins et les usages strictement interdits. Nous refusons ainsi qu'une intelligence artificielle puisse déterminer l'orientation sexuelle des personnes, comme celle des membres de cet hémicycle, par exemple. En Europe, nous ne voulons pas que cela soit possible.
L'intelligence artificielle française, comme l'intelligence artificielle européenne, ne doit pas être subie. Elle doit être innovante, performante, compétitive, fidèle à nos valeurs. Il s'agit d'une technologie au service de l'humain et de notre prospérité, et c'est bien ce qui fait sa puissance.
Débat interactif
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d'une durée équivalente. Il aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L'auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à ce jour, l'Opecst a déjà abordé la question de l'intelligence artificielle dans trois de ses rapports. Le dernier d'entre eux analyse les technologies actuelles et les grandes tendances à venir.
Parmi les enjeux sociétaux, culturels et parfois juridiques, notamment en matière de droit coutumier ou local, que l'IA soulève, figurent la reconnaissance, la traduction et la restitution de nos langues régionales, telles que les patois, les créoles ou les langues autochtones.
Les langues créoles comptent environ 15 millions de locuteurs dans le monde. Voilà un domaine dans lequel la France peut se positionner en tête, notamment en Europe.
Dans notre pays, près de 2 millions de personnes parlent quotidiennement des créoles à base lexicale française : c'est le cas de plus de 80 % de la population à La Réunion, de plus de 70 % aux Antilles. En Guyane, les créoles guyanais et haïtien forment un lien linguistique entre les différentes communautés.
Depuis l'adoption de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école de 2005, un enseignement des langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité. Je salue ici le travail réalisé par les associations ultramarines, grâce auxquelles une épreuve de créole est proposée au baccalauréat, partout en France, depuis 2011.
Interrogée sur le créole, l'intelligence artificielle reconnaît ses limites, faute de données suffisantes, contrairement au français ou à l'anglais.
Les créoles font encore aujourd'hui l'objet d'une étude linguistique, afin de préciser leur construction. L'apprentissage de l'écrit progresse. Ces langues nécessitent une attention particulière pour éviter les approximations ou, pis encore, des clichés nuisibles à notre imaginaire collectif.
En s'appuyant sur ses talents académiques et littéraires, notamment ultramarins, pour constituer un socle de données structuré, la France peut faire rayonner le créole à travers l'IA, et créer des ramifications à tous les niveaux. Nous renforcerions ainsi les liens entre les générations, entre l'Hexagone et les outre-mer, mais aussi entre l'Europe et ses régions ultrapériphériques. En somme, nous renforcerions les liens entre la France des cinq océans et le reste du monde.
Madame la ministre, pouvez-vous me dire comment l'État entend relever ce défi, afin d'améliorer la compréhension et la diffusion de notre culture plurielle ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Madame la sénatrice, je vous remercie pour cette question, qui est fondamentale.
Comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, il est essentiel de développer des intelligences artificielles européennes, afin de protéger nos valeurs et – c'est bien évidemment crucial – la richesse de notre patrimoine linguistique.
Le 20 mars dernier, nous avons ainsi lancé, avec ma collègue Rachida Dati, l'Alliance pour les technologies des langues (ALT-Edic), un programme qui vise à mettre en commun, à l'échelle européenne, des moyens et des bases de données sur lesquelles nos modèles pourront s'appuyer pour mieux prendre en compte la richesse linguistique européenne et française. Près 88 millions d'euros seront alloués à ce projet. Nous aurons ainsi les moyens d'avancer sur ce sujet et de répondre à vos attentes.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Madame la ministre, avec mon collègue Christian Bruyen, nous avons rédigé, au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, un rapport sur l'intelligence artificielle et l'éducation.
Nos recommandations s'ordonnaient autour de trois axes : mieux accompagner les enseignants ; former à l'IA et favoriser l'émergence d'une culture citoyenne dans ce domaine ; et enfin évaluer les outils existants et poursuivre la recherche.
Nous proposions notamment de garantir une évaluation indépendante des technologies d'IA mises à la disposition des enseignants et des élèves dans le cadre scolaire et de créer un observatoire de l'IA à l'école, afin de réaliser des études de cohorte et de mieux comprendre ses usages.
Il conviendrait aussi, dans le cadre du pilotage des politiques éducatives, de réfléchir à utiliser l'IA pour analyser les données recueillies à l'occasion des évaluations nationales, afin, si cela s'avère pertinent, de mieux les exploiter. Ces données sont séquestrées par l'éducation nationale : nous privons ainsi d'un véritable atout nos entreprises de la tech, qui sont pourtant performantes dans ce domaine.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, la question de l'éducation est en effet fondamentale en ce qui concerne l'intelligence artificielle. Nous savons que les jeunes l'utilisent de plus en plus tôt. Il est donc nécessaire de développer des outils pour accompagner ces derniers ainsi que leurs professeurs.
Vous m'interrogez sur différents points.
La question de la transparence est essentielle. Comme je l'ai indiqué rapidement dans mon propos liminaire, nous avons annoncé la création, à l'occasion du sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle, de l'Institut national pour l'évaluation et la sécurité de l'intelligence artificielle, un centre de recherche destiné à évaluer et à comprendre les modèles et à garantir leur transparence. Nous pourrons lui confier un certain nombre de missions. Nous sommes en train de définir sa feuille de route, et une attention particulière sera prêtée à l'éducation.
Vous avez évoqué la création d'un observatoire de l'IA à l'école. L'OCDE mène des réflexions sur ce sujet. Il s'agit aussi de diffuser les bonnes pratiques au niveau international.
En ce qui concerne les outils qu'il convient de mettre à la disposition des élèves et des professeurs, le ministère de l'éducation nationale a lancé un appel à manifestation d'intérêt (AMI) l'année dernière, afin de recenser les différents outils susceptibles d'être déployés sur tout le territoire. Nous sommes en train de faire le bilan de cette première étape avec la ministre de l'éducation nationale.
Nous élaborons également le contenu et l'approche des cours sur l'IA, que j'ai évoqués, dans les classes de quatrième et de seconde. Il s'agit d'apporter des réponses aux questions que se posent les élèves, mais aussi, vous avez raison, les professeurs.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour la réplique.
M. Bernard Fialaire. Je compte sur votre vigilance, madame la ministre : nous ne pouvons laisser l'éducation nationale séquestrer les données d'évaluation. Celles-ci doivent pouvoir être utilisées. Leur réalisation pose d'ailleurs souvent des problèmes aux enseignants. Elles font l'objet de nombreuses discussions.
Une fois qu'elles ont été collectées, elles ne servent à rien et rien n'en sort. Elles constituent pourtant, j'y insiste, un réservoir extrêmement important de données pour nos entreprises, qui sont assez performantes dans ce domaine, même au niveau mondial. Celles-ci pourraient créer des outils qui aideraient nos élèves de culture française à faire des études en intelligence artificielle.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, étant donné les possibilités qu'offre l'intelligence artificielle, le risque est de voir se constituer dans ce domaine une nouvelle hégémonie des grandes entreprises technologiques, les big tech, comme cela s'est produit pour le cloud, ce qui accroîtrait un peu plus encore, de manière dangereuse, nos dépendances.
J'ai deux questions.
Lors du sommet sur l'intelligence artificielle, le Président de la République a annoncé un investissement de 109 milliards d'euros. Comment ce plan se déclinera-t-il concrètement ?
Allons-nous tirer les leçons du passé et admettre que les précédents plans n'ont pas permis de faire émerger un seul acteur de dimension internationale en France ? Je rappelle ainsi que 80 % des technologies que nous utilisons sont américaines et que les deux seules licornes françaises sont majoritairement financées par les Américains.
Ensuite, je vous ai déjà interpellée, madame la ministre, ici même, il y a quelques semaines, au sujet du règlement européen sur l'IA, mais vous n'avez pas répondu à mes questions qui portaient sur les dernières négociations du code de bonnes pratiques.
Plusieurs acteurs expriment leur colère face au poids disproportionné des big tech dans le processus de rédaction. L'organisation Reporters sans frontières s'est d'ailleurs retirée des négociations puisque les enjeux informationnels ont été évacués des discussions. Les acteurs de la culture, soutenus par Rachida Dati, demandent eux aussi plus de garanties pour le respect des droits d'auteur et droits voisins. Quelle est votre position en la matière, madame la ministre ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Madame la sénatrice, votre première question concerne la souveraineté numérique. C'est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Ses enjeux dépassent la problématique de l'intelligence artificielle.
Je commencerai toutefois par répondre à votre seconde question sur le plan d'investissements. Les 109 milliards d'euros d'investissement annoncés lors du sommet pour l'action sur l'IA correspondent à des investissements en infrastructures. Ils seront réalisés par des consortiums de financeurs internationaux et nationaux.
Nous sommes actuellement dans une phase de suivi de ces projets ; nous veillons à mettre en relation les entreprises de data centers françaises et européennes, afin qu'elles puissent créer des consortiums pour financer ces projets et construire une offre ) même de répondre aux enjeux de souveraineté.
Comme vous le savez, la question des data centers et de l'hébergement des données est cruciale. Notre objectif est de disposer d'une offre de cloud qui réponde à un très fort niveau de sécurité, grâce à la certification SecNumCloud.
Nous cherchons à attirer les moyens pour créer les infrastructures nécessaires et à soutenir, dans le même temps, grâce à l'action de la puissance publique, la montée en puissance des acteurs européens, et notamment français, du cloud, afin de les accompagner dans le développement de toutes les fonctionnalités dont nous avons besoin. C'est pourquoi j'ai lancé, la semaine dernière, un appel à projets de plusieurs dizaines de millions d'euros sur cette question.
Quant au règlement européen sur l'intelligence européenne, les négociations sont en cours. Les positions, vous l'avez indiqué, sont divergentes. La Commission européenne n'a pas rendu les derniers arbitrages.
J'estime que le règlement sur l'intelligence artificielle, le code of practice et le modèle de transparence doivent rester fidèles à ce qui a été négocié : ils doivent encadrer les usages de l'IA et garantir la transparence, notamment en cas d'usages à hauts risques.
Vous avez mentionné les big tech. Nous devons aussi nous assurer que les intérêts des petits acteurs soient bien pris en compte. L'équilibre est parfois difficile à trouver. Je rencontre très régulièrement ces petits acteurs dans mon ministère pour échanger avec eux sur leurs besoins et sur l'évolution des négociations relatives au règlement pour l'intelligence artificielle. Il faut que leur voix soit entendue, j'y serai particulièrement vigilante, et non pas seulement celle des gros acteurs, qui ont une capacité de lobbying importante à Bruxelles.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, il est indispensable d'investir massivement. Pour cela, la France doit mener une action concertée et volontariste avec d'autres États membres de l'Union européenne.
Il faut absolument revoir le plan France 2030 et construire une stratégie offensive et partagée de soutien à la formation, à la recherche et à nos entreprises, grâce à des programmes transversaux dont le financement est assuré – de tels programmes font défaut actuellement –, et grâce à des mécanismes innovants.
Les entreprises françaises et européennes doivent enfin pouvoir compter sur le levier de la commande publique. L'action de l'État en tant que prescripteur de technologies a été, je suis désolée de le dire, nulle et choquante. Encore récemment, le ministère de l'enseignement supérieur a conclu un partenariat avec Microsoft, au mépris des dispositions contenues dans la loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (Sren). Nous exigeons que désormais cela change.
En ce qui concerne les négociations sur la dernière mouture du règlement sur l'intelligence artificielle, nous vous demandons instamment, madame la ministre, de plaider pour que les enjeux informationnels et les risques systémiques spécifiques soient pris en compte. Il convient aussi d'affirmer le droit à une information fiable et non trafiquée.
Nous exigeons également l'arrêt du pillage des données des journalistes et des créateurs, ainsi que la stricte application des règles relatives aux droits d'auteur et aux droits voisins. Madame la ministre, nous comptons vraiment sur vous !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Je tiens à vous rassurer, madame la sénatrice : je veillerai à ce que l'on respecte le droit d'auteur. Nous avons lancé, avec ma collègue Rachida Dati, une concertation sur le sujet, afin de trouver les moyens de valoriser la richesse de notre patrimoine culturel à l'heure de l'intelligence artificielle. Je serai bien sûr très attentive sur ces sujets.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Merci, madame la ministre, pour votre réponse.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Je reprendrai une partie des questions de ma collègue Catherine Morin-Desailly.
Nous avons déjà évoqué, madame la ministre, la question de la protection des droits d'auteur lors du débat que nous avons eu, dans cet hémicycle, le 10 avril dernier, sur la régulation des plateformes en ligne.
Vous nous aviez dit alors, et nous sommes tout à fait d'accord sur ce point, qu'il fallait défendre à la fois les droits d'auteur, notre patrimoine et notre capacité à innover. Tout le monde en convient, la réglementation ne doit pas être prohibitive. De toute façon, une telle réglementation ne pourrait pas être appliquée.
Vous m'aviez aussi répondu à l'époque que « nous ne sommes pas face à une question de transparence » et que « l'enjeu est bel et bien le modèle d'affaires ».
Je ne partage pas ce point de vue. Je pense au contraire que la transparence constitue un enjeu fondamental. Il faut que les auteurs qui produisent des données sachent que celles-ci ont été largement réutilisées par les Gafam – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft –, car nous parlons bien de ces entreprises, sans aucune rémunération.
Comme ma collègue Catherine Morin-Desailly l'a souligné, on assiste à un pillage systématique, structurel et général des données, qui est encouragé actuellement par l'administration américaine. Il faut cesser de faire preuve d'irénisme à ce sujet. Nous devons absolument intervenir.
Ce matin, comme vous le savez, madame la ministre – je vous avais d'ailleurs alerté sur ce point le 10 avril – une agence américaine a envoyé un courrier à la Commission européenne pour lui faire savoir qu'elle estimait que le code de bonne conduite, qui est en cours de rédaction, n'était pas satisfaisant et pour lui signifier que les États-Unis, c'est-à-dire l'administration de Trump, ne l'accepteraient pas.
Je crains donc que nous ne reculions sur la protection du droit d'auteur, alors même que la directive est très peu contraignante, les plateformes n'étant tenues qu'à réaliser des efforts suffisants pour respecter le droit d'auteur.
Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour protéger le droit d'auteur ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, je vous remercie de me reposer cette question.
Vous le savez, je suis très attachée au droit d'auteur. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de le rappeler lors de nos précédents débats. C'est pourquoi nous avons lancé, avec ma collègue Rachida Dati, la concertation que j'ai évoquée.
Le droit à l'opt-out doit être respecté. Lors de la concertation, nous devrons aussi nous interroger sur la transparence en ce qui concerne les données d'entraînement. Il est important, comme je l'ai indiqué le 10 avril, de trouver le bon équilibre dans le modèle d'affaires et de parvenir à une solution gagnant-gagnant pour les auteurs comme pour les innovateurs.
Au-delà de la question de la transparence, qui fait l'objet de discussions actuellement au sein de l'Union européenne, nous devons aller plus loin et réfléchir ensemble au modèle de rémunération.
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. Je me réjouis de l'organisation de ce débat sur l'intelligence artificielle. Il s'agit d'un sujet éminemment d'actualité.
Le développement rapide, pour ne pas dire exponentiel, de l'IA constitue en effet une révolution. Si la France ne veut pas manquer ce tournant technologique, l'heure est, comme vous l'avez dit, à la décision.
À cette fin, j'en appelle, au nom du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, au pragmatisme et à l'humilité.
Au pragmatisme, tout d'abord : face à des puissances mondiales tentées par une dérégulation sans limites, nous devons au contraire défendre, avec nos partenaires européens, un modèle régulé, souverain, transparent et respectueux des droits fondamentaux.
À l'humilité, ensuite, parce que le développement illimité de l'IA dans toutes les dimensions de nos vies n'est pas compatible avec notre capacité de production électrique actuelle ni, plus généralement, avec les limites planétaires. Qu'il s'agisse de la consommation d'électricité, d'eau ou de terres rares, l'IA a un coût écologique colossal.
Notre collègue Stéphane Piednoir a évoqué, dans son introduction, différents enjeux. En complément, j'indique que le secteur des data centers, peu pourvoyeur d'emplois, devrait voir sa consommation d'électricité doubler d'ici à 2030. Il conviendra donc de faire des choix.
Aussi, madame la ministre, quelles priorités comptez-vous définir pour faire face aux risques, réels, de saturation du réseau électrique, alors que les besoins pour assurer la transition énergétique vers les énergies décarbonées sont en augmentation croissante ?
Quelle stratégie l'État compte-t-il adopter pour éviter les effets d'éviction, en raison du manque de disponibilité d'électricité, sur le développement d'autres activités économiques et sociales plus pourvoyeuses d'emplois, telles que l'industrie ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Je vous remercie pour cette question, madame la sénatrice. Vous avez raison : à l'heure de l'intelligence artificielle, la consommation énergétique des centres de données pourrait doubler d'ici à 2026. Nous devons donc nous interroger sur la stratégie à adopter à cet égard.
Notre priorité est d'attirer les acteurs de l'intelligence artificielle en France et de leur donner la capacité d'entraîner leurs modèles sur notre territoire, car nous avons accès à une énergie décarbonée, ce qui est très important lorsque l'on connaît la consommation de ces modèles.
Nous devons aussi accélérer et intensifier la recherche sur la frugalité des modèles. La recherche sur ce point ne fait que commencer.
C'est pourquoi nous avons souhaité créer, lors du sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle, une coalition mondiale pour une IA durable. Il s'agit d'embarquer tous les acteurs et de mettre les moyens pour faire avancer la recherche sur ce point, pour développer des modèles plus petits, pour que les data centers consomment moins d'énergie et moins d'eau.
J'ai visité, par exemple, les installations d'OVH la semaine dernière. Cette société a mis au point un système unique au monde de circulation de l'eau en circuit fermé pour refroidir les data centers. Bien des recherches restent à mener pour parvenir à réduire et à maîtriser la consommation d'eau et d'énergie des data centers et de l'intelligence artificielle.
Le ministère de la transition écologique a d'ailleurs lancé, en lien avec l'Agence française de normalisation (Afnor), une réflexion pour définir ce que peut être une IA frugale sur toute la chaîne de valeur. Un appel à projets de 40 millions d'euros a ainsi été lancé pour favoriser l'adoption de technologies adaptées par les collectivités.
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour la réplique.
Mme Ghislaine Senée. En effet, un travail de recherche considérable sur la frugalité peut être réalisé. Cependant, il faudra faire des choix.
Vous avez évoqué, dans votre propos liminaire, les usages d'intérêt général de l'IA. Mais les usages que l'on voit fleurir sur internet sont-ils vraiment indispensables ? Je pense, par exemple, à la création d'œuvres à la façon de Miyazaki, à l'animation de photos d'êtres disparus ou encore au choix de sa meilleure coiffure par le biais de l'IA. Ces applications consomment énormément de place dans les data centers. Il faudra réguler les cas d'usage.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. L'intelligence artificielle est à l'origine, aujourd'hui, de 0,1 % de la consommation énergétique.
Même s'il faut en comprendre les usages, les maîtriser et investir dans la recherche, cette technologie est foisonnante et son utilisation partagée entre de nombreux acteurs. Ainsi, son développement prendra des formes multiples, avec des retours sur investissement variables en matière de consommation d'énergie. Cela étant, laisser chacun, avec ses propres usages, s'approprier cette innovation fait partie du cycle technologique. C'est même fondamental pour en accélérer l'adoption.
J'en viens à la question de la sensibilisation, de la compréhension. En France, les médias, les parlementaires, accomplissent un très bon travail, consistant à mettre le doigt sur les enjeux écologiques. Or, en matière d'éducation, apprendre à maîtriser cette technologie, à mieux « prompter », c'est-à-dire à formuler de meilleures requêtes, c'est aussi s'assurer d'avoir des réponses plus efficaces, donc de dépenser moins d'énergie. Tout concorde pour accélérer en ce sens.
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. C'est la création de besoins qui m'inquiète. Je ne doute pas que nous trouverons des solutions permettant d'utiliser moins d'énergie et de concentrer au maximum les données. Cependant, des jeunes, formés à divers usages, sont poussés, au travers d'internet, sur TikTok, à jouer et à créer de nouveaux besoins. Or je crains que le courage politique ne suffise pas à mettre fin à ces nouveaux divertissements.
Il convient donc de prendre des décisions dans le sens de la régulation. Sans cela, l'outil deviendra complètement ingérable. Nous n'aurons alors plus que nos yeux pour pleurer une fois que nous aurons détruit toutes les ressources de ce monde.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Madame la ministre, en se dotant d'un règlement sur l'intelligence artificielle, l'Union européenne, par son approche équilibrée, a été pionnière. L'objectif est bien évidemment que l'IA respecte les principes et droits fondamentaux qui fondent l'Union.
Parmi les dispositions dudit règlement, les obligations en matière de transparence – j'y reviens – s'avèrent absolument essentielles. Or, concrètement, comme l'ont dit nos collègues Morin-Desailly et Ouzoulias, cette transparence est loin d'être toujours effective, en particulier, dans le domaine culturel. Elle y est même particulièrement lacunaire, au point de porter préjudice à un principe auquel la France est séculairement attachée : celui du droit d'auteur.
Le code de bonnes pratiques a été évoqué. Sa dernière version, publiée au mois d'avril, a braqué les ayants droit, qui estiment à juste titre qu'elle constitue un véritable recul par rapport aux précédentes moutures. Leur dépit est tel qu'ils songent à claquer la porte des discussions, préférant l'absence d'accord à u mauvais accord.
Comme nous le savons, sur le droit d'auteur, la position de la France est décisive. Il est donc crucial que le Gouvernement adopte une posture très forte et non générale en arrêtant d'arguer, tantôt d'un soutien à l'innovation, tantôt de l'impérieuse nécessité de respecter le droit d'auteur.
Madame la ministre, quelle est la position de la France dans les discussions actuelles sur le code de bonnes pratiques ? Quel niveau de transparence préconisez-vous ? Quelles garanties apportez-vous aux ayants droit ? Quels mécanismes de juste répartition de la valeur prônez-vous ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Votre intervention, madame la sénatrice, me permet d'évoquer la transparence sur les usages finaux, avant de revenir sur la question du droit d'auteur.
L'article 50 du règlement européen sur l'intelligence artificielle prévoit des obligations de transparence des modèles en fonction des usages, y compris à hauts risques. Des audits préalables à la mise sur le marché des modèles d'intelligence artificielle sont demandés. Le cadre est donc ambitieux sur cette question de la transparence, qui nous paraît fondamentale.
La question du droit d'auteur n'est pas simple. Il s'agit de trouver un résumé suffisamment détaillé, de nature à permettre aux ayants droit d'exercer leur droit tout en maintenant le secret des affaires. C'est à cette tension, que vous avez exprimée, madame la sénatrice, que nous tâchons de répondre. Je crois sincèrement au dialogue. Tel est le sens de la consultation que nous avons lancée officiellement, avec ma collègue Rachida Dati, la semaine dernière. Nous aurons alors l'occasion de réunir les deux écosystèmes, afin d'aboutir à une solution.
C'est un sujet difficile, mais, comme pour tout sujet difficile, à force de temps, d'écoute et de dialogue, nous trouverons un dénouement.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour la réplique.
Mme Sylvie Robert. J'ai lié la question de la transparence à celle du droit d'auteur parce que, tant que les ayants droit n'auront pas accès aux données, on ne pourra reconnaître le droit d'auteur. Or la France a une responsabilité en la matière, une exigence : la défense du droit d'auteur par Beaumarchais fait partie intrinsèque de notre histoire culturelle. Il faut donc que notre pays soit exigeant et que la volonté politique soit vraiment au rendez-vous.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Je vous rejoins sur ce point, madame la sénatrice. Nous étudions actuellement plusieurs possibilités, ce que nous poursuivrons avec la consultation.
Je tiens à rappeler que le droit d'auteur n'est pas extraterritorial. Nos exigences doivent donc en tenir compte. Comme l'a souligné Mme Catherine Morin-Desailly, notre préoccupation est de ne pas reproduire les erreurs du passé, donc de ne pas tomber dans une dépendance technologique vis-à-vis d'entités extra-européennes. Nous voulons garder nos acteurs ici, raison pour laquelle trouver cet équilibre est absolument fondamental.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette.
M. Pierre Jean Rochette. Madame la ministre, la course mondiale à l'intelligence artificielle se joue non seulement sur le terrain de l'innovation technologique, mais aussi, et peut-être surtout, sur celui de son adoption à grande échelle par les entreprises, les administrations et les citoyens.
Si les États-Unis et la Chine sont en tête de la compétition en matière de recherche et de développement, de récentes analyses soulignent que la capacité à diffuser et à intégrer l'intelligence artificielle dans les usages quotidiens est un facteur tout aussi déterminant pour activer ce levier de croissance.
La Chine, longtemps perçue comme peu efficace en matière de mise en œuvre technologique, semble rattraper très rapidement son retard : plus de 50 % de ses entreprises utiliseraient déjà l'intelligence artificielle, contre un tiers aux États-Unis. Le secteur public, la consommation individuelle ou encore l'industrie manufacturière emploieraient désormais ces outils à grande échelle.
Face à ces constats, il semble crucial de s'interroger sur la situation de la France, du point de vue de la maturité de l'intelligence artificielle comme de ses usages dans notre société.
Disposons-nous, madame la ministre, d'indicateurs clairs et récents permettant de mesurer l'adoption réelle de l'intelligence artificielle au quotidien par nos entreprises, nos collectivités territoriales, nos administrations et nos concitoyens ? Quels usages en sont-ils faits ? Quelles sont les mesures de la stratégie nationale pour l'intelligence artificielle, destinées à encourager son utilisation de l'IA dans tous les pans de la société ?
Madame la ministre, il conviendrait de se pencher sur l'usage de l'intelligence artificielle par les collectivités locales, ainsi que sur l'utilisation des données au travers des logiciels proposés à ces dernières, notamment les mairies. Dans la mesure où il s'agit d'une question de souveraineté, nous nous devons d'accompagner nos collectivités locales : l'intelligence artificielle, qui pourrait s'avérer être un réel atout, est aussi un gisement de données à surveiller.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Vous avez raison, monsieur le sénateur : la priorité de cette troisième phase de la stratégie nationale pour l'intelligence artificielle est bien l'adoption. Quand bien même nous aurions les meilleurs laboratoires de recherche et les meilleures entreprises du monde, si nous n'utilisons pas l'intelligence artificielle, nous n'aurons ni les gains de compétitivité ni les améliorations pour les usagers, les agents et les employés que cette technologie permet. Je souscris donc tout à fait à vos propos.
Comment procéder ? Pour ce qui concerne l'administration, sous l'égide du Premier ministre, avec le comité interministériel de l'intelligence artificielle, nous avons demandé à chaque ministère de préciser de quelle façon ils utilisent l'intelligence artificielle, les cas d'usage rencontrés et la manière dont leur utilisation de l'outil pourrait changer d'échelle. Tous les ministères nous remettront ces feuilles de route lors de la prochaine édition de VivaTech, dans un peu plus d'un mois, à l'occasion de laquelle nous réunirons à nouveau le comité interministériel de l'intelligence artificielle.
Les ministères reçoivent l'appui de la direction interministérielle du numérique (Dinum), afin de bénéficier d'un conseil technologique. Les cas d'usage, c'est très bien, mais l'objectif reste un déploiement à grande échelle.
La question des collectivités se pose bel et bien. Nous travaillons avec toutes les associations qui les représentent, dont France urbaine et les Interconnectés, pour que le travail effectué au niveau de l'État soit diffusé auprès des collectivités. Cela fait partie des sujets sur lesquels nous souhaitons avancer dans le cadre du plan du comité interministériel.
Quant aux entreprises, pour ce qui est de suivre la diffusion de l'intelligence artificielle, nous disposons de certains sondages selon lesquels 5 % des petites et moyennes entreprises utilisent l'intelligence artificielle aujourd'hui, alors que ce taux atteint 35 % pour les grandes entreprises.
Nous nous sommes aussi rapprochés des chambres de commerce et d'industrie (CCI) afin d'accompagner 20 000 entreprises – les plus petites comme les plus grandes – dès cette année dans l'utilisation de l'intelligence artificielle. Ainsi, j'ai participé à un événement la semaine dernière, avec la CCI de Paris, qui dispense formations et assistance pour accélérer l'adoption de l'intelligence artificielle.
Quant au dispositif IA Booster France 2030, financé par l'État, il vise à accompagner les plus petites entreprises.
Enfin, nous travaillons sur un observatoire, un portail, qui permettra à chaque entreprise de trouver, en fonction de ses cas d'usage, les solutions les plus pertinentes.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Madame la ministre, dans le contexte actuel où l'intelligence artificielle joue un rôle de plus en plus central dans de nombreux aspects de notre vie quotidienne, comment pouvons-nous assurer une gouvernance efficace et éthique de l'IA ?
Quelles sont les principales problématiques à prendre en compte, telles que la transparence des algorithmes, la protection des données personnelles et la responsabilité des entreprises qui développent ces technologies ?
Par ailleurs, quelles réglementations pourraient être mises en place pour minimiser les risques liés aux biais algorithmiques et à l'automatisation des décisions ? Comment impliquer les divers acteurs de la société, y compris les gouvernements, les entreprises et les citoyens dans ce processus de gouvernance ?
Enfin, comment pouvons-nous trouver un équilibre entre innovation technologique et protection des droits des individus ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Sur la question de la régulation, nous avons déjà abordé à plusieurs reprises le règlement pour l'intelligence artificielle. Je n'y reviens donc pas.
J'aborderai le sujet de la gouvernance un peu plus en détail. Au niveau français, nous nous appuyons sur l'Inesia, que j'ai précédemment mentionné. Cet institut d'évaluation nous donne accès à des travaux de recherche de qualité pour comprendre l'intelligence artificielle, les modèles et ses différents usages. Nous sommes également en contact avec les citoyens au travers des cafés IA, dispositif que nous avons lancé avec le Conseil national du numérique (CNNum), représentation structurée de ce mouvement citoyen, ainsi que les conseillers numériques, pour rester au plus proche du terrain et répondre aux interrogations de chacun.
Bien sûr, nous travaillons également à l'implémentation du règlement sur l'intelligence artificielle et à la définition des administrations qui seront chargées de la mise en œuvre de ses dispositions. Vous aurez davantage de visibilité sur ce sujet très prochainement.
Quant à la question internationale – car la gouvernance, selon nous, doit être internationale –, elle était aussi l'objet du sommet pour l'action sur l'IA.
Il s'agit non seulement d'accélérer la feuille de route nationale, mais aussi d'encourager une dynamique internationale. Nous avons réaffirmé notre soutien au partenariat mondial pour l'intelligence artificielle (PMIA), désormais adossé à l'OCDE. Ce partenariat regroupe plus de soixante pays et a pour objet de définir une gouvernance mondiale, qui s'appuie sur ses centres de recherche d'expertise, présents en France, au Canada et au Japon, afin d'avancer collectivement, de façon internationale, sur ces questions. Ce projet très important a été lancé, en 2018, par le Président de la République française et par le Premier ministre canadien d'alors, Justin Trudeau. Nous continuons de soutenir fortement ce dispositif.
M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye.
M. Ludovic Haye. Madame la ministre, ma question porte sur un enjeu de plus en plus central : comment concilier la montée en puissance de l'intelligence artificielle avec celle du réchauffement climatique ?
Nous assistons, depuis quelques mois, à une explosion de l'usage des intelligences artificielles génératives, notamment par le grand public. Qu'il s'agisse de création d'images, de textes ou de contenus divers, la production automatisée atteint des volumes impressionnants. Ainsi, vous n'avez pu manquer les créations numériques que sont les avatars personnalisés, appelés starter packs, dont plus de 750 millions d'exemplaires ont été générés à travers le monde.
Or chaque génération d'image ou de contenu, comme vous le savez, consomme de l'énergie, de l'eau, mobilise des ressources informatiques considérables et contribue, à son échelle, à l'empreinte carbone du numérique. Dans le cas précis d'un starter pack, cela équivaut à trois à cinq litres d'eau, sans compter l'électricité consommée pour charger les appareils connectés ou encore les ressources préalablement dépensées pour entraîner et perfectionner l'IA.
Cette frénésie d'usages pose une question : dans quelle mesure cette consommation est-elle soutenable à long terme, alors que notre société s'efforce de maîtriser sa consommation énergétique ? Il est donc important d'encourager des usages responsables et prioritaires de l'IA, en privilégiant son utilité concrète et en renforçant la sensibilisation aux bonnes pratiques.
Mais l'intelligence artificielle est aussi, comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, un allié précieux dans la lutte contre le réchauffement climatique, en facilitant, par exemple, l'optimisation énergétique des bâtiments, la gestion intelligente des réseaux, la modélisation du changement climatique ou encore la détection des pollutions. Des applications vertueuses de l'IA peuvent bien évidemment être trouvées et développées.
Ce constat se retrouve dans le dernier rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese) intitulé Impacts de l'intelligence artificielle : risques et opportunités pour l'environnement, dans le manifeste des intercommunalités de France sur l'IA, dans les axes stratégiques définis par le Mouvement des entreprises de France (Medef) pour le développement de l'intelligence artificielle ainsi qu'au cœur des sept principes de l'IA de confiance établis par le Conseil d'État dans un rapport paru en 2022.
Madame la ministre, quelles actions le Gouvernement prévoit-il pour promouvoir une utilisation utile et responsable de l'IA et en faire un outil au service de la transition écologique ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Je vous remercie de cette question, monsieur le sénateur, la deuxième sur ce sujet, dont nous voyons l'importance qu'il revêt pour nos concitoyens, dont vous vous faires le relais. C'est une bonne chose, car cela illustre ce que nous entendons par une IA à la française, une IA durable. J'y reviendrai dans un instant.
Cela étant, je souhaiterais que nous prenions un peu de recul, même si cette question fondamentale doit nous occuper. Aujourd'hui, l'intelligence artificielle ne représente que 0,1 % de la consommation énergétique. Ainsi, quand des astronautes, par exemple, refusent de créer un starter pack parce que cela utilise de l'énergie, je les invite à s'interroger sur la consommation d'un vol en fusée…
Cela étant dit, il faut prendre conscience des usages de l'intelligence artificielle. Le risque le plus important, c'est que la population n'ose pas utiliser l'IA et freine son adoption, alors que nous voyons bien à quel point cette technologie va transformer tous les métiers, notre façon d'apprendre, notre façon d'interagir, d'échanger.
Dans ce contexte, nous devons faire de l'écologie notre alliée, ce qui est possible en France, car nous avons une énergie bas-carbone parmi les plus compétitives au monde. La réponse française à ce défi est donc par nature plus écologique, et l'écologie devient alors une amie de l'économie de l'IA dans la mesure où un plus petit modèle est aussi plus économique.
Tout le monde a donc à y gagner si nous investissons non seulement dans un entraînement des IA en France, avec notre énergie décarbonée, mais aussi dans le sens de plus petits modèles, qui susciteront un meilleur retour sur investissement pour les entreprises. Ce processus est réellement gagnant-gagnant.
En outre, comme vous l'avez très justement dit, monsieur le sénateur, l'IA peut nous permettre d'accélérer dans notre réponse à des défis fondamentaux de la transition écologique. J'ai ainsi rencontré des chercheurs qui ont gagné plusieurs années dans leur projet de développement de matériaux remplaçant le plastique. Voilà aussi ce que permet l'IA.
Nous devons donc trouver le juste équilibre. La prise de conscience, c'est très bien, c'est formidable, c'est ce qui fait que nous sommes très fiers d'être européens, mais nous voulons aussi répondre à ces défis sans freiner l'adoption de l'IA et, surtout, en accélérant la recherche de solutions.
M. le président. La parole est à M. David Ros.
M. David Ros. Madame la ministre, nous sommes tous convaincus que le sujet dont nous débattons ce soir, organisé à la demande de l'Opecst, dont je salue le président, Stéphane Piednoir, ç savoir les enjeux de l'intelligence artificielle, est essentiel pour l'avenir de notre pays, et ce à de nombreux égards.
Comme l'a rappelé M.Piednoir, le rapport de nos collègues Corinne Narassiguin et Patrick Chaize avait déjà soulevé de nombreuses questions.
Ma collègue Sylvie Robert vous a interpellée, madame la ministre, sur les problématiques relatives aux droits d'auteur, qui inquiètent le monde culturel. Mon collègue Adel Ziane vous questionnera quant à lui sur les enjeux de souveraineté.
Je souhaitais, pour ma part, évoquer la formation et la recherche. Lors des questions d'actualité au Gouvernement du 12 février dernier, j'ai interrogé Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur le déploiement de l'IA dans le système éducatif français.
Pourriez-vous nous faire part, madame la ministre, du bilan des expérimentations en cours depuis la rentrée scolaire et des intentions ou directives opérationnelles pour la rentrée 2026 ? La création et l'usage de logiciels d'apprentissage développés et contrôlés par les autorités françaises me semblent primordiaux afin d'assurer une formation adaptée conforme à notre volonté d'assurer, à terme, une souveraineté nationale.
De plus, madame la ministre, d'autres projets sont-ils susceptibles d'être mis en œuvre, que ce soit pendant le temps scolaire ou hors du temps scolaire ?
De manière plus générale, ne serait-il pas essentiel de favoriser l'émergence de pôles de formation, de recherche et de développement, en particulier à proximité et en relation avec des centres de données numériques, afin de favoriser pleinement une souveraineté numérique pour les générations à venir ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question sur l'éducation, qui est, comme je l'ai dit précédemment, absolument fondamentale si l'on veut favoriser l'accessibilité de l'intelligence artificielle, éviter une fracture numérique et, surtout, former l'esprit critique de nos jeunes sur l'utilisation de cette technologie.
Voilà deux ans, l'éducation nationale a lancé un appel à manifestation d'intérêt pour les outils d'intelligence artificielle destinés aux jeunes, qui a permis de rassembler un certain nombre de solutions. C'est par exemple le cas de l'entreprise Nolej, que j'ai eu la chance de visiter. Celle-ci a d'ailleurs été élue meilleure start-up mondiale dans le domaine des technologies éducatives (EdTech), parmi plus de 7 000 candidats. Ses outils permettent de transformer les supports de cours pour les rendre plus ludiques, suscitant ainsi un intérêt accru de la part des élèves.
Nous avons recensé toutes ces solutions et Mme la ministre Élisabeth Borne a fait le bilan des premiers usages, jugé très positif. C'est pourquoi le ministère lancera à l'été prochain, sur le même modèle, un appel à manifestation d'intérêt pour les professeurs, afin de recenser les meilleures solutions pour outiller ces derniers avec l'intelligence artificielle afin de les aider à adapter leurs cours et leurs méthodes pédagogiques. L'objectif est d'être prêts dès la rentrée 2025, comme cela a été annoncé par Mme la ministre Élisabeth Borne, pour que les élèves de quatrième et de seconde aient accès à des cours sur l'intelligence artificielle.
M. le président. La parole est à M. David Ros, pour la réplique.
M. David Ros. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Celle-ci reprend un grand nombre des préoccupations qui sont au cœur d'une proposition de loi que j'ai déposée. J'espère que nous aurons l'occasion, dans cet hémicycle, d'approfondir ces sujets et, à terme, d'assurer à notre pays une souveraineté numérique, une véritable IA et une indépendance assumée.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Madame la ministre, sauf à courir le risque de dégâts potentiellement irréversibles, des décisions sur l'IA générative s'imposent à très court terme, avant même l'entrée en vigueur du règlement européen sur ce sujet.
Je pense tout d'abord aux risques pour la démocratie et la confiance des rapports sociaux. Des images produites par IA, sont diffusées et reprises des milliers, voire des millions de fois sur les réseaux sociaux, le plus souvent depuis des comptes anonymes, dans un but de manipulation des esprits. Quantité de faux documents circulent aussi, avec une explosion des tromperies, par exemple à l'embauche, avec de faux diplômes et de fausses preuves d'expérience, ainsi qu'une fraude massive aux assurances, avec des sinistres fictifs.
L'article 50 de l'AI Act imposera aux fournisseurs de système d'IA que les productions soient « marquées dans un format lisible par machine et identifiables comme ayant été générées ou manipulées par une IA ». Certes, mais identifiables par qui ?
Madame la ministre, il est impératif que les fournisseurs d'IA et les modèles d'IA à usage général apposent systématiquement, j'y insiste, un marquage général dans un coin de l'image ou du document. Il convient, en outre, que ce logo soit immédiatement visible par des yeux humains et non pas seulement par des machines.
Le plus tôt possible, plateformes et réseaux sociaux devront également se mettre en situation de détecter et d'afficher comme telles les publications issues de l'IA. Linkedin a récemment annoncé vouloir s'engager dans cette voie : il convient de tous les encourager à faire de même.
Un autre risque majeur concerne la santé, avec la diffusion très rapide d'outils d'IA extra-européens permettant d'effectuer la synthèse de consultations médicales et de produire un récapitulatif du dossier médical. Or ceux-ci ne respectent aucunement l'obligation d'un contrôle humain régulier par un professionnel de santé français. Ils peuvent permettre une exfiltration rapide de nos données de santé hors d'Europe et induire la perte de contrôle sur l'avenir de notre système de santé.
Sur ce sujet également, quelles décisions comptez-vous prendre, madame la ministre, sans attendre l'entrée en vigueur de toutes les dispositions du règlement sur l'IA, pour faire respecter de strictes conditions de souveraineté et de contrôle humain ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Votre première question, madame la sénatrice, concerne la transparence.
Vous avez raison, nous avons décidé, en tant qu'Européens, avec l'article 50 du règlement sur l'intelligence artificielle, d'exiger des obligations de transparence des contenus générés par l'IA.
À l'époque, la France avait activement soutenu l'inclusion de ces mesures dans l'article 50 ; aujourd'hui, nous suivons avec attention l'élaboration des lignes directrices dudit article. Lors de la rédaction du règlement sur l'intelligence artificielle, les solutions techniques de marquage n'étaient pas encore complètement définies. Il a donc fallu se laisser la liberté de faire évoluer la réglementation au même rythme que la technologie.
Nous avons ainsi fait le choix, en Europe, de nous doter d'un cadre réglementaire dès le début de la diffusion massive de cette innovation. Il faut donc que ce cadre soit adapté. J'ai observé la mise en œuvre d'un certain nombre de solutions, notamment aux États-Unis, à l'instar de celle qui est en cours de développement par Adobe.
Dans le cadre de ces lignes directrices, la mise en application de cette obligation prévue par l'article 50 est absolument fondamentale pour susciter la confiance autour de l'utilisation de cette technologie. À mon sens, le marquage fera bientôt l'objet d'une définition. Cependant, cela ne suffira pas : il faut aussi que nous nous dotions de capacités de détection et d'anticipation.
C'est ce que nous faisons avec le pôle d'expertise de la régulation numérique (PEReN), rattaché à trois ministères, qui est un appui à la régulation du numérique. Celui-ci nous permet, au moyen d'expertises techniques développées par l'État, de créer des modèles de détection. J'ai pu constater l'état d'avancement de ses travaux, qui seront absolument fondamentaux pour étayer la définition du marquage et la détection, et donc créer cette confiance.
Quant à la question de la santé, elle est liée au règlement général sur la protection des données (RGPD), au-delà même du règlement sur l'intelligence artificielle et de la protection des données personnelles. Avec les services du ministère de la santé, je m'efforcerai de vous apporter des réponses plus précises, madame la sénatrice. Il reste que, selon le RGPD, les cas que vous avez mentionnés ne sont pas autorisés. Nous y serons donc vigilants.
Dans les processus d'innovation, on trouve toujours des entreprises qui mordent sur la ligne. Cependant, notre réglementation sur la protection des données et sur l'intelligence artificielle est très claire et elle sera respectée.
M. le président. La parole est à M. Adel Ziane.
M. Adel Ziane. Madame la ministre, les promesses, tout comme les risques, de l'intelligence artificielle sont immenses. Pour ma part, je souhaite vous alerter sur le danger de notre décrochage technologique.
Dans la course mondiale à l'intelligence artificielle, la France et l'Europe prennent du retard. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Conseil national du numérique, dont le président, Gilles Babinet, mentionne un « déclassement » en cours « absolument certain ».
Face aux colosses américains, comme OpenAI, Microsoft et Google, ainsi qu'aux ambitions fortes de la Chine, notre continent n'a, à l'heure actuelle, ni la puissance de frappe financière ni la stratégie industrielle cohérente nécessaires pour peser. J'en veux pour preuve, par exemple, l'avance américaine et l'annonce du projet Stargate par la Maison-Blanche, doté de 500 milliards de dollars, qui devrait nous alerter.
Pourtant, en France, notre recherche publique continue de manquer de moyens et de nombreux talents, malgré tout, partent faire carrière dans les laboratoires de la Silicon Valley.
Alors certes, madame la ministre, les 109 milliards d'euros d'investissements annoncés en France sont à saluer, mais ce plan reste fragmenté et sans vision européenne coordonnée face aux empires industriels américains et chinois.
Il convient de souligner le fait que l'Europe a mis en place un cadre de régulation. Mais celui-ci doit maintenant s'accompagner d'une véritable ambition industrielle. À défaut, nous resterons les consommateurs des technologies des autres.
Nous ne sommes qu'au commencement d'une révolution technologique comparable à celle de l'électricité ou d'internet et l'IA est amenée à bouleverser notre économie, notre manière de produire, de soigner, d'apprendre. C'est donc avant tout, j'y insiste, un enjeu de souveraineté, de démocratie, de civilisation.
Si une IA souveraine peut poser des défis – éthiques, politiques, environnementaux – qui ont été précédemment évoqués, elle reste toutefois à portée de débat démocratique, de régulation publique et de contrôle citoyen. À l'inverse, une IA conçue ailleurs – nous le voyons avec les Gafam –, selon d'autres intérêts, s'impose à nous.
De fait, notre dépendance technologique annonce non pas un simple retard, mais une dépossession politique, au sujet de laquelle je voulais vous alerter. Dès lors, madame la ministre, quelle stratégie de rupture la France, avec ses partenaires européens, compte-t-elle adopter pour sortir de cette dépendance ? En somme, à quand un véritable Airbus de l'intelligence artificielle, capable de structurer une ambition collective, souveraine et durable ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir posé cette question. Voilà un moment déjà que nous débattons et la question de la compétitivité, et finalement celle de l'enjeu de cette course à l'intelligence artificielle, n'avait pas encore été évoquée.
Or c'est bien ce point qui doit nous occuper avant tout, car toutes les autres questions auxquelles nous avons tenté de répondre jusqu'ici en dépendent.
En effet, une réponse européenne est seule à même d'aboutir à une IA fidèle à nos valeurs, une IA plus frugale, une IA à disposition des jeunes, pour leur éducation.
En revanche, et là nos avis divergent quelque peu, je ne pense pas que nous soyons dans une situation de décrochage : en témoignent les différents index qui nous placent en troisième ou en quatrième position à l'échelle mondiale.
À cet égard, le projet américain Stargate, d'un montant de 500 milliards d'euros, est certes très significatif. Mais le projet de 109 milliards d'euros que nous avons annoncé lors du sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle est du même ordre de grandeur si on le rapporte à la population française. Ainsi, la France n'a pas à rougir de ses investissements en matière d'infrastructures, qui constituent l'un des piliers de la stratégie de développement de l'intelligence artificielle.
Je l'ai dit tout à l'heure, la recherche est l'un de nos atouts les plus fondamentaux. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de réinvestir dans ce domaine. Nous avons ainsi déployé neuf clusters d'IA sur l'ensemble du territoire, pour un montant de 360 millions d'euros. Ils sont destinés à former 100 000 personnes par an d'ici à 2030.
Nous ferons toujours de la recherche une priorité de notre action.
Par ailleurs, vous regrettez le manque de coordination de la réponse à l'échelle européenne. Là encore, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vos propos : le sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle a été justement l'occasion pour l'Europe de réaffirmer sa stratégie InvestEU, d'un montant de 200 milliards d'euros. Elle sera déployée sur toute la chaîne de valeur, des gigafactories à la diffusion de l'IA dans l'industrie.
En outre, il y a deux semaines, l'Union européenne a dévoilé le plan AI Continent, dans le cadre duquel un certain nombre d'acteurs seront consultés pour renforcer la coordination à l'échelon européen sur les gigaprojets.
Bref, il ne s'agit pas que de régulation : il y a des moyens, une vision et une ambition d'innovation.
M. le président. La parole est à M. Christian Bruyen.
M. Christian Bruyen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'intelligence artificielle alimente des angoisses irrationnelles, autant que des attentes démesurées. Cette technologie nous semble à la fois omniprésente et insaisissable, alors que sa diffusion n'est encore que très relative.
L'intelligence artificielle est un phénomène d'une telle puissance qu'il nécessite de se préoccuper au plus vite de la formation de l'esprit critique de ses utilisateurs. Plus et mieux on comprendra le fonctionnement de ces solutions, moins on les subira.
À l'évidence, cette sensibilisation doit débuter à l'école, au collège, au lycée. C'est pourquoi mon propos porte sur l'enseignement scolaire. Nous ne pouvons que nous réjouir de la volonté du Gouvernement de définir une stratégie ambitieuse pour l'IA dans l'éducation. Pouvez-vous, madame la ministre, nous exposer quelques priorités de cette stratégie, voire nous indiquer des échéances prévisionnelles ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, j'ai eu l'occasion de rappeler que, lors du comité interministériel relatif à l'intelligence artificielle, présidé par le Premier ministre, chaque ministère s'est engagé dans une démarche de diffusion de l'IA à destination de ses propres services.
La ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, Élisabeth Borne, a dévoilé ses grandes orientations : je la laisserai donc échanger plus en détail avec vous sur cette question. Sachez néanmoins que de grandes décisions ont déjà été prises. Cela fait maintenant deux ans que nous menons des expérimentations en matière d'intelligence artificielle, dans l'espoir que la personnalisation puisse être renforcée dans la démarche d'éducation.
À cet égard, l'AMI dont nous avons parlé tout à l'heure a permis de recenser un certain nombre de solutions. Nous devrons les mettre en œuvre dès cet été, à destination des professeurs, afin qu'ils ne soient pas en difficulté dans l'utilisation de l'IA, contrairement aux élèves.
La semaine dernière, je me suis rendue dans un lycée de Quimper qui prépare au baccalauréat professionnel en matière de service et de restauration. J'ai pu constater, lors de ma visite, qu'un professeur était beaucoup plus en retrait que les autres dans l'utilisation de l'intelligence artificielle. Nous voulons précisément remédier à ce genre de difficulté et mettre les outils d'IA entre les mains de tous les professeurs.
Du reste, nous devons réfléchir à la manière dont l'intelligence artificielle, au-delà de l'éducation nationale, peut être présente dans toutes les formations, notamment dans l'enseignement supérieur. C'est un sujet sur lequel mon collègue Philippe Baptiste travaille actuellement.
M. le président. La parole est à M. Christian Bruyen, pour la réplique.
M. Christian Bruyen. Comme vous, le ministère de l'éducation nationale évoque à juste titre l'indispensable préservation de la notion de souveraineté. Il est en outre primordial d'appliquer les principes de précaution, plus encore pour ce qui touche à la jeunesse. Cependant, il convient de ne pas mettre en place toute une série de garde-fous qui seraient pour beaucoup illusoires et viendraient scléroser le développement de l'IA et de ses applications.
Dans la présentation de sa stratégie en matière d'intelligence artificielle, la ministre de l'éducation nationale a évoqué des outils à même d'aider les enseignants dans leurs pratiques pédagogiques. C'est une bonne chose, mais de nombreux outils de qualité existent déjà et sont d'ailleurs promus par le ministère de l'éducation nationale lui-même. Malheureusement, ils demeurent sous-exploités.
À mon sens, il est surtout nécessaire d'accompagner le corps enseignant pour assurer une véritable appropriation de ces outils. Disons-le, les usages de l'IA dans le système éducatif sont parfois trop normés pour offrir des possibilités de pédagogie différenciée adaptée aux capacités de l'apprenant.
C'est bien dommage, car c'est d'abord en valorisant mieux l'IA auprès des personnels enseignants que l'éducation nationale favorisera l'émergence d'une vraie culture citoyenne autour de ce phénomène. C'est cela qui est fondamental.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Vous avez tout à fait raison, cette démarche est importante. Elle doit aussi permettre de soutenir le secteur EdTech avec des solutions très performantes – l'une d'entre elles a remporté un grand prix international, comme je l'ai rappelé tout à l'heure – et de mettre celles-ci entre les mains des enseignants et des élèves. C'est bien l'objet de la stratégie que le Gouvernement s'emploie à décliner.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc.
M. Jean-Baptiste Blanc. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur les liens entre l'IA et l'objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN), lequel nous occupe beaucoup dans cet hémicycle. D'ailleurs, il faudra s'interroger un jour sur le rapport entre l'IA et les sols vivants, afin d'avoir une meilleure connaissance de notre sol et de notre sous-sol.
Dans le cadre de l'analyse de masse des données photosatellitaires compilées pour nourrir l'outil occupation du sol à grande échelle (OCS GE), l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) a recours à l'intelligence artificielle.
Or, à l'heure actuelle, les performances de cet outil semblent encore largement perfectibles. En effet, l'IA bute sur certaines interprétations des données, qui dépendent de la qualité des intrants numériques. Cela nécessite forcément des contrôles et des vérifications par des opérateurs humains.
Il est possible de signaler directement des erreurs d'interprétation dans une logique de participation et d'amélioration de la qualité de la donnée. Je m'éloigne un peu de ma question pour alerter le Gouvernement sur les conflits entre l'État et les collectivités concernant les surfaces qui ont été réellement artificialisées. Force est de constater que nous n'avons pas les mêmes chiffres. La gouvernance et le partage de la donnée sont une question essentielle.
Quelles sont les perspectives d'amélioration de l'utilisation de l'intelligence artificielle par l'IGN ? Cette question vaut aussi pour le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema).
Quel gain peut-on espérer en mettant à jour les millésimes des séries de données ? Par ailleurs, comment s'assurer de leur fiabilité ? Un référentiel partagé avec d'autres pays pour mener des analyses comparatives intéressantes sur le rythme et la géographie de l'artificialisation des sols pourrait être une solution. Le Gouvernement l'a-t-il envisagée ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Je vous remercie de cette question, monsieur le sénateur. Vos propos illustrent à quel point l'IA peut apporter des solutions aux enjeux écologiques. En effet, en raison de sa puissance, elle peut nous aider à modéliser et à comprendre ceux-ci et ainsi nous permettre de répondre aux interrogations soulevées.
L'IGN a engagé un travail important sur cette question. Il est à la pointe de l'utilisation de l'IA et développe un certain nombre de solutions. Malgré les limites, il manifeste toujours la volonté d'aller plus loin.
Dans le cadre du plan France 2030, les « jumeaux numériques » doivent nous permettre de regarder plus précisément si l'IGN peut bénéficier d'un appui pour avancer plus vite et être encore plus performant en la matière. Des cas d'usage peuvent nous aider à résoudre plusieurs questions importantes.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour la réplique.
M. Jean-Baptiste Blanc. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais j'appelle votre attention sur la question de la gouvernance. Les élus ne doivent pas avoir l'impression qu'une décision leur est imposée d'en haut. Le problème en matière de ZAN est que la planification est mal vécue. Voilà pourquoi nous devons agir ensemble !
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon.
Mme Anne Ventalon. L'intelligence artificielle n'est plus une promesse d'avenir, elle est déjà une réalité. Il se trouve que la santé est un domaine privilégié de déploiement de cette technologie. L'Académie nationale de médecine a récemment rendu un rapport sur l'IA générative, estimant que son déploiement pourrait aider les médecins dans leurs pratiques quotidiennes et avoir ainsi un impact très positif.
Dans le domaine de la santé, l'IA est considérée comme un outil supplémentaire capable d'apporter beaucoup de solutions à plusieurs égards : amélioration de la qualité des soins et du suivi des patients, gain de temps médical, optimisation des diagnostics, réorganisation de notre système de santé. Bref, les avantages sont multiples, pour les soignants comme pour les patients.
L'IA pourrait-elle être utilisée pour lutter contre les déserts médicaux ? Des solutions numériques peuvent apporter une réponse partielle à ce problème ; installées depuis quelques années, les cabines de télémédecine en sont une parfaite illustration. L'IA peut améliorer les performances en téléconsultation en interprétant en direct les données captées dans les cabines ou en guidant l'entretien avec le patient.
Elle est potentiellement un outil de meilleure organisation du processus de soins et de réduction des inégalités territoriales de santé. Néanmoins, l'IA ne résout pas à elle seule la question de l'accès aux soins. Elle ne remplace ni la main du médecin ni la parole rassurante du soignant. Toutefois, elle permet de soulager les professionnels dans leurs tâches répétitives et administratives.
Dans le secteur de la santé, l'IA est encore en phase d'apprentissage, avec un foisonnement d'initiatives accompagné d'équipes médicales motivées et d'entreprises innovantes. Comment entendez-vous accompagner leurs actions, afin que notre système de santé ne rate pas le virage de l'IA et en tire le maximum de bénéfices ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Je vous remercie de cette question, madame la sénatrice. En effet, la santé est le domaine où les bénéfices de l'IA sont les plus clairs et les plus compréhensibles, tant les avancées sont fulgurantes. Cela doit nous permettre de répondre à un certain nombre de défis de manière générale.
Dans cette perspective, le Health Data Hub conduit plusieurs projets, notamment le projet Partage, qui vise à mettre à disposition l'IA générative pour l'analyse des données de santé. Il doit ainsi permettre d'accélérer la recherche sur des cas précis. C'est un projet que le ministre de la santé veut continuer à soutenir, pour développer nos propres bases de données et grands modèles de langage (LLM), au profit de la santé de nos concitoyens.
J'en viens à la télémédecine. Aujourd'hui, chaque hôpital, en fonction de ses spécialités et d'un plan qui lui est propre, travaille à nouer des partenariats pour assurer la disponibilité des soignants partout sur le territoire, en faveur des personnes qui nécessitent d'être soignées. En digitalisant l'expérience de soins, l'IA devrait répondre à une partie de la problématique soulevée. L'Institut Gustave-Roussy a déployé ces solutions il y a quelque temps et force est de constater qu'elles portent leurs fruits.
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, pour la réplique.
Mme Anne Ventalon. Je vous remercie, madame la ministre. Le fonctionnement de l'IA doit être compris, non seulement pour mieux appréhender cette technologie et en tirer profit, mais aussi pour en mesurer ses limites. Voilà pourquoi la formation initiale et continue des soignants est essentielle.
Conclusion du débat
M. le président. En conclusion du débat, la parole est à Mme le président de la délégation sénatoriale à la prospective. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme Christine Lavarde, président de la délégation sénatoriale à la prospective. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cela a été dit, l'intelligence artificielle cristallise tous les défis du XXIe siècle. Je n'en dresserai pas de nouveau le catalogue ; plutôt, je présenterai cinq grandes idées que nous pouvons tirer de ce débat et des travaux qui ont animé l'Opecst et la délégation à la prospective pendant presque dix-huit mois.
Premièrement, nous constatons une évolution extrêmement rapide de l'intelligence artificielle. En dix-huit mois, nous avons vu combien les technologies, les innovations et les solutions proposées par l'IA étaient différentes. Chaque mois qui passe promet des solutions toujours plus complètes.
Ces évolutions très rapides obligent la France, en tant que puissance forte, à poursuivre ses travaux de recherche et à investir, pour ne pas être dévalorisée par rapport à d'autres puissances fortes, telles que les États-Unis, les Gafam et la Chine, dont les entreprises sont très importantes dans le domaine de l'intelligence artificielle.
Ces évolutions nous imposent également de faire preuve d'agilité. Vous l'avez dit, madame la ministre, et c'est le constat auquel nous sommes nous-mêmes parvenus : les conclusions doivent toujours être fondées sur l'expérimentation, sur des épreuves tirées de l'expérience.
La direction générale des finances publiques (DGFiP), qui a mis au point les premiers outils d'IA au sein de l'administration, peut servir de modèle pour développer d'autres outils, par exemple dans le domaine de la lutte contre la fraude.
Deuxièmement, les données sont au cœur de l'intelligence artificielle. De très nombreux orateurs l'ont rappelé : les données ne doivent pas, demain, être captées par les Gafam ou d'autres pays. C'est la raison pour laquelle nous devons développer des solutions souveraines et agir collectivement pour disposer d'un cloud européen. En effet, nos données de santé ne sauraient être hébergées par des acteurs non européens.
Par ailleurs, les données doivent être structurées pour qu'elles puissent avoir un rôle moteur, en particulier dans les domaines de la santé et de l'environnement. Malheureusement, à l'issue de nos travaux, nous constatons encore aujourd'hui un très fort cloisonnement ou manque d'interconnexion des systèmes d'information ; nous avons évoqué ce problème pour les données en langue créole. Si le système d'intelligence artificielle marche, il doit pouvoir se nourrir de données.
Aujourd'hui, l'intelligence artificielle répond à nos sollicitations en franglais parce qu'elle a lu majoritairement soit du mauvais français, soit du français traduit de l'anglais. Certains pays ne parviennent pas à jouer un rôle moteur dans le développement de l'IA. Je pense au Japon, dont la langue n'est pas suffisamment parlée à travers le monde.
La question des données est extrêmement importante, d'autant que la politique des données ouvertes vient remettre en cause un certain nombre de principes économiques. Des acteurs économiques nationaux et des opérateurs de l'État ont vu leur modèle économique complètement bouleversé : ils ne peuvent plus vendre, ce qui les empêche de tirer des recettes et fragilise ainsi la mise en œuvre des politiques publiques.
Cet après-midi, nous avons très largement évoqué la question du droit d'auteur et des droits voisins. Ce sont des sujets que nous devons traiter si nous voulons continuer à développer un processus de création qui s'auto-alimente. Certaines entreprises privées qui disposent de données d'intérêt national devraient sans doute les mettre à disposition de la puissance publique, dans l'idée de développer le bien commun.
Troisième point : le développement des compétences. Vous l'avez dit, l'intelligence artificielle procède d'une redistribution profonde des pouvoirs. Je suis complètement d'accord, si l'État veut pouvoir continuer à jouer son rôle d'État stratège, il faut qu'il ait les capacités de recruter des profils spécialisés et de faire monter en compétence les agents publics – je pense aux agents de l'État, bien sûr, mais aussi aux agents des collectivités. Il faut aussi pouvoir repenser le travail, comme nous l'avons constaté au cours de nos déplacements et de nos auditions.
Christian Bruyen l'a très bien dit, au-delà des compétences des agents publics, il y a aussi la question de la sensibilisation du grand public. Comment embarquer avec nous les citoyens dans l'appropriation des outils d'intelligence artificielle ? Il est très important de renforcer l'acculturation, de démystifier et, en même temps, d'informer sur les dangers et les avantages de cette technologie.
Le premier pas doit être fait au sein de l'éducation nationale, où les enseignants sont dans une situation de faiblesse par rapport à leurs élèves. En effet, certains d'entre eux sont nés avec les outils d'intelligence artificielle.
Cette acculturation est essentielle, car, pour pouvoir se développer, l'intelligence artificielle doit être utilisée dans un climat de confiance. Nous avons d'ailleurs évoqué la question du cadre éthique au cours de notre débat.
Je vois que j'ai dépassé le temps qui m'était imparti et je ne voudrais pas abuser de la bienveillance du président de séance. Je ne pourrai donc pas aborder l'ensemble des points que je souhaitais évoquer. En conclusion, j'ajouterai que l'intelligence artificielle, pour pouvoir se développer, doit être proportionnée. C'est pourquoi la question de la frugalité, en dépit du principe de liberté, est extrêmement importante, comme l'ont rappelé nos collègues Ghislaine Senée et Ludovic Haye.
Par ailleurs, il est nécessaire d'informer le public sur le coût de l'intelligence artificielle. Sur cette question, je vous renvoie à un livre très intéressant, intitulé L'Enfer numérique. Aujourd'hui, tout le monde envoie des émoticônes, mais on oublie le coût numérique que cela représente.
Surtout, l'intelligence artificielle, pour être utile, doit démontrer sa pertinence, donc sa valeur ajoutée. Aujourd'hui, il est moins coûteux d'ouvrir un dictionnaire que de recourir à l'intelligence artificielle pour se renseigner sur une définition. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur l'intelligence artificielle.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-neuf, est reprise à dix-sept heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
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Comment relancer le fret ferroviaire ?
Débat organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, sur le thème : « Comment relancer le fret ferroviaire ? »
Je vous rappelle que le Gouvernement aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur, pour une durée de deux minutes ; l'orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.
Monsieur le ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé sa place dans l'hémicycle.
Dans le débat, la parole est à M. Alexandre Basquin, pour le groupe auteur de la demande.
M. Alexandre Basquin, pour le groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste – Kanaky. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe CRCE-K a jugé opportun d'organiser un débat sur la question fondamentale de l'avenir du fret ferroviaire. En effet, les enjeux sont forts en matière d'aménagement du territoire, d'environnement, de sécurité et de développement économique. Or, aujourd'hui, la part modale du rail dans le transport de marchandises n'est que de 10 %. L'enjeu est donc de taille !
Rappelons que c'est en 1823 que la première concession de chemin de fer pour le transport de marchandises a été accordée en France. La part du fret ferroviaire a ensuite augmenté, pas à pas, grâce à l'extension du rail sur l'ensemble du territoire. Il a ainsi atteint 73 % de la part modale en 1948. Un vrai maillage territorial, optimisé et efficace existait alors.
Il y a eu ensuite, notamment depuis les années 1970, une conjonction d'éléments et de choix politiques qui, malheureusement, ont amenuisé fortement la capacité du rail au profit du « tout-routier ». Les logiques de rentabilité court-termiste ont ainsi fini par l'emporter, hélas.
Le trafic routier ne cesse de progresser quand, dans le même temps, le réseau ferré n'est plus aussi bien entretenu : les investissements ne sont plus au rendez-vous, les lignes se délabrent et les installations embranchées sont fermées. Nous en payons encore le prix aujourd'hui.
Le tonnage transporté décline de 75 milliards de tonnes-kilomètre en 1974 à 55 milliards en 1998, et à 40 milliards en 2005. En 2021, ce chiffre chute à 35 milliards.
Je l'ai dit, la part modale du fret ferroviaire est de 10 % en France, contre 18 % en Allemagne, 32 % en Autriche et 35 % en Suisse, pour ne citer que quelques exemples. Le transport routier, quant à lui, représente 87 % du transport de marchandises.
Ces dernières décennies, le service public de transport de marchandises a été régulièrement attaqué : plans d'économies massifs, démantèlement du groupe SNCF, ouverture à la concurrence, fermetures de gares de triage et de lignes de fret, abandon des raccordements d'entreprises au réseau et suppressions de postes – quelque 10 000 emplois ont été supprimés en dix ans.
La libéralisation de la politique européenne des transports engagée dès les années 1990, qui s'est accompagnée d'une dérégulation massive du transport routier de marchandises, a sacrifié purement et simplement le rail !
À cela s'ajoutent la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire, qui fragmente le service public du rail, et le « plan de discontinuité », qui fragilise le transport public de marchandises et pour lequel l'intersyndicale demande si légitimement un moratoire.
Pour autant, beaucoup s'accordent aujourd'hui sur le nécessaire développement du fret ferroviaire. En 2020, la Convention citoyenne pour le climat proposait le doublement de la part modale du fret d'ici à 2030. En outre, l'objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050 plaide fortement pour le fret ferroviaire.
À l'heure où les questions de dérèglement climatique imposent de prendre des mesures fortes, il est nécessaire de mettre en œuvre une politique de transport audacieuse.
Disons-le clairement : investir dans le fret, qui est de loin le transport le moins polluant, ne semble pas illusoire, bien au contraire ! Un train, ce sont cinquante camions de moins sur les routes.
Choisir d'utiliser le rail permet le développement du tissu économique, qu'il soit agricole, industriel ou logistique, grâce à l'implantation d'activités mieux réparties sur l'ensemble du territoire national. Il permet de désenclaver certains territoires, tout en les redynamisant par une activité pérenne.
Je pense à la gare de triage de Somain, dans le Nord, non loin de chez moi, dont l'activité est réalisée en pointillé. Pourtant le potentiel existe : les cheminots sont mobilisés, les élus locaux sont au rendez-vous et la population est particulièrement attachée à ce site.
La gare de triage de Somain demande ainsi à être revitalisée plutôt qu'abandonnée, d'autant que le canal Seine-Nord Europe passera à quelques encablures, que l'ancienne base aérienne de Cambrai se développe et que le Dunkerquois va accueillir prochainement de nouvelles activités de grande ampleur.
Puisque je parle du Dunkerquois, permettez-moi d'avoir une pensée pour les 600 salariés d'ArcelorMittal, – 180 travaillent dans l'usine de Dunkerque –, dont le poste risque d'être supprimé d'un trait de plume sans aucune considération, toute honte bue. Il s'agit pourtant d'une entreprise qui a obtenu 300 millions d'euros d'aides de la part de l'État en 2023 et qui verse entre 300 millions et 400 millions d'euros de dividendes chaque année. Il est nécessaire que nous soyons mobilisés sur cette question majeure.
La relance du fret ne passera que par des investissements significatifs, bien loin des politiques d'austérité conduites ces dernières années. Une loi pluriannuelle de financement des infrastructures s'avère un enjeu crucial.
Il faut rénover et densifier le réseau ; il faut rendre le rail plus performant que le transport routier, qui bénéficie d'avantages fiscaux, d'aides financières disproportionnées et de l'absence de contribution au financement du réseau routier par les transporteurs, contrairement aux opérateurs ferroviaires.
Il faut également convaincre les industriels en mettant en place une fiscalité environnementale qui favorise le report modal de la route vers le rail.
Comme il est essentiel et urgent de repenser le modèle de financement des transports ! La conférence nationale sur le financement des mobilités Ambitions France Transports, qui sera lancée en mai prochain, devra concrétiser cet objectif.
En matière de financement, plusieurs pistes pourraient être explorées, comme celle du fléchage des produits des concessions autoroutières en soutien au fret.
Rappelons que les sociétés d'autoroutes ont récolté 40 milliards d'euros de plus que ce qui était prévu ; on parle même de « surrentabilité ». Ces chiffres ont d'ailleurs interpelé l'ensemble du Sénat, si bien que, en 2020, notre assemblée a mis en place une commission d'enquête sur ce sujet. Il ne semble donc pas chimérique qu'une partie des bénéfices constitués par les gestionnaires d'autoroutes puisse être affectée au développement du rail.
Enfin, permettez-moi de saluer très chaleureusement les cheminots, eux qui sont bien trop souvent caricaturés. Je veux rappeler ici leur engagement sincère, au service de l'intérêt général, des usagers et de leur sécurité.
Vous l'aurez compris, nous soutenons avec force le développement du fret ferroviaire, que nous considérons être un secteur stratégique et structurant. Il peut et doit jouer un rôle majeur et être un atout essentiel pour l'ambitieuse et nécessaire relance industrielle et agricole de notre pays.
Pour cela, il n'y a pas cent mille solutions : il faut changer de paradigme, investir, donner du sens à la politique du fret et, enfin, faire du rail un bien commun national. La balle est entre vos mains, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de remercier le groupe CRCE-K d'avoir organisé ce débat ; c'est toujours un plaisir pour moi de revenir dans cette magnifique assemblée.
Le fret est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Nous avons eu l'occasion d'en discuter pendant des années au sein de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
Vous avez évoqué le sujet de l'ouverture à la concurrence. Je tiens à rappeler que le secteur du fret ferroviaire a connu cette évolution en 2006, en application des textes européens. Vous citez l'Allemagne en exemple sur ce sujet, mais ce pays est également ouvert à la concurrence. Cela démontre qu'il est possible de réussir dans le fret ferroviaire dans de telles conditions.
Concernant les difficultés du fret ferroviaire depuis plusieurs années, plutôt que l'ouverture à la concurrence, il me semble que c'est l'abandon de ce mode pendant plusieurs décennies au profit de la route et du transport de voyageurs qui est en cause.
En outre, plusieurs crises marquantes ont accéléré la désindustrialisation à la fin des années 2000 ; or la situation du secteur est intimement liée aux difficultés industrielles de notre pays.
La part modale du fret ferroviaire a ainsi connu le même déclin que la part de l'industrie dans l'économie française. Au cours des vingt dernières années, les corrélations entre ces deux trajectoires sont frappantes : la part de l'industrie dans notre économie est passée de 16,2 % en 1995 à 10,1 % en 2017, tandis que la part modale du fret ferroviaire a chuté de 16,8 % en 1995 à 10,8 % en 2017. Ces évolutions sont étroitement liées.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je compléterai mon propos ultérieurement.
M. le président. Dans la suite du débat, la parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier nos collègues communistes pour ce débat qui fait suite à la publication en mars de la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire, intitulée Ulysse Fret. Formons le vœu que, sous ce titre enchanteur, nous retrouvions le chemin du rail, car, pour l'heure, ce secteur se débat entre Charybde et Scylla.
Le transport de fret ferroviaire est au plus bas ; les chiffres confirment que l'activité est en berne tandis que le transport routier se taille la part du lion, avec près de 90 % des tonnes-kilomètre. La part du fret ferroviaire est ainsi passée sous la barre des 10 % du transport de marchandises.
En Nouvelle-Aquitaine, le dernier contrat de plan État-région (CPER) fait état d'une part modale excessivement faible, de l'ordre de 2,3 %. Si l'étude de vos services relève que 2023 fut une année marquée par une forte baisse imputable aux mouvements sociaux et aux prix élevés de l'électricité, elle met surtout en évidence une tendance lourde que nous ne parvenons pas à redresser, y compris dans le transport combiné rail-route.
Cette situation est un crève-cœur pour tous les Français attachés au maillage du territoire et aux infrastructures que nous voyons dépérir et dont nous constatons la sous-utilisation. Il est difficile de comprendre ce démantèlement d'un outil majeur pour la décarbonation de nos échanges commerciaux et pour la sécurisation du transport routier.
Dans le même temps, le Parlement européen a voté une révision de la directive relative aux poids et dimensions visant à permettre la circulation de mégacamions. Il est déconcertant qu'un tel gigantisme routier soit encouragé par la représentation européenne.
Nous pouvons nous interroger sur notre capacité à atteindre le doublement du trafic d'ici à 2030, pourtant inscrit dans la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, alors que nous accusons une chute à peine quatre ans plus tard.
Monsieur le ministre, avez-vous de bonnes nouvelles à nous annoncer en la matière ?
La stratégie nationale, qui s'étale sur une période de dix ans, évoque la mise en place d'actions à gain rapide. Pourriez-vous nous préciser celles d'entre elles qui ont d'ores et déjà été identifiées ? Le Gouvernement annonçait un plan d'investissement de 4 milliards d'euros jusqu'en 2032, dont 900 millions pour l'État, en faveur du fret ferroviaire, la moitié passant par les CPER.
Cependant, les documents relatifs à la stratégie relèvent eux-mêmes le problème suivant : un CPER voté ne permet souvent pas d'identifier les lignes concernées par de potentielles modifications ; en outre, sans investissement, la pérennité des lignes capillaires n'excède pas dix ans.
Des projets emblématiques, comme l'autoroute ferroviaire Cherbourg-Mouguerre, dans les Pyrénées, sont pour autant bien spécifiés et identifiés. Je tiens également à saluer, dans un autre registre, l'intégration de projets de fret fluvial, comme celui de Damazan, un sujet qui mériterait un débat à lui seul.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser où en sont les accords de programmation des avenants aux CPER ? Disposerons-nous bientôt d'une visibilité à ce sujet ?
Enfin, nous sommes confrontés à des questions préoccupantes dans le Sud-Ouest, avec la création de la ligne nouvelle – à grande vitesse – du Sud-Ouest (LNSO) entre Bordeaux et Toulouse. Nos concitoyens s'en souviennent et s'en souviendront longtemps, car ils y contribuent financièrement alors qu'ils ne le devraient pas. Le tracé avance aujourd'hui, mais il n'a pas fait l'objet d'une véritable réflexion concernant le fret, ce qui l'exclut de notre débat.
Il me semble qu'il est temps de mettre tous les acteurs autour de la table, en particulier nos entreprises, pour nous rapprocher de leurs besoins en termes de fret et d'infrastructures de stockage.
Le Lot-et-Garonne et les départements voisins sont producteurs de matières agricoles, mais également fabricants de matériaux de construction. Nous disposons d'atouts pour développer le fret ferroviaire, par exemple sur les lignes Agen-Auch et Agen-Périgueux, au sujet desquelles je vous ai sensibilisé. Des projets viables sont d'ores et déjà sur la table, qui pourraient permettre de désengorger certaines routes, en particulier la RN 21.
Enfin, une dernière question : monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que l'État prendra sa part dans la réouverture de ces lignes et contribuera ainsi au désenclavement de cette partie du territoire, faisant de nos trois villes principales, Agen, Marmande et Villeneuve-sur-Lot, des carrefours ferroviaires incontournables ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Tout d'abord, en réponse au sénateur Masset, je tiens à réaffirmer ma position défavorable aux mégacamions. En effet, leur autorisation entraînerait une perte d'activité d'environ 25 % pour le fret ferroviaire. Je sais que certains d'entre vous ont un avis différent sur ce sujet.
M. Jacques Fernique. Pas moi, en tout cas ! (Sourires sur les travées du groupe GEST.)
M. Philippe Tabarot, ministre. Je le sais bien, monsieur Fernique : je connais votre position !
Concernant l'année 2023, marquée par d'importants défis pour le secteur du fret, je souscris à votre analyse, monsieur le sénateur. Cependant, je note avec satisfaction une amélioration de la situation en 2024, avec 33,1 milliards de tonnes-kilomètre transportées et un rebond du fret ferroviaire de 12,1 % par rapport à 2023, soit un mouvement positif.
Notre but est clair : il faut maintenir cette dynamique ascendante au cours des dix prochaines années pour atteindre l'objectif qui avait été fixé au sein de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat.
Pour y parvenir, il est essentiel que le secteur se mobilise. La stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire, qui comprend soixante-douze mesures concrètes, est mise en place progressivement et avec une énergie indéniable.
Le rôle de l'État sera de sécuriser les financements dans le temps, notamment grâce à la conférence de financement qui nous réunira à partir du 5 mai prochain. La loi de finances 2025 prévoit également une enveloppe globale d'aide à l'exploitation des services de fret ferroviaire et de transport combiné de 370 millions d'euros, ce qui représente un arbitrage difficile dans le contexte que nous connaissons. Il est crucial que les régions continuent également à s'engager.
Enfin, et puisque vous réclamiez l'annonce de bonnes nouvelles, j'ai le plaisir de vous annoncer en exclusivité que le service d'autoroute ferroviaire entre Cherbourg et Mouguerre va démarrer dans les prochaines semaines, la Commission européenne venant de donner son accord. Il s'agit d'une excellente nouvelle pour le développement de ce secteur, sous l'égide d'un armateur privé.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Monsieur le ministre, la loi Climat et Résilience a fixé un objectif de doublement de la part modale du fret ferroviaire et fluvial dans le transport intérieur des marchandises d'ici à 2030. Cette disposition, introduite dans le texte par un amendement du rapporteur de la commission d'aménagement du territoire et du développement durable, un jeune sénateur prometteur nommé Philippe Tabarot (Sourires.), est essentielle pour assurer la décarbonation du secteur du transport de marchandises, responsable de 13 % des émissions de gaz à effet de serre françaises.
Depuis lors, le fret a fait face à une série de vents contraires : grève sur les retraites en 2023, crise de l'énergie et inflation, quasi-effondrement du tunnel de la Maurienne. L'année 2023 a ainsi été marquée par un report modal inversé au profit de la route, la part du fret ferroviaire tombant à 8,9 % contre 10 % en 2022.
La ligne de la Maurienne ayant enfin rouvert le 31 mars dernier, je forme le vœu que ces difficultés conjoncturelles sont désormais derrière nous. Monsieur le ministre, le trafic a-t-il retrouvé une trajectoire de croissance l'an passé ? Quelles sont les perspectives pour l'année 2025 ?
Il nous reste maintenant à nous attaquer à des enjeux structurels pour faire de l'objectif fixé par la loi Climat et Résilience une réalité. J'ai à l'esprit, en particulier, le vieillissement du réseau ferroviaire, qui entraîne un ralentissement des circulations et une pénurie de sillons, ainsi que les difficultés rencontrées par l'activité en wagon isolé.
Le plan Ulysse Fret, réalisé par l'État, SNCF Réseau et l'Alliance 4F – pour fret ferroviaire français du futur –, souligne qu'en raison de l'âge moyen élevé des lignes utilisées par le fret, il est urgent de mener des investissements sur le réseau afin d'éviter une baisse inéluctable du trafic. Il prévoit donc d'accélérer les investissements en faveur du fret ferroviaire, pour un total de 4,5 milliards d'euros entre 2023 et 2035, concernant notamment le renouvellement des voies de service fret, les équipements de tri à la gravité, indispensables pour le marché du wagon isolé, les terminaux du fret, les outils de développement du transport combiné et l'augmentation de la capacité du réseau ferroviaire en faveur du fret.
Quel devrait être l'impact de ces investissements sur le volume du trafic ? L'objectif de doublement de la part modale du fret ferroviaire est-il encore atteignable d'ici à 2030 ? Ces travaux pourraient-ils emporter des conséquences temporaires négatives sur le trafic ?
Plus largement, les travaux sur le réseau ont souvent lieu la nuit pour ne pas pénaliser excessivement la circulation des trains de voyageurs. Comment concilier la nécessité d'intervenir sur un réseau vieillissant et l'exigence de ne pas causer une interruption de trafic de forte ampleur, dont le fret est souvent la première victime ?
Par ailleurs, la circulation des trains de voyageurs génère des ressources liées aux péages ferroviaires, plus élevés que ceux des trains de fret. Dans un contexte de manque de moyens sur le réseau, le gestionnaire d'infrastructures n'est donc pas incité à développer le fret. Comment répondre à cette difficulté ?
Enfin, il est indispensable que les investissements programmés en faveur du fret soient effectivement réalisés. La conférence nationale de financement des transports prévoit à ce propos un atelier consacré au verdissement du transport de marchandises. Avez-vous déjà étudié de nouvelles sources de financement que vous envisageriez de soumettre aux acteurs de la conférence ?
Considérez-vous que l'écotaxe poids lourds, qui sera bientôt mise en œuvre en Alsace, pourrait être étendue à d'autres territoires et fléchée vers le financement des transports ? Vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, que certains poids lourds contournent les autoroutes en utilisant des voies inadaptées à leur transit, comme la RN 83, dans le Doubs, ce qui dégrade l'état de la route et est source de danger pour les usagers.
Développer le fret ferroviaire permettrait de diminuer le nombre de camions sur les routes.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Pour répondre au président Longeot, je tiens à rappeler que les années 2021 et 2022 avaient permis un redressement de la part modale du fret, tandis que l'année 2023 a été difficile pour plusieurs raisons, notamment la crise énergétique.
Je m'associe à l'hommage rendu aux cheminots, mais il me faut souligner que les mouvements sociaux, aussi justifiés fussent-ils, ont porté préjudice aux chiffres de l'année 2023.
M. Alexandre Basquin. Non, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas avancer cet argument !
M. Philippe Tabarot, ministre. Vous ne pouvez guère le nier !
Cependant, je souhaite indiquer au président Longeot que SNCF Réseau entend faire un effort particulier pour que le fret ne soit pas relégué au second plan dans le cadre des travaux à mener ; il est pleinement intégré dans leur planification. C'est le cas, par exemple, concernant les travaux qui vont se dérouler sur la ligne Paris-Limoges-Toulouse, dont on a beaucoup parlé ces derniers mois. Contrairement aux pratiques antérieures, ceux-ci seront ainsi réalisés en journée, afin de minimiser l'impact sur le trafic de fret.
M. Jean-François Longeot. C'est bien.
M. Philippe Tabarot, ministre. S'agissant des péages ferroviaires que vous avez évoqués, je précise que, à la différence des péages relatifs au transport de voyageurs, les péages ferroviaires français demeurent parmi les plus bas d'Europe pour le fret, à 1,08 euro par train-kilomètre contre 2 euros en moyenne européenne.
Nous travaillons également à l'optimisation des sillons via les plateformes services et infrastructures, en intégrant les problématiques de travaux de nuit, comme je viens de le mentionner.
Enfin, concernant l'écotaxe, un sujet que vous suivez avec une attention particulière, vous savez que les régions frontalières peuvent désormais, grâce au travail de votre commission, mener des expérimentations.
Nos amis du Grand Est et de la Collectivité européenne d'Alsace vont ainsi y procéder. Cependant, je me dois de rappeler à certains d'entre vous combien il est regrettable que Ségolène Royale soit à l'époque revenue sur l'écotaxe. Cette mesure représentait 500 millions d'euros de recettes par an, soit 5 milliards d'euros sur dix ans, précisément la somme que nous recherchons aujourd'hui.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le ministre, depuis le vote dans cet hémicycle, le 7 décembre 2022, de la résolution pour le développement du transport ferroviaire déposée par notre groupe, ce sujet, pourtant central pour nos mobilités, notre économie et la transition écologique, est resté le parent pauvre de nos débats.
Ce n'est pas tout à fait le cas, il est vrai, puisque nous avons eu à débattre de la sécurité dans les transports ou de la restriction du droit de grève, stigmatisant les salariés du secteur !
Je salue ces syndicalistes cheminots présents ce soir dans les tribunes, qui défendent sans relâche les droits des salariés de la SNCF, des usagers, ainsi que le service public de transport ferroviaire afin qu'il retrouve la place stratégique dont le pays a besoin.
C'est de cette place que nous débattons, deux ans après les annonces d'Élisabeth Borne, alors Première ministre, qui brandissait un plan à 100 milliards d'euros d'ici à 2040, tentant de faire oublier un contrat de performance particulièrement régressif.
Depuis lors, cette nouvelle donne ferroviaire ne semble plus d'actualité pour le Gouvernement et la situation s'est aggravée. Le transport de voyageurs ne suit pas, en raison du manque d'anticipation et du mauvais état du réseau ; la SNCF applique la loi du marché et le manque d'offre allié à la forte demande conduit à des prix exorbitants au détriment des usagers, les obligeant à se rabattre vers des modes de transport plus polluants comme l'avion ou la voiture.
Alors que les transports constituent plus de 30 % de nos émissions de CO2, l'effort public pour le développement du ferroviaire, saboté par des décennies de libéralisme, n'est pas au niveau des enjeux environnementaux et des engagements pris dans le cadre des accords de Paris. C'est particulièrement vrai pour le fret ferroviaire, alors que 24 % des émissions issues des transports sont liées aux poids lourds et donc au transport routier de marchandises.
En 2021, dans la loi Climat et Résilience, le Sénat avait introduit l'objectif louable de doubler la part modale du ferroviaire d'ici à 2030. Faute de moyens financiers pour les entretenir, les lignes capillaires, qui connectent entrepôts et usines au réseau principal, accusent une moyenne d'âge de 73 ans. Un quart des voies ont été fermées ces six dernières années.
La baisse du trafic ferroviaire est significative : -19,6 % de fret conventionnel et -23,5 % de transport combiné, lorsque, chez nos voisins européens, le transport ferroviaire des marchandises poursuit sa croissance. Il gagne ainsi 22 % en Italie par rapport à 2019, 10 % en Allemagne, 2 % en Suisse.
Le plan de discontinuité décidé par le Gouvernement à la suite des injonctions de la Commission européenne a porté un coup très dur au transport ferré de marchandises.
Le 1er janvier 2025, Fret SNCF, démantelé en deux sociétés, a dû vendre du matériel roulant et abandonner vingt-trois lignes, les plus rentables, bien sûr, sur lesquelles Hexafret, successeur de Fret SNCF, ne peut plus se positionner durant dix ans. Un non-sens dans un pays qui entend se réindustrialiser !
On nous répète que cette entreprise pourrait bénéficier d'une ouverture de son capital, mais qui viendra investir dans une entreprise que l'on oblige à réduire ses parts de marché ?
Le manque de moyens alloués au transport ferroviaire de marchandises est une aberration à l'heure où nous devons, de façon concomitante, soutenir la réindustrialisation en produisant du matériel roulant ; appuyer les entreprises, pour lesquelles notre pays sera plus attractif avec un réseau de transport ferré développé ; réduire nos émissions de gaz à effet de serre ; retrouver notre souveraineté et donc limiter la place des entreprises étrangères et les financements privés ou d'États étrangers qui les soutiennent. Keolis, par exemple, est ainsi détenue à 30 % par la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Nous le savons, le transport ferroviaire ne peut pas fonctionner sans soutien public, et la recherche de profit, tout comme l'ouverture à la concurrence du secteur, est forcément contraire à l'intérêt général. La recherche de la rentabilité maximum conduit à des suppressions d'emplois, à la dégradation des conditions de travail des salariés, à des économies sur la maintenance des infrastructures et des trains, ainsi qu'à la fermeture de guichets, voire de gares, si le chiffre d'affaires n'est pas à la hauteur souhaitée.
Nous devrions soutenir l'intermodalité en proposant un maillage au plus fin afin de réduire la présence de camions sur les routes. Ce n'est malheureusement pas le choix fait par les gouvernements successifs.
Des financements sont possibles, mon collègue l'a dit et je partage son avis. Nous savons que les premières concessions autoroutières prennent fin en 2030 et nous défendons la renationalisation de ces autoroutes en conservant une logique de péage qui pourrait nous permettre de financer la décarbonation des transports.
Ainsi, 1 milliard d'euros pourraient être alloués au ferroviaire, et 3,4 milliards d'euros aux autres modes, dont la mise en place des services express régionaux métropolitains (Serm).
La France ne peut pas continuer à afficher des ambitions climatiques sans les traduire en actes. La relance du fret ferroviaire est une urgence, une opportunité industrielle, une exigence écologique et sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Madame la sénatrice Varaillas, un certain nombre d'actions ont été menées ces dernières années sur cette question, et des moyens ont été alloués. Je soulignerai ainsi le triplement des aides à l'exploitation, avec en particulier la création d'une aide au wagon isolé, ainsi que le doublement des investissements de l'État en matière d'infrastructures.
S'agissant du plan de discontinuité du fret, la Commission européenne a ouvert, en janvier 2023, une procédure formelle d'examen sur certaines aides dont a bénéficié Fret SNCF. Je le précise d'autant plus sereinement que la décision du plan de discontinuité n'émane pas de moi, mais de l'un de mes prédécesseurs, et qu'elle était justifiée. Vous n'en êtes pas tous convaincus, mais le risque était purement et simplement la disparition de l'activité de Fret SNCF, avec un impact fort sur ses agents. L'emploi de 5 000 cheminots était en jeu !
Aujourd'hui, cette solution permet de sauvegarder ces emplois sans casse sociale, un aspect qui me semble vous tenir à cœur.
La discontinuité négociée reste proportionnée par rapport à une jurisprudence existante en la matière, celle d'Alitalia. En tout état de cause, nous avons garanti le respect de trois lignes rouges que vous partagez : préserver notre outil industriel, éviter les licenciements et prévenir tout report modal supplémentaire vers la route.
Enfin, concernant la question du financement, nous sommes également d'accord – même si nous ne le sommes pas sur la forme de la gestion des futures concessions autoroutières. Il s'agit de l'un des objectifs de la conférence de financement, qui débutera le 5 mai prochain à Marseille en présence du Premier ministre et se déroulera sur dix semaines.
J'ai ainsi souhaité qu'un des quatre ateliers soit spécifiquement consacré au transport de marchandises. Je forme le vœu qu'à l'issue de ces différents débats nous puissions aboutir à un fléchage très marqué des financements vers le transport de marchandises, de préférence en provenance de la route, notamment des autoroutes.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Je remercie tout d'abord nos collègues communistes d'avoir permis ce temps de débat sur les conditions de la réussite de la relance du fret ferroviaire, d'autant que nous sommes en attente du rapport de synthèse du cycle sur le fret ferroviaire de notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
Ce débat est opportun à la veille de cette conférence de financement dont les conclusions, particulièrement celle de l'atelier 4, indiqueront si, oui ou non, les ambitions de la France en matière d'essor du fret ferroviaire pourront être réalisées selon une trajectoire adéquate d'ici à 2040.
Monsieur le ministre, concernant cette conférence, le Gouvernement a-t-il la volonté qu'y soient établies et garanties les conditions de financement de la trajectoire d'investissement nécessaire pour l'essor du fret ferroviaire d'ici à 2040 ?
Le débat de ce soir est l'occasion de clarifier les impacts éventuels d'une loi de finances en passe d'être rabotée de façon significative, s'agissant, particulièrement, du programme 203 « Infrastructures et services de transport » qui contient notamment l'action n° 41 « Ferroviaire » et l'action n° 45 « Transports combinés ».
Qu'en est-il précisément ? Le ferroviaire, notamment le fret, est-il ou non touché par ce nouveau reflux budgétaire de l'écologie ? La stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire, Ulysse Fret 2023-2032, subira-t-elle ce reflux ? La somme de 1,5 milliard d'euros supplémentaires par an d'ici à 2027 et le plan de 4 milliards d'euros pour le fret d'ici à 2032 sont-ils remis en cause ?
Ce débat offre aussi l'occasion de dresser un état des lieux de la situation actuelle du fret, avec les mauvais résultats de 2023, qui ont remis en cause le début de tendance à la hausse qui s'amorçait depuis 2021.
Il est sans doute trop tôt pour connaître les conséquences de la dislocation de Fret SNCF, effective depuis le 1er janvier, notamment un éventuel report modal inversé, mais vous disposez sans doute de données récentes pour nous indiquer où nous en sommes au regard de la trajectoire fixée par la loi Climat et Résilience. Maintenez-vous l'objectif intermédiaire de doublement, soit 18 % de part modale en 2030, ou y renoncez-vous ?
Il serait faux de considérer que l'effort à consentir pour le fret ferroviaire constituerait une charge, une mise sous perfusion coûteuse, faute de modèle économique pour ce mode de transport.
Certes, le wagon isolé nécessite par nature un soutien public pour être rentable ; certes, il s'agit de poursuivre le dispositif de prise en charge des péages dus par les opérateurs à SNCF Réseau, qui place le coût de circulation des trains de fret en France nettement en dessous de la moyenne européenne.
Pour autant, ne perdons pas de vue les formidables atouts du ferroviaire, qui le rendent si compétitif : au moins six fois moins de consommation d'énergie que le camion et neuf fois moins de carbone à la tonne transportée.
Pour que ces avantages puissent déployer tout leur potentiel, des obstacles sérieux doivent être levés. Pour bien les identifier, il convient d'élargir la focale au niveau européen. Les pays dans lesquels la part modale du fret ferroviaire se situe entre 20 % et 30 %, voire au-delà, sont ceux dans lesquels les efforts sur l'infrastructure sont les plus importants et dans lesquels un travail déterminant de rééquilibrage compétitif entre la route et le rail est mené.
Le mode routier, en effet, ne paye guère ses externalités négatives : dégradation des routes, nuisances, engorgement, accidentalité, pollution, contribution forte à l'effet de serre, et j'en oublie. Le pollueur n'est pas le payeur, tant s'en faut, et cela creuse l'écart de compétitivité avec le rail.
En tant qu'Alsacien, du Grand Est, je mesure l'écart avec nos voisins européens. L'Europe d'aujourd'hui offre un contraste saisissant entre, d'une part, l'Espagne ou l'Italie au sud qui ont basculé dans le tout-camion, à l'instar d'une grande partie de l'Europe de l'Est, et, d'autre part, la Suisse, l'Allemagne ou les Pays-Bas, où le fret ferroviaire occupe une place significative, fruit d'investissements importants dans des sillons performants et des terminaux interconnectés, et où le déséquilibre entre la route et le rail est corrigé par des taxes sur les poids lourds élevées.
Dégager de telles recettes permettrait de réaliser les investissements massifs nécessaires pour un réseau plus circulé, grâce à des modernisations telles que la commande centralisée du réseau (CCR) et le système européen de gestion du trafic ferroviaire ERTMS (European Rail Traffic Management System), ainsi que, concernant le fret, pour le maintien et la modernisation des voies de service et de triage. En effet, sans régénération de ces voies d'ici à dix ans, la moitié du trafic fret serait, au mieux perturbée, au pire interrompue.
Jusqu'à présent, la France a manqué d'une réelle volonté d'augmenter les prélèvements sur le transport routier. Pour ce qui concerne l'application de la directive Eurovignette, nous nous en tenons au minimum, alors qu'il faudrait actionner résolument les leviers du système d'échange de quotas d'émission EST (Emissions Trading System) et de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).
De ce déséquilibre favorable au routier découlent les autres obstacles qui entravent l'essor du ferroviaire : la capacité insuffisante d'un réseau vieillissant, le déficit de qualité de service qui privilégie le voyageur au détriment du fret, la pénalisation du fret par la réalisation des travaux de nuit, une ponctualité défaillante pour les trains de fret et, enfin, le déficit d'organisation conduisant à la sous-exploitation de la complémentarité entre le routier et le ferroviaire, alors que le potentiel du transport combiné est si prometteur.
Comme si les difficultés à surmonter n'étaient pas suffisantes, voilà que les camions de très gros tonnage, de quarante-quatre tonnes, en transit, voire les mégacamions atteignant soixante tonnes et vingt-cinq mètres de long, nous menacent de leur impact désastreux et de leur concurrence. Le Sénat, par une résolution européenne dont j'ai été corapporteur avec Pascale Gruny, vient d'exprimer sans ambiguïté sa désapprobation, que vous affirmez partager, monsieur le ministre.
Quelles sont donc les perspectives dans ce trilogue crucial, inscrit, me semble-t-il, à l'ordre du jour du Conseil européen de juin consacré aux transports, pour que ce projet de directive révisée ne se fasse pas au détriment du fret ferroviaire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Monsieur le sénateur Fernique, en matière d'investissement, l'État a démontré son engagement. Les chiffres parlent d'eux-mêmes, puisque, comme je l'ai déjà dit, nous y consacrons 370 millions d'euros par an.
Une enveloppe significative – 100 millions d'euros – est spécifiquement dédiée au transport par wagon isolé. J'en parle d'autant plus volontiers que ce budget est passé de 70 millions à 100 millions d'euros l'année dernière, soit une hausse de 30 millions d'euros. Je peux vous assurer, compte tenu des divers coups de rabot dont il est si souvent question ces derniers temps dans cet hémicycle, qu'être parvenu à augmenter ce budget à un tel niveau l'an passé n'est pas un mince exploit. J'en suis particulièrement fier, et j'espère que l'on restera sur cette même dynamique lors du projet de loi de finances pour 2026, pour tenir les engagements pris dans le cadre de la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire.
Concernant la transformation de Fret SNCF, les résultats sont plutôt encourageants. Hexafret et Technis, qui sont opérationnels depuis janvier dernier, suivent leur trajectoire budgétaire. Une réorganisation sociale se déroule actuellement, conformément aux engagements que je vous rappelle : aucun licenciement économique, tandis que les deux tiers du personnel ont déjà retrouvé une place au sein du groupe ; maintien des services, évitant tout report vers la route.
J'ai par ailleurs une bonne nouvelle à vous annoncer, celle de la signature toute récente d'un très gros contrat d'Hexafret pour le marché de la sidérurgie, ainsi que la probable prochaine signature d'un autre contrat avec des céréaliers. Vous le voyez, Hexafret fonctionne et fonctionne même plutôt bien.
Je manque de temps, hélas, pour aborder l'ensemble des sujets que vous avez évoqués. Je me contenterai de vous répondre sur la qualité de service sur les réseaux : sont engagées un certain nombre d'actions pour la sécurisation des sillons réservés au fret, la refonte des systèmes d'information de SNCF Réseau, la mise en place d'indicateurs adaptés, la mise en œuvre de plateformes de services et d'infrastructures. Je vous le dis sincèrement : il semble que, plus que jamais, ceux qui utilisent les infrastructures de SNCF Réseau pour le transport de marchandises sont plutôt satisfaits du service rendu actuellement pour pallier les manques de ces dernières années, notamment pour ce qui est de la qualité du service.
L'ensemble des mesures que je viens de citer visent à rétablir une qualité indispensable pour faire prospérer le fret et nous permettre de tenir les engagements pris dans le cadre de la loi Climat et Résilience.
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à remercier sincèrement le groupe communiste de l'organisation de ce débat, qui peut certes sembler technique, mais qui est en fait très politique, tant l'activité de fret a un impact majeur et pourtant très mal évalué, que ce soit en matière d'écologie, d'aménagement du territoire, d'économie, d'industrie, de défense, d'alimentation ou en matière sociale.
Oui, le fret ferroviaire est un vecteur essentiel de la réindustrialisation du pays et du continent.
Oui, le fret ferroviaire est un maillon essentiel de notre système de défense à l'heure du retour de la guerre sur notre continent et de la nécessité de repenser notre stratégie nationale et européenne.
Oui, le fret et le transport ferroviaire sont des outils essentiels pour l'aménagement durable du territoire et font le lien entre les territoires. En cela, ils sont d'utilité démocratique.
Oui, le fret ferroviaire est un outil indispensable face à la crise écologique – d'autres orateurs l'ont dit.
Moins de camions, c'est moins de pollution. Moins de camions, c'est moins d'engorgement. Moins de camions sur les corridors européens, c'est moins de pertes de recettes pour l'État français du fait de moindres traversées sans faire le plein de carburant sur notre sol.
Moins de camions, c'est également moins d'usure de nos routes, d'autant plus que les routiers ne la paient pas ! Nos routes sont presque toutes gratuites pour les usagers : elles sont donc à la charge des contribuables. Il est particulièrement problématique que nos concitoyens paient pour des camions qui dégradent nos infrastructures, d'autant que cette dégradation s'inscrit dans un rapport de un à cent mille si on la compare à celle qu'occasionnent les trajets effectués en voiture par M. ou Mme Tout-le-Monde. Et qu'en sera-t-il demain avec les mégacamions s'ils sont finalement autorisés à circuler dans notre pays ? Cette course au gigantisme doit cesser – vous m'avez d'ailleurs quelque peu rassuré sur ce point, monsieur le ministre.
Bref, vous l'aurez compris, le fret ferroviaire, comme le fret fluvial quand il existe, est un des principaux vecteurs de réduction des externalités négatives du transport routier. C'est un gage d'efficacité et d'économies que nos amis suisses, allemands et autrichiens ont identifié depuis longtemps et qui serait particulièrement utile au moment où vous recherchez 40 milliards d'euros d'économies supplémentaires.
Assez d'actions coups de poing, assez de tête-à-queue en matière de politique de transport, comme nous l'avons encore vu la semaine dernière avec le Pass Rail. Donnons une vision et des perspectives claires à un secteur d'activité qui ne peut se construire que sur le temps long.
Compte tenu des externalités positives du fret ferroviaire et fluvial, adaptons chez nous des solutions réglementaires qui ont fait recette ailleurs, afin de les faire monter en puissance. À titre d'exemple, nos amis suisses et autrichiens ont institué des interdictions de circulation routière sur des axes dotés d'une véritable alternative ferroviaire.
J'en viens au cœur de notre débat d'aujourd'hui, monsieur le ministre.
Pouvez-vous apporter des précisions sur l'évolution de la situation du fret ferroviaire ? Vous nous avez indiqué que cette situation s'était améliorée en 2021 et en 2022, mais pas en 2023. Le flux et la volumétrie des marchandises transportées sont-ils en hausse ou en diminution ?
Où en sommes-nous de la réalisation des soixante-douze mesures de la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire définie en 2020, dont plusieurs jalons ont été fixés en 2022 ? Sauf erreur de ma part, ce débat est la première occasion pour nous de faire un véritable point d'étape, ce que nous apprécions.
Puisque, en vertu de la Constitution, nous sommes chargés du contrôle de l'action du Gouvernement, pouvez-vous vous engager, monsieur le ministre, à rendre compte, régulièrement, de l'évolution du secteur et à présenter à cette occasion les mesures à prendre pour le soutenir et l'aider à se développer ? Dans cette veine, je souhaiterais – comme d'autres avant moi – disposer de davantage d'informations quant à l'éventuelle pérennisation en 2026 des « aides à la pince », dont le montant a été rehaussé de 30 millions d'euros cette année. Vous venez de préciser que vous espériez que ce budget de 100 millions d'euros serait reconduit dans le prochain projet de loi de finances – je l'espère également, et sachez, monsieur le ministre, que nous vous soutiendrons.
Surtout, la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire est-elle encore réalisable au vu des 40 milliards d'euros d'économies que vous visez ?
Il en est de même pour le programme Ulysse Fret, publié il y a un mois, qui prévoit 4 milliards d'euros d'investissements sur dix ans. Je voudrais également obtenir des précisions à ce propos.
À ce titre, je suis inquiet de constater qu'une nouvelle fois vous souhaitez mettre à contribution les collectivités pour mener une politique qui est purement du ressort de l'État. En effet, après les injonctions adressées au département de Meurthe-et-Moselle et à la métropole de Nancy pour relancer une ligne d'équilibre du territoire vers Lyon, voilà que vous souhaitez intégrer le fret aux contrats de plan État-région à partir de 2027 ! C'est écrit noir sur blanc à la page 19 du rapport Ulysse…
Par ailleurs, comment ferez-vous pour poursuivre la lutte contre les mégacamions si la part du fret continue de s'effriter ?
Depuis le début de l'année, Fret SNCF n'existe plus. Le plan de discontinuité a été mis en œuvre. Si nous continuons de penser que les gouvernements précédents n'ont pas du tout utilisé toutes les armes à leur disposition pour engager un véritable rapport de force avec la Commission européenne, c'est bien vers l'avenir qu'il faut se tourner.
Concrètement, comment jugez-vous l'activité commerciale d'Hexafret ? Pouvez-vous nous rassurer quant à sa viabilité économique, puisque de nombreuses alertes ont été émises par les syndicats et les professionnels du secteur en amont du plan de discontinuité ? Vous nous avez livré de premières informations ; j'aimerais de plus amples précisions.
Où en est-on de l'ouverture, potentiellement substantielle, du capital d'Hexafret, qui était prévue dans le plan de discontinuité ? Où en est-on de la réattribution des vingt-trois flux que devait obligatoirement « lâcher » la SNCF ? Vous venez d'expliquer que la route n'avait pas progressé et que le ferroviaire tenait son rang malgré cette discontinuité : qu'en est-il exactement ?
Je ne peux conclure mon propos sans parler de la situation sociale du secteur et de l'entreprise. J'en profite pour saluer, du haut de cette tribune, l'engagement des cheminots.
L'inquiétude était forte en fin d'année. Votre prédécesseur, monsieur le ministre, s'était voulu rassurant lors de ses différents entretiens avec les organisations syndicales, notamment sur l'absence de plan social affiché, bien que les effectifs soient tout de même en baisse, à l'inverse du signal que nous voulons collectivement envoyer.
Pour autant, le climat ne semble pas radieux, et les perspectives d'embauche dans le secteur ne sont pas au beau fixe. Comment développer le ferroviaire sans cheminot ? Il est plus que temps que vous lanciez, en lien avec l'ensemble des acteurs, un grand plan sur l'emploi et les compétences, notamment dans le fret, parce que, je le redis, sans cheminot, point de train !
Monsieur le ministre, nous nous sommes battus conjointement sur ces travées pour augmenter l'investissement public dans un secteur industriel stratégique pour notre pays. Je forme le vœu que vous parveniez à sortir le fret ferroviaire de l'impasse dans laquelle il semble se trouver. Il en est de même pour le fluvial, mais ce n'est pas le cœur de notre débat.
Je ne peux pas non plus terminer mon intervention sans formuler quelques propositions, surtout à une semaine de l'ouverture de la grande conférence Ambitions France Transports, une perspective qui, je l'espère, monsieur le ministre, ne vous poussera pas à dissimuler une partie de vos réponses. (M. le ministre sourit.)
Je pense notamment qu'il serait utile que vous repreniez à votre compte le dispositif de la proposition de loi que vous avez déposée le 11 janvier 2022 pour mieux valoriser le fret dans le contrat de performance entre SNCF Réseau et l'État – d'autant plus qu'il faut le réviser. Il s'agissait en effet d'une belle initiative.
Depuis quelques années, je me dis aussi qu'il faudrait expérimenter l'obligation, sur les axes des autoroutes ferroviaires, de passer le transport de marchandises par le fer ou le fleuve plutôt que par la route. Seriez-vous prêt à engager cette réflexion ?
Enfin, puisque vous m'avez adressé un clin d'œil amical en évoquant une ancienne ministre et l'abandon, échec incroyable de triste renommée, de l'écotaxe – c'était vraiment une erreur absolue de l'abandonner –, je vous confirme qu'il convient selon moi de relancer la généralisation d'une écotaxe poids lourds en nous inscrivant dans les pas de la région Grand Est. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Claude Varaillas et M. Jacques Fernique applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Monsieur le sénateur Jacquin, je tiens avant tout à saluer votre détermination, que nous avons d'ailleurs en partage sur ce sujet – nous en avons si souvent parlé…
Sur la question des mégacamions, vous connaissez ma position, au regard des conséquences que cela aurait sur nos routes et surtout du report modal qui en découlerait, lequel tuerait définitivement, disons-le, le fret ferroviaire avec une baisse de 25 % de cette activité.
Nous avons une bataille à gagner d'ici à juin prochain, puisque la présidence polonaise du Conseil de l'Union européenne est plutôt défavorable aux mégacamions, à la différence de la future présidence danoise. Il nous faut, d'ici au mois de juin, tenter de régler cette question. J'ai ce dossier bien en tête et je déploierai toute l'énergie nécessaire pour y arriver.
Vous avez cité l'exemple déjà mentionné de la Suisse et de l'Autriche. Comme vous l'avez rappelé, ces pays taxent fortement la route. Or ils n'avaient pas la chance d'avoir Ségolène Royal ; aussi ont-ils pu mener la politique qu'ils souhaitaient en matière de transport routier… (Sourires.)
Concernant la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire, les deux tiers des soixante-douze mesures qu'elle comprenait sont déjà en cours de mise en œuvre – je vous transmettrai les précisions attendues à ce sujet.
Pour ce qui est d'Hexafret, oui, l'entreprise ouvrira son capital en 2026, comme elle s'y était engagée. J'ai une pensée à cet instant pour les 500 collaborateurs qui sont en cours de reclassement dans l'ensemble du groupe. Je crois savoir qu'ils bénéficient d'un accompagnement social – en tout cas, c'est une demande de notre part, que je souhaite sincèrement voir satisfaite –, qui doit les aider à retrouver une activité au sein du groupe SNCF qui puisse les passionner de nouveau.
Vous avez évoqué le Pass Rail. Cette mesure coûtait 12 millions d'euros : nous préférons investir cet argent pour le fret, tout simplement parce qu'il y a eu très peu de report modal, que nous devons faire des choix, et que les régions ont vraiment montré peu d'entrain à ce sujet. Cela étant, notre position n'est pas définitivement arrêtée : nous parviendrons peut-être à trouver une meilleure formule.
Permettez-moi d'insister sur un dernier point : soyons positifs au sujet du fret ferroviaire. Arrêtons d'en parler négativement ! J'ai reçu ces jours derniers l'ensemble des acteurs de l'alliance 4F : je peux vous dire qu'ils y croient plus que jamais ! Arrêtons de tenir un discours négatif, même s'il est réaliste au regard des chiffres qui ont été cités. Il existe une véritable envie de la part de ces acteurs de continuer à investir dans le fret ferroviaire. À nous d'être capables de les accompagner utilement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette.
M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de porter une voix non pas différente, mais quelque peu dissonante et, en tout état de cause, complémentaire. Après tout, dans le cadre d'un débat sur le ferroviaire, qu'il y ait plusieurs voies me semble une bonne chose… J'espère que vous apprécierez ce jeu de mots thématique en quelque sorte ! (Sourires.)
À l'heure où notre pays cherche à concilier souveraineté économique et sobriété carbone, une évidence s'impose : nous devons relancer le fret ferroviaire et, surtout, tout l'écosystème autour de ce fret.
Parler du seul fret ferroviaire est une grave erreur. La chaîne logistique ne se nourrit pas que d'une brique. Pour qu'elle soit dynamique, performante et efficace, il faut travailler sur toutes les briques. Parler du fret sans parler du reste ne peut pas être la solution. D'ailleurs, sur le temps long, le fret ferroviaire ne revivra jamais s'il est opposé aux autres modes de transport.
Permettez-moi de revenir un instant sur les propos que viennent de tenir plusieurs de mes collègues et M. le ministre.
Je vous le dis comme je le pense : si la France s'opposait aux mégacamions, ce serait une erreur. Plutôt que de les interdire purement et simplement, je préférerais de beaucoup que nous réfléchissions à une expérimentation autour des mégacamions qui servent le fret ferroviaire, une expérimentation que nous encadrerions et qui pourrait ne concerner que les flux à destination ou en provenance des plateformes multimodales, de manière à relancer et à agir en complémentarité du fret ferroviaire.
Aujourd'hui, les autres pays européens n'interdisent pas les mégacamions. Il serait donc vain de vouloir relancer le fret ferroviaire face à une concurrence européenne qui, elle, disposerait d'outils complémentaires, tels que les mégacamions, et qui, de ce fait, serait plus puissante, plus souple, plus agile d'un point de vue logistique. Une interdiction aussi brutale et une position aussi dogmatique ne seront jamais une solution.
Certes, un certain nombre de sujets posés par ces mégacamions méritent effectivement d'être traités. Mais si l'on veut relancer le fret ferroviaire, qui est, par nature, la brique qui, au sein de la chaîne logistique, est celle qui permet de transporter les plus lourdes charges, on ne peut pas se contenter de décréter qu'à l'arrivée, pour le dernier kilomètre, il ne sera pas possible d'emporter des charges aussi volumineuses.
Il est inenvisageable de redynamiser la chaîne logistique si l'on ne traite pas le sujet de A à Z. Et c'est d'ailleurs pourquoi le transport routier est aussi puissant dans notre pays. C'est parce que cette chaîne ne fonctionne pas que le routier prend le pas sur les autres modes de transport.
N'opposons jamais les modes de transport entre eux. C'est là la principale erreur à ne pas commettre. J'y insiste, une expérimentation fermée autour d'une combinaison entre fret ferroviaire et mégacamions reviendrait, me semble-t-il, à faire preuve d'une ouverture d'esprit véritablement écologiste. En effet, on nous parle de camions électriques, mais si l'on ne veut pas alourdir le poids des camions en remplaçant le pétrole par des batteries, cela ne fonctionnera jamais. On perd en effet en charge utile et moins on transporte de marchandises, moins cela fonctionne… Je le redis, cette complémentarité est évidente.
Pour le fret ferroviaire, donc, la solution la plus performante est le transport combiné.
Aujourd'hui, ce mode de transport représente certes 41 % du fret ferroviaire en France, mais le fret ferroviaire à lui seul ne représente que 10 % du transport total de marchandises. De plus, il est en perte de vitesse depuis vingt ans face à l'essor du fret chez nos concurrents, nos voisins et amis allemands, suisses ou autrichiens, qui ont, eux, une vision totalement différente en matière de transport ferroviaire, puisqu'ils n'opposent pas tout le temps le rail à la route et préfèrent les faire travailler ensemble – c'est justement dans ces pays que cela fonctionne !
Je rejoins complètement les propos de ceux de mes collègues qui affirment que les camions ne sont pas adaptés pour les grands trajets. C'est en effet le transport ferroviaire qui doit jouer ce rôle, mais, je le répète, il restera toujours le premier et le dernier kilomètre à parcourir.
Si l'on veut relancer avec succès le fret ferroviaire, il faut aussi travailler sur les sillons. Aujourd'hui, les sociétés qui parviennent à obtenir une licence d'opérateur ferroviaire – il n'y a pas que des opérateurs publics : il y a aussi des opérateurs privés – ont du mal à exploiter les infrastructures, parce que les sillons ne sont pas alloués aussi simplement qu'ils le devraient par SNCF Réseau.
Les chantiers à engager sont nombreux : moderniser et adapter les infrastructures au fret – c'est une évidence – ; développer les plateformes multimodales ; enfin, encourager la concurrence en facilitant aux PME et aux petits opérateurs l'accès aux rails.
Que des opérateurs publics exploitent le réseau ne pose aucun problème. En revanche, il faut suivre la même règle que celle qui prévaut dans tous les autres pays où le fret ferroviaire fonctionne, à savoir que les logisticiens nationaux doivent aussi pouvoir avoir accès à des licences ferroviaires pour exploiter eux-mêmes le fret ferroviaire sans passer par les opérateurs publics. Dans notre pays, hélas, les opérateurs privés sont trop peu nombreux.
Pour développer le fret ferroviaire, nous ne devons pas nous appuyer uniquement sur des opérateurs publics ; nous devons faciliter et accompagner les petits ou les grands logisticiens qui ont la volonté de décarboner et d'accéder au rail.
Je terminerai en évoquant la question de la réindustrialisation : aucune réindustrialisation ne sera possible sans un fret ferroviaire performant, dans la mesure où ce mode de transport de marchandises sert les industries de masse – le fret ferroviaire n'est pas conçu pour répondre aux besoins des épiceries par exemple. Et réciproquement : pas de fret ferroviaire performant sans industries à desservir.
Ce sujet fait directement écho à des débats que nous avons ici, au Sénat, notamment en matière d'urbanisme. Quand on crée une zone d'activité d'intérêt national ou quand on veut mettre en œuvre une opération d'intérêt national en France, comment traitons-nous la question des terminaux ferroviaires embranchés ? En termes d'urbanisme, c'est un vrai sujet ! Aujourd'hui, on ne peut pas penser une telle politique sans imaginer la connexion au réseau ferré.
Nous devons travailler sur l'ensemble de ces problématiques pour relancer le fret ferroviaire. Personnellement, j'y suis très favorable, mais nous devrons élargir le spectre de notre réflexion sur le sujet.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Monsieur le sénateur Rochette, je partage votre position sur presque tous les points que vous abordez, mais je le fais, comme je vous l'ai dit, sans opposer les modes de transport les uns avec les autres. C'est la ligne que je me suis fixée depuis que je m'intéresse à tous les sujets relatifs aux transports.
Je pense très sincèrement que la complémentarité entre le rail et la route existe, mais, en l'occurrence, le mode de transport bien spécifique que vous défendez – les mégacamions –porterait un coup fatal au fret ferroviaire. Je respecte votre opinion sur ce point, mais je ne la partage pas.
En revanche, je fais mien votre point de vue sur le rôle clé que doit jouer le transport combiné. Il s'agit en effet d'une solution d'avenir : les chaînes multimodales vertueuses, notamment par le biais des services de transport combiné, qui concilient le transport ferroviaire, le préacheminement et l'acheminement du conteneur par la route, permettent d'envisager un report modal.
C'est précisément sur cet aspect des choses que nous avons choisi de renforcer notre action, puisque nous consacrons chaque année depuis 2021 une enveloppe de près de 50 millions d'euros au soutien à l'exploitation de ces services.
Vous avez également évoqué la nécessité d'engager des actions concrètes. Nous nous y efforçons, notamment via l'élaboration d'un schéma directeur du transport combiné à l'horizon 2032 puis à l'horizon 2042, qui a été publié en octobre dernier. C'est un document stratégique qui dessine le maillage cohérent des plateformes sur l'ensemble du territoire.
Vous avez aussi parlé du raccordement direct de certains sites au réseau ferré national. Nous avons obtenu de la Commission européenne l'autorisation de soutenir financièrement – ce qui n'est pas toujours possible – les investissements de l'État ainsi que des régions qui ont décidé de financer ces projets dans le cadre d'un contrat de plan État-région. Parfois, l'État finance des projets qui sont uniquement régionaux ; de temps en temps, ce sont les régions qui financent des projets qui sont pourtant plutôt du ressort de l'État. C'est ce que j'appelle un bon partenariat entre collectivités.
Enfin, concernant les sillons, je rappelle ce que j'ai dit tout à l'heure : une démarche véritablement vertueuse est actuellement mise en œuvre à travers les plateformes d'infrastructures et de services ; elle permet d'assurer une meilleure qualité de service sur le réseau et de disposer de davantage de visibilité sur ces sillons.
C'est l'une des clés indispensables pour réussir à récupérer un certain nombre de clients qui, démotivés par les difficultés qu'ils ont rencontrées, se sont détournés vers d'autres modes de transport, qui ont certes le mérite d'exister, mais qui n'ont pas les mêmes vertus que le fret ferroviaire. En effet, décarboner nos modes de transport reste l'une de nos priorités.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer. (Mme Marie Mercier applaudit.)
Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, mes chers collègues, je connais, monsieur le ministre, votre constante implication et votre grande expertise, de longue date, sur ce sujet du transport ferroviaire. Je tiens à mon tour à remercier le groupe communiste d'avoir pris l'initiative d'organiser ce débat, lequel me permet de vous interroger sur la connexion entre le fret ferroviaire et nos ports, une nouvelle brique !
En tant qu'élue du Havre, je mesure tous les jours la nécessité de la multimodalité pour le transport de marchandises. Aujourd'hui, un conteneur qui arrive dans le port du Havre a huit chances sur dix de prendre la route, une chance et demie sur dix de prendre la Seine et une demi-chance sur dix d'utiliser le rail ! Le train comme mode de transport des marchandises est donc bel et bien résiduel.
Cette situation a malheureusement des conséquences environnementales et économiques, qui, inévitablement, nous poussent à nous poser un certain nombre de questions : comment garantir, demain, une logistique décarbonée, performante et assurer une meilleure compétitivité face aux défis climatiques et géopolitiques ? Comment garantir que nos ports par lesquels transitent plus de 325 millions de tonnes de marchandises soient connectés à un réseau ferroviaire performant pour développer la multimodalité ?
En France, cette réflexion a conduit à l'élaboration de la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire inscrite dans la loi Climat et Résilience, qui fixe des objectifs ambitieux, comme de nombreux intervenants l'ont déjà mentionné.
Cette feuille de route vise un doublement de la part modale du fret ferroviaire en France, de 9 % en 2019 à 18 % en 2030, avec un objectif de 25 % à l'horizon 2050. Il y a donc urgence à agir pour atteindre cet objectif. Car, malheureusement, une telle ambition se heurte à la saturation chronique du réseau ferroviaire, conséquence directe de nos lignes obstruées, particulièrement en Normandie.
C'est pourquoi la ligne nouvelle Paris-Normandie, la LNPN, est tant attendue, et pas seulement par les Normands, qui sont depuis toujours exclus de la grande vitesse, mais surtout par l'ensemble des acteurs économiques et portuaires, qui sont las des promesses tant de fois repoussées. Faire du Havre le port de Paris n'est pas une idée nouvelle ! D'ailleurs, toutes les grandes puissances maritimes ont leur capitale reliée à un port…
Et si Haropa – regroupement du Havre, de Rouen et de Paris – donne corps aujourd'hui à l'axe Seine, le lien entre la capitale et le port du Havre ne peut pas être simplement fluvial.
Pensée dès 1991, défendue en 2009 par le président Sarkozy, soutenue par tous les gouvernements depuis lors, la LNPN est aujourd'hui toujours bloquée par l'opposition de la région d'Île-de-France et la lenteur des études préalables.
Cette ligne est pourtant indispensable, non seulement pour les passagers, mais surtout pour le fret. Elle désaturerait le réseau existant, soulagerait nos autoroutes, favoriserait une desserte efficace de Paris, principal bassin de consommation, et étendrait l'hinterland portuaire.
Aujourd'hui, Haropa traite 80 % de ses volumes de marchandises dans un rayon de moins de 160 kilomètres. C'est insuffisant quand les ports du range nord atteignent, eux, 250 kilomètres…
Si nous voulons rivaliser, si nous voulons que l'axe Seine devienne une véritable colonne vertébrale logistique nationale, il faut faire sauter les verrous qui bloquent la LNPN.
Le coût total du projet est estimé à près de 10 milliards d'euros, avec une réalisation par phases prévue à l'horizon 2040. Néanmoins, l'action de l'État manque encore de clarté, tant pour ce qui concerne sa participation exacte au financement que pour ce qui est du respect du calendrier prévu.
En attendant, d'autres leviers existent pour pallier le manque d'attractivité du fret ferroviaire.
Le premier d'entre eux est un investissement massif dans le réseau stratégique dédié au fret. Les lignes et les terminaux doivent être renforcés, notamment pour augmenter le maillage et les sillons.
Le second levier consiste à s'inspirer des bonnes pratiques européennes, notamment de celles de la Suisse, qui, depuis 2016, grâce à la loi, réserve des sillons à long terme pour le fret, assurant ainsi une planification pérenne et équilibrée entre les trains de passagers et ceux de marchandises.
Je me félicite qu'Haropa Port et SNCF Réseau se soient engagés dans la recherche de solutions concrètes pour le déploiement du ferroviaire sur l'axe Seine. La recherche d'un accord marque une étape importante dans le déploiement du fret ferroviaire, car elle soutient la création d'un corridor logistique et industriel décarboné à l'échelle de l'axe, en lien avec la stratégie nationale bas-carbone et l'objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050.
Enfin, si l'enjeu du report vers le fret ferroviaire est avant tout celui de la massification du transport de marchandises et de sa décarbonation, la question du coût des modes de transport combiné ne peut être négligée.
Je me permets d'insister sur un point trop peu évoqué et pourtant essentiel pour la compétitivité du transport ferroviaire, à savoir les aides au transport combiné, aussi appelées « aides à la pince ». Cette aide s'élève à 23 euros par transbordement et vise à couvrir une partie du coût réel de l'opération. Elle permet de réduire l'écart de compétitivité entre le rail et la route.
L'enveloppe budgétaire allouée dans le cadre du plan Fret était de 47 millions d'euros par an pour la période 2021-2024. La stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire a prévu de maintenir le niveau de cette aide jusqu'en 2027, et le précédent gouvernement a pris l'engagement en novembre dernier de préserver ce soutien complémentaire jusqu'en 2030.
C'est bien, mais il faut aller encore plus loin. Concrètement, il s'agirait de concentrer ces aides sur les axes stratégiques.
Face aux impératifs climatiques et énergétiques liés au transport de marchandises, le fret doit être la solution. Nous le savons tous ici : le rail est le mode de transport massifié par excellence pour tous les grands pays.
L'objectif est donc clair : faire du fret ferroviaire, non pas un complément, mais un pilier de notre politique industrielle, environnementale et territoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe GEST. – M. Franck Dhersin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Madame la sénatrice Canayer, je vous remercie de votre question, qui me donne l'occasion de parler des grands ports maritimes.
Vous le savez : la mobilisation de ces modes de transport massifiés que sont le ferroviaire et le fluvial pour la desserte des hinterlands est un enjeu majeur pour les ports, en particulier pour les grands ports maritimes. Non seulement elle permet la massification des flux de marchandises, mais elle constitue un levier de croissance et d'attractivité pour les ports français et favorise l'optimisation des flux du transport maritime lui-même.
En 2023, 22,5 % des pré- et post-acheminements portuaires relevaient des modes massifiés – plus précisément, le ferroviaire représentait 11,5 % de ces flux, et le fluvial 11 %. Ce niveau est stable depuis la sortie de la crise sanitaire, mais nous devons, collectivement, être plus ambitieux.
À cette fin, nous avons déployé deux stratégies nationales complémentaires : la stratégie nationale portuaire (SNP) en 2021 et la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire en 2022.
Ces documents-cadres se traduisent par divers engagements financiers. Au total, 164 millions d'euros doivent être mobilisés entre 2023 et 2027 pour améliorer la desserte de la multimodalité ferroviaire et fluviale de nos ports maritimes.
J'en viens plus spécifiquement au port du Havre, qui vous est si cher, à juste titre. La logistique et la multimodalité sont au cœur de son développement.
Premièrement, sur le volet fluvial, je pense à la réalisation de la chatière, qui sera opérationnelle en 2026. Cet aménagement vise à connecter directement au fleuve le port en eau profonde de Port 2000, qui, comme vous le savez, accueille les principaux terminaux et containers du Havre. Cet aménagement renforcera considérablement l'efficacité de notre chaîne logistique.
Deuxièmement, sur le volet ferroviaire, Haropa Port poursuit la régénération et la modernisation de son réseau ferré. Les dessertes terrestres de Port 2000 bénéficient notamment d'une opération de 25 millions d'euros. Le projet structurant de port Seine-Métropole Ouest (PSMO), plateforme multimodale, viendra compléter le dispositif d'ici à 2040, grâce à un investissement de plus de 120 millions d'euros.
Madame la sénatrice, vous pouvez être assurée de la détermination du Gouvernement à faire du Havre un hub multimodal d'excellence.
J'aurais voulu en dire davantage au sujet de la LNPM. J'ai conscience du caractère primordial de ce projet pour votre région, et je précise à ce titre que M. Serge Castel est le nouveau délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine. Nommé tout récemment, il doit poursuivre au plus vite la concertation avec les élus. Nous allons l'installer officiellement et je présiderai le premier comité de pilotage.
Mme Agnès Canayer. Merci, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui d'un sujet majeur pour notre économie, pour l'environnement et pour l'avenir de notre système de transport : celui du fret ferroviaire.
Nous le savons tous ici, le fret ferroviaire a connu de nombreuses difficultés en France. Entre 1990 et 2000, le trafic est resté relativement stable, autour de 52 milliards de tonnes-kilomètre. Puis, à partir des années 2000, il a commencé à baisser régulièrement.
La crise économique de 2008 a fortement aggravé la situation. En 2010, le trafic est ainsi tombé à 30 milliards de tonnes-kilomètre et, depuis lors, il n'a pas vraiment rebondi.
La part du fret ferroviaire dans l'ensemble du transport de marchandises a elle aussi chuté. Elle est passée de 20 % en 1990 à environ 10,5 % en 2006 et, depuis cette date, elle n'a pas progressé.
Cette situation s'explique par plusieurs facteurs connus.
Tout d'abord, la géographie industrielle de la France n'est pas favorable à un réseau ferroviaire performant : les sites de production sont dispersés, ce qui rend difficile la concentration des flux nécessaires à la rentabilité du rail.
Ensuite, la part de l'industrie dans notre économie a fortement baissé au cours des vingt dernières années.
Enfin, de nombreux clients demandent aujourd'hui des livraisons très rapides et flexibles, ce qui favorise le transport routier.
Pourtant, le fret ferroviaire présente de nombreux avantages. C'est un mode de transport beaucoup moins polluant que la route. Il consomme moins d'énergie et émet moins de gaz à effet de serre. Un train de marchandises remplace plusieurs dizaines de camions, ce qui signifie moins de bouchons, moins d'accidents et moins de pollution.
Dans le contexte actuel, marqué par l'impératif de transition écologique, il est essentiel de développer les modes de transport propres, et le fret ferroviaire en fait partie. Il permet aussi de renforcer la résilience de nos chaînes logistiques. Il pourrait jouer un rôle important pour désengorger les routes et mieux organiser nos flux de marchandises à l'échelle du pays.
Toutefois, la relance du fret ferroviaire exige d'importants investissements. Il faut moderniser les infrastructures, remettre en service certaines lignes abandonnées ou encore construire de nouveaux terminaux. Il faut aussi adapter le réseau aux besoins actuels : augmenter la capacité, faciliter les connexions entre rail et route, et rendre le système plus fiable.
Face à ces enjeux, le Gouvernement a lancé, en 2021, une stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire.
En outre, en mars dernier, a été publié le rapport Ulysse, élaboré conjointement par la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) du ministère des transports, SNCF Réseau et l'alliance 4F.
Les auteurs de ce rapport préconisent notamment 4 milliards d'euros d'investissement sur la période 2023-2032, 2 milliards d'euros étant déjà engagés d'ici à 2027. Ils proposent des actions concrètes, comme la remise en état de 2 700 kilomètres de lignes dites capillaires, utilisées principalement pour le fret. Près de 200 millions d'euros sont également prévus pour moderniser la gestion du trafic et améliorer le partage de données.
Le programme Ulysse va dans le bon sens. Mais, pour sa réussite, plusieurs conditions doivent être réunies.
Monsieur le ministre, comment allez-vous garantir que ces investissements seront bien réalisés dans les délais prévus et comment comptez-vous organiser le suivi du plan Ulysse ? Comment le Gouvernement entend-il assurer la pérennité des lignes de fret existantes, notamment celles qui sont menacées par des restructurations, ainsi que le maintien des petites lignes, avec le démantèlement de Fret SNCF ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre intervention : vous venez de résumer une grande partie de notre débat.
Le Gouvernement a pleinement conscience des impacts à la fois écologiques et économiques d'un éventuel désengagement du fret ferroviaire. C'est pourquoi nous avons fait le choix d'un soutien massif et structuré au secteur – vous l'avez souligné –, notamment via la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire.
Cette stratégie se traduit par deux engagements financiers, qui me semblent de nature à vous rassurer : premièrement, le renforcement considérable du soutien à l'exploitation ; deuxièmement, l'effort massif en faveur des infrastructures, notamment la rénovation des voies capillaires, si importantes pour le fret ferroviaire.
Cet effort doit maintenant être amplifié – vous l'avez dit vous-même. C'est tout l'enjeu de la conférence de financement Ambition France Transports, qui va s'ouvrir le 5 mai prochain,…
M. Jean-Pierre Corbisez. Tout à fait !
M. Philippe Tabarot, ministre. … en présence de M. le Premier ministre.
Je plaide depuis des années pour que les recettes des transports financent le développement de l'ensemble des transports.
Vous avez cité le rapport Ulysse Fret, publié en mars dernier. Ce document constitue véritablement notre feuille de route pour la période 2023-2032. Il résulte d'une large concertation entre l'État, SNCF Réseau et – c'est là le plus important – les acteurs de la profession. Il pourra servir de base à la prochaine conférence de financement.
Enfin, vous avez évoqué les livraisons rapides. Vous avez raison de souligner qu'elles contribuent à renforcer le mode routier. Face à ce constat, nous devons envisager de nouvelles évolutions. Ce sujet fait d'ailleurs l'objet de travaux depuis un certain nombre d'années : je pense en particulier à l'excellent rapport de Nicole Bonnefoy et de Rémy Pointereau, dont les recommandations doivent maintenant être mises en œuvre. Nous devons faire preuve, à cet égard, d'un grand volontarisme !
M. le président. La parole est à M. Franck Dhersin.
M. Franck Dhersin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour, je tiens à remercier les membres du groupe communiste d'avoir demandé l'inscription de ce débat à l'ordre du jour.
On le constate une fois de plus ce soir, sur la relance du fret ferroviaire, il y a beaucoup à dire.
Nous avions tous ici pour ambition que la part modale du fret ferroviaire avoisine les 25 % à l'horizon 2030. Mais il est d'ores et déjà acquis que cet objectif ne sera pas atteint. Pis encore, il semblerait qu'au titre de l'année 2024 la part modale du fret ferroviaire ait un peu régressé.
Les années passent et le constat demeure : pourquoi a-t-on tant de mal à faire progresser le transport ferré de marchandises dans notre pays ? Sa part modale est deux fois plus élevée outre-Rhin et trois fois plus élevée chez nos voisins helvètes.
Quand on interroge les chargeurs, ils nous font comprendre que le critère fondamental, pour eux, est le respect des délais d'acheminement. Il faut le dire, le fret est trop souvent devenu la variable d'ajustement du réseau. Il dispose de sillons insuffisamment qualitatifs, souvent perturbés par des travaux nocturnes. Les temps de trajet ne sont pas assez compétitifs face au mode routier : le constat est clair.
L'état général du réseau est un autre élément majeur d'explication. Les lignes dites secondaires, largement empruntées par les trains de marchandises, souffrent d'un manque criant d'investissement. Il n'est pas possible d'y rouler à une vitesse commerciale satisfaisante.
Monsieur le ministre, lors de l'examen du dernier projet de loi de finances, l'ensemble des groupes politiques du Sénat ont déploré le manque d'investissement de l'État dans le réseau. Sans revenir sur ces discussions – nous ne saurions nous répéter inlassablement ! –, je vous soumets une proposition à même de rendre notre réseau plus robuste et, in fine, de faciliter les circulations de fret comme de voyageurs.
Le système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne – l'EU ETS, déjà cité – connaît une importante augmentation de ses recettes depuis deux ans.
De plus, depuis 2024, une directive européenne oblige les États membres à flécher 100 % de ces fonds vers des dépenses vertes. Une partie de ces crédits est d'ores et déjà attribuée à l'Agence nationale de l'habitat (Anah), pour financer les travaux de rénovation. Ne pourrions-nous pas en flécher une autre partie vers la régénération du réseau ferroviaire ? Jusqu'à présent, une part de ces fonds reste affectée au budget général de l'État, et nul ne peut savoir si cet argent est bien utilisé pour des projets favorables à l'environnement. (M. Alexandre Basquin acquiesce.)
Aussi, je propose de flécher une partie de ces crédits de manière inconditionnelle et pérenne à l'entretien du réseau et une autre partie à SNCF Réseau, à titre de dédommagement, pour compenser la baisse des péages ferroviaires sur les dessertes jugées non rentables aujourd'hui, mesure à même de renforcer le nombre de circulations.
Grâce aux droits de péage dégagés, les opérateurs alternatifs pourraient apporter 600 à 900 millions d'euros de recettes annuelles supplémentaires au réseau d'ici à 2030-2035. En dix ans, ce dernier disposerait ainsi de 1,5 milliard à 2 milliards d'euros de recettes annuelles supplémentaires, à condition qu'il bénéficie d'une part des crédits d'ETS au moins égale à celle qui est aujourd'hui destinée à l'Anah, c'est-à-dire 700 millions d'euros par an.
Nous ne ferons pas de miracle avec le peu de moyens financiers dont nous pouvons disposer actuellement. Il faut faire preuve d'audace si nous voulons redresser notre réseau et ainsi redonner de la compétitivité à ce mode face à la route.
Monsieur le ministre, allez-vous défendre cette position auprès du Premier ministre, pour convaincre enfin le Gouvernement de flécher une partie de l'ETS vers le secteur ferroviaire ?
Rendez-vous le 5 mai à Marseille !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Monsieur le sénateur Dhersin, je vous remercie de votre intervention.
Vous formez le vœu que la part modale du fret atteigne 25 % en 2030 : ce serait extraordinaire ! Certes, un certain nombre de pays européens atteignent d'ores et déjà ce taux, mais nous conservons l'objectif de doublement de cette part, pour la porter de 9 % à 18 % – elle est aujourd'hui de presque 11 %.
Ce choix s'explique par plusieurs raisons, que vous avez évoquées, auxquelles s'ajoutent la crise de notre industrie, qui perdure depuis un certain nombre d'années, et la non-taxation de la route – cher Olivier Jacquin, je ne reviens pas sur cette décision prise par la ministre d'alors, que j'ai citée tout à l'heure…
Vous évoquez d'autres formes de financement. À cet égard, plusieurs pistes peuvent être explorées : nous en parlerons lors de la conférence de financement qui se tiendra…
M. Franck Dhersin. Le 5 mai ! (Sourires.)
M. Philippe Tabarot, ministre. Tout à fait : ce sera à Marseille, en présence de M. le Premier ministre – je ne l'avais peut-être pas encore dit. (Nouveaux sourires.)
Les participants seront appelés à innover, à faire preuve de créativité, pour identifier des sources pérennes de financement. Quelques pistes ont déjà été évoquées, notamment au sujet de la route.
Comme le propose l'alliance 4 F, nous devons également réfléchir à un financement privé sur certains aspects.
Enfin – vous l'avez très justement dit –, je suis favorable à l'affectation de nouvelles recettes au secteur des transports, notamment au titre des ETS. Évidemment, le ministère des transports n'est pas seul sur le coup ! Mais il serait tout à fait logique qu'une part de ces crédits reviennent au secteur ferroviaire.
Je n'ai pas attendu l'organisation de la conférence de financement pour défendre cette idée auprès des services de Matignon et, bien sûr, de Bercy. Peut-être ce rendez-vous nous permettra-t-il d'avancer en la matière. En tout cas, c'est mon souhait, et je sais qu'un certain nombre de membres de cette assemblée, notamment vous, ont le même objectif.
M. Franck Dhersin. Merci beaucoup !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Delia.
M. Jean-Marc Delia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la relance du fret ferroviaire est un enjeu majeur. Il focalise en ce sens de très nombreuses attentes, qu'il s'agisse de la transition écologique, de la compétitivité économique ou de l'équilibre de nos territoires.
Étant moi-même petit-fils de cheminot, ce sujet me touche particulièrement. J'ai grandi en écoutant les récits de ces femmes et de ces hommes qui ont fait vivre notre réseau ferroviaire, souvent dans l'ombre, mais avec une passion et un dévouement sans faille.
Aujourd'hui, le Gouvernement affiche une ambition forte : doubler la part modale du fret ferroviaire d'ici à 2030, en la portant de 9 % à 18 %, conformément à la loi Climat et Résilience.
Réaffirmée par la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire, cette volonté se décline en plusieurs axes structurants. Elle s'appuie en outre sur le programme Ulysse Fret, dont la feuille de route a été précisée en mars 2025 par le ministère des transports, SNCF Réseau et l'alliance 4F.
Soyons clairs : pour relancer le fret ferroviaire, il faut des actes forts, pas seulement des discours.
Le premier pilier de cette politique, c'est un investissement massif, avec le plan Ulysse Fret. Nous devons disposer des crédits nécessaires pour moderniser notre réseau, rénover nos gares de triage, créer de nouveaux terminaux de ferroutage et redonner vie à nos lignes capillaires.
Ces investissements sont vitaux, car ils permettront de préparer l'avenir. Grâce à eux, on évitera la dégradation du service – à défaut, plus de la moitié du trafic de fret serait menacée dans la décennie à venir.
Dès 2026, 62,5 millions d'euros, puis 75 millions d'euros, seront injectés chaque année pour entretenir et rénover nos voies de service. On parle non pas de rustines, mais d'une vraie cure de jouvence pour notre réseau !
Cette évolution nécessaire doit s'appuyer sur le réseau existant, que des générations de cheminots ont patiemment tissé.
Le deuxième pilier de cette politique est un soutien financier renforcé de l'État. Ce sont non plus 170 millions d'euros, mais 200 millions d'euros qui seront versés chaque année, et ce jusqu'en 2030. Ce soutien, c'est le gilet de sauvetage d'un secteur dont la rentabilité reste fragile, notamment avec la transformation de Fret SNCF et la création de nouvelles entités comme Hexafret et Technis pour répondre aux exigences européennes. La stabilité financière offrira la visibilité nécessaire aux opérateurs pour investir et innover.
Le troisième pilier est le développement du transport combiné et de l'intermodalité : la stratégie nationale vise à tripler le volume du transport combiné en dix ans, en modernisant les infrastructures multimodales et en améliorant l'articulation entre le rail, le fluvial et le portuaire. En 2025, le schéma directeur des transports de semi-remorques va donner un vrai coup d'accélérateur à cette dynamique.
Le quatrième pilier est l'amélioration de la qualité de service. Fiabilité, ponctualité et compétitivité : tels sont les maîtres mots. À cet égard, on mise sur la digitalisation, l'innovation et la simplification des procédures pour les chargeurs.
Le plan Ulysse Fret entend offrir un service moderne et efficace, à la hauteur des attentes du marché. Mais les défis sont considérables.
Avec sa flexibilité et ses coûts souvent imbattables, la route continue d'exercer une forte concurrence. En parallèle, le modèle économique du fret ferroviaire demeure fragile, plombé par des péages élevés et un manque de visibilité à long terme.
Comme le disent souvent les cheminots, un train qui passe, ce sont des dizaines de camions en moins sur les routes. Aujourd'hui plus que jamais, cette maxime doit guider nos politiques.
Les contraintes européennes, notamment l'obligation pour Fret SNCF de céder ses activités rentables, fragilisent la filière et risquent de renvoyer des flux vers la route.
Enfin, la modernisation du réseau exige une planification rigoureuse. Cet effort est indispensable pour répondre aux besoins de la logistique urbaine et des dessertes fines du territoire.
Dans ce contexte, le programme Ambition France Transports, pilier de la relance du fret ferroviaire, doit apporter des réponses concrètes : investissements massifs, soutien financier pérenne aux opérateurs ou encore promotion de l'innovation et de l'intermodalité. Ce sont là des leviers indispensables pour répondre aux attentes des chargeurs et accompagner la transition écologique du secteur.
Mes chers collègues, relancer le fret ferroviaire, c'est mettre sur les rails un train plus performant. Ce travail suppose de l'huile de coude, des investissements solides et de la technicité. C'est aussi un devoir envers ceux qui ont fait du rail l'épine dorsale de notre économie. Grâce à Ambition France Transports, ce train-là pourrait arriver à destination.
Avec l'État, les collectivités territoriales, les opérateurs et les chargeurs, embarquons tous ensemble dans ce train de la transition écologique, avant que les transports routiers ne prennent définitivement la tête du convoi. C'est à ce prix que nous réussirons la transition écologique, renforcerons la compétitivité de nos entreprises et offrirons à nos territoires un avenir logistique durable et performant. (Mme Agnès Canayer applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Monsieur le sénateur Delia, permettez-moi de vous dire avant tout combien j'ai été heureux – et même fier – de vous entendre à cette tribune.
Le Gouvernement est convaincu de la nécessité de soutenir le développement du fret ferroviaire, que vous avez très bien défendu dans votre intervention. Les chiffres sont éloquents : le fret ferroviaire émet neuf fois moins de CO2 que le fret routier et consomme six fois moins d'énergie à la tonne-kilomètre de marchandise transportée.
Vous avez raison de le souligner, la relance du fret ferroviaire exige à la fois de la persévérance et des investissements dignes de ce nom : c'est exactement la ligne que nous suivons avec la stratégie nationale.
En outre, le Gouvernement ne s'est pas arrêté là. Ainsi – vous l'avez également rappelé –, une stratégie claire et des actions communes à l'ensemble des acteurs du secteur ont été définies dans le cadre de la démarche Ulysse Fret, laquelle nous permet également d'établir une priorisation des investissements pour les infrastructures ferroviaires nécessaires au développement du fret. C'est peut-être le plus important.
Cela étant, nous devrons bel et bien faire preuve de patience pour obtenir des résultats concrets, garantissant une augmentation significative du report de la part modale en faveur du fret ferroviaire.
Vous êtes bien placé pour le savoir, le temps ferroviaire est un temps long et sensible à divers aléas. À ce titre, notre premier défi est de garantir le bouclage du financement de la démarche entreprise. C'est pour cette raison que j'ai souhaité que le fret ferroviaire soit un thème à part entière de la conférence de financement que nous lancerons lundi prochain, le 5 mai, à Marseille, en présence de M. le Premier ministre.
Je souhaite que la mobilisation des acteurs se poursuive dans ce cadre, sur la base solide que constitue le rapport Ulysse. L'engagement de tous doit soutenir, in fine, l'ambition que nous avons pour ce très beau secteur.
Conclusion du débat
M. le président. En conclusion du débat, la parole est à M. le ministre.
M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je profiterai pleinement du temps qui m'est imparti, car je n'ai pas pu répondre aussi longuement que je l'aurais souhaité à toutes les excellentes interventions auxquelles ce débat a donné lieu.
Nos échanges de ce soir ont mis en évidence les défis concrets auxquels le fret ferroviaire est aujourd'hui confronté.
En regardant dans le rétroviseur, je pense que nous pouvons être fiers de la première étape réalisée ces dernières années pour soutenir le fret ferroviaire. Tous les acteurs ont travaillé ensemble pour avancer et donner une nouvelle chance à ce secteur essentiel pour la décarbonation de nos transports.
Je tiens à souligner ici le travail structurant et visionnaire de l'alliance 4F, qui a permis de fédérer l'ensemble des acteurs de la filière au moment le plus difficile – l'État, SNCF Réseau, qui accomplit un travail remarquable en matière de fret, les entreprises ferroviaires, l'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) et le Cerema – autour d'objectifs communs, afin de définir une stratégie concertée de développement du fret ferroviaire. Cette dynamique se poursuit et fait l'objet d'un suivi rapproché pour en garantir la mise en œuvre.
Grâce à ce travail collectif, nous avons mis en place une stratégie unique au service du fret ferroviaire, avec quatre axes prioritaires que nous avons déjà largement évoqués : restaurer la viabilité des services et le modèle économique des opérateurs de fret ferroviaire ; améliorer la qualité de service de SNCF Réseau ; investir dans les infrastructures permettant le développement du fret ferroviaire ; accentuer la coordination avec le portuaire et le fluvial.
Ce travail se poursuit, via l'étude approfondie d'identification à dix ans des grandes priorités d'investissement pour le fret ferroviaire, dans le cadre du rapport Ulysse Fret, publié récemment.
Par ailleurs, l'État soutient massivement l'exploitation avec une enveloppe de près de 370 millions d'euros en 2025, et ce alors même que la période est extrêmement complexe. Un effort particulier a été réservé au wagon isolé, dont l'aide a été augmentée en 2025, passant de 70 millions à 100 millions d'euros. Je rappelle qu'il s'agit de la seule mesure en augmentation dans le budget des transports terrestres. C'est dire combien le fret est pour nous une priorité.
Collectivement, nous avons réalisé un travail considérable pour surmonter les difficultés de ce secteur, après la crise covid et la crise de 2023.
Vos interventions l'ont souligné : la question des péages, de la desserte des ports, du maillage territorial ou encore du développement du transport combiné sont autant de sujets qui nécessitent une réponse coordonnée.
Ainsi, nous devons garantir la pérennité des investissements, poursuivre les efforts pour valoriser le fret face à – ou à côté de – la route, toujours dans un esprit de complémentarité entre les modes de transport, ou encore sécuriser l'ouverture du capital d'Hexafret. D'ores et déjà, nous sommes en mesure d'annoncer de bonnes nouvelles concernant de futurs clients pour cet opérateur.
C'est tout l'enjeu de la conférence de financement des transports que nous lançons lundi prochain.
M. Jean-Pierre Corbisez. À Marseille ! (Sourires.)
M. Philippe Tabarot, ministre. En effet, monsieur Corbisez… (Mêmes mouvements.)
J'ai voulu que le fret soit un axe à part entière de cette initiative, car il s'agit d'un moment décisif pour l'avenir du secteur.
Le fret ferroviaire n'est pas seulement un mode de transport parmi d'autres : il est un pilier central de notre politique de décarbonation et d'aménagement territorial. En investissant dans le fret, nous investissons dans un avenir plus durable, plus résilient et plus équilibré. Le fret ferroviaire permet de réduire les émissions de CO2 – je rappelle qu'un train de fret représente l'équivalent de quarante camions –, de désaturer les routes et de soutenir le développement économique des territoires. Il est essentiel pour connecter les ports, les industries et les zones rurales, en favorisant une logistique plus efficace et plus respectueuse de l'environnement. Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais pouvoir compter sur vous.
Malgré les difficultés du fret énumérées lors de ce débat, je vois également un secteur qui se réinvente, qui innove, qui ose. Merci au groupe CRCE-K de nous avoir permis de l'exprimer ce soir.
Quand un train de fret circule sur nos voies, ce ne sont pas seulement quarante camions en moins sur nos routes, c'est l'avenir de notre industrie et de nos territoires qui se met en mouvement.
Oui, le défi est immense, mais la France du rail a toujours su repousser ses limites. C'est ce que nous allons faire, ensemble ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe auteur de la demande.
M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie le groupe CRCE-K d'avoir organisé un débat sur cette thématique. J'expliquerai pourquoi la logistique me préoccupe en particulier. Je remercie également l'ensemble de mes collègues qui ont pris la parole ou qui ont assisté à ce débat. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence et de votre participation.
Tout ce que nous venons d'entendre nous permet d'être d'accord sur un point : le transport de marchandises est un sujet qui doit nous mobiliser davantage.
La logistique est au cœur de notre société. Elle est indispensable pour relier les producteurs aux consommateurs, dans le respect de notre environnement, c'est-à-dire en émettant le moins de CO2 possible. Cela signifie : massifier les quantités, les stocker et augmenter si possible la longueur des trains de fret.
Cette logistique évolue, comme d'autres choses changent, à l'heure du tout-numérique et de l'intelligence artificielle. Reste que, tant que nous n'aurons pas inventé la téléportation, nous devrons proposer des outils modernes pour répondre à ce besoin de déplacement des marchandises.
Dans ma commune du Pas-de-Calais se trouve la plateforme multimodale Delta 3, construite sur une ancienne friche minière – à l'heure où la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, dite Trace, est en cours d'examen au Parlement, ce n'est pas inintéressant –, en bordure du canal de la Deûle, qui sera bientôt en liaison avec le canal Seine-Nord Europe, de la ligne ferroviaire Paris-Nord et de l'A1. Monsieur le ministre, je vous invite à venir la visiter.
Quand, voilà vingt-cinq ans, nous avons imaginé cette plateforme, nous pensions faire passer des permis caristes Fenwick et avoir des bâtiments logistiques de six à sept mètres de hauteur. Aujourd'hui, ces bâtiments atteignent douze mètres et les palettes Fenwick ont laissé place à des transstockeurs qui hissent des palettes à plus de dix mètres. Et que dire du stockage ? À l'époque, on se promenait avec un petit carton dans les rayons – c'était le picking – ; aujourd'hui, tout est automatisé et contrôlé.
Ce soir, nous nous sommes accordés sur le besoin de soutenir le fret ferroviaire. Certains cherchent des responsables pour expliquer comment Fret SNCF est aujourd'hui en difficulté. Il y a bien sûr l'Union européenne, dont on comprend bien les arrière-pensées et qui évoluerait dans un sillage que nous ne maîtrisons pas. Pourtant, pour moi, l'Union européenne est avant tout ce que nous en ferons.
La décision de démanteler Fret SNCF répond à une logique, celle de la marchandisation de la société : là où il y a un besoin, il y a un marché, et ce marché doit permettre à des entreprises privées de générer du profit.
Pourtant, nous le voyons, cela mène à des dérives. Même quand le besoin perdure, si la rentabilité n'est pas au rendez-vous, personne ne répond à ce besoin – ou alors il y est répondu différemment.
Les camions sont donc préférés au fret ferroviaire. Il y a encore quelques mois, lorsqu'une entreprise avait un container à faire transporter par Fret SNCF, elle était bien souvent dirigée vers Geodis, filiale transport et logistique de la SNCF. Oui, le Parlement européen a même proposé de les rendre plus gros encore, en autorisant voilà tout juste un an les mégacamions.
Certains font semblant de ne pas voir que c'est une aberration écologique. Bien plus, c'est une concurrence déloyale, puisque les camions ne paient en réalité qu'une partie du coût de la route, une grande partie reposant sur la collectivité. C'est encore pire quand les camions quittent les voies payantes pour emprunter les routes départementales et avoir ainsi moins de frais de péage !
Par ailleurs, la privatisation du rail, via l'ouverture à la concurrence contre un service public, nuit au fret ferroviaire public. Les entreprises privées cibleront les lignes les plus rentables et déserteront les territoires ayant le moins de parts de marché.
Certains semblent ignorer que la recherche de rentabilité empêche de répondre à un besoin et de satisfaire des usagers, alors que cela devrait être l'objectif premier.
Finalement, deux visions distinctes s'opposent dans notre hémicycle – c'était d'ailleurs le cas au sein de la commission dont vous étiez membre, monsieur le ministre. (Sourires.) Les membres du groupe CRCE-K pensent que tout ne peut pas être soumis aux règles du marché, notamment le fret ferroviaire.
Nous avons engagé le débat du fret ferroviaire en demandant comment le relancer. Il est vrai qu'avant de le relancer il aurait fallu ne pas lui mettre de bâtons dans les roues, si j'ose dire. Je pense notamment à la disparition de Fret SNCF et à l'ouverture à la concurrence.
Pour relancer le fret, nous l'avons dit, il faudra des investissements importants. Nous serons à l'écoute des conclusions de la grande conférence Ambition France Transports, qui aura lieu lundi 5 mai prochain, à Marseille. (Sourires.) J'espère que le débat de ce soir aura servi à dessiner une trajectoire, les objectifs et une ambition, ambition pour laquelle il faut désormais se donner les moyens.
Il faudrait plusieurs milliards d'euros par an pour le fret ferroviaire, pour faire face au besoin et à l'ambition de doubler la part modale de celui-ci d'ici à 2032. Nous savons où les trouver, nous, les membres du groupe CRCE-K. Il faut par exemple réorienter les fonds autoroutiers. Il me semble, monsieur le ministre, vous avoir entendu dire que vous pourriez être d'accord pour y réfléchir. J'espère que c'est toujours le cas ! (Sourires.)
M. Philippe Tabarot, ministre. Encore plus ! (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Pierre Corbisez. Le groupe CRCE-K plaide pour renationaliser les autoroutes, en conservant le produit des péages pour des investissements dans des mobilités moins polluantes, comme le fret ferroviaire. Toutefois, nous pouvons cibler les profits tirés des concessions autoroutières pour ces financements, sans attendre la renationalisation.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est difficile de conclure ce débat, car tout reste à faire. Après toutes les volontés positives qui se sont exprimées ce soir, espérons que les choix qui seront faits lors du prochain budget ou même à l'occasion d'un projet de loi de programmation pluriannuelle du transport – pourquoi ne pas rêver ? – le seront en ayant en tête cette volonté commune de relancer le fret ferroviaire. (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Comment relancer le fret ferroviaire ? »
8
Modification de l'ordre du jour
M. le président. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l'inscription, en deuxième point de l'ordre du jour, le lundi 19 mai, de la lecture, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale, et le mercredi 21 mai, de la lecture, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi renforçant la lutte contre les fraudes aux aides publiques.
Acte est donné de cette demande.
Nous pourrions en conséquence fixer le délai limite d'inscription des orateurs des groupes respectivement au vendredi 16 mai et au mardi 20 mai, à quinze heures.
Y a-t-il des oppositions ?...
Il en est ainsi décidé.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mardi 29 avril 2025 :
À neuf heures trente :
Questions orales.
À dix-huit heures trente :
Débat sur les défaillances d'entreprises.
Le soir :
Débat sur les initiatives européennes en matière de simplification et d'allègement de la charge administrative pesant sur les entreprises.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures trente-cinq.)
nomination de membres d'une commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des affaires économiques pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques a été publiée conformément à l'article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : Mme Dominique Estrosi Sassone, MM. Olivier Rietmann, Antoine Lefèvre, Daniel Fargeot, Mme Isabelle Briquet, MM. Jean-Jacques Michau et Bernard Buis ;
Suppléants : MM. Patrick Chaize, Daniel Gremillet, Mme Nathalie Goulet, MM. Franck Montaugé, Gérard Lahellec, Pierre-Jean Verzelen et Philippe Grosvalet.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER