Sommaire
Secrétaires :
Mmes Catherine Di Folco, Patricia Schillinger.
2. Communication relative à des commissions mixtes paritaires
Question n° 1162 de M. Sebastien Pla. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation ; M. Sebastien Pla.
mutualisation entre opérateurs des antennes-relais de téléphonie
Question n° 1180 de Mme Marta de Cidrac. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation.
Question n° 1187 de Mme Sonia de La Provôté. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation.
situation des salariés de la grande distribution
Question n° 1208 de M. Jean-Claude Tissot. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation.
Question n° 1083 de M. Philippe Grosvalet. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation ; M. Philippe Grosvalet.
difficultés de recouvrement des impayés par les distributeurs d’eau
Question n° 1100 de M. Olivier Bitz, en remplacement de M. Didier Rambaud, auteur de la question. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation.
Question n° 1160 de M. Michel Canévet. – M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement ; M. Michel Canévet.
financement des contraintes d’investissement subies par les distributeurs d’eau
Question n° 1194 de Mme Kristina Pluchet. – M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement.
communication de documents sensibles
Question n° 1105 de M. Cédric Chevalier. – M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement.
intégration du réolais dans le programme « france ruralités revitalisation »
Question n° 1141 de Mme Florence Lassarade. – M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement ; Mme Florence Lassarade.
précisions sur la gestion déléguée des compétences eau et assainissement
Question n° 1174 de M. Alain Joyandet. – M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement ; M. Alain Joyandet.
dotation exceptionnelle pour la stérilisation des chats
Question n° 1197 de M. Jean-Raymond Hugonet. – M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement ; M. Jean-Raymond Hugonet.
accompagnement financier des communes bailleresses dans leurs projets de rénovation énergétique
Question n° 1200 de M. Fabien Genet. – M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement ; M. Fabien Genet.
conséquences de la suppression de la navette nice - paris orly d’air france
Question n° 1169 de Mme Alexandra Borchio Fontimp. – M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement.
violences à l’encontre des élus
Question n° 524 de M. Édouard Courtial. – M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement ; M. Édouard Courtial.
création d’un agrément « bail réel solidaire »
Question n° 1126 de M. Yves Bleunven. – M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement.
modalités de sanction des communes n’atteignant pas le taux de 20 % de logements sociaux
Question n° 1172 de M. Olivier Paccaud. – M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement.
problématique du décret tertiaire pour les collectivités territoriales
Question n° 1185 de Mme Frédérique Puissat. – M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement ; Mme Frédérique Puissat.
frais des associations patriotiques de bénévoles
Question n° 1038 de Mme Christine Herzog. – Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté ; Mme Christine Herzog.
désengagement des forces françaises et de la représentation diplomatique au niger
Question n° 1066 de M. Jean-Luc Ruelle. – Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté.
équivalence entre permis c et permis d
Question n° 1182 de M. Pierre Jean Rochette. – Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté ; M. Pierre Jean Rochette.
conditions de sécurité de la gare maritime de dzaoudzi à mayotte
Question n° 1210 de M. Saïd Omar Oili. – Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté ; M. Saïd Omar Oili.
étudiants expulsés de leurs logements pour les jeux olympiques et paralympiques
Question n° 1199 de Mme Marie-Arlette Carlotti. – Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ; Mme Marie-Arlette Carlotti.
délocalisation des épreuves du concours commun des instituts nationaux polytechniques 2024
Question n° 1212 de M. Francis Szpiner. – Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ; M. Francis Szpiner.
délinquance juvénile en guadeloupe
Question n° 1213 de M. Dominique Théophile. – Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté ; M. Dominique Théophile.
alerte sur le financement des associations locales à bobigny
Question n° 1175 de M. Fabien Gay. – Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté ; M. Fabien Gay.
interdiction des réseaux d’influence des frères musulmans en france et en europe
Question n° 1176 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté ; Mme Nathalie Goulet.
Question n° 1148 de Mme Christine Bonfanti-Dossat. – Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté ; Mme Christine Bonfanti-Dossat.
recours aux professionnels de santé diplômés hors union européenne
Question n° 1070 de M. Bruno Belin. – Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles ; M. Bruno Belin.
situation alarmante de la santé mentale en france
Question n° 1072 de Mme Annick Billon. – Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles ; Mme Annick Billon.
augmentation des tarifs des mutuelles santé
Question n° 1146 de Mme Michelle Gréaume. – Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles.
situation des infirmières dites « asalée »
Question n° 1161 de M. Patrice Joly. – Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles.
dysfonctionnements de l’office national d’indemnisation des accidents médicaux
Question n° 1191 de M. Christian Klinger. – Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles ; M. Christian Klinger.
Question n° 1193 de M. Hugues Saury. – Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles.
Question n° 991 de M. Jean-Jacques Michau. – Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles ; M. Jean-Jacques Michau.
situation budgétaire alarmante du centre hospitalier camille-claudel en charente
Question n° 1081 de Mme Nicole Bonnefoy. – Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles ; Mme Nicole Bonnefoy.
Question n° 1189 de M. Laurent Burgoa. – Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles ; M. Laurent Burgoa.
situation de la maison d’arrêt de béthune
Question n° 1186 de Mme Amel Gacquerre. – Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles ; Mme Amel Gacquerre.
mesures de réduction de la surpopulation carcérale
Question n° 1211 de Mme Marion Canalès. – Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles.
situation de la rentrée scolaire 2024-2025 en guadeloupe
Question n° 1117 de Mme Solanges Nadille. – Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles.
arrêt du financement des séances d’éducation à la sexualité
Question n° 1215 de Mme Laurence Rossignol. – Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles ; Mme Laurence Rossignol.
organisation des festivals de l’été pendant les jeux olympiques et paralympiques de paris 2024
Question n° 1086 de Mme Else Joseph. – Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles.
alcaloïdes pyrrolizidiniques et désarroi des producteurs
Question n° 1120 de M. Lucien Stanzione. – Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; M. Lucien Stanzione.
conséquences de l’utilisation des dispositifs antigrêle et impact sur les précipitations
Question n° 1196 de Mme Monique de Marco. – Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Question n° 1214 de M. Jean-Yves Roux. – Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Mathieu Darnaud
4. Continuité du service public de transports et droit de grève. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. Hervé Marseille, auteur de la proposition de loi
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Amendement n° 10 rectifié de M. Didier Mandelli. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Adoption, par scrutin public n° 172, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
M. Philippe Tabarot, rapporteur
5. Mises au point au sujet de votes
Suspension et reprise de la séance
6. Fermeture des classes et mise en place de la carte scolaire dans les départements. – Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
M. Jacques Grosperrin, pour le groupe Les Républicains
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse
Mme Colombe Brossel ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Colombe Brossel.
M. Jacques Grosperrin ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Jacques Grosperrin.
M. Dany Wattebled ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Dany Wattebled.
M. Claude Kern ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Claude Kern.
Mme Monique de Marco ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gérard Lahellec ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Mireille Jouve ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Martin Lévrier ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Adel Ziane ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Agnès Evren ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Agnès Evren.
Mme Annick Billon ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Karine Daniel ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Stéphane Sautarel ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Stéphane Sautarel.
M. Hugues Saury ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Hugues Saury.
M. Bruno Rojouan ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Bruno Rojouan.
Mme Sabine Drexler ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Olivier Paccaud, pour le groupe Les Républicains
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas
7. Assainissement cadastral et résorption du désordre de la propriété. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. Jean-Jacques Panunzi, auteur de la proposition de loi
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois
Clôture de la discussion générale.
Adoption, par scrutin public n° 173, de l’article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission.
8. Gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ; modification de la loi organique n° 2010-837. – Adoption définitive des conclusions de commissions mixtes paritaires sur un projet de loi et un projet de loi organique
M. Pascal Martin, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Vote sur l’ensemble du projet de loi
Adoption définitive, par scrutin public n° 174, du projet de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.
Vote sur l’ensemble du projet de loi organique
Adoption définitive, par scrutin public n° 175, du projet de loi organique dans le texte de la commission mixte paritaire.
9. Diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne. – Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi
M. Pascal Allizard, au nom de la commission mixte paritaire
Texte élaborée par la commission mixte paritaire
Amendement n° 5 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 1 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 2 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 3 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 4 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Adoption du projet de loi dans le texte de la commission mixte paritaire, modifié.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Alain Marc
vice-président
Secrétaires :
Mme Catherine Di Folco,
Mme Patricia Schillinger.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication relative à des commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, du projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire, ainsi que du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole sont parvenues à l’adoption d’un texte commun.
3
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
stratégie industrielle française de production d’acier décarboné en panne faute de filière d’hydrogène vert
M. le président. La parole est à M. Sebastien Pla, auteur de la question n° 1162, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Sebastien Pla. Que se passe-t-il ? Y aurait-il du gaz dans l’hydrogène vert ?
Alors qu’il est urgent de mettre fin à la dépendance aux combustibles fossiles russes et d’accélérer la transition écologique, la formidable ambition de réduire les émissions de CO2 des aciéries n’a de sens que si elle repose sur la production d’hydrogène issue d’énergies renouvelables décarbonées à bas coût, laquelle favoriserait le développement d’une filière industrielle prometteuse autour de l’éolien offshore et de l’électrolyse dans les ports verts de la Méditerranée, comme Fos-sur-Mer et Port-la-Nouvelle.
Alors que le site de Fos-sur-Mer produit un acier qui compte parmi les meilleurs du monde, que penser de la récente déclaration d’ArcelorMittal Europe dans laquelle le groupe indique qu’il ne pourra pas produire un acier compétitif économiquement si celui-ci est fabriqué à base d’hydrogène vert, et qu’il devra importer cet acier depuis la Chine ou les États-Unis ? C’est un comble quand on sait que l’Union européenne vient d’autoriser l’État français à injecter 850 millions d’euros d’aides publiques dans le groupe ArcelorMittal pour décarboner ses processus de production !
Madame la ministre déléguée, vous savez que l’ensemble des acteurs publics et privés des régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie consacrent des moyens significatifs pour développer l’hydrogène décarboné à partir de l’éolien offshore.
Je souhaiterais que l’État apporte des garanties quant aux perspectives de production d’acier français décarboné à partir de la filière méditerranéenne de production d’hydrogène, ainsi que sur la question du maillage des réseaux de transport d’hydrogène et de l’interconnexion par voie maritime ou terrestre du hub de Port-la-Nouvelle au corridor « BarMar-H2Med ».
Enfin, pour sécuriser la stratégie européenne et conserver notre avantage concurrentiel, j’aimerais savoir où en est le paquet Fit for 55, qui prévoit la mise en œuvre, en 2030, d’une taxe carbone frappant l’import dans l’Union européenne de marchandises venant de pays peu vertueux en termes d’émissions de gaz à effet de serre.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. Monsieur le sénateur Pla, l’industrie représente près de 20 % de nos émissions de gaz à effet de serre ; la sidérurgie, quant à elle, est responsable de 5 % de ces émissions. La décarbonation de notre industrie, et notamment celle de notre sidérurgie, est donc au cœur de notre stratégie.
Pour organiser au mieux cette décarbonation, le Gouvernement a choisi une approche partenariale avec les cinquante sites les plus émetteurs de CO2 dans la mesure où ceux-ci s’engagent à diviser par deux leurs émissions de gaz à effet de serre en dix ans.
Le 26 novembre 2023, chacun de ces sites a signé avec l’État un contrat de relance et de transition écologique (CRTE) comportant une trajectoire de baisse des émissions de CO2 compatible avec cet objectif.
Pour engager une décarbonation compétitive des plateformes industrielles de Fos-sur-Mer et de Dunkerque, les besoins identifiés s’élèvent à au moins 200 kilotonnes par an d’hydrogène décarboné à l’horizon 2030. Afin de satisfaire ces besoins, l’État a mis en place un appel d’offres de soutien à la production d’hydrogène décarboné doté de 4 milliards d’euros, une somme prise sur l’enveloppe budgétaire de la stratégie nationale hydrogène.
À ce mécanisme s’ajoutera un soutien à l’adaptation des procédés industriels, financé par l’enveloppe budgétaire consacrée à la décarbonation de l’industrie, qui permettra de maintenir l’excellence technologique française en matière de sidérurgie.
Ces deux dispositifs, qui pourront profiter aussi bien aux industriels historiques qu’aux start-up innovantes, assureront la pérennité de la production d’acier décarboné sur le site de Fos-sur-Mer.
M. le président. La parole est à M. Sebastien Pla, pour la réplique.
M. Sebastien Pla. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre déléguée, même si, je dois bien l’avouer, la récente déclaration d’ArcelorMittal nous inquiète beaucoup.
La question centrale est bien sûr celle de l’édification d’un corridor européen, qui fournira un débouché à l’hydrogène vert que nous produisons sur les bords de la Méditerranée. Il faut que ce projet avance, notamment en termes d’interconnexion, mais il faut aussi soutenir les deux hubs méditerranéens de Fos-sur-Mer et de Port-la-Nouvelle dans la production d’hydrogène par électrolyse.
mutualisation entre opérateurs des antennes-relais de téléphonie
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, auteure de la question n° 1180, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique.
Mme Marta de Cidrac. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la mutualisation des antennes-relais de téléphonie entre opérateurs.
L’installation de ces infrastructures de grande hauteur représente aujourd’hui une équation difficile à résoudre pour les maires, qui sont bien souvent tenus pour responsables de la pollution visuelle qu’elles engendrent sur leur territoire, et qui sont parfois même ciblés par des riverains en colère.
Dans la mesure où les opérateurs de téléphonie veulent tous leurs propres antennes-relais, ils multiplient malgré tout les demandes d’installation, comme le droit en vigueur le prévoit. On constate de ce fait une prolifération malheureuse de ces antennes, d’autant que les freins urbanistiques concernent peu de territoires, à l’exception des sites classés et des périmètres entourant les monuments historiques.
Une majorité de nos concitoyens devra donc se résoudre, tôt ou tard, à subir cette dégradation de leur environnement et de leurs paysages. Il serait pourtant possible de remédier à ce problème en mutualisant les antennes-relais entre opérateurs. Cette solution existe, mais elle est peu utilisée.
Madame la ministre déléguée, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour rendre cette mutualisation plus contraignante, dès lors que cela est possible et n’affecte pas la qualité du réseau ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. Madame la sénatrice de Cidrac, nous sommes conscients que la multiplication des antennes-relais dans certaines zones peut susciter une forme d’exaspération.
Les politiques publiques mises en place, comme le New Deal mobile, sont une réponse à un manque de couverture criant pour nos concitoyens. L’État ne fait donc que compenser un manquement des opérateurs, qui n’ont pas vocation à s’implanter dans certaines zones trop peu rentables.
Chaque opérateur dispose de sa propre couverture du territoire, et celle-ci ne coïncide pas toujours avec celle de ses concurrents. C’est aussi la concurrence par les infrastructures qui permet aux opérateurs de se différencier, puisqu’elle induit une qualité de couverture et, donc, de service propre à chacun d’entre eux.
Dans le cadre du New Deal mobile et du dispositif de couverture ciblée, les opérateurs ont l’obligation de mutualiser leurs pylônes et les installations actives lorsqu’ils sont au moins quatre sur une même zone.
Par ailleurs, l’arrivée de tower companies – les fameuses TowerCo – favorise la mutualisation, puisque le modèle financier de ces sociétés implique de maximiser le nombre d’opérateurs sur leurs antennes.
D’autres obligations légales sont déjà en vigueur, que ce soit en zone de montagne ou dans le cadre du déploiement de la 5G dans les zones peu denses.
La proposition de loi du sénateur Patrick Chaize, et notamment son article 30, oblige les opérateurs à justifier auprès du maire leur choix de ne pas recourir à une solution de partage de site ou de pylône. L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) doit également indiquer, dans son rapport, l’état précis de partage des sites mobiles.
Avant toute implantation de nouvelles antennes, un temps de dialogue est requis via le dépôt d’un dossier d’information au maire. Je le redis, rien n’est fait à l’encontre des décisions du maire et sans concertation locale.
Je pense que c’est en matière de concertation et de transparence que nous devons améliorer le dispositif actuel.
guichet unique
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, auteure de la question n° 1187, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Sonia de La Provôté. Ma question porte sur le guichet unique destiné aux formalités des entreprises artisanales, qui a remplacé en 2023 les différents centres concernés et qui alimente le registre national des entreprises.
Ce registre n’est toujours pas optimal – c’est le moins que l’on puisse dire – au point d’affecter au quotidien la création et le fonctionnement des entreprises concernées. Dans une question écrite de mai 2023, j’interrogeais d’ailleurs le Gouvernement sur ce même sujet, en soulignant les problèmes invalidants de catégorisation et d’enregistrement des entreprises.
Les dirigeants d’entreprises artisanales ne peuvent, de ce fait, pas répondre à leurs obligations légales et faire valoir leurs droits. Le fonctionnement des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) est tout autant perturbé, car celles-ci doivent pallier les désordres et les carences du guichet unique, incapable d’assurer les missions qu’il devrait exercer, et ce jusqu’à un horizon encore indéfini.
Tout cela entraîne, vous vous en doutez, une surcharge de travail au sein des CMA, au détriment de leurs autres missions.
La chambre de métiers et de l’artisanat de Normandie m’a fait part des tensions qui résultent de cette situation : ses agents s’inquiètent notamment de l’énervement des chefs d’entreprise à leur encontre, de leur peur de ne pas être en règle, ainsi que de leur lassitude face aux errances du système. Toutes ces tensions sont particulièrement délétères.
En outre, j’ai été récemment alerté à ce sujet par des avocats du barreau de Caen, chargés de réaliser l’immatriculation de leurs clients auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi). Des dossiers de fonds artisanaux sont encore en attente de régularisation depuis plusieurs mois, malgré de nombreuses relances.
Tout cela, outre le cafouillage général que cela dénote, met en difficulté les entreprises dans une période qui est, vous en conviendrez, difficile pour elles.
Madame la ministre déléguée, quelles sont les mesures correctives que le Gouvernement envisage de prendre en urgence ? La mission interministérielle lancée sur ce sujet n’a en effet pas prévu de rendre ses conclusions dans des délais rapprochés.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. Madame la sénatrice, vous appelez l’attention du Gouvernement sur les difficultés de fonctionnement du guichet unique des formalités d’entreprises.
Ce guichet unique, je le rappelle, constitue une simplification pour les entreprises, car il remplace à lui seul six réseaux de centres de formalités des entreprises (CFE) et plus d’une cinquantaine de formulaires Cerfa différents ; désormais, 80 % des formalités sont traitées par le guichet unique. J’ajoute qu’il prend en charge 100 % des formalités d’ouverture.
Les efforts continus d’amélioration du guichet ont abouti à une augmentation sensible du nombre de formalités déposées chaque semaine depuis le début de l’année 2024 par rapport au début de l’année 2023. Ainsi, les dépôts effectués par les artisans sont en hausse de 23 %.
Pour assurer la pleine effectivité du guichet unique, tout en sécurisant au maximum les entreprises, une procédure de secours a été déployée le 1er janvier 2024 : celle-ci vise à garantir à tous une solution. Les entreprises relevant du registre du commerce et des sociétés ont ainsi la possibilité d’utiliser Infogreffe à titre dérogatoire depuis le guichet unique, et d’obtenir ainsi un extrait Kbis actualisé. Pour les autres entreprises, le recours à des formulaires papier est possible dans certains cas exceptionnels.
Les fonctionnalités et l’ergonomie du guichet et du registre national des entreprises progressent en tenant compte des avis des organismes destinataires des formalités, dont font partie les avocats, ainsi que de ceux de panels d’entreprises et de professionnels des formalités. Un comité des utilisateurs, auquel CMA France participe activement depuis plusieurs mois, se réunit régulièrement depuis l’été 2023 sous la présidence d’un représentant de l’Inpi. J’en profite pour signaler que les CMA ont été au cœur de la concertation préparatoire à la création du guichet unique.
Pour finir, madame la sénatrice, je vous propose d’échanger avec vous à l’issue de cette séance, notamment sur les dossiers spécifiques qui ont été portés à votre connaissance par les avocats du barreau de Caen, afin d’en accélérer le traitement. Les services de mon ministère se mobilisent aux côtés des parlementaires pour trouver des solutions là où le guichet unique n’est pas encore pleinement efficient.
situation des salariés de la grande distribution
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, auteur de la question n° 1208, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Jean-Claude Tissot. Madame la ministre déléguée, les 22 et 29 mars dernier, les salariés des magasins Auchan de la Loire, comme leurs collègues de plus de cent cinquante sites en France, étaient en grève pour dénoncer une nouvelle atteinte à leur pouvoir d’achat.
Pour l’intersyndicale CFDT-CFTC-CGT-FO, l’élément déclencheur a été l’annonce d’une revalorisation salariale de 1,3 %, au moment même où l’Insee indiquait que la hausse des prix avait atteint 2,4 % sur un an.
La baisse du pouvoir d’achat de ces salariés vient s’ajouter à plusieurs réorganisations n’ayant qu’un seul but : réduire les dépenses de personnel en exigeant toujours plus de polyvalence des travailleurs. Un pouvoir d’achat en baisse et une organisation du travail toujours plus stressante, c’est malheureusement le lot de millions de salariés dans notre pays aujourd’hui.
Chez Auchan, cette situation est encore aggravée par les profonds bouleversements qui perturbent la grande distribution, notamment en raison de la faillite du groupe Casino.
Pour Auchan et ses salariés, les conséquences de cette situation sont majeures. Alors que le groupe enregistre un déficit de 379 millions d’euros, le rachat d’une centaine de magasins Casino va peser lourd. Cette charge se fait déjà ressentir dans la politique salariale de l’entreprise, au grand dam des principaux intéressés, qui n’ont pas leur mot à dire, mais ont l’impression de devoir payer cette stratégie de leur poche.
Pour les consommateurs, la réorganisation du secteur aura aussi un coût. Les économistes de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) estiment que l’« on peut s’attendre à une augmentation des prix dans les zones où l’acquéreur d’un magasin Casino a déjà un point de vente ».
Enfin, pour les producteurs, le déséquilibre dans les négociations commerciales va encore s’accentuer. Avec ce mouvement de concentration des acteurs, les géants de la distribution vont en effet y gagner dans le rapport de force actuel, et pas seulement face aux grandes multinationales de l’agroalimentaire. Pour les petits producteurs, ce sera plus que jamais le pot de terre contre le pot de fer en matière de fixation des prix et de qualité des produits.
Après ces deux journées de mobilisation à Auchan, quel rôle le Gouvernement entend-il jouer pour que les salariés ne soient pas les grands perdants de la politique du groupe ? Sur un plan plus prospectif, comment le Gouvernement compte-t-il prévenir les conséquences des grandes manœuvres engagées dans le secteur de la distribution à la suite de l’effondrement du groupe Casino pour les salariés, les consommateurs et les fournisseurs ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. Monsieur le sénateur Tissot, l’État accompagne depuis plusieurs mois le processus de restructuration du groupe Casino. Le Gouvernement est très attentif à ce que les solutions retenues permettent la préservation de l’activité et de l’emploi dans les meilleures conditions possible.
Dès le printemps dernier, le Gouvernement a autorisé le groupe à reporter le paiement de ces échéances fiscales et sociales pour un montant de près de 300 millions d’euros, afin que celui-ci ait le temps de trouver la meilleure solution pour résoudre ses difficultés. Cet effort exceptionnel a permis la conclusion, sous l’égide de l’État, d’un accord global solide, qui devrait assurer la pérennité du groupe, et en particulier de ses commerces de proximité et de la plupart de ses 50 000 emplois en France.
Cependant, la très forte dégradation de l’activité du groupe l’a contraint à céder ses hypermarchés et supermarchés à Auchan et au Groupement Les Mousquetaires. Cette solution, qui repose sur deux acteurs de premier plan de la grande distribution française, offre des perspectives à la quasi-totalité des hypermarchés et supermarchés et à l’ensemble de leurs salariés.
Il convient désormais qu’une partie significative des entrepôts logistiques puisse être préservée, et que les salariés qui y travaillent soient accompagnés – et tout cela doit se concrétiser le plus rapidement possible dans l’intérêt des salariés concernés comme dans celui des autres salariés du groupe.
Plus largement, le Gouvernement se mobilise pour soutenir le pouvoir d’achat de l’ensemble des salariés, dont ceux de la distribution. C’est du reste pourquoi l’exécutif a introduit un certain nombre de dispositions dans la loi du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, et qu’il met en œuvre un plan de suivi précis et de mobilisation des branches en matière de négociation salariale. Les services de Bercy restent à votre entière disposition, monsieur le sénateur, pour poursuivre les échanges sur ce dossier essentiel.
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, auteur de la question n° 1083, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Philippe Grosvalet. Depuis 2016, afin de concilier transition énergétique et maintien de l’activité sur le site de la plus grande centrale à charbon de France encore en activité, celle de Cordemais, en Loire-Atlantique, certains acteurs locaux – organisations syndicales et élus – défendent un projet de centrale à biomasse nommée Ecocombust. Avec l’adoption de loi relative à l’énergie et au climat, qui est venue concrétiser la promesse du Président de la République d’arrêter définitivement ce mode de production d’électricité en 2022, ce choix s’est révélé visionnaire.
Si différents facteurs, dont la guerre en Ukraine, expliquent le retard pris dans la fermeture des centrales à charbon, le Président de la République a confirmé, en septembre dernier, qu’elles seraient définitivement arrêtées d’ici 2027. Plus encore, il a légitimé le projet Ecocombust en précisant que ces sites seraient reconvertis en centrales à biomasse.
Or la direction d’EDF, entreprise pourtant détenue par l’État français, prend le contrepied de ces annonces présidentielles. En effet, EDF s’est plusieurs fois fait remarquer par son attitude ambiguë sur le sujet. Cette position équivoque s’est traduite par le choix de l’entreprise de ne retenir, dans son rapport sur le coût prévisionnel de la production d’électricité par le site Cordemais, que les hypothèses les plus pessimistes. Le prix de l’électricité ainsi produite serait alors prohibitif…
Il est inacceptable qu’une entreprise nationale agisse à l’encontre de politiques décidées au plus haut niveau de l’État, surtout lorsque celles-ci concernent la sécurité de l’approvisionnement électrique de nos territoires.
Dans ce contexte, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour garantir la conversion des centrales à charbon à la biomasse d’ici 2027 ? Quel sera le sort réservé à Ecocombust ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. Monsieur le sénateur, la centrale de Cordemais, d’une puissance totale de 1 160 mégawatts, est l’une des deux dernières centrales à charbon exploitées en France. Sa fermeture, initialement prévue le 1er janvier 2022, a été repoussée de manière à garantir la sécurité d’approvisionnement électrique face aux difficultés rencontrées durant les hivers 2022 et 2023.
Le Président de la République s’est effectivement engagé à ce que la France sorte définitivement du charbon d’ici le 1er janvier 2027. Cet engagement s’inscrit dans l’ambition globale du Gouvernement de faire de la France la première grande nation verte à sortir des énergies fossiles.
Pour la centrale de Cordemais, un projet de reconversion a été étudié par EDF et son partenaire Suez entre 2015 et 2021. Ce projet, appelé Ecocombust, prévoyait la conversion de la centrale au combustible bois, ainsi que la production de pellets. Le projet a finalement été abandonné par les deux acteurs, faute d’un modèle économique satisfaisant et d’un retour d’expérience suffisant sur la technologie envisagée.
Les discussions ont néanmoins repris autour d’un projet Ecocombust 2 entre EDF, l’entreprise Paprec et l’État, ce dernier étant évidemment pleinement engagé dans le processus. À la suite de l’abandon du projet Ecocombust 1, le Gouvernement a lancé un appel à manifestation d’intérêt, qui a permis de préciser et cibler l’accompagnement de l’État.
Les travaux s’inscrivent dans le cadre d’un pacte de territoire piloté par l’État, lequel anime les travaux autour de la solution technique étudiée par EDF et Paprec et fait progresser l’analyse des conditions économiques à réunir pour la réalisation de cette conversion. Les aspects financiers et techniques du projet sont en cours de finalisation.
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour la réplique.
M. Philippe Grosvalet. Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage, comme disait ma grand-mère ! Le temps qui passe a un coût, et la situation actuelle nous empêche de nous projeter…
Pensez au territoire, mais aussi aux salariés : ils ont proposé ce projet, l’ont expertisé et fait avancer ; ils sont aujourd’hui dans l’attente d’une réponse ferme, et je serai à leurs côtés le 17 avril prochain pour manifester, avec l’ensemble des élus du territoire, notre soutien à Ecocombust.
difficultés de recouvrement des impayés par les distributeurs d’eau
M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz, en remplacement de M. Didier Rambaud, auteur de la question n° 1100, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Olivier Bitz. Mon collègue Didier Rambaud, qui est empêché ce matin, souhaitait attirer l’attention du Gouvernement sur le recouvrement des impayés par les distributeurs d’eau.
Quel que soit le mode de gestion choisi pour le service de l’eau, les distributeurs font face à des difficultés croissantes en matière de factures impayées, parfois sans justification. Dans le même temps, les collectivités et les syndicats des eaux délégataires de service public connaissent des problèmes de trésorerie extrêmement importants.
Or la loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, dite loi Brottes, a non seulement posé le principe de l’interdiction générale des coupures d’eau dans une résidence principale par les distributeurs, quel qu’en soit le motif, mais elle a aussi interdit la pratique de réduction du débit d’eau.
Pourtant, diminuer l’alimentation en eau constituait une mesure efficace, puisqu’elle ne privait pas l’usager d’une ressource vitale et indispensable, tout en étant suffisamment gênante pour contraindre les abonnés à régler leurs factures.
La disposition législative qui a interdit la réduction du débit d’eau résulte en fait d’une maladresse rédactionnelle, comme on peut le constater à la lecture des débats parlementaires de l’époque.
Toujours est-il que la réglementation actuelle pénalise les distributeurs, qui estiment être démunis de tout moyen d’action face aux impayés. Ils décident par conséquent d’arrêter le financement des travaux inscrits aux plans pluriannuels d’investissement et craignent parfois – c’est le cas en Isère – de ne plus être en mesure de payer les agents, les collaborateurs ou de ne plus pouvoir rembourser les échéances des emprunts.
Cela place les distributeurs d’eau dans une situation financière délicate, dans la mesure où ils font de leur mieux sans parvenir à obtenir les recouvrements nécessaires. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre, madame la ministre déléguée, afin de corriger cette anomalie ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. Monsieur le sénateur Bitz, je vous prie avant tout de bien vouloir transmettre mes amitiés à M. Rambaud.
Le droit à l’eau est inscrit dans notre droit positif à l’article L. 210-1 du code de l’environnement : ainsi, « l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général. »
L’article 19 de la loi n° 2013-312 du 15 mars 2013, dite loi Brottes, en modifiant l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles, a interdit les coupures d’eau pour impayés à toute époque de l’année pour l’ensemble des résidences principales, sans condition de ressources. Pour autant, l’interdiction des coupures d’eau n’emporte pas annulation de la dette. La facture impayée reste due par l’abonné.
Le Gouvernement est conscient des difficultés que ce cadre législatif peut engendrer dans la gestion du service public de l’eau potable. Cet état du droit pourrait encourager les comportements inciviques et avoir des effets financiers notables, non seulement pour les services, en raison des difficultés de recouvrement des paiements, mais également pour les usagers, qui pourraient voir leur facture augmenter si les distributeurs d’eau décidaient de compenser les pertes de recettes qui découlent de ces impayés.
Le recours aux aides du Fonds de solidarité pour le logement (FSL) ou aux aides directes des collectivités ainsi que l’accompagnement des foyers dans les démarches permettant d’en bénéficier constituent une voie préventive, qui pourrait contribuer à l’amélioration du recouvrement des factures.
Par ailleurs, dès la constatation d’un dépassement du délai de paiement, l’entreprise peut mettre en œuvre une procédure de recouvrement amiable, éventuellement avec l’aide d’un commissaire de justice, pour adresser au débiteur une mise en demeure ou lui signifier une sommation de payer. Il est également possible de mettre en place une solution de paiement échelonné après étude et analyse de la situation.
Si les démarches amiables restent vaines, l’entreprise peut en outre engager une procédure judiciaire pour procéder au recouvrement, légitime, de sa créance.
J’ajoute, pour finir, que la médiation du crédit peut aussi être saisie par les distributeurs d’eau.
situation des choucas
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, auteur de la question n° 1160, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Michel Canévet. Depuis plusieurs années, j’appelle l’attention du Gouvernement sur la prolifération des choucas des tours. Ces oiseaux causent de nombreux dégâts dans les cultures, agricoles notamment, et dans les maisons, puisqu’ils vont souvent nicher dans les cheminées, ce qui provoque parfois des accidents domestiques assez graves.
Protégée par la réglementation européenne, cette espèce est néanmoins chassable dans certains pays. Le Gouvernement a mené une étude pour évaluer l’évolution de sa population. En Bretagne, nous avons le sentiment que celle-ci a nettement progressé ces dernières années, au point que nous sommes totalement débordés – sans compter les nuisances causées par les sangliers et tout un tas d’autres espèces, qui infligent des dégâts considérables aux agriculteurs et à leur production.
Pourriez-vous faire un point sur la situation ? Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour empêcher la prolifération des choucas des tours et prévenir les dégâts qu’ils occasionnent ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Canévet, comme vous le savez, le choucas des tours est inscrit à l’annexe II de la directive européenne concernant la conservation des oiseaux sauvages. Cette annexe énumère les espèces d’oiseaux pouvant être chassées dans certains États membres seulement. En cohérence avec les dispositions de cette directive, l’espèce est protégée en droit français et n’est donc pas chassable.
Le statut de protection du choucas des tours permet néanmoins des destructions à titre dérogatoire, pour prévenir des dégâts importants dans les cultures, sous réserve d’un certain nombre de justifications. Ainsi, dans les départements du Finistère et des Côtes-d’Armor, les autorisations de prélèvements dérogatoires délivrées ont porté sur un nombre important de spécimens, comparable au nombre de prélèvements effectués sur des espèces chassables.
Grâce aux travaux scientifiques et au suivi minutieux des dégâts causés, qui ont permis de dresser un constat objectif de la situation, ces arrêtés – et c’est la première fois – n’ont pas été suspendus par la justice administrative.
Afin de limiter les dommages causés aux agriculteurs, la maîtrise des populations de choucas des tours doit par ailleurs impliquer, au-delà des tirs létaux, une approche préventive, comprenant des dispositifs innovants de protection des cultures et d’effarouchement et la limitation de l’accès aux sources de nourriture, ainsi qu’aux sites de nidification comme les cheminées.
Afin de mettre en œuvre l’ensemble de ces actions dans un cadre collectif, la direction départementale des territoires et de la mer du Finistère, département très concerné par cette problématique, prépare un plan régional d’action sur le choucas des tours sous la responsabilité du préfet. Le premier comité de pilotage de ce plan s’est tenu en mars 2023 ; il a rassemblé l’ensemble des acteurs concernés des quatre départements bretons. Le second doit se tenir à la fin de ce mois d’avril 2024 ; il permettra de finaliser ce plan et d’en mettre en œuvre toutes les actions, au-delà de celles qui ont déjà été lancées.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour la réplique.
M. Michel Canévet. Je salue la volonté du Gouvernement d’avancer sur le sujet. Il est important d’éviter que la population des choucas ne se développe encore considérablement, ce qui entraînerait des dégâts importants.
Cela étant, il faudra, me semble-t-il, faire en sorte que cette espèce soit chassable, comme c’est le cas en Espagne. À défaut, nous serons constamment confrontés à des difficultés, malgré toutes les dispositions qui peuvent être adoptées.
J’invite donc l’exécutif à agir pour que la réglementation européenne évolue.
financement des contraintes d’investissement subies par les distributeurs d’eau
M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, auteure de la question n° 1194, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Kristina Pluchet. Je souhaite interroger le Gouvernement sur le problème du coût pour les collectivités de la qualité et la salubrité de l’eau pour la consommation humaine.
De nombreux petits syndicats des eaux de mon département sont en grande difficulté. Je pense tout particulièrement au syndicat des eaux du Roumois et du Plateau du Neubourg (SERPN), qui ne sait plus comment assumer ses charges d’investissement pour se conformer à une réglementation toujours plus stricte et pas toujours très lisible, entre les prescriptions de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et celles de l’agence régionale de santé (ARS), dont la rigueur a été majorée par des captages d’eau dans des nappes très basses l’année dernière.
Dans la conjoncture inflationniste que nous connaissons, les usagers et les collectivités ne sont plus en mesure d’absorber ces hausses tarifaires exorbitantes.
Pourtant, à la suite de la transposition de la directive européenne sur l’eau potable, l’article 8 de l’ordonnance du 22 décembre 2022 relative à l’accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine prévoyait bien la compensation financière par l’État de l’accroissement des charges des collectivités résultant de ces nouvelles obligations.
Or aucun crédit dédié n’a été inscrit dans la loi de finances pour 2024, qui engage cependant la réforme d’envergure des redevances des agences de l’eau et la refonte des redevances « petit cycle de l’eau », prévue pour le 1er janvier 2025.
Ayant à cœur de trouver une solution rapide pour les syndicats des eaux de mon département, modèles de service public dont la raison d’être n’est plus à prouver, je souhaite savoir quelle solution le Gouvernement propose pour soutenir les petits syndicats des eaux, qui n’ont plus la surface financière suffisante pour supporter seuls l’ensemble des coûts induits par la mise en conformité de leurs installations.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Madame la sénatrice Pluchet, la contamination des ressources en eau destinées à la consommation humaine constitue une situation préoccupante pour de nombreuses collectivités responsables de la distribution de l’eau, notamment pour les syndicats des eaux du département de l’Eure.
Je le rappelle, en cas de dépassement de la limite de qualité, les personnes responsables de la distribution d’eau doivent déposer une demande de dérogation qui, pour être validée, doit s’accompagner d’un plan d’action permettant le respect de la limite de qualité sous une période de dérogation ne pouvant pas excéder trois ans.
Comme vous le savez, un appui aux investissements et à l’emprunt pour les collectivités concernées peut être apporté par la Banque des territoires via l’octroi de prêts à moyen terme ou à long terme : c’est le dispositif Aqua Prêt.
Ces prêts font partie intégrante du plan Eau, qui a été annoncé par le Président de la République au mois de mars 2023. Ils connaissent un réel succès depuis leur lancement. Afin de répondre à la demande des collectivités, l’enveloppe budgétaire qui leur est consacrée a été doublée : elle s’élève à 4 milliards d’euros pour la période 2023-2027.
La Banque des territoires a également développé une offre d’accompagnement gratuite à destination des collectivités, nommée Aquagir. Celle-ci porte sur toute la gestion du cycle de l’eau et comprend un volet relatif à la production d’eau potable.
Il convient de le rappeler, l’objectif doit malgré tout rester la promotion de solutions préventives plutôt que le recours aux solutions curatives in fine, ces dernières étant – vous le savez – plus coûteuses.
En ce sens, je tiens à saluer l’action des agences de l’eau, qui accompagnent les collectivités, les industriels, les agriculteurs dans leurs projets d’investissement permettant de faire converger la transition écologique et le développement des territoires.
Pour la deuxième année de la mise en œuvre du plan Eau, la priorité est donnée à la préservation de la qualité de l’eau. Le relèvement important du plafond de recettes des agences de l’eau prévu par la loi de finances pour 2024 vise justement à assurer le financement de certaines mesures destinées à renforcer la protection des aires d’alimentation de captage.
C’est ainsi que, par l’intermédiaire des agences de l’eau et des interventions financières définies dans leurs programmes pluriannuels d’intervention, le soutien aux actions favorisant la reconquête de la qualité de l’eau, notamment via les pratiques agricoles à bas niveau d’intrants, a été renforcé dans ces aires d’alimentation de captage.
Comme vous pouvez le constater, madame la sénatrice, le Gouvernement est aux côtés des collectivités et soutient leurs projets d’investissement pour une gestion sobre, résiliente et concertée de la ressource en eau.
communication de documents sensibles
M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier, auteur de la question n° 1105, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
M. Cédric Chevalier. Je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur les listes de déclaration de piégeage des animaux classés nuisibles reçues en mairie et publiées à l’emplacement réservé aux affichages officiels de la commune.
Chaque déclaration comporte l’identité et l’adresse du déclarant détenteur du droit de destruction ou de son délégué, l’identité, l’adresse et le numéro d’agrément du ou des piégeurs, ainsi que le lieu-dit du piégeage. Dans un avis de 2021, la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) a rappelé que ces documents étaient communicables à toute personne en faisant la demande.
Pourtant, des maires décident volontairement de ne pas transmettre les listes de déclaration de piégeage des animaux classés nuisibles aux personnes qui les sollicitent. Ils se retrouvent de fait poursuivis en justice par ces dernières pour non-communication.
Si ces élus choisissent de se soustraire à une telle demande, c’est par crainte que certains individus ne s’en servent pour aller détruire les pièges mis en place ou bien encore pour effacer les marquages obligatoires sur ceux-ci, afin de les rendre non conformes à la législation et d’appeler ensuite l’Office français de la biodiversité (OFB) pour le faire constater. Des exemples illustrent une telle manière de faire dans d’autres départements. Et, dans des cas plus extrêmes, certains vont jusqu’à menacer les piégeurs, voire ceux qui ont demandé la mise en place des pièges…
Rappelons qu’il existe beaucoup d’individus désireux d’entraver la mission qu’accomplissent les piégeurs dans notre pays. Il est à craindre que beaucoup de ces derniers ne finissent par jeter l’éponge face aux attaques qu’ils subissent, alors même qu’ils sont un outil de régulation essentiel de la faune sauvage.
Aussi, et afin de ne plus mettre en difficulté les élus locaux, je demande au Gouvernement s’il entend réviser la liste des documents transmissibles, ainsi que les listes de déclaration de piégeage des animaux classés nuisibles reçues en mairie faisant partie des documents sensibles.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Chevalier, le Gouvernement est informé de la sollicitation de certains organismes associatifs à l’égard des documents transmis dans le cadre des déclarations de piégeage.
Comme vous le savez, l’accès aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques est l’un des piliers de la convention d’Aarhus, ratifiée par la France le 8 juillet 2002. Aussi, le principe établi dans la loi est celui d’une communication des documents administratifs pour des questions de transparence de l’action publique.
Pour autant, afin de protéger la vie privée des piégeurs, je vous indique qu’un message rappelant le droit applicable en matière de communication des données a été adressé à l’ensemble des préfectures.
Ainsi, conformément à l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, il est prévu que ne sont pas communicables aux demandeurs les documents administratifs dont la communication « porterait atteinte à la protection de la vie privée ». De plus, les dispositions de l’article L. 311-5 du même code s’appliquent dans la mesure où elles précisent que ne sont pas communicables les documents administratifs dont la consultation ou la communication « porterait atteinte » à la « sécurité des personnes ». Or les piégeurs, une fois identifiés et localisables, peuvent faire l’objet d’agissements visant à porter atteinte à leur intégrité physique ou morale, à leurs biens ou à la bonne réalisation de leur mission.
Au vu des deux dispositions législatives que je viens de citer et du contexte de la demande, les maires comme les préfets peuvent répondre défavorablement ou partiellement à certaines requêtes. Une demande de modification de l’arrêté du 29 janvier 2007 définissant la liste de documents à fournir pour une déclaration de piégeage, et notamment de son article 11, a été évoquée lors de la dernière assemblée générale de l’Union nationale des associations de piégeurs agréés de France (Unapaf). Un travail entre le Gouvernement et l’Unapaf devra ainsi être engagé, afin, le cas échéant, d’envisager des modifications à cet égard.
J’espère, monsieur le sénateur, que ces éléments de réponse vous donnent satisfaction.
intégration du réolais dans le programme « france ruralités revitalisation »
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, auteure de la question n° 1141, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Florence Lassarade. Je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur les conséquences de l’exclusion de la communauté de communes du Réolais en Sud Gironde du futur dispositif France Ruralités Revitalisation (FRR).
À partir du 1er juillet, le programme FRR remplacera les zones de revitalisation rurale (ZRR). Il permet aux communes de proposer des exonérations fiscales aux professionnels qui s’y installent et s’accompagne de dotations supplémentaires pour celles-ci.
La communauté de communes du Réolais n’y est malheureusement pas éligible, car la densité de population est un peu au-dessus du critère défini par la loi.
Pourtant, elle coche tous les autres critères de précarité ! La fragilité sociale et économique du Réolais est reconnue par l’ensemble des institutions. Ce territoire fait en effet partie du « croissant de pauvreté de la Gironde », l’établissement public de coopération intercommunale est classé en zone vulnérable et l’indice de fragilité sociale de la ville de La Réole, déterminé par les services du département, s’établit à 1,5, soit le plus haut niveau possible. Enfin, le secteur est particulièrement déficitaire en offre de soins, alors que sa population est précaire et vieillissante : chaque médecin y prend en charge environ 1 460 patients, et 2 500 habitants sont encore sans médecin traitant.
De plus, toutes les communautés de communes autour du Réolais sont classées en zone de revitalisation rurale et bénéficieront du futur dispositif FRR à la faveur d’une densité plus faible, ce qui risque d’induire une concurrence déloyale entre les collectivités de communes limitrophes.
Lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement de mercredi dernier, Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, a annoncé vouloir trouver une solution pour les communes exclues du dispositif FRR.
Je souhaiterais donc savoir quelles mesures le Gouvernement envisage de mettre en œuvre pour soutenir la population de la communauté de communes du Réolais et s’il serait possible d’assouplir le dispositif pour que les communautés de communes avec des populations particulièrement précaires et dont toutes les communes limitrophes bénéficient du dispositif FRR puissent y être également éligibles, afin d’éviter de creuser plus encore les disparités entre les territoires.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Madame la sénatrice Lassarade, les zones de revitalisation rurale arrivaient à échéance au 31 décembre 2023. Il était donc indispensable de les réformer, afin que les territoires ruraux puissent continuer à bénéficier du soutien dont ils ont besoin.
Inchangées depuis 2015, zonant 13 400 communes sur critère et ayant maintenu artificiellement 4 000 communes alors qu’elles ne répondaient plus aux critères de zonage, les ZRR étaient devenues injustes et inéquitables.
Après un an et demi de consultation, la réforme des ZRR, devenues le dispositif France Ruralités Revitalisation, a été adoptée à l’unanimité dans votre hémicycle lors de l’examen de la loi de finances pour 2024. C’est une réforme généreuse, qui zone désormais de droit 17 700 communes en tenant compte au maximum des spécificités des territoires de montagne ou des départements très peu densément peuplés.
Pour ce qui est de la communauté de communes du Réolais en Sud Gironde, composée de 41 communes, 11 communes avaient été maintenues artificiellement dans le zonage en 2015, puisqu’elles ne répondaient déjà plus aux critères, et 30 n’étaient pas zonées.
En effet, avec la réforme FRR, ces 11 communes ne sont plus zonées. Comme tout zonage, il y a des entrants et des sortants. Sur les 2 200 communes sortantes, 1 802 ne répondaient déjà plus aux critères de zonage en 2015 ; cela représente 81,9 % des communes sortantes. Dominique Faure étudie en ce moment des alternatives pour lisser au maximum les effets de seuil et accompagner au mieux ces communes.
Les communes de la communauté de communes du Réolais, dont la densité est de 73,5 habitants par kilomètre carré, demeurent très éloignées du seuil, fixé à la médiane, c’est-à-dire à 63,57 habitants par kilomètre carré.
Cependant, madame la sénatrice, nous sommes conscients des difficultés de votre territoire. C’est la raison pour laquelle Dominique Faure proposera aux communes concernées un accompagnement spécifique, élaboré avec les élus locaux en fonction des priorités qu’ils auront identifiées.
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour la réplique.
Mme Florence Lassarade. Plus de médecin ou d’agriculteur qui s’installe, malgré des ZRR qui deviennent FRR… la population n’y comprend rien ! Comment les élus locaux vont-ils pouvoir lui expliquer ? Merci de prendre en compte ces difficultés et d’y répondre de façon pragmatique.
précisions sur la gestion déléguée des compétences eau et assainissement
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, auteur de la question n° 1174, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
M. Alain Joyandet. Dans le cadre du transfert obligatoire des compétences eau et assainissement en 2026, la loi prévoit que les communautés de communes pourront déléguer par convention tout ou partie de ces compétences à leurs communes membres, ainsi qu’à leurs syndicats existants au 1er janvier 2019 et dont le périmètre est infracommunautaire. Dans ce cas, les compétences déléguées sont exercées au nom et pour le compte des communautés délégantes. Cette possibilité est le principal assouplissement apporté au transfert obligatoire de ces deux compétences en 2026.
Les communautés de communes sont confrontées à différentes interrogations.
D’abord, dans le cadre de la gestion déléguée, elles souhaitent savoir s’il peut y avoir des tarifs différents pour chaque commune ou syndicat délégataire et, le cas échéant, si ces tarifs doivent être fixés par la communauté de communes ou par les délégataires communaux ou syndicaux.
Ensuite, elles demandent si les budgets annexes dont disposent actuellement les communautés ou leurs syndicats pour ces compétences doivent être transférés aux communautés de communes en l’état ou clôturés concomitamment au transfert de compétences. Dans tous les cas, elles s’interrogent sur le sort qui sera réservé dans une telle situation au solde des budgets annexes communaux, aux syndicats préexistants, au transfert et à la gestion déléguée.
Enfin, dans le cas d’une gestion déléguée, elles demandent si chaque commune ou syndicat délégataire doit disposer d’un budget annexe rattaché à son budget principal pour l’eau et l’assainissement ou s’il appartient au contraire aux communautés délégantes de disposer d’autant de budgets annexes que de délégataires sous sa responsabilité.
Ces questions sont importantes. D’ailleurs, il serait peut-être bon qu’un guide soit réalisé avant l’échéance de 2026 pour bien définir les conditions dans lesquelles ces transferts pourront être exécutés.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Joyandet, je vous confirme que le transfert des compétences eau et assainissement à une communauté de communes doit s’accompagner d’une convergence tarifaire des services à l’échelon intercommunal.
Toutefois, ce transfert ne signifie pas une harmonisation immédiate des tarifs. Les différenciations tarifaires pourront exister sur le territoire communautaire du fait du maintien des tarifs précédemment fixés par les communes. Comme le préconise une instruction du 18 septembre 2017, l’harmonisation tarifaire devra intervenir dans un délai raisonnable.
Ainsi, des différences tarifaires au sein de la communauté de communes ne sauraient perdurer définitivement, sauf à méconnaître le principe d’égalité, auquel il ne peut être dérogé que dans des limites fixées de longue date et de manière constante par la jurisprudence.
S’agissant de l’exercice des compétences eau et assainissement, la communauté de communes peut choisir de déléguer tout ou partie de ses compétences à une commune membre ou à un syndicat infracommunautaire. Dans ce cas, les compétences sont exercées au nom et pour le compte de la communauté de communes délégante. Ainsi, la délégation ne peut pas faire obstacle au principe d’égalité de traitement des usagers d’un même service.
Pour les communautés de communes, il est nécessaire de mettre en place un budget annexe unique par compétence, c’est-à-dire un budget annexe pour la compétence eau et un budget annexe pour la compétence assainissement, quel que soit le nombre de délégations existantes.
Pour les communes, il est préconisé de créer un budget annexe dédié à chaque compétence déléguée.
Pour les syndicats, le maintien des budgets annexes existants, s’il y en avait, est admis.
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour la réplique.
M. Alain Joyandet. Monsieur le ministre délégué, je vous remercie de ces précisions. Il en manque encore, mais nous aurons l’occasion d’interroger de nouveau le Gouvernement.
Pour ma part, une fois de plus, je ne puis que regretter que les compétences eau et assainissement ne fassent pas partie des compétences optionnelles. Au demeurant, le cahier des charges associé à une telle obligation paraît tout de même assez compliqué…
Merci d’œuvrer encore pour davantage de simplification !
dotation exceptionnelle pour la stérilisation des chats
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, auteur de la question n° 1197, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
M. Jean-Raymond Hugonet. Le 8 juillet 2003, la France a ratifié la convention européenne pour la protection des animaux de compagnie, qui incite notamment à réduire la reproduction non planifiée des chiens et des chats en encourageant leur stérilisation.
La population de chats est estimée à plus de 13 millions, et un couple de chat peut donner naissance à 20 000 petits en quatre ans.
Bien que la stérilisation ne soit toujours pas obligatoire, c’est bien la seule action efficace pour endiguer la prolifération des félins laissés en liberté.
Les maires sont, une fois encore, en première ligne, aidés par l’article L. 211-27 du code rural et de la pêche maritime, qui leur permet de faire procéder à la capture des chats errants, en vue de les stériliser et identifier, puis de les relâcher.
Mais, devant l’ampleur croissante du phénomène et les coûts d’intervention, nous avons introduit dans la loi de finances pour 2024 une dotation exceptionnelle pour la stérilisation des chats.
Or, malheureusement, à l’heure actuelle, aucune directive n’a été communiquée concernant la procédure pour bénéficier de cette dotation.
Le Gouvernement peut-il nous communiquer les modalités, ainsi que les conditions d’accès à cette aide financière pour les communes qui désirent en bénéficier ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Hugonet, vous m’interrogez sur les modalités d’accès à la dotation exceptionnelle de 3 millions d’euros pour la stérilisation des chats, adoptée dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2024, sur une initiative parlementaire.
Ces nouveaux crédits, introduits par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, ont vocation à accompagner les collectivités territoriales dans la mise en place d’une stérilisation efficace des chats sauvages. Ils sont actuellement inscrits dans le programme 122 « Concours spécifiques et administration » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », gérée par le ministère de la cohésion des territoires.
Toutefois, au regard des enjeux et de la thématique, la gestion opérationnelle du dispositif sur lequel vous m’interrogez, monsieur le sénateur, sera assurée par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
C’est la raison pour laquelle un décret de transfert de crédits entre les programmes budgétaires des deux ministères est prévu. Ce transfert interviendra, à l’instar de l’ensemble des décrets de transfert, avant la fin du premier semestre 2024. Les modalités et les conditions d’accès à cette aide financière seront donc précisées à cette même occasion par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Par ailleurs, compte tenu du caractère d’urgence, les campagnes étant – vous le savez bien, monsieur le sénateur – mises en œuvre en général juste avant l’été, je vous annonce qu’une réunion entre les services concernés est prévue le 25 avril pour évoquer le déploiement rapide de ces nouveaux crédits.
Je peux d’ores et déjà vous l’indiquer, à l’issue de cette réunion, les services du Gouvernement, notamment ceux du ministère de l’agriculture, communiqueront sur les modalités très opérationnelles permettant la stérilisation des chats.
Sachez, monsieur le sénateur, que nous portons une attention particulière sur ce sujet très important.
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.
M. Jean-Raymond Hugonet. Je salue le sénateur Belin, qui, avec son habileté légendaire, était prêt à me suppléer dans l’hypothèse où je serais arrivé en retard, car j’étais en rendez-vous avec la ministre de la culture ce matin.
Monsieur le ministre délégué, je vous remercie de votre à-propos, puisque vous venez d’apporter une réponse concrète à ma question. Le phénomène sur lequel je vous ai interpellé est devenu – j’imagine que c’est vrai aussi dans d’autres départements – un véritable fléau, notamment dans le sud de l’Essonne, où une stérilisation vaut entre 70 euros et 100 euros. Cela devient insupportable pour les maires. Merci d’avoir fait diligence !
accompagnement financier des communes bailleresses dans leurs projets de rénovation énergétique
M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, auteur de la question n° 1200, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
M. Fabien Genet. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur l’accompagnement des collectivités bailleresses de logements dans leurs projets de rénovation énergétique, sujet sur lequel je suis interpellé par de nombreux maires parmi les 564 que compte mon département, la Saône-et-Loire.
De nombreuses collectivités, notamment rurales, sont propriétaires de bâtiments anciens transformés en logements et loués à des prix attractifs, permettant l’installation de nouveaux habitants dans ces communes, où l’offre de location est bien souvent saturée ou inexistante.
Par ailleurs, ces loyers représentent pour les collectivités bailleresses un revenu non négligeable et contribuent à assurer un entretien des bâtiments communaux.
De plus, en vertu de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, la location de bâtiments classés G, considérés comme des passoires énergétiques, sera bientôt interdite.
De nombreuses collectivités territoriales propriétaires de logements vont ainsi devoir effectuer d’importants travaux de rénovation, qui risquent de peser lourd dans les budgets communaux. Il apparaît donc tout à fait essentiel que l’État accompagne financièrement les collectivités pour permettre d’atteindre cet objectif national, d’autant que les règlements de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) excluent la plupart du temps la rénovation des bâtiments communaux qui génèrent des revenus locatifs.
Le Gouvernement envisage-t-il de rendre les collectivités éligibles aux dispositifs d’aide de l’État à destination des propriétaires qui souhaitent réaliser des travaux de rénovation énergétique, à l’instar du dispositif MaPrimeRénov’ ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Genet, comme vous le savez, MaPrimeRénov’ est une aide publique destinée à financer les travaux pour améliorer la performance énergétique des logements du parc privé. Elle est accessible à tous les propriétaires et à toutes les copropriétés de logements de ce parc pour les logements qui sont construits depuis au moins quinze ans, occupés à titre de résidence principale, que le propriétaire occupe les lieux ou en fasse bénéficier un locataire.
À ce stade, il n’est pas prévu de l’élargir au parc social ni aux logements détenus par les personnes publiques.
Il existe néanmoins d’autres financements pour soutenir la rénovation énergétique des logements que vous évoquez dans votre question. Ainsi, depuis 2023, une mesure spécifique est dédiée dans le fonds vert pour accompagner les collectivités dans la mise en œuvre de leur projet de rénovation énergétique. Elle vise tous les bâtiments des collectivités, y compris les bâtiments avec logements, et soutient les projets de rénovation permettant d’atteindre une baisse des consommations d’énergie d’au moins 40 %.
Les logements communaux sont ainsi éligibles à la mesure de rénovation énergétique des bâtiments locaux du fonds vert. Pour autant, ce dernier n’ayant pas vocation à se substituer à d’autres financements, il convient de mobiliser en priorité les subventions publiques dédiées à la rénovation des logements, en particulier le Fonds national des aides à la pierre (Fnap) pour les logements conventionnés à l’aide personnalisée au logement (APL) appartenant à des collectivités.
Le sujet de l’habitat est également présent au cœur du plan France Ruralités, sur lequel Mme Dominique Faure s’est engagée pour sortir des logements de la vacance. Vous savez que notre pays compte un taux de logements vacants de plus de 8 % ; c’est significatif.
La mise en place d’une prime de 5 000 euros par logement privé rendu à la location, ainsi que les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (Opah) et les opérations de revitalisation de territoire (ORT), qu’elles soient rurales ou urbaines, financées au même niveau par l’Agence nationale de l’habitat (Anah) – ce n’était pas le cas auparavant –, sont des éléments essentiels de notre politique en la matière.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, l’État est évidemment au côté des particuliers et des collectivités pour accélérer le mouvement de la rénovation énergétique des bâtiments.
M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour la réplique.
M. Fabien Genet. Monsieur le ministre délégué, je vous remercie de ces éléments d’information, que je ne manquerai pas de transmettre à l’ensemble de mes interlocuteurs sur le terrain.
Nous nous rejoignons, je le crois, sur le caractère absolument majeur d’un tel enjeu et sur la place que les collectivités territoriales doivent prendre dans le combat que nous avons à mener tous ensemble pour améliorer la performance énergétique des bâtiments publics, même lorsqu’ils font partie du domaine privé.
En tant que président du groupe d’amitié France-Colombie, je profite de l’occasion pour saluer M. l’ambassadeur de Colombie en France, qui nous fait l’honneur de sa présence en tribune. (Applaudissements.)
conséquences de la suppression de la navette nice - paris orly d’air france
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp, auteure de la question n° 1169, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Le 18 octobre 2023, la compagnie Air France a annoncé, via un simple communiqué, mettre fin à ses liaisons aériennes en partance et en provenance de l’aéroport d’Orly. Notre compagnie, pourtant nationale, ne desservira donc plus Nice, Marseille ou encore Toulouse dès 2026. Il s’agit d’une décision brutale, lourde de conséquences, prise sans aucune concertation avec les élus et acteurs concernés ! Ce sont pourtant ces derniers qui, par leur travail de qualité, permettent d’attirer les voyageurs vers nos territoires, et ce grâce à des événements de renommée mondiale.
Sénatrice des Alpes-Maritimes, mais aussi présidente du comité régional du tourisme Côte d’Azur France, je le regrette sur un plan non seulement humain, mais également économique, puisque nous sommes la première destination touristique après Paris.
Cette dégradation de l’offre inquiète, et à juste titre ! J’ai saisi le Gouvernement. Avec Éric Ciotti, nous avons rencontré les syndicats du personnel, très inquiets, comme vous vous en doutez. Puis, nous avons alerté – encore ! – le Premier ministre, le 2 avril dernier, afin que la compagnie prenne le temps de la concertation.
Je le précise, l’alternative ferroviaire n’est pas une option crédible pour nous. Un trajet en train entre Nice et Paris, c’est, en moyenne, sept heures : un déplacement pour un rendez-vous professionnel dans la journée est donc impossible !
Vous allez me répondre que le Gouvernement sera « attentif » à la situation. Mais le président de Transavia a refusé de s’engager à maintenir les créneaux actuels d’Air France et la qualité du service sera inférieure ; c’est le principe d’une compagnie low cost.
Le plus grave demeure le message envoyé. La province est abandonnée, méprisée, déclassée. Le 12 décembre, à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a publiquement regretté cette décision et s’est engagé à mener une concertation avec les élus. Quatre mois plus tard, toujours rien !
Je vous le demande solennellement : quand serons-nous associés au devenir des liaisons opérées par la filiale d’Air France entre Paris et nos territoires ? (Mmes Frédérique Puissat et Marie-Arlette Carlotti applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Madame la sénatrice Borchio Fontimp, les annonces de la compagnie Air France doivent s’analyser au regard des évolutions structurelles de la demande sur le marché domestique depuis la crise sanitaire.
Durant cette crise, les organisations et les habitudes de travail ont – vous le savez – profondément évolué et entraîné une baisse du trafic aérien lié au voyage d’affaires, en particulier sur les liaisons de et vers Paris.
Alors que, dès novembre 2023, le trafic aérien en France a retrouvé son niveau de 2019, la fréquentation sur les lignes radiales du trafic domestique dépassait à peine 70 % de son niveau d’avant crise au mois de février. Le trafic de la navette Orly-Nice a baissé de près de 60 % par rapport à 2019. La clientèle d’affaires est ainsi passée d’un peu plus de 100 000 passagers en 2019 à 50 000 en 2023.
Dans ce contexte, il est souhaitable qu’Air France mette en œuvre des solutions permettant d’améliorer sa rentabilité ; c’est la condition de sa pérennité face à la concurrence.
Toutefois, le Gouvernement vous rejoint sur le fait que ces évolutions ne doivent pas se faire au détriment des territoires et de leur connectivité. Le groupe a bien confirmé que cette évolution s’accompagne, d’une part, du renforcement des liaisons opérées par Air France de Nice vers Paris-Charles de Gaulle, dont le nombre de rotations est passé de sept par jour en 2019 à dix par jour à l’été 2024 et continuera d’augmenter, et, d’autre part, du développement des liaisons de Transavia vers Paris-Orly.
La compagnie Transavia, en pleine croissance, pourra utiliser sur ses lignes au départ d’Orly les nouveaux Airbus A320neo, qui remplacent progressivement depuis 2024 les Boeing 737 d’ancienne génération, ce qui est – nous le pensons – un gage d’amélioration des conditions de transport des passagers.
Le Gouvernement est conscient de l’importance du maintien de la connectivité de Nice et de la Côte d’Azur. Le ministre délégué chargé des transports veillera à ce que le groupe Air France y reste un acteur majeur au service du territoire et de ses acteurs. Celui-ci tient également à vous faire part du travail qui a été lancé entre la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, la ville et le groupe Air France sur l’avenir de la desserte de la ville de Nice. Nous y sommes particulièrement attentifs.
Pour plus d’informations, je vous invite à vous rapprocher du ministre délégué chargé des transports, qui suit évidemment le sujet avec grande attention.
violences à l’encontre des élus
M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, auteur de la question n° 524, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
M. Édouard Courtial. « Est-ce qu’on attend la mort d’un maire pour faire avancer les choses ? ». Telle est la question que pose le maire de Laigneville, Christophe Dietrich, qui a subi, le 29 février dernier dans sa commune, une agression devant témoin.
Malheureusement, il n’est pas le seul. Trois autres maires ont été agressés en février dernier, en l’espace de trois jours, dans ce même département de l’Oise.
Voilà le quotidien de trop d’élus, alors que les mots manquent pour qualifier des actes odieux, inexcusables, intolérables contre les fantassins de la République. Et malgré les discours de fermeté, la situation ne cesse de se dégrader !
Le Sénat a pris ses responsabilités en adoptant un texte fort, que j’ai soutenu, et en trouvant un accord avec nos collègues de l’Assemblée nationale, le 27 février dernier.
Ce texte vise un double objectif : d’une part, mieux protéger les élus locaux dans l’exercice de leur mandat et, d’autre part, améliorer l’accompagnement par les acteurs judiciaires et étatiques chargés des élus victimes.
Toutefois, renforcer notre arsenal législatif ne peut pas être l’unique réponse à ce fléau qui s’enracine. Le mal est profond, c’est celui de la perte de l’autorité de l’État.
Or, sans une extrême fermeté envers ceux qui font désormais de la violence un mode d’expression comme un autre, nous n’y arriverons pas.
Monsieur le ministre, la tolérance zéro doit être la règle, sans excuses ni faux-fuyants. Le sentiment d’impunité doit être combattu sans faiblesse, et la loi doit être appliquée réellement.
La protection des élus contre les agressions est une condition sine qua non du respect de l’État de droit. Aujourd’hui, plus que jamais, compte tenu des fractures de la société française, les élus locaux sont le ciment de la vie démocratique de notre pays. Monsieur le ministre délégué, au-delà de l’indignation, entendrez-vous le cri d’alarme, voire de détresse qu’ils vous adressent ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Courtial, les atteintes, menaces, diffamations et violences à l’encontre des élus sont un fléau.
Dire cela est une évidence, mais le rappeler est une nécessité et un devoir. Je vous remercie donc de votre question, qui me permet de faire un point d’étape sur le sujet au nom du Gouvernement.
Comme vous l’indiquez, la loi du 24 janvier 2023 visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression était une avancée.
La loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, texte qui a fait l’objet d’une procédure accélérée, a significativement renforcé notre arsenal pénal en la matière. Les dispositions qui y figurent – renforcement des sanctions contre les auteurs, automatisation de la protection fonctionnelle, ou encore meilleure information des maires par les parquets – commencent à donner des résultats perceptibles.
Ainsi, 562 procédures ont été engagées depuis le 1er janvier dernier, tandis que 2 759 l’ont été au cours de l’année 2023. La meilleure prise en charge de la parole et la systématisation du dépôt de plainte l’expliquent pour partie : c’est heureux, et nous pouvons collectivement nous en féliciter.
Comment répondons-nous concrètement à ces violences ?
Tout d’abord, le réseau de référents élus au sein des forces de l’ordre est désormais structuré et connu, coordonné par le centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus, spécialement créé pour l’occasion.
Plus d’un million d’euros ont déjà été engagés pour équiper nos forces de sécurité intérieures de caméras judiciaires pour la protection ponctuelle des domiciles des élus menacés. Par ailleurs, 2,5 millions d’euros seront très prochainement débloqués pour garantir la protection physique des élus locaux.
Des boutons d’appel discrets sont actuellement déployés dans chaque préfecture en vue d’être prêtés aux élus faisant l’objet de menaces particulièrement graves.
Enfin, depuis novembre dernier, une ligne de soutien psychologique est consacrée aux élus, ainsi qu’à leur famille, que ce soit à l’échelle nationale ou départementale, grâce au concours de l’association France Victimes.
Telles sont les précisions, monsieur le sénateur, que je souhaitais apporter sur ce sujet essentiel des violences contre les élus, lesquels sont le fondement de notre République.
M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, pour la réplique.
M. Édouard Courtial. Merci, monsieur le ministre délégué. Les élus comptent sur vous ; ils comptent sur nous. Ne lâchez rien, car, chaque jour, dans leur commune, ils vont au-delà de leurs devoirs ! (Mme Christine Herzog applaudit.)
création d’un agrément « bail réel solidaire »
M. le président. La parole est à M. Yves Bleunven, auteur de la question n° 1126, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement.
M. Yves Bleunven. Monsieur le ministre délégué, certains territoires dans le Morbihan sont soumis à une tension foncière et immobilière qui s’accroît en proportion de leur attractivité résidentielle, touristique et patrimoniale.
Les actifs locaux n’ont plus accès à une offre résidentielle abordable, ce qui entraîne des difficultés de recrutement dans les différents métiers exercés sur le territoire.
Le bail réel solidaire (BRS) est une manière de répondre à cette crise. Parce qu’il permet la dissociation entre le foncier et le bâti, il mène en effet mécaniquement à une baisse des prix. Détenus par les organismes de foncier solidaire (OFS), les terrains peuvent ensuite être loués, via un bail emphytéotique d’une durée comprise entre 18 et 99 ans.
Or, contrairement au prêt social location-accession (PSLA), les opérations d’accession abordable en BRS ne nécessitent pas d’obtenir un agrément de la part de l’État ou de la collectivité délégataire des aides à la pierre.
Pour autant, ces opérations visent les mêmes objectifs d’accession aidée, ciblent le même public, bénéficient de la même fiscalité – une TVA à 5,5 % – et constituent un outil de maîtrise de la production de logements que les collectivités compétentes en matière d’habitat pourraient contrôler et réguler au même titre que les autres logements aidés – PLAI (prêts locatifs aidés d’intégration), PLUS (prêts locatifs à usage social), PLS (prêts locatifs sociaux) ou PSLA.
Ce dispositif purement administratif, sans conséquence économique pour les finances publiques – si ce n’est un meilleur contrôle du niveau de fiscalité réduite accordé –, permettrait à la collectivité de maîtriser sa politique publique de l’habitat en fonction de la réalité des besoins de son territoire.
Outre le fait que ces logements ne sont comptabilisés qu’à la livraison dans le bilan triennal, contrairement aux autres logements qui sont comptabilisés à la délivrance de l’agrément, cela permettrait à un territoire de ne pas se laisser déborder par une production excessive de ce type de logements et de disposer, au contraire, d’une production réfléchie et équilibrée, répartie entre la part nécessaire et souhaitable de logements locatifs sociaux et une part d’accession abordable.
C’est pourquoi, monsieur le ministre délégué, je vous demande de bien vouloir créer, dans les meilleurs délais, un agrément BRS sur le fondement de l’agrément PSLA.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Bleunven, vous encouragez le déploiement du bail réel solidaire, tout en recommandant qu’il soit conditionné à la délivrance d’un agrément pour assurer son adéquation avec les besoins du territoire.
Le Gouvernement partage cette orientation et se mobilise, depuis la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, pour accompagner et favoriser le développement du BRS, qui est véritablement un très beau produit.
Pour mémoire, le BRS est un contrat par lequel un organisme de foncier solidaire consent à un preneur des droits réels en vue de la location ou de l’accession sociale à la propriété de logements, sous conditions de ressources.
Seuls les organismes de foncier solidaire, qui sont des organismes à but non lucratif ou à lucrativité limitée – le plus souvent des bailleurs sociaux – et qui ont été agréés par le préfet de région, sont autorisés à conclure un BRS.
L’agrément d’un OFS est accordé après instruction par les services de l’État et avis du comité régional de l’habitat et de l’hébergement (CRHH), dont un des collèges est composé de représentants des collectivités. À ce titre, les services de l’État et le CRHH analysent le programme prévisionnel des actions de l’organisme concerné et des modalités de contrôle de l’affectation des baux qu’il entend pratiquer, principalement dans les zones tendues ou très tendues.
Cette procédure d’agrément sera par ailleurs renforcée réglementairement, afin que le préfet puisse examiner plus précisément l’adéquation de la cible du futur OFS avec les politiques locales de l’habitat définies notamment dans le programme local de l’habitat (PLH).
Ainsi, un organisme demandant l’agrément OFS devra désormais présenter une étude de marché justifiant la manière dont il entend répondre au besoin spécifique de logements en accession sociale sur le territoire concerné et pour la population qui y réside.
Chaque vente en BRS fait également l’objet d’une analyse par l’OFS lui-même. L’organisme vérifie que le ménage correspond à la population cible du BRS en contrôlant notamment la situation fiscale de ce dernier et le respect des conditions de ressources.
L’adéquation entre l’activité de l’OFS et la réponse aux besoins en matière d’accession sociale à la propriété sur le territoire concerné est enfin contrôlée annuellement par l’État. En effet, chaque OFS a l’obligation de transmettre, dans un délai de six mois à compter de la clôture de l’exercice, un rapport d’activité au préfet. Dans ce rapport, l’OFS doit transmettre la liste des bénéficiaires de baux réels solidaires, ainsi qu’un bilan du suivi de la situation de ces bénéficiaires et un rapport de présentation des conditions de cession des droits réels au cours de l’exercice.
Aussi, il nous semble, monsieur le sénateur, que votre intention est déjà satisfaite par les mesures de contrôle mises en place.
modalités de sanction des communes n’atteignant pas le taux de 20 % de logements sociaux
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, auteur de la question n° 1172, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement.
M. Olivier Paccaud. Monsieur le ministre délégué, alors que le Gouvernement envisage d’importantes évolutions sur la législation relative aux logements sociaux, je souhaite appeler votre attention sur la très grande sévérité dont font preuve les services de l’État à l’égard de communes qui sont pourtant proactives en matière de construction de logements sociaux.
Je citerai l’exemple de la commune de Verneuil-en-Halatte, dans mon département de l’Oise, qui vient de se voir infliger une pénalité de près de 50 000 euros.
Son tort ? Elle ne dispose sur son territoire que de 13 % de logements sociaux au lieu des 20 % exigés par la loi. Cette appréciation occulte la réalité des efforts que cette commune, comme tant d’autres, consacre à se conformer à la loi.
À quoi bon sanctionner une commune de 5 000 habitants, qui ne comptait que 2 % de logements sociaux au moment où la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, est entrée en vigueur et qui, depuis lors, a veillé à ce que plus du tiers des nouvelles constructions soient des logements sociaux ?
Sanctionner par de lourds prélèvements pécuniaires des communes qui emploient par ailleurs des centaines de milliers d’euros et, donc, une large part de leurs ressources à des aménagements préparatoires indispensables à l’accueil de nouveaux logements sociaux – voirie, acquisition de terrains – est une injure faite à la bonne volonté de ces maires.
En effet, sauf à abdiquer tout bon sens et à urbaniser leurs communes de façon anarchique, les édiles ne peuvent atteindre cet objectif que de manière progressive et linéaire. Cela suppose donc de leur laisser le temps d’inscrire cet objectif dans une trajectoire pluriannuelle. On ne saurait attendre d’eux qu’ils fassent sortir de terre des centaines de logements sociaux d’une année sur l’autre.
Il serait plus conforme à l’esprit de la loi SRU d’apprécier les efforts des communes, non pas à l’aune du taux réel de logements sociaux, mais en fonction de la proportion de ces logements parmi les nouvelles constructions sur une période donnée.
Sans même évoquer l’arbitraire préfectoral en la matière, le préfet se montrant tantôt indulgent avec une commune, tantôt intraitable avec une autre, cette situation nous paraît profondément inique et, donc, contre-productive.
Monsieur le ministre délégué, à l’heure où l’injonction à la mixité sociale se conjugue avec celle de la sobriété foncière et alors que les ressources financières des collectivités sont plus contraintes que jamais – la situation pourrait d’ailleurs empirer –, laisserez-vous cette aberration se perpétuer ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Frédérique Puissat. Bravo !
Mme Marie Mercier. Excellente question !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Paccaud, plusieurs mécanismes permettent déjà d’adapter le dispositif SRU aux particularités des communes concernées, en particulier les plus petites.
Le législateur a d’ailleurs renforcé cette logique de différenciation à la faveur de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS.
Ainsi, le prélèvement supporté annuellement par les communes déficitaires, qui est proportionnel à leur déficit en logements sociaux et à leur potentiel fiscal, est adapté à leur situation et aux efforts qu’elles déploient.
En ce sens, des exonérations de prélèvements sont prévues, notamment pour les 10 000 communes bénéficiant de la part cible de la dotation de solidarité rurale (DSR), sous réserve que celles-ci disposent d’une part minimale de logements sociaux.
En outre et surtout, les communes peuvent diminuer leur prélèvement à hauteur des dépenses qu’elles ont engagées pour la production de logements sociaux, comme le financement d’études ou leurs efforts pour minorer le coût du foncier.
Dans tous les cas, il est essentiel de rappeler que ce prélèvement ne constitue en aucun cas une pénalité. Les sommes prélevées sont versées à l’intercommunalité délégataire des aides à la pierre et réservées à la construction de logements sociaux. Le prélèvement SRU est ainsi l’un des moteurs de la production de logements sociaux dans le pays.
Si toutefois une commune rencontre des difficultés objectives à respecter ses obligations et ne peut être exemptée, elle peut toujours signer un contrat de mixité sociale lui permettant, si sa situation le justifie, d’aménager ses objectifs de rattrapage. (Mme Frédérique Puissat s’exclame.)
Mme Marie Mercier. Ça ne fonctionne pas !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Cet outil contractuel, qui résulte de la loi 3DS, s’appuie sur un constat partagé avec les services de l’État quant aux difficultés rencontrées au sein du territoire. Il repose sur les engagements précis et ambitieux en faveur du développement du logement locatif social pris par les collectivités signataires.
À l’occasion de l’examen du projet de loi que nous venons de transmettre au Conseil d’État et qui sera débattu au Sénat à la mi-juin, nous pourrons rediscuter des conditions d’application du dispositif SRU dans certaines communes.
Il faudra en premier lieu aborder la question des communes déficitaires et de leur capacité à inclure des logements locatifs intermédiaires dans le processus de rattrapage. Nous discuterons naturellement des sujets que vous évoquez, ce qui laisse présager de beaux débats législatifs !
problématique du décret tertiaire pour les collectivités territoriales
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, auteur de la question n° 1185, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Frédérique Puissat. Monsieur le ministre délégué, je vous remercie de suppléer le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires que je souhaitais interroger sur le décret du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire, dit « décret tertiaire ».
Aussi vertueux soit-il, ce décret n’est pas sans poser des problèmes aux communes qui doivent le mettre en application. Pour rappel, les collectivités doivent réduire d’au moins 40 % la consommation d’énergie finale de leurs bâtiments de plus de 1 000 mètres carrés d’ici à 2030.
Pour ce faire, il existe plusieurs solutions, dont celle de la production d’énergie renouvelable grâce à des panneaux photovoltaïques installés sur les bâtiments.
Or la rédaction actuelle du décret tertiaire ne permet la prise en compte des investissements en matière d’énergie renouvelable qu’au-delà des efforts engagés pour atteindre l’autoconsommation énergétique, ce qui met un certain nombre de collectivités, comme celle de Vienne Condrieu Agglomération, en Isère, en difficulté.
Cela signifie, monsieur le ministre délégué, qu’il n’est pas possible de prendre en compte la production d’énergie renouvelable issue de panneaux photovoltaïques installés par un tiers investisseur dans le cadre de ce décret.
J’imagine que l’agglomération de Vienne n’est pas la seule collectivité à connaître ce type de difficulté. Nous avons demandé à plusieurs reprises au Gouvernement qu’il réécrive ce décret, afin d’offrir, de façon vertueuse, la possibilité de faire appel à un tiers investisseur. Cette reformulation ne coûte guère. L’envisagez-vous, et dans quel délai ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Madame la sénatrice Puissat, en France, les objectifs de réduction de la consommation énergétique des bâtiments à usage tertiaire consistent à réduire de moitié, d’ici à 2040, la consommation finale, qu’elle soit d’origine renouvelable ou non renouvelable.
Toutefois, ce dispositif Éco-énergie tertiaire n’impose pas que l’installation photovoltaïque sur le toit des bâtiments soit financée par son propriétaire.
L’origine renouvelable de l’énergie – ici de l’électricité – ne doit pas être considérée comme un droit à consommer davantage. Si la production d’énergie renouvelable est vertueuse, il convient d’être vigilant sur l’impact des installations de production sur l’environnement lorsqu’aucun effort n’est fait pour réduire la consommation.
La pose de panneaux photovoltaïques en toiture ne peut donc pas se substituer aux efforts qu’il convient de faire pour que les niveaux de consommation atteints soient raisonnables pour le reste du bâtiment.
Un modèle économique qui reposerait sur un financement privé des panneaux photovoltaïques et un retour sur investissement grâce à la production et la revente de l’énergie produite pourrait par ailleurs conduire à une surconsommation énergétique.
Pour autant, le Gouvernement est, tout comme vous, favorable à ce que l’on accélère la production d’énergie renouvelable, notamment le solaire en toiture.
C’est ainsi que les collectivités peuvent bénéficier de dispositifs de soutien à la production d’électricité à partir d’énergie photovoltaïque.
Pour les projets de moins de 500 kilowatts-crête sur les toitures, hangars ou ombrières, elles peuvent demander un tarif garanti de l’électricité par l’intermédiaire du guichet unique dit S21. Pour les projets d’une puissance plus importante, elles peuvent obtenir un tarif grâce à la mise en concurrence dans le cadre des appels d’offres lancés régulièrement par le ministère.
Ces collectivités peuvent également bénéficier d’une prime à l’autoconsommation si le développement du photovoltaïque s’inscrit dans une logique de réponse à un besoin de consommation territoriale.
Le Gouvernement soutient une consommation d’énergie mieux maîtrisée, via des actions d’efficacité et de sobriété énergétiques, et une production plus durable, via le développement du photovoltaïque.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.
Mme Frédérique Puissat. Monsieur le ministre, je ne comprends absolument pas votre réponse.
Nous avons tous comme objectif la réduction de la consommation énergétique des bâtiments publics. Alors, si un tiers investisseur tire un bénéfice de l’installation de panneaux solaires, qu’est-ce que cela peut faire, dès lors que cela permet de réduire cette consommation ? Quelle que soit la manière, les objectifs sont les mêmes !
Réécrire ce décret ne coûterait absolument rien au Gouvernement. Il suffirait d’ajouter une simple phrase pour que ces objectifs vertueux soient atteints.
Je vous remercie de bien vouloir faire part de ma franche incompréhension au ministre concerné par ma demande.
frais des associations patriotiques de bénévoles
M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, auteure de la question n° 1038, adressée à M. le ministre des armées.
Mme Christine Herzog. Notre calendrier annuel est rythmé par les cérémonies patriotiques permettant de commémorer les anciens combattants.
Les porte-drapeaux ont une mission hautement symbolique, puisqu’ils rendent hommage aux combattants et disparus en portant le drapeau tricolore de leur association.
L’importance mémorielle et symbolique donnée à cette tradition française du souvenir ne trouve cependant aucun financement public d’importance équivalente.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Christine Herzog. La tenue, imposée par un certain code vestimentaire, les accessoires et le matériel pour les cérémonies ne sont pas toujours subventionnés par les collectivités, ou le sont de manière insuffisante.
Ce sont les associations, voire les bénévoles eux-mêmes, qui doivent payer les tenues, le matériel et les accessoires et qui doivent prendre en charge les frais de déplacement pour assurer une représentation à ces cérémonies. À ces dépenses coûteuses s’ajoutent des frais de gestion bancaire élevés.
Ce manque de moyens n’est pas de nature à encourager l’implication des bénévoles, et encore moins des jeunes. Pour attirer et fidéliser ces derniers, une participation financière de l’État serait la bienvenue.
Alors que le Président de la République veut mettre l’accent sur la formation des jeunes, sur ce qui fait notre histoire et l’unité de la Nation, pourquoi les porte-drapeaux ne sont-ils pas aidés financièrement par l’État pour incarner la mémoire nationale ?
Par ailleurs, le ministère de l’intérieur ne pourrait-il pas créer une section spéciale au sein de la réserve opérationnelle ou de la réserve civile, pour faciliter la participation aux commémorations et renforcer le lien entre le monde combattant et la communauté nationale ?
Mme Nathalie Goulet. Excellent !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Herzog, le ministère des armées est particulièrement mobilisé pour faire vivre le lien entre les armées et la Nation, notamment lors des cérémonies patriotiques.
Tout d’abord, le ministère confie à l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) le soin de contribuer au financement de l’acquisition et de la rénovation des drapeaux des associations d’anciens combattants.
Après avoir été doublé en 2023, année au cours de laquelle le financement était passé de 150 à 300 euros pour une acquisition et de 80 à 160 euros pour une réfection, le montant de l’aide connaît une nouvelle évolution importante en 2024.
L’aide forfaitaire est remplacée par une aide proportionnelle aux dépenses engagées par l’association. Celle-ci s’échelonnera désormais entre 100 et 500 euros. Après que 14 119 euros ont été dépensés à cette fin en 2023, le budget prévisionnel pour 2024 s’élève à 40 000 euros.
Par ailleurs, si les tenues sont à la charge des porte-drapeaux ou de leur association, c’est parce que, vous le savez, aucune tenue réglementaire n’est exigée. Les porte-drapeaux sont cependant invités à porter des vestes, des chemises blanches ou des cravates.
Mme Nathalie Goulet. Et des gants !
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État. Un certain nombre d’associations étant reconnues d’utilité publique, leurs membres bénévoles peuvent également obtenir, sous certaines conditions, une réduction d’impôt afin de couvrir les dépenses engagées.
En outre, le ministère des armées subventionne les associations sur la base des projets qu’elles lancent. L’ONaCVG propose aux associations et collectivités soucieuses de recruter de former des jeunes pour assurer le renouvellement des porte-drapeaux. C’est dans cet esprit que les projets locaux de formation de porte-drapeaux sont subventionnés et que, chaque année, à l’occasion du 14 juillet, est organisé un séjour parisien dont bénéficient une vingtaine de jeunes porte-drapeaux.
Enfin, dans un objectif de fidélisation, les porte-drapeaux peuvent être nommés au grade de chevalier de l’ordre national du Mérite ou se voir décorés de la médaille de la jeunesse, des sports et de l’engagement associatif.
M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, pour la réplique.
Mme Christine Herzog. Merci, madame la secrétaire d’État, d’accorder une importance toute particulière aux associations d’anciens combattants et d’y impliquer notre jeunesse.
désengagement des forces françaises et de la représentation diplomatique au niger
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Ruelle, auteur de la question n° 1066, adressée à M. le ministre des armées.
M. Jean-Luc Ruelle. Le 22 décembre 2023, le divorce était consommé au Niger. Ce jour-là, les derniers des 1 450 militaires français qui y étaient déployés ont quitté le pays, mettant fin à plus de dix ans de lutte anti-djihadiste de la France au Sahel.
Lors d’une audition au Sénat en octobre dernier, le ministre des armées avait indiqué qu’il évaluait le coût de ce désengagement, étalé sur trois mois, entre 200 et 400 millions d’euros, la fourchette haute des prévisions étant la plus probable.
En effet, en plus des soldats, plus de 2 500 conteneurs auraient été évacués hors du pays. Une partie du matériel a rejoint la France par avion depuis la base de Niamey. Une autre partie a été transportée par la route, en passant par le Tchad jusqu’au port de Douala. Cette opération logistique aurait été assurée par un transporteur externe et civil.
Une dernière partie, enfin, a été stockée dans la base militaire française de N’Djamena. Ce matériel devait être définitivement ramené dans l’Hexagone dans le courant du mois de janvier 2024, avec l’aide du Qatar.
Pourtant, certaines informations provenant du terrain portent à croire que tout l’équipement militaire n’a pas pu faire l’objet de ce rapatriement, qu’une partie de cet équipement aurait subi des destructions volontaires – notamment les armements blindés – et que des munitions auraient été enfouies.
Ce tableau plutôt amer et peu glorieux me conduit à poser plusieurs questions. La totalité des équipements militaires a-t-elle été rapatriée en France ? Le Gouvernement confirme-t-il les détériorations délibérées qui ont été relatées ? Quel est le coût exact du désengagement militaire ? Enfin, quels sont les dispositifs prévus pour assurer la préservation des emprises françaises au Niger – ambassades, lycées ? Plus généralement, comment seront sécurisées les emprises françaises à l’étranger ?
Madame la secrétaire d’État, il est nécessaire de procéder à une évaluation ex post de cette retraite précipitée et d’en tirer des enseignements pour la gestion des futures crises.
Mme Nathalie Goulet. Excellente question !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Ruelle, le 24 septembre dernier, le Président de la République a annoncé la fin de la coopération en matière de défense entre la France et le Niger, ainsi que le rappel de l’ambassadeur et le départ des militaires et des équipements français avant la fin de l’année 2023. La restitution de la dernière emprise militaire s’est déroulée dans les temps, le 22 décembre 2023.
Vous interrogez le Gouvernement sur le coût de la manœuvre logistique de désengagement. Celui-ci est de 80 millions d’euros ; il couvre le coût des transports, des dépenses engagées en matière de ressources humaines – dont le versement d’indemnités Opex (opérations extérieures) –, ainsi que des dépenses diverses relatives à des zones de stockage, des contrats d’externalisation ou encore des taxes aéroportuaires.
Votre question porte aussi sur le sort des équipements militaires français qui étaient sur place. L’écrasante majorité de ces équipements a été désengagée du Niger : 1 929 conteneurs, 600 matériels roulants et 22 aéronefs, pour un total de plus de 820 millions d’euros de matériel.
Une petite partie des équipements non critiques a été remise à l’armée nigérienne, comme l’accord encadrant le retrait des forces françaises le prévoyait. Il s’agit d’infrastructures non démontables ou vétustes, de matériels logistiques, de stations d’épuration ou encore de bungalows et de structures de tentes, dont la valeur représente moins de 2 % du matériel français stationné au Niger.
Vous interrogez le Gouvernement sur le nombre de militaires français qui ont été transférés du Niger au Tchad. Il est important de préciser que les effectifs au Tchad n’ont pas été renforcés à la faveur du désengagement. Toutefois, la moitié des 1 500 personnes désengagées du Niger en deux mois par la route ou par les airs ont transité par le Tchad. Il s’agit donc d’une manœuvre, non pas de redéploiement, mais bien de transit.
Vous soulevez la question de la sécurisation de l’ambassade de France. Les armées ont aidé au désengagement de l’ambassade, mené par la mission diplomatique de défense. Ainsi, 9 personnes, un conteneur et 9 véhicules ont été évacués par voie aérienne, civile et militaire, le 30 décembre dernier.
La sécurité des emprises diplomatiques relève de la direction de la sécurité diplomatique du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Le ministère des armées a cependant renforcé le dispositif assuré par les gendarmes en poste à Niamey, dans l’attente d’un renfort que les Nigériens n’ont jamais accepté. Ces derniers ont l’obligation, depuis la fermeture des bâtiments, d’assurer la sécurité du site au titre des articles 22 et 45 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques.
équivalence entre permis c et permis d
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, auteur de la question n° 1182, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Pierre Jean Rochette. Ma question porte sur un sujet qui concerne à la fois le pouvoir d’achat, le monde agricole, la ruralité et la mobilité. C’est vous dire combien elle est importante.
En zone rurale, nous déplorons une pénurie importante de conducteurs d’autocars pour les transports scolaires. La Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) déplorait un manque de 6 000 conducteurs à la rentrée de septembre 2023.
Les raisons en sont diverses, mais on peut citer parmi celles-ci la fin du service militaire, qui jouait un rôle de centre de formation important pour les conducteurs de poids lourds et d’autocars, ou la complexité croissante des formations.
De fait, ce métier est victime d’un désamour, qui pose de sérieux problèmes aux collectivités pour assurer, sur le terrain, le service public que nous devons à nos concitoyens.
Madame la secrétaire d’État, ma question est simple : pourquoi ne pas autoriser une équivalence entre les permis ? Est-il normal que le chauffeur d’un poids lourd de 44 tonnes ne puisse pas conduire un minibus transportant quinze enfants ? S’il dispose des compétences pour conduire un semi-remorque, il me semble qu’il doit logiquement pouvoir conduire un minibus. Cette pratique était permise autrefois, avant qu’elle ne cesse, en application, je suppose, de la réglementation européenne.
Pourtant, la dérogation prévue à l’article L. 221-1 du code de la route crée un système d’équivalences sous conditions. Nous pourrions ainsi envisager une nouvelle classification des minicars, ce qui permettrait de régler un véritable problème en zone rurale. Madame la secrétaire d’État, comptez-vous aller dans ce sens ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur, la pénurie de conducteurs de cars scolaires est, vous le savez, un sujet de préoccupation pour le Gouvernement.
Si la situation a été difficile, voire très difficile lors de la rentrée scolaire 2022, elle s’est nettement améliorée à la rentrée de septembre 2023. Elle demeure néanmoins fragile, dans un contexte marqué par les tensions de recrutement dans le secteur du transport de voyageurs. Ces difficultés résultent de facteurs multiples comme l’augmentation régulière des besoins, une pyramide des âges très défavorable et des niveaux de rémunération et des perspectives d’évolution professionnelle peu attrayants.
J’en viens plus particulièrement à votre proposition. La catégorie D du permis de conduire concerne les véhicules automobiles construits pour transporter plus de huit passagers, non compris le conducteur.
Cette réglementation, rappelée dans le code de la route, découle de la transposition en droit français de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 relative au permis de conduire, laquelle s’impose à l’ensemble des États membres.
Cette directive prévoit des équivalences entre les différentes catégories, mais il n’en existe aucune entre les catégories de transport de marchandises et celles qui touchent au transport de personnes.
En effet, le transport de voyageurs requiert des compétences différentes de celles qui sont nécessaires pour le transport routier de marchandises, comme la capacité à prendre en compte la sécurité des passagers.
Par ailleurs, le système d’équivalences que vous citez, qui est défini à l’article L. 221-1 du code de la route et qui permet à certaines personnes de conduire des véhicules agricoles sans être titulaires du permis correspondant, tient au fait que les véhicules agricoles sont hors du champ de la directive. Il n’est donc pas applicable aux véhicules de catégorie D.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour la réplique.
M. Pierre Jean Rochette. C’est bien dommage, car cette mesure constituerait un levier en faveur du pouvoir d’achat des agriculteurs. Bien souvent, ces derniers assuraient le transport scolaire dans nos zones rurales, une activité qui pouvait leur rapporter jusqu’à 1 000 euros de plus par mois, selon le volume horaire du travail réalisé.
J’invite le Gouvernement à réfléchir à ma proposition : il s’agit simplement d’étendre la dérogation prévue à l’article L. 221-1 du code de la route au transport de voyageurs. Un conducteur de poids lourds est parfaitement capable de conduire un minicar de type Renault Master sans pour autant avoir suivi une formation spécifique.
conditions de sécurité de la gare maritime de dzaoudzi à mayotte
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, auteur de la question n° 1210, transmise à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Saïd Omar Oili. Alors que l’opération Wuambushu 2 est programmée le 15 avril prochain, l’absence de conformité de la gare maritime de Dzaoudzi aux normes internationales de sécurité ne risque-t-elle pas d’affecter le processus de reconduite à la frontière des étrangers à Mayotte ?
Cette gare maritime est stratégique : elle a accueilli plus de 23 000 étrangers en situation irrégulière en 2023 dans le cadre des opérations de reconduite à la frontière, soit le chiffre le plus élevé de tout l’Hexagone.
Un blocage de ces reconduites par les autorités comoriennes pour des raisons de sûreté mettrait en péril Wuambushu 2 et nuirait à l’image de notre pays.
Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous communiquer des éléments rassurants sur la mise aux normes de la gare maritime ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur, la gare maritime internationale de Dzaoudzi fait régulièrement l’objet d’audits nationaux de sûreté, comme toutes les installations portuaires de métropole et d’outre-mer.
Le dernier audit, réalisé en septembre 2023, a conclu que la sécurité portuaire de la gare maritime s’était nettement améliorée depuis 2017 et qu’elle était désormais satisfaisante. Aucune non-conformité majeure n’a ainsi été relevée. En particulier, les opérations d’inspection-filtrage sur les passagers piétons sont réalisées par des personnels correctement formés.
Je précise qu’un projet de réfection totale de la gare maritime est à l’étude ; l’accueil des passagers serait optimisé, grâce à un déplacement des opérations de contrôle documentaire réalisées par la compagnie maritime en amont du point d’inspection-filtrage ; les contrôles de sûreté seraient assurés par les services de la police aux frontières.
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour la réplique.
M. Saïd Omar Oili. Je suis assez surpris de votre réponse, madame la secrétaire d’État.
À Mayotte, il y a quinze jours encore, j’ai été interpellé par les opérateurs des bateaux permettant de reconduire les étrangers en situation irrégulière aux Comores. Les autorités de ce pays leur ont adressé un courrier leur indiquant que tous les problèmes auxquels les Comores font face proviendraient de Mayotte, tout simplement parce qu’aucun scanner ne permet de contrôler ce que transportent les passagers et ce qui entre dans l’archipel.
Si l’on ne fait rien, les policiers et les gendarmes qui travaillent sur place se décourageront, car leur travail et toute l’opération seront réduits à néant.
Madame la secrétaire d’État, on ne reprochera jamais au Gouvernement d’avoir été trop prudent.
étudiants expulsés de leurs logements pour les jeux olympiques et paralympiques
M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, auteure de la question n° 1199, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Chaque année, près de 70 % des étudiants bénéficient d’un logement dans une résidence gérée par un centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous). Par souci d’économie ou pour effectuer des stages, ils y vivent aussi pendant la période estivale.
Or, afin de loger les athlètes, ainsi que le personnel nécessaire lors des prochains jeux Olympiques et Paralympiques, le Gouvernement prévoit d’expulser près de 2 200 de ces étudiants. En guise de dédommagement, madame la ministre, vous leur avez promis 100 euros, ainsi que deux places pour assister à une épreuve olympique. Cette contrepartie est manifestement insuffisante, notamment pour couvrir les frais d’un éventuel déménagement.
Face à cette problématique, le Gouvernement a certifié que les étudiants concernés seraient relogés sans aucun surcoût. Cette promesse semble difficile à croire, alors que notre pays connaît une grave crise du logement.
Lors de la pandémie de covid-19, les étudiants et, plus généralement, les jeunes ont été les grands oubliés du Gouvernement, alors même qu’ils sont l’avenir de notre pays. Il me semble que vous délaissez de nouveau les étudiants, notamment les plus précaires, et que vous les sacrifiez à des fins publicitaires.
Madame la ministre, le Gouvernement envisage-t-il de prendre d’autres dispositions en faveur de ces étudiants, au-delà de celles que vous avez déjà annoncées ? Compte-t-il les reloger, alors même que chacun connaît les grandes difficultés qu’éprouvent nos concitoyens les plus précaires pour se reloger ? Surtout, entend-il dédommager les étudiants à hauteur du préjudice réel qu’ils subiront ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame Carlotti, permettez-moi tout d’abord de reformuler votre question de la manière suivante – car, au fond, c’est la seule qui compte : certains étudiants hébergés dans un Crous seront-ils expulsés ou mis à la rue l’été prochain à l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques ? Non, aucun ! Je tiens à l’affirmer ici de nouveau.
Quelle est la vérité ? Comme je l’ai annoncé au printemps dernier, moins de la moitié des 6 000 logements Crous inoccupés chaque été en Île-de-France seront mis à la disposition des agents publics qui interviendront en renfort sur les différents sites de compétition.
Cette mise à disposition relève du bon sens : elle permettra de faire face aux besoins en termes de logements de celles et ceux qui viendront travailler – les policiers, les pompiers, les soignants – à l’occasion du plus grand événement jamais organisé en France.
Pour éviter la cohabitation, dans une même résidence, entre des étudiants et des agents, aux horaires souvent décalés, il a été décidé que les logements vacants seraient regroupés dans douze résidences franciliennes. Cette solution implique de reloger les étudiants dans d’autres résidences à proximité, ou près du centre d’intérêt qu’ils auront choisi.
On estime que 2 200 étudiants au plus auront besoin de changer de chambre. À l’heure actuelle, un peu moins de 1 500 d’entre eux ont demandé à être relogés dans une résidence universitaire cet été. Évidemment, aucun étudiant ne se retrouvera sans logement et la phase de soumission des propositions de logement estival a commencé la semaine dernière. L’État garantit que chaque étudiant concerné recevra une proposition d’ici à la fin du printemps.
Les Crous prendront en charge le déménagement des étudiants – transport, mise à disposition d’équipes d’accompagnement, fourniture de cartons, etc. – et, ce mois-ci, un montant forfaitaire de 100 euros sera versé aux habitants des douze résidences que je viens d’évoquer. Enfin, dès cette semaine, les étudiants concernés recevront deux places pour les jeux Olympiques ou Paralympiques.
Ce calendrier, dans son ensemble, a été communiqué aux étudiants des résidences concernées le 4 avril dernier par le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous).
Après le temps des polémiques souvent mensongères, madame la sénatrice, entrez avec nous dans une nouvelle phase : celle des engagements tenus. C’est le meilleur service que l’on puisse rendre aux étudiants.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour la réplique.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Je vous remercie de toutes ces précisions, madame la ministre. Je souhaite que ces jeux Olympiques et Paralympiques constituent un grand moment de fête pour tous, particulièrement pour une jeunesse qui galère pour trouver un stage, un logement, etc. J’espère que les jeunes concernés seront satisfaits de vos annonces.
délocalisation des épreuves du concours commun des instituts nationaux polytechniques 2024
M. le président. La parole est à M. Francis Szpiner, auteur de la question n° 1212, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Francis Szpiner. Madame la ministre, comme vous le savez, les épreuves des concours d’entrée aux grandes écoles auront lieu aux mois de juin et juillet.
Les jeux Olympiques affecteront manifestement leur organisation, et c’est pourquoi il a été décidé de délocaliser une partie de ces épreuves à Toulouse, une ville que j’aime beaucoup, qui m’est chère, mais dont l’accès n’est pas des plus simples depuis toute la France.
Or près de 33 000 étudiants sont concernés. Au stress induit par les épreuves orales et les épreuves de TIPE (travail d’initiative personnelle encadré) s’ajouteront, pour ces élèves, le déplacement – il faudra parfois compter la journée pour se rendre à Toulouse – et des frais plus importants que ceux qu’ils auraient eu à engager si l’épreuve avait eu lieu à Paris.
Dans ce contexte, un certain nombre d’étudiants sont inquiets et se demandent ce qui va se passer. En réponse, le site du service des concours des écoles d’ingénieurs (SCEI) indique que l’on « fera au mieux pour lisser les difficultés inhérentes à cette situation ».
Étant simplement avocat, et non pas agrégé de lettres, puis-je vous demander, madame la ministre, de me traduire en français ce que veut dire cette expression ? J’aimerais savoir ce que les étudiants peuvent espérer d’une situation où la préparation de leurs oraux se voit singulièrement compliquée.
Mme Nathalie Goulet. Excellent !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Szpiner, les oraux du concours commun des instituts nationaux polytechniques (CCINP) et de l’épreuve commune de TIPE sont organisés par le service des concours des écoles d’ingénieurs. J’ajoute, pour rappel, que chaque école est autonome dans l’organisation des concours.
Comme vous l’avez relevé, le SCEI s’est très tôt rapproché des services de mon ministère afin de fixer les dates des épreuves de cette année, en raison de la tenue concomitante des jeux Olympiques à Paris.
Le ministère a alors créé un comité de pilotage. De ses travaux a émergé la décision, consensuelle, d’organiser les oraux du CCINP et l’épreuve commune de TIPE à Toulouse. En outre, les épreuves ont été avancées, afin qu’elles s’achèvent le 21 juillet au plus tard, soit cinq jours avant le début des jeux Olympiques et, donc, la période la plus tendue en termes de transports et d’hébergement.
Vous m’interrogez aussi sur la difficulté, pour des étudiants, de traverser la France pour se rendre à Toulouse, alors que, d’habitude, les épreuves se déroulent en Île-de-France. L’an dernier, près de 32 500 candidats admissibles ont passé ces deux épreuves : 23 857 candidats, soit 75 % d’entre eux, ne venaient pas de l’Île-de-France ; ils ont donc traversé le pays pour venir passer leurs épreuves dans la région capitale. Ainsi, que les épreuves aient lieu à Toulouse ou à Paris, de nombreux candidats doivent, quoi qu’il arrive, effectuer un long voyage.
Afin de faciliter cette opération, et à titre exceptionnel en cette année olympique, le ministère a mis en relation le SCEI et le Crous de Toulouse-Occitanie pour définir les modalités d’hébergement temporaire des candidats qui en auraient besoin pendant leurs épreuves.
En outre, dans les tout prochains jours, les services de mon ministère entreront en contact avec la SNCF pour sensibiliser l’entreprise à la nécessité de mettre en place des conditions tarifaires adaptées.
Nous essayons de faire le maximum, en lien avec les SCEI, pour que les épreuves se déroulent le mieux possible.
M. le président. La parole est à M. Francis Szpiner, pour la réplique.
M. Francis Szpiner. Je vous remercie, madame la ministre, et ce d’autant plus que, même si je suis novice au Sénat, j’ai pu constater que, d’habitude, lorsque l’on pose des questions, on n’a jamais de réponse. Ce matin, j’en ai au moins deux : l’action du Crous et celle de la SNCF. Espérons que cela suffira !
délinquance juvénile en guadeloupe
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, auteur de la question n° 1213, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Dominique Théophile. Le dimanche 28 janvier, à l’issue d’une course-poursuite avec leur agresseur, un automobiliste et sa compagne ont reçu plusieurs coups de feu. L’auteur des faits, âgé de 18 ans à peine, est actuellement en détention provisoire.
Le vendredi 15 mars, un autre jeune de 19 ans a été placé en détention pour vol avec violence.
Enfin, le 3 avril dernier, quatre jeunes, tous âgés de moins de 25 ans, ont été mis en examen pour le vol et le meurtre d’un homme en mars dernier.
Ces exemples ne constituent, hélas, qu’un échantillon…
En 2023, en Guadeloupe, plus d’un vol avec arme à feu par jour a été commis par et sur des individus de plus en plus jeunes.
Le Président la République a annoncé, dans le discours qu’il a prononcé à Tonneins en octobre dernier, l’arrivée de trois nouvelles brigades pour tenter d’endiguer ce problème : une brigade mobile à Capesterre-de-Marie-Galante, une brigade nautique à Gourbeyre, tandis qu’un hôtel de police devait être créé à Basse-Terre à l’horizon 2024 ou 2025.
Madame la secrétaire d’État, ces dispositifs ne sont pas suffisants. Nous devons remonter à la source du problème, ce qui nécessite une mobilisation conjointe des parents et des collectivités.
Quelles mesures l’État envisage-t-il de prendre pour encadrer la jeunesse ? Quel sera le calendrier précis de la création de ces brigades ? Quelles réponses supplémentaires compte-t-il apporter pour enrayer ce cycle de violences ? Enfin, quelles sont les mesures prévues en termes de prévention et d’assistance aux parents de mineurs et de jeunes délinquants ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. En 2023, le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) a alloué au département de la Guadeloupe une dotation de 376 000 euros, ce qui représente 14 % de l’enveloppe globale pour les outre-mer.
Cet effort significatif a permis de mener de multiples actions de prévention de la délinquance sur le terrain.
En outre, le préfet de la région Guadeloupe a organisé, en lien avec le président du conseil départemental, des assises départementales de prévention de la délinquance. L’objectif était de faire travailler ensemble les professionnels de la sécurité, de la justice, du social et de l’éducation, afin d’élaborer le plan départemental de prévention de la délinquance.
Ces assises se sont traduites par plusieurs rendez-vous : je pense notamment aux rencontres du 5 décembre 2023, qui ont lieu sous forme d’ateliers. L’un d’entre eux, consacré à l’aide à la parentalité, a permis de dresser un état des lieux et de dégager des propositions d’actions nouvelles : la réalisation d’une cartographie des dispositifs existants, l’élargissement de la démarche des cités éducatives, qui m’est chère, ou encore le renforcement de la formation des professionnels.
L’ensemble des partenaires travaille désormais sur la mise en œuvre de ces actions, qui aura lieu après la consultation du grand public. Cette initiative locale s’inscrit dans la rénovation de la stratégie nationale de prévention de la délinquance, que je défends. Le prochain Beauvau sur ce thème se tiendra, je le précise, le 23 mai prochain.
Il s’agit d’élaborer une stratégie par et pour les territoires, en prenant en compte résolument leurs besoins.
Parallèlement, la présence des forces de sécurité intérieure est renforcée par la construction de l’hôtel de police à Basse-Terre, qui a été annoncée par le Président de la République et qui devrait être achevée en juin prochain.
De même, 239 brigades de gendarmerie seront créées avant la fin du quinquennat. Ainsi, 80 nouvelles brigades sont attendues avant la fin de l’année 2024, en métropole et en outre-mer, dont la création de la brigade fixe de Guyane, qui doit intervenir le 1er mai 2024. À ce jour, le calendrier concernant la création des autres brigades n’a pas encore été arrêté. Le choix dans la répartition de ces unités tient compte des impératifs opérationnels de la gendarmerie.
M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État. Voilà, monsieur le sénateur, quelques mesures de la nouvelle stratégie de prévention de la délinquance.
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour la réplique.
M. Dominique Théophile. Je salue la mise en mouvement d’un certain nombre de dispositifs et d’organisations, mais le problème dépasse la Guadeloupe : il suffit de suivre l’actualité pour constater qu’il est national. Il faut fédérer les énergies, celle des collectivités, celle de l’État et, surtout, j’y insiste, celle des parents.
alerte sur le financement des associations locales à bobigny
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, auteur de la question n° 1175, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté.
M. Fabien Gay. Madame la secrétaire d’État, les inégalités territoriales ne sont pas chose nouvelle, particulièrement en Seine-Saint-Denis, où elles se creusent d’année en année, en décalage avec les annonces de votre gouvernement. La mobilisation d’ampleur pour un plan d’urgence pour l’éducation nationale en est une parfaite illustration.
Cette situation rend d’autant plus cruciale la politique de la ville, dont les dotations sont en diminution, ce qui suscite de vives inquiétudes au sein de la communauté balbynienne.
Ainsi, alors que la population concernée par les prochains contrats de ville augmente de plus de 10 %, il n’est prévu aucun abondement supplémentaire du budget.
Plus grave encore, le fonds qui permettait de soutenir financièrement les petites structures associatives en Seine-Saint-Denis, si précieuses, a été tout bonnement supprimé.
Enfin, les élus et les responsables associatifs locaux constatent que la ville de Bobigny ne bénéficie, chaque année, que de 20 euros par habitant en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), alors que la moyenne départementale atteint 37 euros par habitant : rien ne justifie un tel écart.
Ces prévisions sont tout simplement inadmissibles : les crédits de la politique de la ville constituent non pas une aumône pour les quartiers prioritaires, mais un levier pour rétablir l’égalité républicaine entre toutes et tous.
La citoyenneté, que votre gouvernement invoque sans cesse, mais qu’il réduit à de vagues incantations qui tendent à contrôler et réprimer toujours un peu plus les classes populaires, doit au contraire s’incarner par l’égalité républicaine.
Aussi, quelles mesures comptez-vous prendre pour renforcer les moyens de la politique de la ville en Seine-Saint-Denis, au regard de la forte hausse de la population destinataire et des besoins qui s’expriment ? Entendez-vous poursuivre une véritable politique d’accompagnement des petites structures associatives, en remplacement du fonds d’initiatives associatives ? Enfin, renforcerez-vous la dimension partenariale des contrats de ville ?
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Gay, je souscris évidemment à vos propos sur le rôle primordial des associations, notamment des petites associations, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, et sur la nécessité de continuer à les soutenir.
J’ai été pionnière à ce sujet en disant que nous devions faire confiance a priori, et contrôler a posteriori.
Dans ma circulaire du 31 août 2023, j’ai autorisé les subventions en fonctionnement pour les petites associations, afin de leur éviter les lourdeurs administratives des appels à projets et de leur simplifier la vie. J’ai également fixé l’objectif que des conventions pluriannuelles d’objectifs soient conclues avec la moitié des associations, afin que ces dernières puissent disposer de plus de visibilité.
Le fonds d’initiatives associatives est un mécanisme qui permet également de soutenir les petites associations. Celui-ci existe toujours et peut être mis en place s’il existe une volonté commune entre les services de l’État local et les collectivités.
En ce qui concerne la question des moyens, je tiens à rappeler que, depuis 2020, les crédits du programme 147 « Politique de la ville » ont augmenté de 25 %, ce qui a permis, notamment, la création du dispositif Quartiers d’été, que j’ai décidé de pérenniser l’année dernière.
Comme vous le savez, le contexte des finances publiques est tendu et le budget opérationnel de programme (BOP) 147 n’échappe évidemment pas à la rigueur budgétaire.
Malgré les récentes annulations de crédits, j’ai souhaité que l’enveloppe financière consacrée aux contrats de ville prenne en compte la réforme de la géographie prioritaire. Ainsi 4 millions d’euros ont été redéployés au sein du BOP 147, pour accorder des moyens supplémentaires aux territoires dont la population augmente. Parallèlement, les dotations pour les régions dont la population en QPV diminue ont été maintenues à leur niveau de 2023.
Enfin, il convient de rappeler que les crédits du programme 147 n’ont pas vocation à compenser le manque de crédits relevant du droit commun. Comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, je souhaite que les deux assemblées évaluent la mobilisation de ces crédits de droit commun, afin que l’on puisse agir plus efficacement.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour la réplique.
M. Fabien Gay. Madame la secrétaire d’État, vous dites tout et son contraire : l’enveloppe budgétaire augmente, mais il y a eu annulation de certains crédits… La réalité, c’est que la Seine-Saint-Denis est discriminée. Le premier à le reconnaître a été Édouard Philippe. Depuis, rien n’a bougé !
Nous sommes discriminés dans tous les domaines : l’éducation, l’accès à la santé, la culture, l’emploi et le secteur associatif.
Il faut toujours parler fort quand on vient de la Seine-Saint-Denis ! Nous réclamons non pas l’aumône, mais l’égalité républicaine. Nous voulons non pas des plans de rattrapage, mais une intégration dans les politiques communes. Assez de mots : donnez à la jeunesse les moyens de réussir !
interdiction des réseaux d’influence des frères musulmans en france et en europe
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 1176, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Nathalie Goulet. Ma question, qui concerne les réseaux d’influence des Frères musulmans en France, intervient dans un contexte un peu particulier.
Je tiens certes à saluer la volonté du ministre de l’intérieur et de nos services de lutter contre l’islam radical, mais les dernières attaques contre la jeune Samara, la mort de Shemseddine, les attaques répétées contre le corps enseignant et la laïcité constituent des alertes qui soulignent le danger que je dénonce depuis longtemps.
La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite loi Séparatisme, a fait l’objet d’une évaluation peu concluante de la part de nos collègues de la commission des lois. Ces derniers montrent qu’il existe de très nombreuses failles. Des questions demeurent, notamment, sur le financement des associations. Lorsque l’on interdit une association en France, elle s’installe – chacun le sait – en Belgique, et les réseaux sociaux font le reste.
Les Frères musulmans sont inscrits sur la liste des organisations terroristes dans de très nombreux pays : en Autriche, aux Émirats arabes unis, en Arabie saoudite, etc.
Nos collègues britanniques sont en train de mener une enquête notamment sur les associations Muslim Association of Britain, Cage International et Mend, qui suscitent de nombreuses inquiétudes et dont les actions ne se limitent pas à l’autre rive de la Manche. Malgré le Brexit, leurs nuisances continuent à toucher la France.
La confrérie des Frères musulmans est très active dans les diatribes antisémites. Or le ministre a noté que les actes antisémites et les atteintes à la laïcité ont augmenté de 319 % l’an dernier.
Madame la secrétaire d’État, que comptez-vous faire pour interdire les Frères musulmans et réduire leur influence dans notre pays ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice, la lutte contre le séparatisme islamiste et l’antisémitisme est, comme vous le savez, une priorité du Gouvernement.
Nous sommes déterminés à ne laisser aucun répit à ceux qui cherchent à diviser notre société et qui s’en prennent aux valeurs de la République, ainsi qu’à nos compatriotes juifs.
Depuis plus de cinq ans, les gouvernements successifs luttent contre les islamistes, qu’ils soient liés à la mouvance des Frères musulmans ou à d’autres courants.
La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République offre en effet aux services de l’État un arsenal juridique mobilisable à l’encontre des associations, des lieux de culte ou encore des individus qui sont en rupture avec les principes et les valeurs de la République.
Par ailleurs, depuis 2021, l’État a déjà identifié une vingtaine de fonds de dotation douteux liés à l’islam politique : quatre ont été dissous, cinq sont suspendus et trois font l’objet d’une mise en demeure de respecter la réglementation.
Lutter contre les Frères musulmans, c’est aussi lutter contre leurs penseurs et leurs prédicateurs. Je ne reviendrai pas sur les expulsions qui ont lieu, et dont vous avez pu lire le détail dans la presse.
Permettez-moi de revenir sur l’antisémitisme, que vous dénoncez à juste titre. Vous me trouverez toujours à vos côtés pour lutter contre ce fléau, où qu’il se manifeste.
La France a connu une hausse inédite et inacceptable des actes antisémites en 2023 : 1 676 faits ont été enregistrés, soit une augmentation de 284 % par rapport à l’année 2022.
Depuis 2017, seize arrêtés de fermeture de lieux de culte ont été publiés. Depuis 2013, trente-huit décrets de dissolution d’associations ou de groupements de fait ont été pris sur le fondement de l’antisémitisme : vingt d’entre eux concernaient la mouvance islamiste.
Ces données vous confirment toute l’attention que nous accordons à ce phénomène. Je tiens à cet égard à souligner le travail remarquable des députés Mathieu Lefèvre et Caroline Yadan.
En conclusion, vous nous trouverez toujours, madame la sénatrice, face à ceux qui voudraient diviser notre pays d’une manière ou d’une autre.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État. J’ai évidemment soutenu les différentes actions que vous avez évoquées, mais les difficultés persistent.
J’ai demandé au Gouvernement de supprimer certaines applications, notamment – c’était en 2019 – Euro Fatwa : rien !
J’ai demandé un plus grand contrôle du financement de ces associations, y compris les financements européens : rien non plus !
Il y a quelques jours, Al-Jazeera prônait les vertus de la polygamie.
Madame la secrétaire d’État, tout cela relève du séparatisme et nuit à la République et à sa cohésion. Zéro tolérance pour les ennemis de la République ! Je ne voudrais pas que nous nous retrouvions dans un mauvais remake de La Fièvre !
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, auteur de la question n° 1148, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Chaque semaine, des refus d’obtempérer sont signalés sur l’ensemble du territoire national. Dans certains cas, des blessés sont à déplorer, comme ce fut récemment le cas pour la sous-préfète de Moselle ; parfois, des agents des forces de l’ordre sont tués, comme la jeune gendarme Mélanie Lemée dans mon département, le Lot-et-Garonne.
Ces refus d’obtempérer entraînent souvent une course-poursuite permettant dans la plupart des cas d’interpeller les délinquants.
Or, depuis quelques mois, la fameuse note 89 exige de la part des policiers que la poursuite d’un véhicule ne puisse être liée qu’à des faits d’une extrême gravité comme la fuite, l’évasion d’un individu dangereux ou encore la traque de l’auteur d’un crime de sang. Pour les autres situations, jugées moins graves, la course-poursuite n’est pas obligatoire.
Ainsi, avec l’aide de leur hiérarchie à travers la radio, les équipages de police doivent juger de l’importance du délit ou du crime qui vient d’être commis.
Tandis que les refus d’obtempérer sont désormais légion, il est donc demandé à nos forces de l’ordre d’évaluer en quelques secondes la raison pour laquelle l’individu a refusé de s’arrêter, mais également l’éventuel danger d’une course-poursuite pour les riverains.
Autant dire, madame la secrétaire d’État, qu’ils doivent posséder un esprit particulièrement vif et faire preuve d’un discernement immédiat, précis et affûté. Cela les place trop souvent dans des situations complexes et difficiles.
Je sais que la note 89 est en train d’être réécrite, mais que fait-on, madame la secrétaire d’État, pendant ce temps ? Laisse-t-on les délinquants faire la loi en toute impunité ou leur envoie-t-on enfin un véritable message de fermeté ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice, on leur envoie le message de la plus grande fermeté !
Je comprends parfaitement votre interrogation. Cependant, permettez-moi de souligner que le délit de fuite et la poursuite de véhicule dans le cadre d’un refus d’obtempérer à une sommation de s’arrêter sont deux situations différentes. Dans ce dernier cas, une poursuite du véhicule peut être engagée à la condition, extrêmement stricte, que les faits soient qualifiés d’une « grande gravité ».
Par instruction de commandement en date du 14 mai 1999, la police nationale a rappelé que seules sont concernées les situations de fuite ou d’évasion d’un individu armé ayant l’intention d’attenter à la vie d’un tiers, de crime de sang, ainsi que de crimes ou délits aggravés entraînant un préjudice corporel.
Dans les autres situations pénales, toute poursuite systématique est exclue, notamment en cas de refus d’obtempérer. Cela se règle par une recherche ou une mise en surveillance de l’individu en vue de son interpellation.
Depuis le 3 juillet 2020, cette doctrine d’intervention a évolué, et la préfecture de police autorise dorénavant la poursuite d’un véhicule refusant d’obtempérer. Cependant, cette poursuite s’effectue avec discernement et fait l’objet d’un compte rendu immédiat au centre interministériel de crise qui évalue le bien-fondé de l’intervention.
L’instruction de commandement 89 vise spécifiquement, comme motifs de poursuite, des faits graves commis ou de nature à porter atteinte à la vie humaine ou à l’intégrité physique.
Dans le contexte d’une poursuite de véhicule, l’avis hiérarchique est nécessaire, car les fonctionnaires de police doivent s’affranchir exceptionnellement du respect des règles du code de la route, dès lors qu’ils font usage de leurs avertisseurs dans les cas justifiés par l’urgence de leur mission et sous réserve de ne pas mettre en danger les autres usagers de la route.
Par ailleurs, des matériels récents et adaptés permettent de sécuriser l’action des policiers de terrain et d’apporter des preuves matérielles complémentaires à la justice. Le recours aux images de vidéoprotection en temps réel en est une illustration.
J’espère, madame la sénatrice, avoir répondu très précisément à votre interrogation.
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour la réplique.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, mais vous avouerez que tout cela est d’une complexité aberrante et je ne sais pas si les policiers s’y retrouvent ! Vous savez bien que la maison police est en train de se fissurer : ne la laissons pas s’effondrer !
recours aux professionnels de santé diplômés hors union européenne
M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, auteur de la question n° 1070, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
M. Bruno Belin. Cela fait maintenant dix-huit ans que j’écris et que je parle sur la question des déserts médicaux et, malgré toutes les annonces de bonne volonté que l’on peut entendre quasiment chaque semaine, on sait très bien que la décennie qui est devant nous sera très difficile pour les patients.
C’est pourquoi je souhaite interroger le Gouvernement sur la possibilité de recourir aux professionnels de santé diplômés hors de l’Union européenne. Nous devons évidemment veiller à ne pas « vider » – pardonnez-moi ce mot, mais il est très parlant – les pays de formation de ces professionnels, et nous devons prendre en compte les parcours de vie – je pense à une jeune médecin cubaine que l’on n’a pas autorisée à s’installer il y a quinze ans en France et qui fait maintenant le bonheur d’une célèbre agence onusienne sise à Genève.
Madame la ministre déléguée, le Gouvernement entend-il faire appel aux professionnels de santé diplômés hors Union européenne pour pallier les carences de notre système et essayer d’apporter des réponses dans les déserts médicaux ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Monsieur le sénateur Belin, votre combat contre les déserts médicaux est ancien et reconnu par tous.
Comme vous le savez, les professionnels de santé qui ne sont pas titulaires d’un diplôme français peuvent être autorisés à exercer en France sous certaines conditions, différentes selon que leur diplôme a été obtenu dans un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen ou dans un État tiers.
L’autorisation d’exercice pour les praticiens à diplôme étranger est non seulement un enjeu individuel, mais aussi, dans l’attente des pleins effets de l’augmentation des effectifs de praticiens formés en France, une mesure permettant de garantir, dans de nombreux territoires, le maintien de l’offre de soins.
En France, la voie d’accès à l’obtention du plein exercice pour les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) est le concours des épreuves de vérification des connaissances, qui a lieu chaque année.
Une refonte de cette procédure est actuellement envisagée pour faciliter le parcours de demande d’autorisation d’exercice de ces praticiens. Ces évolutions seront mises en œuvre pour partie à compter de la session 2024.
En attendant, la loi du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels a permis une première réforme structurelle du dispositif.
Elle a notamment permis la création d’une attestation d’exercice temporaire : le praticien étranger présent sur le territoire français se verra attribuer, à la suite de l’examen de son dossier par une commission d’autorisation d’exercice, une telle attestation pour treize mois en amont de sa réussite aux épreuves de vérification des connaissances. Cette attestation est renouvelable une fois en cas de premier échec, notamment pour permettre à ces praticiens de mieux se préparer aux épreuves.
À compter de 2025, d’autres aménagements du concours et de la nature des épreuves seront mis en œuvre.
Monsieur le sénateur, vous pouvez compter sur la mobilisation du Gouvernement pour lutter, à vos côtés, contre les déserts médicaux.
M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, pour la réplique.
M. Bruno Belin. Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre déléguée. Il nous faut tenter toutes les solutions et recourir à tous les savoir-faire.
Au-delà des déserts médicaux, que nous connaissons déjà, je voudrais élargir la question aux déserts pharmaceutiques vers lesquels nous nous dirigeons d’ici à la fin de la décennie. Il faut aussi y penser et je ne cesse de lancer des alertes sur ce sujet, parce que, dans six ou sept ans, seulement 15 % à 20 % des pharmaciens seront remplacés. Nous nous dirigeons tout droit vers un vrai séisme, notamment dans les territoires ruraux.
Je parle aussi autant que possible, à toutes les autorités que je croise, de la question de la pénurie de médicaments. Nous y sommes confrontés et cela entraîne déjà des défauts de soins.
J’ai quitté mon officine ce matin avec près d’une quinzaine de patients diabétiques sans Trulicity et sans visibilité sur les délais d’approvisionnement. C’est un comportement inadmissible de la part des laboratoires et de toute la chaîne de fabrication. Cela fait deux ans que nous alertons sur ce sujet et de nombreux patients subissent aujourd’hui des retards de soins, ce qui est dramatique.
situation alarmante de la santé mentale en france
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, auteure de la question n° 1072, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Annick Billon. Avant d’entrer dans le vif du sujet, je souhaite apporter mon soutien au brancardier violemment agressé ce week-end à l’hôpital de Challans. Nous devons protection à nos soignants !
J’en viens à ma question. Le rapport d’information sénatorial sur la situation de la psychiatrie des mineurs en France, paru en 2017, comportait cinquante-deux recommandations pour « sauver la pédopsychiatrie ». En 2021, un autre rapport appelait à réinvestir la santé mentale après le choc de la crise sanitaire.
Les maladies mentales et troubles psychiques concerneraient 13 millions de Français, soit un sur cinq. Leur prise en charge est le premier poste de dépenses de l’assurance maladie, devant celle des cancers, pour un coût annuel de 23 milliards d’euros. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime le coût économique et social des troubles psychiques à 109 milliards d’euros par an.
Les rapports s’accumulent, les gouvernements se succèdent et la situation de la santé mentale en France ne fait qu’empirer, car les moyens, bien qu’importants, ne s’élèvent pas à la hauteur des besoins.
Sur le terrain, cela se concrétise par des postes à pourvoir qui demeurent vacants, des fermetures de lits, des conditions de travail dégradées, des violences envers les soignants, des délais toujours plus longs de prise en charge, de la maltraitance ou encore des défauts de prévention qui ont pour conséquence que toujours plus de jeunes tentent et parviennent à mettre fin à leurs jours.
L’inventaire des maux ne permet pas de guérir, mais il témoigne de l’urgence à considérer la santé mentale comme une priorité gouvernementale. De surcroît, la carence de moyens ajoute au manque d’attractivité de la spécialité. Les professionnels de la psychiatrie considèrent que nous sommes assis sur des bombes à retardement !
Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en place à court et moyen termes pour attirer des personnels soignants et doter la santé mentale de moyens suffisants ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Madame la sénatrice Billon, vous avez raison : il faut commencer par briser le tabou de la santé mentale. Des familles traversent de grandes difficultés et ressortent parfois anéanties. J’ajoute que la santé mentale des enfants et des adolescents s’est particulièrement dégradée depuis la crise de la covid-19.
Les recours aux soins d’urgence pour troubles de l’humeur, les idées et gestes suicidaires ont fortement augmenté en 2021, puis en 2022, et se maintiennent depuis à un niveau très élevé. Cette dégradation de la santé mentale des Français, plus spécifiquement des jeunes, appelle une réponse forte de notre part – je sais qu’il s’agit de l’un de vos combats depuis longtemps.
En septembre 2021, les Assises de la santé mentale ont permis de structurer une nouvelle feuille de route pour la santé mentale et la psychiatrie pour la période 2021-2026, enrichie de nouvelles mesures – treize par rapport à la feuille de route 2018-2021. Sa mise en œuvre est régulièrement évaluée : le prochain comité stratégique de suivi aura d’ailleurs lieu à la fin du mois.
Concrètement, cette stratégie s’est traduite par des mesures fortes en matière de prévention, comme la formation de secouristes en santé mentale ou la mise en place du 3114, numéro national de prévention du suicide, un renforcement de l’offre de soins grâce à une augmentation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie correspondant aux activités de psychiatrie qui atteint désormais plus de 12 milliards d’euros.
Plus spécifiquement, un appel à projets relatif au fonds d’innovation organisationnelle en psychiatrie a été lancé en 2019, à la demande des professionnels, afin de répondre aux enjeux organisationnels. Ce sont 216 millions d’euros qui ont été alloués sur l’ensemble de la période, en soutien à des projets territoriaux portés par des collectifs de soins.
Par ailleurs, nous avons pris des mesures pour renforcer l’attractivité de la discipline. Celles-ci ont permis de faire passer le pourcentage des postes non choisis par les étudiants en psychiatrie de 17,5 % en 2019 à 6 % en 2022.
La santé mentale et la psychiatrie sont donc plus que jamais une priorité du Gouvernement. Le Conseil national de la refondation (CNR) santé mentale, qui débutera en mai, nous permettra de proposer de nouvelles réponses.
Enfin, conformément aux annonces du Premier ministre, une rénovation complète du dispositif Mon soutien psy sera engagée pour le rendre plus attractif pour les psychologues et plus facile d’accès pour les Français.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.
Mme Annick Billon. La région Pays de la Loire arrive en dernière position en termes de financements. L’établissement public de santé mentale (EPSM) Georges Mazurelle de La Roche-sur-Yon dispose même du plus faible budget des hôpitaux psychiatriques de métropole.
Madame la ministre déléguée, la psychiatrie souffre de non-assistance à spécialité en danger !
augmentation des tarifs des mutuelles santé
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, auteure de la question n° 1146, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Michelle Gréaume. Alors que le désengagement de l’assurance maladie dans la prise en charge des dépenses de santé s’accentue chaque année, inexorablement, quelque 70 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales sont décidés, fragilisant un peu plus l’équilibre financier du système de santé et du budget de la sécurité sociale.
Cette situation accroît de fait la part de la prise en charge des complémentaires santé, et naturellement leurs tarifs, les rendant aujourd’hui indispensables pour pouvoir se soigner. En effet, déremboursements par la sécurité sociale et hausses des primes des complémentaires vont de pair. C’est un véritable effet d’aubaine, dont certaines n’hésitent pas à profiter en pratiquant des augmentations hors de toute réalité.
Ajoutons également l’impact non négligeable du niveau de taxation : 14,1 % pour les contrats solidaires, 21,1 % pour les contrats individuels. Cela contribue à alourdir encore un peu plus la note.
Conséquence, les tarifs des mutuelles ont grimpé en ce début d’année : entre +8,1 % et +10 % en moyenne ; +25 %, voire +30 % pour les catégories de personnes qui ne bénéficient pas de contrats collectifs, comme les retraités, les étudiants ou les indépendants.
Cumulées à l’inflation et à la baisse du pouvoir d’achat, ces hausses de tarifs sont insupportables, faisant grandir le risque de non-souscription à une complémentaire et, à terme, malheureusement, le risque de renonciation aux soins.
Au niveau national, ce sont aujourd’hui 4 millions de personnes qui vivent sans complémentaire santé, 925 000 dans le seul département du Nord.
Les récentes annonces du Gouvernement, comme le doublement des franchises médicales pour ne citer que cet exemple, tout comme l’explosion des dépassements d’honoraires chez certains praticiens, ne vont certainement pas arranger les choses.
Madame la ministre déléguée, je reste convaincue que l’égal accès à la santé pour toutes et tous réside dans la prise en charge intégrale des soins par l’assurance maladie. Mais, dans l’immédiat, il y a urgence à agir pour endiguer ces hausses tarifaires injustifiées et réduire les inégalités induites.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Michelle Gréaume. Quelles mesures concrètes, y compris en termes de sanctions, le Gouvernement compte-t-il prendre en la matière ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Madame la sénatrice, le Gouvernement partage pleinement vos inquiétudes quant à la forte augmentation des tarifs pratiqués par les complémentaires santé ces dernières années.
Le Sénat mène actuellement une mission d’information sur les complémentaires santé, dont le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, qui est particulièrement vigilant sur cette question, lira les conclusions avec une grande attention.
Le montant des cotisations prévues par les complémentaires santé pour couvrir les garanties qu’elles proposent à leurs clients relève toutefois de la liberté contractuelle et je ne peux pas prendre d’engagement direct sur ce sujet.
Néanmoins, afin de limiter l’augmentation des cotisations des complémentaires, plusieurs dispositifs ont été mis en place par le Gouvernement.
Je pense à la portabilité de la couverture santé pendant un an après la fin du contrat de travail ou encore la possibilité pour les branches de prévoir la prise en charge de tout ou partie de la couverture des anciens salariés.
Par ailleurs, depuis 2020 et en application de la loi du 14 juillet 2019, l’assuré peut mobiliser la résiliation infra-annuelle, sans frais ni pénalité, de son contrat complémentaire. L’assuré peut également renégocier son contrat, en adaptant ou supprimant des garanties inutilisées, mais je sais que cela reste difficile en pratique, en particulier pour des personnes isolées.
Je tiens également à souligner que, pour les Français les plus modestes, nous avons mis en place la complémentaire santé solidaire (C2S). Grâce à elle, leurs dépenses de santé sont remboursées entièrement dans la limite des tarifs de la sécurité sociale.
Enfin, il est faux de dire que l’assurance maladie obligatoire se désengage de la prise en charge des frais de santé. En réalité, la part des dépenses dans la consommation de soins et de biens médicaux prise en charge par l’assurance maladie n’a cessé d’augmenter au cours des quinze dernières années.
Deux facteurs expliquent cette évolution : d’une part, l’augmentation du nombre d’assurés en affection de longue durée, dont les frais de santé sont pris en charge intégralement ; d’autre part, le fait que l’assurance maladie obligatoire s’engage en faveur de prises en charge innovantes et souvent plus coûteuses, notamment en matière de médicaments.
Je rappelle à ce titre que la part de l’assurance maladie obligatoire dans les dépenses de santé s’élève à près de 80 % et que cette part a augmenté de plus de trois points depuis 2010, et de deux points depuis 2019.
situation des infirmières dites « asalée »
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 1161, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
M. Patrice Joly. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation des infirmières intégrées au dispositif d’action de santé libérale en équipe, dit « Asalée ».
Ce dispositif de coopération entre médecins généralistes et infirmiers a pour objectif d’améliorer la prise en charge de patients souffrant de pathologies chroniques. Il s’agit incontestablement d’une réussite, puisqu’il a permis de faciliter le parcours de soins du patient en valorisant de nouvelles compétences paramédicales tout en faisant gagner du temps aux médecins.
C’est un magnifique exemple de délégation de tâches et cette réussite est reconnue de tous. La prise en charge des patients est excellente avec une écoute et une proximité beaucoup plus importantes, ce qui permet le dépistage plus précoce de certaines pathologies.
Pourtant, la Caisse nationale de l’assurance maladie a acté la fin du financement des loyers pour l’hébergement des professionnels Asalée au 31 décembre 2023. Cette décision brutale, sans concertation, provoque un émoi important et une inquiétude légitime des professionnels mobilisés et des élus locaux.
À cela s’ajoutent des situations surprenantes. Ainsi, dans la Nièvre, au mois de février 2024, les neuf infirmières Asalée ont perçu leur salaire avec retard, ce qui les a mises en difficulté. Il est anormal qu’à ce jour les dates de paiement de leurs prochains salaires soient inconnues.
L’ensemble de ces problèmes financiers met à mal le travail de toutes les équipes – infirmiers, médecins, patients – et provoque beaucoup de stress, notamment sur la pérennité du dispositif, en particulier dans mon département.
Alors que nous sommes dans une situation de pénurie de professionnels de santé et que ce dispositif répond aux difficultés d’accès aux soins, le Gouvernement entend-il prendre le risque de voir disparaître l’association Asalée ? Dans le cas contraire, quelles mesures envisage-t-il de prendre, de manière urgente, pour régler cette situation ?
Enfin, le 20 mars dernier, le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention annonçait ici même qu’une nouvelle convention serait signée très vite : qu’en est-il aujourd’hui ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Monsieur le sénateur Joly, le Gouvernement est convaincu de l’intérêt majeur du dispositif Asalée et de la réponse efficace qu’il apporte dans l’accès aux soins, en particulier pour les patients atteints de maladies chroniques.
C’est un dispositif qui a fait ses preuves en matière de santé publique et il n’est, à aucun moment, question de le remettre en cause.
Les pouvoirs publics ont d’ailleurs accompagné ce projet depuis sa création et dans sa phase de croissance. L’assurance maladie participe ainsi depuis fin 2022 au financement de la formation et du déploiement de 1 200 infirmiers, bien au-delà de l’objectif initial de 700 infirmiers fixé par la convention de 2019. Ce sont plus de 80 millions d’euros qui sont versés chaque année à l’association.
Les montants investis par les pouvoirs publics sont alloués aux soins ; en revanche, la convention actuelle entre l’association et l’assurance maladie ne prévoit pas de prise en charge des loyers comme le souhaite l’association – c’est en effet un sujet de débat.
Pour l’instant, les nombreux échanges n’ont pas permis d’aboutir à une nouvelle convention. Notre priorité est de garantir la bonne utilisation de l’argent public.
L’assurance maladie n’a néanmoins ni retardé ni suspendu ses financements à l’association, qui reçoit des financements à hauteur de 6 millions d’euros par mois.
Les représentants de l’association Asalée ont été reçus le 8 mars au ministère de la santé. Les échanges vont désormais se poursuivre en vue d’établir la convention de l’année 2024 et de trouver des solutions pérennes.
Monsieur le sénateur, Asalée est un acteur important de l’évolution des soins primaires dans notre pays. Le Gouvernement soutient et continuera à soutenir ce dispositif.
dysfonctionnements de l’office national d’indemnisation des accidents médicaux
M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, auteur de la question n° 1191, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.
M. Christian Klinger. Je souhaite attirer l’attention de M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention sur les difficultés d’accès à l’indemnisation pour les victimes de la Dépakine.
Le législateur voulait un dispositif simple, objectif et rapide. En 2017, la Cour des comptes jugeait que le système de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) était « onéreux, inadapté et inefficace ».
En octobre 2022, à mon tour, je pointais ces lacunes dans un rapport parlementaire.
Deux ans après, de nombreuses victimes de la Dépakine, pourtant reconnues officiellement par l’Oniam, ne sont toujours pas indemnisées trente mois après cette reconnaissance. Pour une fois, ce n’est pas un problème de budget : l’Oniam ne redistribue qu’une petite partie des crédits qui lui sont alloués chaque année pour indemniser les victimes.
Madame la ministre déléguée, qu’envisagez-vous de faire pour que ce dispositif d’indemnisation soit efficace et que les victimes soient indemnisées dans de meilleurs délais ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. La Dépakine est un traitement antiépileptique, également prescrit contre les troubles bipolaires, commercialisé depuis 1967. Ses effets tératogènes sont connus depuis les années 1980, provoquant notamment des malformations et des troubles du neurodéveloppement chez l’enfant exposé in utero.
À la suite d’une mission de l’inspection générale des affaires sociales, un dispositif d’indemnisation pour les victimes a été créé. Il est entré en vigueur en 2017 et sa gestion a été confiée à l’Oniam.
Si le dispositif a rencontré des difficultés au moment de sa création, une réforme de ses instances en 2019 a permis de raccourcir les délais d’instruction – même si ce n’est pas encore suffisant, ce qui n’est pas acceptable.
Les deux instances préexistantes ont fusionné afin de confier à un seul collège d’experts l’évaluation des responsabilités, de l’imputabilité et de l’étendue des dommages.
Le nouveau collège a dû procéder, en plus de l’instruction des nouveaux dossiers, au réexamen d’un nombre important d’avis rendus précédemment. Ses travaux ont aussi été perturbés par la crise sanitaire.
Cependant, après un travail important, le collège a désormais réduit drastiquement ses délais d’instruction. L’ensemble des dossiers déposés en 2023 ont fait l’objet d’un avis cette même année, ce qui va dans le bon sens.
Par ailleurs, lors du renouvellement du collège en juillet 2023, ses membres ont, dans leur grande majorité, souhaité poursuivre leur mandat, ce qui témoigne de leur grande implication et a contribué à renforcer l’efficacité du dispositif.
Ainsi, au 31 mars 2024, 1 946 victimes, dont 454 victimes directes, ont reçu une offre d’indemnisation pour un montant total de 85,8 millions d’euros. Parmi elles, 1 219 ont accepté l’offre d’indemnisation pour un montant total versé de 61,2 millions d’euros.
Malgré cette amélioration, l’efficacité du dispositif continue de faire l’objet d’une attention particulière de la part du ministre délégué chargé de la santé et de la prévention ; les discussions sur le prochain contrat d’objectifs et de performance avec l’Oniam, qui auront lieu dans le courant de l’année 2024, permettront d’aborder cette question. Tant que la situation ne sera pas satisfaisante, nous continuerons à faire évoluer les choses !
M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, pour la réplique.
M. Christian Klinger. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre déléguée. Il est vrai que la reconnaissance des handicaps causés par la Dépakine est une première victoire pour les victimes, mais l’indemnisation financière est un vrai besoin pour leur quotidien. Pour les familles, les délais induits par l’inefficacité d’un organisme ne sont pas acceptables.
Je vous le répète, l’objectif était d’être simple, objectif et rapide. D’ailleurs, initialement, la loi fixait un délai d’indemnisation de six mois ; certes, cela paraissait un peu court compte tenu de l’ampleur des éléments à fournir pour constituer les dossiers.
Je sais que l’Oniam fournit des efforts, mais il faudra peut-être, madame la ministre déléguée, exercer une pression amicale sur ses responsables pour qu’ils s’accentuent…
pénurie de médicaments
M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, auteur de la question n° 1193, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.
M. Hugues Saury. Depuis 2018, les signalements de pénuries de médicaments essentiels ont décuplé, suscitant l’inquiétude et la colère des professionnels de santé. Récemment, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) indiquait avoir enregistré près de 5 000 signalements de ruptures de stocks et de risques de rupture en 2023, soit une hausse de 30,9 % par rapport à 2022 et de 128 % par rapport à 2021 !
Toutes les classes thérapeutiques sont touchées et ces pénuries en constante augmentation posent des questions quant à la garantie de notre sécurité sanitaire. La situation actuelle est non seulement aberrante pour les professionnels de santé sous pression, qui perdent du temps en recherches auprès des grossistes-répartiteurs ou des confrères, mais elle est aussi, et surtout, dangereuse pour les patients, puisqu’elle menace à terme la prise en charge effective des personnes malades, avec un réel risque de perte de chances pour certains.
Face à cette situation, une nouvelle feuille de route visant à garantir la disponibilité des médicaments a été présentée en février 2024. Mais l’augmentation constante de ces pénuries depuis 2017 suffit pour faire le bilan – sans effets ! – de ces plans à répétition.
Je ne disconviens pas que la dernière en date présente un certain nombre d’actions susceptibles d’améliorer l’information et – je l’espère – d’apporter des solutions. Encore faut-il qu’elles soient réellement appliquées !
Il faut notamment donner la possibilité aux pharmaciens d’officine de remplacer les médicaments en rupture par un médicament disponible sans solliciter le prescripteur qui est rarement joignable facilement.
Il faut également assouplir les règles de fabrication à l’officine d’un certain nombre de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Les pharmaciens reçoivent une formation initiale et continue pour cela.
Le Gouvernement dispose des recommandations de la commission d’enquête du Sénat sur les pénuries de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique française, qui a su travailler avec pragmatisme et écouter les acteurs, dans toute leur diversité, pour proposer des mesures de bon sens.
Madame la ministre déléguée, ma question est simple : quels sont les objectifs du Gouvernement pour enrayer ces pénuries de médicaments ? Quel calendrier envisagez-vous ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Monsieur le sénateur Saury, la mobilisation du Gouvernement est totale pour garantir l’accès des Français aux médicaments, mais il est vrai que des pénuries persistent.
Comme vous le soulignez, le nombre de déclarations de ruptures ou de risques de ruptures de stock de médicaments a augmenté ces dernières années. Cette situation est malheureusement la même au niveau international, et les raisons en sont multiples.
Depuis 2019, des mesures fortes ont été mises en œuvre pour renforcer la prévention des pénuries, comme l’interdiction des exportations de médicaments par les grossistes-répartiteurs dans les situations de tensions ou l’obligation pour les industriels de constituer des stocks de sécurité pour le marché national.
La situation s’est malheureusement dégradée depuis 2019 en raison du contexte géopolitique et sanitaire international.
Les ministres Catherine Vautrin, Frédéric Valletoux et Roland Lescure ont donc présenté en février dernier une nouvelle feuille de route destinée à lutter contre les pénuries de médicaments, qui fixe la stratégie gouvernementale des trois prochaines années. Elle tient bien sûr compte du rapport et des recommandations de la mission d’enquête du Sénat de juillet 2023.
Les principales mesures sont les suivantes : agir sur la répartition des stocks sur l’ensemble du territoire en diminuant la vente directe et en favorisant le recours aux grossistes-répartiteurs ; libérer des stocks d’État pour les médicaments subissant de fortes tensions, comme l’amoxicilline au cours des derniers mois ; faire coïncider les quantités prescrites avec les conditionnements pour éviter le gaspillage, ce qui rend essentiel le rôle des officines ; améliorer la visibilité sur les stocks disponibles pour mieux anticiper les ruptures.
En parallèle, d’autres actions sont menées par le Gouvernement et les services de l’État. Je pense notamment à la mise en place d’une charte d’engagement de bonnes pratiques entre l’ANSM et les acteurs de la chaîne pharmaceutique. Des travaux sont également menés à l’échelon européen pour obtenir un accord autour d’un Critical Medicines Act, qui va être essentiel pour lutter contre ces pénuries.
inquiétudes sur les modalités d’octroi de trimestres supplémentaires pour la retraite des sapeurs-pompiers volontaires
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, auteur de la question n° 991, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
M. Jean-Jacques Michau. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les inquiétudes des sapeurs-pompiers volontaires relatives à l’application concrète de la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, dont l’article 24 accorde, au titre de la solidarité nationale, des trimestres supplémentaires pour la retraite des sapeurs-pompiers volontaires ayant accompli au moins dix années de service.
Cette disposition consacre une demande ancienne. Cette bonification de trimestres de retraite est tout d’abord une reconnaissance de la Nation pour l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires au service de la protection de la population. Elle permet aussi de renforcer l’attractivité du dispositif de fidélisation et de reconnaissance pour pérenniser la forme du volontariat et soutenir le recrutement.
Cette mesure est surtout une mesure de justice sociale pour des citoyens qui acceptent pendant de nombreuses années des contraintes lourdes sur leur vie familiale et personnelle, parfois au péril de leur vie, se rendant disponibles plusieurs journées et nuits par mois, week-end compris, pour porter secours à leurs concitoyens en plus de leurs activités professionnelles.
Or les pompiers attendent le décret d’application depuis plus d’un an !
Les responsables des sapeurs-pompiers de l’Ariège s’inquiètent même d’une possible volte-face du Gouvernement, qui entendrait réserver la bonification de trimestres aux sapeurs-pompiers ayant des carrières hachées, ce qui écarterait la quasi-totalité des sapeurs-pompiers volontaires. Si cette orientation se confirmait, ce serait un détournement de la volonté exprimée sur toutes les travées du Sénat.
Madame la ministre, pouvez-vous me confirmer que les bonifications de trimestres de retraite s’appliqueront à tous les sapeurs-pompiers volontaires ayant effectué au moins dix ans de service et pouvez-vous me donner la date à laquelle cette décision sera effective ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Monsieur le sénateur Michau, les sapeurs-pompiers volontaires constituent la pierre angulaire de notre système de sécurité civile et je tiens ici à exprimer tout notre attachement et toute notre gratitude à ces femmes et à ces hommes, ainsi qu’à leurs familles, qu’ils embarquent souvent avec eux dans leur engagement. J’y insiste, ils sont absolument essentiels pour le lien social et l’accompagnement dans nos territoires.
La réforme des retraites de 2023 a concrétisé, pour les sapeurs-pompiers volontaires, un vœu jusqu’ici toujours écarté : l’attribution des droits à retraite aux sapeurs-pompiers volontaires pour garantir que leur engagement ne pèse pas sur leur future pension.
Le Gouvernement tiendra cet engagement, et ce de façon rétroactive : pour toute nouvelle liquidation de pension d’une personne ayant accompli par le passé au moins dix ans de service en tant que sapeur-pompier volontaire, ces périodes donneront lieu à des trimestres supplémentaires, selon les conditions fixées par le décret.
Le décret prévoira bien que les trimestres supplémentaires seront accordés pour les années au cours desquelles des périodes d’engagement en tant que sapeur-pompier volontaire ont été effectuées et qui n’ont pas donné lieu à la validation de quatre trimestres. La mesure permettra donc de corriger les interruptions de carrière et de garantir que l’engagement de ces volontaires ne pèse pas sur l’acquisition de droits à retraite.
Cette avancée correspond bien à l’esprit des débats ayant conduit à l’adoption de l’article 24 de la loi portant réforme des retraites. Les amendements adoptés au Sénat précisaient que le dispositif ne pouvait conduire à la validation de plus de quatre trimestres par année, ce qui restreignait, de fait, la mesure aux carrières incomplètes.
La rédaction actuelle de l’article 24 de la loi précitée, issue de la commission mixte paritaire et qui renvoie son application à un décret, mentionne un coût de 30 millions d’euros pour la mesure, ce qui correspond au coût de la correction des interruptions de carrière engendrées par l’engagement en tant que sapeur-pompier volontaire. Aller au-delà de l’esprit du texte adopté à l’issue des débats relatifs à la réforme des retraites et accorder des bonifications de retraite aux sapeurs-pompiers volontaires ayant des carrières complètes quadruplerait le coût de la mesure. Nous ne pouvons faire peser une telle charge sur la sécurité sociale.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. C’est pourquoi les services du ministre de l’intérieur et du ministre du travail, de la santé et des solidarités travaillent de concert à l’élaboration d’un texte qui permette de respecter l’engagement pris lors des débats.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, pour la réplique.
M. Jean-Jacques Michau. Madame la ministre, je crains que ces précisions ne satisfassent pas les pompiers volontaires, qui œuvrent avec dévouement pour la sécurité de nos concitoyens.
situation budgétaire alarmante du centre hospitalier camille-claudel en charente
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, auteure de la question n° 1081, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Nicole Bonnefoy. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation budgétaire alarmante du centre hospitalier Camille-Claudel, en Charente, dont le déficit prévisionnel pour l’exercice 2023 est estimé à plus de 1 million d’euros. En outre, les projections pour 2024 laissent craindre un nouveau déficit de plus de 3 millions d’euros. Cette aggravation du déficit serait due, notamment, à une évolution des recettes de 1 %, qui est insuffisante pour couvrir l’inflation des dépenses.
Par ailleurs, historiquement, il existe un sous-financement de la psychiatrie en Charente. En effet, la Nouvelle-Aquitaine y consacrerait en moyenne 175,10 euros par habitant de la région, mais seulement 146,20 euros par habitant en Charente. L’écart serait donc de 28,90 euros par habitant, soit un manque important pour le département en question, alors que les besoins en soins psychiques sont bien réels.
Compte tenu des prélèvements à effectuer sur le fonds de roulement pour équilibrer le fonctionnement de l’établissement, le centre hospitalier Camille-Claudel n’est plus en mesure aujourd’hui de réaliser son programme d’investissement qui a pour but d’humaniser ses locaux et de les rendre conformes à la réglementation.
Pour toutes ces raisons, les instances dudit centre hospitalier demandent que la dotation annuelle de financement perçue soit, à tout le moins, mise au niveau de la moyenne régionale et qu’une aide à l’investissement d’ampleur soit attribuée pour répondre à la mise aux normes imposées par l’État.
Devant l’urgence, quelle réponse le Gouvernement entend-il donner à ces attentes légitimes ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Madame la sénatrice Bonnefoy, l’agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine sera naturellement amenée à discuter avec l’établissement des solutions pouvant améliorer sa situation financière et remédier à la dégradation de sa capacité d’autofinancement, en envisageant, le cas échéant, un ajustement du programme d’investissement, qui, en 2022, paraissait parfaitement soutenable. Tel est le message que le ministre de la santé m’a chargée de vous transmettre.
Soyez assurée que l’État, par l’intermédiaire de l’ARS, mettra en œuvre tout ce qui est nécessaire pour accompagner au mieux la structure. Notre objectif est de lui permettre de continuer à accueillir nos concitoyens touchés par des troubles psychiatriques dans des conditions d’accueil dignes et de qualité, en cohérence avec les orientations fixées par la feuille de route nationale Santé mentale et psychiatrie.
Je dois néanmoins préciser que, si le centre hospitalier Camille-Claudel a annoncé un déficit prévisionnel pour 2023, toutes activités confondues, de près de 1,15 million d’euros, cette projection ne tenait pas compte des crédits de fin de campagne 2023 versés par l’ARS aux établissements le 11 mars dernier, en complément de la dotation supplémentaire de 2,3 millions d’euros perçue par l’établissement en 2023 au titre de la dotation populationnelle.
Il est vrai également que le département de la Charente présente un ratio de financement en psychiatrie par habitant inférieur à la moyenne régionale en Nouvelle-Aquitaine.
Madame la sénatrice, l’alerte est bien reçue et des réponses seront apportées.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour la réplique.
Mme Nicole Bonnefoy. Madame la ministre, cet établissement charentais est aujourd’hui arrivé au bout des efforts qu’il peut fournir et des économies qu’il peut réaliser. Certains bâtiments et équipements sont vétustes et nécessitent une mise aux normes urgente pour éviter tout drame. Le manque de personnel est également criant. J’espère que les réponses seront à la hauteur des attentes du personnel et des malades. C’est un défi majeur !
conséquences d’une disparition définitive du centre médico-psychologique pour enfants et adolescents au vigan
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, auteur de la question n° 1189, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.
M. Laurent Burgoa. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les conséquences désastreuses de la disparition, au Vigan, du centre médico-psychologique pour enfants et adolescents.
Vous le savez, ces centres sont des structures de soins pivots et assurent une mission de service public.
Depuis la fin des années 1980, l’association éducative du Mas Cavaillac, association d’utilité sociale intervenant auprès d’enfants, gérait l’antenne du centre du Vigan, et ce pour le secteur nord-ouest du Gard comprenant Ganges et Saint-Hippolyte-du-Fort.
Depuis le début de l’été 2023, ce centre est fermé à la suite du départ du médecin psychiatre. Cette fermeture, qui était présentée comme temporaire, pose des difficultés de prise en charge pour la population ayant besoin de soins, évaluée à environ 500 enfants et adolescents. À ce jour, un médecin intervient de manière ponctuelle pour assurer la continuité du suivi des patients, mais aucun nouveau patient ne peut être accueilli. En effet, dans le Gard, le redécoupage de la psychiatrie est en cours d’arbitrage à l’ARS.
Selon les nouvelles orientations, l’agence confierait la prise en charge de ce centre à l’hôpital d’Uzès, au détriment de l’association du Mas Cavaillac. Or aucun médecin d’Uzès n’accepte aujourd’hui de se rendre au Vigan, ni d’ailleurs à Ganges ou à Saint-Hippolyte-du-Fort, faisant craindre la disparition définitive du centre. Ce dernier permet pourtant d’aider les familles à réaliser les bilans indispensables à la constitution des dossiers pour la maison départementale des personnes handicapées (MDPH).
La santé mentale nécessitant une prise en charge de proximité, en lien avec les structures spécialisées, le maintien de ce centre au Vigan est fondamental.
Madame la ministre, compte tenu du nombre d’enfants concernés – près de 500 –, du bassin de population – 15 000 habitants –, de l’éloignement géographique du territoire, mais aussi de l’efficacité reconnue depuis près de quarante ans à cette association, je vous demande d’œuvrer à son maintien.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Monsieur le sénateur Burgoa, l’association éducative du Mas Cavaillac est autorisée en psychiatrie générale, en hospitalisation complète et en hospitalisation de jour.
En complément, conformément à une convention de délégation de gestion, l’association gère depuis 1999 le centre médico-psychologique pour enfants et adolescents (CMPEA) du Vigan. Le personnel paramédical est associatif, tandis que le médecin pédopsychiatre est mis à disposition par le centre hospitalier d’Alès.
L’association perçoit un complément de dotation annuelle de financement pour la gestion du CMPEA et, depuis 2022, elle sollicite l’État afin de bénéficier d’un complément de dotation pour conforter cette activité. Elle envisage même de reprendre les consultations au CMPEA de Saint-Hippolyte-du-Fort, qu’elle gérait également jusqu’à sa fermeture en 2019.
À ce jour, l’hypothèse privilégiée est plutôt de redonner la gestion du CMPEA au centre hospitalier d’Alès ou au centre hospitalier Le Mas Careiron.
Une réunion s’est tenue en septembre 2023 avec la direction des deux établissements afin d’instruire la possibilité pour l’un des deux hôpitaux de reprendre le centre médico-psychologique pour enfants et adolescents du Vigan.
En attendant, une offre minimale est maintenue pour les situations les plus urgentes. En complément, il existe sur le territoire du Vigan un centre médico-psychologique qui relève du centre hospitalier Le Mas Careiron et un hôpital de jour pour enfants géré par le centre hospitalier d’Alès.
Une nouvelle réunion aura lieu au cours des prochaines semaines avec les élus du territoire et toutes les parties prenantes pour trouver les meilleures modalités d’organisation. Pour autant, je souhaite réaffirmer, au nom du ministre de la santé, qu’il n’est aucunement envisagé que l’activité du CMPEA cesse sur ce territoire. À l’inverse, nous travaillons à la mise en place d’un conventionnement plus solide pour organiser au mieux la prise en charge psychiatrique sur ce territoire.
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.
M. Laurent Burgoa. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais nous attendons que l’État et l’ARS fassent preuve de bon sens en assurant une offre de proximité. On ne peut pas demander à l’hôpital d’Uzès, qui est à plus de 50 kilomètres du Vigan, de remplacer le CMPEA. (Mme Else Joseph applaudit.)
situation de la maison d’arrêt de béthune
M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, auteure de la question n° 1186, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Amel Gacquerre. Madame la ministre, la maison d’arrêt de Béthune, dans le Pas-de-Calais, est implantée dans un quartier urbain, en mitoyenneté du groupe scolaire Louis-Pasteur et à proximité immédiate d’habitations résidentielles. Des actes de délinquance et des nuisances persistantes créent un contexte d’insécurité pour les enfants, le personnel éducatif municipal et les riverains du quartier.
Cette situation réclame une attention toute particulière de la part du ministère.
À la suite de différentes interventions de la municipalité, de la mobilisation des riverains et de la communauté éducative, l’État a annoncé le fléchage d’une enveloppe de 810 000 euros pour effectuer des travaux d’aménagement au sein de cette maison d’arrêt. Ils sont en cours.
Plus globalement et à long terme, c’est la question de l’avenir de la maison d’arrêt qui se pose. Celle-ci connaît une surpopulation préoccupante, avec 370 détenus pour une capacité de 180 places, soit un taux d’occupation de plus de 200 %. Le surpeuplement de la maison d’arrêt pose de réelles difficultés pour l’ensemble du personnel, engendrant de nombreux trafics et des problèmes de cohabitation caractérisés par des violences en tout genre.
Au-delà des travaux engagés et à poursuivre, ma question porte sur vos intentions pour traiter ce problème de surpopulation carcérale au sein de la maison d’arrêt de Béthune, dont on parle depuis des années, voire des dizaines d’années. Il faut selon moi apporter une réponse en matière d’infrastructures pénitentiaires pour répondre aux besoins du deuxième tribunal judiciaire des Hauts-de-France, qui touche plus de 600 000 habitants. Il importe donc d’engager une réflexion autour de la construction d’une structure supplémentaire. Peut-on concrètement l’intégrer dans le plan prévoyant la création de 15 000 nouvelles places de prison d’ici à 2027 annoncé par le Président de la République ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Madame la sénatrice Amel Gacquerre, votre question permet d’attirer l’attention sur l’importance du travail de sécurisation des structures mené par l’administration pénitentiaire.
Les travaux de sécurisation périmétrique de la maison d’arrêt de Béthune se sont déroulés aux dates prévues, conformément aux engagements pris – le chantier de pose de caillebotis aux fenêtres des cellules a notamment été finalisé le 15 janvier dernier –, sur la base des crédits provisionnés en fin d’année dernière.
Ont été engagés ou sont en voie d’achèvement : la clôture du local EDF, qui permet d’éviter les ascensions et de casser l’angle de projection utilisé jusque-là ; le renforcement de la vidéosurveillance par l’ajout de caméras ; la pose de bardage occultant sur deux des trois cours de promenade concernées. D’ici à la fin du mois d’avril, l’installation de filins devant les façades des hébergements sera réalisée et devrait empêcher la récupération des colis. Ce dispositif sera complété par un dispositif anti-grappinage au sol.
Il est par ailleurs envisagé de poursuivre, au cours des prochaines années, les travaux qui confortent la structure du bâtiment, et du bâtiment 1 en particulier : 500 000 euros sur les douches, 4 millions d’euros pour la réfection de la toiture.
Enfin, les établissements bénéficiaires du programme « 15 000 places » ont malheureusement tous été identifiés, madame la sénatrice, et la construction d’un nouvel établissement sur la commune de Béthune n’est pas prévue. En revanche, trois nouveaux établissements sont programmés dans la région : à Saint-Saulve, un établissement de 700 places ; une structure d’accompagnement vers la sortie de 120 places à Loos ; un établissement de 180 places à Arras. Vous pouvez compter sur la vigilance du garde des sceaux, madame la sénatrice, pour apporter les meilleures réponses à la situation carcérale de Béthune et de sa région.
M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour la réplique.
Mme Amel Gacquerre. Madame la ministre, vous me voyez désolée de votre réponse sur le plan « 15 000 places ». On parle là d’une augmentation du nombre de places de 6 %. Le problème de Béthune est réel, dans un contexte global de surpopulation partout en France qui est régulièrement dénoncé. La question n’est pas close dans notre bassin de vie et une réflexion approfondie s’impose.
mesures de réduction de la surpopulation carcérale
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, auteure de la question n° 1211, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Marion Canalès. Madame la ministre, au cours de la pandémie du covid-19, la population carcérale a diminué de façon substantielle. Aujourd’hui, les taux d’occupation sont à des niveaux jamais atteints : 123 % globalement ; 200 % dans certains établissements. Au total, 77 000 détenus sont à ce jour recensés par la direction de l’administration pénitentiaire.
Cette situation n’épargne pas le centre pénitentiaire de Riom, pourtant récemment construit avec l’objectif de garantir des conditions de vie dignes aux personnes privées de liberté. Les cellules ont été construites pour n’accueillir qu’un seul détenu, mais le taux d’occupation s’établit aujourd’hui à 125 %.
Ce centre souffre également, comme d’autres, d’un défaut d’encadrement, puisqu’il manquerait presque trente surveillants. Manque d’encadrement et surpopulation carcérale nourrissent des conflits, de la violence, tout en empêchant de mettre en place des programmes de réinsertion qui fonctionnent.
La réduction de la surpopulation carcérale doit notamment passer par un travail de réinsertion, qui permet d’éviter la récidive, donc le retour en prison. Il est par conséquent essentiel d’améliorer ce volet, notamment l’accès à l’enseignement supérieur. Or une circulaire de 2009 interdit toujours l’usage des clés USB, qui sont des supports indispensables pour des travaux universitaires.
La France a été plusieurs fois condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, notamment en juillet 2023, pour ce problème de surpopulation. Au mois de mars 2024, le comité des ministres du Conseil de l’Europe a fait part de sa profonde préoccupation face à l’aggravation de la situation.
Mettre un terme à la surpopulation carcérale ne passe pas nécessairement par la construction de places de prison, puisque plus on construit, plus il y a de détenus. Le comité des ministres invite ainsi la France à s’attaquer aux causes profondes du phénomène, en évaluant de manière détaillée l’impact des dernières réformes pour aboutir rapidement à un mécanisme national contraignant de régulation carcérale.
Pourtant, le ministère de la justice a décidé de lancer des projets d’infrastructure, alors même, je le répète, qu’il est prouvé que la surpopulation carcérale croît à mesure que le nombre de places augmente. J’y insiste, l’ouverture de nouvelles places n’est pas la bonne réponse.
Dans le même temps, il appert que le mécanisme de libération sous contrainte de plein droit est un échec, de l’avis de l’ensemble des acteurs, de même que la réforme du mécanisme de réduction des peines, qui n’a pas eu d’effets positifs.
La prison est devenue la dernière réponse, en bout de liste, à toutes les défaillances complexes de la société. On y trouve ainsi beaucoup de personnes atteintes de troubles psychiatriques.
Afin de mettre en conformité nos conditions de détention, le Gouvernement compte-t-il actualiser la circulaire de 2009 ? Envisagez-vous un mécanisme national contraignant de régulation carcérale pour garantir en France des conditions de vie des détenus et de travail des agents qui soient dignes ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Madame la sénatrice Canalès, je partage bien évidemment votre volonté de lutter contre la surpopulation carcérale. Je ne reviens pas sur la livraison des 15 000 nouvelles places de prison issues de l’ambitieux programme immobilier pénitentiaire décidé par le Président de la République, auquel le garde des sceaux est également très attaché.
Les établissements sont implantés dans les territoires qui connaissent les taux de surpopulation les plus importants. Au 1er janvier 2024, dix-neuf établissements ont été livrés. Cela représente 4 103 places nettes. Près de la moitié des établissements du programme seront opérationnels au cours de cette année.
Le garde des sceaux a demandé à la direction de l’administration pénitentiaire d’accélérer les transferts des condamnés vers les établissements pour peine afin de limiter la surpopulation de nos maisons d’arrêt, tout en garantissant la réponse pénale. Le taux d’occupation de ces établissements est passé de 90 % en moyenne à près de 97 % en trois ans, avec l’utilisation de plus de 4 000 places qui étaient vacantes avant ces opérations d’optimisation.
L’instauration d’un dialogue piloté à l’échelon de chaque cour d’appel, avec le concours des directions interrégionales de l’administration pénitentiaire, dans le cadre de réunions régulières, constitue un autre levier de régulation de la surpopulation carcérale.
Aller plus loin en créant un mécanisme généralisé de régulation carcérale qui impliquerait de fait un numerus clausus nous semble contraire aux enjeux en matière de traitement de la délinquance et d’efficacité de la réponse pénale, sans compter les questions juridiques, voire constitutionnelles qui peuvent se poser, notamment au titre du principe d’égalité devant la loi.
En ce qui concerne l’accès à l’enseignement supérieur, via l’utilisation par les détenus de clés USB, ou de la réinsertion, au travers de la réflexion sur l’utilité de la peine, je ne manquerai pas, madame la sénatrice, de relayer vos préoccupations auprès du garde des sceaux.
situation de la rentrée scolaire 2024-2025 en guadeloupe
M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille, auteure de la question n° 1117, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Solanges Nadille. Madame la ministre, je souhaite interpeller le Gouvernement sur l’organisation de la prochaine rentrée scolaire en Guadeloupe. Nous avons appris en fin d’année 2023 que l’académie de Guadeloupe perdrait 107 postes d’enseignants à la rentrée 2024 : 52 postes en moins dans le premier degré et 55 dans le second degré.
L’argument invoqué est celui de la chute du nombre d’élèves. Pourtant, l’académie manque déjà aujourd’hui cruellement de moyens de remplacement et d’enseignants spécialisés, comme elle manque d’ailleurs de psychologues, de compétences psychosociales (CPS), d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) et d’assistants d’éducation (AED).
Par ailleurs, une grande partie de la communauté scolaire de Guadeloupe vient de milieux sociaux marqués par la précarité. Cela se reflète dans les résultats des évaluations nationales réalisées par les élèves de sixième au mois de septembre dernier, qui classent la Guadeloupe à la trentième place sur 33 académies en français et en mathématiques. Sans surprise, malheureusement, les six dernières places du classement national sont occupées par les académies ultramarines. Je dis « sans surprise », car les territoires ultramarins sont ceux qui concentrent le plus de difficultés.
Ces évaluations nationales, plus qu’une photographie du niveau des élèves, sont en réalité une photographie des inégalités sociales. Il est donc incompréhensible de vouloir supprimer des postes d’enseignant dans ces territoires, qui souffrent déjà tant.
S’ajoutent à cela les difficultés de l’inclusion, faute de moyens dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) et dans les unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis). Nous souffrons enfin d’effectifs de classes trop élevés et de remplacements non assurés.
Compte tenu de ces éléments, le Gouvernement pourrait-il réétudier les suppressions de postes annoncées dans l’académie de Guadeloupe ? Plus largement, quelle stratégie entend-il mener pour remédier aux difficultés de l’école dans les outre-mer afin de rattraper le retard sur l’Hexagone ?
Madame la ministre, la cote d’alerte est atteinte dans les écoles en outre-mer. Il est urgent d’agir !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Madame la sénatrice Nadille, le budget 2024 de l’éducation nationale et de la jeunesse est le premier budget de la Nation. L’investissement dans l’école est la mère de toutes les batailles, avons-nous coutume de dire : c’est l’endroit où nous devons concentrer le plus de moyens pour essayer de résorber les inégalités héritées.
Malheureusement, la Guadeloupe connaît une baisse des effectifs scolaires, à l’instar de tout le pays. Pour l’ensemble du territoire national, cette baisse sera de 83 000 élèves en 2024-2025. Cette tendance se poursuit depuis plusieurs années.
Dans le premier degré de l’enseignement scolaire public, la Guadeloupe a connu depuis quinze ans une baisse d’effectifs de l’ordre de 34 %, qui se prolongera en 2024 avec une diminution de plus de 500 élèves.
Malgré cette démographie, les moyens d’enseignement n’ont pas été réduits à due proportion, ainsi que le montrent les taux d’encadrement. Le nombre moyen d’élèves par classe à la rentrée 2023 est de 16,5 élèves en éducation prioritaire et de 20,4 élèves hors éducation prioritaire, contre respectivement 17,8 et 22,7 à l’échelon national. De même, le nombre de postes d’enseignants pour 100 élèves est beaucoup plus favorable : 7,8 postes pour 100 élèves à la rentrée 2023 en Guadeloupe contre 6 au niveau national.
Malgré cette démographie, j’y insiste, il n’y a pas d’efforts demandés à due proportion. Cependant, nous devons prendre en compte de manière qualitative les spécificités des outre-mer, et plus particulièrement de la Guadeloupe, avec un maillage plus serré en matière de continuité éducative, notamment avec des établissements d’insertion professionnelle comme les régiments du service militaire adapté (RSMA) ou les établissements pour l’insertion dans l’emploi (Epide).
Ce qui est certain, madame la sénatrice, c’est qu’il y a des besoins spécifiques dans les outre-mer, dans votre département en particulier. Les réponses doivent être multiples et à la hauteur des besoins de ces territoires. Au-delà du taux d’encadrement, il faut prévoir un accompagnement territorial renforcé.
arrêt du financement des séances d’éducation à la sexualité
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question n° 1215, transmise à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre, je souhaite avoir quelques éclaircissements et explications sur une instruction interministérielle du 19 août 2022 concernant la stratégie de développement des compétences psychosociales chez les enfants et les jeunes.
Les associations chargées de l’éducation à la vie affective et sexuelle se sont vu répondre par un certain nombre d’agences régionales de santé que l’application de cette instruction allait les conduire à réduire ou à supprimer des financements dévolus à leurs interventions.
Pour ma part, je ne vois pas tellement le rapport avec cette instruction, mais les informations qui me remontent sont bien réelles. Pouvez-vous me confirmer qu’en aucun cas il n’y aura de réduction des financements des associations chargées de l’éducation à la vie affective et sexuelle et qu’il s’agit d’une erreur d’interprétation des ARS, que la ministre doit rapidement corriger ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Madame la sénatrice Rossignol, soyons très clairs : la ministre chargée du travail, de la santé et des solidarités n’a transmis aucune consigne aux ARS concernant un éventuel arrêt des financements des programmes en lien avec l’éducation à la sexualité, aucune ! Je ne peux pas être plus claire.
Une instruction du 23 juin 2023 relative au dispositif de soutien par le Fonds de lutte contre les addictions (FLCA) des actions régionales contribuant à la lutte contre les addictions pour 2023 insiste sur l’intérêt de poursuivre le financement des programmes probants et des interventions prometteuses, avec renvoi à l’instruction interministérielle de développement des compétences psychosociales chez les enfants et les jeunes, publiée en août 2022.
Plus globalement, certaines ARS engagent des réflexions afin d’obtenir une montée en compétences des acteurs associatifs.
Je le répète, la circulaire porte d’abord sur les addictions. Au-delà, madame la sénatrice, le développement des compétences psychosociales fait partie intégrante de l’éducation à la sexualité et figurera de manière explicite dans le programme d’éducation à la sexualité, comme cela a été demandé au Conseil supérieur des programmes.
Vous pouvez donc rassurer les associations qui sont inquiètes, madame la sénatrice : à aucun moment, la ministre du travail, de la santé et des solidarités n’a fait une telle demande.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. En fait, je comprends mieux !
J’entends que la ministre n’a pas formulé une telle demande, mais je comprends aussi qu’une circulaire interministérielle portant sur la lutte contre les addictions a été diffusée. Les ARS, qui sont probablement à la recherche de financements pour la mettre en œuvre, se demandent donc certainement s’il n’est pas possible de prélever des crédits dévolus à l’éducation à la vie affective et sexuelle afin de financer la lutte contre les addictions.
Que la ministre n’ait pas envoyé d’instructions aux ARS, c’est très bien, mais ce que je demande, pour ma part, c’est qu’elle envoie une instruction aux ARS afin de leur préciser qu’elles ne peuvent en aucun cas supprimer des crédits aux associations qui prennent en charge l’éducation à la vie effective et sexuelle pour financer d’autres missions qui leur sont confiées.
Or vous ne nous avez pas confirmé, madame la ministre, qu’une instruction en ce sens serait bien envoyée aux ARS.
organisation des festivals de l’été pendant les jeux olympiques et paralympiques de paris 2024
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, auteure de la question n° 1086, adressée à Mme la ministre de la culture.
Mme Else Joseph. Madame la ministre, notre pays ne peut que se réjouir de la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques cet été : ce rendez-vous aura évidemment des retombées positives pour la Nation.
Cependant, nous demeurons inquiets.
L’été, c’est aussi la période idéale pour les festivals : concerts et autres animations sont prévus, dans les Ardennes comme dans le reste de la France.
Alors que l’année 2023 a été exceptionnelle, après les années passées sous le joug du covid-19 – les artistes ont retrouvé leur public et des millions de places ont été vendues –, nous craignons que ce mouvement positif ne soit entravé.
J’ai la douloureuse impression, à l’issue des différentes discussions que j’ai eues avec les représentants nationaux de ces festivals, que rien ne semble avoir été anticipé, préparé ou annoncé, alors que ces manifestations auront lieu, pour certaines, dès le mois de juin.
Certains organisateurs envisagent même une annulation à la dernière minute, faute de ressources humaines ou de matériels ou encore en raison de surcoûts.
Les sapeurs-pompiers, nos forces de sécurité – je pense à la sécurité civile, mais aussi à la Croix-Rouge – seront abondamment sollicités.
Comment habiller Pierre sans déshabiller Paul ? Comment maintenir des moyens constants pour nos festivals, qui risquent d’être les victimes collatérales d’un heureux événement, et éviter toute annulation de dernière minute ?
Madame la ministre, nous manquons cruellement de visibilité.
Ainsi, dans mon département, comme dans d’autres, nous ne disposons pas de référent « festival ». Or nous avons besoin d’un pilotage sur les décisions qui ont été ou qui seront prises. À trois mois des jeux Olympiques et Paralympiques, rien ne semble avoir été prévu ou annoncé.
Comment accompagner nos festivals dans ces moments si délicats ? Comment maintenir une offre culturelle dans nos départements et aider tous nos festivals, sans exception, petits et grands, et surtout comment rassurer leurs organisateurs ?
Madame la ministre, ne transformons pas l’année 2024, année prometteuse, en année désastreuse. Ne faisons pas de l’été 2024 un nouvel hiver pour nos festivals. Vivaldi et ses quatre saisons – pardonnez-moi cette métaphore saisonnière ! – nous donneront-ils toujours de l’espoir ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Madame la sénatrice Joseph, votre attachement aux festivals et à la culture est connu. Vous m’interrogez sur la tenue des festivals dans les Ardennes à partir du mois de juin 2024.
Vous le savez, l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques nécessite une mobilisation historique des forces de sécurité intérieure. Un continuum de sécurité doit être assuré. Durant la période des Olympiades, du 18 juillet au 11 août, aucun événement d’ampleur ne pourra donc être organisé. Dans votre département, le festival Cabaret vert se déroulant du 15 au 18 août, il ne sera pas affecté par cette restriction.
Quant aux événements de moindre ampleur ne nécessitant le recours qu’à des moyens locaux de sécurité intérieure, ils ont vocation à se tenir, à condition de faire un usage modéré des forces de l’ordre, dans le cadre d’un dialogue avec les collectivités territoriales. Pour exemple, dans les Ardennes, les traditionnelles fêtes de Sainte-Anne à Rethel, qui se dérouleront du 27 juillet au 4 août, sont maintenues.
Enfin, s’il n’existe pas de référent départemental « festival » dans les Ardennes à ce stade – je comprends que cela puisse être un manque ou un besoin –, les services préfectoraux assurent la coordination de tous les acteurs mobilisés. Aucun festival n’est, à ma connaissance, annulé à ce jour dans votre territoire.
Madame la sénatrice, je suis consciente de l’importance des animations culturelles et de l’enjeu qu’elles représentent. Elles créent à la fois de l’emploi, du lien social et sont un facteur d’attractivité touristique. C’est pourquoi, je vous l’assure, les services de l’État sont totalement mobilisés et soucieux de dialoguer avec les collectivités territoriales et les organisateurs afin de ne pas créer d’inquiétude supplémentaire.
Il est certain, madame la sénatrice, que nous avons besoin de ces festivals dans nos territoires, car ils leur donnent un visage et y insufflent de la vie, tout comme, d’une certaine manière, l’activité touristique.
alcaloïdes pyrrolizidiniques et désarroi des producteurs
M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione, auteur de la question n° 1120, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Lucien Stanzione. Madame la ministre, la filière des plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM) est confrontée à un nouveau défi : les exploitants constatent une hausse de la concentration en alcaloïdes pyrrolizidiniques dans les préparations pour les cosmétiques, l’aromathérapie, les compléments alimentaires et la pharmacie issues de productions comme la lavande, la mélisse, le thym, la menthe poivrée et bien d’autres.
La hausse des niveaux de contamination s’explique par la suppression des solutions de traitement chimique de désherbage. Les conséquences sanitaires et économiques sont énormes, l’élimination des mauvaises herbes entraînant des surcoûts sans pour autant réduire le taux de lots refusés, qui varie entre 20 % à 30 %.
Or les solutions de remplacement au désherbage chimique dont nous disposons actuellement ne sont pas viables économiquement, surtout pour les petites structures, et entraînent une très forte hausse des prix.
Les producteurs réclament un investissement massif dans la recherche de moyens de lutte efficaces contre les mauvaises herbes et les alcaloïdes pyrrolizidiniques. De tels programmes de recherche, du fait de leur caractère urgent et complexe, nécessitent des moyens financiers importants. Il faut agir vite, car, selon les producteurs, une vingtaine de plantes phares des PPAM pourraient ne plus être cultivées en France. Encore plus grave : le maraîchage est également concerné.
Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre, madame la ministre, d’abord pour doter la recherche de réels moyens, et pour quel montant, ensuite pour aider les producteurs, et à quel niveau ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Lucien Stanzione, vous mettez le doigt sur un sujet très intéressant, à savoir les conséquences de la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires et de l’interdiction d’un certain nombre de molécules. L’écologie n’est pas si simple : interdire certains produits signifie affronter de nouvelles problématiques, qui peuvent être d’ordre sanitaire.
Vous évoquez dans votre question les alcaloïdes pyrrolizidiniques, qui sont des substances naturellement présentes dans certaines plantes, principalement des adventices, pouvant contaminer les récoltes.
L’exposition à ces contaminants suscite des préoccupations sanitaires depuis une dizaine d’années. Vous le savez, dans l’avis qu’elle a publié, en 2017, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a confirmé le caractère cancérigène et génotoxique de ces substances, que l’on peut trouver dans les miels, les tisanes et les compléments alimentaires.
C’est la raison pour laquelle des mesures de gestion des risques ont été mises en place. Des teneurs maximales réglementaires ont été adoptées et publiées dès le mois de décembre 2020.
Face à ces risques, nous continuons d’autoriser l’emploi de certains produits pour lutter contre les adventices susceptibles de produire ce type d’alcaloïdes : il s’agit de spécialités à base de pyridate, de 2,4-D (acide 2,4-dichlorophénoxyacétique), de métazachlore, qui peuvent être utilisées seules ou en association avec d’autres produits à base de clomazone, aclonifen et pendiméthaline. Par ailleurs, une demande d’autorisation pour un produit à base de pyridate est expertisée en 2024.
Néanmoins, les difficultés que vous mentionnez soulèvent la question du « Pas d’interdiction sans solution ». Dans cette optique, nous avons investi massivement – 250 millions d’euros – dans le cadre du Plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada) afin de proposer de nouvelles solutions innovantes.
Pour répondre à la question que vous avez posée, un conventionnement direct de la direction générale de l’alimentation (DGAL) est prévu dans le cadre de projets ciblés, à hauteur de 4 millions d’euros. Par ailleurs, le ministère de l’agriculture est en train d’étudier la proposition de projet ciblé de l’Institut technique de cette filière.
En parallèle, j’ai récemment mis en place un comité des solutions, qui vise à trouver des solutions à ces situations d’impasse en recherchant dans toute la panoplie qui est à notre disposition, et à réglementation constante, des autorisations de mise sur le marché qui n’auraient pas été étendues ou des reconnaissances mutuelles de produits utilisés dans d’autres pays européens de manière sécurisée.
M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione, pour la réplique.
M. Lucien Stanzione. Madame la ministre, je prends acte de votre réponse. Cela étant, vous n’avez pas précisé de quelle manière vous comptez venir en aide aux producteurs de plantes PPAM qui sont actuellement touchés. En attendant que des crédits soient octroyés à la recherche et que cette dernière produise des effets, ces producteurs sont dans une situation délicate. Il faut réfléchir à leur indemnisation.
conséquences de l’utilisation des dispositifs antigrêle et impact sur les précipitations
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, auteure de la question n° 1196, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Monique de Marco. Madame la ministre, des dispositifs antigrêle se multiplient sur l’ensemble du territoire national. Il peut s’agir de canons antigrêle, qui envoient des explosions répétitives générant de puissantes ondes de choc jusqu’à la stratosphère, ou, plus récemment, de l’ensemencement des nuages par l’iodure d’argent, comme cela est pratiqué en Gironde, où l’on compte 137 générateurs. Ces diffuseurs envoient dans l’atmosphère des milliards de particules d’iodure d’argent afin de saturer les nuages et de transformer la grêle en pluie ou de réduire la taille des grêlons.
La fiche toxicologique de l’iodure d’argent met en évidence que, malgré le manque d’études sur ce sujet, « la pulvérisation d’aérosols d’iodure d’argent peut entraîner une contamination des sols et des milieux aquatiques, dont on ignore actuellement l’impact sur l’environnement ».
Or l’iodure d’argent se bioaccumule, notamment dans les sols, comme l’a mis en avant le laboratoire Environnements et paléoenvironnements océaniques et continentaux (Epoc) dans une étude parue en mars 2023. Les auteurs du rapport insistent aussi sur le fait qu’il n’existe pas de réglementation encadrant la pratique.
Le Gouvernement déclarait en octobre 2018 qu’« il n’existe pas de démonstration robuste de l’efficacité de cette technique ». Il n’est donc pas possible d’en évaluer la pertinence économique, car les bénéfices ne sont pas assurés. Les météorologues, dans leur grande majorité, sont quant à eux défavorables à ce type d’action et insistent sur le fait que son efficacité n’est pas avérée. Météo France estime que l’utilité des dispositifs antigrêle n’est à ce stade pas démontrée.
Or, face aux effets de plus en plus importants des changements climatiques et de la baisse de la pluviométrie, qui réduit le niveau des nappes phréatiques, l’utilisation de ces dispositifs suscite des interrogations, car les concentrations d’iodure d’argent dans les sols seraient plus importantes en cas de sécheresse.
Madame la ministre, avez-vous prévu d’engager une politique de recherche sur les dispositifs d’ensemencement par l’iodure d’argent afin de faire la lumière sur leurs effets sanitaires et météorologiques ? Par ailleurs, au nom du principe de précaution, avez-vous prévu d’encadrer cette pratique en attendant les conclusions d’études complémentaires ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice de Marco, vous m’interrogez sur les dispositifs d’ensemencement de nuages à base d’iodure d’argent. Ces systèmes, utilisés dans d’autres pays, notamment en Chine, font aujourd’hui l’objet d’un examen attentif en Europe avant toute forme d’autorisation. Le procédé étant nouveau, tous ses effets sur les équilibres écosystémiques doivent en effet être analysés.
Ce type de procédé soulève des questions qui nécessitent de conforter les premières évaluations effectuées par l’Organisation météorologique mondiale sur son efficacité et surtout sur son innocuité sur la santé humaine et sur l’environnement, mais également sur la cinétique du dérèglement climatique.
Les organismes européens et nationaux compétents doivent continuer à expertiser ce sujet. C’est dans ce cadre d’action raisonné que le Gouvernement inscrira son action pour accompagner les agriculteurs face au dérèglement climatique.
Dans ce contexte, votre interrogation concernant spécifiquement les dispositifs antigrêle pose la question des moyens mobilisés par le Gouvernement pour accompagner les agriculteurs face au dérèglement climatique.
Cet accompagnement repose sur plusieurs dispositifs, d’abord sur la réforme de l’assurance récolte, qui prévoit un engagement budgétaire massif de l’État ; ensuite, sur le financement de la recherche et de l’innovation pour prévenir les situations de grêle ou de sécheresse, en plus du plan Eau ; enfin, dans le cadre du plan France 2030 et en matière d’innovation, près de 1,8 milliard d’euros sont mobilisés pour accompagner l’agriculture, notamment pour permettre son adaptation au dérèglement climatique.
Vous le voyez, nous choisissons plutôt la voie de l’adaptation et de la résilience plutôt que celle d’une « science sans conscience ».
application du décret relatif à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les sites natura 2000
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 1214, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Jean-Yves Roux. Madame la ministre, il existe des décisions qui visent à atteindre des objectifs, certes louables, mais dont la mise en œuvre est source d’incompréhensions et d’injustices.
À la suite d’une condamnation de la France, le décret n° 2022-1486 du 28 novembre 2022 encadre l’utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les sites Natura 2000.
Depuis le 17 novembre 2023, les préfets ont pour mission de procéder sans délai au recensement des sites concernés. Une instruction technique appelle ainsi à une application couperet des interdictions, à une contractualisation obligatoire des mesures agroenvironnementales et climatiques, voire à une conversion en bio.
Nous sommes assez loin de la démarche concertée et volontaire choisie par la France lors de la création du réseau Natura 2000.
Dans les Alpes de Haute-Provence, les agriculteurs concernés nous font pourtant part de leur volonté d’ouvrir des discussions pour trouver des solutions concertées et contractualisées, adaptées aux réalités locales.
Dans le secteur de la lavande, déjà touché par des épisodes climatiques et épidémiques, confronté à une très forte concurrence et aidé par la puissance publique en conséquence, les lavandiculteurs du plateau de Valensole sont fortement touchés par ces restrictions, sur un périmètre de près de 15 000 hectares, sans qu’aucune concertation ni contrepartie soient envisagées.
Les arboriculteurs du département dénombrent plusieurs vergers situés dans des zones classées a posteriori dans les zones Natura 2000. Or il faut rappeler, mes chers collègues, que bien des progrès ont été réalisés depuis 1999, notamment dans la nature et l’usage des phytosanitaires employés.
Par ailleurs, et nous avons tout lieu d’en être fiers, des investissements importants ont été réalisés sur ces exploitations pour économiser la ressource en eau, entre autres, grâce à des procédés respectueux de l’environnement. Ces arboriculteurs ont ainsi été aidés dans leur transition écologique par des financements publics, ce qui a permis à leurs vergers de bénéficier de la classification « exploitation de haute valeur environnementale ».
Aujourd’hui, l’application stricte de ces nouveaux zonages ne prend pas en compte les progrès réalisés depuis lors. Elle fragilise notre filière arboricole, qui subit des distorsions de concurrence majeures, alors que 71 % des fruits consommés sur notre territoire sont importés.
Madame la ministre, nos lavandiculteurs et arboriculteurs encaissent un coup supplémentaire. Aussi, je demande que des concertations soient ouvertes pour évaluer au mieux la possibilité de contractualisations locales tenant compte des progrès réalisés et, si besoin, pour mettre en œuvre des mesures d’indemnisation adéquates. Nous savons que des exceptions sont possibles, comme en témoigne la décision que vous avez prise le 5 avril concernant la betterave sucrière.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, je vous remercie de cette question, qui montre que la gestion environnementale de l’agriculture suppose à la fois nuance et concertation.
Vous l’avez dit, la gestion des sites Natura 2000 repose sur des mesures de protection de la faune et de la flore, adaptées aux situations locales, formalisées dans des contrats et des chartes.
Rappelons quelques chiffres : le réseau français Natura 2000 comporte un peu plus de 1 750 sites terrestres et marins, représentant une surface terrestre de 7 millions d’hectares au total, soit environ 10 % de la surface agricole utile nationale. La moitié environ de cette surface est en prairie permanente, donc peu ou non concernée par les produits phytosanitaires. L’autre partie doit conjuguer gestion de l’environnement et production, à un moment où il faut protéger nos filières pour nourrir nos populations dans l’objectif d’assurer notre souveraineté alimentaire, sachant que notre agriculture est mieux-disante d’un point de vue environnemental que celle de bien d’autres pays.
Vous faites référence à une instruction concernant la mise en œuvre du décret du 28 novembre 2022 relatif à l’encadrement de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les sites Natura 2000, qui a été envoyée aux préfets. Vous le savez, cette instruction propose une mise en œuvre de l’encadrement de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques en deux temps.
D’abord, il s’agit, à court terme, d’identifier les sites présentant des enjeux particuliers en matière d’utilisation de ces produits. Sur ces sites, des mesures réglementaires, qu’il s’agisse d’arrêtés de protection ou d’arrêtés de zonage, pourront intervenir, mais des mesures volontaires seront avant tout privilégiées. Je le dis avec d’autant plus de force que nous travaillons actuellement sur le plan Écophyto 2030, lequel sera publié dans les prochains jours, et que nous ne souhaitons pas, c’est important de le dire, qu’il prévoie un nouveau zonage. Cela ne diminue en rien notre objectif de réduire de 50 % l’utilisation des produits phytosanitaires. Ce plan doit être coconstruit de manière raisonnée, en mettant toutes les parties prenantes autour de la table.
Ensuite, à long terme, dans le cadre de la décentralisation de l’autorité de gestion des sites Natura 2000, l’État veillera à assurer une articulation avec les régions sur l’examen et l’évaluation des objectifs de ces sites.
Vous l’avez compris, notre objectif est clair : protéger l’environnement, bien sûr – c’est l’intérêt de tous, des agriculteurs comme des citoyens –, tout en préservant nos filières, car nous avons tous collectivement intérêt à continuer de produire en France.
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Mathieu Darnaud.)
PRÉSIDENCE DE M. Mathieu Darnaud
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Continuité du service public de transports et droit de grève
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l’exercice du droit de grève, présentée par M. Hervé Marseille et plusieurs de ses collègues (proposition n° 344, texte de la commission n° 493, rapport n° 492).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Hervé Marseille, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ainsi qu’au banc des commissions. – MM. Alain Marc et Saïd Omar Oili applaudissent également.)
M. Hervé Marseille, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 1947, pas une seule année ne s’est écoulée sans grève nationale à la SNCF. Ainsi, depuis soixante-dix ans, les années sans grève sont encore plus rares que les années d’excédent budgétaire ! (Sourires.)
L’année dernière, 2 300 000 kilomètres de trajets n’ont pas été effectués par la RATP pour cause de grève ; en 2022, 125 608 journées de travail ont été perdues pour la même raison à la SNCF, soit environ une par agent.
Trop, c’est trop ; nos concitoyens n’en peuvent plus. À chaque mouvement social, ils sont des millions à faire les frais de ces débrayages, à devoir s’entasser sur des quais ou dans des rames bondées, ou simplement à être contraints de renoncer à travailler ou à partir en vacances.
Dans ces conditions, la défense corporatiste des intérêts des uns se fait au détriment de la liberté des autres ; l’intérêt particulier prime par rapport à l’intérêt général.
Face à cela, que faisons-nous ? À chaque conflit, le pouvoir politique reste les bras ballants : « Oui, c’est regrettable, mais cela passera. Nous comprenons l’exaspération des gens, mais c’est le dialogue social qui est grippé, nous ne pouvons rien faire… »
Si, nous pouvons et nous devons agir : nous avons la possibilité de légiférer et c’est bien ce que nous vous proposons de faire aujourd’hui. Le droit de grève est un moyen de dissuasion lorsque le dialogue échoue et non un totem d’immunité. Notre volonté est non pas de l’écorner, mais d’en limiter les abus.
Nous vous proposons donc aujourd’hui un texte de conciliation, comme l’indique son intitulé même.
Le droit de grève est, certes, un droit fondamental, mais il n’est en aucun cas un droit absolu. D’ailleurs, en État de droit, aucun droit n’est absolu : tous les droits et libertés doivent être conciliés entre eux.
En ce qui concerne spécifiquement le droit de grève, cette nécessaire conciliation est très explicitement inscrite dans notre loi fondamentale. Le septième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 pose ainsi le socle constitutionnel du droit de grève : celui-ci « s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Dès le départ, le constituant avait prévu, d’une part, que ce droit ne pouvait en aucun cas se concevoir comme un droit absolu et, d’autre part, qu’il revenait au législateur d’en déterminer le périmètre.
Je vous rappelle ainsi, mes chers collègues, que certaines professions n’ont pas le droit de se mettre en grève – militaires, policiers ou magistrats – parce que leurs activités sont considérées comme vitales pour la Nation. Depuis plus de trente ans, le Conseil constitutionnel a ainsi consacré la constitutionnalité de l’interdiction du droit de grève.
Aujourd’hui, il s’agit seulement pour nous de concilier le droit de grève avec d’autres droits et libertés.
Certes, c’est un droit fondamental, mais pas plus que la liberté de circuler ou d’entreprendre, que le droit au travail, à la famille ou aux loisirs. Or, dans les transports, un exercice abusif du droit de grève met à mal l’ensemble de ces droits et libertés, car le déplacement est un besoin d’intérêt général. D’ailleurs, comme l’a souligné notre rapporteur en commission, c’est cela qui justifie que nous réclamions l’application pour les transports d’un taux de TVA réduit. On ne peut, d’un côté, en matière fiscale, considérer que le transport est un besoin vital et, de l’autre, ne pas en tirer les conséquences en droit social.
Pour concilier droit de grève et intérêt général, le législateur doit en premier lieu apprécier la situation actuelle, laquelle est à l’évidence déséquilibrée, comme le soulignent tous les chiffres que j’ai rappelés en introduction de mon intervention ; dès lors qu’une poignée d’individus peut paralyser tout un pays pour défendre des privilèges catégoriels, on ne saurait défendre le contraire.
Dans ces conditions, le rôle constitutionnel du législateur – voire son devoir – est d’intervenir pour rétablir un équilibre entre droit de grève et continuité du service, tout en évitant l’écueil inverse, qui consisterait à porter au droit de grève une atteinte disproportionnée.
Mes chers collègues, c’est toute la question qui vous est posée aujourd’hui : les dispositions que nous vous soumettons constituent-elles une atteinte disproportionnée au droit de grève ? À mes yeux, ce n’est pas le cas. Le texte prévoit de ne le suspendre que pour les catégories de personnel dont le concours est indispensable au bon fonctionnement du service, il s’inscrit donc dans la continuité de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, qui a institué le service minimum.
De plus, cette suspension est strictement encadrée par le texte, réservée à des moments spécifiques et sa durée est limitée.
Le texte que j’avais initialement déposé sur le bureau du Sénat était déjà équilibré ; dans la rédaction issue des travaux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, il est difficile de le suspecter d’être liberticide en la matière. J’en profite pour saluer l’excellent travail de la commission, de son président et du rapporteur Philippe Tabarot.
Sur l’initiative de ce dernier, premièrement, la durée des périodes continues maximales de suspension du droit de grève est passée de quinze à sept jours et la durée annuelle cumulée de soixante à trente jours. Sept jours continus, trente jours cumulés, est-ce excessif ?
Deuxièmement, le transport aérien a été sorti du dispositif. La commission a estimé que le droit de grève était suffisamment encadré dans ce secteur à la suite de la loi du 19 mars 2012 relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports, dite loi Diard, et, très récemment, de la loi du 28 décembre 2023 relative à la prévisibilité de l’organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l’adéquation entre l’ampleur de la grève et la réduction du trafic, portée par mon collègue Vincent Capo-Canellas, concernant les aiguilleurs du ciel. Il s’agit d’une marque éminente de plus de la recherche d’équilibre de la commission.
Troisièmement, celle-ci est allée jusqu’à préciser les plages horaires durant lesquelles le droit de grève pourrait être suspendu, ainsi que les périodes possibles de suspension durant l’année : jours fériés, vacances scolaires, élections, événements majeurs, établissant ainsi un encadrement strict.
Quatrièmement, les périodes de suspension ne pourront être fixées par décret en Conseil d’État qu’après concertation avec les partenaires sociaux. N’oublions pas que la grève doit rester l’ultime recours quand le dialogue a échoué. En vertu de ce texte, il reviendra aux partenaires sociaux de prendre leurs responsabilités.
Enfin, la commission a élargi le champ du texte en y insérant six articles additionnels qui permettent au service de s’organiser en cas de grève : c’est le sens de l’allongement des délais de préavis individuel.
Ces propositions assurent au service minimum une application effective, notamment l’article permettant de manière très encadrée de réquisitionner du personnel ou de lutter contre l’exercice abusif du droit de grève, par exemple les préavis illimités et dormants, que l’on peut actionner n’importe quand : certains agents ont ainsi déposé des préavis de grève jusqu’en 2040 ; il convient d’y mettre fin. Les grèves de 59 minutes désorganisent le bon fonctionnement des services, elles sont aussi excessives ; il importe de les contenir.
Pour faire partager ma conviction, j’ajoute que le dispositif proposé se réfère à ce qui existe déjà en Italie où, comme le propose le présent texte, le droit de grève peut être suspendu durant des périodes déterminées par la négociation collective. Ces mesures existent depuis trente ans chez nos voisins et n’ont jamais été sanctionnées par les autorités européennes, lesquelles reconnaissent pourtant, elles aussi, le droit de grève à leur niveau.
Je regrette, monsieur le ministre, que nos propositions n’aient pas donné lieu à davantage d’échanges et de discussions sur ce sujet.
J’ai entendu, ici et là, les observations encourageantes de certains membres de la majorité présidentielle et j’ai lu les propositions complémentaires du président Jean-Marc Zulesi. J’aurais toutefois préféré que le dialogue social permette d’aboutir, mais je crains que les syndicats ne soient eux-mêmes débordés par des coordinations plus politiques que syndicales, et qui altèrent le mouvement dans son ensemble.
Mes chers collègues, je compte sur la majorité de la Haute Assemblée pour mettre un terme à ces comportements, qui touchent à la liberté de chacun de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et RDPI, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et RDPI, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Philippe Tabarot, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, des quais de gare, des métros ou des arrêts de bus où l’asphyxie est totale, des familles séparées, des Français qui attendent un train ou un bus qui ne viendra peut-être jamais : nous ne supportons plus ces scènes. C’est pourquoi nous sommes réunis pour débattre de la proposition de loi de notre collègue Hervé Marseille visant à concilier la continuité du service public de transport avec l’exercice du droit de grève.
Ce texte tend à répondre à une situation qui n’est plus acceptable : à la veille des week-ends de grands déplacements et à l’occasion des grands événements qui ponctuent la vie du pays, les Français craignent de ne plus pouvoir se déplacer en utilisant les transports collectifs, à cause de mouvements de grève fréquents et parfois inopinés.
Par conséquent, ils perdent confiance, estiment que ce mode de transport n’est pas suffisamment fiable et préfèrent utiliser la voiture individuelle. Or je suis également rapporteur pour avis du budget des transports pour le projet de loi de finances et, à ce titre, il me semble opportun de mobiliser tous les moyens disponibles afin de favoriser le report modal.
Notre pays est celui qui totalise le plus de jours de grève au monde dans le secteur des transports. Si l’on regarde en arrière, depuis 1947, il n’y a pas eu une année sans un jour de grève à la SNCF. Triste record, qui démontre que l’aspiration aux transports est inversement proportionnelle au pouvoir de nuisance exercé sur eux, tant ils sont devenus un terrain de jeu privilégié pour certains syndicats. Triste record également lorsque l’on sait qu’un jour de grève coûte à la SNCF, et donc aux contribuables, entre 10 millions et 20 millions d’euros. Comment accepter cela, alors que nous sommes en perpétuelle recherche de financements pour les transports publics ?
Sans idéologie, mais avec pragmatisme, nous souhaitons améliorer la situation concrète dans les services de transport en nous interrogeant tous ensemble : le droit de grève l’emporte-t-il sur la continuité des services publics ? Prime-t-il le droit constitutionnel de se déplacer librement ? Doit-il empêcher des millions de Français d’aller travailler ou de rejoindre leurs familles durant les vacances ? Pour moi, cela ne saurait être le cas.
Dans notre pays, le droit de grève est un droit constitutionnel et cette proposition de loi n’entend nullement le remettre en cause, comme la proposition de loi tendant à assurer l’effectivité du droit au transport, à améliorer les droits des usagers et à répondre aux besoins essentiels du pays en cas de grève, de Bruno Retailleau, que le Sénat a adoptée en 2020, ou encore la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, que j’ai déposée en 2023.
Ces textes convergent tous vers un même équilibre : trouver un point stable qui fasse toute leur place également à la continuité de l’accès aux services publics, à la liberté d’aller et de venir, à la liberté du travail et à celle d’entreprendre.
Cette culture à laquelle nous aspirons doit exister face à la « gréviculture », laquelle, il faut bien le dire, est une tradition bien française : seize grèves en vingt ans pour le seul mois de décembre à la SNCF ; plus de vingt préavis de grève dormants déposés à la RATP jusqu’en 2040 ou 2045.
Mme Raymonde Poncet Monge. C’est faux !
M. Philippe Tabarot, rapporteur. Telle est la triste et édifiante réalité à laquelle certains d’entre vous, dans cet hémicycle, ne souhaitent pas s’attaquer. Pourquoi ? Par peur ? Par complaisance ? Par immobilisme ?
Est-il acceptable que la grève soit devenue un préalable à toute négociation plutôt qu’un ultime recours ? Face à une situation de blocage, nous disons oui au droit de grève, mais non au blocage absolu de tout un pays ; oui au droit de grève, mais avec des limites proportionnées ;…
M. Franck Dhersin. Bien !
M. Philippe Tabarot, rapporteur. … oui au droit de grève, mais non à son dévoiement.
M. Olivier Paccaud. Très bien !
M. Philippe Tabarot, rapporteur. Nous voulons réhabiliter le service minimum, en passe de devenir aujourd’hui un service impossible. Il est un instrument de justice pour ceux de nos concitoyens, souvent les plus modestes, qui sont en première ligne et dont la présence est indispensable au bon fonctionnement du pays.
Mes chers collègues, j’ai bien conscience qu’il s’agit, pour certains d’entre vous, d’un sujet passionnel, pour d’autres, d’un serpent de mer, auquel chaque gouvernement a peur de s’attaquer. À la passion, j’oppose la cohérence et le pragmatisme.
Le texte que nous examinons aujourd’hui sanctuarise certaines périodes, qui correspondent à des besoins essentiels de la Nation, et définit un maximum de jours par an au cours desquels l’exercice du droit de grève dans les services publics de transport pourrait être suspendu. Ce dispositif s’inspire de l’exemple de l’Italie, où un système analogue est en vigueur depuis près de trente ans.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré il y a quelques jours que le présent texte présentait un problème de constitutionnalité, vous substituant ainsi déjà au juge constitutionnel. En commission, nous avons accentué la logique de conciliation des droits et renforcé la proportionnalité du dispositif en abaissant le plafond annuel à trente jours au lieu de soixante, en réduisant le nombre maximal de jours consécutifs sanctuarisés à sept au lieu de quinze, en restreignant l’application du texte au seul personnel indispensable et en fixant des plages horaires précises correspondant aux heures de pointe.
Laissons donc le Conseil constitutionnel faire son travail et le législateur et l’exécutif le leur, qui est bien de tracer les limites du droit de grève, lequel s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent, ainsi que l’énonce le préambule de la Constitution de 1946.
Vous vous êtes également inquiété de la difficulté de choisir les périodes d’application du dispositif. Le texte adopté par la commission pourra utilement vous aiguiller sur ce point : il cite les vacances scolaires, les jours fériés, les élections, les référendums ainsi que les événements d’importance majeure fixés en concertation avec les partenaires sociaux, comme les examens nationaux.
Vous avez enfin déclaré, monsieur le ministre, que ce texte tendrait à négliger la mobilité du quotidien. Encore une fois, je vous renvoie à la rédaction adoptée en commission, dont vous n’avez manifestement pas pris connaissance.
M. Didier Mandelli. En effet…
M. Philippe Tabarot, rapporteur. Plusieurs articles additionnels assurent un meilleur fonctionnement du service minimum prévu par la loi du 21 août 2007 : avancement de vingt-quatre heures du délai limite de transmission des déclarations individuelles de participation à la grève, meilleure prise en compte des heures de pointe dans l’organisation du service minimum, réquisition du personnel nécessaire en dernier recours si le niveau minimal de service couvrant les besoins essentiels de la population n’était pas assuré trois jours de suite.
En outre, le texte compte des dispositions luttant contre les préavis de grève dormants, lesquels permettent de contourner la période de dialogue social obligatoire et ont un impact certain. Pour le seul réseau de bus de la RATP en 2023, 2 300 000 kilomètres n’ont pas été parcourus à cause de préavis de ce type.
Le texte met également un terme à la pratique des grèves de courte durée, surnommées « grèves de 59 minutes », dont l’effet est disproportionné.
Ces contournements démontrent que le dialogue social, auquel chacun clame son attachement, est détourné. Forts de leur pouvoir de nuisance, certains l’ont transformé en véritable monologue social.
Les Français ne nous ont pas élus pour nous contenter d’essayer et le Sénat prend une nouvelle fois ses responsabilités. Ce texte est équilibré : il permet une conciliation entre l’exercice de la grève et les droits et libertés auxquels celui-ci est susceptible de porter atteinte ; il protège les mobilités durant certains jours spéciaux pour la vie de la Nation et améliore en même temps le quotidien des Français ; enfin, il assure un équilibre entre le droit de grève et le devoir de travailler, pour reprendre les mots du Premier ministre.
Mes chers collègues, face à une minorité bruyante qui paralyse tout un pays en dévoyant le droit de grève, je vous appelle aujourd’hui à devenir les porte-voix d’une majorité silencieuse trop souvent prise en otage, non pour alimenter de vieilles querelles, mais tout simplement pour redonner sa fierté au service public. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, monsieur le rapporteur Philippe Tabarot, monsieur le sénateur Hervé Marseille, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de commencer mon intervention avec des mots d’un autre temps, mais qui résonnent toujours, pour l’homme politique que je suis, avec autant d’actualité dans notre débat de cet après-midi : « Il est parfois nécessaire de changer certaines lois, mais le cas est rare ; et lorsqu’il arrive, il ne faut y toucher que d’une main tremblante. » (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le droit de grève a été reconnu en France par la loi Ollivier du 25 mai 1864. C’est donc dans cette longue histoire que s’inscrit le débat qui s’ouvre aujourd’hui et qui ne rend que plus pressante l’exhortation de Charles de Montesquieu dans les Lettres persanes.
La question de l’encadrement du droit de grève dans les transports est ancienne, tout comme l’est, pour les pouvoirs publics, la conscience aiguë de l’efficacité du levier d’action que représente un arrêt de travail dans ce secteur. Aussi ancien est le dilemme entre, d’un côté, la protection d’une liberté reconnue aux travailleurs pour faire valoir leurs droits et, d’un autre, le souci de protéger les Français des effets des mouvements de revendications à travers lesquels ceux-ci s’expriment.
Si cette question n’est pas nouvelle, elle n’en demeure pas moins actuelle. J’entends ainsi l’exaspération de certains de nos compatriotes, confrontés à la suppression de leur train ou de leur métro, le matin avant d’aller travailler ou le soir pour rentrer chez eux, quand il y a une grève dans les transports. C’est la France qui travaille, la France qui va à l’école.
J’ai entendu, plus récemment, le même agacement se manifester lors de la grève de contrôleurs de trains au cours des dernières vacances d’hiver. Personne n’a manqué de faire le rapprochement avec la situation vécue lors des vacances de fin d’année 2022, sans que l’on saisisse bien – il faut l’avouer ! – ce qui justifiait d’en arriver de nouveau à cette extrémité.
Cette réalité, ces galères vécues par nos concitoyens rappellent avant tout aux employeurs et aux organisations syndicales leur lourde responsabilité pour éviter d’aboutir à des conflits porteurs de conséquences importantes.
Face à l’ampleur de l’impact sur les usagers des grèves dans les transports, le législateur est déjà intervenu pour encadrer l’exercice du droit de grève et non pour l’interdire.
Je vois dans ce droit, qui est inscrit dans le préambule de notre Constitution, un symbole de notre État de droit. À ce titre, j’affirme encore y être très attaché. L’enjeu, ô combien difficile, est de parvenir à le concilier avec le principe de continuité du service public, lui aussi de valeur constitutionnelle.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les termes du débat que je tiens à partager solennellement avec vous aujourd’hui.
La continuité du service public ne peut justifier la recherche d’un service normal, fût-ce sur une période limitée. Ce serait, disons-le clairement, une suppression temporaire du droit de grève et, sauf à ce que celle-ci traduise une volonté des parties avant d’être inscrite dans la loi, comme ce fut le cas historiquement en Italie, ce n’est qu’avec la plus grande prudence qu’il nous appartient de légiférer pour restreindre ce droit.
Nous partageons, il est vrai, les uns et les autres, les constats à l’origine de l’initiative d’Hervé Marseille et de ses collègues. Pour autant, c’est sur le remède à apporter que le Gouvernement ne partage pas les orientations de la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui.
Ma conviction, la conviction du Gouvernement, repose d’abord et avant tout sur la nécessité de renforcer le dialogue social dans les entreprises de transport, pour éviter la grève. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’encadrement du droit de grève dans les transports terrestres réguliers de voyageurs n’a pas connu d’évolution significative depuis l’adoption de la loi du 21 août 2007. Et pour cause : celle-ci a trouvé, pour reprendre les termes du Gouvernement de l’époque, un « point d’équilibre » entre plusieurs droits à valeur constitutionnelle, pour apporter une réponse concrète, organisée autour d’un triptyque simple.
Il s’agit, d’abord, d’éviter au maximum le recours à la grève par le renforcement du dialogue social dans les entreprises de transport. C’est l’objet de la procédure de dialogue social préalable obligatoire au dépôt d’un préavis de grève.
M. Alain Chatillon. Cela n’a pas fonctionné !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Ensuite, il faut contenir, autant que faire se peut, la paralysie en cas de grève : il s’agit, pour les autorités organisatrices de la mobilité, de définir plusieurs niveaux de priorité, qui facilitent l’organisation des services lorsque le mouvement de grève ne peut être évité, sur le fondement des déclarations d’intention de faire grève.
Enfin, il convient de prévenir l’absence d’information pour les usagers, car, à défaut de maintenir un service normal, il importe de faire bénéficier l’usager, en cas de grève, d’un service réduit, mais prévisible.
Ce modèle d’encadrement, qui repose non pas sur un service minimum, contrairement à la présentation qui en est souvent faite, mais sur un service prévisible, a beaucoup apporté au secteur. Sans méconnaître la sensibilité de nos compatriotes, il faut souligner que les usagers peuvent ainsi bien mieux appréhender l’impact des grèves, parfois important, et s’organiser en conséquence.
Faut-il toutefois en conclure qu’il convient d’en rester là ? Évidemment non.
Si le dialogue social n’exclut pas la conflictualité, celle-ci ne peut pas et ne doit pas être le point de départ de la négociation sociale. Le droit de grève est un droit ; il emporte, en retour, le devoir, pour les employeurs et les syndicats, de négocier de bonne foi avant de faire le constat, le cas échéant, d’un échec de la discussion.
Je veux d’ailleurs voir un signe encourageant dans le report au mois de mai du préavis de grève déposé par un syndicat de la SNCF à partir du 30 avril. Une table ronde est notamment prévue avec la direction de l’entreprise le 10 avril prochain. Je forme le vœu que la négociation permette d’avancer.
J’ai eu l’occasion de déclarer que la SNCF faisait partie de notre patrimoine national. Je l’affirme encore, avec toute la solennité nécessaire, devant le Sénat : direction et syndicats doivent pleinement mesurer leur responsabilité devant les Françaises et les Français. (Murmures sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Le Gouvernement attend qu’ils soient à la hauteur du rendez-vous : à la direction, la responsabilité de faire vivre le dialogue social, en l’alimentant avec des propositions propres à apporter des réponses concrètes aux besoins ; aux syndicats, la responsabilité de porter des revendications légitimes et réalistes.
C’est à ce même devoir de responsabilité que j’appelle plus largement les entreprises et les syndicats du secteur à l’approche des jeux Olympiques et Paralympiques cet été à Paris. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Très bien !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Personne n’a à gagner à l’inflexibilité, d’un côté, comme à l’escalade, de l’autre ; il faut redoubler d’efforts de part et d’autre pour faire aboutir le dialogue. Le monde en sera témoin ; la Nation en sera juge. Ce n’est ni plus ni moins qu’une question de confiance et nous en tirerons au besoin toutes les conclusions.
Au-delà de cet enjeu, pour entrer dans le fond, l’interdiction du droit de grève contenue dans la proposition de loi dont vous êtes appelés à débattre soulève des interrogations lourdes sur le terrain du droit et de l’opportunité.
Sans viser l’exhaustivité, je n’en signalerai que deux, qui me semblent incontournables dans notre discussion de cet après-midi.
Tout d’abord se pose la question de l’objet du texte : s’agit-il de protéger les Français qui partent en vacances, en reléguant au second plan la mobilité du quotidien de la France qui travaille ? Il faut être clair : nous ne souhaitons pas monter nos concitoyens les uns contre les autres, ceux qui ont les moyens de partir en vacances contre ceux qui se lèvent tous les matins pour prendre leur train, leur tramway, leur métro, leur bus pour aller au travail. (Protestations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Les premiers de cordée !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Dans notre société contemporaine, parfois agitée en raison de l’effritement du lien social, évitons de donner le sentiment de privilégier une catégorie des Français.
Surtout, un écueil juridique de taille se fait jour : l’analyse de la constitutionnalité des mesures soulève les doutes les plus sérieux. Une interdiction de l’exercice du droit de grève, même dans des conditions assouplies grâce au travail réalisé en commission la semaine dernière avec l’appui du rapporteur,…
M. Stéphane Le Rudulier. Très bien !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. … même sur un champ d’application plus restreint et des périodes raccourcies, doit satisfaire à des exigences strictes pour justifier une atteinte au droit de grève, notamment à celle de répondre aux besoins essentiels du pays.
Sans remettre en cause la qualité du travail accompli en commission pour circonscrire les risques juridiques ou pour limiter le champ d’application de la loi, en particulier en ce qui concerne l’exclusion du transport aérien, je relève toutefois que les conditions ne sont pas réunies pour garantir avec suffisamment d’assurance la conformité de ce texte à nos droits fondamentaux.
Pour l’ensemble des raisons que je vous ai exposées, le Gouvernement rendra donc un avis défavorable sur cette proposition de loi. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Plusieurs amendements de suppression d’article seront discutés tout à l’heure ; dans la mesure où le Gouvernement s’oppose globalement au texte, il s’en remettra à la sagesse du Sénat à leur endroit. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Exception d’irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par M. Barros, Mme Varaillas, M. Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l’exercice du droit de grève (n° 493, 2023-2024).
La parole est à M. Pierre Barros, pour la motion.
M. Pierre Barros. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite d’abord saluer la présence, dans les tribunes, de nombreux syndicalistes venus assister à notre séance publique. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Mandelli. Ils ne sont pas au boulot ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Barros. « Il y a des hommes pour qui la grève est un scandale : c’est-à-dire non pas seulement une erreur, un désordre ou un délit, mais un crime moral, une action intolérable qui trouble à leurs yeux la Nature », écrivait l’éminent philosophe Roland Barthes dans ses Mythologies en 1957.
La volonté de restreindre la grève est aussi vieille que la grève elle-même. Le texte que nous examinons tire son inspiration du modèle italien, extrêmement restrictif. Vous proposez en effet, mes chers collègues, de sanctuariser trente jours par an durant lesquels l’exercice de la grève serait interdit. Les vacances et jours fériés, les élections et référendums, ainsi que les événements d’importance seraient concernés.
Lors de ces périodes, qui ne pourraient pas dépasser sept jours consécutifs, un trafic minimum serait alors organisé aux heures de pointe, le matin et le soir.
Votre projet étend également le délai de prévenance et de déclaration, il met fin aux préavis dormants, encadre les grèves de moins d’une heure et autorise les réquisitions dans le secteur des transports. Rien de moins !
Toutes ces dispositions sont anticonstitutionnelles, dans la mesure où elles portent une atteinte disproportionnée au droit de grève, pourtant protégé par le septième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, qui précise que le « droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » et non qui l’interdisent ou le suspendent.
M. Olivier Paccaud. Question d’interprétation !
M. Pierre Barros. Le rapport de la commission pour la continuité des services publics dans les transports terrestres de voyageurs, dite commission Mandelkern, ne disait pas autre chose : dès 2004, il battait en brèche toutes vos propositions, mes chers collègues.
En ce qui concerne la garantie de service par plage horaire, ce rapport indique notamment : « [Ce] scénario aboutit au maintien en service d’une telle proportion du personnel que l’on peut douter de sa compatibilité avec l’obligation constitutionnelle de concilier les droits. Cette conciliation ne peut aboutir à une quasi-négation de l’un d’eux [.] »
Pour ce qui est de l’interdiction du droit de grève durant un certain nombre de jours fixés à l’avance, ce même rapport précise : « [Une telle interdiction] ne peut être acceptée que s’il est possible de démontrer que, ces jours-là, tous les personnels doivent être présents pour répondre à des besoins essentiels. Or, en se limitant […] aux seuls exemples donnés plus hauts (examens, grands départs en vacances, grands événements sportifs), on mesure d’emblée la difficulté qu’il y a à respecter ces contraintes juridiques. »
Quant aux réquisitions, il est difficile d’imaginer en quoi l’absence de transports en commun créerait une atteinte au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques. De telles réquisitions seront déclarées par le juge illégales, car non justifiées par un véritable objectif de maintien de l’ordre public.
Par ailleurs – dois-je le rappeler ? –, l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, de valeur constitutionnelle, dispose : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. » Or, comme vous le savez, mes chers collègues, la jurisprudence courante interprète la garantie du droit de grève comme relevant de la résistance à l’oppression.
Notre pays est également signataire de la convention n° 87 de l’Organisation internationale du travail selon laquelle, dans son article 3, « les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter [le] droit [de grève] ou à en entraver l’exercice légal ». Nous devons respecter cette convention, comme l’exige la Constitution.
Sans l’ombre d’un doute, vous l’aurez compris, mes chers collègues, cette proposition de loi est anticonstitutionnelle.
Pourquoi un tel texte ? Pourquoi le nombre de textes de ce type s’est-il accru au cours des dernières années ? Pourquoi font-ils des mouvements sociaux la source de tous les maux que rencontrent les usagers des transports, alors que la réalité est tout autre ? C’est certainement parce qu’il est plus facile de s’attaquer aux droits des travailleurs qu’aux vrais problèmes.
Prenons l’exemple de l’année 2022, année des grèves des chefs de bord. L’Autorité de la qualité de service dans les transports (AQST) décrit cette année comme l’une des pires en matière de retards. Quelles en sont les causes ? Selon l’Autorité, la majorité des dysfonctionnements rencontrés par les usagers est liée aux difficultés liées à la gestion de l’affluence en gare, au matériel défectueux, à la régulation du trafic ou encore aux infrastructures fatiguées. Dans le ferroviaire, seuls 20 % à 25 % des retards relèvent d’une cause externe, notamment la météo, les obstacles sur les voies, les colis suspects, les malveillances et, en toute dernière position, les mouvements sociaux.
L’Autorité de la qualité de service dans les transports dénonce par ailleurs la dégradation de l’état du réseau ferroviaire depuis 1954, qu’elle explique par le vieillissement du réseau et du matériel roulant, l’augmentation du trafic et du nombre de voyageurs et une baisse des effectifs, passés de 400 000 cheminots en 1954 à moins de 150 000 aujourd’hui.
Cette proposition de loi ne trompe personne : le sous-investissement, voilà ce qui pénalise vraiment les usagers. Pourquoi maintenons-nous un modèle dans lequel les collectivités territoriales et les usagers financent le développement et l’entretien des réseaux, plutôt que l’État ? Pourquoi l’effort politique ne se concentre-t-il pas sur cette question cruciale ? Monsieur le ministre, à quand un projet de loi de programmation relatif aux 100 milliards d’euros promis par Mme Borne ?
M. Hervé Gillé. On l’attend !
M. Pierre Barros. Sous-investissement et ouverture à la concurrence : tels sont les choix politiques qui ont saboté les transports du quotidien, indispensables à des millions d’usagers. Ce phénomène continue, hélas ! Ce sont aussi ces choix politiques qui contribuent à dégrader les conditions de travail des salariés.
Que dire, par ailleurs, de la liquidation de nos grandes entreprises de services publics telles que Fret SNCF, qui a favorisé le transport routier au détriment de la nécessaire décarbonation du fret et plus généralement des transports ? Attaquons-nous donc, non pas aux conséquences de ces dysfonctionnements, mais à leurs causes, mes chers collègues !
J’en viens à un autre élément qui doit attirer notre vigilance. Cette proposition de loi instrumentalise les craintes que suscitent les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024…
M. Michel Savin. Ah !
M. Pierre Barros. … pour mettre à l’agenda politique ce vieux rêve que constitue le syndicalisme de partenariat social.
Cela a commencé avec Jacques Delors, qui a introduit le principe de « dialogue social » en lieu et place de celui de « négociation collective ». Puis, les lois Auroux de 1982 (loi du 28 octobre 1982 relative au développement des institutions représentatives du personnel, loi du 4 août 1982 relative aux libertés des travailleurs dans l’entreprise, loi du 13 novembre 1982 relative à la négociation collective et au règlement des conflits collectifs du travail et loi du 23 décembre 1982 relative aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) et la loi El Khomri de 2016 (loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels) ont ouvert des brèches dans le code du travail. Enfin, en 2017, les ordonnances dites Macron (ordonnances du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective, du 22 septembre 2017 portant diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective et du 22 septembre 2017 relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention) ont achevé, en créant le comité social et économique (CSE), de déséquilibrer les rapports entre partenaires sociaux en affaiblissant les instances et en décourageant les élus dans l’exercice de leur fonction de représentation. Résultat : les organisations syndicales représentatives n’ont désormais aucun poids réel dans la négociation…
Pourquoi ne pas commencer par respecter l’esprit de notre Constitution ? Plutôt que de s’acharner sur le droit de grève, mettons en place de véritables cadres de négociation collective, de sorte que les organisations syndicales n’en soient plus réduites à discuter les virgules des accords ! Rendons-leur les moyens de faire vivre la discussion sur des propositions !
Au sein du processus de négociation collective, la grève n’est qu’un levier d’action, mais elle constitue un outil essentiel du rapport de force qui, vous le savez, a permis d’arracher de grandes conquêtes sociales.
Dois-je vous rappeler, mes chers collègues, qu’on ne déclenche pas une grève par plaisir ni par commodité, que les conséquences sont lourdes pour les grévistes et que ce n’est pas de gaieté de cœur qu’ils perdent de précieuses journées de salaire, en particulier dans la conjoncture économique actuelle ?
Vous le savez, la situation économique est particulièrement dégradée et le climat social marqué par une grande instabilité. Cette proposition de loi s’inscrit dans une conjoncture répressive à l’égard de tout ce qui ressemble à un contre-pouvoir exercé par un corps intermédiaire. En tant que parlementaires, nous sommes familiers d’une telle démarche…
Notre pays connaît un contexte inédit de répression syndicale. En effet, plus de 1 000 militants syndicaux sont aujourd’hui poursuivis devant les tribunaux.
M. Pascal Savoldelli. Ah bon ? Ce ne sont pas plutôt 1 000 patrons ?
M. Pierre Barros. Une telle situation, particulièrement alarmante pour nos libertés publiques, doit nous interpeller. L’essence de la démocratie réside dans sa capacité à permettre la libre expression des conflits qui la traversent. À Athènes, antique mère de nos démocraties, cela permettait déjà de réguler les différends et d’aboutir à un consensus. Empêcher l’expression du conflit n’empêchera pas le conflit en lui-même.
Cette proposition de loi, nous le savons, ne servira pas l’intérêt des entreprises concernées. Contrairement aux idées reçues, le patronat a besoin des organisations syndicales, qui jouent un rôle d’amortisseur social essentiel dans notre démocratie. À défaut, nous assisterons à un accroissement du nombre de grèves sauvages et de pratiques hors cadre. Quand le corps social est contraint, il réagit.
La dépénalisation de la grève en 1864 fut du reste pensée en ce sens : des mouvements sociaux qui se déroulent au grand jour sont mieux gérés et contrôlés.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter en faveur de cette motion, mes chers collègues. En interdisant à certains salariés d’exercer leurs droits de grève, ce texte franchit une ligne rouge.
Je terminerai en citant quelques vers du chœur parlé Citroën, composé par Jacques Prévert et le groupe Octobre en 1933. (M. le rapporteur lève les yeux au ciel.) Nous avons des valeurs différentes, cher Philippe Tabarot ! (Sourires.)
« Mais ceux qu’on a trop longtemps tondus en caniches,
« Ceux-là gardent encore une mâchoire de loup
« Pour mordre, pour se défendre, pour attaquer,
« Pour faire la grève… »
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, contre la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Stéphane Demilly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui tend à encadrer l’exercice du droit de grève dans les transports lors de périodes stratégiques.
Je vais vous expliquer pourquoi cette proposition n’est ni inconstitutionnelle ni incompatible avec nos engagements internationaux, contrairement à ce que prétendent les auteurs de la présente motion d’irrecevabilité.
Oui, en France, le droit de grève est un droit constitutionnel, inscrit au septième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, mais, oui, c’est un droit qui peut être limité. Le Conseil constitutionnel l’a d’ailleurs clairement énoncé dans une décision du 25 juillet 1979.
S’il est un principe de valeur constitutionnelle, le droit de grève a néanmoins des limites qui peuvent être définies par le législateur dans l’objectif de concilier « la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l’intérêt général, auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ». En d’autres termes, le droit de grève ne doit pas faire obstacle à la continuité du service public qui a, lui aussi, une valeur constitutionnelle.
Ainsi, oui, ces limitations peuvent aller jusqu’à l’interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement du service. Mes chers collègues, le droit de grève n’est pas absolu. Il peut être encadré pour préserver la continuité du service public et la liberté d’aller et venir, reconnue elle aussi comme un droit constitutionnel par la décision du 25 juillet 1979 susvisée.
Puisque notre débat est d’abord juridique – j’en viendrai à l’aspect politique dans un instant –, posons-nous spécifiquement la question suivante : l’exercice répété du droit de grève de notre opérateur ferroviaire historique, la SNCF, porte-t-il atteinte, oui ou non, à la continuité du service public et porte-t-il atteinte, oui ou non, à la liberté d’aller et venir ?
M. Pascal Savoldelli. Non !
M. Stéphane Demilly. Pour répondre à cette question, soyons factuels et observons des données tangibles et incontestables, sauf naturellement à faire preuve de mauvaise foi.
Sans remonter jusqu’à 1947, depuis janvier 2022, soit assez récemment, on décompte plus de soixante-dix mouvements de grève des agents de transport ferroviaire. Or ces mouvements sont toujours déclenchés pendant les vacances scolaires et pendant les week-ends.
À titre d’exemple, la grève du week-end de Noël 2022 a laissé plus de 200 000 personnes sur le quai. Cette situation n’est pas digne, ni pour nos concitoyens qui souffrent injustement de ces blocages ni pour l’image de notre entreprise ferroviaire.
Trop souvent, prendre le train devient source de stress, alors que paradoxalement, mais légitimement, notre pays porte des objectifs ambitieux de décarbonation des transports. Le train, plutôt que la voiture ou l’avion, c’est super… mais seulement quand ça fonctionne ! Or, à ce jour, les règles encadrant l’exercice du droit de grève en France n’assurent pas une protection suffisante du droit des passagers.
Il faut également préciser qu’au-delà des grands départs en vacances les mouvements de grève ont de lourdes conséquences dans le quotidien des Français, notamment pour ceux qui empruntent chaque jour les transports collectifs pour se rendre sur leur lieu de travail. Or beaucoup de ces travailleurs n’ont pas la possibilité d’opter pour une autre solution, parce que cela leur coûterait trop cher ou que le temps de trajet deviendrait trop long, au regard par exemple des embouteillages dans les métropoles.
Cette proposition de loi a donc été pensée pour contrecarrer ces atteintes à la continuité du service public, à la liberté d’aller et venir et à l’ordre public. Il est question, non pas d’interdire, mais de concilier le droit de grève avec d’autres droits, libertés et principes tout aussi fondamentaux.
Pour éclairer l’analyse juridique de la recevabilité de ce texte, rappelons que selon la jurisprudence administrative qui prévaut depuis l’arrêt Dehaene du Conseil d’État du 7 juillet 1950, le déplacement est un besoin d’intérêt général. Le champ d’application des dispositions encadrant le droit de grève doit ainsi être strictement déterminé par le législateur, c’est-à-dire par nous-mêmes, mes chers collègues. Tel est précisément l’objet de la présente proposition de loi, qui vise le personnel dont le concours est indispensable au bon fonctionnement du service.
Par les amendements adoptés en commission, la durée des suspensions à l’exercice du droit de grève a été restreinte de manière à cibler les heures de pointe. Nous ménageons ainsi la liberté d’aller et venir, notamment pour travailler.
Ce texte a été dosé avec finesse. Il est juste, équilibré, et il a été élaboré avec le souci de la proportionnalité.
C’est dans le même esprit que le nombre de jours concernés a été réduit par rapport au texte original. Les suspensions ne pourront ainsi s’appliquer que sur des périodes de sept jours consécutifs et pour une durée cumulée annuelle maximale de trente jours. Les périodes concernées devront quant à elles être clairement définies, par exemple de la veille au lendemain des jours fériés, durant les vacances scolaires ou encore durant les événements d’importance majeure sur le territoire national. Il s’agit donc bien d’un encadrement strict.
Comme je le souhaitais, le transport aérien a par ailleurs été exclu du dispositif. Ce secteur est en effet déjà soumis à des dispositions spécifiques, par la loi du 19 mars 2012, qui encadre l’exercice du droit de grève des travailleurs du secteur, qui prévoit notamment l’obligation individuelle de déclarer sa participation à une grève quarante-huit heures avant qu’elle ne débute, et par l’excellente loi du 28 décembre 2023, d’origine sénatoriale, qui prévoit que tout agent dont l’absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols doit informer l’autorité administrative, au plus tard l’avant-veille de chaque journée de grève, de son intention d’y participer.
Le droit de grève étant donc manifestement déjà suffisamment encadré dans le secteur aérien, il a été décidé, dans le même souci de tempérance et d’équilibre que j’évoquais, de ne pas intégrer ce secteur dans le périmètre du présent texte, d’autant qu’il ne bénéficie pas tout à fait de la même situation monopolistique que le secteur ferroviaire.
Autre point important : les périodes de suspension ne pourront être fixées par décret en Conseil d’État qu’après concertation avec les partenaires sociaux. Ainsi, au-delà de son caractère équilibré, ce texte respecte et même invite à la démocratie sociale : il nous rappelle, comme le président Marseille l’indiquait précédemment, que la grève est et doit être le dernier recours en cas d’échec du dialogue. Il reviendra donc aux partenaires sociaux de prendre leurs responsabilités.
La commission a enfin considérablement élargi le champ du texte, en y insérant six articles additionnels qui ont pour objectif de permettre au service de s’organiser en cas de grève. L’allongement des délais de préavis individuels vise en particulier à assurer l’effectivité du service minimum. Par cette disposition, il s’agit de lutter contre l’exercice abusif du droit de grève.
Comme je viens de l’indiquer, la grève doit être un outil de pression ou d’expression de l’insatisfaction de dernier recours. Elle ne doit intervenir qu’après le constat de l’échec du dialogue social et, naturellement, après le dépôt d’un préavis. Or certaines organisations syndicales déposent des préavis de grève illimités ou dormants, que l’on peut actionner n’importe quand. Le recours à de telles pratiques, qui s’apparentent à une épée de Damoclès, est tout à fait insupportable ; il convient d’y mettre un terme.
Il est en est de même des fameuses grèves de 59 minutes, très répandues dans le secteur des transports, qui désorganisent complètement le service et qui prennent de court les usagers – que dis-je ? les clients – de la SNCF qui, pour le coup, deviennent les otages de cette humeur passagère de 59 minutes. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Je rapporterai les propos, non pas de Montesquieu, mais de Mme Michu, qui prend le train tous les jours pour aller bosser et qui estime qu’il faut mettre fin à tous ces détournements du droit de grève et à toutes ces stratégies insupportables, qui transforment le client en monnaie d’échange et en moyen de pression. (Mêmes mouvements.)
M. Olivier Paccaud. Excellent !
M. Stéphane Demilly. La commission a d’ailleurs augmenté de vingt-quatre heures les délais de transmission des déclarations individuelles de participation à la grève. C’est la moindre des choses, car la grande maison ferroviaire doit non seulement s’organiser sur le plan technique, mais, accessoirement, elle doit aussi informer ses voyageurs.
Je rappelle du reste que la constitutionnalité de l’obligation de déclaration préalable a été confirmée à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel. Le fait d’augmenter les délais de déclaration individuelle permettra toujours, dans un souci de préservation de l’intérêt général, de faciliter l’organisation du service par les opérateurs et d’informer le client, afin que lui aussi puisse s’organiser.
Non seulement la proposition de loi qui nous est soumise n’est pas inconstitutionnelle, mais elle n’est pas non plus inconventionnelle, c’est-à-dire qu’elle ne contrevient pas à nos engagements internationaux.
Si le droit de grève est effectivement protégé à l’échelle supranationale, à la fois par la Charte sociale européenne, par la Cour européenne des droits de l’homme et par l’article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – la Cour de justice de l’Union européenne en a d’ailleurs fait un principe général du droit de l’Union européenne –, cette consécration supranationale du droit de grève n’interdit pas son aménagement au profit de la continuité des services publics.
De nombreuses constitutions européennes font du reste référence à la nécessité de concilier droit de grève et continuité du service ; je pense notamment à la Grèce, à la Roumanie ou encore au Portugal.
M. Ian Brossat. Il est vrai que la Roumanie est un exemple qui fait rêver !
M. Stéphane Demilly. Je pense aussi à l’Italie et à l’Espagne, qui ont mis en place dans leur droit un régime général de garantie du service minimum. Le système proposé par le président Marseille est d’ailleurs calqué sur le système italien, qui prévoit des périodes de suspension du droit de grève déterminées par la négociation collective. Ce système existe depuis trente ans et n’a jamais été sanctionné dans le cadre du Conseil de l’Europe ni de l’Union européenne.
Mes chers collègues, je le répète, il est question, non pas d’interdire, mais de concilier le droit de grève avec d’autres droits, d’autres libertés et d’autres principes tout aussi fondamentaux.
Après Montesquieu et Mme Michu, permettez-moi de citer Sénèque : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles. »
M. Olivier Paccaud. Bravo !
M. Stéphane Demilly. Cette proposition de loi n’étant ni inconstitutionnelle ni conventionnelle, je vous invite donc à voter contre la présente motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Tabarot, rapporteur. Ma réponse, technique, s’articulera autour d’arguments de trois ordres.
Les auteurs de la motion se réfèrent tout d’abord avec justesse au préambule de la Constitution de 1946. Or, comme ils le savent, le septième alinéa de celui-ci prévoit précisément que le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. C’est là tout l’objet de la présente proposition de loi, qui vise, par de nouvelles dispositions législatives, à encadrer l’exercice du droit de droit de grève, afin de le concilier avec d’autres principes constitutionnels, que sont par exemple la liberté d’aller et venir, l’ordre public ou le droit du travail, qui découle lui aussi du préambule de la Constitution de 1946.
Ce dispositif s’inspire ensuite d’un modèle qui existe d’ores et déjà en Italie, depuis plus de trente ans. Nous avons du reste renforcé la constitutionnalité du dispositif initial par une série d’évolutions permettant de cibler sa mise en œuvre dans le temps, de réduire son champ d’application, ainsi que la sanction prévue, qui est désormais limitée à une sanction disciplinaire. En définitive, compte tenu des évolutions introduites en commission, le dispositif semble tout à fait proportionné à l’objectif poursuivi.
Enfin, me livrant à quelques travaux d’archéologie législative, j’ai étudié les débats que nous avons eus en 2007 sur le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. J’ai ainsi constaté que, à l’époque, le groupe communiste avait déjà déposé une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité sur ce texte, qui ne fait pourtant plus débat aujourd’hui, et qui, je le crois, a permis d’améliorer la prévisibilité du service. En 2007, le Conseil constitutionnel avait conclu que les dispositions de ce projet de loi dont il avait été saisi étaient conformes à la Constitution.
Ainsi, monsieur Barros, tout en partageant votre constat sur l’état du réseau ferroviaire dans notre pays, je ne puis qu’être défavorable à cette motion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cette motion.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Quoi que vous en disiez, mes chers collègues, cette proposition de loi est contraire à notre Constitution. Vous ne pouvez pas interpréter celle-ci dans le sens qui vous arrange.
M. Olivier Paccaud. C’est pourtant ce que vous faites !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Par ailleurs, lorsque mon collègue Barros a salué les cheminots qui nous écoutent depuis les tribunes, certains ont ironisé, en indiquant que ces derniers n’étaient pas au boulot. Ils ont pourtant raison de défendre leur travail, leurs collègues et le droit de grève, et je regrette le mépris avec lequel vous les avez considérés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Comme je le disais, le présent texte s’oppose à la Constitution sur le fond, en limitant le droit de grève, pourtant garanti par différentes dispositions constitutionnelles. Je n’y reviendrai pas, cela ayant été très bien exposé par mon collègue Pierre Barros.
Ce texte s’oppose aussi à l’esprit de notre Constitution et aux valeurs de notre République, en s’en prenant à la liberté et aux fondements de nos conquêtes sociales.
M. Olivier Paccaud. Et la liberté de circuler et de travailler ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. La grève n’est qu’un outil de contestation. Elle est l’expression des travailleurs qui défendent la valeur de leur travail et font valoir leur dignité au travail.
Par cette proposition de loi, mes chers collègues, vous indiquez aux cheminots qu’ils devront travailler, peu importe leur salaire, peu importent leurs conditions de travail, peu importe le manque d’investissement et d’entretien des transports. « Travaille et tais-toi ! »
Si les transports terrestres et maritimes sont aujourd’hui visés, vous risquez d’attaquer demain d’autres secteurs d’activité. En tout état de cause, nous avons bien compris que vous vouliez ouvrir la boîte de Pandore…
Ce sont pourtant les grèves, et plus largement les mobilisations du plus grand nombre, qui ont permis, dans notre histoire, de bâtir notre République et d’obtenir des droits nouveaux.
Pour toutes ces raisons, nous voterons bien évidemment pour cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité au présent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Le droit de grève est constitutionnel. Son intégrité est garantie par le préambule de la Constitution de 1946. C’est un droit protégé, sacré et déjà largement encadré, offrant aux contre-pouvoirs une expression claire et libre.
Ce droit préserve le corps social, dès lors que celui-ci est empêché de négocier, afin que chacun puisse gagner de nouveaux droits ou protéger ceux qu’il a acquis, dans le pur respect de notre contrat social, et que chacun puisse aspirer à changer sa vie pour vivre mieux.
Pour ce qui nous concerne aujourd’hui, l’intégrité du droit de grève des travailleurs du secteur des transports n’est déjà plus totalement garantie par le droit positif. L’encadrement de ce droit par la loi du 21 août 2007 a contribué à restreindre celui-ci, pour garantir, très naturellement, le droit à l’information des voyageurs affectés par les mouvements sociaux et l’organisation du nécessaire service minimum.
Nous avons déjà été appelés à nous prononcer sur certaines de ces dispositions, et nous les avons déjà rejetées lors de l’examen de ce qui deviendrait la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités. Je pense notamment à l’allongement du délai de déclaration d’intention individuelle.
Le présent texte, bien qu’il ait été subtilement modifié pour exclure de son champ le transport aérien, n’apporte ainsi rien de nouveau. Pis, il est inconstitutionnel. Cela est révélateur d’un mépris grandissant du Conseil constitutionnel, dont la légitimité des décisions est de plus en plus souvent remise en cause. La loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, dite loi Immigration, l’a bien montré.
Cet exercice dangereux avec la norme suprême de notre pays doit cesser. Comme le ministre chargé des transports, qui le rejettera, nous, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, en cohérence avec notre attachement au respect du contrat social, nous rejetons ce texte et voterons en conséquence la présente motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je tiens enfin à saluer l’engagement syndical et la présence, cet après-midi, de syndicalistes dans les tribunes de cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient et votera naturellement cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Vous savez fort bien, mes chers collègues, que les dispositions de ce texte portent atteinte au droit de grève et qu’elles seront frappées d’inconstitutionnalité. Vous le savez pertinemment et vous jouez avec ce risque !
J’estime que cela n’est pas sérieux, cela nuit au débat parlementaire, de même qu’il n’est pas sérieux, monsieur le ministre, de vous en remettre à la sagesse du Sénat sur la présente motion, alors que vous savez que les dispositions de ce texte seront frappées d’inconstitutionnalité.
La grève est un moyen de pression dont l’emploi montre que le dialogue social n’a pas été possible. Avant de porter atteinte au droit de grève, sans doute faudrait-il s’interroger à ce sujet.
Je tiens à rappeler que le droit de grève a façonné l’histoire de notre pays et que, si nous débattons de la possibilité que nos concitoyens puissent prendre le train pour partir en vacances, c’est parce qu’en 1936 une grande grève a permis d’obtenir le droit à des congés payés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Et, depuis lors, d’autres grandes grèves ont contribué à défendre le service public et le ferroviaire.
Telle est l’utilité du droit de grève, que vous vous efforcez de bannir comme s’il était la cause de tous les maux, mes chers collègues ! Comme vous le savez pourtant, les difficultés que rencontre le ferroviaire tiennent, non pas aux grèves ni aux syndicats, mais au manque d’investissement ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. Fernique, Jacquin, Devinaz, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon, Mmes Senée, Souyris, M. Vogel, Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mmes Briquet, Brossel et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, MM. Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, MM. Darras, Durain et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet et Gillé, Mme Harribey, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes de La Gontrie, Le Houerou et Linkenheld, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille et Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron et Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane, d’une motion n° 9.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l’exercice du droit de grève (n° 493, 2023-2024).
La parole est à M. Jacques Fernique, pour la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Pierre Barros applaudit également.)
M. Jacques Fernique. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, posons-nous la question : franchement, est-ce le moment ? (Oui ! sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Olivier Paccaud. Ce n’est jamais le moment !
M. Jacques Fernique. Est-ce vraiment en procédant ainsi que nous contribuerons à apaiser le climat ? Est-ce vraiment en procédant ainsi que nous assurerons la continuité du service public des transports dans cette passe olympique délicate (Oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.) et dans un contexte de carence en conducteurs, de saturation des réseaux et de mauvais état du matériel roulant de nos transports publics, alors que nos opérateurs de transport aspirent à bénéficier des conditions de leur essor ?
Pouvons-nous nous engager dans de telles restrictions d’un droit fondamental, en renversant les conditions d’encadrement légal du rapport de force des conflits sociaux, et le faire de façon expéditive, dans l’« impromptu parlementaire », dans la fragilité juridique et constitutionnelle, sans avis du Conseil d’État, et alors que la concertation des syndicats s’est faite au travers d’une audition en visioconférence de cinquante-cinq minutes, sans analyse précise de faisabilité opérationnelle et sans étude d’impact ?
Si nous étions raisonnables, il faudrait que nous répondions à cette question par la négative. Je dis « il faudrait », car ce n’est sans doute pas le scénario que va choisir cet après-midi la majorité de notre hémicycle. En effet, mes chers collègues, vous venez de renoncer à ce texte en niant son irrecevabilité constitutionnelle, pourtant assez évidente.
Même si cela sera sans doute vain, souffrez d’entendre, mes chers collègues, avant de mettre à mal en sept articles le droit des salariés de défendre leurs conditions de travail et la qualité du service public, combien votre choix sera inconsidéré, inopportun, inopérant, voire – vous devriez au moins comprendre cela – totalement contre-productif.
Monsieur le rapporteur, cher Philippe Tabarot, selon vous – vous l’avez signifié crûment, à votre façon, en commission –, l’opposition à ce texte ne mériterait pas de considération, car elle ne serait que l’idéologie prenant le dessus, qu’une posture renonçant à tout bon sens.
M. Olivier Jacquin. Tout à fait.
M. Jacques Fernique. Pourtant, considérons ce que la commission a fait, sur votre proposition, monsieur le rapporteur, de l’article 1er du texte initial ! Vous avez carrément divisé par deux le champ de cette proposition de loi, en réduisant la possibilité de recours au dispositif de soixante à trente jours cumulés par an et de quinze à sept jours d’affilée et vous avez remplacé les sanctions pénales lourdes par des sanctions disciplinaires, révélant ainsi à quel point ce texte correspond peu à son intitulé : « concilier la continuité du service public de transports avec l’exercice du droit de grève ». N’y a-t-il pas là comme un aveu du caractère épidermique, déséquilibré et à l’emporte-pièce de ce texte de réaction, marqué avant tout par une volonté d’affichage face à l’opinion telle que vous la percevez, cette fameuse « majorité silencieuse » que vous avez déjà invoquée ?
Avez-vous ramené tout cela à l’équilibre et au juste milieu ? Non, parce que vous aurez beau réduire la part de ce qui est anticonstitutionnel, vous n’en changerez pas la nature. L’euphémisme n’abuse personne, la « suspension » est tout bonnement une interdiction. Qu’elle intervienne pendant soixante jours ou trente jours par an, pendant quinze jours ou sept jours d’affilée, il s’agit bien de supprimer un droit essentiel, un droit constitutionnel, pendant une période où, précisément, l’exercice de ce droit a le plus fort impact. Il s’agit, d’une certaine façon, d’opérer une sorte de réquisition générale des salariés pendant cette période, alors que la jurisprudence constitutionnelle n’a jamais considéré que les services de transports faisaient partie des besoins essentiels du pays.
Entendons-nous bien, les transports collectifs ont une importance majeure du point de vue social, économique et climatique. Leur qualité et leur essor nécessitent que soient assurées les conditions d’un dialogue social performant et fluide et non pas d’un monologue dans le vide. Sur ce point, vous avez raison, mais je ne crois pas que ce soit par l’amputation du droit de grève et de la liberté d’action syndicale que l’on y contribuera.
La commission ne s’est pas bornée à adapter les périodes et les durées d’interdiction. Elle a aussi fait des ajouts en reprenant telles quelles toute une série de revendications des employeurs qui visent à amoindrir, à décourager et à compliquer l’action collective des salariés. Pour cela, il a fallu monter en épingle des abus et des dérives, certes réels, mais un peu caricaturés. Et tout y passe : les préavis longs, l’échéance des déclarations d’intention, celles des rétractations ou encore les grèves courtes.
Oui, c’est une caricature que d’évoquer des préavis dormants jusqu’en 2045 ou même jusqu’en 2040 ! On nous dit que nombre de ces préavis auraient plus de dix ans d’âge. Je crois qu’il serait souhaitable, plutôt que de laisser chacun lancer ses chiffres, de dresser un diagnostic reconnu tant par les employeurs que par les syndicats représentatifs.
Oui, la grève est action collective. Elle ne peut pas être mobilisée pour convenance personnelle d’individus isolés couverts par un quelconque vieux préavis. Mais faut-il pour autant remettre en cause, exclusivement pour les transports collectifs terrestres, le régime de préavis qui résulte tout de même d’un texte datant de 1963 sur les conflits sociaux pour tout le secteur public ? Il convient, à tout le moins, de faire preuve de circonspection.
En proposant de faire passer les délais de quarante-huit à soixante-douze heures pour la déclaration d’intention et de vingt-quatre heures à quarante-huit heures pour la renonciation éventuelle, que s’agit-il d’améliorer : l’information préalable des usagers ? La réorganisation du service en fonction des non-grévistes ? Ou, plus simplement, les détournements de la loi qui consistent à utiliser ce laps de temps pour exercer une pression systématique sur chacun des grévistes pressentis ? (M. Olivier Jacquin renchérit.)
L’interdiction des grèves courtes, c’est-à-dire l’obligation de n’exercer le droit de grève qu’à la prise de service et jusqu’au terme de celui-ci, constituerait tout de même une restriction d’importance. Certes, cela est conditionné à l’existence d’un « risque de désordre manifeste à l’exécution du service public », mais cette appréciation n’aurait rien d’évident ni de manifeste.
La direction de la RATP nous l’a d’ailleurs indiqué, l’effet des grèves par tranches de 59 minutes se voit très peu sur l’offre de service. En revanche, ce qui pose problème, c’est que la baisse de salaire qui en résulte pour les grévistes ne couvre pas la baisse de travail effectif, car, bien évidemment, le service ne s’effectue pas par tranche de 59 minutes. C’est un problème, certes, mais qui ne constitue pas pour autant un « désordre manifeste à l’exécution du service public ».
Enfin, à l’article 9, vous franchissez un palier vraiment très élevé, en procédant à des ajouts que même les employeurs ne demandent pas ! Vous reprenez ainsi un principe de la proposition de loi Retailleau de 2020, selon lequel, pendant toute l’année, la réquisition du personnel pourra servir à assurer, dès que nécessaire, un service garanti fixé par chaque autorité organisatrice de mobilité. Si l’on voulait surcharger la barque, on ne procéderait pas autrement…
Idéologie ou équilibre, affichage ou pragmatisme ? Avouez que nous pouvons vous retourner la question…
Cette motion tendant à opposer la question préalable est sans doute vaine, mais cette proposition de loi sera-t-elle féconde pour autant ? Ses carences juridiques et opérationnelles, ainsi que son défaut de concertation préalable et de prise en compte des parties prenantes, compromettront sans doute la suite de son parcours parlementaire.
Je crois que, dans le champ des conflits sociaux, l’intérêt général est plutôt dans la recherche d’un équilibre et dans la volonté de faire mieux fonctionner le régime issu de la loi de 2007 : alarmes sociales, dialogue pris au sérieux, facilitation de l’exercice de représentation du personnel, valorisation des organisations représentatives, déclarations individuelles d’intention de grève qui ne soient pas utilisées pour faire pression et dissuader ceux qui les déposent, voilà des pistes qui seront autrement positives que des interdictions, des réquisitions et des sanctions, qu’elles soient pénales ou disciplinaires.
Pour les usagers, la mise en place du service prévisible sur la base des grévistes annoncés et l’information des voyageurs à son sujet ont été un réel progrès. Pour les salariés et leurs employeurs, bien des avancées sont issues des alarmes sociales et des phases de dialogue qui ont permis de résoudre de nombreux conflits. Prenons-en la mesure plutôt que de légiférer encore à l’excès. La loi de 2007 offre un cadre qui permet à l’intelligence collective de s’exercer. C’est cela qu’il faut faire bien fonctionner plutôt que de durcir, de contraindre et en définitive d’attiser ce que l’on prétendait apaiser.
Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste considère, avec le groupe socialiste, qu’il serait préférable d’en rester là. Il suffit d’adopter la présente motion. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, contre la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais vous raconter l’histoire d’une jeune Américaine du Midwest, venue s’installer dans notre capitale, où elle a décidé d’inviter ses meilleures amies pour visiter « son Paris chéri », à l’occasion des jeux Olympiques. Nos chanceuses touristes américaines en rêvent déjà : cette chère vieille France, Paris, la bonne cuisine, les Folies Bergère, le gai Paris, la haute couture, les bateaux-mouches, la tour Eiffel, les jardins du Sénat…
M. Pierre Barros. La Révolution française !
Mme Céline Brulin. Les congés payés !
Mme Audrey Linkenheld. La sécurité sociale !
M. Pascal Savoldelli. Aragon, Picasso !
M. Stéphane Le Rudulier. Cette jeune Américaine a tout prévu pour accueillir au mieux ses amies.
Tout prévu ou presque. Les malheureuses ! C’était sans compter sur la RATP ! Pas l’entreprise en elle-même, mais les syndicats…
Mme Raymonde Poncet Monge. Pas la direction bien sûr !
M. Pascal Savoldelli. Elle est américaine : elle appelle un Uber !
M. Stéphane Le Rudulier. … du « racket arbitraire des transports parisiens », qui déposent un préavis de grève – tenez-vous bien ! – de six mois, avant les jeux Olympiques.
Certains partenaires sociaux des entreprises de transport se sont transformés depuis longtemps – osons le dire ! – en pollueurs sociaux profitant des moments importants du calendrier pour imposer un chantage à la mobilité, afin d’obtenir la rançon la plus élevée possible.
Ces agences d’anti-tourisme, ces « Robin des Bois version Lutèce » (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) pénalisent des citoyens, les touristes, mais surtout les travailleurs les plus modestes, qui dépendent de façon vitale des transports en commun pour gagner leur vie.
Soyons clairs, le refus de débattre de cette proposition de loi peut paraître totalement irresponsable. Je pense que nous avons atteint un excès inacceptable. Cela a été dit, comme pour les prélèvements obligatoires, la France est championne du monde du nombre de jours de grève, alors que dans le même temps le taux de syndicalisation ne cesse de baisser et est passé sous la barre de 10 % en 2022.
Nous comptons 127 jours de grève par an pour 1 000 salariés durant la dernière décennie, contre 49 en Espagne, 46 au Danemark, 19 aux Pays-Bas et 17 en Allemagne. Cette situation peu envieuse nous pousse à agir.
Les mobilisations syndicales dans les transports, et donc les grèves, ne sont souvent suivies que par une minorité de travailleurs prenant en otage le reste de leur profession, leurs collègues, ainsi que l’ensemble des Français. Ils exercent une forme de diktat syndical contre l’intérêt populaire, oubliant qu’un service public est d’abord et avant tout un service au public.
Laissez-moi vous poser la question : qui, à part les agents de la RATP et de la SNCF, peut cesser de travailler en engendrant un tel potentiel de nuisance et en imposant à tous d’être les témoins de ses revendications ? Personne, aucun commerçant, aucun artisan, aucun salarié d’entreprise, qu’il s’agisse des très petites entreprises (TPE) ou des petites et moyennes entreprises (PME), n’a cette capacité.
Loin d’être rares, ces mouvements de grève, notamment pendant la période des fêtes de fin d’année, sont récurrents. Il s’agit même – mes collègues l’on dit – d’une tradition ou d’un marronnier. Rendez-vous compte, seize mouvements sociaux à la SNCF ont été enregistrés au cours des vingt dernières années !
Au choix du moment, opportun pour certains, s’ajoute celui de son exécution, qui peut être vicieux : c’est la grève et ses contours flous, la rétention d’informations par ses décideurs, parfois vindicatifs et moralisateurs. L’incertitude sur sa durée et sa forme nous plonge dans des conjectures hésitantes et angoissantes. (Exclamations sur des travées du groupe CRCE-K.)
Tout cela suscite une exaspération légitime et compréhensible de nos compatriotes : 64 % des Français considèrent que la grève à la SNCF pendant les vacances représente un abus du droit de grève.
Ces phénomènes récurrents apparaissent en totale contradiction avec l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui rappelle que la liberté « consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». De la fiabilité des transports publics dépend la liberté d’aller et venir de nos compatriotes.
Force est de constater que la réalité franco-française de la gréviculture est à des années-lumière de la situation de nos voisins européens.
Prenons l’exemple de l’Italie, qui a fait le choix d’instaurer dès 1990, puis en 2000, un service minimum dans les transports afin de garantir la liberté de circulation durant les jours de grève. Dans les secteurs stratégiques, il est même impossible que les travailleurs exercent leur droit de grève à certains moments de l’année. Pourtant, le droit de grève est consacré dans la constitution italienne exactement de la même manière et dans la même rédaction, mot pour mot, que dans notre loi fondamentale.
Nous devons aux Français cette évolution pour mieux encadrer l’exercice du droit de grève, dans le respect du préambule de la Constitution de 1946 selon lequel le « droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».
Comme mes collègues l’ont dit, le droit de grève n’est pas un principe absolu, des limites peuvent y être apportées et encadrer le droit de grève relève de la compétence du législateur. Proposer un service garanti dans les transports publics au cours des périodes les plus cruciales n’entrave en rien la recherche du point d’équilibre entre le droit de grève et la continuité du service public.
La France est l’une des démocraties sociales les plus avancées, bénéficiant du droit du travail le plus protecteur et avantageux au monde. Mais, hélas ! une minorité de bloqueurs fait de notre fierté sociale un boulet, voire un repoussoir. Ces derniers ne sont plus les disciples, malheureusement, du Front populaire et des congés payés, ils sont les héritiers des pires conservatismes et des sociétés figées, bloquées, paralysées.
M. Michel Savin. Bravo !
M. Stéphane Le Rudulier. Si l’on veut en finir avec cette culture du conflit, qui atténue la portée d’un droit constitutionnel, il faut accepter une modernisation de notre matrice sociale.
Chers collègues, pour conclure, je pense à l’événement qui propulsera la France sous le feu des projecteurs pendant plusieurs semaines : les jeux Olympiques. (M. Michel Savin acquiesce.) Le monde entier nous regarde, nous jouons notre crédibilité et notre place dans le concert des grandes nations. Ces Jeux doivent être la vitrine du savoir-faire français, montrant la qualité de notre accueil et notre force dans l’organisation d’événements internationaux. Il ne faudrait pas qu’ils deviennent le pavillon témoin du diktat de la gréviculture. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Vincent Louault applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Tabarot, rapporteur. Quelle que soit la voie choisie, ces prises de position ne sont pas une surprise. Elles sont aussi prévisibles que la périodicité des grèves dans notre pays…
Toutefois, mes chers collègues, une chose m’échappe : vous êtes pour le dialogue social, mais en défendant cette motion tendant à opposer la question préalable, vous refusez le dialogue !
Je rappelle que notre rôle de législateur, comme l’a souligné le Conseil constitutionnel dès 1979, est d’opérer « la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ». Dès lors que l’exercice de la grève est dénaturé, comme on l’observe aujourd’hui, il nous appartient de revoir l’équilibre existant pour répondre de la façon la plus équilibrée possible aux différents détournements dont il fait l’objet.
Ainsi, je veux citer l’exemple de la région dont je suis élu, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, où l’on enregistre 90 jours de grève sur 365.
Dès lors que vingt conducteurs de métro sont en grève chaque jour à la RATP, sur le fondement de préavis dormants, dès lors que certains préavis courent bien jusqu’en 2040 ou 2045 à la SNCF, cher Jacques Fernique, estimez-vous de façon responsable et rationnelle que le droit de grève s’exerce aujourd’hui de façon normale et proportionnée ?
En tout état de cause, les évolutions positives apportées par la loi de 2007, notamment en matière de renforcement du dialogue social et de prévention des conflits, semblent désormais se heurter à de nouvelles pratiques, comme l’ont d’ailleurs reconnu les ministres qui avaient défendu ce texte, Dominique Bussereau et Xavier Bertrand.
La grève qui était pensée comme un levier ultime et comme une manifestation de l’échec du dialogue social est devenue un préalable, si ce n’est un contournement du dialogue social. Cette situation justifie une évolution conséquente du droit.
Je suis d’accord avec vous sur un point, mes chers collègues : la grève n’est pas l’alpha et l’oméga de nos politiques de transports, lesquels souffrent d’un sous-investissement chronique. Pour autant, ne détournons pas le regard à l’heure où il est demandé à SNCF Voyageurs de réaliser une part considérable des investissements sur le réseau, car les jours de grève coûtent entre 10 millions et 15 millions d’euros par jour et contribuent à creuser des difficultés déjà existantes.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Le Gouvernement s’oppose globalement à ce texte, pour les raisons que j’ai largement exposées précédemment. Toutefois, il souhaite que la discussion parlementaire soit totalement libre. C’est la raison pour laquelle il s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur cette motion.
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour explication de vote.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Cette proposition de loi est – c’est le moins que l’on puisse dire – mal conçue et mal rédigée. Par exemple, pourquoi privilégie-t-elle les périodes de congés et des ponts par rapport à celles des jours travaillés ?
Légiférer sur le droit de grève au détour d’une proposition de loi qui prive les parlementaires d’une étude d’impact risque, dans un contexte marqué par un malaise social grandissant, d’attiser encore les tensions sociales. En outre, si l’encadrement de ce droit peut toujours être amélioré, une concertation avec les partenaires sociaux est un préalable à toute modification de notre législation sur ce droit.
Les causes de la dégradation de la qualité des transports collectifs du quotidien sont aujourd’hui connues de tous. Depuis plusieurs décennies, nos réseaux de transport collectif accumulent des retards, des manques de capacité, ainsi que des pannes récurrentes, et ce sont là les points de blocage.
Si les grèves dans les transports sont source de désagréments, elles ne sont en aucun cas à l’origine de la dégradation constatée. D’ailleurs, l’immobilisation vise souvent à dénoncer le manque récurrent de moyens financiers ou de personnel et les efforts importants de productivité demandés aux salariés sans contrepartie salariale à la hauteur.
En outre, il existe un cadre de prévention des conflits et de dialogue social qui permet, en cas de grève dans les transports, de mettre en place un service, certes réduit, mais prévisible.
Ce texte est déséquilibré et crée une « dissonance » : il encadre le droit de grève dans les transports terrestres ; faut-il en conclure qu’il n’y a pas ou plus de services publics dans le secteur aérien ?
Dans une entreprise, la qualité du dialogue social et la volonté de le mettre en œuvre relèvent surtout de la responsabilité des dirigeants. Comment s’assurer que ces derniers n’auront pas tendance, comme cela se fait au basketball, à pousser à la faute les organisations syndicales ?
Voilà pourquoi le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra cette motion. (M. Simon Uzenat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. J’étais voilà quelques jours au technicentre SNCF des Ardoines, à Vitry-sur-Seine, pour discuter de cette proposition de loi avec les cheminots du RER C, et j’ai aussi rencontré des usagers. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est là le travail normal d’un parlementaire ! Et je voudrais bien savoir si les sénateurs qui soutiennent cette proposition de loi ont rencontré des cheminots, des machinistes ou d’autres travailleurs, car ils n’en ont pas fait état dans leurs interventions ! (Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. Mes chers collègues, seul M. Savoldelli a la parole !
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Pascal Savoldelli. Ces travailleurs auraient ainsi pu expliquer leurs conditions de travail : deux cheminots sont décédés, la semaine dernière, dans l’exercice de leurs fonctions ; cinq intérimaires employés par des sous-traitants sont morts l’année dernière ; entre dix-neuf et trente rames du RER C sont immobilisées chaque jour au technicentre parce qu’étant vieillissantes, soit autant de trains supprimés pour les usagers. Cette situation est insupportable pour les Franciliens qui prennent les transports ; elle l’est tout autant pour les cheminots.
Quand ils font grève, les salariés utilisent d’abord un droit d’alerte qui intervient après l’échec de revendications non entendues. Et les usagers ne sont pas dupes quant à la cause de la dégradation des transports en commun. Est-ce la grève qui est responsable quand un RER sur deux est annulé faute d’effectifs ? Est-ce la grève qui est responsable du refus d’augmenter le versement transport et donc du manque d’investissement pour remplacer le matériel vieillissant ? Est-ce la grève qui est responsable de la dégradation des conditions de travail après la casse du statut ? Est-ce la grève qui est responsable de la privatisation et de l’éclatement des réseaux ? (Oui ! sur des travées des groupes Les Républicains et UC.) Est-ce la grève qui est responsable de la réforme de Réseau ferré de France ?
Tout cela, ce sont des choix politiques et, mes chers collègues qui siégez à droite de l’hémicycle, ce sont les vôtres, car vous les avez votés. Les salariés que vous montrez du doigt au travers de cette proposition de loi ne portent pas cette responsabilité.
Le groupe CRCE-K votera pour cette motion. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 9, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 171 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 98 |
Contre | 243 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Saïd Omar Oili. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Saïd Omar Oili. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons aujourd’hui encore nous prononcer sur la conciliation entre continuité du service public de transport et droit de grève. En effet, ce n’est pas la première fois que notre chambre est saisie de cette question. Depuis quelques années, les propositions de loi sur ce sujet reviennent régulièrement, généralement juste avant ou après un mouvement de grève majeur.
La proposition de loi Retailleau, tendant à assurer l’effectivité du droit au transport, à améliorer les droits des usagers et à répondre aux besoins essentiels du pays en cas de grève, la proposition de loi Tabarot relative à l’encadrement du droit de grève et à la lutte contre ses abus dans les transports, ou encore plus récemment la proposition de loi de notre collègue Vincent Capo-Canellas relative à la prévisibilité de l’organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l’adéquation entre l’ampleur de la grève et la réduction du trafic, qui a été promulguée, en sont des exemples.
Une proposition de loi n’est jamais déposée par hasard. Les grèves dans les transports sont aujourd’hui un véritable sujet de préoccupation – à raison d’ailleurs, la SNCF n’ayant pas connu une seule année sans grève depuis 1947. Elles placent bien souvent nos concitoyens dans des situations compliquées.
De plus en plus, la grève s’impose comme la solution privilégiée, voire l’unique solution pour résoudre les conflits sociaux. Il convient de ne pas oublier les nombreuses familles qui subissent les conséquences de ces menaces de grèves à répétition à l’approche de vacances scolaires importantes ou d’un événement majeur. Lorsqu’ils réservent un billet, de nombreux usagers espèrent que leur train ne sera pas supprimé pour cause de grève. À chaque période de vacances, de nombreuses familles ne peuvent se retrouver au moment où elles l’avaient prévu.
Au-delà des déplacements de loisir, les grèves pèsent avant tout sur les trajets du quotidien, en particulier pour les Franciliens. Comment ne pas comprendre l’exaspération et le ras-le-bol qu’expriment sur les réseaux sociaux ou dans les médias nos concitoyens vivant en Île-de-France, qui, alors qu’ils doivent se lever tôt pour effectuer un trajet de quarante-cinq minutes ou une heure, apprennent le matin même qu’une grève est confirmée ?
Par ailleurs, ces grèves tendent à porter préjudice au dialogue social en devenant la réponse à tous les problèmes. Ainsi, des préavis de grève d’une durée illimitée, couramment appelés préavis dormants, sont déposés pour permettre aux agents de participer à une grève en s’appuyant sur un préavis déposé plusieurs mois plus tôt. Ce faisant, la période de négociation à laquelle sont tenues les parties prenantes est contournée, ce qui empêche la prévention des conflits.
Les grèves d’une durée de 59 minutes désorganisent également les services de transports et compliquent la vie des usagers. Elles lèsent bien souvent les plus modestes, qui ne disposent pas d’autre moyen de transport et ne peuvent recourir au télétravail. La continuité du service de transport de voyageurs est donc essentielle à la vie quotidienne des Français et à l’activité économique du pays.
Ces pratiques ont aussi des conséquences sur l’environnement : à force de rencontrer des problèmes sur leur ligne de transports en commun, les Français finissent par s’en détourner au profit de la voiture, qui est plus polluante.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Très bien !
M. Saïd Omar Oili. Aussi, nous sommes d’accord avec le constat à l’origine de cette proposition de loi et avec l’esprit qui en a guidé la rédaction, à savoir aménager le droit de grève pour, d’une part, le proportionner à d’autres droits constitutionnels comme la liberté d’entreprendre ou celle d’aller et venir, d’autre part, limiter certains abus sociaux.
En effet, le texte issu des travaux de la commission circonscrit la limitation du droit de grève aux services publics de transport terrestre régulier de personnes et aux transports maritimes – à cet égard, je salue l’amendement de Didier Mandelli tendant à étendre le dispositif aux transports maritimes réguliers publics pour la desserte des îles françaises, y compris Mayotte.
De plus, il restreint la suspension du droit de grève aux seules heures de pointe et limite à sept jours consécutifs et à trente jours par an le recours au dispositif. Il est également proposé que le dispositif ne concerne que certains jours de l’année, comme les jours fériés ou les vacances scolaires.
Par ailleurs, le texte rend caducs les préavis de grève non utilisés et limite la durée des préavis de grève dans les services publics de transports terrestres et maritimes à trente jours.
Nous saluons le travail du rapporteur en vue de mieux circonscrire la limitation du droit de grève dans les transports. Toutefois, si l’intention est bonne, il convient de rappeler le droit, plus spécifiquement le droit de grève.
Dans une décision du 25 juillet 1979, le Conseil constitutionnel a estimé que « la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d’apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d’assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d’un principe de valeur constitutionnelle ».
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Saïd Omar Oili. Le groupe RDPI s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Olivier Jacquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le droit de grève est un droit constitutionnel, comme l’ont rappelé nos collègues communistes et écologistes. Aussi, nous nous attacherons toujours à le défendre, même si son exercice par un salarié traduit un double échec : celui de négociations qui ont eu lieu pour améliorer sa condition et son cadre de travail ; celui d’une aspiration à changer sa vie pour vivre mieux.
Vous vous attardez sur les modalités des actions de grève, sans revenir sur ce qui a conduit à celles-ci ni sur le fait que ce droit fondamental est largement réglementé, ainsi que mes collègues l’ont bien expliqué. Ce texte est naturellement confus. C’est un texte de circonstance, dogmatique et idéologique, dont l’adoption n’aura pas d’autre effet que de semer le trouble. Je vais vous le démontrer.
Premièrement, ce texte est confus, car il mêle les services de transports collectifs privés et publics, en dépit de ce que voulaient ses défenseurs – la majorité en tête –, lorsqu’ils ont adopté, en 2018, la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, qui a ouvert les lignes à grande vitesse – TGV et Ouigo – au secteur privé.
Le fait que ce texte porte sur les transports librement organisés constitue l’aveu que cette séparation, cette ouverture à la concurrence à marche forcée, n’est qu’un échec. Son principal effet a été de dégrader la qualité des transports terrestres et de causer une hausse des prix et une baisse de l’offre globale, sauf sur les quelques sillons les plus rentables.
De leur côté, les acteurs sociaux se mobilisent pour défendre la qualité des transports, y compris lorsque l’échec des négociations conduit à la fermeture d’une ligne, qui fracture les territoires peu denses, ou à la disparition des guichets dans les petites gares de nos communes, c’est-à-dire des services de proximité. S’il est seulement question de prohiber la critique de votre œuvre destructrice, il faut le dire !
Deuxièmement, cette proposition de loi est confuse, car – nous l’avons dit et nous le redirons – le droit de grève est déjà largement encadré : le droit à l’information des passagers et l’organisation d’un service minimal par les autorités publiques sont garantis par la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
En encadrant ce droit, dont l’exercice démontre vos échecs, vous avez pour seul objectif de vous attaquer à un symbole, les cheminots, après vous être payé le scalp de leur statut. Alors que ce droit relève du seul domaine de la loi, qui l’encadre et en définit les modalités d’exercice, vous voulez le rendre réglementaire, tout en légiférant en parallèle pour prohiber des types de grèves qui mériteraient d’être réglementés.
Cette confusion des genres doit cesser. En confondant les pouvoirs réglementaire et législatif, vous faites de ce texte une boîte de Pandore : s’il est adopté, l’exécutif pourra restreindre l’exercice d’une liberté qui démontre ses échecs idéologiques – les vôtres aussi, du reste – pour satisfaire son calendrier ou pour coller avec sa cote de popularité. Le pouvoir de faire la loi et de veiller à la proportionnalité de la limitation du droit de grève doit appartenir aux seuls parlementaires, au nom de l’intérêt général.
Troisièmement, ce texte est confus, car la majorité sénatoriale s’en sert pour tenter de se réapproprier le droit aux vacances au nom de l’intérêt général, alors qu’elle ne s’intéresse en réalité qu’au droit au TGV du vendredi soir – je le dis sans ambages. En effet, les 87 % de gares ferroviaires qui ne voient jamais passer un TGV dans nos territoires et les 40 % de nos concitoyens qui ne partent pas en vacances en sont exclus.
Au reste, vous n’avez rien inventé. L’article 24 de la Déclaration universelle des droits de l’homme le proclame : « Toute personne a droit au repos et aux loisirs. » À rebours de ce droit, l’ambition des auteurs de ce texte est de satisfaire un projet politique détestable, celui d’empêcher les professions statutaires et attractives de défendre leurs acquis et de donner vie à leurs aspirations.
Nous avons déjà vu cette ambition s’exprimer au travers de la brutale réforme des retraites, qui a fait disparaître les régimes spéciaux, de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, qui a détruit le statut de cheminot, ou de la loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP.
Si certains ont créé, par idéologie, le fantasme de prétendus nantis privilégiés de la SNCF, la réalité est tout autre : le secteur n’est plus attractif et les opérateurs ont du mal à recruter. Pour faire face à ces constats terribles, la seule voie qui vaille – sans mauvais jeu de mots – est celle de la négociation.
Or vous tordez les règles de la négociation, qui ne pourra s’exercer pleinement qu’en dehors des périodes de congés scolaires. Ce faisant, vous faites subir aux seuls usagers des transports du quotidien, oubliés par le Gouvernement depuis trop longtemps, les répercussions de votre échec et de la destruction à marche forcée des symboles publics.
Ce texte est une boîte de Pandore, disais-je, dans laquelle se cache le désir de ne plus subir la négociation et le compromis – car vous ne flancherez pas sur vos positions –, qui vous auraient empêché d’achever la découpe symbolique et idéologique de la SNCF, après celle du secteur aérien, qui a déjà été libéralisé, en autorisant les transporteurs à pratiquer l’emploi à la tâche, comme si le travail avait été féodalisé.
Dans cette boîte de Pandore se cache votre dégoût pour les services publics de transport terrestre et ceux qui les représentent. Pourtant, ces derniers vous ont alertés sur les dangers que comportait votre projet.
Ne disaient-ils pas que le mythe de la libéralisation des lignes à grande vitesse compromettrait notre système ferroviaire ? Ne disaient-ils pas que seul SNCF Voyageurs devrait financer le réseau ferroviaire pour maximiser les profits de ses concurrents étrangers ? Ne disaient-ils pas que l’offre diminuerait dans nos territoires sur les lignes les moins rentables, mes chers collègues ? Ne disaient-ils pas, avant même 2018, que la mise au ban du statut par idéologie ferait perdre de l’attractivité à la profession ? (Mme Raymonde Poncet Monge acquiesce.)
En somme, les organisations représentatives des travailleurs ont décrit tout ce qui se produit actuellement : le développement d’un yield management outrancier, la hausse du prix des billets, la dégradation du réseau, du matériel et des conditions de transport… Ils nous ont alertés sur le fait que tout notre réseau ferré national était au bord du gouffre et qu’il fallait déclarer l’état d’urgence ferroviaire, comme je le propose.
Enfin, ce texte est confus, car il remet sur la table des sujets qui ont déjà été largement discutés. Dès l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM), le groupe socialiste s’est opposé à l’allongement du délai de déclaration d’intention individuelle de participer à une grève. Du reste, à quel objectif cela répondrait-il ? Il n’est pas encore possible d’embaucher des cheminots intérimaires, comme le font déjà les compagnies aériennes, ni de louer des trains et leurs équipages à la journée pour casser les grèves.
Du travail à la tâche et une location d’outil de production à la journée, voilà finalement ce qui se cache dans votre boîte de Pandore ! Vous voulez féodaliser le contrat social en permettant d’embaucher des intérimaires précarisés, dépouillés de tout outil pour revendiquer leurs droits, à commencer par des conditions de travail et une rémunération dignes.
Dans les compagnies aériennes low cost, les pilotes indépendants sont déjà payés au vol. Le pas de la féodalisation du travail et de la rémunération à la tâche sera-t-il également franchi pour les transports terrestres ?
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera donc bien évidemment contre cette proposition de loi inutile et malvenue, qui a pour objet de restreindre un droit fondamental et n’a fait l’objet d’aucune concertation préalable avec les partenaires sociaux.
Il votera contre un texte dont l’objectif est le même que d’autres qui lui ont précédé et dont nous avons mesuré l’inefficacité : nuire au contrat social en détruisant les instances de négociation, au détriment des travailleurs.
Il votera contre un texte à contretemps des enjeux auxquels est confronté le secteur des transports terrestres, alors qu’il est impératif de légiférer sur la survie de Fret SNCF, de retravailler le contrat de performance entre SNCF Réseau et l’État et de financer l’introuvable plan à 100 milliards d’euros. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme Pascale Gruny. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi la proposition de loi de notre collègue Hervé Marseille visant à concilier la continuité du service public de transports avec l’exercice du droit de grève.
Ce texte s’inscrit dans la lignée de la proposition de loi de notre collègue Bruno Retailleau, dont j’ai eu l’honneur d’être rapporteur, adoptée par notre assemblée le 4 février 2020, qui se trouve toujours sur le bureau de la présidente de l’Assemblée nationale, dans l’attente de son inscription à l’ordre du jour. Y était posé pour la première fois le principe d’un service garanti en cas de grève dans les transports publics, en définissant un niveau de service nécessaire aux besoins de la population et en luttant contre les abus du droit de grève, complétant ainsi utilement la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, qui, certes, avait constitué une avancée importante en matière d’information des usagers, mais n’était pas allée jusqu’à imposer un véritable service minimum.
Aussi, je me réjouis que la proposition de loi d’Hervé Marseille, enrichie en commission par le rapporteur Philippe Tabarot, comporte des mesures similaires et complémentaires à celles qui ont été adoptées par le Sénat en 2020, en particulier la régulation des grèves réalisées les jours d’afflux massifs de voyageurs et la possibilité pour les autorités organisatrices de transports (AOT) d’enjoindre aux entreprises de transport d’assurer un niveau minimal de service.
Comme je l’ai déjà indiqué à cette tribune il y a quatre ans, les grèves à répétition, dont notre pays s’est fait le spécialiste, rendent la vie impossible à nos concitoyens, en particulier aux plus fragiles d’entre eux. Je pense à ceux qui ne peuvent pas se passer d’aller travailler, à ceux qui ne peuvent pas se permettre de prendre des jours de congé, à ceux pour qui il est impossible de télétravailler, à ceux qui n’ont pas les moyens d’assumer des frais d’hébergement ou de garde d’enfant, à ceux qui n’ont pas d’autre solution de transport que le train, le bus ou le métro. Nous devons d’abord penser à ces personnes lorsque nous légiférons.
Si le droit de grève est un droit constitutionnel, il n’est pas un droit absolu et il n’est pas supérieur aux autres droits et principes à valeur constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel, dont nous espérons qu’il reste indépendant, l’a confirmé avec constance au fil de ses décisions, selon lesquelles le droit de grève peut être limité afin d’assurer l’équilibre entre son respect et celui d’autres principes, comme la continuité du service public ou la sauvegarde de l’intérêt général.
Cette jurisprudence a guidé la commission dans ses travaux en vue de renforcer la constitutionnalité de la proposition de loi et de son dispositif principal : la possibilité de suspendre le droit de grève pour des périodes continues de sept jours maximum, dans la limite de trente jours par an, sous peine de sanction disciplinaire, afin de sanctuariser les périodes de grands départs – sans oublier les jeux Olympiques, qui se dérouleront cette année. C’est une juste et nécessaire conciliation entre le droit de grève et la liberté pour nos concitoyens d’aller et venir.
Tout comme le texte de 2020, cette proposition de loi comporte, avec quelques variations, des dispositions visant à lutter contre les détournements trop fréquents du droit de grève, qui pénalisent indûment les usagers.
Tout d’abord, il est nécessaire de mettre fin aux préavis dormants, ces préavis de grève de longue durée, qui demeurent en vigueur même si le conflit a cessé, si bien que des salariés peuvent se mettre en grève à tout moment, en n’ayant à respecter que le délai de prévenance de quarante-huit heures. Il s’agit là d’un dévoiement manifeste de la loi de 2007.
Désormais, tout préavis de grève sera limité à trente jours et sera déclaré caduc s’il n’a pas été utilisé par au moins deux agents pendant une période de quarante-huit heures. Cela empêchera certains de détourner le droit collectif de grève pour des raisons individuelles.
Enfin, je salue l’article 4 nouveau, qui entend lutter contre les grèves de très courte durée, dites de 59 minutes, qui désorganisent fortement les réseaux de transport. En effet, un conducteur de bus ou de tramway qui a décidé de se mettre en grève pendant une heure au milieu de son service oblige son employeur à le remplacer pour l’intégralité de ce service, sans qu’il soit toujours possible de le réaffecter lorsque sa grève prend fin.
Ainsi, il paraît logique d’étendre aux entreprises chargées d’un service public de transport la possibilité d’imposer à leurs salariés de faire grève du début à la fin de leur service, ce dont profitent déjà les collectivités territoriales grâce à la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.
Pour toutes ces raisons et parce que notre mission première est de faire preuve de bon sens, je vous invite, mes chers collègues, au nom du groupe Les Républicains, à vous prononcer en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Aymeric Durox.
M. Aymeric Durox. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le droit de grève est un élément fondamental de la démocratie sociale et des droits des travailleurs. Il est reconnu comme un droit constitutionnel central, dont peuvent disposer les travailleurs comme moyen de contestation.
Néanmoins, tous les Français observent, souvent avec dépit et parfois avec colère, une dérive de ce droit. Il nous paraît donc nécessaire de le réglementer pour garantir un équilibre entre les intérêts des syndicalistes et ceux des usagers.
Il nous est proposé d’encadrer le droit de grève de manière à établir des règles claires et équitables pour toutes les parties concernées. Cela peut inclure la définition de périodes de préavis raisonnables, ainsi que la limitation des perturbations excessives, qui nuisent à la continuité du service public.
Il est important de souligner que l’encadrement du droit de grève consiste non pas à restreindre ou à entraver ce droit fondamental, mais plutôt à le rendre plus transparent et prévisible pour toutes les parties impliquées.
Toutefois, cela ne doit pas donner prétexte à encadrement excessif de ce droit fondamental. Nous connaissons la passion du Gouvernement pour les outils permettant d’« emmerder » – je cite le chef de l’État – nos compatriotes. Aussi ne pouvons-nous pas laisser le pouvoir de limitation du droit de grève aux seules mains du conseil des ministres.
C’est pourquoi nous avons défendu en commission un amendement visant à créer des jours d’encadrement pendant les week-ends de grande affluence ou les vacances scolaires, plutôt que de laisser la décision au Gouvernement. La limitation du droit de grève relève de la loi, non du règlement.
Il convient d’articuler intelligemment le droit légitime des travailleurs à faire grève et celui des usagers à circuler librement, car ces derniers sont souvent pris au piège de mouvements de grèves opportunistes, par exemple au seuil des vacances scolaires, ce qui exaspère à juste titre nos compatriotes.
Nous devons demeurer pragmatiques et ne pas flirter avec la répression d’un droit obtenu de haute lutte par les travailleurs.
Ce texte apparaît cohérent pour concilier l’exercice légitime du droit de grève avec le principe de continuité des services publics. Néanmoins, il nous faudra veiller à ce que ces dispositions ne dégradent pas concomitamment le droit des salariés et l’augmentation des durées des jours de grève.
Ce texte présente de nombreux avantages, mais aussi certains inconvénients : en limitant le droit de grève, nous prenons le risque de voir les périodes de grève autorisées s’allonger lorsque les négociations avec le patronat prendront du retard.
La limitation du droit de grève dans les transports publics doit rendre constant le dialogue social, et ce de manière effective. Il est anormal que les grandes entreprises publiques ne connaissent que la confrontation sociale, en lieu et place d’un dialogue de bonne qualité.
En résumé, le principe de garantir la continuité du service public, particulièrement lors des jours de forte affluence, est bénéfique et nous le soutenons. Néanmoins, nous devons demeurer vigilants quant aux droits des travailleurs et à l’expression de leurs revendications légitimes.
Les sénateurs du Rassemblement national sont favorables à ce texte dans son principe, mais il convient d’y inscrire des dispositions précises de limitation du droit de grève, au risque qu’il fasse l’objet d’une censure aussi bien constitutionnelle que sociale.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants a toujours défendu le droit de grève, qui, comme cela a été souligné, est un droit constitutionnel. Il est primordial de ne pas le remettre en cause.
De la même manière, le groupe Les Indépendants a toujours soutenu l’exigence d’un équilibre avec les autres droits à valeur constitutionnelle. On ne saurait placer l’un de ces droits au-dessus des autres.
À cet égard, cette proposition de loi est bienvenue. Je salue le travail d’Hervé Marseille et celui du rapporteur Philippe Tabarot, dont la mission de trouver un chemin de crête n’était pas évidente. Je me félicite des échanges que nous avons eus en commission. Le sujet est clivant – et il clive. Échanger sur ce sujet participe du processus démocratique ; pouvoir le faire est une chance.
Si le droit de grève doit pouvoir s’exercer, son encadrement le garantit en le rendant acceptable auprès de ceux qui subissent la grève. En ce qui concerne ces derniers, je distingue deux catégories.
La première catégorie est bien entendu celle des usagers, en particulier ceux du train. Ce sont des travailleurs, qui sont empêchés d’aller travailler, ce qui pénalise des PME et des TPE et bafoue le droit d’entreprendre. Ce sont les parents et les enfants de familles recomposées, qui multiplient les trajets, des familles qui ne peuvent pas se réunir, alors que la vie passe et que la nécessité de maintenir les liens familiaux n’a jamais été aussi forte. Ce sont nos enfants, qui vont passer des examens et jouent leur avenir. Ce sont des adultes en reconversion, qui donnent une impulsion nouvelle à leur carrière. C’est la France qui fait Nation.
En outre, n’oublions pas que les transports collectifs sont une force pour mener à bien la transition écologique. Lorsqu’ils ne peuvent plus emprunter les voies ferrées, les usagers se tournent vers la voiture et l’autosolisme.
La seconde catégorie des personnes affectées par l’exercice du droit de grève est celle des salariés non grévistes des services de transport. Notre groupe a souhaité évoquer la situation de ceux qui maintiennent le service minimum dès nos travaux en commission, durant lesquels mon collègue Cédric Chevalier a rappelé les nombreuses conséquences sur leur travail, leurs loisirs, leur image. Ils sont en première ligne du mécontentement des usagers. In fine, l’image de la France s’en trouve également écornée à l’international.
Proposer des ajustements ne remet nullement en cause le droit de grève. Pour rappel, la grève n’est que le résultat d’un dialogue social qui a échoué. Nous sommes pleinement engagés pour préserver le dialogue social et lui permettre d’aboutir.
À cet égard, nous constatons une baisse de la fréquence des grèves dans les entreprises de transport du secteur privé, ce qui prouve bien que le dialogue social peut fonctionner.
Par ailleurs, l’adoption de cette proposition de loi aurait un effet protecteur contre les entreprises étrangères, qui pourraient profiter de l’ouverture à la concurrence et d’un report des voyageurs excédés des conséquences des grèves.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Très bien !
M. Pierre Jean Rochette. Elle permettrait également de mieux employer l’argent du contribuable, sur lequel – il est utile de le rappeler – se répercutent les conséquences financières de la grève.
C’est pourquoi je me réjouis de l’instauration, à l’article 1er, d’un temps de négociation préalable avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives dans les branches.
Ce texte constitue un outil intéressant, riche de tout un train de mesures. La rédaction de l’encadrement du droit de grève adoptée en commission garantit un équilibre susceptible de mettre fin aux abus qui desservent la cause. La division par deux des périodes durant lesquelles le droit de grève serait limité va dans le même sens. La liste des périodes ciblée répond quant à elle aux attentes des Français.
Les autres avancées qui ont été adoptées lors de l’examen du texte en commission apportent de la proportionnalité au droit de grève. Il faut mettre fin aux préavis dits dormants, qui désorganisent les services de transport et ont des répercussions économiques, mais aussi en matière d’image. Faisons grève pour quelque chose !
Aussi, la définition de conditions rendant caduc un préavis déposé et l’instauration d’une période limite d’un préavis déposé me semblent aller dans le bon sens.
De même, il convient de mettre fin aux grèves de 59 minutes qu’endurent un trop grand nombre de nos concitoyens, qu’ils soient usagers ou salariés non grévistes. La prévisibilité des services de transport ne doit pas être un vœu pieux. Ce type de grèves n’a qu’un but : désordonner les services et perturber les usagers qui se rendent au travail et, par conséquent, tout le tissu économique de notre pays.
En outre, ce texte donne aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) la possibilité de faire appel aux personnels indispensables. L’objectif est simple : assurer un niveau minimal de service.
Pour conclure, il convient bien évidemment de préserver le droit de grève, tout en le rendant équilibré et proportionné aux autres droits à valeur constitutionnelle, ce qui in fine renforcera ce droit et son soutien par les Français.
Le groupe Les Indépendants votera en faveur de ce texte, sauf s’il se trouve, à l’issue de nos débats, vidé de son esprit, de sa substance et de ses objectifs. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Franck Dhersin. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Vincent Louault applaudit également.)
M. Franck Dhersin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que notre assemblée est amenée à examiner aujourd’hui touche au cœur de la vie quotidienne de nos compatriotes. En effet, qui peut dire qu’il n’a jamais été affecté par une grève dans les transports ?
Je sais combien le sujet du droit de grève dans notre pays est sensible et combien notre tradition ouvrière et syndicale a permis d’organiser des mouvements sociaux massifs à de multiples reprises.
Pour commencer, avant que certains n’intentent un procès en autoritarisme à la majorité sénatoriale, qui propose des aménagements au droit de grève – aujourd’hui au travers de ce texte d’Hervé Marseille comme il y a quelques années au travers de la proposition de loi du groupe Les Républicains –, j’appelle chacun à raison garder : ce texte, je l’affirme, ne constitue nullement une violation du droit de grève.
La liberté d’exercer le droit de grève, que nous respectons pleinement, est certes un principe constitutionnellement garanti par l’alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946. Toutefois, cet alinéa précise que ce droit « s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Il revient donc bien au législateur de définir les conditions et les modalités dans lesquelles il est mis en œuvre.
Dans sa décision du 25 juillet 1979, le Conseil constitutionnel a posé des limites à l’exercice de ce droit, laissant ainsi au législateur la liberté de tracer ces dernières « en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ». Le Conseil constitutionnel s’est exprimé clairement.
Le droit de grève doit également s’apprécier au regard des restrictions de déplacement qu’il entraîne pour les citoyens, que nous représentons. À ce titre, cette proposition de loi fait œuvre utile en tentant de répondre aux légitimes exaspérations des Françaises et des Français.
Sur toutes les travées de cet hémicycle, nous nous accorderons sans doute sur ce point : il convient de garantir, dans tous les domaines, un dialogue social digne de ce nom. Là où la discussion permet de trouver des voies ou des issues, il faut toujours l’encourager. Néanmoins – cela n’échappe à personne –, pour que le dialogue social réussisse, il faut que toutes les parties en aient la volonté. Or, comme l’a rappelé M. le rapporteur à de multiples reprises, il existe dans le secteur des transports une culture de la grève qui, pour certains, est le point de départ de toute négociation et de toute revendication.
Mes chers collègues, je souligne à mon tour que, depuis 1947, la SNCF a connu des grèves tous les ans : triste record ! Nous savons qu’avant même le début de la compétition notre pays aura gagné la médaille d’or… (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
Je n’entends évidemment pas remettre en cause de manière frontale le droit de grève. Un tel constat peut néanmoins nous conduire à estimer que ce droit, poussé à l’extrême, entraîne des perturbations disproportionnées sur la circulation, compte tenu du grand nombre de personnes affectées et du petit nombre de grévistes qui peuvent en être à l’origine.
On peut légitimement considérer que, dans certaines périodes de pointe comme les fêtes ou les grands départs en vacances, le ratio entre le nombre de voyageurs affectés et le nombre de grévistes est particulièrement élevé. Il ne me paraît donc pas anormal de sanctuariser ces moments, en considérant que le trouble infligé à la collectivité et à l’intérêt général n’est plus proportionné à la défense légitime des intérêts des travailleurs.
C’est tout le sens de l’article unique proposé par Hervé Marseille, qui a été complété par les différents amendements adoptés en commission.
D’autres pays ont trouvé le point d’équilibre que cette proposition de loi tente d’approcher, à l’instar de l’Italie voilà plus de trente ans. J’en suis persuadé : les modifications apportées en commission sont de nature à garantir la constitutionnalité de ce texte. Grâce à elles, nous pouvons converger vers cet équilibre dont nous avons tous besoin.
Qui peut continuer à supporter à toutes les vacances de Noël le même chantage à la grève exercé par certains syndicats ? Quel parent peut accepter de voir son enfant rater un examen au motif que les transports étaient à l’arrêt ce jour-là ? Qui peut comprendre des préavis de grèves dormants déposés jusqu’en 2040 ?
N’ayons pas peur de qualifier ces comportements de dommageables. Les Français, selon les différents sondages d’opinion, ne s’y trompent pas : ils réprouvent ces pratiques, qui mettent à mal l’image de certaines entreprises publiques.
Je pense notamment aux grèves de 59 minutes, ces grèves savamment orchestrées pour désorganiser toute une journée de transports, en vogue dans les transports du quotidien, dont nous avons déjà beaucoup parlé. Il est anormal que les opérateurs ne soient pas en mesure de mettre en place des plans de transport correspondant à la réalité des effectifs présents le jour même. Les désorganisations causées à l’activité sont tout à fait considérables en heures de pointe, au regard du faible temps chômé. Ces grèves courtes, à répétition, sont moins encadrées que les grèves classiques ; elles méritent de l’être davantage.
Le texte remanié en commission permettra précisément d’apprécier la réalité de ces comportements de contestation sociale et d’assurer un meilleur encadrement. Les opérateurs pourront bénéficier d’une information fiable quant aux effectifs présents soixante-douze heures à l’avance, et non plus quarante-huit heures, délai insuffisant pour se préparer efficacement. De même, ce texte fera cesser la pratique des préavis dormants, qui permet de déclencher une grève à tout moment, par surprise, sans aucun lien avec le préavis en question.
Mes chers collègues, n’ayons pas honte de nous mettre au diapason d’autres régulations européennes assurant l’encadrement du droit de grève. Il revient au législateur et à personne d’autre de définir les conditions dans lesquelles ce droit s’exerce. Il ne faut donc pas s’interdire de modifier la loi pour parvenir à un meilleur équilibre entre les intérêts des travailleurs et ceux de la population.
Oui, nous sommes attachés au droit de grève. Oui, le droit de grève est constitutionnel. Oui, ce texte garantit un équilibre entre le droit des salariés et celui des salariés.
Monsieur le ministre, ni notre main ni notre voix ne tremblent en cet instant. Cette proposition de loi est légitime. Non seulement elle est souhaitable, mais elle est attendue par tous les usagers.
Pour l’ensemble de ces raisons, les élus du groupe Union Centriste voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Daniel Chasseing et Vincent Louault applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après le texte déposé par M. Retailleau, celui qui a été déposé à deux reprises par M. Le Rudulier et celui qui a été déposé en 2018 par M. Karoutchi, nous examinons une énième proposition de loi s’attaquant de fait au droit de grève.
Comme d’habitude, on s’avance à pas feutrés : faute de pouvoir attaquer frontalement le droit de grève constitutionnel, ou plutôt en attendant de le faire, on se drape dans le droit de voyager, d’assister aux jeux Olympiques ou encore d’aller à son travail ; on défend, surtout, la liberté d’entreprendre sans entraves.
Les articles ajoutés en commission témoignent de la volonté de détricoter le droit de grève : ils allongent le délai de déclaration individuelle, propre à faciliter les pressions de la part de la direction plutôt qu’à relancer le dialogue social ; ils limitent la grève en dehors des heures de pointe, avant – pourquoi pas ? – de ne l’autoriser qu’aux heures creuses.
M. Sarkozy a déjà énoncé cet objectif en 2007 : quand il y a une grève, personne ne doit s’en apercevoir… Pourtant, quand on légifère en niant l’inconstitutionnalité probable des mesures proposées, conçues sans étude d’impact, sans concertation avec les partenaires sociaux et sans aucune intention d’entretenir un dialogue social de qualité, eh bien, cela se voit. Le cas échéant, on verra les effets délétères d’un tel texte, qui cherche à contraindre une seule des parties prenantes. Il sera alors trop tard…
À en croire le Premier ministre, la grève est devenue « une forme d’habitude ». Contrairement à ce qu’il déclare, pourtant, les déclarations de grève, notamment dans le secteur des transports, respectent une procédure très contraignante pour les deux parties.
L’alarme sociale syndicale déclenche obligatoirement une période de dialogue social, à l’issue de laquelle un éventuel constat de désaccord ouvre une seconde phase de négociation de plusieurs jours. C’est seulement après qu’un préavis de grève peut être déposé.
Les faits montrent qu’une minorité d’alarmes se terminent par une grève. Quand c’est le cas, il s’agit bien d’un recours ultime et c’est la marque de l’échec du dialogue social.
Les auteurs de ce texte veulent priver les travailleurs de ce recours ultime, en dédouanant la partie patronale de l’échec constaté et en empêchant que la grève ait un impact ; ils vont jusqu’à proposer la réquisition. Dans ces conditions, pourquoi les directions dialogueraient-elles demain, alors que la grève serait devenue un simple droit en papier ?
Cette proposition de loi s’inscrit dans la lignée des différents textes qui ont porté atteinte au dialogue social en France : les lois Travail successives, qui, depuis 2016, ont supprimé les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et concentré les représentants du personnel dans les comités sociaux et économiques (CSE), au détriment du dialogue social de proximité.
La grève, c’est aussi la résistance à la dégradation des conditions de travail. Je pense par exemple à la RATP, où le nombre d’embauches en contrat à durée indéterminée (CDI) s’est effondré, où le nombre de départs a explosé, comme le nombre de journées d’absence pour accident du travail, et où le taux de rotation du personnel atteint désormais 15 %, alors qu’il était avant très marginal.
Cette situation est le résultat des politiques de dégradation d’un service public essentiel pour la population, dont la mission n’est d’ailleurs pas seulement de transporter les voyageurs aux heures de pointe : elle est de garantir l’accès aux services publics, y compris en facilitant les voyages scolaires. Elle est, en somme, d’assurer le droit à la mobilité pour toutes et tous.
Dans ce secteur, la grève n’est donc pas une « forme d’habitude », elle est d’abord la preuve d’un échec du dialogue social.
Les préavis de grève déposés en vue des jeux Olympiques, prétexte au dépôt de cette proposition de loi, sont considérés à tort comme des préavis dormants : s’ils ont été émis, c’est parce que la direction de la RATP s’est contentée de proposer une compensation d’à peine 15 euros à son personnel, à qui elle impose en retour d’être en service pendant cette période d’été avec une présence de 50 % supérieure à la moyenne habituelle.
Face aux propositions indignes formulées de la direction à l’issue d’un dialogue stérile, la droite voudrait empêcher le dépôt d’un préavis de grève, au nom du droit à participer aux jeux Olympiques. Est-ce bien sérieux ?
Il y a des limites à la collusion avec les directions d’entreprise. La non-continuité du service est due avant tout au manque d’investissement, donc de modernisation, au défaut de maintenance, à la baisse des effectifs, in fine à la perte d’attractivité des métiers qu’a entraînée le démantèlement des statuts.
On ne saurait assurer le droit à la mobilité au prix d’une atteinte au droit de grève. Comme les réformes de l’assurance chômage, ce texte a pour seul objectif de fragiliser les capacités de négociations de tous les travailleurs. Les transports collectifs et le droit à une mobilité durable sont un enjeu majeur pour nous, écologistes. Nous sommes bien attachés à la transition écologique, mais par la justice sociale, et non contre elle.
En conséquence, les élus du groupe écologiste voteront contre cette proposition de loi, qui cherche à détricoter le droit de grève. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la seconde fois en moins d’un an, nous voilà invités à légiférer pour remettre en cause l’exercice du droit de grève dans les transports.
La dernière fois, c’était à l’occasion de la grève des contrôleurs aériens ; aujourd’hui, c’est en raison d’un mouvement social mobilisant les contrôleurs de la SNCF que l’on veut porter atteinte à ce droit constitutionnel. Il en va ainsi en France : chaque fois que l’on traverse une zone de turbulences, on légifère.
Quel empressement à remettre en cause le droit de grève, après avoir tant tardé à considérer la situation dont ces mouvements découlent !
En 2022, le TGV affichait un taux de retard de 14,3 %. En 2023, l’Autorité de la qualité de service dans les transports (AQST) le soulignait en conclusion de son bilan annuel : « La ponctualité de l’ensemble des services ferroviaires s’est globalement dégradée, que ce soit par rapport à 2019 ou 2021. »
La Cour des comptes dresse le même constat au sujet des transports franciliens. À propos de la ligne B du RER, elle écrit dans un récent rapport : « Il ne se passe pas de semaine sans que des incidents de toute nature fassent l’actualité. »
Ailleurs, en France, la situation est la même. Par exemple, dans mon département, la ligne Bergerac-Bordeaux subit régulièrement des retards ou des suppressions de trains, faute de personnel formé en nombre suffisant.
La majorité sénatoriale veut interdire les grèves aux heures de pointe et pendant les vacances scolaires. Nous, nous voulons des transports qui fonctionnent toute l’année, y compris quand il n’y a pas de grève.
Fret SNCF a dû se soumettre aux injonctions de Bruxelles, mais ni notre assemblée ni sa commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ne se sont emparées du sujet. Nous aurions pourtant pu faire reconnaître le fret ferroviaire d’utilité publique : dès lors, nous aurions pu évaluer les conséquences de la décision gouvernementale de livrer 20 % du chiffre d’affaires de Fret SNCF à la concurrence…
Dans le domaine du transport de voyageurs, nous aurions pu explorer les raisons pour lesquelles il est de plus en plus difficile de réserver des places dans les trains et les facteurs entraînant des difficultés de recrutement.
Au nom de la rentabilité financière, au nom de réformes libérales imposées, on a détruit le statut des cheminots. Par manque de moyens humains et matériels, on a abandonné l’entretien du réseau. Monsieur le ministre, où sont les 100 milliards d’euros annoncés par Mme Borne ? Où en est la promesse d’une nouvelle donne ferroviaire ?
Dans la même logique, on livre à la concurrence le réseau de bus de la RATP, ouvrant ainsi la voie à une privatisation.
Partout où la libéralisation a été mise en œuvre, les conditions de transport des usagers se sont dégradées. Non seulement les tarifs ont augmenté, mais l’état des infrastructures s’est détérioré, entraînant des problèmes de sécurité.
Mes chers collègues, vous le savez bien : les salariés grévistes ne sont pas la cause de tous ces dysfonctionnements, qu’élude ce texte. Aucun d’eux ne fait grève par plaisir. Ils perdent leur salaire pour défendre leur outil de travail et le service public, donc les usagers.
Cette proposition de loi gèle trente jours par an, pendant lesquels ces salariés seraient privés de leur droit de grève. Nous ne sommes pas loin de l’élaboration d’un calendrier fixant les dates auxquelles les salariés des transports seraient autorisés à faire grève !
Ce sont les grèves de 1936 qui ont permis les premiers congés payés, le salaire minimum et l’encadrement du temps de travail. Ce sont les grèves féministes qui ont permis des avancées vers l’égalité entre les femmes et les hommes, progrès dont témoigne la constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), récemment adoptée.
Supprimé sous le régime de Vichy, le droit de grève a été constitutionnalisé en 1946 avec l’appui de toutes les forces politiques de l’époque. Évoquer ce droit, c’est convoquer notre histoire. C’est rappeler la conquête d’une liberté absolue, pour laquelle des femmes et des hommes ont sacrifié leur vie. Je pense notamment aux canuts lyonnais et aux mineurs du Nord.
Enfin, permettez-moi de rappeler une évidence : les grèves découlent d’un défaut de négociation en amont. Elles surviennent lorsque telle ou telle question a été mal traitée. Elles éclatent aussi lorsque la démocratie est bafouée, comme ce fut le cas lors de la réforme des retraites, il y a tout juste un an.
Ce texte est une véritable provocation. Il risque de mettre le feu aux poudres, à trois mois des jeux Olympiques, alors même que la majorité des Françaises et des Français sont confrontés à une grave crise sociale.
Nous souhaitons toutes et tous que ces jeux Olympiques soient un succès pour notre pays. Pour autant, ils ne doivent pas servir de prétexte pour porter atteinte aux droits sociaux.
Le droit de grève est constitutif de notre démocratie et de notre République. En refusant de voter ce texte, mes collègues du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky et moi-même apportons tout notre soutien et exprimons tout notre respect aux syndicats, à tous les grévistes qui se sont mobilisés par le passé et à celles et ceux qui le feront encore pour défendre le progrès social et écologique, ainsi que les droits des travailleuses et travailleurs de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la conciliation du droit de grève et des autres droits et principes constitutionnels auxquels il peut porter atteinte suscite régulièrement des débats nourris et passionnels. Cela étant, son exercice fait face à de nouveaux défis, qu’il s’agisse d’atténuer l’impact nuisible des grèves – c’est précisément ce que l’on nous propose aujourd’hui – ou de mieux asseoir la légitimité de l’action syndicale.
Le droit de grève constitue un mode légal d’expression des conflits sociaux. En ce sens, sa réglementation engage le choix d’un modèle d’État social.
S’il en résulte des particularismes, son affirmation comme droit de l’homme et droit constitutionnel n’a fait que s’atténuer, notamment sous l’influence d’une interprétation extensive de l’intérêt général et de considérations d’ordre public.
Notre rôle, en tant que législateur, est de garantir le respect des droits d’action collective des travailleurs sans faire obstacle aux nécessaires évolutions de leur régime pour accompagner les mutations du monde économique. Il nous revient, en définitive, d’assurer l’efficacité de ces droits.
Pourtant, la nature particulière du droit de grève, que consacre le septième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, fait spontanément penser à la définition de ce droit comme pouvoir de nuisance qui « vient contrarier, bousculer, contredire les autres droits ».
Les auteurs de cette proposition de loi prétendent concilier le droit de grève et les autres droits et principes constitutionnels auxquels il peut porter atteinte : là est toute l’ambiguïté de ce texte. En effet, en réduisant les nuisances qu’elles provoquent, on risque fort de mettre à mal les grèves dans leur principe même.
Ces mesures, avant tout épidermiques, manquent selon moi de proportionnalité. Il me semble plus raisonnable de laisser de côté l’affichage politique pour rechercher une position d’équilibre à même de concilier le droit de grève et les autres droits et principes constitutionnels auxquels il peut porter atteinte. On ne saurait évidemment pas envisager la suppression pure et simple de l’exercice de ce droit, quand bien même elle serait circonscrite à certaines périodes. Pour les élus du groupe RDSE, il s’agit là d’une ligne rouge.
Mes chers collègues, la grève représente un moment particulier du dialogue social. Elle est décidée en dernier ressort, en cas de rupture des négociations. Voter ce texte, c’est retirer aux salariés d’importants outils ; c’est les empêcher de peser dans la négociation collective.
Si les outils des uns sont disproportionnés par rapport à ceux des autres, le système s’effondre. On peut aboutir à des dérives, notamment à des détournements de l’exercice du droit de grève, que ce texte cherche justement à encadrer.
Nous sommes également conscients que la grève doit rester un droit collectif et revendicatif, non un droit détourné à titre personnel ou catégoriel.
Le droit de grève est bel et bien reconnu ; mais le législateur n’en a pas moins le pouvoir d’y apporter les limitations nécessaires afin d’assurer la continuité du service public, qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d’un principe à valeur constitutionnelle.
En ce sens, cette proposition de loi a au moins ce mérite : elle donne un début de réponse aux contournements du dialogue social que trahissent les recours abusifs aux préavis dormants et aux grèves dites de 59 minutes. Les désordres que ces grèves infligent à la marche du service public sont manifestes et disproportionnés.
Préserver l’exercice licite du droit de grève doit être notre priorité, dans un contexte marqué par de grandes mutations. Ces dernières sont non seulement techniques, mais aussi socioéconomiques. En parallèle, nous devons faire face à une conflictualité sous-jacente : à mon sens, ces facteurs sont plus décisifs que la nature même du droit de grève.
En tant que législateurs, nous devons veiller à ce que ce droit soit entouré de toutes les garanties inhérentes à son inscription dans notre texte fondamental, sans perdre de vue cette possibilité que le constituant nous a attribuée : faire évoluer sa mise en œuvre en fonction des mutations socioéconomiques.
Ce travail passera par un dialogue social renforcé, peut-être même plus en amont encore, et par une meilleure application des textes existants, mais certainement pas par la suppression, même transitoire, de ce droit constitutionnel.
En ce sens, nous devons promouvoir la négociation en lui accordant le temps qu’elle exige ; cette négociation est, selon moi, un élément clé de consensus dans notre paysage national, réputé très conflictuel.
Optons pour un modèle de régulation sociale sans atteinte disproportionnée à nos droits constitutionnels. Ne soufflons pas sur les braises du mécontentement, dans un contexte social tendu, à la veille des jeux Olympiques et Paralympiques. Rouvrir le débat législatif sur l’exercice du droit de grève sans concertation préalable avec les partenaires sociaux, sans étude d’impact, ne serait-ce pas émettre un signal fort, préfigurant l’encadrement encore plus strict du droit de grève ?
Les élus du groupe RDSE en restent convaincus : le défi, en la matière, est de trouver de nouvelles formes d’expression de l’action collective des travailleurs. Ces dernières doivent être respectueuses des droits d’autrui et préserver leur efficacité. Or la suppression du droit de grève n’est pas de nature à concilier la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l’intérêt général, auquel la grève peut être de nature à porter atteinte.
Les membres du groupe RDSE voteront à une large majorité contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE et GEST. – M. Pascal Savoldelli applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Hervé Reynaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « à nous de vous faire préférer le train », scandait la SNCF dans les années 1990 et 2000. Le constat est pourtant sans appel : depuis 1947, pas une année sans un jour de grève à la SNCF !
Malgré sa pertinence, le dispositif créé par la loi de 2007 a atteint ses limites, puisqu’il n’empêche pas les grandes grèves fixées à des périodes particulièrement importantes pour les voyageurs. Ainsi, des candidats à des examens ou à des concours ont déjà été recalés d’office faute d’avoir pu se présenter à l’heure aux épreuves. Ainsi, au cours des derniers mois, des grèves massives ont empêché un grand nombre de nos compatriotes de rejoindre leur famille ou d’atteindre leur lieu de vacances. Pourtant, les congés ont eux aussi été conquis après d’âpres luttes sociales.
Je pense aussi et surtout aux usagers des transports au quotidien, à celles et ceux qui doivent se rendre systématiquement sur leur lieu de travail, ne pouvant pas télétravailler : ils sont les premiers touchés par ces mouvements sociaux. Je n’oublie pas non plus les entreprises, qui en subissent les conséquences.
Dans ces conditions, comment assurer un report modal ? Comment inciter les usagers à emprunter les transports collectifs ?
Le contournement des restrictions légales du droit de grève n’est plus acceptable ; d’ailleurs, les Français ne l’acceptent plus. Au mois de février dernier, 64 % d’entre eux considéraient que la grève durant les vacances scolaires constituait un abus.
Mes chers collègues, si notre institution se doit de rappeler les principes qui fondent l’organisation du pays, son rôle est aussi d’adapter notre arsenal législatif aux évolutions de notre société, à la lumière de nos retours d’expérience.
Le texte que nous examinons aujourd’hui a ainsi pour objectif d’améliorer le dispositif permettant d’assurer une nouvelle conciliation – le mot est important –, un nouvel équilibre entre droit de grève et droit à la mobilité.
Il nous faut conduire cette démarche sans a priori, sans biais idéologique. D’autres pays, comme l’Italie, l’ont fait : pourquoi pas nous ?
Je tiens à remercier l’auteur de cette proposition de loi, notre collègue Hervé Marseille, d’avoir développé cette problématique, et notre rapporteur Philippe Tabarot d’avoir, sur la base d’auditions très pertinentes, nourri en commission un débat riche, parfois vif, mais sincère.
M. Jacques Grosperrin. Très bien !
M. Hervé Reynaud. Lors d’une récente séance plénière, le conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, en tant qu’autorité organisatrice de mobilité, a également émis un vœu en ce sens.
Comme chacun le sait, le droit de grève est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946. À ce titre, il ne saurait être remis en cause, mais « il s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».
Si la grève est un moyen, et non une fin, de faire valoir les revendications, elle ne doit intervenir qu’en dernier recours, lorsque la négociation collective entre salariés et employeurs n’a pas abouti. Or, mes chers collègues, reconnaissons que la législation française du droit de grève souffre d’une lacune : elle manque d’un cadre législatif clair encourageant le dialogue entre le salarié et l’employeur.
Nombre d’entre nous l’ont vécu en tant qu’élus locaux : cette lacune permet à des collectifs débordant sur leur base les syndicats représentatifs de créer des situations de quasi-blocage. En ce sens, nous partageons totalement les objectifs énoncés dans le texte qui nous est aujourd’hui soumis.
La commission a adopté divers amendements, au nom de trois principes : tout d’abord, garantir la constitutionnalité du texte en levant tout obstacle juridique à son adoption ; ensuite, éviter les abus du droit de grève, notamment les préavis dormants ; enfin, assurer un service minimum pour les déplacements du quotidien, particulièrement aux heures de pointe.
Il faut sortir de ces situations de blocage. Alors que nous nous apprêtons à accueillir les jeux Olympiques et Paralympiques, nous ne souhaitons pas donner au monde l’image d’un pays à l’arrêt.
Abordons sereinement ce débat. Cette proposition de loi, si elle est adoptée, permettra – j’ose l’espérer – d’amorcer une réconciliation entre usagers et exercice du droit de grève. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l’exercice du droit de grève
Article 1er
I. – Le titre II du livre II de la première partie du code des transports est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Prévisibilité des services de transport terrestre de voyageurs en cas de grève
« Art. L. 1223. – I. – Le présent article est applicable, lorsque leur concours est indispensable au bon fonctionnement du service, aux personnels des services publics de transport terrestre régulier de personnes et des services librement organisés de transport ferroviaire de voyageurs mentionnés à l’article L. 2121-12, à l’exception des services de transport international de voyageurs.
« II. – L’exercice du droit de droit de grève des personnels et agents mentionnés au I peut, le cas échéant, être suspendu entre 6 heures 30 et 9 heures 30 et entre 17 heures et 20 heures pendant des périodes continues pouvant aller jusqu’à sept jours et dont la durée annuelle cumulée ne peut être supérieure à trente jours. Un délai d’au moins cinq jours doit être respecté entre deux périodes de suspension.
« III. – Ces périodes sont fixées chaque année par un décret en Conseil d’État dont la publication intervient au moins quatre-vingt-dix jours avant que la première période concernée ne débute, à peine d’être inopposables. Ce décret est pris après une concertation d’une durée d’au moins trente jours avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives dans les branches entrant dans le champ d’application du présent article.
« IV. – Les périodes définies par le décret en Conseil d’État mentionné au III sont comprises au sein des périodes suivantes :
« 1° De la veille et jusqu’au lendemain des jours fériés mentionnés à l’article L. 3133-1 du code du travail ;
« 2° Les périodes de vacance des classes mentionnées à l’article L. 521-1 du code de l’éducation ;
« 3° De la veille et jusqu’au lendemain des jours des élections nationales et locales au suffrage direct et des référendums ;
« 4° Les événements d’importance majeure sur le territoire français.
« V. – Le manquement aux règles prévues au II est passible d’une sanction disciplinaire. »
II (nouveau). – En cas de suspension, sur le fondement de l’article L. 1223 du code des transports, de l’exercice du droit de grève pendant la période des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, le décret prévu au III du même article L. 1223 est publié au moins trente jours avant le début de la première période de suspension et la durée de la période de concertation préalable, prévue au même III, est de quinze jours.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet article, qui était à l’origine le seul de cette proposition de loi, est très probablement inconstitutionnel. En effet, il restreint l’exercice du droit de grève dans des proportions telles qu’il en vient à l’empêcher irrémédiablement, donc à l’interdire.
Cet article unique était en réalité un article inique. Le déséquilibre qu’il crée n’a qu’un but : contraindre une seule partie – les salariés – en bridant ses capacités de négociation, alors que la grève signe d’abord et avant tout l’échec d’un long dialogue social. Elle découle souvent d’un défaut de réponse de la part de la direction, après une alarme sociale. On le constate aujourd’hui pour l’organisation des transports parisiens lors des jeux Olympiques.
On nous propose de suspendre le droit de grève par des dispositions somme toute floues : comment définir des « événements d’importance majeure » sur le territoire français ? On devine d’emblée les dérives anticonstitutionnelles auxquelles peuvent donner lieu de telles mesures, dévoilant les réelles intentions des auteurs de ce texte : interdire le droit de grève et, au-delà, brider les capacités de négociation des travailleurs ; vider la grève de toute substance afin de la rendre inoffensive et, ce faisant, ouvrir la voie au détricotage du droit du travail, aux dépens de tous les travailleurs.
Telle est la vocation première de cet article : empêcher le dialogue social pendant les jeux Olympiques en rendant le dispositif évoqué applicable durant cette période.
Les travailleurs négocient actuellement l’amélioration des conditions de travail pendant cet événement. Ils veulent la juste compensation de leurs services, essentiels au bon déroulement des Jeux. De cela, cet article n’a que faire ; il se moque tout autant de la précarisation du travail. Il ne garantit pas le droit à la mobilité et n’améliorera en rien les transports en commun. En réalité, ce n’est pas son objectif.
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, sur l’article.
M. Philippe Grosvalet. « Le désordre et le chaos » : voilà un fantasme auquel, de tout temps, l’on a pu se référer pour combattre le droit de grève, qui plus est dans les services publics.
L’Action ouvrière, syndicat rattaché au Rassemblement du peuple français (RPF), le parti du général de Gaulle, théorisait cette vision en 1948 : « La grève et l’interruption des services publics vitaux pour la Nation ne sont pas admissibles dans un État digne de ce nom. » Tout était dit.
Pourtant, la réalité est tout autre. Permettez-moi de vous renvoyer à la réponse à une question écrite de notre ancien collègue Yves Détraigne, datant en 2018. Celui-ci s’inquiétait des conséquences de la grève dans les transports publics sur l’activité et la santé de nos entreprises. M. le ministre de l’économie et des finances lui a répondu : « Néanmoins, à l’aune des épisodes de grève passés des vingt-cinq dernières années, l’ampleur des effets attendus sur la croissance ne devrait pas dépasser de l’ordre de 0,1 à 0,3 point de PIB trimestriel. Par ailleurs, de tels épisodes sont, pour certains, suivis d’une période de rebond et de rattrapage, si bien que l’effet sur la croissance de l’activité est généralement négligeable. »
Dois-je rappeler, à la suite d’Hervé Marseille, que l’on compte, bon an mal an, entre une demi-journée et une journée de grève par agent ? Par ailleurs, c’est en 2018, avec près de cinq journées de grève par agent, qu’un record absolu depuis 1968 a été enregistré, et ce sans aucune conséquence sur l’activité économique, comme l’a indiqué le ministre.
Au contraire, la grève est source de progrès sociaux et économiques, cela a été souligné : la semaine des 40 heures, les congés payés, la sécurité sociale et les régimes de retraite ont été obtenus par les luttes sociales avant d’être inscrits dans la loi.
Oui, le progrès social est source de progrès économique. Voilà pourquoi nous devons reconnaître le droit de grève comme un bien commun inaliénable et laisser à chacun la liberté fondamentale d’user de ce droit sans jamais en abuser. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – M. Christian Bilhac applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Tout d’abord, et je veux le dire solennellement, ce texte est une attaque frontale contre toutes celles et tous ceux qui, depuis plusieurs décennies, plusieurs siècles, se sont mobilisés et se sont battus pour améliorer les conditions de travail de toutes et de tous. En 1936, ils ont été des millions à faire grève pour obtenir les congés payés ; aujourd’hui, certains se demandent s’il faut ou non qu’il soit possible de faire grève le jour des départs en congé…
Vous pouvez sourire, mes chers collègues d’en face, mais elles sont nombreuses, ces luttes de l’Histoire, celles que me soufflent à l’oreille mes collègues assis autour de moi : celles des dockers du Havre, celles des mineurs du Pas-de-Calais, celles des usagers quotidiens du RER B.
Dans quelles conditions se rend-on à son travail ? Dans quelles conditions travaille-t-on ? Ces questionnements ont fait l’histoire de notre République.
Aujourd’hui, tous, au quotidien, vous êtes confrontés à des milliers de femmes et d’hommes qui veulent pouvoir se déplacer sereinement. Ne l’oublions jamais : 80 % des usagers des transports du quotidien les utilisent pour se rendre au travail ou pour se former. Aussi la régularité est-elle une exigence.
Ne nous mentons pas : la problématique, ce ne sont pas les jeux Olympiques, c’est la dégradation des conditions de transport du quotidien dans notre pays.
Je suis sénatrice de la Loire, département où l’on trouve la ligne de TER la plus fréquentée de France, si l’on excepte l’Île-de-France. Chaque semaine, on enregistre des retards et des annulations de train : ils ne sont jamais dus aux grèves, ils sont provoqués par les défaillances du réseau.
Oui, il est temps de garantir des transports sûrs, mais ne nous trompons pas d’ennemi : le problème, ce ne sont pas les salariés de ces entreprises, c’est bel et bien l’infrastructure, qui s’est profondément dégradée tout au long de ces années. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, sur l’article.
M. Michel Savin. Je serai bref, mais je veux répondre à notre collègue, selon qui cette proposition de loi n’aura pas d’effet sur cet événement majeur qui marquera notre pays dans quelques mois, les jeux Olympiques et Paralympiques. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.) Je pense tout le contraire.
Autant, me semble-t-il, nous pouvons, ensemble, faire le constat de la situation dégradée des transports dans notre pays et d’un service, en la matière, qui n’est pas à la hauteur de ce que l’on serait en droit d’en attendre dans un pays comme la France, autant il est permis de se demander si l’on peut prendre en otage, pendant cette période des jeux Olympiques et des Paralympiques, des milliers de Français qui se sont sacrifiés pour acheter des billets afin d’assister à ces compétitions aux côtés de milliers d’étrangers qui vont venir dans notre pays pour faire de même. (Mme Raymonde Poncet Monge s’exclame.)
Peut-on prendre le risque que les transports soient à l’arrêt, de donner de notre pays une image catastrophique, de prendre en otage, je le répète, et pour des raisons que l’on peut entendre, ces familles que nous comme vous croisons tous les jours et qui se sont sacrifiées pour prendre part à cet événement qui se déroule une fois tous les cent ans, à cette grande fête populaire et sportive ? Non, ce n’est pas possible ; nous devons donc garantir le déroulement des Jeux.
Aussi, monsieur le ministre, j’espère que le Gouvernement prendra ses responsabilités et aura le courage politique d’inscrire, comme il en a les moyens, ce texte à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale au mois de mai ou au mois de juin prochain, afin que les choses soient réglées. Parce qu’il ne faudrait pas, si des mouvements devaient survenir lors des jeux Olympiques et Paralympiques, qu’il nous dise qu’il ne savait pas.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, sur l’article.
M. Hervé Gillé. Je n’avais pas l’intention de prendre la parole, mais l’intervention de mon collègue m’y incite.
À tenir de tels propos, vous allez finir par la susciter, cette grève au moment des jeux Olympiques !
Plutôt que de créer un tel climat de défiance, totalement contre-productif, il faudrait au contraire, au cours des semaines qui viennent, veiller à créer un climat de confiance précisément afin d’éviter le déclenchement de manifestations ou de grèves.
Au regard du contexte actuel, cette proposition de loi est donc très maladroite : ce n’est pas le moment d’évoquer un tel sujet.
Je me trompe peut-être, mais, il me semble que, jusqu’à présent, vous essayiez plutôt, dans votre camp, de promouvoir la négociation dans le cadre des conventions collectives et l’exercice du droit de grève au travers de celles-ci. Or c’est précisément ce principe que vous bafouez avec cette proposition de loi ! En effet, c’est d’une négociation qu’aurait dû résulter la modification des conditions d’exercice du droit de grève.
Vous vous référez à l’exemple italien, mais c’est bien ainsi que cela s’est passé dans ce pays : la loi a été modifiée après que des contreparties, notamment salariales, ont été obtenues par la voie de la négociation. Ce que vous proposez aujourd’hui est bien différent.
Je le répète, vos propositions sont contre-productives et vous ne faites rien d’autre que d’agiter un chiffon rouge. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Olivier Jacquin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Je commencerai par réagir, avec une certaine solennité, à un propos que je considère comme plutôt malheureux. On peut débattre – et on va le faire – du droit de grève, de sa limitation, mais placer les travailleurs et les travailleuses qui se mettent en grève pour leurs conditions de travail et les salaires sur un pied d’égalité avec des terroristes, de surcroît dans un pays qui a vécu le Bataclan, est tout de même extrêmement limite. (Mme Colombe Brossel applaudit.) Les comparer à des preneurs d’otages n’est ni décent ni digne du débat public et politique.
Mme Raymonde Poncet Monge. Oui, c’est une honte !
M. Fabien Gay. Utilisons les mots avec justesse. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Par ailleurs, j’ai entendu certains dire ici que l’on pouvait faire grève par culture ou par plaisir. Je ne sais pas combien parmi vous ont déjà fait grève dans leur vie, mes chers collègues, mais, quand des travailleurs et des travailleuses acceptent de perdre une partie de leur salaire pour l’intérêt général, je peux vous assurer qu’ils ne le font jamais par plaisir !
Et, comme ce fut le cas des cheminots, des traminots ou des gaziers et électriciens, se retrouver, après deux à trois mois de grève, avec une fiche de paie égale à zéro, c’est extrêmement compliqué à vivre.
Enfin, mes chers collègues, tout le monde sait bien ici que, quoi qu’il arrive, cette proposition de loi ne sera pas transmise à l’Assemblée nationale avant les jeux Olympiques et Paralympiques – elle n’ira même pas au bout du processus parlementaire. Aussi, n’entretenons pas l’illusion qu’elle réglera la problématique des transports pendant ces Jeux.
En revanche, le problème, c’est bien que les lignes 15, 16 et 17, ainsi que, quoi que nous en pensions, le CDG Express, ne seront pas en service, contrairement à ce qui était prévu.
À ce jour, le million d’usagers du RER B, notamment les travailleurs qui l’utilisent, n’en peuvent plus. La problématique, c’est le sous-investissement dans les équipements et c’est bien cela qu’il faudrait traiter, plutôt que prétendre que le problème, c’est celui d’une possible grève pendant les jeux Olympiques. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 2 est présenté par MM. Jacquin et Devinaz, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Fagnen, Ouizille, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 11 est présenté par MM. Fernique et Dantec, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dossus et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° 18 rectifié est présenté par MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Laouedj et Masset et Mme Pantel.
L’amendement n° 25 est présenté par M. Barros, Mme Varaillas, M. Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Olivier Jacquin, pour présenter l’amendement n° 2.
M. Olivier Jacquin. Vous l’avez compris, nous nous opposons aux multiples tentatives, à celle d’aujourd’hui comme aux précédentes, de la majorité sénatoriale de restreindre l’exercice du droit de grève dans les services de transport terrestre de voyageurs.
Je tiens à le souligner, il existe un cadre de prévisibilité des conflits sociaux déclinés sous la forme de nombreux dispositifs : la procédure d’alerte sociale quatorze jours avant la grève ; le préavis de grève obligatoire cinq jours auparavant ; la déclaration individuelle quarante-huit heures à l’avance ; l’obligation de négocier après l’alerte sociale et après le préavis ; enfin, l’élaboration d’un plan de transport par l’entreprise concernée pour assurer les dessertes prioritaires définies par l’autorité organisatrice et l’élaboration d’un plan d’information des usagers.
Ce cadre de prévention des conflits et de dialogue social permet, en cas de grève dans les transports, de mettre en place un service, certes réduit, mais prévisible.
Si ce cadre peut toujours être amélioré, nous considérons qu’une concertation avec les partenaires sociaux est un préalable à toute modification de notre législation sur le droit de grève.
Par ailleurs, nous estimons que légiférer sur le droit de grève de cette façon, au détour d’une proposition de loi qui, en outre, prive les parlementaires d’une étude d’impact, risque, dans un contexte marqué par un malaise social grandissant, d’attiser encore les tensions sociales.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 11.
M. Jacques Fernique. Dans la rédaction initiale de cette proposition de loi, son article unique prévoyait la possibilité de suspendre – d’interdire ! – l’exercice du droit de grève pour des périodes continues pouvant aller jusqu’à quinze jours, dans la limite de soixante jours par an, tout manquement au respect de ces règles pouvant entraîner une peine d’emprisonnement d’un an.
Ayant sans doute eu l’intuition du caractère inconstitutionnel de ces dispositions, la commission a décidé de réduire de moitié le nombre de jours consécutifs – de quinze à sept – et le nombre de jours total – de soixante à trente – au cours desquels il peut y être fait recours. Pour autant, quelle qu’en soit la durée, cela reste bien une interdiction et il s’agit bien de supprimer un droit essentiel, en des temps où l’exercice de ce droit est particulièrement efficace.
De fait, cet article devrait purement et simplement être censuré par le juge constitutionnel.
Je reviens sur le fameux modèle italien : ainsi que le ministre l’a laissé entendre, celui-ci n’a pas été mis en place sans qu’ait eu lieu préalablement une concertation préalable, contrairement à ce que vous entendez faire au travers de ce texte. En outre, en Italie, le champ de la loi et celui du règlement ne sont pas identiques à ce qu’ils sont chez nous.
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour présenter l’amendement n° 18 rectifié.
M. Philippe Grosvalet. Je tiens à rappeler ici la valeur constitutionnelle de ce droit, dont toute modification exige la plus grande prudence.
Je rappelle également le manque de concertation avec les partenaires sociaux dans l’élaboration de ce texte, le caractère inadéquat d’un tel véhicule législatif, qui n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact, ainsi que l’absence de toute visibilité sur ses conséquences sociales.
Cela a été dit : le climat social est à vif et cette proposition de loi ne fait qu’exciter et agiter inutilement les esprits à la veille d’un événement sportif mondial tel que celui que nous accueillerons cet été.
Le timing n’est pas le bon, la forme n’est pas la bonne, les réponses que ce texte apporte ne sont pas pertinentes.
Pour conclure, je veux évoquer ce que notre collègue Stéphane Demilly a dit tout à l’heure à propos de Mme Béchu.
Plusieurs voix sur les travées du groupe Les Républicains. Mme Michu ! (Rires.)
M. Philippe Grosvalet. Ah oui, pardon ! (Nouveaux rires.)
Je suppose qu’il faisait allusion non à la Mme Michu de Balzac, mais à cette Mme Michu que des publicitaires ont inventée et qui représenterait prétendument la Française moyenne.
Au-delà d’une certaine forme de mépris de classe qui perce sous cette caricature, je dirai à mon collègue que, fort heureusement, les millions de M. et Mme Michu que compte notre pays et qui n’ont plus les moyens de faire eux-mêmes grève sont bien contents, heureux et fiers que d’autres puissent les défendre à leur place.
M. Olivier Paccaud. Je n’en suis pas sûr !
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 25.
M. Pascal Savoldelli. Tout à l’heure, notre collègue Stéphane Le Rudulier, en présentant ses arguments contre la motion tendant à opposer la question préalable, a évoqué l’histoire d’une Américaine à Paris. Il serait encore présent dans notre hémicycle que je lui demanderais si elle a récemment fait grève.
Je m’explique.
Les salariés de l’industrie automobile américaine ont fait grève pendant six semaines à la fin de l’année 2023. Ont-ils eu tort ? Ils ont obtenu de 25 % d’augmentation de salaire !
Mme Raymonde Poncet Monge. Eh oui !
M. Pascal Savoldelli. En ce moment, les ports américains sont bloqués. Les grévistes demandent 32 % d’augmentation de salaire. Certes, tout ne se résume pas aux questions de salaire, mais, enfin, cela redynamise et réactualise tout de même quelque peu le droit de grève.
En outre, comme l’a fait remarquer Fabien Gay, il faut manier la métaphore de la prise d’otage avec beaucoup plus de prudence.
En relisant le texte de la proposition de loi, j’ai demandé aux collègues de mon groupe si les centristes allaient faire comme à l’Assemblée nationale : un peu de com’ avant de s’attaquer à la grève fiscale !
Eh oui ! Tout à l’heure, on nous a expliqué que la grève serait catastrophique : elle nous ferait perdre entre 12 millions d’euros et 15 millions d’euros. Mes chers collègues, selon l’Insee – ce n’est pas le parti communiste qui le dit –, il manquerait chaque année dans les finances publiques entre 20 milliards et 25 milliards d’euros de recettes.
Écoutez-moi : supprimons cet article et décidons d’interdire pendant soixante jours, pendant trente jours, la grève fiscale, plutôt que d’en faire porter la responsabilité sur les salariés. (M. Pierre Barros applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Tabarot, rapporteur. Certes, il existe un cadre de prévisibilité des conflits sociaux, mais force est de constater que celui-ci est aujourd’hui dépassé, car, comme nous l’avons dit, il est inadapté.
Reconnaissez aussi, ce que je regrette parfois, que le dialogue social n’est aujourd’hui plus le préalable à la grève. Dans l’exposé des motifs de l’un de ces amendements identiques, il est indiqué que le cadre actuel permet de mettre en place un service certes réduit, mais prévisible. Je ne suis pas certain que les milliers de Français qui, départ après départ, voient leurs trains annulés soient totalement d’accord avec cette affirmation. Comme vous le savez, aucun service minimum n’est à ce jour garanti dans le secteur des transports.
Nous avons parlé également de l’exemple du dispositif italien, qui, que vous le vouliez ou non, existe et fonctionne.
En outre, comme cela a été souligné à plusieurs reprises en commission, nous avons veillé à renforcer la constitutionnalité du texte à travers trois leviers : la restriction temporelle des périodes concernées, la limitation aux seules personnes concourant directement au fonctionnement du service, le remplacement des sanctions pénales par des sanctions disciplinaires. Par ailleurs, nous avons introduit le principe d’une concertation en amont entre le Gouvernement et les syndicats.
Enfin, mes chers collègues, je ne peux pas vous laisser dire que nous ne proposons rien pour améliorer le fonctionnement des transports publics. En tant que rapporteur de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, de la loi du 27 décembre 2023 relative aux services express régionaux métropolitains, dite loi Serm, mais aussi en tant que rapporteur pour avis sur les crédits consacrés notamment au transport ferroviaire, j’ai eu à cœur, notre commission a eu à cœur, vous le savez, de développer les modes de transport collectif. Cela n’exclut pas de légiférer pour tenter de résoudre les difficultés liées aux grèves, lesquelles contribuent à détériorer fortement la qualité du service, tout comme la dégradation du réseau.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Comme je l’indiquais tout à l’heure, le Gouvernement est opposé à ce texte. Par conséquent, il s’en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’ensemble des amendements de suppression.
J’en profite pour évoquer deux points qui ont été soulevés dans la discussion générale.
L’exemple italien a souvent été cité. Il me paraît important de rappeler qu’en Italie un accord entre les partenaires sociaux a précédé la loi.
Par ailleurs, nous faisons tous le constat que le réseau ferroviaire est dégradé et qu’il souffre d’un sous-investissement. C’est vrai en France, mais cela vaut également pour tous les autres pays européens, ainsi que mon homologue allemand et moi-même en convenions encore la semaine passée à Bruxelles.
Nous pouvons collectivement nous réjouir de l’augmentation du budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France), de l’augmentation des crédits consacrés à la régénération du réseau ferroviaire, de la mise en service prochaine des RER métropolitains.
J’appelle de mes vœux que toutes ces initiatives soient unanimement soutenues.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 11, 18 rectifié et 25.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2 (nouveau)
L’article L. 1324-6 du code des transports est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La durée d’un préavis déposé dans les conditions prévues au même article L. 2512-2 ne peut excéder trente jours.
« Un préavis déposé dans les conditions prévues audit article L. 2512-2, qui n’a pas donné lieu à une cessation concertée du travail par au moins deux agents mentionnés à l’article L. 2512-1 du même code pendant une période de quarante-huit heures, est caduc. L’employeur constate la caducité du préavis et en informe les organisations syndicales l’ayant déposé. Les déclarations individuelles mentionnées à l’article L. 1324-7 du présent code transmises postérieurement à ce constat ne peuvent produire d’effet. »
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il existe des dispositions et des projets de loi dont l’unique objectif est bien de tromper. En l’occurrence, il s’agit, avec ce texte, d’endormir la vigilance des travailleurs – et des Français –, à qui l’on promet faussement d’améliorer le service des transports par le biais d’une attaque du droit de grève qui les affaiblira tous.
En effet, ce sont bien les syndicats que vous avez en cauchemar, leur capacité à négocier grâce à des outils constitutionnels et à un dialogue social sincère.
Ce qui est à l’origine de ce mauvais rêve, ce sont les préavis dormants, auxquels on apporte des restrictions – en réalité, il s’agit même de les interdire –, alors même que, souvent, ce sont les circonstances qui les imposent.
Je pense notamment à un préavis dormant au moment du mouvement contre les retraites. Comme l’a souligné notre collègue socialiste, en déposant des préavis de quinze jours ou d’une semaine, il aurait été impossible de suivre les différentes étapes de la mobilisation, à savoir les treize manifestations qui se sont succédé. Le cadre aurait été beaucoup trop rigide. C’est pourquoi le préavis dormant a, de fait, été une obligation.
En outre, depuis 2017, on ne semble compter que deux exemples de préavis tournant. Il n’y en a donc pas tant que cela !
Les préavis dormants menaceraient les Jeux ? Non. Si la direction de la RATP avait ouvert une négociation sincère, l’alerte sociale n’aurait pas été lancée. Si vous voulez régler le problème, adressez-vous à elle pour qu’elle ouvre enfin une telle négociation et qu’elle ne se contente pas de verser une prime journalière de 15 euros à ses travailleurs, en compensation de leurs astreintes.
En réalité, tout cela est bien marginal, vous le savez, mais votre objectif est non pas de faciliter le dialogue social ou de garantir la mobilité fonctionnelle et durable de tous,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Raymonde Poncet Monge. … mais de dissiper les craintes que peuvent susciter en vous l’installation d’un rapport de force et un recours utile à la grève.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 3 est présenté par MM. Jacquin et Devinaz, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Fagnen, Ouizille, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 12 est présenté par MM. Fernique et Dantec, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dossus et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° 20 rectifié est présenté par MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Laouedj et Masset et Mme Pantel.
L’amendement n° 26 est présenté par M. Barros, Mme Varaillas, M. Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour présenter l’amendement n° 3.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Cet article, inséré par un amendement de la commission, a pour objectif d’empêcher les préavis de grève d’une durée illimitée, dits préavis dormants.
Limiter à trente jours la durée maximale d’un préavis de grève et rendre caducs les préavis qui n’ont pas été utilisés par au moins deux agents pendant une période de quarante-huit heures, comme le prévoit cet article, nous paraît restreindre excessivement l’exercice du droit de grève.
Outre que, selon le rapporteur, ils constitueraient un détournement du droit de grève, ces préavis seraient aussi parfois utilisés par certains personnels pour des raisons individuelles, sans que cette information ait pu être vérifiée.
Force est de constater que, dans toute organisation sociale, il existe des passagers clandestins. Cependant, ce n’est pas une raison pour jeter le bébé avec l’eau du bain et remettre en cause le droit de grève, qui est un droit collectif.
En vérité, cet article constitue une atteinte disproportionnée au droit de grève, qui est constitutionnellement garanti. Ces préavis de grève de longue durée permettent aux salariés de disposer d’une période plus étendue de concertation et de négociation. Ils sont un outil tout à fait légitime, notamment dans les périodes où le pouvoir d’achat est attaqué, lorsque les négociations sont au point mort et que les revendications sociales demeurent lettre morte.
En d’autres termes, ces préavis permettent de maintenir la mobilisation sociale lorsque les négociations sur le pouvoir d’achat, les conditions de travail ou d’autres sujets tardent à déboucher sur de réelles avancées sociales.
Pour cette raison, nous souhaitons supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 12.
M. Jacques Fernique. Ces fameux préavis de grève de longue durée suscitent, comme nous l’avons vu notamment lors de l’examen du texte en commission, de nombreuses allégations qui semblent parfois relever de légendes urbaines – ferroviaires, devrais-je dire. (Sourires.)
Chaque organisation en garderait deux ou trois sous le coude et certains auraient même été déposés voilà plus de dix ans ! On l’a encore entendu, certains préavis courraient même jusqu’en 2040 ou 2045. Je veux bien, mais je demande tout de même à voir comment sont formulés ces fameux préavis !
Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, nous aurions vraiment besoin d’un diagnostic partagé sur ces préavis pour savoir ce qu’il en est réellement. Puisqu’ils ont été déposés, ce devrait être possible.
SUD-Rail indique avoir déposé deux préavis dormants depuis 2017, donc depuis moins de dix ans. Raymonde Poncet Monge l’a rappelé, le plus ancien qu’ait déposé la CGT, remonte à 2019, au moment de la réforme des retraites.
Si l’article 2 prospérait et devait être réellement appliqué, de quelle manière vous permettrait-il d’atteindre les objectifs que vous vous êtes assignés ? C’est un jeu de gendarmes et voleurs sans issue et ce n’est pas une solution pour améliorer la qualité du service public. Dans quelques années, vous viendriez nous expliquer que le salut passe par une limitation encore renforcée de la possibilité de déposer des préavis. Ce n’est pas ainsi qu’on s’en sortira.
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour présenter l’amendement n° 20 rectifié.
M. Philippe Grosvalet. Au-delà de la jurisprudence constante de la Cour de cassation en la matière, la limitation à trente jours de la durée maximale d’un préavis aurait pour conséquence de séquencer et de complexifier l’exercice du droit de grève. Cela obligerait les organisations syndicales, lors de conflits qui s’inscrivent dans la durée – certains d’entre eux s’inscrivent dans la durée longue –, à entrer dans une logique cyclique où toute la procédure de négociation préalable devrait être régulièrement reprise de zéro.
Dans le même temps, un préavis ne pouvant excéder trente jours imposerait une temporalité aux organisations syndicales qui ne correspond pas toujours à celle des autres parties prenantes au conflit.
Pour ces raisons, nous proposons de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour présenter l’amendement n° 26.
M. Jean-Pierre Corbisez. Le problème, avec les préavis qui durent trente jours, ce n’est pas le risque que la grève dure trente jours – c’est d’ailleurs assez rare. Ce qui semble vous déranger, c’est surtout que, pendant plus de trente jours, vous risquiez de devoir négocier avec les syndicats de salariés – et trente jours, mes chers collègues, c’est long quand on n’a pas l’habitude de dialoguer avec les syndicats.
Ce texte est finalement une sorte de 49.3 destiné à faire taire les syndicats et à bloquer tout espoir d’amélioration des conditions de travail et de service dans le secteur des transports. « Si vous déposez un préavis de grève, allez au bout et faites grève ! Autrement, nous ferons passer nos réformes, qu’elles vous plaisent ou non ! » : telle est la signification de l’article 2.
Il est finalement contradictoire de considérer qu’il y a trop de grèves – c’est le sens de votre texte –, cependant que cet article impose aux salariés de ne pas travailler lorsqu’ils annoncent leur intention de faire grève. Ce qui est vrai, cependant, c’est que les grèves discontinues – perlées, comme l’on dit dans le jargon syndical – ont un pouvoir de nuisance que vous souhaitez circonscrire.
Au fond, mes chers collègues, vous voulez des grèves qui ne dérangent pas, des grèves silencieuses, un peu comme en a rêvé alors, en 2008, le Président de la République, un certain Nicolas Sarkozy, qui déclarait, pour s’en vanter : « Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit. »
Il faut croire que vous ne partagez pas son analyse, alors qu’il a pourtant déjà fait beaucoup pour nuire au droit de grève en instaurant le service minimum dans les transports en 2007, mais aussi en posant des limites aux enseignants en 2008.
Mes chers collègues, qui saccage les services publics ? Ce ne sont pas les grévistes : ce sont bien les politiques d’austérité du Gouvernement dont, avec votre texte, vous devenez complices.
En revanche, en ce qui concerne la casse du service public, le manque de moyens dans les transports, les pénuries de soignants dans les hôpitaux, les pénuries de professeurs dans les écoles…, malheureusement, point n’est besoin d’un préavis : cela dure du 1er janvier au 31 décembre !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Tabarot, rapporteur. Je rappelle à mes collègues que les préavis dormants représentent un véritable contournement de l’exercice du droit de grève. Nous ne les avons pas inventés : ils existent bien, les opérateurs nous l’ont confirmé lors des auditions. Par exemple, vingt conducteurs de métro en moyenne y ont recours.
Ces préavis dormants soulèvent principalement trois difficultés.
D’abord, ils permettent de contourner la période de négociations – auxquelles nous sommes tous très attachés, mes chers collègues – pour prévenir les conflits.
Ensuite, compte tenu des délais réduits des négociations, ils conduisent de facto à désorganiser en profondeur et de façon difficilement anticipable les services de transport public.
Enfin, et c’est là une véritable dérive, ils sont désormais utilisés par des collectifs non syndiqués. Cela a été dit par un certain nombre de collègues, mais également par les syndicats que nous avons reçus pour une audition intéressante. Certains s’en prévalent pour lancer des mouvements de grève sans forcément que cela ait un lien évident avec le préavis en question qui a été déposé.
Pour toutes ces raisons et pour assurer la continuité du service public, garantir le respect de l’ordre public et celui de la liberté d’aller et de venir, il est nécessaire de limiter leur durée.
Rien n’interdira à l’organisation syndicale de déposer de nouveau un préavis au bout de trente jours. Cela permettra d’ailleurs d’engager une nouvelle étape du dialogue social, lequel, comme à nous, vous tient beaucoup à cœur. Lorsque les grèves durent plusieurs semaines, voire plusieurs mois, il ne me semble pas tout à fait absurde de poursuivre ces négociations.
Vous semblez aborder la question des préavis dormants de manière théorique. Je vous répondrai par un chiffre intéressant : sur le réseau de bus de la RATP, les pertes de production pour cause de recours à des préavis illimités ont eu pour conséquence, sur la seule année 2023, que 2,3 millions de kilomètres n’ont pas été réalisés, et ce au détriment des usagers.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Depuis 2007, il existe une procédure, très contraignante pour les deux parties concernant les préavis dormants. D’ailleurs les syndicats n’y sont pas défavorables, puisqu’elle permet d’informer et de s’organiser en amont de la grève.
Monsieur le rapporteur, selon vous, après trente jours, il n’y a qu’à recommencer. Cela ne me semble pas possible dans le cadre de la loi de 2007. Je crois, en effet, savoir que l’alarme sociale ne peut pas être déposée deux fois pour le même motif.
Lors du mouvement des retraites, que nous avons particulièrement suivi, avec ce système, si la direction n’avait rien fait pendant trente jours, il n’aurait pas été possible de redéposer une alarme sociale sur le même motif. Pour le coup, ce serait un détournement de procédure. Il en est de même pour la négociation annuelle obligatoire (NAO).
Ce que vous appelez les préavis dormants offre tout simplement la possibilité de tenir l’alarme sociale jusqu’à résolution du problème et accord des deux parties.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3, 12, 20 rectifié et 26.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3 (nouveau)
L’article L. 1324-7 du code des transports est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, le mot : « quarante-huit » est remplacé par le mot : « soixante-douze » ;
2° À la première phrase du deuxième alinéa, le mot : « vingt-quatre » est remplacé par le mot : « quarante-huit ».
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. Après avoir bridé le dialogue social par les deux articles que vous venez de voter, poursuivant le travail de sape des lois Travail, la commission nous soumet l’article 3, qui porte le délai d’information des déclarations individuelles à soixante-douze heures et le délai de rétractation à quarante-huit heures. En somme, les salariés doivent se rétracter avant la grève, ce qui est tout de même un peu particulier…
Quoi de mieux pour briser les grèves, en effet, que d’offrir plus de temps aux directions pour séparer le travailleur de son collectif mobilisé et du syndicat qui le défend ? Vous avez parlé de démarches individuelles : nous y sommes.
La technique est bien connue. Elle a été résumée très clairement par Rafael Pagan pour Nestlé, confronté à des mobilisations sociales dans les années 1970 : « Coopérer avec les réalistes, dialoguer avec les idéalistes, pour les convertir en réalistes ; isoler les radicaux, et avaler les opportunistes. » Voilà l’objectif : isoler, négocier individuellement, coopter, outrepasser les outils du dialogue social collectif et instaurer un modèle du face-à-face.
Cet article a été rédigé non pas pour faciliter la négociation collective, mais pour l’empêcher. Au contraire, il faut justement faciliter la discussion collective, travailler à trouver des accords pendant les temps longs de la négociation – en deux temps, je le rappelle –, afin que les travailleurs ne soient pas forcés d’user de leur ultime recours qu’est la grève.
Cet article offre des outils de contrainte individuelle au patronat, avec la promesse de convertir quelques grévistes déclarés, et en faisant mine d’offrir aux voyageurs un service qui sera dégradé et qui reposera sur les salariés les plus fragiles.
Bref, cet article manque l’objectif d’améliorer les services de la RATP, par exemple, car son but est tout autre : briser les capacités de négociation et de mobilisation de tous les travailleurs.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 4 est présenté par MM. Jacquin et Devinaz, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Fagnen, Ouizille, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 13 est présenté par MM. Fernique et Dantec, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dossus et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° 21 rectifié est présenté par MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Laouedj et Masset et Mme Pantel.
L’amendement n° 27 est présenté par M. Barros, Mme Varaillas, M. Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Hervé Gillé, pour présenter l’amendement n° 4.
M. Hervé Gillé. Cet article introduit en commission vise à augmenter de vingt-quatre heures les délais de déclaration individuelle d’intention de grève des agents indispensables au fonctionnement du service, pour les faire passer de quarante-huit à soixante-douze heures. Le délai de rétractation de la participation à la grève passerait, lui, de vingt-quatre à quarante-huit heures.
Le rapport de la commission fait observer que les délais actuels sont très courts et n’offrent pas aux opérateurs de transport la possibilité de bénéficier du temps nécessaire pour optimiser leur offre de transport et définir de façon appropriée les modalités de mise en place du plan de transport adapté. Cela était aussi souligné par l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP).
Toutefois, les organisations syndicales représentant les salariés n’ont pas le même point de vue. Elles estiment au contraire qu’il s’agirait d’une forte restriction du droit de grève à leur encontre. Ces dispositions allongeant les délais de déclaration individuelle et de rétractation donneraient aux employeurs un levier supplémentaire pour décourager les salariés d’exercer leur droit de grève. En restreignant ce droit, elles pourraient donner davantage de temps aux employeurs pour recourir à des personnels extérieurs afin de briser les grèves.
Les organisations syndicales considèrent que ces nouvelles restrictions du droit de grève visent en réalité à déséquilibrer le rapport de force au détriment des salariés et au profit des employeurs. D’ailleurs, et c’est peut-être le point sensible, il n’est en aucun cas prouvé que porter le délai de prévenance à soixante-douze heures aura un impact significatif sur les conséquences du mouvement de grève et la préservation de la continuité du service public.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons en rester au cadre de prévisibilité et de continuité du service public mis en place par la loi du 21 août 2017. Tel est le sens de cet amendement de suppression.
M. Jacques Fernique. Sous couvert d’optimiser l’utilisation des moyens humains disponibles en cas de grève et de donner aux opérateurs les moyens de remplir leur obligation de fournir une information fiable aux usagers, cette extension du délai de prévenance, qui passerait de quarante-huit à soixante-douze heures, permettrait de dissuader les salariés d’exercer leur droit de grève, puisqu’ils auraient eux-mêmes moins de temps pour prendre cette décision ou pour se rétracter, ce qu’ils devraient faire au plus tard quarante-huit heures, et non plus vingt-quatre heures, avant le début de la grève.
Ces échéances n’ont pas été fixées à la légère en 2007. Plutôt que de jouer sur ces curseurs, le groupe écologiste estime qu’il faudrait parvenir à faire mieux fonctionner le régime prévu par la loi votée alors.
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié.
M. Philippe Grosvalet. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 27.
M. Gérard Lahellec. L’article 3 est lui aussi en contradiction avec la volonté même qui inspire votre texte, mes chers collègues. De fait, il inciterait à faire grève, au lieu de faire confiance à la discussion durant la période de préavis. En limitant la déclaration d’intention à soixante-douze heures avant le début de la grève et la déclaration de participation à quarante-huit heures avant ce début, cet article acte par avance l’échec de la négociation. Pourtant, celle-ci peut aller à son terme jusqu’à la veille de la grève !
En obligeant à tout déclarer trois jours à l’avance, au fond, on incite à la grève. Nous proposons donc de ne pas toucher à ces délais.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Tabarot, rapporteur. Je rappelle que le Conseil constitutionnel, dans sa décision sur la loi de 2007 que plusieurs d’entre vous ont évoquée et qui a institué cette procédure de déclaration individuelle, a considéré que l’aménagement ainsi apporté aux conditions d’exercice du droit de grève n’était pas disproportionné au regard de l’objectif fixé par le législateur. Le Conseil constitutionnel ayant validé ce principe, un ajustement de vingt-quatre heures pour renforcer l’efficacité du dispositif proposé me semble parfaitement nécessaire et proportionné.
Michel Savin s’en souvient : les auditions sur le fiasco du Stade de France lors de la finale de la Ligue des champions ont montré qu’avec un délai de soixante-douze heures les conséquences de la grève dans les transports en commun n’auraient pas été aussi déplorables.
M. Michel Savin. Oui !
M. Philippe Tabarot, rapporteur. Vous le savez comme moi, l’information est cruciale pour alerter en temps et en heure les usagers d’une perturbation du service. Elle est indispensable.
C’est en tout cas ce qu’a considéré la commission en adoptant cet article. C’est justement parce que le cadre existant ne fonctionne pas de façon satisfaisante que cette évolution est nécessaire. Comment bâtir un plan de transport sûr et bien dimensionné et délivrer une information fiable avant une grève sans connaître de façon certaine les effectifs des grévistes et les personnels disponibles ?
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4, 13, 21 rectifié et 27.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4 (nouveau)
La section 3 du chapitre IV du titre II du livre III de la première partie du code des transports est ainsi modifiée :
1° Après l’article L. 1324-7, il est inséré un article L. 1324-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1324-7-1. – Lorsque l’exercice du droit de grève en cours de service peut entraîner un risque de désordre manifeste à l’exécution du service public, l’entreprise de transport peut imposer aux salariés ayant déclaré leur intention de participer à la grève dans les conditions prévues à l’article L. 1324-7 d’exercer leur droit de grève exclusivement au début de l’une de leurs prises de service et jusqu’à son terme. » ;
2° La première phrase de l’article L. 1324-8 est ainsi modifiée :
a) Après les mots : « la grève », sont insérés les mots : « ou qui n’a pas exercé son droit de grève au début de l’une de ses prises de service » ;
b) À la fin, les mots : « à l’article L. 1324-7 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 1324-7 et L. 1324-7-1 ».
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 5 est présenté par MM. Jacquin et Devinaz, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Fagnen, Ouizille, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 14 est présenté par MM. Fernique et Dantec, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dossus et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° 22 rectifié est présenté par MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Laouedj et Masset et Mme Pantel.
L’amendement n° 28 est présenté par M. Barros, Mme Varaillas, M. Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour présenter l’amendement n° 5.
M. Gilbert-Luc Devinaz. L’article 5 nouveau, introduit à la suite de l’adoption d’un amendement du rapporteur en commission, permet aux entreprises de transport d’imposer aux salariés indispensables au bon fonctionnement du service d’exercer leur droit de grève exclusivement à compter du début de l’une de leurs prises de service et jusqu’au terme dudit service. Il s’agit en fait d’interdire toute grève de courte durée, notamment celles qui durent moins d’une heure.
Ces grèves de courte durée, notamment celles de 59 minutes, sont jugées illégitimes, notamment par l’UTP. On leur reproche d’avoir un fort pouvoir de désorganisation et d’amoindrir la prévisibilité du trafic.
Les organisations syndicales représentant les salariés ne partagent pas ce point de vue. Elles considèrent que ce type de préavis appartient au cadre général déterminant le droit de grève.
Force est de souligner par ailleurs qu’il existe actuellement un cadre prévisible des conflits sociaux, décliné sous forme de nombreux dispositifs : procédure d’alerte sociale, préavis de grève – obligatoire cinq jours avant le début de la grève –, obligation de négocier après l’alerte sociale et après le préavis, élaboration d’un plan de transport par l’entreprise concernée pour assurer les dessertes prioritaires définies par l’autorité organisatrice, élaboration d’un plan d’information des usagers. Ce cadre de prévention des conflits et d’organisation du dialogue social permet déjà, en temps de grève dans les transports, de mettre en place un service certes réduit, mais prévisible.
Par ailleurs, nous estimons que toute modification de notre législation sur le droit de grève nécessite au préalable une concertation entre partenaires sociaux et que cette législation ne peut en aucun cas être modifiée au travers d’une proposition de loi, ce qui nous priverait d’une étude d’impact et de l’avis du Conseil d’État. Nous demandons donc la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 14.
M. Jacques Fernique. Mes chers collègues, je sens une certaine lassitude, voire une baisse d’attention. Je vous invite néanmoins à lire attentivement l’alinéa 3 de l’article 4 : « Lorsque l’exercice du droit de grève en cours de service peut entraîner un risque de désordre manifeste à l’exécution du service public, l’entreprise de transport peut imposer aux salariés ayant déclaré leur intention de participer à la grève dans les conditions prévues à l’article L. 1324-7 d’exercer leur droit de grève exclusivement au début de l’une de leurs prises de service et jusqu’à son terme. »
Cet article serait-il réellement opérant ? Apprécier le risque de désordre manifeste à l’exécution du service public n’a rien d’évident !
Je me souviens de l’audition de la direction de la RATP, qui est particulièrement touchée par ces grèves courtes, de 59 minutes exactement. Ses représentants nous disaient que ces grèves se voient en fait très peu sur l’offre de services. Elles n’entraînent donc pas un désordre manifeste à l’exécution du service public. En revanche, ce qui pose problème, c’est que la baisse de salaire qui en résulte pour le gréviste ne couvre pas la baisse de travail effectif, car le service ne s’effectue pas par tranche de 59 minutes. C’est un problème : pour autant, je le répète, ce n’est pas un désordre manifeste à l’exécution du service public.
Je pense donc qu’il faut supprimer cet article, car, même de votre point de vue, il est mal ficelé.
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié.
M. Philippe Grosvalet. Il y a plusieurs façons de faire grève : cela va du piquet de grève à la grève perlée, où le travail est volontairement ralenti par les salariés. Dans l’histoire, jamais aucun salarié n’a fait grève par plaisir. N’en déplaise à certains, la grève est génératrice de fraternité, d’innovation, même de créativité.
Pourquoi voulez-vous que la grève n’ait pas suivi les évolutions de la société et qu’elle ne se soit pas adaptée aux circonstances nouvelles, notamment économiques ? La grève perlée est une façon moderne de faire grève sans affecter trop fortement les ressources des grévistes.
Ces grèves perlées permettent simplement à chacun, après l’échec du dialogue social et l’engagement d’une grève, de trouver le format le plus adapté à son engagement et à la perte de ressources correspondante. Codifier une plage horaire s’ouvrant par la prise de service pour l’exercice par les salariés de leur droit à faire grève les empêcherait tout simplement d’exercer ce droit. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 28.
Mme Céline Brulin. Cela vient d’être souligné par les orateurs précédents, votre tentative de rendre constitutionnelle cette proposition de loi frise le ridicule au travers de cet article qui se révèle totalement inopérant.
Je ne reviens pas sur la formulation retenue. Elle revient à dire clairement à des salariés que, s’ils ne travaillent pas, personne ne s’en apercevra. Pour qui veut développer le dialogue social, il y a manière plus élégante de faire…
Puis, en interdisant un certain nombre de formes de grève, vous aboutirez à ce que, finalement, la grève dure beaucoup plus longtemps. Concrètement, des grèves de douze heures seront possibles quand des grèves de deux heures ne le seront pas. Je vous souhaite bon courage quand il vous faudra expliquer aux usagers que c’est pour leur rendre service que la grève durera douze heures !
Enfin, les grèves ont été réglementées ; le droit de grève a été limité ces derniers temps. Si elles ne peuvent plus avoir lieu dans notre pays ou si elles sont aussi contraintes que vous le prévoyez, nous allons voir survenir des formes d’expression, de colère, de révolte, de manifestation et j’en passe, qui risquent d’être beaucoup plus difficiles à canaliser, du moins avec lesquelles il sera plus difficile d’entrer en dialogue. Je fais référence à quelques épisodes récents que nous avons tous en tête…
Affirmer, comme vous l’avez fait, monsieur le rapporteur, que c’est la grève qui a occasionné le chaos que nous avons connu lors de la finale de la Ligue des champions est un peu fort de café ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Tabarot, rapporteur. Monsieur Grosvalet, je ne sais pas ce que signifie faire grève de façon moderne, sinon contourner ou essayer de contourner la loi de 2007. Être moderne, est-ce utiliser une grève de 59 minutes en plein milieu de la journée pour désorganiser au maximum le service ? Cela pénalise aussi les collègues de travail, qui essaient de faire leur boulot et cela pénalise le plus d’usagers possible. Si c’est cela, la grève moderne, je ne sais pas si la modernité a du bon !
Il me semble qu’une relecture attentive de l’article 4 adopté par la commission permet de répondre à un certain nombre de vos inquiétudes. La possibilité que cet article ouvre aux entreprises de transport d’imposer aux salariés d’exercer leur droit de grève à partir de l’une de leurs prises de service et jusqu’à son terme ne pourrait être mise en œuvre que dans le cas où l’exercice du droit de grève en cours de service peut entraîner un risque de désordre manifeste à l’exécution du service public. De plus, elle ne s’appliquerait qu’aux salariés concernés par l’obligation de déclaration individuelle. Je rappelle que cette obligation ne concerne que les agents indispensables à l’exécution des niveaux de services mentionnés dans l’accord collectif de prévisibilité.
Ce rappel étant fait, vous comprendrez que l’article 4 a pour objectif non pas d’interdire totalement les grèves modernes, c’est-à-dire les grèves de 59 minutes, mais de les encadrer dans des cas précis et pour certaines catégories de personnels uniquement.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
M. Jacques Grosperrin. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5, 14, 22 rectifié et 28.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Article 5 (nouveau)
Le code des transports est ainsi modifié :
1° L’article L. 1222-1 est complété par les mots : « , et aux transports maritimes réguliers publics pour la desserte des îles françaises mentionnés à l’article L. 5431-1, à l’exception des services de transport international » ;
2° L’article L. 1324-1 est ainsi modifié :
a) Le mot : « et » est remplacé par le signe : « , » ;
b) Après la référence : « L. 2121-12 », sont insérés les mots : « et aux transports maritimes réguliers publics pour la desserte des îles françaises mentionnés à l’article L. 5431-1 » ;
3° À la première phrase de l’article L. 1324-2, la première occurrence du mot : « la » est remplacé par le mot : « le ».
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 6 est présenté par MM. Jacquin et Devinaz, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Fagnen, Ouizille, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 15 est présenté par MM. Fernique et Dantec, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dossus et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° 23 rectifié est présenté par MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Laouedj et Masset et Mme Pantel.
L’amendement n° 29 est présenté par M. Barros, Mme Varaillas, M. Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour présenter l’amendement n° 6.
Mme Nicole Bonnefoy. Cet article, introduit en commission, étend aux transports maritimes réguliers publics effectuant la desserte des îles françaises les dispositions actuellement en vigueur relatives à la prévisibilité du trafic en cas de grève ainsi que celles qui sont relatives au dialogue social, à la prévention des conflits collectifs et à l’exercice du droit de grève.
Nous considérons qu’une concertation avec les partenaires sociaux est un préalable à toute modification de notre législation sur le droit de grève. Pour cette raison, nous ne souhaitons pas qu’au détour d’une proposition de loi les dispositions prévues pour les transports terrestres soient étendues aux transports maritimes effectuant la desserte des îles française sans qu’une telle concertation puisse avoir lieu.
Il existe sans doute des spécificités propres à ces réseaux de transports maritimes ; plaquer sur eux des dispositifs conçus pour les transports terrestres sans aucune négociation avec toutes les parties prenantes ne nous paraît pas acceptable. Nous estimons que tout ce qui concerne le droit de grève, droit constitutionnellement garanti, doit faire l’objet de négociations, au risque, sinon, de faire dégénérer les tensions sociales.
Je rappelle que la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi Bertrand, votée pendant le mandat de Nicolas Sarkozy, qui a introduit un cadre en vue d’organiser la continuité du service public, notamment en cas de grève, a exclu de son champ d’application les transports maritimes et aériens. Si nous devions de nouveau légiférer sur le secteur des transports maritimes desservant les îles françaises, nous ne pourrions en aucun cas le faire par le biais d’une proposition de loi, car cela priverait les parlementaires d’une étude d’impact et de l’avis du Conseil d’État, pourtant essentiels pour les éclairer sur tous les enjeux de la réforme proposée.
C’est pourquoi nous souhaitons supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 15.
M. Jacques Fernique. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour présenter l’amendement n° 23 rectifié.
M. Philippe Grosvalet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour présenter l’amendement n° 29.
M. Pierre Barros. Pourquoi le transport aérien a-t-il été écarté du dispositif, alors que le transport maritime y a été intégré ? Est-ce par crainte de mettre le feu à des modes de transport aux répercussions internationales, ce qui aurait été compliqué à gérer, surtout à court terme ? Au regard du calendrier de cette année, c’est plausible… Cela demande une explication.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Tabarot, rapporteur. Monsieur Barros, après différentes auditions, un certain nombre d’entre nous ont considéré que la loi relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports, dite Diard, et la loi relative à la prévisibilité de l’organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l’adéquation entre l’ampleur de la grève et la réduction du trafic, dite Capo-Canellas, traitaient la question du transport aérien. De plus, on compte très peu de lignes de service public.
Cet article étend les dispositions actuelles au transport maritime. La commission a estimé que des inégalités se sont créées entre les territoires qui disposent de transports terrestres et ceux qui recourent principalement au transport maritime. Comment justifier que certains de nos concitoyens, qui dépendent de services réguliers de transport pour se rendre sur un territoire insulaire, n’aient pas le même droit de disposer d’une information fiable et d’une certaine forme de prévisibilité quant aux modalités de leur déplacement les jours de grève ?
Nous avons été interpellés à ce sujet par la compagnie Océane, qui dessert les îles bretonnes, dont les salariés peuvent se déclarer grévistes le jour même ! (M. Philippe Grosvalet s’exclame.) Cela empêche l’organisation d’un service minimum et rend totalement impossible une communication anticipée auprès des utilisateurs, qu’il s’agisse des insulaires ou des autres clients.
L’extension du cadre existant au transport maritime nous semble donc pleinement nécessaire et proportionnée. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6, 15, 23 rectifié et 29.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Mandelli et Anglars, Mme Lavarde, MM. H. Leroy et Sol, Mme Josende, MM. Karoutchi et Piednoir, Mme Aeschlimann, M. Chaize, Mme Petrus, MM. Burgoa, Milon, Reynaud et Bouchet, Mmes Valente Le Hir, Deseyne et Lassarade, M. D. Laurent, Mmes M. Mercier et Chain-Larché, M. P. Martin, Mmes Gruny et Gosselin, M. Savin, Mme Dumont et MM. Panunzi, Brisson, Lefèvre, de Nicolaÿ, Saury, Belin, Favreau, Bruyen, Sido, Genet et C. Vial, est ainsi libellé :
Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L. 1821-5, il est inséré un article L. 1821-5-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1821-5-…. – Pour l’application à Mayotte de l’article L. 1222-1, les mots : “la desserte des îles françaises mentionnés à l’article L. 5431-1” sont remplacés par les mots : “les liaisons entre la Grande-Terre, la Petite-Terre et les autres îles et îlots situés dans le récif les entourant”. » ;
…° L’article L. 1821-8 est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. L. 1821-8. – Pour l’application à Mayotte de l’article L. 1324-1, les mots : “la desserte des îles françaises mentionnés à l’article L. 5431-1” sont remplacés par les mots : “les liaisons entre la Grande-Terre, la Petite-Terre et les autres îles et îlots situés dans le récif les entourant”. »
La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. La commission a adopté un article visant à étendre au domaine public maritime les dispositions de cette proposition de loi. Cet amendement a pour objectif de compléter le texte de cet article, puisque Mayotte n’y était pas mentionnée. Son adoption permettra à ces dispositions de s’y appliquer.
La France a le deuxième domaine public maritime du monde. Il y a des liaisons île-continent et inter-îles ; nos outre-mer, en particulier Mayotte, méritent que ces dispositions y soient applicables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Tabarot, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mon cher collègue, c’est vous qui avez introduit en commission cet article et, très justement, vous avez relevé avec notre collègue Omar Oili que ces dispositions ne concernaient pas Mayotte, alors qu’il faut les étendre aux transports maritimes réguliers entre Grande-Terre et Petite-Terre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Article 6 (nouveau)
La troisième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 1222-3 du code des transports est complétée par les mots : « , notamment aux heures de pointe ».
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 7 est présenté par MM. Jacquin et Devinaz, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Fagnen, Ouizille, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 16 est présenté par MM. Fernique et Dantec, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dossus et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° 24 rectifié est présenté par MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Laouedj et Masset et Mme Pantel.
L’amendement n° 30 est présenté par M. Barros, Mme Varaillas, M. Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Olivier Jacquin, pour présenter l’amendement n° 7.
M. Olivier Jacquin. Les causes de la dégradation de la qualité des transports collectifs du quotidien sont à nos yeux connues de tous : mauvais entretien du réseau et manque de chauffeurs. Si elles sont source de désagréments, les grèves dans les transports ne sont en aucun cas responsables de la dégradation, constatée depuis plusieurs décennies, de nos réseaux de transports terrestres collectifs, qui se traduit par des retards, des manques de capacité, des pannes récurrentes. Ces grèves peuvent d’ailleurs viser à dénoncer les manques récurrents de moyens financiers et de personnel et les efforts importants de productivité demandés aux salariés sans contrepartie salariale suffisante.
Nous ne sommes pas certains que ces nouvelles dispositions, qui réduisent le droit de grève, se traduiront par une amélioration significative du trafic en cas de grève, notamment en ce qui concerne les transports urbains, interurbains et ferroviaires. Nous nous opposons donc à la restriction du droit de grève prévue par cet article et en demandons la suppression.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 16.
M. Jacques Fernique. En quoi consiste l’article 6, sinon à compléter l’article L. 1222-3 du code des transports par les cinq mots suivants : « , notamment aux heures de pointe » ?
Franchement, indépendamment de nos oppositions de fond au texte en discussion, est-il vraiment indispensable de préciser dans la loi que les autorités organisatrices de transports doivent prendre en compte les heures de pointe dans la détermination des différents niveaux de service ? Ne pensez-vous pas qu’en toute subsidiarité elles peuvent déterminer ces niveaux comme elles l’entendent ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour présenter l’amendement n° 24 rectifié.
M. Philippe Grosvalet. Ainsi que cela vient d’être souligné, il existe déjà un cadre de prévisibilité des conflits sociaux, décliné sous la forme de plusieurs dispositifs : procédure d’alerte sociale quatorze jours avant la grève, préavis de grève obligatoire cinq jours avant, déclarations individuelles quarante-huit heures avant, élaboration d’un plan de transport adapté par les opérateurs concernés assurant la continuité du service, priorités de dessertes.
Sans doute est-il opportun de réfléchir à l’affinage de certains de ces dispositifs ; or un tel travail ne peut se faire qu’avec un dialogue en amont auprès des partenaires sociaux permettant de mesurer correctement tous les tenants et aboutissants des modifications au droit de grève discutées. Cette concertation n’a pas eu lieu.
Les conséquences de l’article 6 de cette proposition de loi restent donc floues. Et quand c’est flou… (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l’amendement n° 30.
M. Ian Brossat. Nous souhaitons également la suppression de l’article 6, pour les mêmes raisons que nos collègues.
Si tant de nos concitoyens sont aujourd’hui confrontés à des « galères » dans les transports en commun, c’est en raison non pas des grèves, heures de pointe ou pas, mais du sous-investissement massif, qui ne date d’ailleurs pas d’hier !
Je tiens à le souligner au nom du groupe CRCE-K, la teneur de nos débats depuis tout à l’heure a de quoi inspirer un certain malaise. Nous le voyons sur chaque article, l’objet du texte est de cibler certaines catégories de population : cheminots, salariés des transports en commun, etc.
Je nous mets collectivement en garde : ce populisme-là me paraît dangereux ! Imaginez que l’on sonde les Français sur le rôle des sénateurs : je ne suis pas certain que leur jugement serait plus favorable que celui qu’ils portent sur les cheminots…
M. Franck Dhersin. Parlez pour vous !
M. Ian Brossat. À ce petit jeu-là, nous serons tous perdants : quand on veut jouer avec le feu, on finit par se brûler !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Tabarot, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Au-delà de tous les arguments que mes collègues ont avancés, que dire de la vision politique qui transparaît à la lecture de cet article ?
Faire référence aux « heures de pointe », c’est avouer implicitement que le seul objectif est d’emmener les gens au travail et de les en ramener.
Outre que ce n’est peut-être pas le seul besoin prioritaire, cela ne correspond plus aux réalités d’aujourd’hui ! La société s’est précarisée. Désormais, c’est toute la journée que des travailleurs vont au travail ou en reviennent, et pas seulement aux heures de forte affluence, qui restent – et heureusement ! – le cadre normal pour les salariés en contrat à durée indéterminée.
Vous n’avez de cesse d’invoquer le « droit » à se rendre au travail et à en revenir, mais il vaut mieux une bonne négociation lors de l’alarme sociale, afin que les travailleurs les plus précaires, avec des horaires atypiques, puissent aussi en bénéficier !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7, 16, 24 rectifié et 30.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 6.
(L’article 6 est adopté.)
Article 7 (nouveau)
La section 2 du chapitre II du titre II du livre II de la première partie du code des transports est ainsi modifiée :
1° Le deuxième alinéa de l’article L. 1222-7 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il détermine également les catégories d’agents et leurs effectifs nécessaires à l’exécution du niveau minimal de service susceptibles d’être requis en application de l’article L. 1222-7-1. » ;
2° Sont ajoutés des articles L. 1222-7-1 à L. 1222-7-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 1222-7-1. – Lorsque, en raison d’un mouvement de grève, le nombre de personnels disponibles n’a pas permis, pendant une durée de trois jours consécutifs, d’assurer le niveau minimal de service correspondant à la couverture des besoins essentiels de la population, notamment aux heures de pointe, mentionné à l’article L. 1222-3, l’autorité organisatrice de transports enjoint à l’entreprise de transports de requérir les personnels indispensables pour assurer ce niveau de service conformément à l’accord collectif ou au plan de prévisibilité mentionné à l’article L. 1222-7.
« La décision de l’autorité organisatrice de transports est transmise aux organisations syndicales représentatives dans chacune des entreprises concernées.
« Art. L. 1222-7-2. – L’entreprise de transports est tenue de se conformer à l’injonction de l’autorité organisatrice de transports dans un délai de vingt-quatre heures.
« Art. L. 1222-7-3. – Les personnels requis en application de l’article L. 1222-7-1 en sont informés au plus tard vingt-quatre heures avant l’heure à laquelle ils sont tenus de se trouver à leur poste.
« Est passible d’une sanction disciplinaire le salarié requis en application du même article L. 1222-7-1 qui ne se conforme pas à l’ordre de son employeur. »
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. Avec cet article 7, qui permet de réquisitionner des personnels en grève si les non-grévistes ne sont pas assez nombreux, la boucle est bouclée ! C’est le point final, la voiture-balai !
Comme les articles précédents auront probablement pour effet d’augmenter le nombre de grévistes, il faut bien prévoir une mesure de contrainte, en l’occurrence la réquisition.
Cet article, c’est un peu le miroir de l’article 3, où l’on compte surtout sur les pressions individuelles. Là, on prévoit des mesures complémentaires dans l’hypothèse où le mouvement de grève ne faiblirait pas. Visiblement, mieux vaut s’accommoder d’un service dégradé que de chercher à reprendre le dialogue !
Cela a été dit, les voyageurs et les touristes qui seraient « importunés » sont un prétexte. Ils ont vraiment bon dos quand aucune disposition n’est prévue pour augmenter les moyens de transport, corriger le problème de manque de main-d’œuvre, renforcer l’attractivité des métiers en crise ou renouveler le matériel !
Il faut avoir peu l’habitude d’emprunter le RER pour croire que les dysfonctionnements dans les transports sont principalement dus aux grèves.
En 2021, cela a été rappelé, sur le RER B, on a dénombré 151 heures de perturbation pour panne de signalisation, presque autant pour panne de matériel, 70 heures pour panne électrique, 22 heures pour incidents techniques et 38 heures pour panne de caténaire. Au total, ce sont 600 heures perdues, bien plus qu’en cas de grèves ! Ce ne sont donc pas ces dernières qui posent problème aux voyageurs.
Comme cet article final le démontre, l’objet du texte est d’empêcher les mouvements de grève, pas de résoudre les problèmes des usagers – je ne dis pas clients !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 8 est présenté par MM. Jacquin et Devinaz, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Fagnen, Ouizille, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 17 est présenté par MM. Fernique et Dantec, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dossus et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° 19 rectifié est présenté par MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Laouedj et Masset et Mme Pantel.
L’amendement n° 31 est présenté par M. Barros, Mme Varaillas, M. Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Olivier Jacquin, pour présenter l’amendement n° 8.
M. Olivier Jacquin. L’article 7, c’est le bouquet ! Désormais, il est question de réquisitionner le personnel.
Ce nouvel article prévoit, en cas de grève, de mettre en place un service minimum garanti en permettant aux entreprises de transports concernées, à la suite de l’injonction de l’autorité organisatrice de transports, de réquisitionner le personnel gréviste nécessaire pour assurer ce niveau de service minimal.
Nous tenons à rappeler qu’il existe déjà un cadre de prévisibilité des conflits sociaux, décliné sous la forme de nombreux dispositifs. Ce cadre de prévention des conflits et de dialogue social permet, en cas de grève dans les transports, de mettre en place un service, certes réduit, mais prévisible.
À nos yeux, une telle réquisition de salariés, qui réduit fortement le droit de grève, ne se traduira pas par une amélioration vraiment significative du trafic en cas de grève. Au contraire, agiter ce chiffon rouge pourrait avoir pour conséquences d’attiser des tensions et de développer les grèves en amont, avant même l’éventuelle entrée en vigueur de ce texte.
De plus, nous doutons fortement de l’opérationnalité de ces dispositions supplémentaires, la durée et l’ampleur de la grève étant généralement conditionnées à la qualité du dialogue social.
C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 17.
M. Jacques Fernique. L’article 7, introduit en commission, dépasse largement l’ambition initiale du texte et les amendements du rapporteur. En effet, il permet à l’autorité organisatrice d’enjoindre à l’entreprise de transports de réquisitionner les personnels indispensables à l’atteinte du niveau minimal de service dès lors que ce niveau n’a pas été atteint durant trois jours consécutifs en raison d’un mouvement de grève.
Comme je l’ai déjà souligné, vous ajoutez dans le texte même ce que les employeurs ne demandent pas ! La direction de la SNCF nous a indiqué que, selon elle, une telle mesure serait perçue comme une « déclaration de guerre » – ce sont ses propres termes – et qu’il serait contraire aux exigences de sécurité de faire conduire des agents contraints qui ne seraient pas dans de bonnes conditions psychologiques.
Dans notre pays, la réquisition pour les transports collectifs terrestres n’existe pas !
En plus, il est problématique de faire des autorités organisatrices des acteurs directs du rapport de force qui s’établit dans le cadre d’un mouvement social. Est-on prêt à accepter que la situation varie selon les territoires et les choix des exécutifs des AOT ?
Sans doute cet article est-il destiné à sauter lors d’une hypothétique future étape parlementaire pour donner des gages de souci d’équilibre. Pour autant…
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié.
M. Philippe Grosvalet. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour présenter l’amendement n° 31.
M. Pierre Barros. Les six premiers articles de la proposition de loi étaient déjà très fragiles d’un point de vue constitutionnel. L’article 7 enfonce le clou, avec un principe de réquisition et de service minimum.
Toutes celles et tous ceux qui ont eu à mettre en place un service minimum dans les collectivités – j’imagine que nombre d’entre nous doivent être dans ce cas – ont pu mesurer la difficulté d’affecter des personnes sur des postes dont les titulaires sont grévistes et d’organiser les choses de manière rationnelle sans casser la grève, ce qui est au demeurant, si j’ai bien compris, l’objectif de la proposition de loi… Je serais d’ailleurs très intéressé de savoir comment nos collègues sont parvenus à résoudre cette quadrature du cercle !
Au regard de nos principes constitutionnels, avec cette idée de réquisitionner des grévistes, on atteint vraiment des sommets ! Cela confirme aussi notre appréciation sur ce texte. En réalité, votre objectif est tout simplement de remettre les grévistes au boulot !
Avec l’article 7, les intentions des auteurs du texte se dévoilent – malheureusement, serais-je tenté d’ajouter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Tabarot, rapporteur. L’idée centrale de l’article 7 est de parer aux situations les plus critiques et de recourir à la réquisition uniquement – j’y insiste – lorsque le niveau minimal de service correspondant à la seule couverture des besoins essentiels de la population n’a pas été atteint durant trois jours consécutifs. Cette condition me semble encadrer suffisamment le dispositif.
Je rappelle que le niveau minimal de service est loin de correspondre à un service normal. C’est pourquoi ce mécanisme de réquisition est pensé comme le dernier levier à activer sous certaines conditions strictes. Il devrait être rarement utilisé compte tenu des autres dispositions prévues par la proposition de loi, que vous avez bien voulu soutenir, mes chers collègues, et qui répondent déjà à un certain nombre de difficultés.
En outre, monsieur Fernique, seuls les personnels indispensables, mentionnés par l’accord collectif de prévisibilité, seraient concernés pour assurer ce niveau minimal de service.
Je rappelle d’ailleurs qu’une telle possibilité existe d’ores et déjà dans le secteur de la navigation aérienne : certaines des missions des contrôleurs aériens, notamment le maintien des liaisons destinées à éviter l’isolement de la Corse et des collectivités ultramarines, devraient être assurées même en cas de grève.
Un service minimum avec pouvoir de réquisition existe également pour des services ou personnels de sociétés nationales, de programmes ou de filiales répondant à des missions de service public chargés de la création, de la transmission et de l’émission des signaux de radio et de télévision.
Dans ce contexte, il ne me semble pas aberrant de prévoir une disposition analogue pour les services de transports publics, comme l’a proposé en commission Daniel Gueret.
Certes, un tel dispositif met les autorités organisatrices de la mobilité au cœur du système. Cette responsabilité est susceptible de conduire à des adaptations locales qui me semblent tout à fait opportunes. Les besoins à Paris et à Mulhouse, par exemple, ne sont pas les mêmes. Il est donc pertinent de laisser les AOM apprécier la situation et les réponses à apporter.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Sagesse.
Il a beaucoup été fait référence aux jeux Olympiques et Paralympiques. Je tiens à rappeler que le Gouvernement souhaite faire confiance aux directions et aux syndicats pour défendre l’image de la France lors de cet événement sportif. J’irai plus loin : nous aimerions que ce soit l’occasion de valoriser le savoir-faire des agents du secteur des transports, des cheminots, afin de pouvoir mettre en valeur ce travail, qui fait aussi gagner la France !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8, 17, 19 rectifié et 31.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Philippe Grosvalet, pour explication de vote.
M. Philippe Grosvalet. J’évoque régulièrement ici le dynamisme économique et industriel de ma ville, Saint-Nazaire, dans laquelle les Chantiers de l’Atlantique et Airbus, pour ne citer qu’eux, occupent une place essentielle et participent au rayonnement de la France et à sa balance commerciale.
Si nous pouvons aujourd’hui nous enorgueillir d’avoir le dernier grand chantier naval civil en France, qui invente le transport maritime de demain en construisant les premiers grands navires à voiles, qui inscrit notre pays dans la transition énergétique en fabriquant les plus importantes sous-stations électriques pour les parcs éoliens offshore et qui produira prochainement le futur porte-avions pour garantir notre défense et nos intérêts dans le monde, nous le devons évidemment à notre génie, à notre capacité à innover, mais aussi à notre histoire sociale, ainsi qu’aux innovations sociales et sociétales nées des conflits sociaux.
En 1967, le petit garçon de 9 ans que j’étais a vu son père tenir avec l’ensemble des ouvriers de toutes les entreprises de la ville une grève de soixante-deux jours consécutifs. Faut-il préciser qu’à cette époque le salaire d’un ouvrier était quasi exclusivement destiné à nourrir sa famille ? Imaginez l’effort consenti par ces femmes et ces hommes, au détriment parfois de leur propre famille. En réalité, ils l’ont fait pour l’intérêt général et l’avenir de leur propre entreprise. Aujourd’hui, ces entreprises sont florissantes.
C’est pourquoi il faut faire confiance aux acteurs sociaux et donner la priorité au dialogue social sur la loi, qui encadre déjà largement ce droit constitutionnel.
La grève – nous l’avons dit – ne représente que l’ultime recours pour les salariés lorsque le dialogue social est rompu. Ne mettons pas de l’huile sur le feu ! Ne votons pas ce texte contraire à notre histoire et à nos intérêts ! Il aurait pour seules conséquences de provoquer les organisations syndicales et de plonger notre pays dans le désordre et le chaos desquels les auteurs de ce texte prétendent nous protéger ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST, SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Nous pourrions terminer l’examen de ce texte sur cette envolée, qui est tout à fait juste.
J’aimerais tout de même revenir sur la logique de la présente proposition de loi et sur son aboutissement, la réquisition.
Ce texte tend à empêcher les organisations syndicales et les salariés d’user de ce que tout le monde reconnaît comme le dernier recours en cas d’échec du dialogue social. Son article final revient à donner un dernier recours à la direction quand tout ce qui a été fait pour empêcher la grève n’a pas marché, car le mouvement est solide. Avec l’article 7, qui prévoit la réquisition dans les services publics, vous vous laissez entraîner par votre logique antigrève, empêchant donc le rapport de force de s’installer en cas d’échec du dialogue social, qui signe – je le rappelle – l’échec des deux parties.
Vous voulez préserver les jeux Olympiques ? Il existe une alarme sociale ! Pour ma part, j’attends l’article 8, celui qui exigera que la direction entre enfin de manière responsable dans la négociation, afin que les Jeux se passent correctement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.
M. Pierre Jean Rochette. Lorsque nos collègues de la gauche de l’hémicycle affirment que nul ne fait grève par plaisir, je peux les rejoindre. De même, le déficit d’investissement sur le réseau qu’ils dénoncent est évident.
Ne mélangeons pas tout pour autant. Aujourd’hui, nous parlons du droit de grève et de la liberté de circuler. Il est certain que les carences en termes d’infrastructures contribuent à perturber le fonctionnement normal des transports. Reste que ce n’est pas le sujet du jour.
L’immense majorité des Français estiment qu’il y a des abus du droit de grève, avec des répercussions directes sur leur quotidien. C’est la réalité de la vie de nos concitoyens. Vous ne trouverez pas un seul Français qui ne considère pas que certains syndicats font une utilisation détournée du droit de grève.
Le texte dont nous débattons n’est pas un texte contre la grève.
M. Pascal Savoldelli. Un petit peu tout de même !
M. Pierre Jean Rochette. Il s’agit simplement d’adapter le droit de grève pour garantir le respect des autres droits constitutionnels : la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre, la liberté de commercer, etc. Rien de plus.
C’est pourquoi le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour explication de vote.
M. Pierre Barros. Aussi riches et intéressants qu’aient été les débats de cet après-midi, nous n’avons pas changé de position. Nous voterons contre cette proposition de loi, et ce pour trois raisons.
Premièrement, il y a un problème de compatibilité du texte avec le droit constitutionnel. Je ne reviens pas sur le rapport Mandelkern de 2004 et sur les arguments qui ont été avancés lors de la discussion générale ou des débats sur les motions.
Deuxièmement, il y a un problème de cible. Les grèves sont les dernières causes des dysfonctionnements dans les transports ; même le ministre délégué chargé des transports en convient. Nous le constatons tous, depuis de nombreuses décennies, il y a un déficit chronique en matériel, sur le ferroviaire et en moyens techniques et structurants pour le pays. Beaucoup datent du milieu du XIXe siècle et ont peu évolué depuis. Il faudrait engager des centaines de millions d’euros, voire des milliards d’euros, pour remédier à ce sous-effectif.
De même, les politiques de privatisation ou d’ouverture à la concurrence ont également dégradé le service. Ne nous racontons pas d’histoires : ceux qui prennent le train depuis trente ans ou quarante ans ont bien vu cette dégradation. En Île-de-France, nous sommes passés de 8 millions d’habitants à 12 millions ; de fait, il est vrai que les transports publics fonctionnaient mieux voilà trente ans.
Troisièmement, ce qu’il aurait fallu traiter, c’est la manière dont on travaille ensemble en entreprise. Il est nécessaire d’avoir un dialogue social paritaire et équilibré entre les organisations syndicales et les dirigeants. À défaut, le système craque. L’absence de dialogue ne va dans le sens ni du progrès social ni du progrès de l’entreprise, qu’il s’agisse de ses résultats ou du service que celle-ci doit fournir.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote.
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier l’ensemble des sénatrices et des sénateurs qui sont intervenus dans ce débat. J’ai trouvé nos échanges très riches et intéressants.
Il a beaucoup été question du droit de grève, mais on n’a pas du tout parlé des autres droits, comme celui de circuler ou celui d’entreprendre, qui sont pourtant d’un niveau égal. Tout se passe comme s’il n’y avait que ceux qui font grève, les autres n’existent pas…
Je souhaite soumettre quelques éléments à votre réflexion.
Si j’ai pris l’initiative, avec d’autres collègues, de déposer cette proposition de loi, c’est parce qu’il y a des abus. Certains se sont immédiatement emballés, invoquant les mânes de Léon Blum ou les congés payés. Les congés payés, encore faut-il pouvoir en profiter !
Nous le savons, ce qui énerve nos concitoyens, ce sont des événements comme ceux de décembre 2022 ou du mois de février dernier. Qui a lancé ces grèves ? Non pas les syndicats habituels, comme la CGT ou la CFDT, mais des coordinations, des comités politisés ! Il est vrai qu’ils ont ensuite été rejoints par les syndicats, mais c’est parce que ces derniers étaient eux-mêmes débordés. Ce sont ces excès-là qui agacent nos concitoyens.
Vous le savez comme moi, jadis, lorsque les syndicats habituels organisaient des grèves à la suite de l’échec du dialogue social, c’était pour faire profiter l’ensemble des salariés d’améliorations des conditions de travail, d’augmentations des salaires ou d’avancées sur les primes. Ce n’était pas une catégorie qui imposait ses vues aux autres. Il y avait un dialogue collectif global. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Ce sont ces excès que nous avons voulu dénoncer.
Monsieur le ministre, après d’autres, vous nous mettez en garde : attention, ils risquent de se mettre en colère ! Franchement, si le Parlement ne peut plus parler de la vie des Français et de l’organisation des pouvoirs publics, où va-t-on ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Vous avez indiqué que le Gouvernement n’était pas favorable à notre proposition de loi. Soit. Vous prônez un « dialogue social dynamique », mais je me permets de vous rappeler que le patron, c’est vous, ce n’est pas M. Farandou ! L’actionnaire, c’est l’État ; c’est lui qui paie et qui donne les instructions.
M. le président. Il faut conclure !
M. Hervé Marseille. Rendez-vous dans les semaines et les mois à venir, monsieur le ministre.
J’espère que nous ne serons pas confrontés à un dialogue social altéré et que nous n’aurons pas besoin d’y revenir ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Je suis ravi d’intervenir après M. Marseille, qui vient de nous avouer que son exaspération était liée à ces collectifs nouveaux. La voilà, la véritable raison d’être de cette proposition de loi épidermique et caricaturale.
En réalité, les prétendues solutions que vous mettez en avant ne résoudront rien du tout. La clé, c’est le dialogue social !
Non, il n’y a pas eu, d’un côté, les trois groupes de gauche qui auraient fait de l’opposition systématique et, de l’autre, les raisonnables qui auraient soutenu ce texte ! J’ai entendu des expressions très diverses, ce que j’ai apprécié. Je salue notamment la position courageuse de M. le ministre. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Je regrette en revanche l’usage de formules très malheureuses, comme « preneurs d’otages », ou la stigmatisation cheminote, qui m’a rappelé le débat de 2018, lorsque la majorité parlementaire a eu le scalp du statut de cheminot.
Cette proposition de loi pourrait avoir l’effet inverse à l’objectif : en agitant un chiffon rouge, vous risquez d’attiser des tensions. Soyons lucides toutefois, elle n’ira pas jusqu’à l’Assemblée nationale.
Mme Sophie Primas. Pour ce qu’elle fait, l’Assemblée nationale…
M. Olivier Jacquin. En plus, elle est inconstitutionnelle. Ne faisons pas semblant de ne pas le savoir.
L’urgence ferroviaire n’est pas d’attenter au droit de grève. C’est d’investir dans le matériel, dans le réseau, dans le fret ou encore dans cet introuvable plan à 100 milliards d’euros.
Pour toutes ces raisons, nous voterons résolument contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires voteront évidemment contre ce texte. Nous nous en sommes déjà expliqués.
Qu’avons-nous fait durant ces quatre heures de débat ? Nous aurions pu aborder les problèmes du ferroviaire, des mobilités, des déplacements de nos concitoyennes et de nos concitoyens sur les territoires, notamment les territoires ruraux. Nous aurions pu essayer d’y trouver des solutions. Nous aurions également pu réfléchir au financement des infrastructures, afin que nos concitoyennes et nos concitoyens ne soient plus assignés à résidence et empêchés de se déplacer.
Non, nous avons passé quatre heures à stigmatiser les grévistes, à créer de la tension sociale et à activer de futurs conflits. Je pense que tout cela n’est pas raisonnable.
De surcroît, on nous demande de voter sur un texte sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État qui s’assoit très clairement sur la Constitution et sur notre histoire. Tout cela n’est pas sérieux.
Pour ma part, j’aurais aimé que nous parlions des infrastructures. Regardons les chiffres. Au Luxembourg, les dépenses sur le ferroviaire, c’est 607 euros par habitant ; en Allemagne, c’est 124 euros ; en France, c’est 45 euros.
Dans les territoires ruraux, les citoyennes et les citoyens aimeraient avoir des TER à l’heure, des conducteurs et des contrôleurs. Dans mon territoire, récemment, le train n’est pas parti faute d’essuie-glaces ; une autre fois, c’était faute de contrôleurs.
Le problème du ferroviaire, ce sont les moyens. Franchement, ce n’est pas en nous attaquant au droit de grève que nous allons le résoudre. Aujourd’hui, je le crois, nous avons perdu beaucoup de temps ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.
Mme Frédérique Puissat. Je remercie le président Marseille d’avoir déposé cette proposition de loi et notre rapporteur, Philippe Tabarot, qui a réalisé un très bon travail et dont l’expertise en matière de transport a pu être mise à profit pour enrichir ce texte.
Cette proposition de loi respecte tous les équilibres de droit de notre pays : certes, faire la grève est un droit, mais circuler, entreprendre ou profiter de ses congés le sont aussi.
La majorité sénatoriale est parvenue à rédiger un très beau texte. Le groupe Les Républicains, fortement représenté ici, votera cette proposition de loi, enrichie par notre rapporteur Philippe Tabarot. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jean-Pierre Grand applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, l’autre, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 172 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Pour l’adoption | 211 |
Contre | 112 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Pierre Grand applaudit également.)
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Tabarot, rapporteur. Je voudrais tout d’abord remercier le président Marseille d’avoir eu le courage de déposer cette proposition de loi.
Je remercie également le président Retailleau, qui a été d’un soutien sans faille sur ce sujet – comme sur tant d’autres.
Je remercie bien évidemment le président Longeot et les équipes de notre commission, qui m’ont accompagné tout au long des nombreuses auditions que nous avons menées.
Monsieur le ministre, je vous remercie également de votre écoute attentive sur ces sujets, comme sur ceux que nous avons évoqués ce soir et que nous aborderons dans les semaines et les mois à venir.
Je remercie enfin non seulement tous ceux de nos collègues qui ont soutenu ce texte, mais aussi tous ceux qui ne l’ont pas soutenu et avec lesquels nous avons eu aujourd’hui un dialogue apaisé et constructif. À cet égard, cher Hervé Gillé, je prends ma part de responsabilité si vous avez été navré du ton sur lequel ont pu se tenir les débats en commission : je ne souhaitais blesser personne, mais quand je crois en quelque chose, j’essaie de défendre mes idées avec la plus grande conviction possible. Vous le faites également, à votre manière.
Le plus important est que nous ayons pu échanger de manière républicaine et positive aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je tiens à remercier vivement notre collègue – qui est aussi mon président – Hervé Marseille d’avoir déposé cette proposition de loi relative à la poursuite du service public.
J’adresse également un grand merci au rapporteur Philippe Tabarot pour le travail réalisé, pour les nombreuses auditions menées et pour la justesse de ses propositions, qui allient à la fois le respect du droit de grève et celui de la continuité du service public.
Comme je l’ai dit en commission, je suis issu de la fonction publique territoriale. J’ai toujours défendu l’idée que le service public devait être au service du public. Lorsque tel n’est pas le cas, les agents publics sont caricaturés, moqués et montrés du doigt. Veut-on continuer d’entendre qu’ils coûtent cher et qu’ils ne remplissent pas leurs missions, en un mot qu’ils ne servent à rien ?
En ce qui me concerne, je ne veux plus l’entendre, car la notion de service public est essentielle à mes yeux.
Dans certains territoires – vous l’avez dit et répété –, les réseaux sont dans un très mauvais état ; il faut y remédier. La SNCF peut-elle se priver de recettes au risque de voir les usagers choisir un autre mode de transport ?
Nous défendons l’utilisation des transports en commun, qui protègent notre environnement et qui nous protègent. Si nous ne réglons pas le problème de la continuité du service, nous ferons l’inverse de ce que nous souhaitons.
Je vous remercie toutes et tous pour ces débats courtois et enrichissants, même si nous n’avons pas été d’accord sur un certain nombre de sujets. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
5
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Lors des scrutins n° 162, 163 et 164 sur le projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, Mme Annick Girardin souhaitait s’abstenir.
M. le président. Acte est donné de votre mise au point. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Fermeture des classes et mise en place de la carte scolaire dans les départements
Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, à la demande du groupe Les Républicains, sur la fermeture des classes et la mise en place de la carte scolaire dans les départements.
La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Max Brisson aurait souhaité débattre de ce thème, qui lui tient à cœur, mais il a dû s’absenter. Je lirai donc l’intervention qu’il avait préparée.
Notre collègue tient tout d’abord à remercier le groupe Les Républicains de l’initiative de ce débat – ô combien bienvenu ! – sur la fermeture des classes et la mise en place de la carte scolaire du premier degré dans les départements.
Il souhaitait revenir sur sa question d’actualité, posée voilà un an. Elle narrait l’histoire d’un inspecteur de l’éducation nationale, qui se rend chaque année dans un village de France pour calculer le nombre d’élèves attendus à la prochaine rentrée dans sa petite école communale.
Le maire de ce village attend depuis plusieurs années l’aide indispensable de l’État pour la rénovation de l’école, par la fenêtre de laquelle on aperçoit quelques maisons en construction. Un projet d’ampleur voulu par la municipalité doit en effet accueillir dans deux ou trois ans des familles avec enfants, ce qui contribuera à la vitalité de la commune ainsi qu’à l’attractivité du canton tout entier.
Mais ce qui se passe dans deux ou trois ans n’intéresse pas M. l’inspecteur représentant M. l’inspecteur d’académie. Ce dernier est en effet tenu de respecter un rituel très strict et très codifié : celui de l’immuable carte scolaire. Ce rituel qui conduit chaque année les inspecteurs d’académie de France et de Navarre à sortir leur règle à calcul pour compter les élèves et décider du sort des postes et des classes.
En voici le déroulé pour les écoles maternelles et élémentaires de notre pays : en octobre, transmission par les services des prévisions d’effectifs d’élèves de l’année suivante au rectorat et au ministère ; en décembre, notification du ministère à l’académie du nombre de postes d’enseignants et répartition par le rectorat desdits postes entre les départements ; en décembre encore, projets de retraits et d’affectations des postes préparés par le directeur académique ; en janvier, information descendante vers les maires concernés, pour la forme uniquement et sans autre faculté pour eux que celle d’une vaine contestation ; en février, avis consultatif du conseil départemental de l’éducation nationale, la décision définitive étant prise par l’inspecteur et matérialisée par un arrêté ; en mai, retour par les directeurs d’école de l’état des élèves inscrits ; en juin, ajustement des retraits et affectations après un nouveau comité technique paritaire départemental ; en septembre, ultimes ajustements au regard des effectifs constatés le jour de la rentrée et derniers comités techniques et commissions administratives paritaires pour décider de l’affectation des personnels.
Quelques jours après la rentrée, au terme de onze mois de procédure, c’est la fin de l’opération de l’année N et le début de l’opération N+1. L’usine à gaz peut redémarrer.
Pour notre petite école, la procédure sonne comme un couperet. À la prochaine rentrée, elle perdra trois élèves. Le calcul a été simple pour M. l’inspecteur d’académie : trois élèves en moins, un poste d’enseignant en moins, c’est donc une classe qui ferme.
Qu’importe la volonté du maire ou les projets de la commune : la décision est prise, l’administration s’est prononcée et sa sentence est irrévocable.
Telle est l’issue de ce rituel immuable, qui sent bon la IVe République.
Rituel qui, eu égard à la multitude d’acteurs mobilisés et aux moyens déployés, s’assimile de plus en plus à un paroxysme de lourde bureaucratie : chaque strate administrative est appelée à se prononcer tour à tour pour ne retenir, au bout du compte, que la décision du directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen).
Rituel dont la complexité et la récurrence pourraient nous faire sourire s’il ne décidait pas, année après année, de l’avenir de nos écoles et de nos communes.
Rituel très interne à l’éducation nationale, où la consultation des élus locaux concernés – lorsqu’elle existe – n’est nullement formalisée, mais se trouve réduite à une simple information, qui s’accompagne parfois de l’écoute de la colère qui monte et des soutiens mobilisés.
Rituel terriblement annuel et donc terriblement obsolète, alors que l’État ne cesse d’enjoindre aux maires et aux élus locaux d’inscrire leurs politiques d’urbanisme dans les Sraddet (schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires), les Scot (schémas de cohérence territoriale), les PLUi (plans locaux d’urbanisme intercommunal) ou les PLU (plans locaux d’urbanisme), leur imposant d’anticiper, de planifier, bref de voir plus loin.
Madame la ministre, Max Brisson vous le demande : jusqu’à quand l’éducation nationale restera-t-elle le seul ministère allant à rebours de toute démarche de planification de ses effectifs du premier degré ? Jusqu’à quand restera-t-elle le seul ministère à adapter chaque année ses postes au comptage à l’unité près de ses usagers ?
Ne serait-il pas temps de prendre en considération les demandes des acteurs de terrain, qui réclament plus de visibilité et de souplesse dans la mise en œuvre de la carte scolaire ?
Voilà pourquoi Max Brisson appelle de ses vœux la refonte en profondeur et la pluriannualité de cette carte. Voilà pourquoi il appelle de ses vœux une contractualisation sur trois ans au moins, construite dans le cadre d’un dialogue formalisé entre l’éducation nationale, les communes, les syndicats et les intercommunalités en charge de la compétence scolaire.
Contractualisation ne signifie pas moratoire, madame la ministre. Les maires sont des élus responsables. Ils connaissent les évolutions démographiques attendues, mais ils savent aussi qu’elles doivent être gérées avec discernement selon les territoires, en tenant compte de leurs spécificités : éducation prioritaire, grande ruralité, montagne.
Votre prédécesseur, Gabriel Attal, s’était d’ailleurs engagé, le 21 décembre dernier, à maintenir 2 500 postes d’enseignants, qui devaient être supprimés au vu de la baisse annoncée des effectifs.
Madame la ministre, vous qui vous inscrivez dans sa continuité, prenez-vous également cet engagement devant la Haute Assemblée ?
Enfin, Max Brisson appelle de ses vœux une démarche emboîtée entre évolutions à moyen terme de l’offre scolaire et politiques de rénovation du bâti scolaire menées par les collectivités locales, à l’heure de la transition écologique et de la performance énergétique.
Il souhaite vous faire remarquer, madame la ministre, que la priorité donnée au bâti scolaire dans la gestion des fonds déconcentrés de l’État – dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), fonds vert –, répétée à l’envi au 110, rue de Grenelle, ne se retrouve pas toujours dans les consignes explicites données aux préfets chargés de ces fonds.
Madame la ministre, avec la question de la carte scolaire, voilà bien un chantier à ouvrir pour doter au plus vite l’éducation nationale de la vision à long terme qui lui fait si cruellement défaut. Nous sommes convaincus que ce débat sera l’opportunité d’en poser les premières pierres, en confrontant les réalités, les idées et les sensibilités de chacun, au cœur d’un dialogue constructif, comme en est coutumier le Sénat.
Réfléchir à la carte scolaire, c’est s’inscrire demain dans un nouveau partenariat entre éducation nationale et collectivités locales ; c’est surtout rappeler combien l’école est un enjeu partagé au cœur de la promesse républicaine, laquelle ne peut ni ne veut oublier aucun territoire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il est souvent fait état de la France des 36 000 communes ; si vous me le permettez, je souhaiterais que nous parlions aujourd’hui de la France des 48 000 écoles.
Notre pays peut en effet s’enorgueillir de son maillage scolaire unique, qui comptait en 2023 pas moins de 58 900 écoles et établissements du second degré, accueillant 12,7 millions d’élèves et d’apprentis. C’est là notre fierté.
Ce réseau très dense de proximité est important pour le bien-être des élèves et des personnels de l’éducation nationale en ce qu’il leur permet de vivre près de leur école, de limiter les temps de transport et de disposer d’établissements à taille humaine.
C’est aussi un élément important de la vie quotidienne de chacun de nos territoires. Nous sommes donc attachés à le préserver autant que faire se peut.
Toutefois, vous le savez, la France doit faire face depuis plusieurs années à un phénomène inédit et structurel de ralentissement de sa démographie.
Depuis 2017, nous avons ainsi perdu près de 400 000 élèves à l’échelle nationale. Cela suppose d’adapter notre réseau, partout dans le pays.
Avec ses 48 220 écoles primaires, la France dispose d’un nombre très élevé de structures, alors que l’Allemagne, plus peuplée, en compte moins et que l’Espagne en totalise seulement 12 300.
Si ce recul démographique touche l’ensemble de notre pays, il affecte différemment les territoires : alors que la déprise est marquée dans certains d’entre eux, d’autres continuent à gagner en population, parfois très fortement.
Ces tendances aux causes diverses se vérifient à l’échelle nationale, mais aussi parfois au sein d’une même région, voire d’un même département. L’éducation nationale doit donc suivre ces tendances pour assurer à chaque élève la présence d’un enseignant face à lui, et ce dans les meilleures conditions d’apprentissage possible.
Enfin, il est important de garder à l’esprit l’effort que nous réalisons pour assurer le bon déploiement de nos politiques prioritaires.
Je pense en particulier au dédoublement des classes de grande section, de CP et de CE1 en éducation prioritaire et à leur plafonnement à vingt-quatre élèves sur le reste du territoire.
Je pense également à l’ouverture chaque année dans nos écoles de nouvelles unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis).
Ces mesures, dont l’efficacité est réelle, nécessitent la mobilisation d’une part importante de nos ressources. Il faut donc adapter notre schéma d’emploi en conséquence.
Dans ce contexte et compte tenu de ces impératifs, l’éducation nationale reste pleinement mobilisée pour maintenir sa présence dans les territoires autant que faire se peut.
Précisons-le d’emblée : les ajustements que nous effectuons chaque année pour répondre à la diminution du nombre d’élèves ne suivent pas du tout ceux de la démographie. C’est là un principe fort auquel nous sommes attachés. Au contraire, nous tâchons du mieux possible de tirer parti de cette situation pour améliorer l’encadrement des élèves et favoriser de meilleures conditions d’enseignement.
Ainsi, malgré la baisse que j’évoquais de 400 000 élèves depuis 2017, pas moins de 12 000 postes d’enseignants ont été créés sur la même période. Cet effort très important nous a permis d’améliorer sensiblement l’encadrement des élèves : nous sommes passés de 5,46 professeurs pour 100 élèves en 2017 à 6,03 à la rentrée de 2023.
Cette amélioration assez considérable du taux d’encadrement est le signe de l’importance que nous accordons à l’école, à sa présence partout dans notre pays et aux conditions de la transmission des savoirs.
Le Gouvernement est donc attaché à maintenir un maillage scolaire aussi dense qu’efficace, tout en procédant aux adaptations rendues nécessaires par le contexte démographique et les réformes mises en œuvre.
Toutefois, j’y insiste : notre objectif consiste toujours à améliorer l’encadrement des élèves pour assurer les meilleures conditions d’apprentissage possible et la plus grande réussite scolaire.
Au-delà de la simple gestion des ressources humaines, je sais combien cette question extrêmement sensible pèse sur les territoires et sur le ressenti des habitants, dont vous êtes les porte-parole, mesdames, messieurs les sénateurs.
J’ai perçu, en tant qu’ancienne rectrice, notamment à Limoges, toute la sensibilité des enjeux liés aux modifications de la carte scolaire, en particulier dans les territoires ruraux. Votre propos, monsieur le sénateur Grosperrin, en portait le témoignage.
Je souhaite rappeler que la carte scolaire constitue avant tout un outil, dont l’élaboration, fruit d’un travail continu, doit être menée en lien étroit avec les forces vives des territoires, notamment les élus, pour que chaque élève dispose de conditions d’enseignement favorables.
À ce titre, je dois remercier les services de l’éducation nationale, en particulier les Dasen, pour leur engagement dans la conduite de ces politiques difficiles, qui nécessitent une connaissance fine des territoires, une fermeté bienveillante ainsi qu’une disponibilité de tous les instants, notamment vis-à-vis des élus, dont ils sont les premiers interlocuteurs.
Je sais aussi que, malgré le travail effectué en amont, les annonces de fermeture sont souvent vécues avec beaucoup de difficulté. C’est pourquoi le Gouvernement a proposé de faire évoluer la méthode appliquée jusqu’ici ; je souhaite poursuivre cet effort.
Annoncé le 15 juin 2023 par la Première ministre Élisabeth Borne, le plan France Ruralités proposait une série de mesures, parmi lesquelles la création d’une instance de dialogue et de concertation entre l’État et les élus, à laquelle je suis très attachée et dont l’objectif est triple.
Il s’agit tout d’abord de partager le constat de l’existant et de mesurer tous les paramètres à prendre en compte. Les constructions nouvelles que vous évoquiez, monsieur le sénateur Grosperrin, en font partie.
Il s’agit ensuite de favoriser la cohérence des politiques publiques en matière d’aménagement du territoire éducatif et, de ce fait, de faciliter les échanges entre l’éducation nationale, les services de l’État et l’ensemble des élus.
Il s’agit enfin d’établir avec les élus des différentes collectivités concernées une vision prospective de l’évolution de la carte scolaire sur trois ans, ce qui, vous l’avez rappelé, est très attendu.
La généralisation de cette instance, que l’on appelle souvent « observatoire des ruralités », ne permettra pas de fixer un moratoire sur les fermetures de classes. Elle doit néanmoins faciliter le partage et l’étude des données et offrir une vision prospective, dans un contexte local précis. Elle permettra ainsi d’anticiper des mesures de carte scolaire, qui sont soit envisageables, soit prévisibles, soit inévitables.
Elle encouragera aussi le développement d’initiatives nécessaires pour garantir les meilleures conditions d’apprentissage à nos élèves.
Cette visibilité est indispensable pour les élus, qui hésitent parfois à s’engager dans des travaux de rénovation du bâti scolaire, qui sont pourtant nécessaires tant d’un point de vue économique ou climatique que pour offrir un cadre épanouissant et qualitatif aux élèves comme aux personnels.
Je sais que les élus sont particulièrement attentifs à cette question. Le rapport récent sur le bâti scolaire diligenté par votre assemblée en porte le témoignage.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre. Cette instance doit aussi permettre l’expression d’une solidarité entre les territoires.
C’est évidemment dans ce cadre que pourront être développés des projets du type territoires éducatifs ruraux ou cités éducatives, lorsqu’il s’agira de villes.
Cet ensemble de travaux autour d’un même objectif partagé, la cohérence des politiques publiques de l’État et le dialogue avec les élus me semblent indispensables. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Débat interactif
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente. Il aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Colombe Brossel.
Mme Colombe Brossel. Madame la ministre, en 2023, à Paris, vos services ont fermé 178 classes dans les écoles primaires publiques.
Cette année encore, ils continuent d’appliquer cette stricte logique comptable. Ainsi, 137 fermetures de classes sont annoncées dans le premier degré et les collèges verront la fermeture de 58 divisions. En considérant l’ensemble du second degré, l’on arrive à 128 suppressions de postes.
Madame la ministre, vous justifiez ces décisions par la baisse démographique. Toutefois, pour l’enseignement privé parisien dans son ensemble – école, collège, lycée –, une cinquantaine de classes seulement seront déconventionnées.
L’enseignement public assume quasiment à lui seul la baisse démographique à Paris. Vous contribuez, par ce type de décision, à le fragiliser.
Je vous ai déjà interpellée sur l’occasion historique que cette baisse démographique aurait pu constituer pour abaisser le nombre d’élèves par classe et faciliter ainsi l’accompagnement pédagogique et la réussite de tous les élèves.
Je vous ai également interpellée sur l’inégalité de traitement que vous continuez à entretenir entre enseignement public et enseignement privé à Paris, mais aussi, de fait, sur la ségrégation que cela contribue à alimenter.
Ma question est simple : quand et comment les fermetures de classes dans l’enseignement privé seront-elles discutées dans un cadre aussi démocratique que le conseil départemental de l’éducation nationale (CDEN) du premier degré pour l’enseignement public ? Quand et comment comptez-vous assurer cette transparence, notamment vis-à-vis des élus, au service d’une gestion qui ne soit pas inégalitaire et inéquitable pour l’enseignement public ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, la difficulté que nous rencontrons à Paris est liée à la baisse très importante de la démographie scolaire : à la rentrée 2024, on comptait ainsi 2 031 élèves en moins. C’est pourquoi l’académie de Paris a proposé de fermer 173 classes.
Malgré cela, le taux d’encadrement restera le troisième le plus favorable de notre pays. Les effectifs par classe dans le primaire sont passés, entre 2013 et 2023, de vingt-cinq à vingt élèves. Par ailleurs, trente-neuf ouvertures de classe sont prévues : vingt et une sont liées à la politique de dédoublement en zone d’éducation prioritaire que j’ai évoquée à l’instant et seize en raison du plafonnement du nombre d’élèves par classe à vingt-quatre. Seront aussi créés à la rentrée prochaine à Paris dix postes de personnels remplaçants.
En dépit de la baisse du nombre d’élèves, l’effort est donc maintenu dans la capitale.
Sur la question du lien avec le privé, nous fonctionnons comme nous l’avons toujours fait : c’est un dossier que je devrai traiter avec le nouveau recteur de l’académie de Paris, qui vient d’être nommé.
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour la réplique.
Mme Colombe Brossel. Madame la ministre, vous n’avez pas complètement répondu à ma question : quand et comment comptez-vous mettre en place un cadre qui permette de réunir l’ensemble des parties prenantes autour de la table, notamment dans le premier degré ?
Il n’est pas normal que les fermetures et les ouvertures de classe ne soient pas évoquées officiellement en CDEN : ces données ne font pas partie de celles que l’on y examine. Par ailleurs, madame la ministre, vous le savez, car vous êtes alertée par des élus de tous bords à Paris, le seuil de vingt-quatre élèves par classe sera largement dépassé après les fermetures.
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. Il y a Paris, certes, mais il ne faut pas oublier les régions.
Laissez-moi vous conter une histoire : il était une fois Arcey, une commune du Doubs – mais l’histoire pourrait se passer dans un autre département. Un inspecteur d’académie a demandé, voilà quelques années, aux sept communes voisines de regrouper leurs écoles. En 2018, celles-ci ont ainsi donné naissance à une seule école, et non pas un regroupement pédagogique intercommunal (RPI), à Arcey.
Voilà que cette année on leur demande de fermer une classe. Les acteurs locaux ont pris un engagement, ont fait des efforts pour le réaliser, se sont concertés et ont travaillé ensemble. Ils ont même dépensé de l’argent public, à hauteur de 1 million d’euros. Ils ont notamment perçu des crédits au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux et reçu des financements du département. Et puis patatras, le conte de fées se termine mal, comme c’est souvent le cas dans beaucoup d’écoles, dans beaucoup de régions de France.
Dans la ruralité, madame la ministre, la cible doit être adaptée. Les élus locaux sont en première ligne. Ils sont capables de travailler ensemble, je viens de le montrer. Surtout, il faut raisonner à l’échelle des bassins de vie.
Le débat que nous avons aujourd’hui est essentiel. Vous avez fait, madame la ministre, des annonces qui nous intéressent sur la mise en place du cadre de concertation triennal. Vous avez évoqué également l’installation d’observatoires des dynamiques rurales, ce qui suscite une attente chez les élus, celle que l’État s’engage à respecter un moratoire de trois ans pour les fermetures de classes. Or aucun budget pluriannuel n’est prévu. Quel sera, dès lors, le rôle de cette instance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Je crois beaucoup à ces observatoires de la ruralité, là où cette problématique est particulièrement vive – mais ils pourraient être tout aussi utiles ailleurs.
Il est très important de partager avec les élus, qui connaissent leur territoire, un constat non seulement sur les données démographiques, dont on ne peut faire abstraction, mais aussi sur l’ensemble des politiques publiques conduites localement. C’est ainsi qu’il sera possible d’avoir une vision prospective.
Je suis lucide, je sais très bien que cela ne supprimera jamais le choc que constitue l’annonce d’une fermeture de classes. Mais peut-être cela conduira-t-il l’ensemble des partenaires – les élus, l’État – à mettre en œuvre des politiques construites de manière cohérente et concertée. Voilà ce à quoi je crois, raison pour laquelle nous allons proposer de mettre en œuvre cette nouvelle modalité de construction de la classe.
Je ne connais pas la situation de la commune du Doubs que vous avez évoquée, monsieur le sénateur. Je peux simplement rappeler que le Doubs connaît une baisse démographique importante. Le département comptera, à la rentrée 2024, 2 628 élèves de moins qu’en 2021, ce qui est important. Cette situation conduit à des fermetures de classes. Je conçois que cela soit difficile à accepter. Mais là encore, l’on constate que le taux d’encadrement évolue favorablement dans votre département.
J’espère que les nouvelles modalités d’élaboration de la carte scolaire, telles que je les ai présentées, et qui ont d’ailleurs déjà été mises en œuvre dans votre département, si mes informations sont exactes, permettront de développer une meilleure vision prospective.
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour la réplique.
M. Jacques Grosperrin. Madame la ministre, vous avez raison. Vous avez insisté sur le rôle des inspecteurs d’académie : ils remplissent leur rôle de manière très forte et sont très présents ; ils nous interpellent souvent.
La création d’observatoires constitue une idée intéressante, mais ma question portait sur le budget : aucun budget pluriannuel n’est prévu. Il existe une contradiction : certaines écoles perçoivent des crédits au titre de la DETR, avec l’accord des préfets, mais certaines d’entre elles voient leurs effectifs baisser. Les maires sont en plein désarroi. Je voulais vous alerter sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. En milieu rural, les familles sont les premières victimes des fermetures de classes, ce qui les oblige parfois à réaliser de longs trajets.
Quand une classe ou une école ferme, les petites et les moyennes communes souffrent irrémédiablement d’une perte d’attractivité et de vitalité. Diminuer l’offre éducative, c’est condamner un territoire au déclin.
Les jeunes ruraux sont directement pénalisés par la mise en place de la carte scolaire, qui a des répercussions profondes et directes sur la vie du territoire et l’avenir des enfants.
Des inégalités territoriales flagrantes apparaissent, dont nous font part régulièrement les maires démunis, lesquels font déjà face à des difficultés de financement et à un manque de personnel.
Cela est d’autant plus vrai pour les jeunes. Les inscriptions à l’école sont du ressort du maire. Même si les enfants de moins de 3 ans ne sont pas comptabilisés dans les effectifs scolaires, certains inspecteurs d’académie donnent des consignes aux directeurs d’établissement pour qu’ils n’acceptent pas ces enfants.
Ainsi, quand le petit dernier n’est pas scolarisé, c’est toute une fratrie qui peut se trouver obligée de partir dans une autre école, parfois dans un établissement privé. La famille est même parfois contrainte de déménager vers une plus grande ville. C’est un cercle vicieux, qui transforme nos territoires ruraux en déserts éducatifs.
Nos enfants méritent mieux que cette logique comptable, fondée sur des statistiques démographiques et des chiffres déshumanisés. Ils méritent une éducation de qualité, accessible et équitable, où qu’ils vivent.
En milieu urbain ou rural, partout l’école républicaine doit répondre à ses promesses. Des efforts ont été faits pour les réseaux d’éducation prioritaire (REP). Pourquoi ne pas faire de même pour les zones rurales ? Une cour de récréation sans enfants, c’est la mort de la commune.
Madame la ministre, quelles sont vos ambitions à ce sujet ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. La scolarisation des enfants de 2 ans constitue un enjeu important, notamment en matière d’égalité des chances.
À la rentrée 2024, grâce à la scolarisation de ces enfants, soixante nouvelles classes de toute petite section ont pu être ouvertes, principalement dans les écoles des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Notre objectif est d’augmenter encore le nombre d’enfants de 2 ans qui soient scolarisés. Il s’agit d’un objectif complexe, notamment parce qu’il faut établir un rapport de confiance avec les familles.
Le nombre d’élèves de 2 ans scolarisés a légèrement augmenté entre 2020 et 2022 : ils étaient 72 700 en 2022, alors même que la démographie scolaire en maternelle est en baisse. Le taux de scolarisation de ces enfants est de près de 10 % – 9,9 % exactement. Il est plus élevé dans les zones d’éducation prioritaire, où il s’établit à 17 %, contre 8,2 % en dehors. Bien évidemment, il est un peu moins élevé dans la ruralité.
Toutefois, j’y insiste, nous voulons scolariser les enfants de moins de 2 ans aussi bien dans les quartiers de la politique de la ville que dans la ruralité. Je comprends mal que l’on puisse refuser la scolarisation d’un enfant de 2 ans. J’imagine, monsieur le sénateur, que vous avez une situation précise en tête…
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour la réplique.
M. Dany Wattebled. Madame la ministre, il faut faire passer ce message dans la commune d’Oisy, dans le Nord, puisqu’un inspecteur d’académie s’est permis de venir au conseil d’école, où il a donné consigne au directeur de ne pas accueillir les enfants de moins de 3 ans. Cinq maires m’ont saisi à ce sujet. J’ai été quelque peu choqué et ai écrit à la rectrice, Mme Cabuil, pour évoquer le problème.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Madame la ministre, les fermetures de classes dans nos territoires entraînent de profondes remises en cause et un bouleversement en profondeur de la vision et des orientations des élus sur le long terme : elles remettent en question leurs investissements financiers, qui concourent à la pérennisation et au développement de l’école, mais également leur engagement républicain pour préserver un service public essentiel de qualité.
L’élaboration de la carte scolaire ne peut plus être dictée par de simples considérations comptables et administratives.
Il est totalement paradoxal, contradictoire et épuisant pour les équipes locales de s’inscrire dans les dispositifs mis en place par l’exécutif pour redynamiser les territoires et de devoir faire face, en matière d’accueil scolaire, à ces couperets sans appel que sont les effectifs moyens par classe.
Quelle est la logique qui préside à la décision de fermer une classe à un instant t, alors que celle-ci pourrait très bien être rouverte un ou deux ans après ?
Il devient urgent et vital, madame la ministre, de développer une concertation plus humaine et pragmatique entre le déconcentré et le décentralisé, pour aboutir à une approche fine et différenciée des tenants et des aboutissants locaux.
À ce titre, plusieurs leviers méritent d’être mis en place pour élaborer des réponses mieux adaptées aux territoires.
Pouvez-vous nous garantir, madame la ministre, que l’engagement qui avait été pris par vos prédécesseurs, étudié au Sénat et soutenu par l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) de définir une carte scolaire stable pendant trois ans à partir de 2024 aboutira effectivement ? Et selon quelles modalités ?
Pouvez-vous vous engager à privilégier plus efficacement les partenariats entre le Dasen, les conseils départementaux, les présidents d’intercommunalité et les maires ? Dans les faits, les chiffres masquent des réalités bien différentes. Dans certains cas, le plafonnement systématique du nombre d’élèves s’avère être une absurdité.
Pouvez-vous enfin prendre l’engagement de vous affranchir de la stricte application d’une logique démographique pour justifier de nombreuses fermetures de classes et celui de privilégier l’amélioration des conditions d’exercice lors de la prochaine rentrée ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, la logique arithmétique n’est pas la seule que nous prenons en compte.
Lorsque nous répartissons les moyens et les emplois entre académies, nous prenons bien évidemment en considération la démographie, mais aussi d’autres paramètres liés à la situation socioprofessionnelle des personnes et des élèves que nous avons à prendre en charge, à l’éloignement et aux conditions socio-économiques. Ensuite, les équipes des académies doivent se pencher sur les éléments plus fins auxquels vous faites référence.
Je tiens à rappeler que si nous avons perdu 400 000 élèves depuis 2017, 12 000 postes d’enseignants ont été créés sur la même période. Il n’y a donc pas eu de diminution mécanique du nombre d’emplois.
Je partage votre volonté d’instaurer un dialogue mieux organisé, mais cela n’aboutira pas à un moratoire pour les trois ans qui viennent. Cela n’est pas possible : nous ne pourrions pas l’assumer.
En revanche, s’agissant des partenariats que vous appelez de vos vœux, je souhaite que l’on arrive à définir une méthodologie claire et contractualisée avec l’AMF – j’en ai déjà parlé avec ses représentants – pour parvenir sur le terrain à une meilleure cohérence des politiques publiques et à un dialogue soutenu avec les élus. Telle est mon ambition.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour la réplique.
M. Claude Kern. Madame la ministre, je compte sur vous pour faire passer le message, car, localement, il n’est pas toujours interprété de la même manière…
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Monique de Marco. Madame la ministre, le code de l’éducation dispose : « L’éducation est la première priorité nationale. Le service public de l’éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l’égalité des chances et à la lutte contre les inégalités sociales et territoriales. »
Aujourd’hui, pourtant, plus rien ne laisse penser que l’éducation est le levier qui permet d’endiguer ces inégalités.
L’équité territoriale repose en particulier sur la carte de l’éducation prioritaire. Or celle-ci présente un double écueil : d’une part, elle date de 2015 et ne correspond plus complètement aux bassins de pauvreté ; d’autre part, elle est fondée uniquement sur l’indice de positionnement social des zones de rattachement aux collèges.
Plusieurs communes paupérisées alertent aussi sur l’exclusion de certaines écoles, qui mériteraient d’être accompagnées.
En Gironde, par exemple, les écoles d’Ambès ne sont pas classées en REP, alors que les populations concernées sont en grande difficulté. Ces écoles sont sous-dotées en moyens : leurs classes sont surchargées et elles ne bénéficient d’aucun dédoublement.
Pourtant, il serait possible de prendre en compte un indice de positionnement social à l’échelle de l’école. Une telle expérience a été réalisée en Gironde.
Le personnel éducatif et les parents d’élèves alertent également sur les nombreuses suppressions de postes : dans mon académie, quarante postes sont supprimés pour le seul premier degré, dont dix-sept en Gironde.
Ces baisses de moyens se traduisent par des fermetures de classes dans des quartiers prioritaires ou dans des zones rurales fragiles. Dans ces conditions, l’éducation nationale n’est plus en mesure d’endiguer les inégalités sociales et territoriales.
L’école de la République est tenue à bout de bras par celles et ceux qui font la classe au quotidien.
Madame la ministre, c’est un cri d’alarme que je vous adresse. Comptez-vous enfin réviser la carte de l’éducation prioritaire pour prendre en compte la réalité sociale des territoires ? Pouvez-vous proposer un moratoire sur la fermeture des nouvelles écoles dans les quartiers prioritaires ou dans les zones rurales fragiles ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Tout le monde parle de réviser la carte de l’éducation prioritaire, mais peu s’y attellent…
Le Premier ministre m’a demandé, dans une lettre de mission, de retravailler cette carte. Je vais donc le faire, mais sans doute pas pour la rentrée prochaine. Ce travail, qui suppose un dialogue avec les élus et les personnels, doit en effet être mené très en amont.
Lorsque l’on envisage d’ouvrir des collèges ou des écoles, tout va bien ; s’il s’agit d’en fermer, cela devient plus compliqué ! On ne doit donc toucher à cette carte qu’avec des pincettes. Je vais m’y atteler, en prenant le temps de le faire bien et avec l’idée d’aller vers une plus grande mixité scolaire et sociale.
Vous avez évoqué les fermetures de classes en Gironde. Je vous épargnerai la litanie des chiffres : la baisse du nombre d’élèves devrait se traduire par trente-six fermetures.
Toutefois, un effort important sera réalisé en faveur de l’ouverture inclusive : six classes seront ouvertes dans ce secteur, dont trois unités localisées pour l’inclusion scolaire.
Une attention forte sera portée à la ruralité, puisque quinze mesures de sauvegarde sont prévues.
Nous verrons comment ce plan se traduira à la rentrée. Je crois qu’un dialogue a été mené avec les élus dans votre département. L’observatoire de la ruralité s’est réuni et le Dasen a partagé l’ensemble des informations dont il disposait.
M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)
M. Gérard Lahellec. Madame la ministre, dans les Côtes-d’Armor, le retrait de dix-neuf postes en 2023 s’est soldé par quarante-six fermetures de classes en primaire. Pour la rentrée 2024, quarante-cinq nouveaux retraits de postes sont prévus. Certes, des ajustements ont été apportés, mais ils restent assez marginaux.
Ces révisions successives de la carte scolaire ont pour effet de déstabiliser le financement d’un service éducatif de qualité. Elles aboutissent à une remise en cause des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI), qui présentaient l’avantage de conserver une offre éducative de qualité, adaptée aux besoins de la population, et elles ne tiennent pas compte des investissements communaux. Ainsi, il arrive que la suppression d’un poste oblige la collectivité à réaliser de nouvelles dépenses d’investissement, pour aboutir à un service dégradé, alors que les structures en place ne sont pas encore amorties financièrement.
Il n’est donc pas concevable que les élus locaux ne soient pas associés aux décisions.
Il convient de se poser la question de la qualité de l’offre éducative avant de réfléchir à une baisse de la dépense publique. Dans mon département, par exemple, un établissement rural sur cinq est concerné par des faits de violence de la part des élèves, dès le plus jeune âge. Drôle de réponse à cette situation que celle qui consiste à supprimer des emplois…
Enfin, à force de diminuer l’offre publique, c’est aussi la laïcité que l’on contrarie, puisque cette évolution tend à remettre en cause la loi de 2019 pour une école de la confiance, dite loi Blanquer, qui a pourtant consacré opportunément le principe de scolarisation des enfants à partir de 3 ans.
Je plaide donc pour que soient définies des modalités nouvelles par lesquelles un enseignement de qualité, laïque, pourrait être dispensé à toutes les familles.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Dans les Côtes-d’Armor, la baisse de la démographie que vous évoquez entraînera des fermetures de classes.
Je suis particulièrement attentive aux RPI. Nous avions d’ailleurs eu l’occasion d’en parler ensemble. Dans votre département, le rectorat a souhaité revenir sur la suppression de l’un d’entre eux, à Lohuec, et va même en ouvrir un nouveau, à Plusquellec. (M. Gérard Lahellec acquiesce.) C’est le signe de l’importance que nous attachons à cette modalité de regroupement des écoles, que nous cherchons à soutenir, lorsque cela est possible.
Nous souhaitons bien évidemment que les élèves bénéficient toujours du meilleur accompagnement possible, en nous adaptant au plus près aux réalités. Ainsi, le taux d’encadrement – je ne donnerai pas les chiffres, j’en ai déjà fourni beaucoup – ne baisse pas dans votre département ; il compte même parmi les plus élevés de l’académie. C’est la marque de l’attention que nous portons à la qualité de l’accueil des élèves.
Enfin, monsieur le sénateur, vous avez évoqué la laïcité. Celle-ci constitue à mes yeux un principe fondateur de l’école. Aucun enseignement efficace n’est possible sans elle, car elle constitue ce terrain neutre sur lequel nous pouvons avancer ensemble. Nous serons intransigeants en la matière.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Mireille Jouve. Madame la ministre, l’éducation n’est certes pas une compétence régalienne, mais chacun s’accorde à souligner le caractère fondamental que revêt la formation de nos enfants, futures forces vives de notre pays.
Voilà une mission difficile dans une société en perpétuelle évolution. C’est d’ailleurs pour relever ce défi complexe que le Président de la République et le Premier ministre n’ont de cesse de mobiliser les énergies au service de ce qui est aujourd’hui une véritable cause nationale.
Pourquoi sommes-nous confrontés, de manière récurrente, à tant de difficultés, quand il s’agit d’élaborer la carte scolaire ?
Pourquoi décider de fermetures de classes au seul trébuchet d’indicateurs démographiques, sans prendre attache avec ceux qui ont une connaissance fine, presque scientifique, du territoire et de sa population ? Oui, ceux-là mêmes sur lesquels le Gouvernement s’est appuyé lors de la pandémie de covid-19 : je veux parler des maires.
Proches des parents, qui sont leurs administrés, au contact des équipes pédagogiques, ils sont trop souvent mis devant le fait accompli.
Madame la ministre, si je me félicite des moyens substantiels que l’État a décidé de consacrer aux écoles de Marseille, qui en avaient le plus grand besoin, je souhaite vous alerter sur les méthodes qui président à la mise en œuvre de la carte scolaire dans les Bouches-du-Rhône en vous invitant à venir à Mouriès, commune située au cœur de la ruralité, qui est touchée par la fermeture d’une classe, alors même que des logements y sont en construction.
Vous pourrez ainsi constater concrètement les effets délétères de cette pratique qui consiste à fermer et à ouvrir des classes au gré des statistiques, loin de la vie quotidienne de ceux qui ont aujourd’hui le sentiment désagréable d’être tenus pour quantité négligeable, parce qu’ils vivent dans cette France des villages et des campagnes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Je connais bien Mouriès, madame la sénatrice, car je n’habite pas très loin…
Le département des Bouches-du-Rhône a perdu plus de 5 000 élèves entre 2018 et 2023. Cette baisse aurait dû entraîner, si nous avions, comme vous le dites, opéré des retraits mécaniques, selon une logique purement arithmétique, une perte de 234 emplois ; or, sur cette même période, l’État en a créé 360.
Nous avons dédoublé la totalité des classes de grande section, de CP et de CE1 en éducation prioritaire et nous plafonnons progressivement les effectifs des autres classes. Le taux d’encadrement s’est nettement amélioré. Nous avons également créé 95 emplois pour les élèves en situation de handicap.
Tout cela ne supprime pas les difficultés auxquelles sont confrontés les habitants de Mouriès, mais je tenais à rappeler ces éléments.
À la rentrée 2024, selon nos prévisions, nous devrions compter 1 800 élèves de moins – 1 799 exactement. Cette situation aurait dû entraîner 82 retraits de poste ; or la dotation du département a été sanctuarisée, ce qui signifie que le taux d’encadrement sera encore amélioré. La réalité est que nous essayons de mettre en place des moyens importants.
En ce qui concerne la situation précise de Mouriès, malgré le programme de construction de logements que vous évoquez, madame la sénatrice, la commune a perdu 47 élèves depuis 2018, soit l’équivalent de deux classes. En dépit de ces deux retraits d’emploi, le taux d’encadrement est resté stable dans l’école, ce qui montre que la qualité éducative et l’attractivité du village ont été maintenues.
J’espère toutefois, pour répondre à votre interrogation, que les nouvelles modalités d’élaboration de la carte scolaire permettront de mieux prendre en compte l’évolution des besoins de la commune.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Madame la ministre, assurer à tous les élèves un accès à une école publique de proximité, favoriser la diversité des publics au sein des établissements scolaires, répartir les élèves de manière équitable entre les écoles : autant d’objectifs fixés lors de la création de cet outil essentiel qu’est la carte scolaire.
Élu d’un territoire riche dans sa diversité et régulièrement interpellé par des maires ruraux soucieux d’offrir aux habitants de leurs communes un service public d’éducation de qualité, à l’instar de M. Solaro, maire de Gommecourt, petite commune yvelinoise de 639 habitants, qui désespère du risque de fermeture d’une des trois classes de l’école de sa commune, mon intervention – une fois cette carte postale et la demande subliminale subséquente envoyées… – (Sourires.) portera sur le plan pour les territoires ruraux présenté voilà tout juste un an.
Outil essentiel pour garantir l’égalité des chances entre tous les élèves, quel que soit leur lieu de résidence, ce plan ambitieux, articulé en trois axes, vise à améliorer durablement la qualité du service public de l’éducation en milieu rural. Il a mobilisé des moyens importants et a suscité un grand intérêt auprès des acteurs locaux.
Il permet notamment de renforcer l’attractivité des métiers de l’éducation en milieu rural, mais aussi d’améliorer l’offre éducative et pédagogique ou encore de dynamiser les territoires ruraux par l’école.
Un an après son lancement, je vous serais reconnaissant de partager avec nous les premiers résultats concrets auxquels ce plan a permis d’aboutir. Pouvez-vous nous préciser les avancées réalisées, notamment en matière de développement des territoires éducatifs ruraux (TER) qui sous-entend une extension du dispositif à tous les départements ruraux d’ici à 2026 ou encore le financement de projets éducatifs locaux coconstruits avec les acteurs du territoire ?
En outre, madame la ministre, je souhaite vous interroger sur les perspectives d’évolution du plan pour les années à venir. Quelles sont les priorités que vous entendez fixer pour poursuivre l’amélioration de l’éducation en milieu rural ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, comme je l’ai souligné dans mon propos introductif, je suis très attentive au plan France Ruralités présenté voilà neuf mois par Mme Élisabeth Borne. Il contient des solutions qui sont adaptées à ces territoires.
J’ai d’ailleurs eu l’occasion de dire que je crois beaucoup à la mise en place de la nouvelle instance de dialogue : elle peut apporter de la cohérence dans les politiques publiques et des échanges fructueux avec les élus. Elle a déjà été mise en place dans un certain nombre de départements ; dans d’autres, ce n’est pas tout à fait le cas. Dans les Yvelines, je crois qu’il faut y apporter une attention soutenue… Globalement, son déploiement est assez inégal sur le territoire et je serai particulièrement attentive à ce que tous les départements en bénéficient l’année prochaine – c’est une priorité.
Le dispositif des territoires éducatifs ruraux est un véritable succès : 190 ont déjà été installés sur l’ensemble du territoire et un peu plus de 200 – 112, je crois – sont en cours de déploiement.
Il s’agit d’une modalité de travail entre les écoles et le collège d’un territoire rural qui permet de déployer différents dispositifs afin de mieux prendre en charge, avec les collectivités, les enfants sur le temps scolaire et périscolaire pour des activités culturelles et sportives. Je crois que tout cela donne des résultats intéressants en matière éducative. Nous travaillons à ce que ce dispositif soit généralisé dans tous les départements ruraux.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Nicole Belloubet, ministre. Nous avons également des projets relatifs aux internats d’excellence, car certains jeunes issus de la ruralité sont freinés : ils n’ont pas l’audace d’aller plus loin chercher la formation qui leur conviendrait. Les internats d’excellence peuvent être une réponse à ce type de difficultés.
M. le président. La parole est à M. Adel Ziane. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Adel Ziane. Madame la ministre, je veux d’abord vous remercier d’avoir répondu positivement à l’invitation des sénateurs de Seine-Saint-Denis d’échanger sur les sujets qui concernent votre ministère ; nous avons pu le faire cet après-midi.
Nous nous retrouvons maintenant dans l’hémicycle pour évoquer la question des fermetures de classes.
Depuis le 26 février, professeurs, parents et élèves se mobilisent à l’appel de l’intersyndicale contre le manque de moyens et les inégalités croissantes qui affectent l’école publique dans notre département de la Seine-Saint-Denis.
Un constat alarmant que corrobore le rapport de novembre 2023 des députés Stéphane Peu et Christine Decodts, que je cite : en Seine-Saint-Denis, « l’école en crise peine à tenir la promesse républicaine ».
La fermeture de 227 classes contre l’ouverture de 198 classes dans le premier degré, un mouvement acté en début d’année, exacerbe les inquiétudes.
La décision du rectorat de Créteil d’allouer 40 postes à la Seine-Saint-Denis sur les 130 pour l’ensemble de l’académie, avec 15 postes pour les brigades de remplacement REP+, apparaît sous-dimensionnée et de nature à compromettre les efforts de rattrapage en matière d’éducation, qui sont pourtant indispensables dans notre département.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en Seine-Saint-Denis, 35 % des absences n’étaient pas remplacées en octobre 2023 dans le premier degré contre 22 % au niveau national. Derrière cette statistique, il y a une réalité : en Seine-Saint-Denis, un élève à l’approche du baccalauréat aura cumulé tout au long de sa scolarité un an de cours en moins en raison des déficits de remplacement de ses professeurs.
Cette situation met en lumière un problème profond : la France est l’un des pays dans lesquels l’origine sociale pèse le plus sur les destins scolaires. Cela a de lourdes conséquences dans notre département, où près de 60 % des élèves relèvent de l’éducation prioritaire contre 20 % au niveau national.
Or l’on sait que le développement d’une politique volontariste en matière de mixité scolaire, comme la sectorisation appliquée en Haute-Garonne, produit de très bons résultats.
Madame la ministre, aux côtés d’autres élus de Seine-Saint-Denis, j’ai appelé à un « choc d’égalité » face au manque de moyens alloués à l’école publique. Ainsi, je souhaite savoir si vous prévoyez de mettre en place un tel plan d’urgence pour remédier à cette situation.
Par ailleurs, votre prédécesseur avait déclaré que « la pédagogie pouvait renverser la sociologie ». Je voudrais connaître votre position sur le besoin de mixité sociale et scolaire et sur la nécessité d’un brassage social établi dans la durée. La carte scolaire est-elle pour vous un outil adéquat pour favoriser une telle mixité ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, nous venons en effet de nous rencontrer, voilà quelques heures seulement, autour de la question spécifique de la Seine-Saint-Denis.
Je répondrai d’emblée à votre dernière question : oui, la décorrélation entre les inégalités sociales et les inégalités scolaires est pour moi une priorité et je souhaite prolonger et développer les éléments positifs qui ont été mis en place en faveur de la mixité scolaire.
Différents paramètres peuvent être activés, qu’il s’agisse d’une offre de formation qualifiée, de la sectorisation – vous citiez la Haute-Garonne qui, je crois, a fait beaucoup de choses en ce sens –, etc. Nous devons utiliser plusieurs outils, comme sur une palette, pour favoriser la mixité scolaire. C’est pour moi quelque chose de vraiment essentiel.
Sur les autres points que vous évoquiez, je vous rappelle que, dans le premier degré, 1 500 postes ont été implantés en Seine-Saint-Denis depuis 2017 pour mettre en place les politiques publiques dont nous avons parlé, ce qui est tout à fait important.
Pour la rentrée prochaine, 1 240 élèves en moins sont prévus tandis que, dans le premier degré, quarante moyens d’enseignement nouveaux seront implantés – décharges de direction, scolarisation des élèves en situation de handicap, plafonnement à vingt-quatre, dédoublement des classes, accueil des nouveaux élèves allophones, etc. Vous le voyez, il y a un réel effort pour traiter la singularité de la Seine-Saint-Denis et, numériquement, les conditions d’enseignement peuvent apparaître comme extrêmement favorables.
Mon engagement est très fort en faveur de la mixité scolaire ; je le redis devant vous sans aucune hésitation.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Evren. Madame la ministre, à Paris aussi, la situation est gravissime, puisque les familles vont subir une vague de fermetures sans précédent.
En 2023 déjà, Paris était l’académie la plus touchée de France avec 178 classes fermées et plus de 330 postes supprimés. En 2024, nous continuons de battre des records : 134 classes et plus de 125 postes d’enseignants en moins dans le premier degré.
Le second degré n’est pas épargné avec 78 postes supprimés dans les collèges – plusieurs sont d’ailleurs menacés de fermeture définitive.
La baisse démographique de Paris ne justifie pas une telle saignée. Alors que les effectifs diminuent moins cette année qu’en 2023, conserver ce rythme insoutenable de suppressions est un choix absolument disproportionné.
Les parents et les personnels sont très inquiets. Ils vous demandent de rompre avec cette logique statistique, qui fait tant de mal sur le terrain.
Avec le maire du XVe arrondissement, je vous ai d’ailleurs écrit au sujet de l’école Falguière, qui risque de devoir créer trois classes de double niveau CE2-CM1, avec vingt-huit élèves par classe.
Madame la ministre, ces fermetures sont d’autant plus graves que, cette année, elles ont principalement lieu dans les XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements, là où se trouvent beaucoup d’élèves socialement et scolairement fragiles.
Madame la ministre, comptez-vous réviser le fonctionnement de la carte scolaire à Paris pour limiter l’ampleur de ces fermetures de classes dans les écoles et collèges ? (Mme Colombe Brossel applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, j’entends votre émotion liée aux fermetures de classes à Paris, mais je voudrais vous rappeler l’exigence d’équité territoriale : je sais distinguer la réalité humaine de celle des chiffres, mais le fait est que, dans le premier degré, Paris a le meilleur taux d’encadrement de France, et de très loin ! Il est meilleur qu’en Corse.
Or nous sommes évidemment tenus par la nécessité d’assurer une équité entre l’ensemble des élèves de notre pays, tout en prenant en compte la singularité de chacun des territoires. C’est d’ailleurs pour cela que je ne parle pas d’égalité, car s’appuyer sur cette notion pourrait avoir des conséquences douloureuses.
En ce qui concerne Paris, les élus ont été associés aux travaux qu’a conduits l’académie. J’ai reçu des parents d’élèves, notamment des XVIIIe et XIXe arrondissements, et je sais que certaines situations méritent d’être regardées : c’est ce que nous faisons dans le cadre des politiques d’éducation prioritaire et de l’attention qui doit être portée aux élèves en situation fragile.
Voilà ce que je voulais vous dire, madame la sénatrice. Nous essayons de maintenir entre les territoires une équité, ce qui me semble tout à fait indispensable.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, pour la réplique.
Mme Agnès Evren. Merci, madame la ministre, pour votre réponse. Nous savons bien que trop de déterminisme social pèse encore sur le système éducatif. L’objectif était de ne pas dépasser vingt-quatre élèves par classe ; or nous sommes à vingt-huit.
Si l’on se donne pour ambition de relever le niveau général de nos élèves, il faut de la vigilance et du discernement pour les arrondissements considérés comme plus fragiles.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. L’article 25 de la loi pour une école de la confiance impose de comptabiliser dans les effectifs des établissements scolaires les élèves en situation de handicap bénéficiant du dispositif Ulis. Cette disposition a été introduite par amendement au Sénat.
Depuis 2019, les élèves bénéficiant dudit dispositif doivent systématiquement être pris en compte dans les effectifs globaux des écoles. Pourtant, force est de constater que, depuis cinq ans, cette disposition légale est loin d’être appliquée dans tous les établissements.
C’est notamment le cas pour une école primaire des Sables-d’Olonne. Dans un courrier adressé aux parents d’élèves, il est indiqué que « le handicap des élèves orientés en Ulis ne permettant pas d’envisager une scolarisation individuelle continue dans une classe ordinaire, ils ne sont pas comptabilisés dans la masse globale de l’école, mais sur la base d’un groupe de douze ».
Cette affirmation est alarmante, parce que les élèves Ulis de cet établissement passent plus de 80 % de leur temps scolaire dans leur classe aux côtés de leurs camarades et que la loi n’est pas appliquée – il lui est substitué une circulaire obsolète datant de 2015 !
La perspective de voir des classes surchargées suscite chez les parents d’élèves et les enseignants des inquiétudes et une colère légitimes.
L’article L. 351-1 du code de l’éducation a plusieurs fois été clarifié par le ministère de l’éducation nationale. Le caractère obligatoire de la prise en compte des élèves Ulis dans les effectifs globaux a été confirmé. Cette application de la loi, à géométrie variable en fonction des départements et des régions, n’est donc pas acceptable.
Madame la ministre, que comptez-vous faire pour remédier à ce système de comptage illégal et faire enfin appliquer la loi que nous avons votée ici même en 2019 ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, vous soulevez une question récurrente. Vous avez rappelé la règle, vous l’avez adoptée ici même et elle est claire : les élèves Ulis doivent être comptabilisés dans les effectifs des classes, tant dans le premier que dans le second degré.
Vous avez eu raison de rappeler que la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance qu’avait défendue mon prédécesseur, Jean-Michel Blanquer, a modifié l’article L. 351-1 du code de l’éducation en y introduisant l’obligation de comptabiliser dans les effectifs de l’école ou de l’établissement scolaire les élèves en situation de handicap bénéficiant du dispositif Ulis.
La règle est tout à fait claire, mais je vous rejoins sur le fait que, dans certaines académies, il arrive qu’elle ne soit pas appliquée de manière conforme à la loi.
Même si plusieurs rappels ont déjà été faits, je vais reprendre mon bâton de pèlerin, peut-être par missive interposée, pour rappeler de nouveau la règle et redire la manière dont doivent être comptés les élèves qui bénéficient d’un dispositif Ulis.
Toutefois, nous estimons qu’à ce jour ces problèmes de comptabilisation ne subsistent que pour quelques cas résiduels – Les Sables-d’Olonne en font peut-être partie… Toujours est-il que je m’engage à attirer l’attention des services académiques et départementaux sur la nécessité d’une comptabilisation correcte.
Je voudrais tout de même rappeler, pour que les choses soient claires, qu’un dispositif Ulis bénéficie d’un enseignant spécialisé en plus et d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) supplémentaires, qui vont prendre en charge les élèves pendant un temps donné, hors de la classe ordinaire. Cela ne change rien au fait qu’il faut respecter l’article L. 351-1 du code de l’éducation.
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Karine Daniel. Madame la ministre, à la rentrée 2023, la balance entre les ouvertures et les fermetures de classes faisait apparaître la suppression de 2 250 classes. Ce chiffre alarmant sera également atteint, sinon dépassé, pour la rentrée prochaine.
Partout dans le pays, parents d’élèves, syndicats, personnels scolaires et élus se mobilisent contre ces fermetures, qui vont amplifier la dégradation de l’enseignement et l’abandon de territoires ruraux, ainsi que de quartiers prioritaires.
En Loire-Atlantique, quatre-vingt-sept classes sont menacées de fermeture. Comment ces dernières sont-elles décidées ? Quelles sont les bases de calcul ?
Ces fermetures semblent parfois s’appuyer sur des chiffres en décalage avec les remontées faites aux autorités académiques par les directions d’établissement. Dans mon département, par exemple, une classe de quatrième du collège Auguste Mailloux du Loroux-Bottereau est menacée de fermeture sur la base de chiffres faisant disparaître seulement quelques élèves.
Dans le secondaire, ces arbitrages sont assumés par les chefs d’établissement et les cadres de l’éducation nationale, qui doivent faire des choix difficiles entre des activités et des fermetures de classes – ils se retrouvent en quelque sorte entre le marteau et l’enclume…
L’on sait que le taux d’encadrement est particulièrement élevé en France par rapport à d’autres pays de l’Union européenne. Qu’est-ce qui justifie d’augmenter les effectifs par classe, alors que l’on constate une augmentation constante des troubles du comportement et du nombre d’enfants en situation de handicap non accompagnés, abandonnés aux familles sans solution de scolarisation, que le nombre des classes Ulis est insuffisant et que le décrochage scolaire et la phobie scolaire progressent ?
Les familles et les enseignants vous alertent, ils nous alertent, ils ne se sentent pas écoutés. Par le dédoublement des classes dans certaines zones, vous reconnaissez que les effectifs réduits sont un plus pour l’enseignement. En parallèle, les effets du dédoublement font que moins de professeurs sont disponibles pour d’autres zones, notamment dans la ruralité.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Karine Daniel. Les maires sont exposés. Nous demandons que des rééquilibrages soient opérés, que ces fermetures massives soient stoppées et que l’on reprenne la carte pour tous. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, je ne reviens pas sur la méthode, que j’ai déjà évoquée.
Votre département a perdu presque 1 500 élèves à la rentrée 2023 et il en perdra encore 700 à la rentrée 2024. Il devra donc rendre 25 postes et il y aura 87 fermetures et 39 ouvertures – ce dernier chiffre n’est pas négligeable.
L’observatoire des dynamiques rurales s’est réuni au mois de janvier. Des réflexions ont été partagées, sachant que près de 22 % des communes de votre département sont rurales, ce qui est tout à fait important. Un dialogue s’est instauré avec les élus et les représentants des personnels et une attention particulière a été apportée à des écoles rurales isolées.
Je ne vis pas dans votre département et je vous donne les informations que l’on m’a transmises : cette attention portée à des écoles rurales isolées s’est traduite, pour la rentrée 2024, par le maintien en l’état de structures, en dépit d’effectifs très faibles. Par exemple, cinq fermetures n’ont pas été prononcées dans des écoles de six classes ou moins, alors qu’elles auraient pu l’être si l’on avait choisi une réponse purement arithmétique.
Je rappelle en outre qu’en tout état de cause une phase d’ajustement permet toujours, au mois de juin, de faire évoluer la situation.
Madame la sénatrice, j’entends ce que vous me dites et j’espère que la méthode que nous mettrons en place à partir de l’année prochaine nous permettra de mieux appréhender encore les différentes situations afin d’atteindre nos objectifs communs.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Ce débat est bienvenu tant nos territoires ruraux – le Cantal en est une parfaite illustration – sont en attente de réponses concernant la rentrée scolaire de septembre. L’espoir est faible, surtout après avoir entendu vos propos introductifs déconnectés de la réalité de terrain, mais il est encore là, avant, s’il était déçu, de laisser place à la seule colère.
Surtout, ne me répondez pas au regard du taux d’encadrement ou des moyens budgétaires ! Ce n’est pas le débat. Nous pouvons redéployer des moyens humains qui ne sont pas devant des élèves et nous ne pouvons pas, dans nos territoires de montagne, raisonner en termes de P/E, le ratio donnant le nombre de postes d’équivalents temps plein (ETP) pour cent élèves.
Le dispositif France Ruralités devait permettre d’instaurer un réel dialogue et d’inscrire enfin la préparation de la carte scolaire dans une perspective pluriannuelle pour sortir du psychodrame qui se joue chaque année, ruinant les efforts des communes et mettant à mal enseignants, parents et élèves. Il n’en a rien été.
En conséquence, madame la ministre, ma question est simple : allez-vous respecter la parole du Gouvernement et, dans l’attente, mettre en œuvre un moratoire pour éviter toute suppression de classe non concertée à la rentrée prochaine ? C’est une question de respect et de confiance. C’est une question démocratique d’aménagement du territoire, qui dépasse la seule question pédagogique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, puisque je suis complètement déconnectée du terrain, je vais vous donner une réponse qui, forcément, ne vous satisfera pas…
Malgré tout, je voudrais ici faire remarquer que l’observatoire des dynamiques rurales s’est bien réuni dans votre département, et cela à deux reprises : le 18 décembre 2023 et le 12 janvier 2024. L’inspectrice d’académie et le préfet ont ainsi pu présenter un certain nombre d’éléments.
Monsieur le sénateur, je ne raisonne pas uniquement en termes de chiffres. Pour moi, ce sont des indicateurs et ils ne traduisent pas une politique qui, par définition, doit être humaine. Je voudrais tout de même en utiliser un pour votre département : après les retraits et les implantations de classe qui auront lieu l’année prochaine, le nombre d’élèves par classe sera de dix-sept. J’ajoute qu’aucune école ne comptera plus de vingt élèves par classe.
M. Jacques Grosperrin. Il faut tenir compte de la distance !
Mme Nicole Belloubet, ministre. Je le redis, aucune école du Cantal n’aura plus de vingt élèves par classe.
Je peux comprendre qu’à tel ou tel endroit il y ait des difficultés et je redis clairement, monsieur le sénateur, que je souhaite vraiment qu’un dialogue s’instaure. Mais celui-ci doit s’appuyer sur un partage des chiffres, notamment démographiques, dans une vision prospective ; il doit aussi être cohérent avec les politiques de l’État. C’est un point essentiel pour que nous puissions dessiner ensemble les perspectives d’avenir de tel ou tel territoire – ce n’est d’ailleurs pas nécessairement au niveau départemental que les choses peuvent se dessiner au mieux.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.
M. Stéphane Sautarel. Je ne voulais pas vous offusquer, madame la ministre, mais alors que vous parlez de cohérence, de dialogue et de concertation, je suis désolé de vous dire qu’il n’y a rien de tout cela !
Pis, il y a rupture totale de la confiance, puisque les communes qui ont joué le jeu du dialogue, de l’anticipation, des regroupements pédagogiques ou des réseaux territoriaux d’éducation prioritaire sont concernées de la même manière par les coupes brutales qui tombent sur notre département.
J’entends votre argument sur les dix-sept élèves par classe, mais si vous vouliez nous mettre à vingt-quatre, je vous y encouragerais : vous pourriez sans doute récupérer quatre-vingt-cinq postes dans le département du Cantal !
Mais la réalité de nos territoires de montagne, c’est l’éloignement, la distance. Tout à l’heure, j’entendais parler de fracture et de sélection sociales, mais chez nous c’est la fracture et la sélection territoriales ! Il faut que vous l’entendiez, madame la ministre.
Et cela dépasse le seul cadre scolaire : l’ensemble des services publics sont concernés. France Ruralités, qui devait apporter des réponses, est une très grande déception. C’est pourquoi je vous demande, d’ici au mois de juin, de nous écouter et d’envoyer des signaux à notre territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Allez dans le Cantal, madame la ministre !
M. le président. La parole est à M. Hugues Saury.
M. Hugues Saury. Madame la ministre, à la rentrée prochaine, quatre-vingt-cinq classes fermeront dans le Loiret ; elles viendront s’ajouter aux cinquante-sept de l’année précédente.
Parmi les écoles concernées, beaucoup se situent en zone rurale. Si l’on ne peut contester une baisse des effectifs sur l’ensemble du territoire, il n’en reste pas moins que ces fermetures suscitent l’incompréhension et la colère, car l’école est souvent l’un des derniers services de proximité présents dans la commune.
C’est pour cela que de nombreux élus de nos territoires ruraux investissent considérablement pour apporter les meilleures conditions de travail aux élèves. Ainsi, ils font l’effort financier nécessaire pour mettre leur école aux normes et préserver ce service public essentiel à la vie de leur village.
Or ces fermetures privent les territoires ruraux de perspectives d’implantation de nouvelles familles et nuisent à l’attractivité de la commune.
La logique, essentiellement comptable et statistique, qui guide chaque année les travaux de la carte scolaire aboutit à un déséquilibre dans le primaire entre, d’une part, la poursuite – louable – du dédoublement des postes en zone urbaine dense et, d’autre part, l’accélération des suppressions de classes en milieu rural, alors même que les indices de positionnement social y sont souvent très dégradés.
Pour ces différentes raisons, il paraît urgent de mettre en place un moratoire sur les fermetures de classes en zone rurale, et ce afin de préserver l’égalité des chances et le droit de bénéficier d’une école de proximité – un droit fragilisé dès lors que des contraintes excessives de déplacement sont imposées aux familles.
Madame la ministre, êtes-vous prête à envisager une modulation plus large des critères de la carte scolaire en milieu rural afin d’éviter des fermetures et de préserver ainsi la survie des territoires ruraux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, il est un élément que je n’ai pas encore évoqué : toutes les évaluations montrent que les élèves des territoires ruraux réussissent globalement mieux – cela montre l’intérêt de ces écoles. Leurs résultats aux examens sont plutôt supérieurs à la moyenne nationale et nous pouvons nous en féliciter.
Il nous faut travailler sur l’orientation de ces élèves. Il existe en effet des freins dans leurs choix d’orientation – nous en avons parlé –, notamment l’éloignement. Et je réponds aussi, par là même, à M. Sautarel : j’ai parfaitement conscience que nous devons prendre en compte la question de l’éloignement, que ce soit pour le Cantal ou pour d’autres territoires ; c’est d’ailleurs pour cela que les dotations académiques intègrent des indices liés à cette question.
Je le redis, si les élèves de la ruralité réussissent plutôt mieux, nous devons faire attention aux questions liées à l’orientation pour lever les freins qui existent aujourd’hui.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons développer et encourager toute une série de dispositifs que j’ai évoqués voilà quelques instants comme, par exemple, les territoires éducatifs ruraux, qui permettent, au-delà même des enseignements, de déployer tout un parcours pour les élèves, y compris d’un point de vue culturel ou pour leur orientation, et cela en lien avec plusieurs établissements.
Nous souhaitons également développer les internats d’excellence ruraux, des crédits étant inscrits dans la loi de finances à cet effet, ainsi que les cordées de la réussite, un dispositif que vous connaissez sans doute et qui est destiné aux collégiens et aux lycéens en éducation prioritaire de zones rurales et isolées. Ce dispositif fonctionne remarquablement bien. Nous souhaitons enfin travailler sur le raccordement à l’internet à haut débit.
Tout cela pour vous dire que nous tenons compte des questions d’éloignement et de positionnement pour essayer de donner les meilleures chances à nos élèves dans les zones rurales.
M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, pour la réplique.
M. Hugues Saury. Madame la ministre, j’entends vos arguments, mais ce n’est pas vraiment ce que je constate dans mon département. Il existe un traitement différencié, personne ne peut le nier, entre l’écolier urbain et l’écolier rural. Je considère qu’il s’agit d’une injustice scolaire, sociale, territoriale. Selon l’Insee, un tiers de la population française vit en milieu rural, où il y a moins ou pas de services, privés ou publics, de médecins, d’écoles, et où les déplacements sont difficiles.
Savoir lire, écrire, compter, respecter est une priorité ; la survie de nos écoles de campagne en est également une. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Rojouan.
M. Bruno Rojouan. Madame la ministre, la pédagogie étant l’art de la répétition, ne nous gênons pas ce soir… (Sourires.)
Je vous épargnerai l’énumération de toutes les communes de mon département de l’Allier auxquelles, cette année encore, on a annoncé la suppression de postes d’enseignant ou la fermeture de classes. C’est un fait incontestable : depuis soixante ans, l’Allier perd des habitants et sa population vieillit.
Pour autant, faut-il continuer indéfiniment à fermer des classes pour accompagner ce mouvement ? Nous ne pouvons nous y résoudre.
Il y a en France une vingtaine de départements très ruraux qui, malgré le travail remarquable des élus pour maintenir l’activité, perdent de la population chaque année. Leur situation particulière doit résolument vous alerter.
En comparaison, beaucoup d’efforts et de crédits ont été déployés dans les zones urbaines avec la politique de la ville et ses quartiers prioritaires. Loin de moi l’idée d’opposer banlieues et campagnes, mais la ruralité aussi concentre beaucoup de secteurs défavorisés.
C’est pourquoi je vous demande, madame la ministre, de mettre en place l’équivalent des quartiers prioritaires de la politique de la ville pour la ruralité, avec des moyens importants alloués à l’école. Dans ces zones fragilisées, les postes d’enseignants doivent être préservés. C’est une mesure d’égalité républicaine pour donner à ces enfants les mêmes chances que ceux des autres territoires.
Vous l’aurez compris, je souhaite que « QPV » puisse aussi bien signifier « qualité pour nos villages » que « quartier de la politique de la ville ».
M. Olivier Paccaud. Bravo !
M. Bruno Rojouan. Avec les associations de maires, nous vous demandons de mettre en place un moratoire de trois ans sur les suppressions de postes dans la ruralité. C’est une garantie minimale que vous pouvez donner à ces territoires, dont on parle peu, mais qui ont tant de besoins. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, je vais être très claire : il m’est impossible d’installer un moratoire durant trois ans. Je l’ai dit d’emblée, je suis prête à changer la méthode, à dialoguer, à donner, en matière de carte scolaire, des réponses cohérentes avec des politiques publiques et des actions que voudraient conduire l’État ou des maires. Cependant, je ne peux ici m’engager à renoncer à toute fermeture pendant un temps. Je vous mentirais si je vous disais le contraire.
J’y insiste, je vais m’atteler à installer un dialogue sérieux à même d’engager l’ensemble des services du ministère de l’éducation nationale, notamment les inspections académiques.
Vous soulevez l’idée de dessiner des quartiers de la ruralité sur le modèle des quartiers de la politique de la ville. J’ai envie de dire que ce que nous construisons autour des territoires éducatifs ruraux a un peu la même vocation, sans avoir exactement les mêmes modalités. En effet, l’idée est bien d’arriver à stabiliser sur un territoire un nombre suffisant d’élèves, d’être attentif à l’évolution des effectifs, si possible en offrant des perspectives de parcours, qu’il s’agisse de parcours culturels, éducatifs, sportifs, d’orientation.
Nous ne pouvons dupliquer strictement le dispositif des QPV, d’autant que les résultats obtenus dans les écoles rurales ne le justifient pas forcément. Cependant, je le répète, autour des territoires éducatifs ruraux, nous avons la même ambition d’accompagner les résultats de nos élèves.
M. le président. La parole est à M. Bruno Rojouan, pour la réplique.
M. Bruno Rojouan. J’allais dire : « Ah ! Le fameux taux d’encadrement mis en avant pas les ministres de l’éducation nationale successifs… »
M. Bruno Rojouan. Mais c’est un cercle vicieux : comment attirer de nouvelles populations, notamment de jeunes familles, s’il n’y a pas d’école ? Tel est le défi à relever dans ces territoires.
M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sabine Drexler. Madame la ministre, ancrée dans l’espace du Rhin supérieur, l’académie de Strasbourg soutient le développement du bilinguisme, avec, pour des raisons historiques, géographiques, culturelles, linguistiques et économiques, une priorité donnée à l’enseignement de l’allemand.
Je souhaite évoquer les effets de bord de cette politique à la fois sur la carte scolaire et sur le budget des communes de ce territoire, en prenant l’exemple du regroupement pédagogique concentré (RPC) de Ferrette, dans le Jura alsacien, qui illustre bien les problèmes auxquels sont confrontées nos collectivités.
L’école de Ferrette, qui réunit sept communes, propose à la fois un enseignement bilingue et monolingue, et un accueil périscolaire de sept heures quinze à dix-huit heures trente, qui drainent de nombreux élèves originaires de communes voisines qui, elles, ne font pas partie du syndicat scolaire.
En tant qu’élue de ce territoire, on attire mon attention sur les conséquences de cette attractivité, qui met actuellement en péril le précaire équilibre budgétaire des communes membres du syndicat, puisque celles-ci prennent à leur charge exclusive l’intégralité des frais de fonctionnement du RPC, alors qu’un tiers des élèves qui y sont scolarisés n’y résident pas.
Pour rappel, les communes de résidence ne sont pas tenues de contribuer à la prise en charge des frais de fonctionnement des écoles publiques bilingues hors de leur territoire si elles ne le souhaitent pas. Et dans la grande majorité des cas, elles ne contribuent effectivement pas, arguant du fait – et on les comprend – qu’elles financent déjà le fonctionnement de leur propre école et qu’elles ne se voient pas payer pour des élèves scolarisés ailleurs, sachant que cet exode entraînera de facto des fermetures de classes, voire d’écoles, sur leur territoire.
Madame la ministre, ma question est simple : que faire pour soulager les communes membres de ce type de syndicat sans mettre en péril l’équilibre de la carte scolaire du secteur ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Sabine Drexler, pour être franche, je ne suis pas certaine d’avoir la réponse à votre question.
Si je comprends bien, du point de vue scolaire, la commune de Ferrette présente deux caractéristiques. D’une part, elle accorde une attention prononcée au bilinguisme, ce qui se comprend tout à fait dans cette région. Cela s’est traduit par la création d’un RPC, qui me semble très dynamique et apporte une réelle plus-value à l’enseignement. D’autre part, on y constate une déprise démographique, comme dans toute la zone du Sundgau.
Le RPC attire les élèves des communes limitrophes intéressés par le bilinguisme. Mais les maires de celles-ci, déçus de voir leurs effectifs scolaires diminuer au profit du RPC, refusent de contribuer aux charges induites.
L’État n’a évidemment pas les moyens d’imposer une contribution desdites communes à la mise en place de ce RPC, qui a vocation à accueillir jusqu’aux limites de ses capacités. Je crois donc qu’un dialogue entre maires doit s’installer. Je pense plus particulièrement à l’observatoire des dynamiques rurales, dont nous avons déjà parlé, qui me semble être le lieu idoine pour qu’un tel dialogue s’engage entre les édiles, en présence de l’État et des services académiques. C’est en tout cas l’espoir que je forme pour ce RPC, qui mérite d’être soutenu.
Conclusion du débat
M. le président. Pour conclure le débat, la parole est à M. Olivier Paccaud, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues amis de l’école, s’il est un triste marronnier, une ritournelle amère que personne n’entend avec plaisir quand vient l’hiver, c’est bien la litanie des fermetures de classes.
L’école occupe une place à part dans notre société depuis près de 150 ans. Elle fut ainsi le premier bastion de la République conquérante, protectrice, fédératrice, incarnée par ces mairies-écoles dont le rouge manteau de briques recouvrit le pays entre 1890 et 1930, l’expression concrète de l’égalité des droits, et surtout des chances, promise par Marianne.
Et n’est-elle pas aujourd’hui, dans notre France archipélisée, où les communautarismes et les individualismes rongent notre unité, le dernier refuge de la République en souffrance, un ultime havre, peut-être fantasmé, un mirage d’oasis de ce fameux vivre ensemble qui sombre dans les sables mouvants du consumérisme et du narcissisme ambiants ?
L’école, c’est aussi encore, presque partout, un pré carré municipal que l’ogre intercommunal n’a pas mis à son menu.
Source insoupçonnée d’aménagement, de cohésion et de vitalité de nos territoires, l’école en France est bien plus qu’un simple lieu de transmission du savoir. Tous ces liens historiques, politiques, affectifs expliquent cet attachement charnel des Français à leur école, notamment dans la ruralité.
« L’école, c’est la vie du village », vous répètent en chœur tous les maires des petites communes où résonnent encore les cris et chants des écoliers. Et ces élus font de leur mieux pour équiper et entretenir leurs bâtiments scolaires. Il s’agit presque toujours de leur priorité absolue.
Aussi, chaque année, et bien plus aujourd’hui qu’hier, des cohortes de parents d’élèves, d’enseignants, d’élus protestent, s’indignent, manifestent pour exprimer leur opposition à la suppression annoncée d’un ou plusieurs postes dans leur école. Et le murmure des grondements va crescendo, car les décisions académiques sont de plus en plus ressenties comme des injustices, des diktats ; car leur couperet s’abat trop souvent brutalement, sans concertation préalable avec les élus concernés ; car leur justification se heurte à des contradictions de l’éducation nationale elle-même. Est-il ainsi cohérent, cher Jacques Grosperrin, de voir certains inspecteurs de circonscription encourager la création de RPC, dont la construction coûte plusieurs millions d’euros, pour y fermer une classe à la rentrée suivante ?
Si la logique qui aboutit à des fermetures est avant tout mathématique ; si personne ne peut contester la baisse de la natalité et ses répercussions en termes d’effectifs ; si les chiffres brandis par Mme la ministre sont censés rassurer – baisse du nombre d’élèves, légère hausse du nombre d’enseignants et donc amélioration du taux d’encadrement –, il y a partout un profond malaise. C’est donc qu’il y a un problème non seulement de méthode, mais aussi de philosophie.
La bonne méthode, c’est le dialogue en amont, le partenariat avec les élus, l’anticipation à moyen terme plutôt que la gestion sans vision, purement mathématique et technocratique. Est-il logique de fermer une classe du fait d’une baisse momentanée des effectifs dans une commune qui enregistre une hausse des naissances ou l’arrivée de familles avec des enfants ? Tous les élus locaux le savent, autant il est facile de fermer une classe, autant il est compliqué de la rouvrir.
La bonne méthode, c’est un moratoire sur toute décision de fermeture lorsqu’un programme de construction est en cours d’achèvement. La bonne méthode, c’est d’interroger les élus directement plutôt que de passer par les directeurs d’école pour avoir une idée précise de l’avenir démographique de la commune. La bonne méthode, c’est le bon sens et la confiance envers les élus.
Quant à la philosophie de la gestion des effectifs, elle a perdu sa boussole depuis la mise en place des dédoublements en REP+. Je m’explique : comment des parents, des élus et des enseignants peuvent-ils accepter la fermeture d’une classe, parce qu’il n’y a que dix-huit élèves, alors qu’à cinq kilomètres de distance la même inspection académique se glorifie de bons résultats grâce à de faibles effectifs de douze élèves ? Cette même inspection d’académie qui ne sera pas gênée par des classes de vingt-sept, vingt-huit ou vingt-neuf élèves à double ou triple niveau…
La misère sociale et scolaire n’existe pas que dans les quartiers de la politique de la ville, qui doivent bien sûr être aidés. N’oublions pas la ruralité et ses difficultés. La révision de la carte de l’éducation prioritaire, chère Monique de Marco, qui a été annoncée depuis plus de cinq ans sans aucun suivi, fait partie des solutions, tout comme le passage de la logique de réseaux à celle d’écoles d’éducation prioritaire. Nous avons besoin d’une logique de point de croix, de cas par cas. Il s’agit donc de rétablir une véritable équité territoriale, paradoxalement disparue avec la discrimination positive, tristement sélective, en vigueur aujourd’hui.
Malgré nos différences, nous sommes tous ici unis par notre filiation républicaine. Or l’enjeu du débat qui nous rassemble, c’est en fait le maintien, et peut-être même le retour de la République, c’est-à-dire de l’égalité des droits et des chances, partout et pour tous. Et cela commence à l’école ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Monique de Marco et M. Daniel Salmon applaudissent également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la fermeture des classes et la mise en place de la carte scolaire dans les départements.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Sophie Primas.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Assainissement cadastral et résorption du désordre de la propriété
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi visant à proroger la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 relative à l’assainissement cadastral et à la résorption du désordre de la propriété, présentée par M. Jean-Jacques Panunzi et plusieurs de ses collègues (proposition n° 22, texte de la commission n° 495, rapport n° 494).
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Jacques Panunzi, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Jacques Panunzi, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet de la normalisation foncière revient à l’ordre du jour de notre assemblée, sept ans après l’adoption dans ce même hémicycle de la loi de 2017, suivie d’un vote conforme du texte à l’Assemblée nationale.
Le texte de 2017, fruit d’un long travail, prévoyait des solutions pour régler bien des problèmes dans des territoires subissant depuis trop longtemps des situations de désordre foncier, en premier lieu en Corse.
Il existe dans notre pays un désordre de la propriété lié à l’absence de titres opposables, à l’existence de biens non délimités dont on ne connaît pas exactement les droits afférents, qu’il s’agisse des droits de chacun des propriétaires présumés ou encore de l’existence de comptes cadastraux appartenant à des personnes décédées. Si cette situation est marginale à l’échelle nationale, elle concerne particulièrement certaines régions, la plus touchée d’entre elles étant la Corse.
On y dénombre en effet 63 800 biens non délimités, soit un taux de 6,4 %, très supérieur au taux national de 0,4 %. La surface couverte par ces biens représente 15,7 % de la surface cadastrée de l’île !
La Corse est effectivement le territoire le plus marqué par cette situation de désordre. Le fameux arrêté d’André François Miot, droit spécifique historique fondé par cet administrateur des départements du Liamone et du Golo, reposait initialement non sur le principe de l’exonération, mais sur une absence de sanction en cas de non-déclaration d’une succession fondée sur le double constat d’une indivision généralisée et d’une extrême pauvreté. La suppression, en 1949, de la contribution foncière sur laquelle reposait la liquidation des successions a engendré une exonération de fait.
Ce désordre foncier est générateur d’insécurité juridique et produit des effets économiques néfastes. L’absence de titres de propriété empêche d’abord les citoyens de recourir aux dispositions de droit civil relatives à la propriété immobilière. Elle entrave également toute possibilité d’accès à l’emprunt.
La détention de biens par de multiples héritiers censés détenir des droits indivis concurrents dilue les responsabilités et rend plus difficile l’entretien des biens concernés.
Tous ces éléments participent au délabrement du patrimoine immobilier et alimentent d’abondants contentieux dans les familles.
Cette situation est également lourde de conséquences pour les autorités publiques, l’État et les collectivités territoriales. Le recouvrement de l’impôt sur le foncier et surtout des droits de succession relève d’un parcours du combattant. Ainsi, le montant des droits de succession collectés en Corse s’élevait à 6,7 millions d’euros en 2013, premier exercice ayant suivi la fin de l’exonération totale des droits, qui sont depuis lors recouvrés à hauteur de 50 %. Ce montant frôlait les 30 millions d’euros en 2021, soit une multiplication par quatre. La dynamique de titrement, encouragée par les mesures incitatives de la loi du 6 mars 2017, avec le concours du Groupement d’intérêt général pour la reconstitution des titres de propriété en Corse (Girtec), y est pour beaucoup.
Les mairies se trouvent également en difficulté pour faire appliquer la réglementation environnementale et la législation relative aux biens vacants et sans maître ou aux immeubles menaçant ruine.
Sachant que le besoin en logements est croissant et que de trop nombreux biens sont laissés à l’abandon dans les territoires ruraux du fait de ce désordre foncier, nous avons un devoir en la matière.
Il est important de rappeler que la loi de 2017 faisait suite à la volonté exprimée par le législateur à plusieurs reprises sur ce sujet. Celle de 2002 établissait des périodes transitoires, le temps que la situation foncière soit normalisée civilement. Le Groupement d’intérêt public chargé de la reconstitution des titres de propriété créé par la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités n’a été opérationnel qu’à la fin de l’année 2009. Il ne devait pas perdurer au-delà de 2027, mais ses statuts ont été modifiés et sa pérennité est désormais assurée, tant le travail de reconstitution des titres de propriété sera long.
Il est logique que les mesures incitatives découlant de la loi du 6 mars 2017 soient prorogées au-delà de 2027 pour que tous les moyens soient engagés afin de mettre un terme à cette situation préjudiciable.
La situation évolue favorablement, mais le chemin à parcourir est encore long. En 2009, sur le million de parcelles que compte la Corse, près de 406 000 étaient dépourvues de titres de propriété, contre 313 000 aujourd’hui.
L’objet de cette proposition de loi est tout simplement de proroger les mesures de la loi du 6 mars 2017 jusqu’au 31 décembre 2037, au lieu du 31 décembre 2027.
Si le travail du Girtec a connu une progression fulgurante depuis la promulgation de la loi en 2017, on est encore loin d’atteindre l’objectif de normalisation ayant justifié la prorogation des mesures dérogatoires pour une période décennale.
Alors pourquoi dix ans ? Parce que la reconstitution d’un titre de propriété peut prendre jusqu’à plusieurs années et parce que les usagers ont besoin de visibilité et de vérifier qu’ils pourront bénéficier des dispositions fiscales incitatives avant d’engager une procédure.
Quatre articles de la loi de 2017 prévoyaient un report de dix ans.
C’est le cas de l’article 1er, qui porte sur la sécurisation de la procédure de titrement, laquelle était jusqu’en 2017 une pratique notariale. Cette disposition, dite flottante, c’est-à-dire non codifiée, est en vigueur jusqu’au 31 décembre 2027.
L’article 3 prévoit une exonération de 50 % des droits de mutation pour la première mutation suivant la création d’un titre de propriété. Cette incitation à la remise en ordre cadastrale est également censée prendre fin en 2027.
L’article 4, qui est le dernier vestige de l’arrêté Miot, prévoit l’exonération partielle, à hauteur de 50 %, des droits de succession sur les biens sis en Corse. Cette disposition prendra fin en 2027.
Enfin, l’article 5 prévoit l’exonération des droits de partage jusqu’en 2027.
En adoptant la présente proposition de loi, le Parlement offrirait dix ans de plus aux territoires concernés par ce désordre foncier pour assainir la situation, en particulier la Corse, où il convient de manière logique et cohérente de pérenniser le Girtec.
J’espère emporter l’adhésion du plus grand nombre d’entre vous, mes chers collègues, mais aussi celle du Gouvernement, qui connaît bien cette problématique.
Je finirai en m’adressant à vous, madame la secrétaire d’État, à propos de l’article 2 de la loi du 6 mars 2017, qui n’est pas concerné par la présente proposition de loi puisqu’il ne mentionne pas de date et découle de l’article 1er.
Cet article assouplit les règles de majorité pour la gestion de l’indivision afin de favoriser les règlements successoraux une fois les actes créés. Cette opportunité est réservée aux seuls cas où l’indivision est constatée simultanément à la création d’un titre, pour que le partage puisse être effectué à la majorité qualifiée des deux tiers, et non à l’unanimité, cette dernière étant source de blocages et favorisant les co-indivisaires taisants. Sans cette proposition dérogatoire, la création de titres est peu efficace si le partage se révèle infaisable.
À ce jour, sept ans après sa promulgation, cette disposition n’est pas appliquée faute de procédure associée. J’ai sollicité à plusieurs reprises la Chancellerie pour obtenir, sinon un décret d’application, du moins une circulaire pour permettre aux notaires de mobiliser cet article. En vain ! L’occasion m’est offerte aujourd’hui de vous relancer publiquement sur l’opérationnalité de cet article.
Mes chers collègues, cette présentation rapide vous donne une idée de l’enjeu et de l’ampleur des problèmes à traiter, principalement en Corse, mais aussi dans d’autres territoires, tous ruraux, montagneux ou insulaires, partout où le rapport à la terre et à la maison de famille est viscéral…
Aucune famille ne voudrait faire face au dilemme de Lamartine, qui, après avoir été contraint de vendre la maison familiale en 1860, écrivit : « J’ai été obligé de signer la vente de la moelle de mes os […] à un prix de détresse qui ne représente ni la valeur morale ni la valeur matérielle. J’ai emporté avec des larmes, en quittant le seuil, les vestiges de ma mère et les reliques de ma jeunesse. »
Le désordre foncier, particulièrement prégnant en zone rurale, n’est pas une fatalité. L’application du principe d’équité justifie que la représentation nationale s’empare à bras-le-corps de cette question et y réponde pleinement et justement.
Prenons donc le temps d’agir en prolongeant de dix ans, jusqu’au 31 décembre 2037, les dispositions de la loi du 6 mars 2017.
En février 2017, ce même texte avait obtenu un soutien massif dans cet hémicycle, ainsi qu’à l’Assemblée nationale, où j’espère que le texte prospérera rapidement cette fois-ci encore et tout aussi fructueusement.
Le 28 mars dernier, l’Assemblée de Corse, consultée pour avis, conformément à l’article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales, a émis à l’unanimité un avis favorable sur cette proposition de report. Toutes les conditions procédurales et politiques sont donc réunies pour parvenir à l’adoption de ce texte. Je vous demande d’en prendre acte et je compte sur votre soutien pour renouveler l’opération de 2017 en adoptant largement cette proposition de loi.
Pour finir, je remercie notre collègue André Reichardt, rapporteur, du travail fourni en commission sur ce texte, ainsi que M. le ministre de l’intérieur de son engagement constant sur cette question cruciale pour la Corse. Cet engagement concret et opérationnel sera apprécié à sa juste valeur par les familles touchées par le désordre foncier, soit l’immense majorité d’entre elles dans l’île. Je vous remercie également de votre présence ce soir, madame la secrétaire d’État, ainsi que de la vôtre, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDPI et INDEP. – M. Paul Toussaint Parigi applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a sept ans déjà, en 2017, notre assemblée adoptait la proposition de loi visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété.
Nous examinons aujourd’hui sa prorogation, sur l’initiative de notre collègue Jean-Jacques Panunzi. Cette proposition de loi témoigne ainsi de l’intérêt et du travail continus des parlementaires pour répondre à une problématique ancienne, celle du désordre foncier et de l’irrégularité cadastrale en Corse.
Depuis plus de deux siècles, la Corse se caractérise en effet par une situation foncière tout à fait spécifique, du fait de l’absence de titres de propriété, de l’inexactitude du cadastre ainsi que de la pérennisation de nombreuses situations d’indivision successorale dans des proportions bien plus importantes que sur le reste du territoire français.
Cette situation est la conséquence de mesures dérogatoires en matière d’imposition des successions instaurées par l’arrêté Miot de juin 1801. Ce dernier, abolissant les sanctions pour défaut de déclaration de succession, a entraîné l’arrêt du règlement des successions pendant près de 200 ans sur le territoire corse.
En conséquence, lors de l’examen de la proposition de loi initiale, en 2017, 35 % des parcelles de l’île appartenaient encore officiellement à un propriétaire né avant 1910 et 15,6 % de la surface cadastrée correspondaient à des biens non délimités.
La loi du 6 mars 2017 comportait six articles, dont les cinq premiers visaient à accélérer la résolution du désordre foncier en Corse. Nous avions, à l’époque, adopté ces cinq articles, dérogatoires du droit commun, en limitant leur application pour une durée de dix ans, c’est-à-dire, en l’état actuel du droit, jusqu’au 31 décembre 2027.
Les articles 1er et 2 prévoyaient la sécurisation de la possession des biens par le recours à la prescription acquisitive ainsi que l’assouplissement des règles d’indivision afin de faciliter la résolution des situations d’indivision successorale.
Pour mémoire, l’article 1er facilitait le recours aux actes notariés de notoriété acquisitive pour attester de la possession d’un immeuble situé en Corse et abaissait à cinq ans le délai pour porter une action en revendication contre un tel acte.
En complément, l’article 2 assouplissait les règles de majorité pour la gestion des indivisions constatées par un acte de notoriété acquisitive, en abaissant à la majorité simple, contre une majorité de deux tiers dans le droit commun, le seuil requis pour accomplir les actes d’administration indispensables à la bonne gestion du bien.
La loi du 6 mars 2017 portait également trois mesures d’ordre fiscal, très importantes, visant à inciter à la résolution des successions et à la reconstitution des titres.
L’article 3 a étendu pour dix ans une exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit, applicable sur l’ensemble du territoire national lors de la première mutation postérieure à la reconstitution des titres de propriétés y afférents. Outre la prorogation du dispositif, la loi du 6 mars 2017 a également rehaussé le niveau de l’exonération, la faisant passer de 30 % à 50 %.
L’article 4 de cette même loi prorogeait par ailleurs le régime dérogatoire en matière de droits de succession, mis en place en 2002, qui applique aux biens immobiliers situés en Corse une exonération partielle des droits de succession à hauteur de 50 %.
Enfin, l’article 5 rétablissait, toujours pour une durée de dix ans, une exonération des droits de partage de succession sur les immeubles situés en Corse, qui était précédemment applicable jusqu’en 2014.
Cinq ans après l’entrée en vigueur de ces mesures, la commission des lois a considéré que leur bilan était encourageant.
D’une part, ni le Conseil notarial de Corse ni le ministère de la justice n’ont observé de difficulté contentieuse du fait de l’application des mesures dérogatoires au droit civil créées par le texte.
D’autre part, il est établi que la reconstitution de titres ainsi que la résolution des situations d’indivision ont progressé depuis l’adoption de la loi, au regard de la baisse du nombre et de la proportion de parcelles appartenant à des propriétaires décédés. Le groupement d’intérêt général pour la reconstitution des titres de propriété en Corse estime ainsi que 1 868 titres ont été créés depuis l’entrée en vigueur de la loi du 6 mars 2017, ce qui représenterait au moins 15 000 parcelles.
Ces efforts de titrement ont permis de réduire de 4,6 points de pourcentage la proportion de parcelles appartenant à des propriétaires présumés décédés, celle-ci s’établissant désormais à 30,4 %, ce qui est encore beaucoup trop.
En ce qui concerne le volet fiscal, les données que m’a transmises le ministère des finances, même si elles sont incomplètes – pour une fois, nous ne disposons pas d’assez de chiffres ! – témoignent d’une hausse de 33,7 % du montant total des droits perçus au titre des déclarations de succession en Corse sur cinq ans, laissant à penser que les mesures incitatives ont produit les effets escomptés. Le coût de ces exonérations semble par ailleurs raisonnable, le montant de l’exonération régie par l’article 3 de la loi du 6 mars 2017 étant évalué à 20 millions d’euros.
Toutefois, à date, la quantité et la difficulté des dossiers de reconstitution des titres n’ont malheureusement pas permis la régularisation du désordre foncier et successoral sur l’île. Plus de 300 000 parcelles demeurent encore au nom de propriétaires présumés décédés, sur un total d’un peu plus de 1 million. C’est encore beaucoup trop, pour ne pas dire énorme, au regard de la statistique nationale, qui avoisine les 100 % de parcelles titrées.
Cette situation à tout le moins singulière entraîne une grave insécurité juridique ainsi que d’importantes conséquences pour la puissance publique.
Pour le particulier, l’absence de titre de propriété signifie l’impossibilité de jouir de ses droits et conduit, trop souvent, à la dégradation des biens par défaut d’entretien ainsi qu’à la multiplication des contentieux intrafamiliaux. Nous sommes en Corse, chers collègues, et nous savons à peu près ce que cela signifie ! (Sourires.)
Pour la puissance publique, le désordre foncier se traduit par une perte de recettes fiscales, qui limite de facto la capacité des collectivités à entretenir leur territoire. De plus, il convient de rappeler que l’absence de propriétaires identifiés constitue un risque en matière de bonne administration, mais aussi de sécurité civile, en raison de la dégradation et du manque d’entretien progressif de nombreuses parcelles rurales et montagneuses, qui rendent illusoire le respect des obligations légales de débroussaillement. Pourtant, le respect de ces obligations est essentiel – nous ne manquons jamais de le répéter dans cette enceinte – pour éviter les incendies que l’on connaît chaque année.
Pour toutes ces raisons, il semblerait aussi improductif que dangereux de se satisfaire de l’extinction des mesures créées en 2017 d’ici à trois ans. Devant le constat que l’achèvement des travaux de titrement nécessitera encore plusieurs années, la présente proposition de loi tend à proroger de dix ans les dispositifs visant à accompagner et à faciliter la résolution du désordre foncier et l’assainissement cadastral de la Corse.
Les articles 1er à 5 de la loi du 6 mars 2017 seraient ainsi applicables jusqu’au 31 décembre 2037. Nous sommes toutefois quelques-uns à penser qu’il ne s’agit pas là d’une date butoir…
Mes chers collègues, la résolution des situations d’indivision persistantes, la protection du droit de propriété sur l’ensemble du territoire français ainsi que la régularité du cadastre, sont des objectifs atteignables si nous poursuivons les efforts engagés, dont les bénéfices dépassent le coût des exonérations temporaires induites par ce texte.
En conséquence, la commission des lois a fait le choix d’adopter la proposition de loi de notre collègue Jean-Jacques Panunzi en l’état et vous invite aujourd’hui à faire de même, considérant que l’adoption de ce texte permettra de poursuivre le travail vertueux engagé par tous les acteurs locaux depuis maintenant sept années. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis près de deux siècles, la Corse connaît une situation foncière dégradée du fait de l’absence de titres de propriété, de l’inexactitude du cadastre et d’un niveau d’indivision successorale considérablement plus important que sur le reste du territoire français.
L’origine de cette situation remonte à l’arrêté du préfet Miot de juin 1801, qui encourageait les administrés à régulariser leur situation par la mise en place de mesures fiscales exceptionnelles. Il s’agissait en réalité de les dispenser de toute sanction en cas d’absence de déclaration de succession. Malheureusement, en supprimant ces sanctions, l’arrêté Miot a dissuadé les familles corses de déclarer leurs successions pendant près de deux siècles.
Et deux siècles plus tard, la Corse se caractérise par une situation cadastrale et foncière particulièrement dégradée. Ainsi, plus de 300 000 parcelles sont détenues par des personnes physiques nées avant 1910, soit 30 % des parcelles de l’île. Elle se caractérise ensuite par une inexactitude cadastrale, qui entraîne l’existence de biens non délimités sur 6,4 % des parcelles corses, contre 0,4 % sur l’ensemble du territoire.
Les inconvénients qu’entraîne cette situation sont particulièrement importants : d’une part, pour les particuliers, qui ne peuvent jouir pleinement de leur droit de propriété ni recourir normalement aux règlements successoraux, aux donations ou au crédit, tandis que la sortie des indivisions peut se révéler très coûteuse ; d’autre part, pour les autorités, dans la mesure où les personnes publiques ne peuvent recouvrer l’impôt de manière satisfaisante, le problème se posant surtout pour la taxe foncière, qui représente un manque à gagner d’environ 20 millions d’euros.
La situation est également problématique pour la sécurité des personnes et des biens, la législation relative aux immeubles menaçant ruine ou à la prévention des incendies ne pouvant être appliquée de manière efficace.
Depuis près de trente ans, des initiatives ont été prises afin de favoriser un retour au droit commun par la mise en place de dispositifs dérogatoires pour favoriser le titrement, unanimement considéré comme nécessaire.
Ainsi le Groupement d’intérêt général pour la reconstitution des titres de propriété en Corse, mis en place en 2006 avec le soutien actif du Sénat, permet aux administrés de reconstituer leurs titres de propriété. Cet outil, dont l’efficacité est reconnue et appréciée en Corse, fait actuellement l’objet d’un travail de réflexion, sous l’autorité du garde des sceaux. Il s’agit de le renforcer et d’assurer sa pérennisation budgétaire.
La loi du 6 mars 2017 visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété sur laquelle nous revenons aujourd’hui est l’un de ces dispositifs.
Cette loi, constituée de six articles, comporte des mesures dérogatoires, dont la durée d’application est limitée à dix ans, soit jusqu’au 31 décembre 2027.
Ces articles visent à faciliter le recours aux actes de notoriété acquisitive et aux règles de sortie de l’indivision, notamment par des mesures fiscales incitatives à la résorption du désordre de propriété.
Il est important, mesdames, messieurs les sénateurs, de souligner que la loi de 2017 est un outil utile, qui répond à un besoin réel en Corse.
Vous le savez, le Gouvernement a engagé durant deux ans des discussions resserrées avec les élus corses, notamment dans le cadre d’un comité stratégique. Sans surprise, ce sujet a été abordé à de nombreuses reprises, singulièrement par le sénateur Jean-Jacques Panunzi, dont je salue ici l’engagement et le souci de trouver des réponses pratiques et rapides aux préoccupations quotidiennes des Corses.
En prolongeant de dix ans les dispositifs pertinents de la loi de 2017, le Parlement facilitera le travail de reconstitution des titres, qui, bien qu’inachevé, progresse. Grâce à cette loi, 15 000 parcelles ont été titrées. Depuis 2009, près de 100 000 parcelles ne sont plus considérées comme appartenant à un propriétaire présumé décédé, soit un quart du nombre total de parcelles concernées en 2009.
Malheureusement, malgré cette amélioration, la proportion des parcelles corses disposant d’un titre foncier régulier, de l’ordre de 70 %, est encore trop peu élevée pour que l’on puisse considérer que la situation est satisfaisante, en particulier au regard du même taux à l’échelon national, supérieur à 99 %.
Les notaires le constatent, le cadre civil posé par la loi et les exonérations fiscales ont créé une dynamique incitant enfin les particuliers à chercher à résoudre les problèmes d’indivision qui courent depuis plusieurs générations.
Malgré le bilan encourageant de la loi, des marges de progression importantes demeurent et appellent, selon nous, une action résolue de prorogation de la loi jusqu’en 2037.
N’oublions pas que, au-delà de ses implications juridiques et administratives, le désordre foncier en Corse revêt une dimension politique importante et contribue, d’une certaine manière, à la spéculation immobilière en soustrayant un volume significatif de foncier.
Force est toutefois de reconnaître que ce dispositif dérogatoire est particulièrement important et qu’il convient de le sécuriser. C’est la raison pour laquelle nous ne devons pas nous priver d’identifier toute amélioration technique.
Dans l’intervalle, il est de notre responsabilité collective de nous donner les moyens de contribuer au maintien d’une politique volontariste de la Nation en faveur de nos compatriotes corses. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement soutiendra la proposition de loi proposée par le sénateur Panunzi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Favreau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gilbert Favreau. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui a pour objet de proroger les effets de la loi du 6 mars 2017 visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété, dont les dispositions doivent normalement prendre fin le 31 décembre 2027. Ce texte concerne très majoritairement la situation cadastrale de biens immobiliers situés en Corse.
Un bref rappel historique s’impose. La Corse a connu, de 1801 à 2012, un droit spécifique dispensant les héritiers de déclarer les successions, ce qui a eu pour effet non seulement d’exonérer ceux-ci des droits de succession, mais également de créer de nombreuses indivisions, inconnues de l’administration du cadastre et, par suite, des services fiscaux.
Cette dispense procédait d’abord du peu d’intérêt que revêtaient les successions, en raison de la mauvaise qualité des terres en Corse, qui leur ôtait toute valeur agricole, et surtout de la malaria, qui rendait pratiquement inutilisables les terrains proches de la mer. Elle découlait également de la volonté du Premier consul, Corse de naissance, de ne pas aggraver la pauvreté des habitants de l’île ; ce consul – vous l’aurez compris – n’était autre que Napoléon Bonaparte.
Cette évocation historique m’invite à ouvrir une parenthèse pour saluer l’un des juristes dont les statues dominent nos débats : Portalis, le père du code civil français. C’est bien à cette époque que fut élaboré ce document d’une clarté parfaite, qui a fait du droit français ce qu’il est aujourd’hui. Certes, il subsiste en grande partie ; néanmoins, de nos jours, le droit dans son ensemble et, singulièrement, le droit réglementaire, sont malheureusement devenus très abondants et posent aux juristes quelques difficultés de lecture…
Mais revenons-en à notre sujet ! Un arrêté a donc été pris le 21 prairial an IX – le 10 juin 1801 pour les non-initiés –, arrêté qui a rapidement pris le nom de son auteur, M. Miot, alors administrateur général de la Corse, devenant ainsi « l’arrêté Miot ».
Presque deux siècles plus tard, cette situation a été confirmée et même aggravée par un arrêt de la Cour de cassation du 2 janvier 1992. La Cour y considérait que, faute de base légale de calcul, les droits de succession ne pouvaient pas être recouvrés. Dès lors, en Corse, même quand les successions étaient déclarées, la mutation des biens n’était pas taxée.
C’est pour faire cesser cette anomalie qu’a été adoptée en 2017 la loi précitée, censée permettre aux propriétaires ou possesseurs concernés de régulariser leur situation. Était ainsi prévue une exonération de moitié des taxes pour les successions ouvertes entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2027, les successions devant être taxées au tarif ordinaire à compter du 1er janvier 2028.
La proposition de loi qui nous est présentée vise à proroger de dix ans, jusqu’au 31 décembre 2037, la mesure incitative de réduction de moitié des droits de succession.
En effet, on est encore loin de l’objectif de régularisation, le retard étant dû essentiellement à la durée nécessaire pour reconstituer les titres de propriété. Le nombre de régularisations effectuées s’établit environ à 100 000 ; il en resterait 300 000 à réaliser.
En présence d’indivisions, la reconstitution des titres de propriété n’est en effet pas toujours aisée. Les défauts de déclaration antérieurs et l’existence de nombreuses indivisions rendent difficile la reconstitution des titres.
La seule réduction de moitié des droits de succession peut dès lors paraître insuffisante pour inciter à la mise en œuvre de cette tâche, généralement confiée à un notaire, éventuellement associé à un géomètre, professionnels dont le travail doit bien évidemment être rémunéré.
Dans ces conditions, la réticence des propriétaires dépourvus de titres à déclarer une succession susceptible de leur occasionner des frais trop importants est compréhensible.
Nous en déduirons que la prorogation de dix ans demandée aujourd’hui par cette proposition de loi apparaît justifiée ; pour ma part, je la voterai. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la secrétaire d’État applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre Jean Rochette. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la Corse se trouve dans un désordre cadastral et foncier très particulier. En 2016, il était estimé que 35 % des parcelles cadastrées y étaient enregistrées comme appartenant à des propriétaires décédés.
Cet état résulte de l’application, durant plus de deux siècles, d’un régime d’imposition des successions de biens immobiliers dérogatoire au droit commun.
L’arrêté Miot de 1801, dont le principe était l’absence de sanction en cas de défaut de déclaration de succession, porte une large part de responsabilité dans cette situation inextricable de désordre foncier.
Aussi, le retour au droit commun et à une taxation identique à celle applicable sur le reste du territoire national en matière de successions apparaît indispensable, d’autant que les difficultés rencontrées s’avèrent lourdement préjudiciables : d’une part, les propriétaires ne sont pas en mesure de jouir totalement de leurs droits ; d’autre part, les pouvoirs publics ne peuvent pas pleinement recouvrer l’impôt.
Face à cette situation de profonde insécurité juridique, la loi du 6 mars 2017 est venue apporter une réponse concrète au désordre de la propriété en six articles, dont les cinq premiers se rapportent à la Corse ou à l’ensemble du territoire national.
L’article 1er consacre le recours aux actes de notoriété acquisitive notariée ; l’article 2 assouplit les règles de majorité applicables en matière d’indivision.
Les articles 3 à 5 comportent, quant à eux, des dispositions de nature fiscale. L’article 3 prévoit notamment une exonération de droits à hauteur de 50 % de la valeur de l’immeuble lors de la première mutation à titre gratuit d’un bien nouvellement titré ; l’article 4 proroge de dix ans l’exonération partielle de droits de succession applicable aux immeubles situés en Corse ; enfin, l’article 5 rétablit, jusqu’en 2027, l’exonération des droits de partage de succession sur les immeubles situés en Corse, qui avait existé entre 1986 et 2014.
Les dispositions de ces articles doivent expirer au 31 décembre 2027.
Si, sept ans après sa promulgation, cette loi présente des résultats très encourageants, il apparaît toutefois nécessaire d’en poursuivre l’application : plus de 300 000 parcelles appartiennent encore à des propriétaires présumés décédés – le chiffre est considérable ! Le travail de reconstitution des titres semble donc loin d’être terminé.
Aussi, je tiens à saluer l’excellente initiative de notre collègue Jean-Jacques Panunzi, dont la proposition de loi vise à proroger de dix ans les dispositions contenues aux articles 1er à 5 de ladite loi, lesquelles s’appliqueraient donc jusqu’au 31 décembre 2037.
Avant de conclure, je tiens à remercier notre rapporteur, M. André Reichardt, et à saluer la qualité de ses travaux.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, conscient de l’enjeu que représentent l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété pour le développement de la Corse, le groupe Les Indépendants est convaincu de la nécessité de poursuivre le mouvement vertueux de titrement du foncier ainsi engagé ; il votera donc à l’unanimité en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI. – MM. Gilbert Favreau et Jean-Jacques Panunzi applaudissent également, ainsi que Mme la secrétaire d’État.)
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
M. Paul Toussaint Parigi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, parler des spécificités de la Corse n’est ni un vain mot ni un péché d’autocentrisme – la proposition de loi de notre collègue Jean-Jacques Panunzi l’illustre à bien des égards.
En 1801 déjà – la Corse, trente années plus tôt, avait été rattachée à la France non par la vertu du droit, mais par la force des armes –, notre île se vit appliquer une législation d’exception, adaptée à sa situation économique et géographique, ainsi qu’à l’inexistence d’un marché foncier. Un droit spécifique, appuyé sur le constat de ces particularités et conçu par l’administrateur André-François Miot, supprima les sanctions encourues en cas de non-déclaration d’une succession, avec des conséquences historiques.
Cela permit d’adapter la fiscalité nationale des successions à la situation corse, déjà marquée par la prédominance des indivisions et des successions orales. Cette mesure se voulait pragmatique et transitoire ; hélas ! en s’éternisant, elle porta la marque des déshérences à venir et des dommages collatéraux qu’elle allait causer pendant plus de deux siècles, tant l’intérêt s’attachant à l’absence de déclarations favorisa le maintien des propriétés en indivision.
Pendant plus de deux siècles donc, à cette spécificité législative s’ajouta la particularité de l’inaction : deux cents ans passèrent sans qu’aucune solution juridique satisfaisante soit envisagée pour résoudre l’un des principaux fléaux de l’île, qui a lourdement pesé sur son économie, dégradé le foncier et ruiné des villages entiers.
Il en a résulté une absence de titres de propriété, notamment dans les zones rurales et montagneuses, engendrant un désordre foncier considérable qui, s’il peut exister dans d’autres régions, a atteint en Corse des proportions titanesques.
Comprenez bien, mes chers collègues, que la persistance de cette exception juridique a produit, au cours des siècles, non pas un avantage, mais bien une gangrène, caractérisée par un délabrement terrible du patrimoine immobilier et par l’impossibilité de disposer de ses biens, sans compter les abondants contentieux qu’elle alimente au sein des familles.
Et cela reste un handicap très lourd à l’heure où nous cherchons à revitaliser un monde rural qui se désertifie, où tant d’habitations tombent en ruine alors que nombre de personnes, souvent jeunes, voudraient s’y installer et y vivre.
Ce mal, conjugué aux problématiques de spéculation immobilière et de logement, nous oblige à rappeler le lien indéfectible des Corses à leur terre, mais aussi les tensions multiséculaires qu’il a fait naître : cette question touche en effet à ce lien viscéral, né d’une histoire féconde et souvent traumatique. Ce mal a vicié – le mot n’est pas trop fort – le rapport de la Corse avec l’ensemble français et entravé le bon développement de pans entiers de l’économie insulaire, ainsi que de parties considérables de notre territoire.
À cela, mes chers collègues, s’ajoutent les a priori tenaces, assortis de contre-vérités, que cette législation d’exception, pourtant délétère pour la Corse, a fait naître quant à une volonté de notre territoire d’échapper à l’impôt.
Face à tant d’incurie, face à une telle carence législative, il fallait trouver un remède pour résorber le désordre foncier, pour que ce mal générateur d’insécurité juridique cesse de nuire dramatiquement à notre territoire.
C’est bien tardivement, après la loi de finances pour 1999 et la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, et sous l’impulsion des élus corses, qu’un cadre exorbitant du droit commun fut conçu afin d’envisager, à terme, des perspectives de normalisation.
Tel est précisément l’enjeu de la loi de 2017, qui a permis la mise en place de mesures dérogatoires et transitoires pour une période de dix ans, de manière à accélérer la reconstitution des titres de propriété en vue d’un retour, à terme, au droit commun.
Sept ans après sa mise en œuvre, si les effets de cette loi laissent apparaître un bilan satisfaisant – 1 868 titres ont été créés, pour 15 000 parcelles – l’horizon d’achèvement des travaux de titrement semble encore lointain.
Ce constat ne suscite aucune surprise, car, face à l’ampleur de la tâche à accomplir, le groupe de travail « Lutter contre la pression foncière et la spéculation immobilière en Corse » préconisait, déjà en 2016, une dérogation courant jusqu’en 2037 pour aboutir à une situation saine.
Aussi sommes-nous en accord avec les objectifs de ce texte : s’il n’était pas voté, on briserait l’élan des efforts engagés depuis dix ans, laissant à l’abandon une grande partie du patrimoine des Corses.
Permettez-moi, pour autant, une réflexion sur la méthode.
Si les mesures adoptées en 2017 et prolongées par ce texte permettent, sous réserve d’un accord politique, de résorber lentement et péniblement l’effet de siècles d’ingérence, elles ne sauraient se faire à droit constant. Sur ce sujet, prorogation ne vaut pas politique structurelle. La proposition de loi qui nous est présentée, par sa nature dérogatoire, permet de soulever ce point capital, puisque – nous le savons tous – le spectre de l’inconstitutionnalité plane au-dessus de ces mesures.
Ce qui existait en 2017, malheureusement, continue d’exister aujourd’hui, mais l’accord politique qui prévalait alors et qui prévaudra – je le souhaite – aujourd’hui, n’est pas garant de l’accord de demain, mes chers collègues.
Nous demandons donc à sortir d’un système dérogatoire, non sécurisé constitutionnellement et, par définition, transitoire, au profit d’une situation pérenne qui stabiliserait l’architecture au plan civil, par l’octroi de compétences adaptées.
C’est précisément en raison du risque d’inconstitutionnalité qui pèse sur la résolution législative des problématiques spécifiques à notre île que l’inscription de la Corse dans la Constitution est nécessaire ; c’est sur ce point que se situe le débat, parce que nous ne sommes pas aujourd’hui en mesure, normativement, de maîtriser et de sécuriser le sujet.
La problématique qui nous est soumise ce jour en éclaire de surcroît une autre, bien plus importante à terme : la difficulté qu’auront les Corses à conserver leur patrimoine à la fin du régime transitoire, compte tenu de l’augmentation proportionnelle de l’impôt sur les successions, corollaire de l’augmentation des prix induite par la spéculation immobilière.
Aussi, mes chers collègues, avec mes collègues du groupe Union Centriste, je vous propose d’adopter ces dispositions qui contribueront à la mise en ordre du foncier dans l’île, tout en gardant à l’esprit que la Corse mérite, comme dans bien d’autres domaines, le solutionnement à droit constant de la question foncière. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi sert essentiellement à prolonger des mesures dérogatoires, de nature fiscale et civile, afin de résoudre les difficultés liées au désordre de propriété qui touche la Corse.
La situation de l’île de Beauté est particulière : de nombreux biens immobiliers ne disposent pas de titres de propriété, en raison d’une particularité héritée de l’ère napoléonienne, durant laquelle avaient été supprimées les sanctions en cas de manquement aux déclarations de succession. Durant deux siècles, nombre de transmissions de patrimoine n’ont pas été déclarées, conduisant à la situation de désordre cadastral que nous connaissons.
Cet état de fait pose des difficultés aux citoyens privés de titres de propriété, pour lesquels il est difficile, voire impossible, d’avoir recours à l’emprunt bancaire, mais ses conséquences vont bien au-delà.
Nous faisons depuis plusieurs années le constat d’une raréfaction et d’une complexification des ressources fiscales et financières des collectivités territoriales, faisant des finances locales un système imprévisible, illisible et inaccessible, notamment pour les élus des plus petites collectivités. La libre administration des collectivités est mise à mal par cette perte d’autonomie fiscale, d’autant que trois fiscalités locales ont disparu en quinze ans. Si, de surcroît, la non-mise à jour du cadastre empêche le recouvrement d’impôts locaux, nos collectivités insulaires se retrouvent extrêmement pénalisées dans leur autonomie fiscale.
Parlons d’autonomie, justement : depuis le 27 mars dernier, avec le vote de l’Assemblée de Corse, nous sommes sur le chemin d’un projet de loi constitutionnelle portant statut d’autonomie pour la Corse.
La résolution du problème du cadastre et du désordre de la propriété démontre, si besoin en était, la véritable nécessité d’un droit à la différenciation de nos territoires – un droit à la particularité, dirait notre collègue Paulu Santu Parigi.
Nous constatons donc la pertinence du grand projet à venir pour l’autonomie de la Corse, qui permettra une adaptation à ses spécificités ; nous nous réjouissons des débats à venir sur le contenu des nouvelles compétences, lesquelles seront d’ailleurs également nécessaires à la résolution du problème qui nous occupe ce soir, et pourraient être intégrées à un projet de loi organique.
Nous devons toutefois mentionner également le risque d’inconstitutionnalité du présent texte, que l’on ne peut ignorer. Conférer à la Corse un pouvoir normatif propre permettrait à sa collectivité d’adopter ses propres régimes légaux sans risquer une telle censure du Conseil constitutionnel. Notre groupe, vous le savez, est toujours en faveur d’une simplification passant par une différenciation locale.
Nous sommes tout autant des défenseurs de la construction des politiques publiques sur des faits et des évaluations. Avant de discuter de l’opportunité d’une mesure, nous apprécions d’en connaître les conséquences et les retours d’expérience.
Or cette proposition de loi vise essentiellement à proroger des mesures déjà en place. Si le besoin de résorption du désordre de propriété est un constat partagé, nous nous demandons si les moyens déjà mis en place ont fait l’objet d’une évaluation.
Nombreux sont ceux qui, aujourd’hui, se présentent comme des boussoles dans la gestion des finances publiques et justifient des niches fiscales pour certains, des aides pour d’autres ; pour notre part, nous nous interrogeons sur l’efficacité de certaines mesures et dépenses fiscales.
Quid de l’efficacité de celle-ci ? Là encore, le manque d’étude d’impact pèse sur la clarté et la sincérité de nos débats d’aujourd’hui, ce que je regrette profondément. Nous ne sommes pas les seuls à déplorer le manque d’évaluation de dispositions fiscales qui, semblables à celles que contient cette proposition de loi, sont déjà en place depuis des dizaines d’années.
La clarification du cadastre est essentielle si l’on veut avoir une bonne gestion du foncier, entretenir les zones naturelles d’exception, si nombreuses en Corse, et faire appliquer certaines réglementations environnementales. Le foncier corse a besoin d’être mieux pris en compte et d’être clarifié à des fins de protection.
Comme Paulu Santu Parigi l’a relevé, cette proposition de loi ne traite que d’une infime partie de la question foncière sur l’île – le désordre cadastral. Les problèmes nés de la pression foncière, de la spéculation et des difficultés d’accès au logement, aggravées par les locations saisonnières et les résidences secondaires, restent profonds et demeurent une inquiétude prégnante pour notre groupe, qui défend le droit de vivre au pays.
Mes chers collègues, nous saluons les avancées pour les citoyens et la sécurisation juridique de leurs biens, en particulier par la procédure de prescription acquisitive et la limitation des délais de recours. Je rappelle seulement que la prescription acquisitive établie par notaire requiert une possession continue, paisible et publique pendant trente ans. Pour autant, ce sujet aurait pris toute sa légitimité en aval des discussions sur l’autonomie de la Corse.
Nous sommes plus réservés sur l’opportunité de prolonger des mesures n’ayant pas fait l’objet de retours d’expérience.
Nous voterons toutefois ce texte, qui répond à l’objectif de résorption du désordre cadastral, dans l’attente du débat sur le projet de loi constitutionnelle, lequel apportera des solutions structurelles en accordant à la Corse – nous en formons le vœu – le pouvoir d’adopter des lois adaptées aux spécificités de l’île. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Bernard Buis applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de commencer mon propos en indiquant que notre groupe dérogera à son positionnement habituel en votant cette proposition de loi visant à prolonger un dispositif dérogatoire.
Si l’on ne prend pas en considération l’histoire de la Corse, sa réalité territoriale, ainsi que le rapport particulier qu’entretiennent ses habitants avec la terre et le droit de propriété, l’existence même de ce texte et les débats que nous avons ce soir peuvent sembler difficilement compréhensibles.
Il a été rappelé que la situation actuelle en Corse est l’héritage de plus de deux siècles d’application d’un arrêté qui aurait dû apporter des facilités, mais a plutôt abouti à une situation cadastrale et fiscale si complexe qu’elle entrave l’aménagement du territoire par les collectivités.
Peut-être la force de la République réside-t-elle dans sa capacité à s’adapter, à prendre en considération les spécificités territoriales et les réalités vécues par les populations afin de corriger les problèmes, d’adapter les règles et d’apporter des réponses appropriées à chaque situation.
Il faudra indéniablement du temps pour assainir définitivement la situation cadastrale ; il sera assurément nécessaire de renforcer et de rendre plus efficace encore l’action du Girtec afin d’accélérer, dans les années à venir, le travail déjà important accompli jusqu’à présent.
Nous sommes conscients que, dans les délais aujourd’hui impartis, aucune amélioration significative ne pourra être constatée. Il est donc impératif d’accepter cette prorogation temporaire du dispositif et d’assumer ainsi nos responsabilités parlementaires.
Le risque constitutionnel est réel, mais céder à l’immobilisme par crainte de ce risque ne saurait être le rôle des parlementaires que nous sommes : une meilleure connaissance du foncier permettra aux collectivités, en particulier aux communes et à la collectivité de Corse, de mieux aménager le territoire et de renforcer leurs moyens d’action.
Sans pour autant généraliser à partir de ce texte – tel n’est pas son objet – nous aurons assurément l’occasion, comme l’a annoncé le Gouvernement, de débattre d’un projet de loi constitutionnelle sur l’avenir de la Corse.
D’ici là, nous examinerons un projet de loi sur la question du logement, qui demeure, sur l’ensemble des territoires de la République, mais de manière aiguë en Corse, un enjeu crucial, notamment dans les villes littorales, les plus touristiques et les plus denses, mais aussi dans les terres et dans les zones montagneuses, confrontées aux problématiques de l’isolement et du départ des nouvelles générations. Cette situation invite à repenser la place des activités économiques et la politique du logement sur ce territoire. Il appartient à la collectivité territoriale de s’en saisir pleinement afin d’apporter des réponses à tous ceux qui habitent sur l’île et y travaillent, ainsi qu’à ceux qui souhaiteraient y rester pour y travailler, mais qui, faute de logement, sont contraints de la quitter.
De belles expériences ont été menées il y a quelques années, mais elles ont parfois été mises entre parenthèses depuis lors. Je suis convaincue qu’avec cette proposition de loi, mais aussi les dispositifs à venir, nous aurons les moyens de construire une politique du logement ambitieuse pour la population vivant en Corse. Nous voterons donc en faveur de ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici donc face à un texte formé d’un article unique, qui comporte deux volets. Le premier proroge, de 2027 à 2037, un dispositif facilitant le recours aux actes notariés de notoriété acquisitive sur le territoire corse ; le second proroge des exonérations fiscales incitant les particuliers à régler les questions successorales laissées en suspens depuis trop d’années.
Parce qu’elle reconduit un régime dérogatoire et crée des situations exceptionnelles, d’un point de vue tant territorial que temporel, cette proposition de loi devrait avoir quelque chose d’insatisfaisant. Une lecture froide et trop stricte de ce texte nous laisserait même avec une forme de pessimisme.
Pour autant, le droit n’est pas une chose froide et inerte, comme on le croit trop grossièrement ; nos lois sont toujours le fruit d’un contexte social et historique. Les quelques mois que j’ai déjà passés dans cet hémicycle n’ont cessé de me le rappeler.
Légiférer n’est pas une science mécanique, mais un travail d’anticipation, parfois plus ou moins adroit, qu’il faut adapter et toujours corriger en fonction des circonstances et de leurs spécificités.
Comme l’a exposé notre rapporteur, cette proposition de loi trouve son sens dans l’histoire corse. L’arrêté Miot de juin 1801 instituait le principe de l’absence de sanction du défaut de déclaration de succession, ce qui a conduit à une généralisation de cette manière de procéder, laissant comme seuls propriétaires reconnus des personnes aujourd’hui décédées.
Cette mesure est en grande partie responsable de la situation de désordre foncier dans laquelle se trouve actuellement la Corse, car elle a conduit, au fil des années, à accumuler des situations d’indivision complexes, liées à l’absence de titres de propriété.
Dès 2017, le Parlement a adopté des mesures visant à régler ces difficultés : la loi du 6 mars 2017 a consacré dans le code civil les actes de notoriété acquisitive issus de la pratique notariale permettant de constater que la possession d’un bien répond aux conditions de la prescription acquisitive.
Cette pratique a été ouverte pour dix ans, jusqu’en 2027. L’échéance se rapproche, et nous constatons qu’il reste beaucoup à faire. Notre rapporteur a dressé un état des lieux de la situation suffisamment explicite et convaincant.
Nous souscrivons donc à la prorogation proposée, en espérant que ces dix années supplémentaires de recours aux actes notariés de notoriété acquisitive, ainsi qu’aux dispositifs fiscaux, permettront d’arriver au bout de ce processus.
Au-delà de ce texte, d’autres difficultés se profilent : l’accès à la propriété, la pression foncière et l’accès au logement sur l’île, mais aussi des problématiques d’urbanisme et, partant, d’environnement. Si ces difficultés concernent l’ensemble de nos collectivités, l’insularité contribue à les exacerber.
Notre groupe y est particulièrement sensible.
Ainsi, Jacques Mézard avait déposé une proposition de loi visant à moderniser et faciliter la procédure d’expropriation de biens en état d’abandon manifeste, dont les dispositions ont été reprises dans la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS.
J’estime toutefois que de nombreuses autres difficultés, liées notamment aux indivisions, aux biens non délimités ou aux biens sans maître, méritent que l’on s’y penche. En milieu rural, en particulier, la multiplicité des propriétaires et les difficultés que l’on rencontre parfois à identifier ces derniers emportent un immobilisme financier.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe du RDSE, sensible aux problématiques corses soulevées par ce texte, votera cette proposition de loi à l’unanimité. (M. Jean-Jacques Panunzi applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est présentée a pour objet de reporter de 2027 à 2037 le terme des dispositifs transitoires institués par la loi du 6 mars 2017 visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de la propriété.
Ces dispositions, qui permettent le recours à la prescription acquisitive et la gestion des biens indivis à la majorité simple des indivisaires, mais appliquent également des exonérations fiscales avantageuses aux transmissions d’immeubles en Corse, devaient permettre de résoudre le désordre foncier qui y prévaut.
Héritée d’un arrêté de 1801 abolissant les sanctions pour défaut de déclaration de succession, cette situation grève, aujourd’hui encore, la sécurité juridique des individus et entrave le développement des collectivités territoriales, qui ne peuvent recouvrer l’impôt de manière satisfaisante.
La situation foncière de la Corse est certes tout à fait spécifique au regard du reste du territoire français hexagonal, monsieur le rapporteur, mais le parlementaire ultramarin que je suis peut vous assurer qu’une telle situation est d’une insupportable banalité dans nos territoires reculés.
J’ai eu l’immense honneur, au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, de coordonner la rédaction de trois rapports procédant à une évaluation inédite de la situation des droits fonciers dans l’ensemble des territoires ultramarins. Au cours de cette étude triennale commencée en 2015, nous avons observé que dans tous – je dis bien tous – les territoires d’outre-mer, la question foncière constitue l’un des verrous entravant le développement.
Les situations d’indivision, qui concernent 58 % des terres de Polynésie française, sont devenues inextricables. Elles résultent de dévolutions successorales non réglées, voire non ouvertes, sur plusieurs générations.
À l’instar du groupement d’intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété en Corse, le Girtec, des mécanismes novateurs ont été conçus pour venir à bout de ce problème majeur. Je pense aux agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des 50 pas géométriques. Ces outils de coopération entre l’État et les communes, instaurés aux Antilles en 1996 dans le cadre d’un vaste chantier de régularisation des occupations foncières, ont vu leur durée de vie prolongée plusieurs fois par le Parlement.
À Mayotte, la commission de l’urgence foncière, créée par le législateur en 2017, mais devenue opérationnelle en 2019, a pour objectif d’apporter une aide aux particuliers qui souhaitent s’engager dans une démarche de régularisation foncière en mettant en œuvre une procédure de titrement.
Je veux d’ailleurs saluer à cette occasion le travail remarquable réalisé par les treize personnes qui font fonctionner ce groupement d’intérêt, en dépit de sa situation actuelle de sous-effectif.
Je profite également du temps qui m’est accordé pour exprimer mon regret qu’un amendement que j’avais défendu lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement ait été rejeté. Cet amendement visait à proroger le régime dérogatoire relatif à la sortie de la division successorale issu de la loi du 27 décembre 2018, dite loi Letchimy. Compte tenu du stock de dossiers en attente, les notaires estimaient pourtant que le nouveau délai que je proposais d’accorder ne suffirait pas.
Je me suis permis cette très longue parenthèse ultramarine avec d’autant plus de liberté que certaines des dispositions de la proposition de loi que nous examinons, telles que l’exonération de 50 % des droits dus lors de la première mutation à titre gratuit d’un bien immobilier, concernent l’ensemble du territoire français.
Le présent texte contribue à rappeler à notre assemblée qu’à droit constant il est absolument impossible de résoudre ce désordre foncier. Aussi le groupe RDPI, que je représente à cette tribune, estime-t-il que les solutions dérogatoires ainsi prorogées, dans la mesure où elles sont temporaires, sont indispensables si l’on veut retrouver un jour le chemin du droit commun.
Toutefois – cette réflexion m’engage personnellement –, si la situation ne s’améliore pas sensiblement dans les prochaines années, il nous faudra réfléchir à d’autres voies innovantes d’incitation, de manière à encourager à la fois plus de propriétaires à se faire connaître et les pouvoirs locaux à les rechercher, de manière à réduire considérablement les délais aujourd’hui ridiculement longs pour disposer d’une situation saine.
En la matière, le législateur a démontré sa capacité à imaginer des dispositifs ad hoc pour dénouer des situations a priori inextricables.
Telle est la raison pour laquelle, tout en étant favorable à la prolongation du délai inscrite dans la présente proposition de loi, j’invite d’ores et déjà notre assemblée à réfléchir à la suite. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – Mme la secrétaire d’État applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Pierre-Alain Roiron. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité d’un travail de longue haleine mené depuis près de trois décennies par le législateur afin de soutenir le processus de titrement foncier.
Nous reconnaissons que la loi du 6 mars 2017, portée par Camille de Rocca Serra, revêtait un caractère transpartisan ; elle tentait, à juste titre, de répondre aux difficultés structurelles que connaissent non seulement la Corse, mais aussi – ne l’oublions pas – d’autres territoires tels que la Lozère ou les outre-mer. Pour des raisons socio-historiques et géographiques, ces territoires se trouvaient dans une situation cadastrale et foncière très dégradée, liée à l’absence de titres de propriété.
Au-delà de ses implications juridiques et administratives, le désordre foncier en Corse revêt une dimension éminemment politique, enracinée dans son histoire et exacerbée par le régime dérogatoire instauré par l’arrêté Miot du 10 juin 1801 ; ce régime a pris fin en 2009, laissant place à un régime fiscal transitoire.
Je tiens à remercier le rapporteur André Reichardt pour ses travaux éclairants sur ce sujet au demeurant très complexe.
En dépit des avancées réalisées depuis l’adoption des mesures dérogatoires en 2017, les centaines de milliers de parcelles – quelque 300 000 – toujours non attribuées attestent l’ampleur de la tâche qu’il reste à accomplir.
Si la proposition de loi de notre collègue Panunzi visant à proroger les dispositions transitoires jusqu’en 2037 prend acte de cette réalité, ses implications à long terme méritent d’être interrogées.
À ce jour, les conséquences de ce désordre sont nombreuses. Les personnes privées que sont les usufruitiers ne peuvent en effet jouir pleinement de leur droit de propriété, pourtant constitutionnellement garanti. La sortie des indivisions peut, de plus, se révéler très coûteuse.
Sur l’ensemble de l’île, l’accumulation des successions non réglées entraîne la détérioration des terres et des propriétés, faute d’entretien, tout en provoquant une diminution du nombre de biens immobiliers disponibles et, partant, une augmentation des prix.
La personne publique ne peut quant à elle recouvrer l’impôt de manière satisfaisante. Le problème se pose aujourd’hui pour la taxe foncière ; cette situation limite, de fait, les moyens que les collectivités peuvent allouer à l’entretien de leur territoire.
La rareté des actes de propriété conduit enfin à un immobilisme du système économique local.
Des réponses ont déjà été apportées, notamment l’octroi d’incitations fiscales non négligeables : exonération portée à 50 % des droits de mutation à titre gratuit lors de la première mutation postérieure à la reconstitution d’un titre de propriété, exonération partielle des droits de succession et exonération temporaire des droits de passage sur les actes de partage de succession, à hauteur de deux fois et demie la valeur du bien.
Nous comprenons que le travail de reconstitution des titres est encore loin d’être accompli et qu’il serait illusoire d’espérer une normalisation de la situation d’ici au 31 décembre 2027, échéance actuellement prévue pour les dispositions de la loi de 2017.
Les réalités s’imposant aux normes, il convient d’avancer ensemble vers un objectif pragmatique. La présente proposition de loi répond à cette préoccupation.
Je note toutefois que, en 2017 déjà, la commission des finances, saisie pour avis, avait identifié certaines difficultés sur les trois articles fiscaux du texte dont nous envisageons de proroger certaines dispositions. La commission des finances s’était en particulier interrogée sur leur durée, fixée à dix ans, quand il est d’usage de ne reconduire les dépenses fiscales que pour trois ans.
Le rapporteur du texte de 2017 s’interrogeait déjà sur la constitutionnalité de l’article prorogeant de dix ans le régime dérogatoire d’exonération partielle, à hauteur de 50 %, des droits de succession pour les biens immobiliers situés en Corse.
Enfin, nous savons bien qu’à deux reprises, en 2012 et en 2013, le Conseil constitutionnel a censuré des mesures d’exonération des droits de succession sur les immeubles situés en Corse, estimant que le maintien de ce régime fiscal dérogatoire méconnaissait le principe d’égalité devant la loi et les charges publiques.
Si le Conseil constitutionnel n’a jamais été saisi des dispositions de la loi du 6 mars 2017, il n’en importe pas moins de considérer attentivement les raisonnements constitutionnels passés.
Au-delà de ces observations d’ordre juridique, il me paraît essentiel d’avoir conscience que ces dispositions ne pourront pas être prorogées à l’infini, pour des raisons budgétaires évidentes, mais également par principe, car les prorogations successives des mécanismes d’incitation fiscale finissent par priver ces derniers de leur attractivité.
Dans cette optique, la question du financement par l’État du Girtec constitue une préoccupation majeure au regard de l’état des finances de notre pays. S’agissant d’un engagement de l’État, il serait toutefois malvenu que cette charge incombe à terme à la collectivité de Corse. Nous aurons certainement l’occasion d’évoquer cette question lors des discussions budgétaires de l’automne prochain.
J’estime pour ma part qu’un appui financier stable à cet organisme est indispensable si nous voulons, non pas simplement différer l’action nécessaire, mais concrétiser notre engagement en faveur de l’amélioration continue du cadastre et de la résolution des litiges fonciers en Corse.
Nous savons tous que proroger, ce n’est que retarder, mes chers collègues. Et retarder, c’est souvent ne pas faire face à nos responsabilités collectives, celles qui nous imposent de servir l’intérêt général de nos territoires.
Au regard des progrès soulignés par le Girtec et devant l’ampleur du travail qui reste à accomplir, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDSE et RDPI. – M. Gilbert Favreau applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Masset applaudit également.)
M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai l’honneur de m’exprimer en dernier, alors que beaucoup de choses ont déjà été dites par des collègues qui connaissent bien la Corse. Pour ma part, je dois reconnaître qu’il y a quelque distance des Ardennes à la Corse, et que je n’ai jamais eu le plaisir de me rendre dans cette île, pas même pour inspecter ses voies ferrées ! (Sourires.) Je connais toutefois de nombreux Ardennais qui aiment la Corse, et j’espère que je pourrai m’y rendre, peut-être lorsque, ne siégeant plus au sein de notre assemblée, j’aurai un peu plus de temps à consacrer aux voyages… (Exclamations amusées sur de nombreuses travées.)
En tout état de cause, et bien que je sois sénateur depuis 2007, sachez que c’est la première fois que j’interviens sur ce sujet.
Je félicite et remercie l’auteur de cette proposition de loi, Jean-Jacques Panunzi.
Le cadastre est complexe, et il nous faut reconnaître modestement que nous en apprenons tous les jours, mes chers collègues. Dans nos départements et nos territoires respectifs, il est des biens dont nous ne connaissons pas le propriétaire. En tant que maire d’un village, c’est une difficulté à laquelle j’ai été confronté.
Comme l’auteur de la proposition de loi l’a indiqué, la Corse compte environ 300 000 parcelles non titrées, sur un total de 1 million de parcelles.
Je remercie également notre rapporteur, André Reichardt, qui a fait œuvre de pédagogie.
Comme les précédents orateurs l’ont rappelé, la présente proposition de loi vise à proroger pour dix ans, soit jusqu’au 31 décembre 2037, les dispositions de la loi du 6 mars 2017.
Si une telle démarche va assurément dans le bon sens, j’estime qu’il convient également de mobiliser les moyens humains nécessaires, notamment pour les centres des finances publiques qui gèrent le cadastre et le morcellement des parcelles. En dépit des avancées qui sont intervenues depuis l’époque où les documents n’existaient que sous forme physique, ces services de l’État méritent notre respect.
Pour l’île de Beauté et ses superbes paysages, tant maritimes que montagneux, les enjeux sont bien sûr touristiques, mais pas seulement. La situation actuelle emporte des inquiétudes liées à l’insécurité juridique, à l’accroissement du nombre de conflits familiaux, ou encore au manque d’entretien des parcelles, sans parler du manque à gagner pour les collectivités locales, qui, selon vos estimations, madame la secrétaire d’État, pourrait s’élever à 20 millions d’euros au titre de la seule taxe foncière. Si la commission des lois est compétente sur le fond, ce texte, comme bien d’autres, comporte indéniablement un volet financier.
La méconnaissance d’un grand nombre de propriétaires a donc de lourdes conséquences.
La tâche, immense, demandera du temps et des moyens humains, aussi bien dans les services de l’État qui, j’y insiste, doivent être dotés des effectifs suffisants, que pour les partenaires que sont notamment les notaires et les géomètres.
Comme tous les membres du groupe Les Républicains, je voterai donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur toutes les travées. – Mme la secrétaire d’État applaudit également.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à proroger la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 relative à l’assainissement cadastral et à la résorption du désordre de la propriété
Article unique
I. – À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 1er de la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de la propriété, l’année : « 2027 » est remplacée par l’année « 2037 ».
II. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° À l’article 750 bis B, l’année : « 2027 » est remplacée par l’année : « 2037 » ;
2° Au premier alinéa du 8° du 2 de l’article 793, l’année : « 2027 » est remplacée par l’année : « 2037 » ;
3° Le I de l’article 1135 bis est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, l’année : « 2027 » est remplacée par l’année : « 2037 » ;
b) Au dernier alinéa, l’année : « 2028 » est remplacée par l’année : « 2038 ».
III. – La perte de recettes résultant pour l’État de la présente loi est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à proroger la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 relative à l’assainissement cadastral et à la résorption du désordre de la propriété.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 173 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 341 |
Le Sénat a adopté à l’unanimité. (Vifs applaudissements sur toutes les travées.)
8
Gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ; modification de la loi organique n° 2010-837
Adoption définitive des conclusions de commissions mixtes paritaires sur un projet de loi et un projet de loi organique
Mme la présidente. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle l’examen des conclusions des commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire (texte de la commission n° 505, rapport n° 504) et du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (texte de la commission n° 506, rapport n° 504).
La conférence des présidents a décidé que ces textes feraient l’objet d’explications de vote communes.
La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Pascal Martin, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux mois après l’examen de ces textes en séance publique, je suis heureux de vous retrouver pour la lecture des conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre aux défis de la relance de la filière nucléaire et sur le projet de loi organique qui lui est associé.
Je souhaite tout d’abord saluer la qualité et la fluidité des échanges que j’ai eus avec le député Jean-Luc Fugit, rapporteur pour l’Assemblée nationale des commissions mixtes paritaires. Lors de leurs travaux, nous avons réussi à surmonter nos points de désaccord en faisant tous deux des concessions, au bénéfice de notre objectif commun : maintenir notre sûreté nucléaire au niveau d’exigence le plus élevé possible en l’adaptant aux enjeux de notre décennie et des décennies à venir.
Le projet de réforme qui nous a été soumis modernise notre système de sûreté nucléaire pour faire face au défi sans précédent que constitue la relance du nucléaire en France, défi auquel la gouvernance de la sûreté doit, elle aussi, s’adapter.
Le projet initial présentait cependant des risques qui nous ont conduits à ajuster le texte présenté par le Gouvernement.
Je me réjouis de constater qu’une grande partie des ajustements apportés au texte par le Sénat, notamment sur mon initiative et sur celle du rapporteur pour avis Patrick Chaize, que je remercie, ont été conservés dans le texte issu de la commission mixte paritaire.
Le premier risque tenait à la distinction insuffisamment marquée entre expertise et décision.
Cette question – vous le savez, mes chers collègues – est au cœur de la qualité et de la crédibilité du système de sûreté. Une séparation insuffisante risquerait en effet de placer l’expertise sous l’influence de la décision ou, inversement, de placer la décision sous l’influence de l’expertise ; à l’inverse, une séparation trop stricte, concrétisée par des pôles d’expertise et de décision distincts, reviendrait à recréer au sein de la nouvelle Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) la distinction entre les deux institutions actuelles. Nous perdrions alors les bénéfices de la réforme.
Le texte que nous examinons aujourd’hui évite ces deux écueils. Il traduit la distinction entre expertise et décision de manière concrète dans l’organisation des instructions, en rétablissant la volonté sénatoriale de consacrer une distinction entre le personnel chargé de l’expertise et celui chargé de la décision pour un dossier donné.
Il assure la confrontation des doutes indispensable à la sûreté nucléaire, en garantissant que, pour chaque instruction, l’expert est distinct du décideur tout en évitant de créer une muraille de Chine au sein de l’ASNR, en prévoyant bien que l’expert et le décideur interagissent et que les rôles ne sont pas figés, un expert sur un dossier donné pouvant être un décideur sur un autre dossier, et inversement.
Le deuxième risque présent dans le texte initial consistait en un possible recul en matière de transparence.
La crédibilité et l’acceptabilité de la relance du nucléaire reposent sur cette exigence de transparence. Je me réjouis de constater que le texte adopté en commission mixte paritaire conserve les apports du Sénat relatifs, notamment, à la publication des résultats d’expertise, ainsi qu’aux avis des groupes permanents d’experts.
L’inscription dans ce texte, sur l’initiative de l’Assemblée nationale, de la publication concomitante des résultats d’expertise et des décisions paraît opportune.
M. Stéphane Piednoir. Très bien !
M. Pascal Martin, rapporteur. Le texte que nous examinons prévoit toutefois que l’ASNR pourra faire exception à cette règle générale, notamment au regard de la nature des dossiers concernés ou pour favoriser la participation du public.
Le troisième risque avait trait au maintien des activités de recherche.
L’ASNR devra poursuivre la collaboration engagée par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avec les industriels du secteur nucléaire, celle-ci étant indispensable à la recherche en sûreté nucléaire.
L’Autorité étant par ailleurs chargée de contrôler ces exploitants, ce ne sera pas chose évidente. Pour prévenir les conflits d’intérêts et ainsi préserver les capacités de recherche, le Sénat a proposé la création d’une commission d’éthique et de déontologie. Je me félicite du maintien de cette commission dans le texte final, moyennant une modification de son champ d’action.
Enfin, le quatrième risque du texte initial était relatif à l’association du Parlement et de la société civile.
Comme nous l’avions proposé, le projet de règlement intérieur de la future ASNR et les projets de modification seront présentés à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), qui dispose d’une expertise reconnue dans le domaine de la sûreté nucléaire, afin de garantir que la lettre du règlement sera bien conforme à l’intention du législateur.
En définitive, ce texte illustre la capacité de nos assemblées à parvenir à un accord dans l’intérêt commun pour adapter la sûreté nucléaire aux défis de notre siècle, tout en préservant la transparence et la crédibilité de notre système. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le processus parlementaire qui trouve son aboutissement ce soir permettra, je l’espère, la relance rapide du processus organisationnel de grande ampleur qui a vocation à accompagner la relance de la filière nucléaire.
Vous voici réunis pour voter les conclusions des travaux des commissions mixtes paritaires sur ces deux textes, que Christophe Béchu avait défendu devant vous en première lecture, il y a deux mois ; je suis venu dans cet hémicycle prendre son relais, car c’est ensuite à votre serviteur qu’il a incombé de convaincre l’Assemblée nationale. La tâche y a d’ailleurs été un peu plus laborieuse qu’au Sénat, sans que je sache si cela est dû à la qualité du ministre ou à celle de la chambre – je ne me permettrai pas de me prononcer… (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, je tiens sincèrement à remercier de leurs travaux les quatre rapporteurs, MM. Jean-Luc Fugit et Antoine Armand, à l’Assemblée nationale, et MM. Pascal Martin et Patrick Chaize, ici même, ainsi que l’ensemble des membres de la commission mixte paritaire et ceux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, dont les travaux ont nourri la réflexion des parlementaires et ont été très largement commentés au Sénat comme à l’Assemblée nationale. Je veux à cette occasion saluer son président, M. Piednoir, ainsi que ceux des commissions saisies de ces textes, M. Longeot et Mme Estrosi Sassone, et les remercier, ainsi que l’ensemble des parlementaires qui ont travaillé sur ces textes.
Au cœur du projet de loi qui vous est soumis, il y a une ambition : permettre à nos talents, qui sont aujourd’hui répartis dans deux entités distinctes, connues et reconnues, de se regrouper au sein d’une institution unique, qui sera tout aussi connue et reconnue, et de s’y concentrer sur les enjeux prioritaires de sûreté et sur les questions critiques pour le calendrier des projets nucléaires, sans nullement amoindrir pour autant nos exigences en matière de sûreté.
Le texte a donc deux objets principaux, la création d’une autorité unique de sûreté nucléaire et de radioprotection et l’adaptation des règles de la commande publique aux projets nucléaires.
Les deux chambres ont procédé à des ajouts intéressants lors de l’examen du texte, pour l’enrichir et le préciser, que ce soit en clarifiant la portée de la distinction entre l’expertise et la décision, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, en consacrant les groupes permanents d’experts, en prévoyant la publication des résultats d’expertise concomitamment aux décisions, ou encore en dotant la future autorité d’une commission d’éthique et de déontologie.
Ce travail s’est poursuivi, la semaine dernière, en commission mixte paritaire et le texte comporte désormais d’autres ajouts utiles, notamment en ce qui concerne le règlement intérieur de la future autorité, qui est très encadré.
Ainsi, la place du règlement intérieur dans l’articulation entre l’expertise et la décision a été renforcée, en évitant toutefois – vous l’avez également dit, monsieur le rapporteur – de rigidifier la structure à l’excès. C’est important, car nous devons tirer le meilleur bénéfice possible des gains d’efficacité.
De plus, la commission mixte paritaire a permis de définir des lignes directrices concernant les exceptions apportées au principe de publication concomitante des résultats d’expertise et des décisions auxquelles ils se rapportent : la publication des résultats d’expertise pourra se faire avant la décision pour les instructions particulièrement longues et, parfois, après la décision dans le cas d’instructions particulièrement courtes.
Enfin, il a été prévu que le règlement intérieur serait présenté à l’Opecst.
Le Parlement a ainsi mené un travail constructif pour façonner, au travers de ce texte, l’organisation de la future autorité. Toutefois, je vous le répète, le processus ne fait que commencer. Je me suis engagé, comme Christophe Béchu l’avait fait auprès de vous, à suivre de très près la mise en œuvre de la réforme et à nommer rapidement un préfigurateur qui nous permettra de reprendre le travail opérationnel de rapprochement.
Vous examinez donc un compromis parlementaire, un texte issu des deux chambres, qui ont réussi à se mettre d’accord sur les enjeux majeurs de demain. Bien évidemment, j’espère que les parlementaires ici réunis voteront ce texte, qui est le fruit d’un consensus réfléchi et abouti entre députés et sénateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion des textes élaborés par les commissions mixtes paritaires sur le projet de loi et le projet de loi organique.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale les textes élaborés par les commissions mixtes paritaires, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble de chacun de ces textes.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi.
projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire
TITRE Ier
L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE RADIOPROTECTION
Chapitre Ier
Missions et fonctionnement de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection
Section 1
Dispositions modifiant le code de l’environnement
Article 1er
Le titre IX du livre V du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l’article L. 591-1 est complété par les mots : « et, plus généralement, de protéger la santé humaine ainsi que l’environnement » ;
2° À la fin de l’intitulé du chapitre II, les mots : « l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire » sont remplacés par les mots : « de radioprotection » ;
3° L’intitulé de la section 1 du même chapitre II est ainsi rédigé : « Missions de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection » ;
3° bis (Supprimé)
4° Le second alinéa de l’article L. 592-1 est remplacé par sept alinéas ainsi rédigés :
« Elle assure une mission générale d’expertise, de recherche et de formation dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.
« En relation avec des organismes publics ou privés, français ou étrangers, elle contribue, par ses travaux d’analyse, de mesurage et de dosage ainsi que par ses activités d’expertise, de recherche et de formation, au maintien d’un haut niveau de compétences en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection et concourt à l’amélioration constante des connaissances scientifiques et techniques dans ces domaines.
« Elle assure une veille permanente en matière de radioprotection sur le territoire national.
« Elle contribue à la surveillance radiologique de l’environnement et des personnes exposées aux rayonnements ionisants ainsi qu’au recueil et à l’analyse de données dosimétriques concernant la population générale, les travailleurs et les patients, y compris en cas d’accident nucléaire.
« Elle contribue aux travaux et à l’information du Parlement, dont l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.
« Elle participe, dans ses domaines de compétence, à l’information du public et à la mise en œuvre de la transparence.
« Elle contribue au développement d’une culture de radioprotection chez les citoyens. » ;
5° L’intitulé de la section 2 du chapitre II est ainsi rédigé : « Collège de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ».
Article 2
La section 3 du chapitre II du titre IX du livre V du code de l’environnement est ainsi modifiée :
1° A L’intitulé est complété par les mots : « et de radioprotection » ;
1° L’article L. 592-13 est ainsi rédigé :
« Art. L. 592-13. – Les attributions de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection sont exercées par le collège, hormis celles expressément confiées au président ou à la commission des sanctions.
« Le règlement intérieur de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection prévoit les conditions dans lesquelles le collège peut donner délégation de pouvoirs à son président ou, en son absence, à un autre membre du collège ou à un membre des services de l’autorité ainsi que celles dans lesquelles le président peut déléguer sa signature à des membres des services de l’autorité. Toutefois, ni les avis mentionnés à l’article L. 592-25 ni les décisions à caractère réglementaire ne peuvent faire l’objet d’une délégation. » ;
2° Après le même article L. 592-13, sont insérés des articles L. 592-13-1 à L. 592-13-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 592-13-1. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection définit, dans son règlement intérieur, les règles nécessaires à la mise en œuvre des articles 12 à 14 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, y compris en ce qui concerne les activités d’expertise et de recherche, afin de prévenir les conflits d’intérêts.
« Lorsque l’instruction recourt à une expertise réalisée par ses services, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection opère une distinction entre, d’une part, la personne responsable de l’expertise et, d’autre part, la personne responsable de la décision ou de la proposition de décision au collège. Le règlement intérieur précise les modalités de distinction et d’interaction entre ces personnes.
« Lorsque l’instruction recourt à une expertise réalisée par les services de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, le règlement intérieur définit les règles de distinction et d’interaction, pour une instruction donnée, entre les personnels chargés des activités d’expertise et les personnels chargés de la décision ou de la proposition de décision au collège.
« Art. L. 592-13-2. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection met en place une commission d’éthique et de déontologie qui est saisie, dans des conditions déterminées par le règlement intérieur, des questions relevant des articles 13 et 14 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.
« Art. L. 592-13-3. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection s’appuie en tant que de besoin sur des groupes permanents d’experts, nommés en raison de leurs compétences. Le règlement intérieur définit les modalités de nomination de ces experts, les règles propres à assurer la diversité de l’expertise et à prévenir les conflits d’intérêts, ainsi que les règles déontologiques prévues à l’article 13 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. » ;
3° L’article L. 592-14 est ainsi rédigé :
« Art. L. 592-14. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection publie les résultats des expertises réalisées dans le cadre de ses instructions ainsi que les avis des groupes permanents d’experts prévus à l’article L. 592-13-3. Le règlement intérieur définit les règles et les modalités de publication de ces résultats et de ces avis. Ces résultats sont publiés de manière concomitante aux décisions auxquelles ils se rapportent, sauf pour les décisions pour lesquelles l’autorité en décide autrement, notamment au regard de la nature des dossiers concernés ou pour favoriser la participation du public, dans des conditions précisées par le règlement intérieur.
« Les avis rendus dans le cadre prévu à l’article L. 592-29 sont rendus publics dans des conditions définies par l’autorité de saisine.
« L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection organise la publicité, sous réserve des secrets protégés par la loi, des données scientifiques résultant des programmes de recherche dont elle prend l’initiative. » ;
4° L’article L. 592-16 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut déléguer ce pouvoir à un membre des services de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection dans les conditions définies par le règlement intérieur. »
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Article 2 ter
(Supprimé)
Article 3
Le chapitre II du titre IX du livre V du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 592-14, sont insérés des articles L. 592-14-1 à L. 592-14-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 592-14-1. – Dans le cadre de ses attributions, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection est autorisée à exercer des activités nucléaires, à l’exclusion de celles soumises au régime des installations nucléaires de base défini à l’article L. 593-1.
« Art. L. 592-14-2. – I. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection peut :
« 1° Dispenser des formations, délivrer des attestations, des habilitations, des qualifications ou des certifications professionnelles et exercer les missions dévolues aux organismes certificateurs mentionnés à l’article L. 6113-2 du code du travail ;
« 2° Délivrer des agréments, des attestations, des habilitations ou des certificats justifiant la capacité de leurs titulaires à exercer des activités dans un domaine d’intervention spécialisé relevant de ses domaines de compétence ;
« 3° Exercer, dans ses domaines de compétence, des missions confiées à des organismes certifiés ou accrédités ou à des organismes notifiés à la Commission européenne chargés de mettre en œuvre des procédures d’évaluation de la conformité ou de réaliser les opérations de contrôle de la conformité des équipements de travail et des équipements de protection individuelle ;
« 4° Assurer la gestion, dans le cadre de l’exercice de ses missions, de traitements de données d’intérêt public pouvant comprendre des données à caractère personnel et de santé ;
« 5° Mettre à disposition, dans ses domaines de compétence, des moyens techniques de recherche ou apporter une assistance opérationnelle en radioprotection.
« II. – Les interventions des services de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection dans les activités énumérées au I du présent article peuvent donner lieu à des rémunérations pour services rendus. L’autorité définit dans son règlement intérieur les règles de déontologie qui leur sont applicables.
« Art. L. 592-14-3. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection peut bénéficier, pour la réalisation de ses expertises, de l’appui technique des services de l’État et de ses établissements publics compétents. » ;
2° L’article L. 592-15 est ainsi rétabli :
« Art. L. 592-15. – Pour l’application du code de la recherche, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection est assimilée aux établissements publics mentionnés à l’article L. 112-6 du même code, dans la mesure où les dispositions dudit code ne sont pas contraires à celles du présent chapitre.
« Les articles L. 412-3, L. 412-4 et L. 431-4 à L. 431-6 du code de la recherche sont applicables à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection. » ;
3° La section 4 est ainsi modifiée :
a) L’intitulé est complété par les mots : « et de radioprotection » ;
b) L’intitulé de la sous-section 1 est ainsi rédigé : « Attributions en matière de contrôle et d’expertise » ;
c) L’article L. 592-24 est remplacé par des articles L. 592-24 à L. 592-24-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 592-24. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection assure, en lien avec le ministère du travail, la gestion et l’exploitation des données résultant des mesures de l’exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants.
« Art. L. 592-24-1. – Le personnel, les collaborateurs occasionnels et les cocontractants de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection sont tenus, sous peine des sanctions prévues à l’article 226-13 du code pénal, de ne pas divulguer les informations nominatives liées aux données dosimétriques individuelles auxquelles ils ont accès.
« Art. L. 592-24-2. – Lorsque l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection exerce sa mission d’expertise d’une situation d’exposition potentielle ou avérée aux rayonnements ionisants, ses personnels accèdent, dans des conditions préservant la confidentialité des données à l’égard des tiers, aux informations détenues par les personnes physiques ou morales qui leur sont strictement nécessaires, sans que puisse leur être opposé le secret médical ou le secret des affaires.
« Ces personnels sont habilités à cet effet par l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.
« Art. L. 592-24-3. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection gère l’inventaire des sources de rayonnements ionisants et en assure l’accès aux agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés à l’article L. 8112-1 du code du travail ainsi qu’aux inspecteurs de la radioprotection mentionnés à l’article L. 1333-29 du code de la santé publique.
« Art. L. 592-24-4. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection apporte son appui technique au Gouvernement et aux autorités publiques dans ses domaines de compétence.
« Elle apporte son appui technique aux services de santé de prévention et de santé au travail et aux employeurs concernés. » ;
d) L’intitulé de la sous-section 2 est ainsi rédigé : « Attributions consultatives » ;
e) Est insérée une sous-section 3 intitulée : « Attributions en matière de coopération internationale » et comprenant les articles L. 592-28 et L. 592-28-1 ;
f) L’article L. 592-28 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle participe, notamment par ses activités de recherche, aux travaux internationaux dans ses domaines de compétence. » ;
g) Après la sous-section 3, telle qu’elle résulte du e du présent 3°, est insérée une sous-section 4 ainsi rédigée :
« Sous-section 4
« Attributions en matière de recherche
« Art. L. 592-28-2. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection suit les travaux de recherche et de développement menés, aux niveaux national et international, en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.
« Elle formule des propositions ou des recommandations sur les besoins de recherche pour la sûreté nucléaire et la radioprotection. Ces propositions et ces recommandations sont communiquées aux ministres et aux organismes publics exerçant les missions de recherche concernées, afin qu’elles soient prises en compte dans les orientations et la définition des programmes de recherche et de développement d’intérêt pour la sûreté nucléaire ou la radioprotection.
« L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection définit des programmes de recherche menés en son sein ou confiés à d’autres organismes de recherche, français ou étrangers, en vue de maintenir et de développer les connaissances et les compétences nécessaires à l’accomplissement de ses missions dans ses domaines de compétence. Elle contribue à la protection et à la valorisation des résultats de ses programmes de recherche.
« Elle présente chaque année ces programmes de recherche à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
« Art. L. 592-28-3. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection met en place, dans des conditions définies par son règlement intérieur, un conseil scientifique. Ce conseil est consulté sur la stratégie scientifique de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ainsi que sur toute autre question relative à la recherche en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Il évalue la pertinence des programmes de recherche que définit l’autorité, en effectue un suivi et évalue leurs résultats. Il peut formuler toute recommandation sur l’orientation des activités de recherche de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.
« Les membres de ce conseil sont nommés en raison de leurs compétences scientifiques et techniques. Le règlement intérieur définit les modalités de leur nomination, notamment de façon à assurer la diversité de leurs domaines de compétences et à prévenir les conflits d’intérêts.
« Les membres du conseil scientifique ne sont pas rémunérés. »
Article 4
La section 4 du chapitre II du titre IX du livre V du code de l’environnement est ainsi modifiée :
1° Est insérée une sous-section 5 intitulée : « Attributions en matière de transparence et d’information » et comprenant les articles L. 592-29 à L. 592-31 ;
2° Après l’article L. 592-29, il est inséré un article L. 592-29-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 592-29-1. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection présente à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, en lien avec les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi qu’au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, qui peut émettre un avis, les sujets sur lesquels une association du public est organisée ainsi que les modalités de sa mise en œuvre et leur en rend compte.
« Elle communique la nature et les principaux résultats des programmes de recherche qu’elle mène aux autorités concernées ainsi qu’à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, au Haut Conseil de la santé publique et au Conseil d’orientation des conditions de travail, selon leurs domaines de compétence respectifs.
« Le projet de décision d’adoption du règlement intérieur de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection est présenté par cette dernière à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
« Le projet de décision de modification du même règlement intérieur est transmis à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. »
Article 4 bis
Le I de l’article L. 542-3 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques peut demander à la commission de lui présenter une expertise sur un sujet relevant de son domaine de compétence. » ;
2° Au début du 1°, le mot : « Six » est remplacé par le mot : « Huit ».
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Section 2
Dispositions transitoires
Article 5
I. – Les biens, les droits et les obligations de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, autres que ceux qui sont mentionnés aux articles 7 et 8, sont transférés à l’État et au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives ou à la filiale mentionnée au II de l’article 7, en tenant compte de la répartition des attributions prévue par la présente loi. Ce transfert est réalisé à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d’aucune indemnité, ni d’aucun droit, taxe ou contribution prévue à l’article 879 du code général des impôts. Un décret en Conseil d’État en précise les modalités.
II. – Le mandat de chaque membre du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire n’est pas interrompu du fait de l’entrée en vigueur de la présente loi. Les membres du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire exercent jusqu’au terme de leur mandat les fonctions de membre du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.
Chapitre II
Ressources humaines
Section 1
Dispositions modifiant le code de l’environnement
Article 6
L’article L. 592-12 du code de l’environnement est remplacé par des articles L. 592-12 à L. 592-12-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 592-12. – Le personnel de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection comprend :
« 1° Des fonctionnaires ;
« 2° Des agents contractuels de droit public ;
« 3° Des salariés de droit privé.
« Le personnel de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection de nationalité étrangère ou apatride ne peut être recruté pour pourvoir des emplois dont les attributions soit ne sont pas séparables de l’exercice de la souveraineté, soit comportent une participation directe ou indirecte à l’exercice de prérogatives de puissance publique.
« Les conditions d’emploi des salariés sont régies par le code du travail, sous réserve des dispositions de la présente section et des adaptations prévues par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 592-12-1. – I. – Un comité social d’administration, compétent pour l’ensemble du personnel de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, exerce les compétences des comités sociaux d’administration prévues à la section 1 du chapitre III du titre V du livre II du code général de la fonction publique ainsi que les compétences des comités sociaux et économiques prévues au chapitre II du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail, sous réserve des adaptations prévues par décret en Conseil d’État.
« Le comité social d’administration est composé du président de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ou de son représentant, qui le préside, de représentants de l’administration et de représentants du personnel. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsque le comité est consulté.
« Les représentants du personnel siégeant au comité social d’administration sont élus par les collèges des agents publics et des salariés, au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
« Les candidatures sont présentées par les organisations syndicales qui remplissent les conditions suivantes :
« 1° Pour le collège des agents publics, celles prévues aux articles L. 211-1 et L. 211-2 du code général de la fonction publique ;
« 2° Pour le collège des salariés, celles prévues à l’article L. 2314-5 du code du travail.
« La composition de la représentation du personnel au comité social d’administration est fixée par décret en Conseil d’État de façon à permettre la représentation de chaque collège, en tenant compte des effectifs, d’une part, des agents publics mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 592-12 du présent code et, d’autre part, des salariés mentionnés au 3° du même article L. 592-12.
« II. – Au sein du comité social d’administration :
« 1° La commission des agents publics exerce les attributions mentionnées aux 3° à 5° de l’article L. 253-1 du code général de la fonction publique lorsqu’elles concernent, de manière exclusive, les fonctionnaires et les agents contractuels de droit public ;
« 2° La commission des salariés exerce les attributions mentionnées à l’article L. 2312-5 du code du travail, à l’exception des troisième et avant-dernier alinéas du même article L. 2312-5, ainsi qu’aux articles L. 2315-49 et L. 2315-56 du même code, lorsqu’elles concernent de manière exclusive les personnels de droit privé. Ces attributions sont exercées par la commission des salariés au profit des personnes et dans les conditions mentionnées à l’article L. 2312-6 dudit code ;
« 3° La formation plénière examine les questions relatives aux attributions mentionnées aux 1° et 2° du présent II qui intéressent la situation de l’ensemble des personnels et exerce les autres compétences mentionnées au I, à l’exception de celles qui sont mentionnées au III.
« La composition des commissions et de la formation plénière, les modalités de désignation des représentants du personnel qui y siègent, leur fonctionnement et les moyens qui leur sont attribués sont définis par décret en Conseil d’État.
« III. – Au sein du comité social d’administration, une formation spécialisée chargée des questions de santé, de sécurité et des conditions de travail exerce, pour l’ensemble des personnels, les attributions mentionnées à l’article L. 253-2 du code général de la fonction publique ainsi qu’aux articles L. 2312-59 et L. 2312-60 et aux livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail.
« Les représentants du personnel siégeant au sein de cette formation spécialisée sont désignés dans les conditions prévues à l’article L. 252-5 du code général de la fonction publique. Son fonctionnement et les moyens qui lui sont attribués sont fixés par décret en Conseil d’État.
« Des formations locales en matière de santé, sécurité et conditions de travail compétentes pour l’ensemble des personnels peuvent être instituées lorsque des risques professionnels particuliers le justifient. Les représentants du personnel y sont désignés par les organisations syndicales représentées au sein du comité social d’administration. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent alinéa.
« IV. – Le premier alinéa de l’article L. 2315-23 du code du travail est applicable au comité social d’administration. Il gère son budget de fonctionnement et le budget des activités sociales et culturelles de l’ensemble du personnel.
« Le fonctionnement et les moyens du comité, ainsi que les ressources destinées à financer les activités mentionnées au premier alinéa du présent IV sont fixés par décret en Conseil d’État.
« Les dispositions du titre III du livre VII du code général de la fonction publique relatives à l’action sociale interministérielle ne s’appliquent pas aux agents publics de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.
« Art. L. 592-12-2. – I. – Le chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code du travail est applicable aux salariés de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.
« Les délégués syndicaux sont désignés, au niveau central, par les organisations syndicales représentatives du collège des salariés qui y constituent une section syndicale. Chaque syndicat qui constitue, conformément à l’article L. 2142-1 du même code, une section syndicale peut, s’il n’est pas représentatif, désigner un représentant de la section.
« Sont représentatives au sein du collège des salariés les organisations syndicales qui satisfont aux critères mentionnés à l’article L. 2121-1 dudit code, à l’exception de celui mentionné au 5° du même article L. 2121-1, et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés aux dernières élections du comité mentionné à l’article L. 592-12-1 du présent code dans ce collège.
« La validité des accords collectifs prévus au livre II de la deuxième partie du code du travail est subordonnée à leur signature par, d’une part, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ou son représentant et, d’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales représentatives selon les conditions définies à l’article L. 2232-12 du même code. Les taux de 30 % et de 50 % mentionnés au même article L. 2232-12 sont appréciés au sein du collège des salariés.
« Les salariés qui sont membres du comité ou des formations mentionnés à l’article L. 592-12-1 du présent code et les délégués syndicaux ou représentants des sections syndicales bénéficient de la protection prévue au livre IV de la deuxième partie du code du travail.
« II. – Pour les agents publics de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, les organisations représentatives habilitées à négocier sont celles qui disposent d’au moins un siège au sein du comité social d’administration, au titre du collège des agents publics.
« En application de l’article L. 223-1 du code général de la fonction publique, un accord conclu sur le fondement des articles L. 221-2 ou L. 222-2 du même code est valide, pour les agents publics, s’il est signé par une ou plusieurs des organisations habilitées à négocier pour le collège de ces personnels.
« III. – Dans les domaines mentionnés à l’article L. 222-3 du code général de la fonction publique, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection peut inviter les représentants des salariés et des agents publics à participer à des négociations conjointes.
« Ces négociations donnent lieu, le cas échéant, à la conclusion d’accords distincts et applicables spécifiquement :
« 1° Aux salariés de droit privé selon les modalités prévues au I ;
« 2° Aux agents publics selon les modalités prévues au II.
« Art. L. 592-12-3. – Le collège de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection peut, dans le respect des dispositions légales applicables aux différentes catégories de personnels et en complément des dispositions réglementaires ainsi que des conventions, accords collectifs et engagements unilatéraux qui leur sont applicables, harmoniser entre ces catégories, les montants et conditions de versement des indemnités accessoires liées à des sujétions communes et les modalités de remboursements des frais de toute nature. »
Section 2
Dispositions transitoires
Article 7
I. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection est substituée à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire en qualité d’employeur des salariés de ce dernier, à l’exception des salariés mentionnés aux II et III. Les contrats de travail de ces salariés lui sont transférés sans autre modification.
L’article L. 1224-3 du code du travail n’est pas applicable à ces transferts.
II. – Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives ou une de ses filiales désignée par décret est substitué à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire en qualité d’employeur des salariés de ce dernier qui exercent des missions relatives à la fourniture et à l’exploitation de dosimètres à lecture différée. Les contrats de travail des intéressés lui sont transférés sans autre modification. En cas de cession de la filiale mentionnée à la première phrase, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives s’assure que la totalité de son capital reste détenue directement ou indirectement par l’État ou l’un de ses établissements publics.
III. – Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives est substitué à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire en qualité d’employeur des salariés de ce dernier qui apportent un appui technique aux autorités de l’État dans les matières suivantes :
1° La sûreté nucléaire et la radioprotection, pour les installations et les activités nucléaires intéressant la défense mentionnées à l’article L. 1333-15 du code de la défense, y compris en cas d’incident ou d’accident ;
2° La sécurité des installations et des transports des matières nucléaires ou des sources de rayonnements ionisants mentionnées à l’article L. 1333-1 du même code ;
3° La non-prolifération, le contrôle et la comptabilité centralisée des matières nucléaires ;
4° L’interdiction des armes chimiques, pour l’application du chapitre II du titre IV du livre III de la deuxième partie dudit code.
Les contrats de travail de ces salariés sont transférés au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives sans autre modification.
Les salariés sont, d’office, mis à disposition du ministre de la défense pour y exercer leur mission pendant une durée de trois ans, renouvelable de plein droit à leur demande.
Ces mises à disposition sont régies par l’article L. 334-1 du code général de la fonction publique, sous réserve du septième alinéa du présent III.
À l’issue de sa mise à disposition, le salarié est affecté au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives sur un poste correspondant à ses qualifications, sans perte de rémunération.
Une convention entre l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection et le ministre de la défense définit les modalités d’information et d’appui réciproques pour l’exercice de leurs missions respectives. Le ministre de la défense associe, à cet effet, les autres autorités mentionnées au présent III.
IV. – Les modalités des transferts et mises à disposition ainsi que de l’appui technique apporté aux autorités de l’État compétentes prévus par le présent article sont précisées par décret en Conseil d’État.
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Article 10
Jusqu’à la constitution du comité social d’administration de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, qui intervient au plus tard le 31 mars 2026, le comité social d’administration de l’Autorité de sûreté nucléaire et le comité social et économique de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire sont maintenus en fonction et exercent les missions relatives respectivement aux agents publics et aux salariés, sous la présidence du représentant de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.
Les membres de ces instances représentatives du personnel poursuivent leur mandat jusqu’à la désignation des représentants du personnel issus des élections permettant la constitution du comité social d’administration de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.
Les comités, à leur demande ou à celle du président de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, peuvent siéger en formation conjointe, dans le respect de leurs attributions respectives, pour connaître des sujets communs à l’ensemble du personnel. Dans ce cas, les conditions de vote s’apprécient au regard de l’ensemble des membres présents de la formation conjointe. L’avis de la formation conjointe se substitue aux avis de chacune des instances.
Le patrimoine du comité social et économique de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire est dévolu au comité social d’administration de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection à la date de la désignation des membres de celui-ci.
Par dérogation à l’article L. 2143-10 du code du travail, les mandats des délégués syndicaux désignés au sein de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire subsistent au sein de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection. Leur mandat prend fin au plus tard huit jours après la désignation des membres du comité social d’administration de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection. Si l’un des délégués syndicaux issus de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire quitte ses fonctions avant l’élection du comité social d’administration de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, il est procédé selon les modalités prévues aux articles L. 2143-3 et L. 2143-7 du même code. Le seuil de 10 % des suffrages exprimés mentionné à l’article L. 2143-3 dudit code est apprécié au regard des résultats des dernières élections professionnelles ayant eu lieu à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
Article 11
I. – L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et l’Autorité de sûreté nucléaire consacrent respectivement 15 millions d’euros et 0,7 million d’euros à l’augmentation des salariés et des contractuels de droit public en 2024.
II. – Avant le 1er juillet 2024, le Gouvernement remet au Parlement un rapport, élaboré avec le concours de l’Autorité de sûreté nucléaire, de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, sur les moyens prévisionnels humains, techniques et financiers nécessaires à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection et au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives en 2025, pour exercer leurs missions respectives prévues par la présente loi, dans le nouveau contexte de relance nucléaire marqué par des aléas climatiques extrêmes et des événements incertains, ainsi que les mesures indispensables pour assurer l’attractivité des conditions d’emploi de leurs personnels respectifs sur le marché du travail dans le domaine du nucléaire. Ce rapport propose la mise en place d’un dispositif d’accompagnement à la conduite du changement. Il évalue la faisabilité d’instituer un préfigurateur chargé de la mise en œuvre de la création de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.
III. – Au plus tard le 1er juillet 2025, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection évalue les moyens prévisionnels humains, techniques et financiers qui lui sont nécessaires dans les cinq années suivant l’entrée en vigueur du présent titre pour exercer ses missions dans le nouveau contexte nucléaire ainsi que les mesures indispensables pour assurer l’attractivité des conditions d’emploi de ses personnels sur le marché du travail dans le domaine du nucléaire et présente ses propositions au Gouvernement et à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, en lien avec les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Article 11 bis
I. – Le collège de l’Autorité de sûreté nucléaire peut consulter le comité social d’administration de cette autorité sur un projet de décision relative à l’organisation et au fonctionnement des services de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ainsi que sur un projet de règlement intérieur pour cette même autorité. Le directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, saisi par le collège de l’Autorité de sûreté nucléaire, consulte dans les meilleurs délais et au plus tard dans un délai de quinze jours calendaires le comité social et économique de cet institut sur ces mêmes projets.
Ces comités disposent d’un délai de deux mois pour donner leur avis sur les projets qui leur sont adressés.
L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection peut adopter une décision relative à l’organisation et au fonctionnement de ses services ainsi que son règlement intérieur sur la base des projets et, s’il y a lieu, des avis mentionnés aux deux premiers alinéas du présent I.
Les consultations mentionnées au premier alinéa du présent I dispensent de toute autre obligation de consultation d’organisations dans lesquelles s’exerce la participation des personnels sur les projets mentionnés au même premier alinéa.
II. – Le règlement intérieur de l’Autorité de sûreté nucléaire applicable au 31 décembre 2024 vaut règlement intérieur de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection jusqu’à l’adoption d’un règlement intérieur qui lui est substitué.
Chapitre III
Le haut-commissaire à l’énergie atomique
Article 12
I. – Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code de l’énergie est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Dispositions spécifiques à l’énergie nucléaire
« Art. L. 141-13. – I. – Un haut-commissaire à l’énergie atomique conseille le Gouvernement, dans le domaine de l’énergie nucléaire et de la sécurité nationale, en matière scientifique et technique. Il exerce des missions d’expertise et de contrôle au profit du Gouvernement dans le domaine de la défense. Dans le domaine des activités nucléaires civiles, il conseille le Gouvernement notamment sur les enjeux relatifs à la production d’électricité et au cycle du combustible.
« Le haut-commissaire est placé sous l’autorité du Premier ministre.
« Il peut saisir le Comité de l’énergie atomique du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, mentionné à l’article L. 332-2 du code de la recherche, et toute autorité administrative compétente, de ses propositions concernant, dans le domaine des activités nucléaires civiles et militaires, l’orientation générale scientifique et technique qui lui paraît souhaitable.
« II. – (Supprimé)
« III. – Le haut-commissaire peut être saisi par le Gouvernement pour rendre un avis, au regard de sa compétence, sur un projet de loi, une proposition de loi, un projet de texte réglementaire, un projet d’acte de l’Union européenne ou une question relatifs aux activités nucléaires civiles.
« Il peut être entendu par les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat compétentes en matière d’énergie nucléaire, ainsi que par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
« IV. – Le haut-commissaire est saisi pour avis, pour les dispositions qui relèvent de sa compétence sur :
« 1° La loi prise en application de l’article L. 100-1 A du présent code ;
« 2° La programmation pluriannuelle de l’énergie, mentionnée à l’article L. 141-1.
« V. – Le haut-commissaire évalue chaque année l’état des activités nucléaires civiles, notamment de production et de recherche, sur les plans technique et scientifique.
« VI. – (Supprimé)
« VII. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. »
II. – A. Le président du conseil d’administration de la société Orano est nommé par décret après avis des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, dans les conditions prévues par la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.
B. Après la cinquante-deuxième ligne du tableau annexé à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, est insérée une ligne ainsi rédigée :
Présidence du conseil d’administration de la société Orano |
Commission compétente en matière d’énergie |
C (nouveau). – Les A et B du présent II ne s’appliquent pas au mandat de président du conseil d’administration de la société Orano en cours à la date de publication de la présente loi.
III. – L’article L. 332-4 du code de la recherche est abrogé.
Chapitre IV
Dispositions de coordination et finales
Article 13
I. – Le 1° de l’article L. 512-20 du code de la consommation est ainsi rédigé :
« 1° À l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection mentionnée à l’article L. 592-38 du code de l’environnement ; ».
II. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le 7° du I de l’article L. 125-37 est ainsi rédigé :
« 7° Des représentants de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection et des autres services de l’État concernés. » ;
2° L’article L. 592-31-1 est abrogé ;
3° La sous-section 3 de la section 4 du chapitre II du titre IX du livre V devient la sous-section 6 ;
4° L’article L. 592-34 est abrogé ;
5° L’article L. 592-38 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « agents » est remplacé par le mot : « personnels » ;
b) À la seconde phrase, les mots : « , à des agents de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire » sont supprimés ;
6° La section 7 du même chapitre II est ainsi rédigée :
« Section 7
« Dispositions d’application
« Art. L. 592-45. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent chapitre, notamment les conditions dans lesquelles les services de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection peuvent exercer les activités énumérées à l’article L. 592-14-2 et les procédures d’homologation des décisions prévues à l’article L. 592-20. » ;
7° À la première phrase de l’article L. 596-2, le mot : « agents » est remplacé par le mot : « personnels ».
III. – Le code de la recherche est ainsi modifié :
1° Le vingtième alinéa de l’article L. 114-3-1 est complété par les mots : « et, à la demande de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, les activités de recherche de celle-ci » ;
1° bis (nouveau) Le dernier alinéa de l’article L. 145-1 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’article L. 114-3-1 est applicable dans les îles Wallis et Futuna dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.
« L’article L. 114-5 est applicable dans les îles Wallis et Futuna dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2021-1747 du 22 décembre 2021 portant suppression de la carte des formations supérieures, mettant en cohérence et abrogeant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur et étendant certaines dispositions relatives aux mêmes domaines à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. » ;
1° ter (nouveau) Le III de l’article L. 146-1 est ainsi rédigé :
« III. – L’article L. 114-3-1 est applicable en Polynésie française dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.
« L’article L. 114-5 est applicable en Polynésie française dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2021-1747 du 22 décembre 2021 portant suppression de la carte des formations supérieures, mettant en cohérence et abrogeant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur et étendant certaines dispositions relatives aux mêmes domaines à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. » ;
1° quater (nouveau) Le dernier alinéa de l’article L. 147-1 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’article L. 114-3-1 est applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.
« L’article L. 114-5 est applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2021-1747 du 22 décembre 2021 portant suppression de la carte des formations supérieures, mettant en cohérence et abrogeant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur et étendant certaines dispositions relatives aux mêmes domaines à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. » ;
2° Au premier alinéa des articles L. 365-1, L. 366-1 et L. 367-1, les mots : « L. 332-1 à L. 332-7 » sont remplacés par les mots : « L. 332-1 à L. 332-3, L. 332-5 à L. 332-7 » ;
3° à 5° (Supprimés)
IV. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° A À la première phrase de l’article L. 1333-29, la première occurrence du mot : « agents » est remplacée par le mot : « personnels » ;
1° À la fin du premier alinéa de l’article L. 1411-5-1, les mots : « ainsi qu’à l’article L. 592-45 du même code » sont supprimés ;
2° Aux premier et avant-dernier alinéas du I de l’article L. 1451-1, les mots : « , à l’article L. 592-45 du code de l’environnement » sont supprimés.
Article 14
I. – Les mots : « Autorité de sûreté nucléaire » sont remplacés par les mots : « Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection » :
1° À la fin du troisième alinéa de l’article L. 1333-2 du code de la défense ;
2° Au 2° de l’article L. 125-10, au II de l’article L. 125-20, à la première phrase du second alinéa de l’article L. 125-24, au début du premier alinéa de l’article L. 125-26, à l’article L. 125-27, à la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 125-35, à la fin du troisième alinéa de l’article L. 221-7, au quatrième alinéa de l’article L. 229-6, aux première et seconde phrases du troisième alinéa du III de l’article L. 229-7, à la première phrase du quatrième alinéa du I de l’article L. 229-10, au II de l’article L. 501-1, au 10° du I de l’article L. 521-12, à la seconde phrase du premier alinéa et à la première phrase du deuxième alinéa du II de l’article L. 542-3, aux douzième, treizième, seizième et dix-septième alinéas et au début de la première phrase du dix-neuvième alinéa de l’article L. 542-10-1, à la dernière phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 542-12, à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 542-13-2, au premier alinéa de l’article L. 591-5, à la première phrase de l’article L. 591-6, au premier alinéa de l’article L. 591-7, à l’article L. 591-8, au premier alinéa de l’article L. 592-1, au début du premier alinéa de l’article L. 592-2, aux articles L. 592-3, L. 592-8 et L. 592-9, à la première phrase de l’article L. 592-10, au premier alinéa de l’article L. 592-11, aux articles L. 592-16 à L. 592-18, au début du premier alinéa des articles L. 592-19 et L. 592-20, au début de l’article L. 592-21, au début du premier alinéa de l’article L. 592-22, à l’article L. 592-23, au début de l’article L. 592-25, aux première et seconde phrases du premier alinéa et au second alinéa de l’article L. 592-26, au début de l’article L. 592-27, au début du premier alinéa de l’article L. 592-28, au début du premier alinéa et de la première phrase du second alinéa de l’article L. 592-28-1, au premier alinéa de l’article L. 592-29, à l’article L. 592-30, aux premier et second alinéas de l’article L. 592-31, au début de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 592-32, aux articles L. 592-33 et L. 592-36, à la première phrase de l’article L. 592-38, au début du premier alinéa et aux neuvième et avant-dernier alinéas de l’article L. 592-41, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 592-44, à la dernière phrase du premier alinéa et au début du dernier alinéa de l’article L. 593-5, à la première phrase du premier alinéa des articles L. 593-8 à L. 593-10, à la première phrase des articles L. 593-11 et L. 593-12, à la fin du premier alinéa et au début de la première phrase du second alinéa de l’article L. 593-13, à la première phrase de l’article L. 593-15, au premier alinéa, aux première et deuxième phrases et, deux fois, à la dernière phrase du troisième alinéa et au début de la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 593-19, à la première phrase de l’article L. 593-20, à la seconde phrase de l’article L. 593-21, aux articles L. 593-22 et L. 593-23, à la première phrase du premier alinéa et aux deux derniers alinéas de l’article L. 593-24, à la fin de la première phrase du premier alinéa et au dernier alinéa de l’article L. 593-26, à la deuxième phrase de l’article L. 593-27, au premier alinéa de l’article L. 593-28, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 593-29, à l’article L. 593-30, à la fin du 3° de l’article L. 593-31, aux premier, deuxième et dernier alinéas du IV de l’article L. 593-32, aux I et II et au début de la première phrase du III de l’article L. 593-33, aux premier et second alinéas de l’article L. 593-35, à la dernière phrase du second alinéa de l’article L. 593-37, au début du premier alinéa du II de l’article L. 595-1, à la fin du premier alinéa et au dernier alinéa du II de l’article L. 595-2, au premier alinéa de l’article L. 596-1, au début de la première phrase de l’article L. 596-2, à la première phrase de l’article L. 596-3, aux 1°, 4° et 5° de l’article L. 596-4, aux première et seconde phrases de l’article L. 596-4-1, à la première phrase des deux premiers alinéas de l’article L. 596-7, à la première phrase du premier alinéa et au troisième alinéa de l’article L. 596-8, à la première phrase de l’article L. 596-9, à la fin du premier alinéa de l’article L. 596-10, à la fin du 1° de l’article L. 596-12, au début de la première phrase et à la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 596-13 et au second alinéa de l’article L. 596-14 du code de l’environnement ;
2° bis À la fin de l’intitulé de la section 6 du chapitre II du titre IX du livre V du même code ;
3° À la seconde phrase du troisième alinéa et au dernier alinéa du I, au premier alinéa et à la première phrase du dernier alinéa du II, au III, au début de la première phrase du IV, à la première phrase du second alinéa du V et au VII de L. 1333-8, à la première phrase du quatrième alinéa du III de l’article L. 1333-9, aux premier et second alinéas de l’article L. 1333-10, à la fin des deuxième et troisième alinéas et à la première phrase du dernier alinéa du I de l’article L. 1333-13, à la seconde phrase de l’article L. 1333-24, au premier alinéa du II de l’article L. 1333-26, au début du premier alinéa des articles L. 1333-29 et L. 1333-30, aux trois derniers alinéas de l’article L. 1333-31 et au second alinéa du 3° des articles L. 1523-6 et L. 1533-1 du code de la santé publique ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 4526-1 du code du travail ;
5° Au 6° du I de l’article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ;
5° bis A À la première phrase du 5 du I de l’article 58 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 ;
5° bis Au 9 de l’annexe à la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ;
6° Au III de l’article 11 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.
II. – À l’article L. 221-6 du code de l’environnement, la référence à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire est remplacée par la référence à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.
III. – Le tableau annexé à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution est ainsi modifié :
1° La première colonne de la dix-neuvième ligne est complétée par les mots : « et de radioprotection » ;
1° bis La deuxième colonne de la même dix-neuvième ligne est ainsi rédigée :
« |
Commission compétente en matière de prévention des risques naturels et technologiques |
» ; |
1° ter La trente-huitième ligne est supprimée ;
2° La quarante-cinquième ligne est supprimée.
Article 15
Le présent titre entre en vigueur le 1er janvier 2025, à l’exception de l’article 2 bis, des I et II de l’article 11, des articles 11 bis et 12 et des 1° bis et 1° ter du III de l’article 14.
Par dérogation au premier alinéa du présent article, le dernier alinéa du IV de l’article L. 592-12-1 du code de l’environnement entre en vigueur à la date à laquelle les agents publics de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection bénéficient de plein droit du dispositif d’activités sociales et culturelles géré par le comité social d’administration de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, et au plus tard le 1er juillet 2027.
Article 15 bis
Au plus tard le 1er juillet 2024, le Gouvernement remet à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques un rapport faisant état de l’avancée des travaux préparatoires à la création de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.
Au plus tard le 1er juillet 2025, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection remet à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques un premier rapport dressant un bilan de sa création et de la mise en œuvre de la réforme prévue par la présente loi. L’autorité lui remet un second rapport sur le même sujet au plus tard le 1er juillet 2026.
TITRE II
ADAPTATION DES RÈGLES DE LA COMMANDE PUBLIQUE AUX PROJETS NUCLÉAIRES
Chapitre Ier
Sécurisation des procédures relatives à la commande publique pour les projets nucléaires
Article 16
Les pouvoirs adjudicateurs mentionnés à l’article L. 1211-1 du code de la commande publique et les entités adjudicatrices mentionnées à l’article L. 1212-1 du même code peuvent décider de ne pas allotir un marché de travaux, de fournitures ou de services qui est relatif :
1° À la réalisation, au sens du I de l’article 7 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations nucléaires existantes, d’un projet relevant des II ou III du même article 7 ;
2° À la réalisation d’une installation mentionnée aux 1° à 4° de l’article L. 593-2 du code de l’environnement, à l’article L. 512-1 du même code ou à l’article L. 512-7 dudit code qui est destinée à assurer des activités de recherche relatives aux utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire ou à la maîtrise de ses effets ;
3° À la réalisation d’une installation mentionnée aux 2°, 3° ou 5° de l’article L. 593-2 ou à l’article L. 512-1 du même code qui est destinée :
a) À assurer des activités de gestion de déchets radioactifs ou de combustibles usés issus d’installations nucléaires de base énumérées à l’article L. 593-2 du même code ;
b) À assurer la fabrication ou la maintenance d’emballages de transport de substances radioactives issues d’installations nucléaires de base énumérées au même article L. 593-2 ;
4° À la réalisation de travaux relatifs à une installation mentionnée à l’article L. 542-4 du même code ou d’opérations de réhabilitation du site après l’arrêt définitif d’une telle installation ;
5° À la réalisation d’opérations de démantèlement d’une installation mentionnée à l’article L. 593-2 du même code qui abrite ou a abrité des matières nucléaires dont la détention est soumise à autorisation ou à déclaration en application de l’article L. 1333-2 du code de la défense ou d’opérations de démantèlement d’une installation mentionnée au 1° de l’article L. 1333-15 du même code ;
6° À la réalisation d’opérations de réhabilitation du site après l’arrêt définitif d’une installation mentionnée à l’article L. 511-1 du code de l’environnement qui abrite ou a abrité des matières nucléaires dont la détention est soumise à autorisation ou à déclaration en application de l’article L. 1333-2 du code de la défense.
Les marchés définis au premier alinéa du présent article comprennent ceux poursuivant plusieurs objets mentionnés à l’article L. 1111-5 du code de la commande publique.
Au sens des 2° et 3° du présent article, la réalisation d’une installation regroupe notamment l’ensemble des constructions, des aménagements, des équipements, des installations et des travaux liés à sa création, à sa mise en service ou à son extension ainsi que les installations ou les aménagements directement liés à la préparation des travaux en vue de sa réalisation.
Article 17
Lorsqu’ils mettent en œuvre l’exception à la durée maximale prévue au 1° de l’article L. 2125-1 du code de la commande publique, les pouvoirs adjudicateurs mentionnés à l’article L. 1211-1 du même code et les entités adjudicatrices mentionnées à l’article L. 1212-1 dudit code peuvent conclure des accords-cadres de travaux, de fournitures ou de services qui concernent un ou plusieurs projets mentionnés aux 1° à 6° de l’article 16 de la présente loi pour une durée qui peut aller jusqu’à celle du ou des projets concernés.
Cette durée est fixée en tenant compte des aléas inhérents à la réalisation du ou des projets concernés.
Article 17 bis
Pour leur application aux marchés publics relatifs à un ou plusieurs projets mentionnés aux 1° à 6° de l’article 16 de la présente loi, les critères d’attribution des marchés publics, mentionnés à l’article L. 2152-7 du code de la commande publique, peuvent comprendre la crédibilité des offres des soumissionnaires ou en tenir compte.
La crédibilité peut notamment s’apprécier, de manière non discriminatoire, en fonction de la faisabilité et de la maturité des solutions techniques ou de l’adéquation des délais, des moyens ou des méthodes.
Article 17 ter
Pour son application aux marchés publics relatifs à un ou plusieurs projets mentionnés aux 1° à 6° de l’article 16 de la présente loi, la nécessité des travaux, fournitures ou services supplémentaires, mentionnée au 2° de l’article L. 2194-1 du code de la commande publique, peut notamment s’apprécier en fonction de l’évolution de la conception du projet, sous réserve de l’absence de changement de la nature globale du marché, mentionnée au dernier alinéa du même article L. 2194-1, et à la condition que le changement de titulaire soit impossible pour des raisons économiques ou techniques tenant notamment à des exigences d’interchangeabilité ou d’interopérabilité avec les équipements, services ou installations existants achetés dans le cadre du marché initial.
Chapitre II
Mesures destinées à renforcer la protection des intérêts fondamentaux de la Nation en matière nucléaire
Article 18
I. – Les marchés publics relatifs à une ou plusieurs installations abritant ou ayant vocation à abriter des matières nucléaires dont la détention est soumise à autorisation en application de l’article L. 1333-2 du code de la défense relèvent du régime prévu au titre II du livre V de la deuxième partie du code de la commande publique lorsqu’ils concernent :
1° La conception, la qualification, la fabrication, la modification, la maintenance ou le retrait des structures, des équipements, des systèmes, des matériels, des composants ou des logiciels contribuant directement ou indirectement à la protection contre les actes de malveillance, mentionnée au premier alinéa de l’article L. 1333-3 du code de la défense, ou à la sûreté nucléaire, au sens de l’article L. 591-1 du code de l’environnement ;
2° La conception, la construction, le fonctionnement ou le démantèlement des bâtiments destinés à recevoir des matières nucléaires ou des matériels de sauvegarde ou à héberger des éléments mentionnés au 1° du présent article, y compris leurs fondations et leurs structures.
II (nouveau). – Les pouvoirs adjudicateurs mentionnés à l’article L. 1211-1 du code de la commande publique et les entités adjudicatrices mentionnées à l’article L. 1212-1 du même code recourant aux dispositions prévues au I du présent article en informent l’État.
Sous réserve des secrets protégés par la loi, le Gouvernement rend compte du recours à ces dispositions au Parlement, dans un rapport remis le 1er janvier 2026 puis tous les quatre ans.
Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
Je donne à présent lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique.
projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la constitution
Article 1er
Le tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution est ainsi modifié :
1° La première colonne de la vingtième ligne est complétée par les mots : « et de radioprotection » ;
1° bis (Supprimé)
1° ter La trente-huitième ligne est supprimée ;
1° quater La première colonne de la trente-neuvième ligne est ainsi rédigée : « Haute autorité de l’audit » ;
2° La quarante-cinquième ligne est supprimée ;
3° (nouveau) Après la cinquante-deuxième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
Société Orano |
Présidence du conseil d’administration |
» |
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 3
Le 3° de l’article 1er ne s’applique pas au mandat de président du conseil d’administration de la société Orano en cours à la date de publication de la présente loi.
Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
Explications de vote communes
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi et du projet de loi organique dans les rédactions résultant des textes élaborés par les commissions mixtes paritaires, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Christopher Szczurek, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Christopher Szczurek. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici, à la fin d’un long processus parlementaire, amenés à entériner la fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
Comme je l’avais dit il y a quelques semaines, ce texte constitue, à notre sens, une victoire idéologique dans le débat crucial sur la souveraineté énergétique de la France. Le parc électronucléaire français, produit de notre génie national patiemment édifié pendant des décennies, représente notre meilleur atout pour notre compétitivité comme pour les obligations de la France en matière de transition écologique.
Sans clairons ni trompettes, notre pays fut, dans une indifférence quasi générale, le premier à entamer et à terminer sa transition énergétique. Alors que l’Allemagne se vautre encore dans une production charbonnière criminelle et que d’autres États – je songe à la Pologne – s’inquiètent de leur dépendance à des sources d’énergie fortement carbonées, les Français disposent d’une énergie propre, bon marché et sécurisée.
Nous ne pouvons que nous féliciter que le Gouvernement, après des années d’errance dramatique, se soit rangé à l’avis des scientifiques comme de l’opinion. La relance de notre parc électronucléaire est notre passeport pour une croissance décarbonée et durable. À cet égard, la loi du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, ou loi Nouveau Nucléaire, aussi insuffisante soit-elle, constitue un premier pas dans la longue reconstruction de notre indépendance nationale.
Pour autant, le présent projet de loi n’exonérera le Gouvernement ni de ses errements passés ni de son passif. En effet, monsieur le ministre, vous avez emprunté durant le précédent quinquennat des directions contradictoires, voulant d’abord réduire notre parc de centrales nucléaires avant d’annoncer, pressé par les signaux de vos erreurs, un plan de développement tardif et incomplet.
Ce texte contribue également à une reprise par le Parlement de son rôle dans l’élaboration des lois. Trop habitué à une majorité suiveuse, le Gouvernement avait voulu organiser cette fusion dans le cadre d’un amendement au texte devenu la loi Nouveau Nucléaire. Il faut donc se féliciter que l’Assemblée nationale, dont chacun connaît la composition relativement plus représentative que cette chambre-ci, ait empêché l’adoption de cet amendement. Un nouveau texte a donc été produit, puis remanié à bon escient par les deux chambres, ce qui rappelle le rôle utile de la discussion parlementaire dans notre démocratie.
Ce texte a provoqué les inquiétudes légitimes de certains acteurs et spécialistes de la filière nucléaire. Le Parlement devra, particulièrement lors de l’examen des textes financiers à venir, rester vigilant sur l’existence de moyens réels pour que la nouvelle autorité puisse exercer sa mission en toute sérénité et en toute efficacité. La sécurité nucléaire ne repose pas sur des normes de papier, mais sur des moyens humains, des agents compétents et intégrés dans le processus industriel de construction et de suivi des installations nucléaires.
Néanmoins, nous jugeons cette fusion bienvenue. Nombre de pays bénéficiant également d’une industrie nucléaire développée ont fait le choix d’un système de sécurité unitaire, ne compromettant ni la célérité des constructions de nouvelles centrales ni le maintien de la sécurité de la production électrique nucléaire.
Aussi voterons-nous le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre Jean Rochette. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n’était pas gagné ! En effet, comme vous l’avez relevé, monsieur le ministre, ce texte a connu quelques péripéties à l’Assemblée nationale. Nous sommes donc ravis de nous retrouver, ce soir, pour examiner le résultat des travaux d’une commission mixte paritaire conclusive. Voilà, nous y sommes !
La gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection est cruciale à bien des égards. Notre ambition est de relancer notre puissance nucléaire. Comme je le disais en première lecture, il faut désormais transformer l’essai.
Grâce à des mesures concrètes et pragmatiques, ce texte est une première pierre, celle d’une souveraineté énergétique retrouvée pour la France. Le présent projet de loi, très attendu sur ce volet, même s’il a eu du mal à trouver son chemin législatif, n’est finalement que la traduction juridique d’une volonté très claire.
Nous avons besoin de trouver les bons équilibres quand il est question de notre énergie et de notre production d’électricité. Un nucléaire régénéré ira de pair avec des énergies renouvelables, efficaces et développées de manière pragmatique, l’un ne pouvant fonctionner sans les autres. La France a besoin de tenir sur ses deux jambes en matière énergétique.
Notre pays va devoir faire face à de nombreux défis. Décarboner notre production énergétique participe par définition au développement des transitions. Il faudra nous adapter aux conséquences du changement climatique, qui rend vulnérable notre nucléaire. Nous devons adapter notre parc vieillissant et garantir la sécurité de ses installations, existantes et nouvelles.
Concernant ces dernières, les SMR (Small Modular Reactors, c’est-à-dire « petits réacteurs modulaires ») et toutes les technologies à base d’énergie nucléaire que nous développerons, comme le recyclage des déchets, rendent absolument nécessaire une gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.
Les citoyens aussi en ont besoin : si nous souhaitons les embarquer de nouveau dans l’aventure du nucléaire, cela doit être transparent et sûr.
Enfin, le développement du nucléaire est indispensable pour assurer l’indépendance de l’Union européenne. Nous ne pouvons consentir à laisser la gestion de notre approvisionnement énergétique à d’autres puissances, qui plus est lorsque ce sont des puissances ennemies. L’Union européenne ne peut plus se soustraire à son besoin de puissance. La souveraineté énergétique en fait partie, et elle passera par la relance du nucléaire.
Dans ce cadre aussi, une gouvernance efficace de la sûreté nucléaire et de la radioprotection est une condition sine qua non de la réussite de cette relance.
Les enjeux sont immenses et je tiens à saluer le travail du Sénat, en particulier de notre excellente commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, ainsi que des rapporteurs. La chambre haute a une nouvelle fois montré que la discussion pouvait aboutir à des textes construits et équilibrés.
Comme en première lecture, le groupe Les Indépendants reste attaché à une distinction entre l’expertise et la prise de décision. La solution retenue semble correspondre à cet objectif. Nous y resterons très attentifs.
Nous serons également vigilants sur la mise en pratique du règlement intérieur de la nouvelle autorité. Pour y veiller, l’article 2 du projet de loi a été retravaillé jusqu’au bout. C’est la clé de la réussite.
Nous avions mis un autre point en évidence : le fait que le personnel est le cœur battant de la future ASNR. La fusion des deux entités n’est pas chose aisée. Nous devons faire en sorte que tous les membres du personnel trouvent leur place dans la nouvelle structure. Leur transfert doit bien se dérouler et leurs conditions de travail être préservées. Leurs compétences expriment toute leur excellence. Ils constituent la force du nucléaire et de sa relance. Il est de notre devoir de faire en sorte que la création de l’ASNR permette également la mise en place d’un cadre de travail qui leur correspond.
Trois derniers sujets me tiennent à cœur. Tout d’abord, le rôle de l’Opecst est crucial et participe de la nécessité de transparence. Je pense que les dispositions qui le concernent sont justes.
Ensuite, pour ce qui est du lien entre la filière nucléaire et la nouvelle autorité, je réitère mes propos : celui-ci est indispensable et les conflits d’intérêts paraissent écartés. Je pense que la recherche et l’innovation trouveront là une structure intéressante pour apporter le progrès dont a besoin la filière.
Enfin, je le répète aussi, même si ce n’est pas le sujet du texte, nous devons consacrer les moyens nécessaires à notre transition énergétique ; le nucléaire en fait pleinement partie.
Pour conclure, vous l’aurez compris, les élus du groupe Les Indépendants, conscients de l’importance de ce projet de loi, voteront en faveur du texte issu des conclusions de la commission mixte paritaire, étant entendu, bien sûr, que cela n’est qu’une première étape. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, pour le groupe Union Centriste.
Mme Denise Saint-Pé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, aucun de nous ici n’a oublié l’introduction pour le moins maladroite de ce projet de fusion entre l’IRSN et l’ASN par le Gouvernement, lors de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi Nouveau Nucléaire, en février 2023.
En procédant ainsi, le Gouvernement menaçait de déposséder le Sénat d’un débat pourtant déterminant pour nos territoires, au vu de la répartition des centrales nucléaires à travers le pays. De fait, beaucoup d’entre nous percevaient que cette réforme posait de nombreuses questions, qui ne pouvaient trouver de réponse satisfaisante dans les délais qui nous étaient impartis.
Heureusement, le Gouvernement a entendu raison et temporisé, car réformer un sujet aussi sensible dans la précipitation aurait entraîné une prise de risque inconsidérée pour la sûreté nucléaire du pays.
Ce temps, le Parlement l’a mis à profit pour se pencher plus en détail sur cette fusion potentielle, notamment grâce au rapport rendu en juillet 2023 par MM. Piednoir et Fugit pour le compte de l’Opecst, et aux travaux de nos collègues rapporteurs, MM. Martin et Chaize, dont je salue l’engagement en commission sur ce sujet.
Ces travaux sont venus rappeler utilement les enjeux majeurs qui accompagnent la relance assumée du nucléaire : construction des nouveaux réacteurs pressurisés européens de type EPR2 ; évolutions technologiques telles que les SMR ; prolongation de la vie des réacteurs existants et augmentation de leur puissance ; gestion des déchets nucléaires ; adaptation des infrastructures au changement climatique et aux risques cyber ; enfin, démantèlement des centrales en fin de vie.
Des difficultés inattendues peuvent par ailleurs survenir, telles que les problèmes de corrosion sous contrainte rencontrés en 2021 et 2022 sur certains de nos réacteurs.
Par conséquent, les travaux à réaliser dans les prochaines années en matière de sûreté nucléaire sont voués à croître de manière importante, ce qui plaide à mon sens en faveur d’une seule entité issue d’un rapprochement entre l’IRSN et l’ASN.
Je tiens néanmoins à rappeler que plusieurs conditions doivent être réunies pour la réussite de ce projet. Tout d’abord, il faut garantir l’indépendance de la nouvelle entité pour écarter tout soupçon de partialité sur ses décisions. Ensuite, il convient de s’assurer d’un dialogue continu entre les experts et les ingénieurs, notamment ceux qui sont au service de l’exploitant, pour éviter l’écueil d’une expertise trop éloignée du terrain. En outre, il est nécessaire de garantir un niveau de transparence élevé pour que nos concitoyens continuent d’avoir confiance dans le nucléaire. Enfin, il faut procéder à des recrutements massifs pour soutenir la charge de travail future et assurer à ce personnel des conditions d’exercice suffisamment qualitatives pour attirer les meilleurs talents.
Le Sénat est resté attentif à ces exigences, comme en témoigne le texte issu de la commission mixte paritaire, qui préserve les apports de notre Haute Assemblée tant sur la forme que sur le fond.
Il en va ainsi, notamment, de la séparation entre expertise et décision ; à cette fin, une distinction sera faite, sur chaque dossier, entre le personnel chargé de la première et celui chargé de la seconde.
Je me réjouis également que le projet de règlement intérieur de la future autorité et ses éventuelles modifications soient présentés aux parlementaires dans le cadre de l’Opecst.
Ces acquis permettent de compléter une réforme ambitieuse dont je suis maintenant convaincue de l’utilité, même si je demeure consciente des évolutions qu’elle demandera à court terme, surtout aux membres du personnel des agences fusionnées.
C’est pourquoi le groupe Union Centriste votera en faveur du texte issu de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Laurent Burgoa applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Il était une fois le nouveau nucléaire français, chapitre deux… Résumé des contes précédents : le chevalier au tablier de plomb, ainsi équipé contre toute radiation, a réussi à réveiller le nucléaire français, alias la Belle au bois dormant, longtemps assoupie à cause des mauvais sortilèges de la fée Carabosse, que certains ont parfois dépeinte sous les traits de Dominique Voynet. (Sourires.)
L’histoire pourrait s’arrêter là et la campagne, surtout normande, se retrouver peuplée de magnifiques châteaux de type EPR2, en attendant les SMR en vente dans tous les supermarchés.
Mais, car il y a un « mais », quelques obstacles se dressaient encore sur la route du chevalier Nukleel. Ainsi, un mage fourbe avait imaginé un buisson touffu, capable de ralentir toute cavalcade trop rapide qui s’affranchirait du code de la route et des règles de sécurité. En imaginant deux structures différentes, réparties entre l’expertise et l’autorité, ce législateur des temps anciens voulait éviter toute précipitation au détriment de ladite sécurité. Et ce système, ce duo de sirènes d’alerte de l’IRSN et de l’ASN – vous noterez le souci de la rime – suscitait l’intérêt, pour ne pas dire l’envie, des royaumes voisins.
Mais notre chevalier, héros de la geste nucléaire, n’a pas le temps de se faufiler dans le buisson, certes franchissable, mais à condition d’en respecter les codes. Il est en effet pressé par le danger, car l’empereur Photovoltaïque a déjà, à l’échelle mondiale, rapidement étendu son domaine – il faut tout de même dire que son mégawattheure est quatre fois moins cher, précise une note de bas de page rédigée en vieux français.
L’empereur Photovoltaïque menace donc de réduire le royaume du chevalier Nukleel au Nord-Cotentin pour les siècles des siècles. Pas de place pour le doute : il faut accélérer la cadence ! Il faut tronçonner et « glyphosater » ce buisson maudit, par trop freinant.
C’est précisément ce que vient de faire le législateur en fusionnant, au désespoir des membres de leur personnel, encore réunis ce matin devant Saint-Sulpice, l’ASN et l’IRSN.
Certains – je salue le rapporteur Pascal Martin – ont bien tenté de maintenir un peu de distance entre l’expertise et la décision, car l’on ne peut – cela semble de bon sens – faire les deux à la fois, sauf à perdre en esprit critique. (M. le ministre délégué le conteste.)
Ainsi, dans le conclave de la commission mixte paritaire, il a été décidé concernant les personnels chargés de l’une et de l’autre, que les uns ne seraient les autres que quand les autres ne pourraient plus être les uns, sans que les uns puissent pourtant jamais être les autres ! (Nouveaux sourires.)
J’espère que vous avez suivi et, surtout, que l’ensemble des règles de fonctionnement de cette nouvelle entité sera consigné dans un livre magique, dans le style du Grand Grimoire d’Antonio Venitiana del Rabina – je précise que les spécialistes en contestent l’authenticité –, que seul un groupe d’initiés composé, monsieur le président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, des membres redoutés de votre office pourra consulter avant sa publication. (M. Stéphane Piednoir s’exclame.)
Pour notre part, simples parlementaires, nous n’en serons pas dignes et notre avis ne sera pas pris en compte, pas plus d’ailleurs, malgré la volonté du Sénat, que celui du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), ou que celui de l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (ANCCLI), car l’Assemblée nationale a considéré que c’était inutile. Même la participation de la commission de déontologie à la rédaction de ce règlement intérieur a été supprimée !
Monsieur le ministre, de quoi le Gouvernement a-t-il donc peur ? Est-ce d’une transparence dont le nucléaire français n’a jamais réussi à s’accommoder ? Ou bien craint-il que le nouveau plan nucléaire rappelant le plan Messmer, aujourd’hui glorifié, ne soit bloqué par une plogoffite aiguë ?
Ce soir, mes chers collègues, nous actons de nouveau la rupture du dialogue, donc de toute possibilité de confiance, entre la société française et le monde du nucléaire. C’est la malédiction historique du nucléaire français.
Le groupe GEST votera, bien évidemment, contre ce texte dangereux pour notre avenir, qui augmentera grandement les risques d’accident, à terme, et qui, dans l’immédiat, ralentira paradoxalement le redéploiement du nucléaire que vous souhaitez, en regroupant contre leur avis des personnels aux cultures différentes. Il peut arriver qu’une fusion d’organismes soit décrétée d’un coup de baguette magique, mais, au vu de ses risques évidents, le regroupement absurde que vous proposez tient plus de Garcimore que de Merlin l’enchanteur ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, une fois de plus, puisque votre gouvernement échoue à convaincre, vous choisissez de faire passer coûte que coûte ce projet de loi qui ne répond pas aux exigences de transparence démocratique, puisqu’il a été élaboré sur la base d’un rapport dont je rappelle que les conclusions ont été gardées secrètes.
Ce passage en force au Parlement a été savamment orchestré. Il y a un an déjà, vous tentiez d’introduire ce projet de fusion par la voie d’un amendement, lors de l’examen du projet de loi Nouveau Nucléaire, avant qu’il ne soit censuré comme cavalier législatif.
Alors que nous sommes désormais saisis en bonne et due forme de ce texte, qui traite de sujets d’une grande complexité technique (M. le ministre délégué s’exclame.) – je sais bien, monsieur le ministre, que ce que je dis vous met en difficulté, mais je rappelle la réalité des faits –, vous avez fait le choix d’une procédure accélérée pour contraindre le travail législatif.
Tout au long des débats s’est fait jour votre incapacité à démontrer les dysfonctionnements que vous imputez à notre système dual de contrôle de sûreté nucléaire. Vous n’avez fourni aucun document, aucune étude pour étayer la position du Gouvernement, qui prétend qu’un système unitaire serait plus performant.
Même sur le plan économique, vous ne démontrez en rien l’opportunité d’un projet qui, dans un certain nombre de domaines, coûtera – vous le savez – bien plus cher que le système actuel.
C’est également un passage en force institutionnel, alors que toutes les instances consultées sur ce projet de fusion ont émis des réserves, voire exprimé une franche hostilité.
Surtout, vous faites un passage en force auprès des salariés des deux entités et de leurs sous-traitants, mobilisés depuis plus d’un an pour démontrer que ce projet de fusion n’est fondé sur aucune raison objective et que le processus retenu doit nous alerter par son manque de transparence. Le dialogue social dont vous vantez tant la qualité se résume ainsi : quand on est d’accord avec le Gouvernement, c’est très bien ; quand il y a désaccord, vous restez sourds !
Les risques pour la préservation des emplois et l’attractivité des métiers sont identifiés. Mais, de la même manière que vous ne justifiez pas le bien-fondé de cette fusion, vous n’apportez aucune réponse et ne mettez en place aucune garantie, alors que la filière nucléaire doit s’appuyer sur un statut de haut niveau pour l’ensemble des salariés, y compris – je le rappelle – les sous-traitants. Ce statut doit reconnaître leurs qualifications, il doit les protéger et, ainsi, nous protéger.
Pis encore, les salariés alertent sur les risques qui se profilent en matière de sûreté, alors que nous sommes à l’aube d’une relance de la filière nucléaire, au travers de l’apparition de nouveaux acteurs et de nouveaux réacteurs comme les SMR. Comment pouvez-vous justifier la refonte intégrale d’un système qui a fait ses preuves, dans un moment aussi crucial ?
Comment ne pas voir derrière cette fusion la volonté d’accélérer et de simplifier l’arrivée de nouveaux acteurs du nucléaire, alors que la sûreté des installations devrait être notre priorité absolue ? Comme de nombreux chercheurs l’ont indiqué, une proportion considérable des incidents graves résulte de causes organisationnelles, aussi bien à l’intérieur des entreprises et des agences concernées que dans les relations institutionnelles établies entre elles.
Aussi, ce projet réalisé à la hâte, qui ne semble reposer que sur la volonté de bâillonner les experts et les chercheurs de l’IRSN, fait naître un risque pour l’ensemble de la population.
Si nous sommes favorables à la relance du secteur nucléaire, nous sommes en revanche inquiets face au modèle de sûreté que vous voulez imposer coûte que coûte, monsieur le ministre !
Je vous le dis solennellement, restreindre l’indépendance et la sérénité de l’expertise est une impasse dangereuse. Cette phase ne doit se nourrir que de faits scientifiques et non de considérations économiques ou industrielles. Ce que vous proposez, je le redis, est une impasse dangereuse.
Aujourd’hui, la production nucléaire est une activité hautement capitalistique. Les enjeux économiques liés aux décisions de démarrage ou d’arrêt des centrales sont donc prégnants. Si l’objectif de minimiser la durée de la phase de décision pour des raisons économiques peut parfois être compréhensible, nous considérons en revanche que l’impératif de sûreté doit toujours primer.
Enfin, mes chers collègues, comment comptez-vous renforcer la confiance de nos concitoyennes et concitoyens dans le programme électronucléaire, alors que ce texte conduira à une baisse drastique des impératifs de transparence des décisions, de droit à l’accès à l’information et de démocratie environnementale qui prévalaient jusqu’à présent ?
Nous considérons que, sur le sujet de haute importance qu’est la sûreté nucléaire, il est indispensable de rechercher un large consensus de la représentation nationale plutôt que de faire passer en force un texte élaboré dans des conditions opaques par l’exécutif.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST. – M. Sébastien Fagnen applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Raphaël Daubet, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
M. Raphaël Daubet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France s’engage dans une relance d’envergure, historique, de la filière de l’atome civil.
À l’évidence, un tel virage ne se décrète pas sans préparer, adapter, ni renforcer les pièces maîtresses de la charpente qui porte l’édifice nucléaire de notre pays.
La sûreté nucléaire est une d’entre elles. Reconnue dans le monde entier et forte de la confiance des Français, elle est peut-être le pilier le plus solide de l’architecture actuelle. C’est d’ailleurs tout le problème : ce qu’elle nous offre en rigidité, elle nous en prive en souplesse et en flexibilité.
J’entends qu’il faille adapter notre système de sûreté nucléaire à la forte progression de l’activité et au rythme soutenu des travaux qui s’engageront demain. Sans doute faut-il raccourcir les circuits décisionnels et fluidifier les relations entre les acteurs ; sans doute faut-il faire la chasse aux doublons ou aux dépenses inutiles – on en trouve toujours un peu partout chez nous. Mais faut-il aller au-delà, c’est-à-dire jusqu’à la fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ? Devons-nous prendre le risque – c’est bien le mot qui convient – de cette fusion, en sachant qu’elle aura pour effet de modérer le rôle de contre-pouvoir de l’IRSN sur l’ASN et qu’elle s’accompagnera de surcroît, inévitablement, d’aléas et de complications logistiques, qui porteront notamment sur les ressources humaines ou sur le transfert de sièges administratifs ?
Au nom du groupe du RDSE, lors de la discussion générale en première lecture, j’ai exprimé les doutes que m’inspirait cette fusion menée tambour battant sur un sujet aussi sensible que celui de la sûreté nucléaire. L’enjeu est celui d’un risque potentiellement planétaire, rien de moins. Un hypothétique gain d’efficacité peut-il justifier une prise de risque en la matière ?
J’attendais néanmoins des débats et de l’examen des amendements des arguments qui m’auraient convaincu que le risque inhérent à un tel bouleversement serait largement compensé par des gains d’efficacité et qu’une ligne rouge ne serait jamais franchie : l’indépendance de l’expertise et la transparence des décisions.
Monsieur le ministre, je suis au regret de vous dire que je suis encore moins convaincu aujourd’hui que je ne l’étais hier…
M. Ronan Dantec. Très bien !
M. Raphaël Daubet. Je ne trouve pas, dans le texte issu de la commission mixte paritaire, les garanties que j’espérais.
M. Raphaël Daubet. J’estime notamment que faire d’un expert un décideur du jour au lendemain – et inversement – n’est pas un bon choix. Personnellement, je n’ai jamais rencontré un expert capable de décider. Les experts tirent leur force de leur acuité, de leur esprit d’analyse, de leur capacité à s’attacher aux détails.
À l’inverse, je doute fort de la capacité d’un décideur à développer des expertises pointues dans quelque domaine que ce soit. En revanche, les décideurs sont aptes à trancher et à prendre des risques.
Il me semble donc assez ubuesque, voire dangereux de permettre aux acteurs concernés de changer ainsi de casquette d’une instruction de dossier à l’autre.
Par ailleurs, je m’inquiète du net recul qu’induit ce projet de loi en matière de transparence. La publication des avis d’experts en amont de la décision constitue le fondement de leur contre-pouvoir, c’est-à-dire de leur capacité à influer sur la décision – n’en déplaise aux décideurs. Repousser la publication des rapports au moment de l’annonce de la décision, comme le prévoit le texte, revient à sacrément affaiblir le rôle et l’intérêt de ceux-ci.
Au bout du compte, je ne suis pas convaincu de la plus-value d’une telle fusion des instances, a fortiori dans un contexte d’urgence. Pis encore, les garde-fous qui prévenaient une forme d’opacité de la prise de décision et un affaiblissement de la qualité d’expertise ont disparu de cette version du texte.
Pourtant, d’autres choix sont possibles. Par exemple, nous pourrions augmenter substantiellement les ressources et les moyens humains des deux structures et les inciter à mener un travail en interne pour alléger les procédures.
Le groupe du RDSE, à une très large majorité, considère que, en l’état, ce projet de loi ne nous permettra pas de maintenir le degré d’exigence que nous attendons pour notre sûreté nucléaire.
Toutefois, j’y insiste, en rejetant ce texte, nous ne nous opposons pas au nucléaire. Au contraire, nous réitérons notre volonté de renforcer nos instances de sûreté nucléaire et d’en améliorer l’indépendance et la transparence, en vue de relever le défi hors norme de la relance de notre filière nucléaire. (M. Sébastien Fagnen applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
Mme Nadège Havet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi portant sur la gouvernance de la sûreté nucléaire est primordial pour accompagner la relance historique de notre filière nucléaire. Surtout, il s’inscrit dans un contexte particulier et traduit une ambition, celle de faire de la France le premier grand pays industriel au monde à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles.
Il s’agit d’un défi d’une ampleur considérable. Pour le relever, nous devons nous appuyer sur la stratégie française pour l’énergie et le climat, en produisant, d’une part, une énergie décarbonée, nucléaire comme renouvelable, et en diminuant, d’autre part, notre consommation énergétique.
Nous le faisons, tout d’abord, grâce à la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, qui a été adoptée l’année dernière. Pour la première fois, en 2022, la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’électricité en France a atteint 30 %, après une augmentation de six points en un an.
Dans la même optique, Bruno Le Maire et vous-même, monsieur le ministre, avez fait, la semaine dernière, plusieurs annonces visant à dynamiser le secteur de l’énergie solaire, notamment en soutenant la fabrication de panneaux photovoltaïques en France.
Ensuite, c’est également tout le sens de la loi d’accélération du nucléaire, que nous avons adoptée il y a quelques mois, et du cap très ambitieux que notre majorité a fixé en la matière. À cet égard, je salue une nouvelle fois le travail de la précédente ministre chargée de l’énergie, Agnès Pannier-Runacher.
Comme je l’ai rappelé lors de la première lecture de ce texte, nous n’avons pas le nucléaire honteux. Nous soutenons la relance du secteur pour répondre à plusieurs enjeux : réduire nos émissions grâce à la production d’une énergie décarbonée ; baisser la facture pour les ménages ; tenir notre engagement à sortir des énergies fossiles ; participer à la réindustrialisation de la France – nos chantiers d’EPR2 seront les plus importants d’Europe ; enfin, renforcer la souveraineté énergétique de notre pays, dans un contexte géopolitique instable.
M. Yannick Jadot. Certainement pas !
Mme Nadège Havet. Si l’histoire du nucléaire a été couronnée de succès et que le secteur bénéficie d’un large niveau de confiance, c’est avant tout grâce au cadre de sûreté qui a été mis en place. Celui-ci repose avant tout sur la responsabilité des exploitants, mais aussi sur une organisation permettant un contrôle indépendant.
Le chantier qui nous attend est complètement hors norme, tant en volume qu’en complexité. Alors que nous n’avons développé qu’un seul EPR en France durant les dix-neuf dernières années, la relance du nucléaire va demander une montée en charge et en capacité inédite pour la filière depuis le plan Messmer. Il s’agit d’un changement complet de paradigme. Aussi apparaît-il nécessaire de réformer la gouvernance de notre sûreté nucléaire.
Lorsque nous avons entamé, en commission, l’examen de ce projet de loi le 31 janvier dernier, une grande partie des cinquante-cinq amendements qui ont été adoptés visaient à répondre aux inquiétudes qu’il suscitait, en apportant des précisions sur la séparation entre les activités d’expertise et de décision au sein de la future autorité et sur la publication des avis d’expertise.
En séance, nous avons confirmé ces avancées. L’Assemblée nationale a ensuite rendu sa copie, comportant quelques points de divergence avec la nôtre. Mercredi dernier, grâce au travail des rapporteurs, nous sommes parvenus à un accord lors de la commission mixte paritaire, exprimant une position d’équilibre.
Tout d’abord, nous nous sommes accordés sur la fusion de l’ASN et de l’IRSN en une autorité administrative indépendante unique, l’ASNR.
Ensuite, nous nous sommes accordés pour distinguer l’expertise et la décision dans l’organisation des instructions. Nous avons rétabli les dispositions, voulues par le Sénat, qui consacrent, pour chaque dossier, une distinction entre le personnel chargé de l’expertise et celui chargé de la décision, en précisant que cette distinction s’opère pour une instruction donnée et ne concerne que les dossiers pour lesquels l’instruction recourt à une expertise.
Enfin, nous nous sommes accordés sur le projet de règlement intérieur de la future autorité, qui devra être présenté, comme les projets de modification, à l’Opecst.
Par ailleurs, plusieurs points nécessiteront une attention particulière dans le contexte d’une activité démultipliée : le respect de l’engagement pris par le Gouvernement d’un rattrapage des rémunérations des salariés et des contractuels publics ; l’accompagnement des changements majeurs dans les procédures de travail ; la mise en œuvre claire des dispositions sociales ; enfin, l’accompagnement du plan de recrutement massif, 100 000 postes devant être pourvus en dix ans – il s’agit, là encore, d’un défi colossal à relever.
Pour toutes ces raisons, mon groupe se prononcera en faveur de ce texte de compromis. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Gilbert-Luc Devinaz. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la transition énergétique passe par le nucléaire.
Le Président de la République nous a présenté sa stratégie en la matière ; le premier étage de la fusée est un plan de construction de quatorze EPR. Quel dommage que, en 2015, le ministre de l’économie ait décidé de brader la branche énergie d’Alstom à l’américain General Electric, privant ainsi la France de ses turbines stratégiques !
Ce projet de loi, qui est le deuxième étage de la fusée, va déstabiliser le secteur qui assure notre sûreté et notre sécurité, alors que personne n’a su nous démontrer les limites de ce modèle, riche de vingt-cinq ans d’expérience.
Pour la première fois dans l’histoire du nucléaire français, l’unanimité ne sera pas de mise, le Gouvernement s’entêtant dans la politique de clivage qu’il mène depuis sept ans.
Les défenseurs de cette réforme ont une obsession : l’expert ne doit pas dicter la décision. Aussi ce texte permettra-t-il, malheureusement, au décisionnaire de faire taire l’expert.
Compte tenu des moyens de communication en réseau et du foisonnement de fausses informations, le meilleur moyen d’assurer la confiance est la transparence : plus l’organisation sera transparente, plus le doute sera éliminé.
Dès lors, pourquoi faire l’inverse ? Pour faire plus vite, moins cher et mieux ? Le cas de Boeing, qui a appliqué cette logique, devrait vous refroidir…
Par ailleurs, ce texte est un vecteur d’affaiblissement pour la recherche. Cela s’explique sans doute par l’idée fausse selon laquelle la recherche porterait forcément un risque de surenchère, alors qu’elle permet au contraire de répondre rationnellement aux inquiétudes et ainsi d’éviter les blocages insolubles.
La réflexion sur la différence entre les fonctions d’évaluation et de décision a été insuffisante ; les proximités, les équilibres et les différences entre les deux n’ont pas été pris en considération. Alors qu’une imbrication forte entre expertise et recherche est gage de pertinence et d’efficacité en matière de maîtrise des risques, cette réforme vise, semble-t-il, à dissoudre l’expertise dans la fonction de décision. Dans ce contexte, il aura été difficile de réfléchir à la place à donner à la recherche dans le système de gouvernance unifié qui est proposé.
Ce manque de vision et l’absence d’une évaluation sérieuse des risques d’une telle fusion ont conduit à retenir le statut d’autorité administrative indépendante pour le futur organisme, alors qu’une administration n’est pas un lieu approprié pour mener des projets de recherche.
Cette question est tout particulièrement prégnante au vu de la part importante des moyens humains, mais surtout financiers, qu’il faudrait consacrer à la recherche au sein de la future autorité, comme l’a souligné l’ancien délégué aux risques majeurs Philippe Vesseron.
Nous ne pourrons le constater que dans la durée, mais nul doute que l’organisation instaurée par ce texte sera contre-performante, car elle nuira à la viabilité de notre capacité de recherche, à la proportionnalité des mesures de sûreté, aux liens de sûreté et de sécurité entre le nucléaire civil et le nucléaire de défense, et à la transparence, donc à la confiance.
En effet, l’IRSN a permis de partager les connaissances scientifiques avec la société civile ; son action a été soutenue et encouragée par le débat public.
Par ailleurs, ce projet de loi met en péril notre organisation à court terme : il fragilise les équipes, la fusion conduisant nécessairement à un choc culturel, dans un contexte clé de relance du nucléaire ; il déconnecte la sûreté nucléaire de la sécurité nucléaire, alors qu’elles sont intimement liées ; il réduit la transparence, laissant les choix de publication au bon vouloir de la nouvelle structure ; enfin, il renvoie l’essentiel à un futur règlement intérieur, qui ne dit rien de l’équilibre organisationnel.
Pour réussir notre transition énergétique, nous aurons besoin de l’électricité nucléaire. Par cette réforme, nous allons retarder cette transition, désorganiser nos structures et nous exposer à des risques. Avec ce texte, les énergies fossiles ont de belles années devant elles, alors que le réchauffement climatique ne nous permet pas de continuer d’y recourir.
Nous regrettons que les voix qualifiées n’aient pas été entendues et nous restons opposés à cette réforme à risque. Notre groupe votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est presque minuit. Je vous propose de prolonger la séance afin d’achever les points inscrits à l’ordre du jour.
Il n’y a pas d’observations ?…
Il en est ainsi décidé.
La parole est à M. Patrick Chaize, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable applaudit également.)
M. Patrick Chaize. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les projets de loi ordinaire et organique que nous examinons comportent trois réformes techniques destinées à accompagner la relance de la filière nucléaire, qui a été actée par la loi dite Nouveau Nucléaire du 22 juin 2023.
La commission des affaires économiques était chargée de l’examen au fond des articles 12 et 16 à 18 du projet de loi ordinaire, relatifs à la simplification des règles de la commande publique et au repositionnement du haut-commissaire à l’énergie atomique. Elle s’est saisie pour avis des autres articles de ces projets de loi concernant la création de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.
Je me félicite que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord. Ce ne fut pas facile, car la réforme était bien mal engagée. L’an passé, la commission des affaires économiques avait rejeté des amendements présentés à la hâte par le Gouvernement pour leur préférer une saisine de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. C’était indispensable.
Cette année, le remaniement nous a privés pendant un mois d’un ministre chargé du dossier. Aussi n’avons-nous pu auditionner personne en commission !
Heureusement, notre travail de fond a payé : nous avons fait prospérer de nombreux apports sénatoriaux. En tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, j’ai fait adopter en première lecture une trentaine d’amendements : un tiers sur les articles dont la commission était saisie au fond et deux tiers sur ceux où elle l’était pour avis. Plus d’une vingtaine de ces dispositions subsistent dans les textes finaux, ce dont je me réjouis.
Il en va ainsi de l’article 12 sur le haut-commissaire à l’énergie atomique. Nous avons ajouté à ses missions la possibilité d’indiquer au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et à toute autorité administrative l’orientation scientifique et technique qui lui paraît souhaitable.
De plus, nous avons veillé à ce qu’il puisse émettre un avis sur le projet de loi de programmation de l’énergie, qui a été mise en attente, de même que sur le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie, qui est en préparation.
En ce qui concerne ses modalités d’actions, nous nous sommes assurés que le haut-commissaire pourra être saisi pour avis sur un projet de texte législatif ou réglementaire, un projet d’acte de l’Union européenne ou une question relative aux activités nucléaires civiles. J’ai également souhaité qu’il évalue chaque année l’état des activités nucléaires civiles.
Quant à son mode de désignation, si l’Assemblée nationale n’a pas souhaité qu’il relève de la procédure prévue à l’article 13 de la Constitution, je me réjouis que, en contrepartie, ce choix ait prévalu pour le président du conseil d’administration de la société Orano. Alors que le cycle du combustible nucléaire prend un tournant plus stratégique que jamais, il s’agit d’un progrès historique pour le contrôle parlementaire des décisions du Gouvernement comme des orientations de la filière nucléaire.
En ce qui concerne les articles 16 à 18, relatifs à la commande publique, je me félicite du maintien de deux facultés introduites par le Sénat pour les porteurs de projet : le critère de crédibilité des offres et le recours à des avenants. Ces souplesses additionnelles étaient demandées par la filière nucléaire.
Nous sommes aussi parvenus à ajuster utilement le périmètre des souplesses administratives initiales en y intégrant, aux côtés des marchés uniques, les marchés mixtes, les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices, ainsi que les installations idoines, dont celles d’entreposage et de gestion des déchets.
En outre, nous avons obtenu de conserver l’obligation pour les porteurs de projet de notifier à l’État le recours aux dérogations aux règles de publicité et de mise en concurrence, dont le Gouvernement rendra compte à son tour au Parlement.
Je suis convaincu que la simplification a priori des normes doit s’accompagner d’un renforcement a posteriori des contrôles. C’est une exigence économique pour prévenir toute dérive des délais et, in fine, des coûts.
J’aurai un dernier mot sur la création de l’ASNR, pour me féliciter du maintien de dispositions que j’avais proposées : l’instauration d’un préfigurateur pour mener à bien la fusion ; l’application d’une règle de parité ; l’exigence de publication concomitante des résultats d’expertise et des décisions ; la protection du secret des affaires ; l’interdiction, dans certains cas, du recours à du personnel étranger ; enfin, l’évaluation des besoins financiers et humains du CEA.
Je me réjouis également que des dispositions que j’ai soutenues aient été conservées, notamment la possibilité pour l’Opecst de prendre connaissance du règlement intérieur de l’autorité, la séparation entre les fonctions d’expertise et de décision, l’institution d’une commission de déontologie, ou encore le recours à un groupe permanent d’experts.
Au total, les mesures que j’ai citées étant indispensables à la relance du nucléaire, tant espérée par la filière, je vous invite, mes chers collègues, à voter en faveur de ces deux textes, comme le fera mon groupe. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Bernard Buis applaudit également.)
Vote sur l’ensemble du projet de loi
Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement du Sénat, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 174 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 233 |
Contre | 109 |
Le Sénat a adopté définitivement le projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Louis Vogel applaudit également.)
Vote sur l’ensemble du projet de loi organique
Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 175 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 233 |
Contre | 109 |
Le Sénat a définitivement adopté le projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Louis Vogel applaudit également.)
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le ministre, je vous remercie, ainsi que votre collègue Christophe Béchu, de votre engagement.
Je remercie également le président de l’Opecst, Stéphane Piednoir, de même que Sophie Primas, qui, alors présidente de la commission des affaires économiques, avait saisi l’Office de ce projet de réforme.
Enfin, je tiens à saluer l’excellente collaboration entre la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et la commission des affaires économiques, dont je remercie la présidente, Dominique Estrosi Sassone, et le rapporteur pour avis, Patrick Chaize. Ce dernier a réalisé avec Pascal Martin un excellent travail. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et RDPI.)
M. Laurent Burgoa. Très bien !
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Mes chers collègues, permettez-moi d’adresser un remerciement particulier au rapporteur Pascal Martin, qui a réalisé un travail remarquable et s’est montré attentif et à l’écoute. Son labeur et sa volonté de dialogue ont permis à la commission mixte paritaire d’aboutir à un accord. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et RDPI.)
9
Diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne
Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du Gouvernement, l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole (texte de la commission n° 513, rapport n° 512).
La parole est à M. Pascal Allizard, au nom de la commission mixte paritaire. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)
M. Pascal Allizard, au nom de la commission mixte paritaire. Je serai bref : la commission mixte paritaire qui s’est réunie jeudi dernier pour examiner ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, mieux connu sous l’acronyme auquel nous avons fini par nous habituer de « Ddadue », a été conclusive.
Au sein des nombreux articles de ce texte, trois points ont fait l’objet de plus de débats que les autres.
Le premier point portait sur les retours de congé maladie : l’alignement avec le droit européen impose une information des salariés, notamment du secteur privé, sur les congés payés auxquels ils ont droit après ce retour. Nous avons trouvé un accord.
Le second point avait trait au rôle des chambres d’agriculture. Il fallait, à l’article 34, définir l’articulation des contrôles entre les chambres d’agriculture et leurs partenaires, qu’il s’agisse des départements ou des interprofessions.
Le troisième point portait sur l’harmonisation du droit de la garde à vue. À titre personnel, je m’étonne, depuis que j’ai été nommé président de la commission spéciale chargée de ce texte, que nous traitions un sujet aussi important – la garde à vue est une mesure privative des libertés individuelles – par le truchement d’une loi-balai un peu fourre-tout. Quoi qu’il en soit, nous avons fini par parvenir à un accord avec nos collègues députés et, surtout, avec le garde des sceaux.
Pour conclure, je rappelle que nous avons mené une expérience intéressante au Sénat : nous avons partagé le texte en deux et avons eu recours à la procédure de législation en commission sur dix-huit articles – cela s’est très bien passé et nous a permis d’être proactifs – tout en laissant de côté, en accord avec tous les membres de la commission spéciale, les sujets les plus sensibles pour qu’ils fassent l’objet d’un débat en séance publique.
Voilà, mes chers collègues, la synthèse que je puis faire des travaux de la commission mixte paritaire. Je ne doute pas que nous adopterons ce texte à l’issue de la discussion. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Bernard Buis applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinez ce soir le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de numérique, d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole.
Ce projet de loi a fait l’objet d’une commission mixte paritaire conclusive le 4 avril dernier, ce dont le Gouvernement se réjouit. Cet accord est le fruit d’un dialogue constant et exigeant, notamment avec les rapporteurs Cyril Pellevat et Daniel Fargeot, dont je tiens à saluer le travail.
Le droit français s’enrichit régulièrement des décisions prises conjointement avec les autres États membres. La création d’un cadre européen unifié est la meilleure protection et le meilleur moyen d’accompagnement que nous puissions garantir à nos entreprises et à nos concitoyens, et ce partout en Europe.
C’est cette exigence de disposer d’un droit national conforme aux évolutions législatives européennes que nous souhaitons maintenir, exigence qui nous a permis de placer la France au premier rang du classement des États membres, établi par la Commission européenne, en matière de transposition des directives. Actuellement, sur un stock non négligeable de près de mille directives concernées par le marché intérieur qui devaient être transposées en droit interne, une seule reste en attente. Nous pouvons nous en réjouir et être collectivement fiers de ce bilan.
Les Ddadue sont des objets particuliers et s’attellent bien souvent à des points très techniques. C’est la raison pour laquelle ce texte contient des habilitations à légiférer par ordonnance, dont je sais que les parlementaires ne sont généralement pas très friands. J’en conviens, mais soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement s’est efforcé de limiter au maximum leur nombre dans ce texte. De plus, nous avons veillé à ce que les délais octroyés soient raisonnables, tout en tenant compte de la complexité d’un certain nombre de dispositions à transposer.
Sans revenir dans le détail sur les sujets variés que le texte aborde, je souhaite m’arrêter un instant sur plusieurs points qui m’intéressent plus particulièrement en tant que secrétaire d’État chargée du numérique.
Tout d’abord, l’article 3 habilite le Gouvernement à modifier par ordonnance, pour y apporter les correctifs nécessaires, la loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, adoptée sur l’initiative du député Stéphane Vojetta, qui en fut en outre le rapporteur.
C’est primordial pour que cette loi soit conforme au droit européen et donc pleinement applicable sans risque juridique, puisque la Commission nous avait alertés en ce sens.
En effet, le règlement sur les services numériques, ou Digital Services Act (DSA), étant entré en vigueur postérieurement à son adoption, certains articles de ladite loi étaient devenus redondants. C’est donc à juste titre que le présent article 3 permet leur abrogation.
D’autres articles du titre Ier de cette loi doivent également faire l’objet de modifications.
Il convient notamment d’insérer explicitement dans la loi, telle qu’elle sera réécrite par ordonnance, la possibilité d’utiliser les procédures de dérogation au principe du pays d’origine (PPO) afin que des règles protectrices des consommateurs français puissent s’imposer à des influenceurs installés dans un autre État membre de l’Union européenne, quand cela sera nécessaire et de manière proportionnée.
Enfin, je me félicite que la commission mixte paritaire ait opté pour une durée d’habilitation de neuf mois. Ce délai est en effet nécessaire pour mener à bien les consultations juridiquement obligatoires, notamment celles de la Commission européenne et du Conseil d’État. Tout cela demande du temps et un tel délai nous permettra de mener à bien ces échanges.
Par ailleurs, aux termes de l’article 35 du présent texte, le Gouvernement remettra, dans un délai de trois mois à compter de sa promulgation, un rapport au Parlement sur la mise en œuvre de la loi du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, texte issu d’une proposition de loi du président du groupe Horizons de l’Assemblée nationale, Laurent Marcangeli.
Ce rapport nous permettra de mieux prendre en compte les observations transmises par la Commission européenne dans le cadre de la procédure de notification préalable.
L’enjeu de la vérification d’âge en ligne est très important ; tel est d’ailleurs l’objet des articles 1er et 2 du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, dit projet de loi Sren.
Sur les plans économique et financier, je salue l’accord trouvé en commission mixte paritaire pour donner le temps nécessaire aux échanges entre la Commission européenne et les différentes parties prenantes.
Plusieurs habilitations à légiférer par ordonnance sont données au Gouvernement, en matière tant de protection des consommateurs que de droit financier, pour protéger nos sociétés commerciales.
Les amendements proposés par le Gouvernement aux articles 5 et 6 tendent à sécuriser, au regard de l’article 38 de la Constitution, les habilitations telles qu’elles ont été rédigées par la commission mixte paritaire.
La première habilitation, à l’article 5, porte sur la directive relative à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées, ou directive Women on Boards.
La seconde habilitation, à l’article 6, permettra, quant à elle, d’adapter notre droit au règlement européen révisé sur les transferts de fonds, ou Transfer of Funds Regulation (TFR), qui renforcera considérablement notre dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux.
Nous aurons ainsi, en sus du règlement sur les marchés de crypto-actifs, ou Markets in Crypto-Assets (Mica), qui fait également l’objet d’une habilitation dans ce projet de loi, transposé les deux piliers du cadre européen de régulation des activités des prestataires de services sur crypto-actifs.
En matière de transition écologique, ce Ddadue traduit en droit français la définition de l’hydrogène renouvelable et de l’hydrogène bas-carbone, éléments clés de notre politique de souveraineté énergétique.
En matière de coopération judiciaire, je tiens à souligner l’importance du texte pour soutenir les dispositions renforçant notre lutte antiterroriste. Désormais, un égal accès des services répressifs de tout État membre aux informations disponibles dans d’autres États est garanti.
En matière de protection sociale, plusieurs décisions de justice récentes portant sur le régime des congés payés avaient conduit le Gouvernement à présenter un amendement, sur lequel l’avis du Conseil d’État avait été demandé avant son dépôt, pour remédier à l’inconventionnalité d’un article du code du travail. Cette clarification est nécessaire pour tous les employeurs et tous les salariés.
Enfin, en matière agricole, la gestion par les régions d’une partie des aides relevant du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) pour la programmation 2014-2022 est facilitée. Le préfet pourra désormais déléguer sa signature aux autorités de gestion régionales pour ce qui concerne les décisions restant à prendre au titre des aides de la précédente programmation de la politique agricole commune (PAC) dont la gestion a été confiée aux régions et qui ont été cofinancées par l’État. Il s’agit d’une mesure de simplification qui était très attendue par les régions.
L’article 34 vise, quant à lui, à garantir la mise en œuvre du règlement européen du 9 mars 2016 relatif à l’identification des animaux et à leurs mouvements, sécurisant le rôle de chambres d’agriculture dans la collecte et l’utilisation de ces données. Je vous présenterai un amendement de clarification sur ce point.
Enfin, les crues exceptionnelles par leur durée et leur intensité que nous avons affrontées récemment et auxquelles nous sommes encore malheureusement confrontés, en particulier dans le nord de la France et dans les Alpes, ont souligné de nouveau l’attente par les collectivités d’un cadre simplifié pour mener les actions de prévention des risques d’inondation prévues par la directive européenne du 23 octobre 2007. Des amendements ont été adoptés pour alléger et simplifier les procédures en la matière.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, nous pouvons nous féliciter que, sur ce Ddadue, les travaux menés de concert nous permettent de disposer d’un droit national conforme aux évolutions législatives européennes récentes, au service de nos entreprises et de nos concitoyens.
Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole
TITRE Ier
DISPOSITIONS D’ADAPTATION AU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
Chapitre Ier
Dispositions relatives au droit de la consommation
Article 1er
I. – Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° La section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier est complétée par une sous-section 4 ainsi rédigée :
« Sous-section 4
« Infrastructures de recharge et de ravitaillement
« Art. L. 132-29. – Tout manquement aux 1, 2 à 6 et 9 de l’article 5, à l’article 7 et au c du 1 de l’article 19 du règlement (UE) 2023/1804 du Parlement européen et du Conseil du 13 septembre 2023 sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs et abrogeant la directive 2014/94/UE est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale.
« Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V du présent code. » ;
2° Après le 32° de l’article L. 511-7, il est inséré un 33° ainsi rédigé :
« 33° Du 1, des 2 à 6 et du 9 de l’article 5, de l’article 7 et du c du 1 de l’article 19 du règlement (UE) 2023/1804 du Parlement européen et du Conseil du 13 septembre 2023 sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs et abrogeant la directive 2014/94/UE. »
I bis. – À la seconde phrase de l’article L. 353-4 et à la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 641-4-2 du code de l’énergie, après le mot : « obligations », sont insérés les mots : « , à l’exception des manquements mentionnés à l’article L. 132-29 du code de la consommation, ».
II. – Les objectifs relatifs au déploiement des infrastructures de ravitaillement en hydrogène des véhicules routiers définis à l’article 6 du règlement (UE) 2023/1804 du Parlement européen et du Conseil du 13 septembre 2023 sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs et abrogeant la directive 2014/94/UE ne sont pas applicables, sous réserve de la compétence de la loi organique, dans les régions ultrapériphériques de l’Union européenne ni dans les îles relevant de la définition des petits réseaux connectés ou des petits réseaux isolés dans les conditions prévues au 5 du même article 6.
Article 2
I. – Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° L’article liminaire est complété par un 19° ainsi rédigé :
« 19° Prestataire de service : toute personne qui offre ou fournit un service. » ;
2° Le titre II du livre IV est ainsi modifié :
a) Les articles L. 421-1 et L. 421-2 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 421-1. – Pour l’application du présent titre, on entend par “opérateur économique” le fabricant, le mandataire, l’importateur, le distributeur, le prestataire de services d’exécution des commandes ou toute autre personne physique ou morale soumise à des obligations liées à la fabrication de produits ou à leur mise à disposition sur le marché, au sens du 13 de l’article 3 du règlement (UE) 2023/988 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 relatif à la sécurité générale des produits, modifiant le règlement (UE) n° 1025/2012 du Parlement européen et du Conseil et la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil, et abrogeant la directive 2001/95/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 87/357/CEE du Conseil.
« Art. L. 421-2. – Les produits destinés aux consommateurs ou susceptibles, dans des conditions raisonnablement prévisibles, d’être utilisés par les consommateurs même s’ils ne leur sont pas destinés satisfont aux dispositions du règlement (UE) 2023/988 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 relatif à la sécurité générale des produits, modifiant le règlement (UE) n° 1025/2012 du Parlement européen et du Conseil et la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil, et abrogeant la directive 2001/95/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 87/357/CEE du Conseil. » ;
b) À l’article L. 421-3, les mots : « produits et les » sont remplacés par les mots : « prestations de » ;
c) Les articles L. 421-4 à L. 421-7 sont abrogés ;
d) L’article L. 422-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 422-1. – Les produits ne satisfaisant pas aux exigences du règlement (UE) 2023/988 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 relatif à la sécurité générale des produits, modifiant le règlement (UE) n° 1025/2012 du Parlement européen et du Conseil et la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil, et abrogeant la directive 2001/95/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 87/357/CEE du Conseil et les prestations de services ne satisfaisant pas à l’obligation générale de sécurité prévue à l’article L. 421-3 du présent code sont interdits ou réglementés dans les conditions prévues à l’article L. 412-1. » ;
e) À l’article L. 422-3, les mots : « 13 de la directive 2001/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 3 décembre 2001 relative » sont remplacés par les mots : « 28 du règlement (UE) 2023/988 du Parlement et du Conseil du 10 mai 2023 relatif » et, après le mot : « produits », sont insérés les mots : « , modifiant le règlement (UE) n° 1025/2012 du Parlement européen et du Conseil et la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil, et abrogeant la directive 2001/95/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 87/357/CEE du Conseil » ;
f) À la fin de l’intitulé du chapitre III, les mots : « producteurs et des distributeurs » sont remplacés par les mots : « opérateurs économiques » ;
g) Les articles L. 423-1 et L. 423-2 sont abrogés ;
h) L’article L. 423-3 est ainsi modifié :
– les trois premiers alinéas sont supprimés ;
– aux quatrième, cinquième et avant-dernier alinéas, le mot : « professionnels » est remplacé par les mots : « opérateurs économiques » ;
i) Les articles L. 423-4 et L. 424-1 sont abrogés ;
3° Le chapitre II du titre V du même livre IV est ainsi modifié :
a) Après l’article L. 452-5, il est inséré un article L. 452-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 452-5-1. – Le fait, pour un fabricant ou un importateur, de ne pas mettre en œuvre les mesures prévues au paragraphe 8 de l’article 9 et au paragraphe 8 de l’article 11 du règlement (UE) 2023/988 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 relatif à la sécurité générale des produits, modifiant le règlement (UE) n° 1025/2012 du Parlement européen et du Conseil et la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil, et abrogeant la directive 2001/95/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 87/357/CEE du Conseil ou, pour un fournisseur de places de marché en ligne, de ne pas respecter les obligations prévues au paragraphe 12 de l’article 22 du même règlement est puni d’une peine d’emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 600 000 euros.
« Ce montant peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;
b) Aux premier et troisième alinéas de l’article L. 452-6, les mots : « du délit puni à l’article L. 452-5 » sont remplacés par les mots : « des délits punis aux articles L. 452-5 et L. 452-5-1 » ;
c) À l’article L. 452-7, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « premier ».
II. – Les 2° et 3° du I entrent en vigueur le 13 décembre 2024.
Article 3
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, à prendre par ordonnance les mesures strictement nécessaires permettant :
1° De mettre les articles 1er, 2, 4, 5, 8 et 9 de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux en conformité avec :
a) les règles européennes applicables aux services de la société de l’information, résultant de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique ») et de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information ;
b) les règles européennes applicables au marché unique des services numériques, résultant du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services électroniques) ;
c) les règles européennes applicables aux services de médias audiovisuels, résultant de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »), compte tenu de l’évolution des réalités du marché ;
d) les règles européennes applicables aux pratiques commerciales déloyales, résultant de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales ») ;
2° De tirer les conséquences, en termes de coordination et de mise en cohérence, des modifications apportées en application du 1° du présent I sur d’autres dispositions législatives ;
3° De rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions prises en application des 1° et 2° qui relèvent de la compétence de l’État et de procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
III. – Les articles 10, 11, 12, 15 et 18 de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 précitée sont abrogés.
Article 3 bis
(Supprimé)
Chapitre II
Dispositions relatives au droit des sociétés
Article 4
I. – L’ordonnance n° 2023-393 du 24 mai 2023 portant réforme du régime des fusions, scissions, apports partiels d’actifs et opérations transfrontalières des sociétés commerciales est ratifiée.
II. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° L’article L. 225-124 est ainsi modifié :
a) La dernière phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « ou d’un apport partiel d’actifs soumis au régime des scissions par la société actionnaire » ;
a bis) Au deuxième alinéa, après le mot : « si », sont insérés les mots : « les actions de » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« En cas de fusion, de scission ou d’apport partiel d’actifs soumis au régime des scissions, les droits de vote double dans des sociétés tierces dont bénéficie la société absorbée, la société scindée ou la société qui apporte une partie de son actif comprenant ces droits sont maintenus au profit de la société absorbante ou de la société bénéficiaire de la scission ou de l’apport partiel d’actifs ou, le cas échéant, au profit de la société nouvelle résultant de l’opération. » ;
2° Au second alinéa de l’article L. 236-20, après le mot : « limitée », sont insérés les mots : « ainsi que les scissions comportant uniquement la participation de sociétés à responsabilité limitée » ;
3° Au début du premier alinéa de l’article L. 236-21, les mots : « Le I de » sont supprimés ;
4° Au deuxième alinéa de l’article L. 236-22, les mots : « du rapport mentionné » sont remplacés par les mots : « des rapports mentionnés » et les mots : « à celui » sont remplacés par les mots : « du rapport » ;
5° Le premier alinéa de l’article L. 236-28 est ainsi modifié :
a) Après les deux occurrences des mots : « totalité des », sont insérés les mots : « parts ou des » ;
b) Après la seconde occurrence du mot : « actif », sont insérés les mots : « ou qu’une même société détient en permanence la totalité des actions représentant la totalité du capital de la société qui apporte une partie de son actif et de la ou des sociétés bénéficiaires » ;
c) Les mots : « du rapport mentionné au I de » sont remplacés par les mots : « des rapports mentionnés à » ;
d) (Supprimé)
6° L’article L. 236-29 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « des apports résultant de l’opération mentionnées à l’article L. 236-27 » sont remplacés par les mots : « de l’apport » et les mots : « en lieu et place de celle-ci sans que cette substitution » sont remplacés par les mots : « sans que cette opération » ;
b) Au second alinéa, les mots : « de toute société concernée par la scission » sont remplacés par les mots : « des sociétés bénéficiant de l’apport » ;
7° Au premier alinéa de l’article L. 236-30, après le mot : « stipulé », sont insérés les mots : « que la société qui apporte une partie de son actif ne sera pas solidaire des sociétés bénéficiaires de l’apport et » ;
8° À l’article L. 236-31, la référence : « 2119 » est remplacée par la référence : « 119 » ;
9° Au premier alinéa de l’article L. 236-35, après le mot : « générale », sont insérés les mots : « ou, lorsque l’approbation de la fusion par l’assemblée générale n’est pas requise en application du II de l’article L. 236-9 ou des articles L. 236-11 ou L. 236-12, avant la date de la décision de la fusion ou de la constatation de sa réalisation par l’organe compétent » ;
10° Le début du dernier alinéa de l’article L. 236-36 est ainsi rédigé : « Ce rapport est mis à la disposition des associés ou remis dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas du présent article postérieurement… (le reste sans changement). » ;
11° Au premier alinéa de l’article L. 236-38, le mot : « actionnaires » est remplacé par le mot : « associés » ;
12° L’article L. 236-40 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après la deuxième occurrence du mot : « actions », sont insérés les mots : « ou leurs parts sociales » et, après la dernière occurrence du mot : « actions », sont insérés les mots : « ou des parts sociales » ;
b) Au deuxième alinéa, le mot : « titres, » est supprimé ;
c) Au troisième alinéa, après le mot : « actions », sont insérés les mots : « ou leurs parts sociales » ;
13° L’article L. 236-48 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « , le cas échéant, » sont supprimés ;
b) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’apport ne comprend qu’une partie de son actif, la société peut décider, d’un commun accord avec la ou les sociétés bénéficiaires, de soumettre l’opération à ces mêmes dispositions. » ;
c) Au début du même dernier alinéa, les mots : « Lorsqu’il est fait application du premier alinéa » sont remplacés par les mots : « Pour les opérations mentionnées au présent article » ;
14° L’article L. 236-50 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les mêmes conditions s’appliquent lorsqu’une société figurant en annexe II à la directive (UE) 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 précitée se transforme en une société par actions ou en une société à responsabilité limitée immatriculée en France, sans être dissoute, liquidée ou mise en liquidation, et y transfère au moins son siège statutaire, tout en conservant sa personnalité juridique. » ;
15° À l’article L. 236-52, la référence : « L. 236-36 » est remplacée par la référence : « L. 236-38 » ;
16° Le 2° du I de l’article L. 950-1 est ainsi modifié :
a) Au huitième alinéa, les références : « , L. 236-6, L. 236-9 » sont supprimées ;
b) Au treizième alinéa, la référence : « L. 225-124, » est supprimée ;
c) Le début du dix-neuvième alinéa est ainsi rédigé : « Les articles L. 235-8, L. 236-1 à L. 236-19, L. 236-23 à L. 236-27, L. 236-32 à L. 236-34, L. 236-37, L. 236-39, L. 236-41 à L. 236-47, L. 236-49, L. 236-51 et L. 236-53 sont… (le reste sans changement). » ;
d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les articles L. 225-124, L. 236-20 à L. 236-22, L. 236-28 à L. 236-31, L. 236-35, L. 236-36, L. 236-38, L. 236-40, L. 236-48, L. 236-50 et L. 236-52 sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole. »
III. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 2371-1 est ainsi modifié :
a) Le 1° est complété par les mots : « ou d’un apport partiel d’actifs » ;
b) Au 2°, après le mot : « transfrontalières », sont insérés les mots : « ou à un apport partiel d’actifs » ;
c) Au 3°, après le mot : « transfrontalières », sont insérés les mots : « ou d’un apport partiel d’actifs » ;
d) Au dernier alinéa, après le mot : « transfrontalières », sont insérés les mots : « ou d’apport partiel d’actifs » ;
2° Au 2° de l’article L. 2372-1, les mots : « de la fusion » sont remplacés par les mots : « de l’opération ».
Article 5
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant :
1° De transposer la directive (UE) 2022/2381 du Parlement européen et du Conseil du 23 novembre 2022 relative à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées et à des mesures connexes, et prévoir les dispositions de coordination et d’adaptation de la législation liées à cette transposition :
a) En prévoyant que la transposition des dispositions de la directive (UE) 2022/2381 du Parlement européen et du Conseil du 23 novembre 2022 précitée corresponde, a minima, au champ d’application des articles L. 225-18-1 et L. 226-4-1 du code de commerce ;
b) En prévoyant que l’objectif de parité à atteindre au sein des organes de gouvernance des sociétés commerciales est d’au moins 40 % des postes d’administrateurs non exécutifs ;
c) En excluant la possibilité de prévoir de nouvelles sanctions en cas de non-respect des objectifs de parité femmes-hommes ;
d) En désignant un organisme ou une administration, chargé de veiller au respect de la parité femmes-hommes au sein des organes de gouvernance des sociétés commerciales, qui est doté des moyens nécessaires pour l’exercice de ses missions ;
e) En harmonisant les règles applicables à l’ensemble des entreprises, établissements et autres structures (groupements d’intérêt public, groupements d’intérêt économique) publics avec celles prévues pour les entreprises privées s’agissant de l’objectif de parité femmes-hommes des organes de gouvernance et les sanctions prévues en cas de non-respect de cet objectif ;
f) En prévoyant que les modalités de désignation des administrateurs représentant les salariés soient conformes à l’objectif de parité femmes-hommes ;
2° D’adapter, afin d’assurer leur cohérence et de tirer les conséquences des modifications apportées en application du 1° du présent I, les différentes obligations relatives à la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein des organes des sociétés commerciales en harmonisant ces obligations ;
3° De rendre applicables dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant de l’ordonnance prise sur le fondement du présent I pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au I.
Chapitre III
Dispositions relatives au droit bancaire, monétaire et financier
Article 6
I. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 441-1 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Au 2°, les deux occurrences des mots : « autorisés à » sont remplacées par les mots : « reconnus pour » ;
c) Au 3°, les deux occurrences des mots : « autorisés à fournir en France, sous le régime de la libre prestation de services, » sont remplacés, deux fois, par les mots : « reconnus pour fournir en France » ;
2° Les deux premières phrases du III bis de l’article L. 533-12 sont ainsi rédigées : « Les prestataires de services d’investissement autres que les sociétés de gestion de portefeuille transmettent à leurs clients ou à leurs clients potentiels toutes les informations en lien avec la fourniture d’un service d’investissement ou d’un service connexe par voie électronique. Toutefois, lorsque le client existant ou le client potentiel est un client non professionnel qui demande à recevoir ces informations sur support papier, ces informations lui sont fournies gratuitement sur ce support. » ;
3° Le livre VII est ainsi modifié :
a) La deuxième ligne du tableau du second alinéa du I des articles L. 762-9, L. 763-9 et L. 764-9 est ainsi rédigée :
« |
L. 441-1 |
la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole |
» ; |
b) La dix-huitième ligne du tableau du second alinéa du I des articles L. 773-30, L. 774-30 et L. 775-24 est ainsi rédigée :
« |
L. 533-12 |
la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole |
» |
II. – (Supprimé)
III. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi pour :
1° Adapter les dispositions du code monétaire et financier et, le cas échéant, d’autres codes ou lois pour assurer, à l’entrée en application du règlement (UE) 2023/1114 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 sur les marchés de crypto-actifs, et modifiant les règlements (UE) n° 1093/2010 et (UE) n° 1095/2010 et les directives 2013/36/UE et (UE) 2019/1937, leur cohérence et leur conformité au même règlement ;
2° Définir les compétences de l’Autorité des marchés financiers et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour l’application dudit règlement.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au premier alinéa du présent III.
Article 6 bis
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° L’article L. 561-45-1 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « dotation », la fin du 3° est ainsi rédigée : « et fonds de pérennité ; »
b) Après le même 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les groupements d’intérêt économique établis sur le territoire français ainsi que les fiduciaires, au sens de l’article 2011 du code civil, et les administrateurs de tout autre dispositif juridique comparable relevant d’un droit étranger. » ;
c) À l’avant-dernier alinéa, la référence : « 3° » est remplacée par la référence : « 4° » ;
1°bis (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 561-45-2, la référence : « 3° » est remplacée par la référence : « 4° » ;
2° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 561-46, après la référence : « L. 561-45-1 », sont insérés les mots : « , les placements collectifs mentionnés au 2° du même article L. 561-45-1 ou leurs sociétés de gestion, lorsqu’ils ne sont pas eux-mêmes une société, et les groupements d’intérêt économique mentionnés au 4° dudit article L. 561-45-1 » ;
3° Après le même article L. 561-46, il est inséré un article L. 561-46-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 561-46-1. – Les organismes mentionnés au 3° de l’article L. 561-45-1 déclarent, en complément des informations figurant déjà dans un registre de données structurées tenu par l’autorité administrative et retraçant l’ensemble des informations les concernant et à la déclaration desquelles ils sont astreints par les lois et règlements qui les régissent, les informations actualisées relatives à leurs bénéficiaires effectifs.
« L’autorité administrative vérifie par tous moyens, y compris par des demandes de justificatifs, l’adéquation, l’exactitude et le caractère actualisé des informations figurant dans chacun des registres concernés. Lorsqu’elle constate une divergence entre les informations déclarées et celles dont elle dispose, elle la signale aux organismes concernés, aux fins de correction dans un délai qu’elle porte à leur connaissance. Dans l’intervalle et tant que la divergence persiste, elle la fait figurer dans le registre en précisant les informations sur lesquelles elle porte. » ;
4° Le premier alinéa de l’article L. 574-5 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « sociétés », sont insérés les mots : « ou, le cas échéant, dans un registre mentionné à l’article L. 561-46-1 » ;
b) Après la référence : « L. 561-46 », sont insérés les mots : « ou de l’article L. 561-46-1 » ;
5° Après le 11° du III des articles L. 773-42 et L. 774-42, il est inséré un 11° bis ainsi rédigé :
« 11° bis Au 4° de l’article L. 561-45-1, les mots : “ainsi que les fiduciaires, au sens de l’article 2011 du code civil,” sont supprimés ; »
6° L’article L. 775-36 est ainsi modifié :
a) La quarante-sixième ligne du tableau du second alinéa du I est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
« |
L. 561-45-1 |
la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole |
|
L. 561-45-2 |
l’ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 |
||
L. 561-46 et L. 561-46-1 |
la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole |
» ; |
b) Après le 11° du III, il est inséré un 11° bis ainsi rédigé :
« 11° bis Au 4° de l’article L. 561-45-1, les mots : “ainsi que les fiduciaires, au sens de l’article 2011 du code civil,” sont supprimés ; »
7° La dernière ligne du tableau du second alinéa des articles L. 773-50, L. 774-50 et L. 775-43 est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
« |
L. 574-4 |
l’ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 |
|
L. 574-5 |
la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole |
||
L. 574-6 |
l’ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 |
» |
Article 7
Le livre VII du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° La section 2 du chapitre II du titre Ier est ainsi modifiée :
a) Au premier alinéa de l’article L. 712-9, après la référence : « L. 712-8 », sont insérés les mots : « ou des actes délégués et des actes d’exécution mentionnés à l’article L. 712-11 » ;
b) Il est ajouté un article L. 712-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 712-11. – Le ministre chargé de l’économie arrête les conditions dans lesquelles sont rendus applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna les actes délégués et les actes d’exécution relatifs aux normes techniques de réglementation ou d’exécution adoptés par la Commission européenne sur le fondement de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) n° 1093/2010 et (UE) n° 648/2012. » ;
2° Les articles L. 773-4, L. 774-4 et L. 775-4 sont ainsi modifiés :
a) Après la deuxième ligne du tableau du second alinéa du I, sont insérées deux lignes ainsi rédigées :
« |
L. 511-30 et L. 511-31, à l’exception de son troisième alinéa |
l’ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013 |
|
L. 511-32 |
l’ordonnance n° 2014-158 du 20 février 2014 |
» ; |
b) Le II est ainsi rédigé :
« II. – Pour l’application du I :
« 1° Au premier alinéa de l’article L. 511-32, les mots : “des dispositions européennes directement applicables,” sont remplacés par les mots : “des articles L. 712-7 à L. 712-9 et L. 712-11 du présent code et des dispositions” ;
« 2° Au premier alinéa de l’article L. 511-34, les mots : “ou, pour l’application du 2° du présent article, d’un groupe au sens de l’article L. 356-1 du code des assurances” et les mots : “ou d’un groupe mixte ou d’un conglomérat financier auquel appartiennent des entités réglementées au sens de l’article L. 517-2” sont supprimés. » ;
3° (Supprimé)
4° Le 1° de l’article L. 781-3 est abrogé ;
5° La trente-cinquième ligne du tableau du second alinéa du I des articles L. 783-4, L. 784-4 et L. 785-3 est ainsi rédigée :
« |
L. 613-47 à L. 613-48-1, L. 613-48-2 à l’exception des deux derniers alinéas du I et des II, IX et X, L. 613-49 à l’exception des 2°, 5° et 6° du III et L. 613-49-1 à l’exception du IV |
l’ordonnance n° 2020-1636 du 21 décembre 2020 |
» ; |
6° Après le a du 1° du III des articles L. 783-2, L. 784-2 et L. 785-2, il est inséré un a bis ainsi rédigé :
« a bis) À la première phrase du 7° du II, la référence à l’article L. 564-2 est remplacée par la référence aux dispositions en vigueur localement ayant le même objet ; »
7° Le II des articles L. 783-10, L. 784-10 et L. 785-9 est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° À l’article L. 621-20-6, la référence à l’article L. 564-2 est remplacée par la référence aux dispositions en vigueur localement ayant le même objet. »
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Article 7 ter A
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° L’article L. 613-34 est ainsi modifié :
a) Au 2° du I, les mots : « , à l’exception de celles qui fournissent exclusivement un ou plusieurs des services d’investissement mentionnés aux 1, 2, 4 ou 5 de l’article L. 321-1 et qui ne sont pas » sont remplacés par les mots : « qui sont agréées pour la fourniture d’un service d’investissement mentionné aux 3, 6-1 ou 6-2 de l’article L. 321-1 ou qui sont » ;
b) À la fin du IV, les mots : « présent chapitre » sont remplacés par les mots : « chapitre II du titre Ier du livre III » ;
2° L’article L. 613-44 est ainsi modifié :
a) Le II est ainsi rédigé :
« II. – Le collège de résolution dispense de l’exigence mentionnée au I les sociétés de financement de l’habitat, les sociétés de crédit foncier et les établissements de crédit dont l’objet exclusif est de refinancer des billets à ordre régis par les articles L. 313-42 à L. 313-49-1 et représentatifs de prêts consentis pour le financement d’opérations immobilières en émettant, dans les conditions prévues à l’article 13 de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, des obligations qui ont des caractéristiques identiques à celles de ces billets à ordre, lorsque les conditions suivantes sont réunies :
« 1° Le plan préventif de résolution qui leur est applicable prévoit que, en cas de défaillance avérée ou prévisible, elles font l’objet d’une liquidation judiciaire en application du livre VI du code de commerce et des dispositions particulières qui leur sont applicables ou des mesures de résolution prévues aux sous-paragraphes 3, 4 et 5 du paragraphe 2 de la sous-section 10 de la présente section ;
« 2° La liquidation judiciaire ou les mesures de résolution mentionnées au 1° du présent II garantissent que leurs créanciers, y compris, le cas échéant, les détenteurs d’obligations garanties, supportent les pertes d’une manière conforme aux objectifs de la résolution.
« La personne bénéficiant de la dispense prévue au présent II n’est pas incluse dans le périmètre de consolidation aux fins du calcul de l’exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles au niveau du groupe de résolution. » ;
b) La seconde phrase du premier alinéa du A du VIII est supprimée ;
c) À la première phrase du second alinéa du B du VIII, après la première occurrence du mot : « résolution », sont insérés les mots : « ou de l’autorité de résolution sur base consolidée » ;
3° Le III de l’article L. 613-54 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le collège de résolution y exerce l’intégralité des droits liés à la détention de titres de capital ou d’autres titres de propriété. » ;
4° Au III de l’article L. 613-55-3, les mots : « des dispositions sont prises afin d’indemniser à due concurrence » sont remplacés par les mots : « le collège de résolution peut prendre des dispositions afin d’indemniser » ;
5° Les articles L. 783-4, L. 784-4 et L. 785-3 sont ainsi modifiés :
a) Le I est ainsi modifié :
– la seconde colonne de la quinzième ligne est ainsi rédigée : « la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole » ;
– la vingt-huitième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :
« |
L. 613-44 à l’exception des VII et VIII et du 1° du IX |
la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole |
|
L. 613-44-1 |
l’ordonnance n° 2021-796 du 23 juin 2021 |
» ; |
– la quarante-troisième ligne est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
« |
L. 613-53 à L. 613-53-5 |
l’ordonnance n° 2015-1024 du 20 août 2015 |
|
L. 613-54 |
la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole |
||
L. 613-54-1 et L. 613-54-2 |
l’ordonnance n° 2015-1024 du 20 août 2015 |
» ; |
– la quarante-sixième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :
« |
L. 613-55-3 |
la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole |
|
L. 613-55-4 et L. 613-55-5 |
l’ordonnance n° 2020-1636 du 21 décembre 2020 |
» ; |
b) Au a du 10° du III, les mots : « 3° du » sont supprimés.
Article 7 ter
I. – À la troisième phrase de l’article L. 312-12 du code monétaire et financier, après les mots : « Son président », sont insérés les mots : « est entendu par les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances avant sa désignation et ».
II (nouveau). – La seizième ligne du tableau du second alinéa du I des articles L. 752-2, L. 753-2 et L. 754-2 est ainsi rédigée :
« |
L. 312-12 |
la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole |
». |
Article 8
I. – Le I de l’article L. 712-7 du code monétaire et financier est complété par un 13° ainsi rédigé :
« 13° Le règlement (UE) 2021/1230 du Parlement européen et du Conseil du 14 juillet 2021 concernant les paiements transfrontaliers dans l’Union. »
II. – Le 3° de l’article L. 511-7 du code de la consommation est ainsi rédigé :
« 3° Des paragraphes 1 et 3 de l’article 3 du règlement (UE) 2021/1230 du Parlement européen et du Conseil du 14 juillet 2021 concernant les paiements transfrontaliers dans l’Union ; ».
III. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Le titre V du livre IV est complété par un article L. 450-13 ainsi rédigé :
« Art. L. 450-13. – Le ministre chargé de l’économie et les fonctionnaires qu’il a désignés ou habilités dans les conditions prévues au présent livre disposent des pouvoirs qui leur sont reconnus par le présent livre pour la mise en œuvre des paragraphes 5, 6 et 7 de l’article 14 du règlement (UE) 2022/2560 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur. » ;
2° Après la cinquante-septième ligne du tableau du second alinéa du 4° du I de l’article L. 950-1, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
Article L. 450-13 |
la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole |
» ; |
3° Après l’article L. 954-9, il est inséré un article L. 954-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 954-9-1. – Pour l’application de l’article L. 450-13 à Wallis-et-Futuna, après le mot : “œuvre”, sont insérés les mots : “des règles en vigueur en métropole en vertu”. »
Chapitre IV
Dispositions relatives à l’assistance internationale au recouvrement
Article 9
I. – L’article L. 283 D du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elles autorisent dans ce cadre les administrations des autres États membres à utiliser les informations transmises à d’autres fins si une telle utilisation est permise par la législation française dans le cadre national. » ;
2° Après le même I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Lorsque les informations transmises en application du premier alinéa du I du présent article proviennent d’un autre État membre et que ces informations peuvent présenter un intérêt pour un État membre tiers aux fins mentionnées au second alinéa du paragraphe 1 de l’article 23 de la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures, les administrations financières demandent à l’administration de l’État membre de provenance l’autorisation préalable de transmettre ces informations à cet État membre tiers.
« En l’absence de réponse de la part de l’administration de l’État membre de provenance des informations dans un délai de dix jours ouvrables à compter de la demande d’autorisation, les informations sont transmises à l’administration de l’État membre tiers.
« L’autorisation d’utiliser aux fins mentionnées au second alinéa du I du présent article des informations qui ont été transmises dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas du présent I bis ne peut être donnée que par l’État membre de provenance des informations. » ;
3° Le II est ainsi modifié :
a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « II. – Les administrations financières ne peuvent… (le reste sans changement). » ;
b) Au second alinéa, les mots : « les administrations financières » sont remplacés par le mot : « elles » ;
4° Le III est ainsi rédigé :
« III. – Les informations reçues dans le cadre des articles L. 283 A à L. 283 F peuvent être utilisées à toute autre fin que celle mentionnée au premier alinéa du I du présent article si une telle utilisation est permise par la législation nationale de l’État membre de provenance des informations.
« L’administration bénéficiaire de ces informations est soumise au secret professionnel défini aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. »
II. – L’article 349 sexies du code des douanes est ainsi modifié :
1° Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elles autorisent dans ce cadre les administrations des autres États membres à utiliser les informations transmises à d’autres fins si une telle utilisation est permise par la législation française dans le cadre national. » ;
2° Après le même I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Lorsque les informations transmises en application du premier alinéa du I du présent article proviennent d’un autre État membre et que ces informations peuvent présenter un intérêt pour un État membre tiers aux fins mentionnées au second alinéa du paragraphe 1 de l’article 23 de la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures, les administrations financières demandent à l’administration de l’État membre de provenance l’autorisation préalable de transmettre ces informations à cet État membre tiers.
« En l’absence de réponse de la part de l’administration de l’État membre de provenance des informations dans un délai de dix jours ouvrables à compter de la demande d’autorisation, les informations sont transmises à l’administration de l’État membre tiers.
« L’autorisation d’utiliser aux fins mentionnées au second alinéa du I du présent article des informations qui ont été transmises dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas du présent I bis ne peut être donnée que par l’État membre de provenance des informations. » ;
3° Le II est ainsi modifié :
a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « II. – Les administrations financières ne peuvent… (le reste sans changement). » ;
b) Au second alinéa, les mots : « les administrations financières » sont remplacés par le mot : « elles » ;
4° Le III est ainsi rédigé :
« III. – Les informations reçues dans le cadre des articles 349 ter à 349 octies peuvent être utilisées à toute autre fin que celle mentionnée au premier alinéa du I du présent article si une telle utilisation est permise par la législation nationale de l’État membre de provenance des informations.
« L’administration bénéficiaire de ces informations est soumise au secret professionnel défini aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. » ;
5° Il est ajouté un IV ainsi rédigé :
« IV. – Les informations échangées dans le cadre des articles 349 ter à 349 octies du présent code peuvent être invoquées ou utilisées comme preuve par les administrations financières. »
III. – Le chapitre II du titre Ier du livre VI du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 612-2, les mots : « (CE) n° 1290/2005 du Conseil du 21 juin 2005 relatif au financement de la politique agricole commune » sont remplacés par les mots : « (UE) 2021/2116 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (UE) n° 1306/2013 » ;
2° L’article L. 612-5 est ainsi modifié :
a) Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’organisme payeur compétent autorise dans ce cadre les administrations des autres États membres à utiliser les informations transmises à d’autres fins si une telle utilisation est permise par la législation française dans le cadre national. » ;
b) Après le I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Lorsque les informations transmises en application du premier alinéa du I du présent article proviennent d’un autre État membre et que ces informations peuvent présenter un intérêt pour un État membre tiers aux fins mentionnées au second alinéa du paragraphe 1 de l’article 23 de la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures, l’organisme payeur compétent demande à l’administration de l’État membre de provenance l’autorisation préalable de transmettre ces informations à cet État membre tiers.
« En l’absence de réponse de la part de l’administration de l’État membre de provenance des informations dans un délai de dix jours ouvrables à compter de la date de la demande d’autorisation, les informations sont transmises à l’administration de l’État membre tiers.
« L’autorisation d’utiliser aux fins mentionnées au second alinéa du I du présent article des informations qui ont été transmises dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas du présent I bis ne peut être donnée que par l’État membre de provenance des informations. » ;
c) Le III est ainsi rédigé :
« III. – Les informations reçues dans le cadre des articles L. 612-1 à L. 612-6 peuvent être utilisées à toute autre fin que celle mentionnée au premier alinéa du I du présent article si une telle utilisation est permise par la législation nationale de l’État membre de provenance des informations.
« L’administration bénéficiaire de ces informations est soumise au secret professionnel défini aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. »
TITRE II
DISPOSITIONS D’ADAPTATION AU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE DE TRANSITION ÉCOLOGIQUE
Chapitre Ier
Dispositions relatives aux batteries, à la collecte et à la valorisation des déchets
Article 10
I. – Les opérateurs économiques dont le chiffre d’affaires net annuel dépasse 40 millions d’euros au cours de l’exercice précédant le dernier exercice financier ou qui font partie d’un groupe composé d’entreprises mères et de filiales, dont le chiffre d’affaires net annuel, calculé sur une base consolidée, dépasse 40 millions d’euros et qui effectuent la première mise en service ou mise sur le marché de batteries relevant du règlement (UE) 2023/1542 du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2023 relatif aux batteries et aux déchets de batteries, modifiant la directive 2008/98/CE et le règlement (UE) 2019/1020, et abrogeant la directive 2006/66/CE sont soumis aux obligations en matière de politique de devoir de diligence, de système de gestion, de gestion des risques, de vérification par tierce partie et de communication d’informations définies aux articles 48, 49, 50, 51 et 52 du même règlement.
En cas de manquement aux obligations mentionnées, l’opérateur économique peut faire l’objet des mesures prévues.
II. – Dans le cadre de leur mission, les agents chargés de contrôler le respect des obligations prévues au I, peuvent :
1° Prendre connaissance de tout document relatif à ces obligations, sans que leur soit opposable le secret des affaires ;
2° Effectuer des visites sur place dans les conditions et selon les garanties prévues aux articles L. 175-5 à L. 175-15 du code minier.
Ils sont astreints au secret professionnel et soumis, à ce titre, aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
Un décret détermine les catégories d’agents compétents pour procéder à ces contrôles.
III. – Lorsqu’un agent chargé du contrôle constate un manquement à tout ou partie des obligations mentionnées au I, il adresse à l’autorité compétente un rapport et en remet une copie à l’opérateur économique. Ce dernier peut, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, faire part de ses observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, de ses observations orales à l’autorité compétente et demander que lui soit communiquée copie de tout document, autre que le rapport de contrôle, sur lequel est fondée la décision. L’opérateur économique peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix.
IV. – En cas de manquement à tout ou partie des obligations mentionnées, l’autorité compétente notifie à l’opérateur économique les non-conformités et le met en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu’elle détermine et qui ne peut excéder un an à compter de la constatation des manquements.
Si, à l’expiration de ce délai, l’opérateur économique n’a pas pris les mesures lui permettant de se conformer aux obligations de devoir de diligence, l’autorité compétente peut, par décision motivée :
1° Faire procéder d’office, en lieu et place de l’opérateur économique mis en demeure et à ses frais, à l’exécution de tout ou partie des mesures permettant de se conformer aux obligations de devoir de diligence ;
2° Assortir la mise en demeure d’une astreinte journalière d’un montant maximal de 1 500 euros applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu’à la cessation du manquement. Le montant de l’astreinte est proportionné à la gravité des manquements constatés et à la situation financière de la personne physique ou morale concernée. L’astreinte bénéficie d’un privilège de même rang que celui prévu à l’article 1920 du code général des impôts. Il est procédé à son recouvrement comme en matière de créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. Le comptable peut engager la procédure de saisie administrative à tiers détenteur prévue à l’article L. 262 du livre des procédures fiscales. L’opposition à l’état exécutoire pris en application d’une décision fixant une astreinte journalière n’est pas suspensive ;
3° Ordonner la restriction ou l’interdiction de la mise à disposition des batteries sur le marché par l’opérateur économique, lorsque la non-conformité persiste ;
4° Ordonner le retrait du marché ou le rappel des batteries mises sur le marché lorsque les manquements constatés sont jugés particulièrement graves par l’autorité nationale compétente.
V. – L’avant-dernière phrase du 2° du IV n’est pas applicable à Saint-Martin.
VI. – Le chapitre III du titre II du code des douanes est complété par un article 59 vicies ainsi rédigé :
« Art. 59 vicies. – Les agents des douanes et les agents chargés des contrôles en application du II de l’article 10 de la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole peuvent échanger, spontanément ou sur demande, pour les besoins de leur mission de contrôle, tous renseignements et documents détenus ou recueillis à l’occasion de l’exercice de leurs missions respectives. »
VII. – Le présent article entre en vigueur le 18 août 2025.
Article 11
I. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Au II de l’article L. 521-1, les mots : « et (UE) n° 2017/852 » sont remplacés par les mots : « , (UE) 2017/852 et (UE) 2023/1542 » ;
2° Au premier alinéa du 1° du II de l’article L. 521-6, les mots : « et (UE) n° 2017/852 » sont remplacés par les mots : « , (UE) 2017/852 et (UE) 2023/1542 » ;
3° Le II de l’article L. 521-12 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« – Règlement (UE) 2023/1542 du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2023 relatif aux batteries et aux déchets de batteries, modifiant la directive 2008/98/CE et le règlement (UE) 2019/1020, et abrogeant la directive 2006/66/CE. » ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 521-17, les mots : « et (UE) n° 2017/852 » sont remplacés par les mots : « , (UE) 2017/852 et (UE) 2023/1542 » ;
5° À la première phrase des 3° et 4° de l’article L. 521-18, après la référence : « (UE) n° 517/2014 », sont insérés les mots : « et (UE) 2023/1542 » ;
6° Le I de l’article L. 521-21 est complété par un 12° ainsi rédigé :
« 12° Ne pas respecter les restrictions applicables aux substances prévues à l’annexe I du règlement (UE) 2023/1542 du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2023 relatif aux batteries et aux déchets de batteries, modifiant la directive 2008/98/CE et le règlement (UE) 2019/1020, et abrogeant la directive 2006/66/CE. » ;
7° À l’article L. 521-24, les mots : « et (UE) n° 2017/852 » sont remplacés par les mots : « , (UE) 2017/852 et (UE) 2023/1542 » ;
8° Le dernier alinéa du I de l’article L. 541-10 est ainsi rédigé :
« Peut être considérée comme producteur toute personne qui, à titre professionnel, met à disposition sur le marché pour la première fois sur le territoire national un produit relevant du principe de responsabilité élargie du producteur et résultant d’une opération de réemploi, de préparation en vue de la réutilisation ou de réutilisation. Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du présent alinéa, notamment les filières de responsabilité élargie du producteur concernées. » ;
9° Le 6° de l’article L. 541-10-1 est ainsi rédigé :
« 6° Les batteries ; »
10° Le V de l’article L. 541-10-8 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « au 5° » sont remplacés par les mots : « aux 5° à 7°, 10° et 12° à 14° » ;
b) Les deux derniers alinéas sont supprimés ;
11° L’article L. 541-10-19 est ainsi rétabli :
« Art. L. 541-10-19. – Les opérateurs de gestion de déchets ne peuvent gérer des déchets de batteries que s’ils disposent de contrats conclus en vue de la gestion de ces déchets avec les éco-organismes agréés ou avec les systèmes individuels mis en place par les personnes mentionnées à l’article L. 541-10 pour la catégorie de batteries concernée. » ;
12° Le I de l’article L. 541-46 est complété par un 18° ainsi rédigé :
« 18° Ne pas respecter les restrictions applicables aux substances prévues à l’annexe I du règlement (UE) 2023/1542 du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2023 relatif aux batteries et aux déchets de batteries, modifiant la directive 2008/98/CE et le règlement (UE) 2019/1020, et abrogeant la directive 2006/66/CE. »
II. – Le 10° du I du présent article entre en vigueur le 18 août 2025 et le 11° du même I entre en vigueur le 1er janvier 2026.
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Chapitre II
Dispositions relatives au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières
Article 13
Le chapitre IX du titre II du livre II du code de l’environnement est complété par une section 10 ainsi rédigée :
« Section 10
« Dispositions relatives au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pendant la période transitoire
« Sous-section 1
« Définitions
« Art. L. 229-70. – Pour l’application de la présente section :
« 1° Le “règlement MACF” désigne le règlement (UE) 2023/956 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 établissant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ;
« 2° Le “règlement d’exécution relatif à la période transitoire” désigne le règlement d’exécution (UE) 2023/1773 de la Commission du 17 août 2023 portant modalités d’application du règlement (UE) 2023/956 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les obligations de déclaration aux fins du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pendant la période transitoire ;
« 3° L’“assujetti” désigne la personne soumise, en application de l’article 32 du règlement MACF, aux obligations de déclaration prévues aux articles 33, 34 et 35 du même règlement ;
« 4° Le “rapport MACF” désigne la déclaration trimestrielle dont le contenu est précisé à l’article 34 et aux paragraphes 1 et 2 de l’article 35 dudit règlement ;
« 5° La “période transitoire” désigne la période allant du 1er octobre 2023 au 31 décembre 2025, conformément à l’article 32 du même règlement ;
« 6° Les “émissions” désignent le rejet dans l’atmosphère de gaz à effet de serre énumérés dans l’annexe I du même règlement pour la production de marchandises énumérées à la même annexe I.
« Sous-section 2
« Sanctions applicables pendant la période transitoire
« Art. L. 229-71. – Lorsque l’autorité administrative compétente détermine, compte tenu notamment des informations transmises par la Commission européenne en application du paragraphe 3 de l’article 35 du règlement MACF, qu’un assujetti n’a pas respecté l’obligation de présenter un rapport MACF, elle le met en demeure d’y satisfaire dans un délai de deux mois.
« Art. L. 229-72. – Lorsque l’autorité administrative estime que le rapport MACF d’un assujetti est incomplet ou incorrect, compte tenu notamment des informations transmises par la Commission européenne en application du paragraphe 4 de l’article 35 du règlement MACF, elle engage une procédure de rectification de ce rapport.
« Elle informe l’assujetti des informations complémentaires requises pour la rectification de ce rapport. L’assujetti soumet un rapport complété ou corrigé dans un délai de deux mois.
« Si, à l’expiration de ce délai, l’autorité administrative constate que l’assujetti n’a pas pris les mesures nécessaires pour compléter ou corriger ce rapport, elle le met en demeure d’y procéder dans un délai d’un mois.
« Art. L. 229-73. – Lorsqu’il n’a pas été déféré, dans le délai imparti, à la mise en demeure prévue aux articles L. 229-71 ou L. 229-72, l’autorité administrative prononce une amende proportionnée à la gravité des manquements constatés, en tenant compte des circonstances définies au paragraphe 3 de l’article 16 du règlement d’exécution relatif à la période transitoire, d’un montant minimal de 10 euros et d’un montant maximal de 50 euros par tonne d’émissions non déclarées.
« Dans les situations définies au paragraphe 4 du même article 16, le montant de l’amende encourue est doublé, sans pouvoir excéder un montant de 100 euros par tonne d’émissions non déclarées.
« Art. L. 229-74. – La décision prononçant l’amende précise la date à partir de laquelle elle est exigible.
« Le recouvrement des amendes prévues à la présente sous-section est effectué au profit du Trésor public comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine.
« Art. L. 229-75. – Préalablement à tout recours contentieux à l’encontre d’une décision prononçant une amende en application de la présente sous-section, l’intéressé saisit le ministre chargé de la politique des marchés carbone d’un recours gracieux.
« Art. L. 229-76. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application de la présente sous-section. »
Chapitre III
Dispositions relatives au système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effets de serre
Article 14
I. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 229-5 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« I. – La présente section s’applique aux installations classées et aux équipements et installations nécessaires à l’exploitation d’une installation nucléaire de base mentionnés à l’article L. 593-3 qui exercent une des activités dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État. Pour l’établissement de cette liste, il est tenu compte de la capacité de production, du rendement de l’installation ou de l’équipement et du type d’énergie utilisé. » ;
c) Au deuxième alinéa, les mots : « dans l’atmosphère » sont supprimés ;
d) Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La présente section s’applique également aux compagnies maritimes dont la France est l’État membre responsable, pour les activités de transport maritime précisées aux articles L. 229-18-3 et L. 229-18-4. » ;
e) Les quatrième à avant-dernier alinéas sont remplacés par un II ainsi rédigé :
« II. – Au sens de la présente section :
« 1° Une “tonne d’équivalent dioxyde de carbone” est une tonne métrique de dioxyde de carbone (CO2) ou une quantité de tout autre gaz à effet de serre mentionné sur la liste prévue au dernier alinéa du I et ayant un potentiel de réchauffement climatique équivalent à celui d’une tonne métrique de dioxyde de carbone ;
« 2° Un “quota d’émission de gaz à effet de serre” est un quota autorisant à émettre une tonne d’équivalent dioxyde de carbone au cours d’une période donnée et transférable dans les conditions prévues à la présente section ;
« 3° Le terme “installation” utilisé sans précision supplémentaire désigne indifféremment une installation classée mentionnée à l’article L. 511-1 ou un équipement ou une installation mentionnés à l’article L. 593-3 ;
« 4° Un “exploitant d’aéronef” est la personne qui exploite un aéronef au moment où il effectue une activité aérienne, ou le propriétaire de l’aéronef lorsque la personne qui exploite un aéronef n’est pas connue ou n’est pas identifiée par son propriétaire ;
« 5° Un “exploitant d’aéronef dont la France est l’État membre responsable” est un exploitant d’aéronef détenteur d’une licence d’exploitation délivrée par l’autorité administrative française conformément à l’article L. 6412-2 du code des transports ou, si ce n’est pas le cas, un exploitant dont les émissions attribuées à la France sont les plus élevées parmi celles attribuées aux États membres de l’Union européenne figurant sur la liste, mentionnée à l’article 18 bis de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, établie et publiée par la Commission européenne ;
« 6° Les “effets de l’aviation hors CO2” sont les effets sur le climat du rejet, lors de la combustion du carburant, d’oxydes d’azote (NOx), de particules de suie et d’espèces de soufre oxydées ainsi que les effets de la vapeur d’eau, notamment des traînées de condensation, provenant d’un aéronef effectuant une des activités aériennes mentionnées au deuxième alinéa du I du présent article ;
« 7° Une “compagnie maritime” est un propriétaire de navire ou tout autre organisme ou personne, tel que l’armateur gérant ou l’affréteur coque nue, auquel le propriétaire d’un navire a confié la responsabilité de l’exploitation du navire et qui, en assumant cette responsabilité, a accepté de s’acquitter des tâches et des obligations imposées par le code international de gestion pour la sécurité de l’exploitation des navires et la prévention de la pollution, figurant à l’annexe I du règlement (CE) nº 336/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 février 2006 relatif à l’application du code international de gestion de la sécurité dans la Communauté et abrogeant le règlement (CE) n° 3051/95 du Conseil ;
« 8° Une “compagnie maritime dont la France est l’autorité responsable” est soit une compagnie maritime immatriculée en France, soit une compagnie maritime non immatriculée dans un État membre de l’Union européenne lorsque la France est, parmi ces États membres, le pays dans lequel ses navires ont effectué le plus grand nombre estimé d’escales lors de leurs voyages, entrant dans les catégories mentionnées au II de l’article L. 229-18-3 du présent code, des quatre dernières années de surveillance, soit une compagnie maritime non immatriculée dans un État membre et n’ayant pas effectué de voyage entrant dans ces catégories au cours des quatre dernières années de surveillance, si la France constitue le pays d’arrivée ou de départ du premier voyage de ce type effectué par un navire de cette compagnie maritime. La liste des compagnies maritimes attribuées à la France est arrêtée et mise à jour par l’acte d’exécution mentionné au paragraphe 2 de l’article 3 octies septies de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 précitée. L’autorité responsable d’une compagnie maritime conserve cette responsabilité indépendamment des modifications ultérieures des activités de la compagnie maritime ou de son immatriculation jusqu’à ce que ces modifications soient prises en compte dans une liste mise à jour ;
« 9° Un “port d’escale” est le port dans lequel s’arrête un navire pour charger ou décharger des marchandises ou pour embarquer ou débarquer des passagers ou le port dans lequel un navire de ravitaillement en mer s’arrête pour changer d’équipage ; les arrêts uniquement destinés au ravitaillement en combustible, à l’approvisionnement, au changement d’équipage d’un navire autre qu’un navire de ravitaillement en mer, à la mise en cale sèche ou à des réparations à effectuer sur le navire, ses équipements ou les deux, les arrêts dans un port dus au fait que le navire a besoin d’assistance ou est en détresse, les transferts de navire à navire effectués en dehors des ports, les arrêts effectués à seule fin de trouver abri par mauvais temps ou rendus nécessaires par des activités de recherche et de sauvetage ainsi que les arrêts de porte-conteneurs effectués dans un port voisin de transbordement de conteneurs recensé dans l’acte d’exécution adopté conformément au paragraphe 2 de l’article 3 octies bis de la même directive sont exclus ;
« 10° Un “voyage” est le déplacement d’un navire commençant ou se terminant dans un port d’escale et ayant pour objet le transport de passagers ou de marchandises à des fins commerciales ;
« 11° Un “navire de croisière” est un navire à passagers sans pont à cargaison et qui est conçu exclusivement pour le transport commercial de passagers hébergés pour un voyage en mer ;
« 12° Une “région ultrapériphérique” est l’un des territoires mentionnés à l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
« 13° Un “pays et territoire d’outre-mer” est l’un des territoires mentionnés à l’article 198 et énumérés à l’annexe II du même traité. » ;
f) Au début du dernier alinéa, est ajoutée la mention : « III. – » ;
2° L’article L. 229-6 est ainsi modifié :
aa) Au premier alinéa, après le mot : « alinéa », sont insérés les mots : « du I » ;
a) À la fin de l’avant-dernier alinéa, les mots : « , et le cas échéant leurs activités aériennes en termes de tonnes-kilomètres » sont supprimés ;
b) À la fin du dernier alinéa, les mots : « , ou des déclarations d’émissions et d’activités aériennes en termes de tonnes-kilomètres mentionnées ci-dessus » sont supprimés ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les modalités de mise en œuvre des obligations particulières de surveillance, de déclaration et de contrôle auxquelles sont soumises les compagnies maritimes dont la France est l’autorité responsable mentionnées au 8° du II de l’article L. 229-5, en ce qui concerne leurs émissions, sont définies par le règlement (UE) 2015/757 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 concernant la surveillance, la déclaration et la vérification des émissions de gaz à effet de serre du transport maritime et modifiant la directive 2009/16/CE ainsi que par les actes délégués pris pour son application. Le cas échéant, elles sont précisées par arrêté du ministre chargé de la mer. » ;
3° L’article L. 229-7 est ainsi modifié :
a) Le II est ainsi rédigé :
« II. – À l’issue de chaque année civile, les exploitants d’installation, les exploitants d’aéronef, sous réserve de l’article L. 229-18-1, et les compagnies maritimes, sous réserve des articles L. 229-18-3 et L. 229-18-4, restituent à l’autorité administrative, sous peine des sanctions prévues à l’article L. 229-10, un nombre d’unités mentionnées au IV du présent article égal au total des émissions de gaz à effet de serre de leurs installations durant cette année civile qui résultent de leurs activités aériennes ou maritimes, telles qu’elles ont été déclarées, vérifiées et validées conformément au III du présent article.
« Pour s’acquitter de cette obligation, l’exploitant d’installation ou d’aéronef ou la compagnie maritime ne peut utiliser ni les quotas mentionnés au paragraphe 3 -bis de l’article 12 de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 précitée, ni ceux émis au titre du chapitre IV bis de la même directive.
« Un exploitant d’installation ou d’aéronef ou une compagnie maritime n’est pas tenu de restituer des unités pour les émissions de dioxyde de carbone dont il a été vérifié qu’elles font l’objet d’un captage et d’un transport en vue d’un stockage permanent vers un site de stockage géologique de dioxyde de carbone disposant d’un permis en vigueur conformément à l’article 6 de la directive 2009/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative au stockage géologique du dioxyde de carbone et modifiant la directive 85/337/CEE du Conseil, les directives 2000/60/CE, 2001/80/CE, 2004/35/CE, 2006/12/CE et 2008/1/CE et le règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil. Il n’est pas non plus tenu de restituer des unités à raison des émissions de gaz à effet de serre qui sont réputées avoir été captées et utilisées de telle manière qu’elles sont devenues chimiquement liées, de manière permanente, à un produit, de sorte qu’elles ne peuvent pénétrer dans l’atmosphère dans des conditions normales d’utilisation, y compris lors de toute activité normale ayant lieu après la fin de vie du produit. » ;
b) Le III est ainsi modifié :
– la seconde phrase des deuxième, troisième et dernier alinéas est supprimée ;
– au début de la première phrase du même dernier alinéa, le mot : « ou » est supprimé ;
– il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« – par chaque compagnie maritime, des émissions de gaz à effet de serre agrégées au niveau de la compagnie selon les modalités prévues à l’article 11 bis du règlement (UE) 2015/757 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 concernant la surveillance, la déclaration et la vérification des émissions de gaz à effet de serre du transport maritime et modifiant la directive 2009/16/CE et vérifiées dans les conditions prévues par le même règlement et les actes délégués pris pour son application, puis validées ou, le cas échéant, corrigées ou estimées par le ministre chargé de la mer. » ;
c) Le IV est ainsi modifié :
– au premier alinéa, après le mot : « exploitant », sont insérés les mots : « d’installation, l’exploitant d’aéronef ou la compagnie maritime » ;
– le 1° est abrogé ;
4° L’article L. 229-10 est ainsi modifié :
a) Le début du premier alinéa du I est ainsi rédigé : « I. – L’exploitant d’installation, l’exploitant d’aéronef ou la compagnie maritime ne peut céder les unités inscrites au compte associé à son installation, à ses activités aériennes ou à ses activités maritimes dans le registre… (le reste sans changement) : » ;
b) Au deuxième alinéa du même I, après le mot : « aériennes », sont insérés les mots : « ou maritimes » ;
c) À la fin de la seconde phrase des troisième, quatrième et avant-dernier alinéas dudit I, les mots : « du délai mentionné au III de l’article L. 229-7 » sont remplacés par les mots : « d’un délai fixé par cet arrêté » ;
d) Avant le dernier alinéa du même I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – ou lorsque l’autorité compétente constate que la déclaration relative aux données d’émissions agrégées au niveau de la compagnie prévue à l’article 11 bis du règlement (UE) 2015/757 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 concernant la surveillance, la déclaration et la vérification des émissions de gaz à effet de serre du transport maritime et modifiant la directive 2009/16/CE ou la vérification de celle-ci ne remplissent pas les conditions déterminées par ce même règlement, par les actes délégués pris pour son application ou par l’arrêté prévu au dernier alinéa de l’article L. 229-6 du présent code. La décision, qui doit être motivée, intervient alors au plus tard à l’expiration d’un délai fixé par cet arrêté. » ;
e) Au même dernier alinéa, après le mot : « exploitant », sont insérés les mots : « ou la compagnie maritime » ;
e bis) Après le même I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Lorsque, à la date mentionnée au deuxième alinéa du I du présent article, un exploitant n’a pas déclaré les émissions de l’installation ou de ses activités aériennes ou lorsque l’autorité compétente constate que la déclaration relative aux émissions au cours de l’année civile précédente ne remplit pas les conditions déterminées par les arrêtés prévus aux troisième, quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 229-6, cette autorité met en demeure l’exploitant de satisfaire à cette obligation dans un délai d’un mois.
« Si, à l’expiration de ce délai, il n’a pas été déféré à la mise en demeure, l’autorité compétente peut ordonner le paiement d’une amende administrative d’un montant proportionné à la gravité des manquements constatés et maximal de 15 000 euros. Le recouvrement de cette amende est effectué au profit du Trésor public comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine. » ;
f) À la première phrase, deux fois, et aux deux dernières phrases du premier alinéa du II, après le mot : « exploitant », sont insérés les mots : « ou la compagnie maritime » ;
g) À la deuxième phrase du deuxième alinéa du même II, après le mot : « exploitant », sont insérés les mots : « ou la compagnie maritime » ;
h) À la dernière phrase du même deuxième alinéa, les mots : « l’année » sont remplacés par les mots : « lors de la restitution des quotas de l’année civile » ;
i) Le troisième alinéa dudit II est ainsi rédigé :
« Dans le cas d’une restitution incomplète du nombre de quotas, les unités inscrites au compte de l’exploitant d’installation ou d’aéronef ou de la compagnie maritime demeurent incessibles jusqu’à ce que l’amende ait été acquittée et les quotas intégralement restitués. » ;
j) À l’avant-dernier alinéa du même II, après le mot : « exploitant », sont insérés les mots : « ou de la compagnie maritime » ;
5° L’article L. 229-11-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « pour les installations et les aéronefs au titre » sont remplacés par les mots : « au titre des chapitres II et III » ;
b) Au 2°, après le mot : « par », sont insérés les mots : « l’article 1er de » ;
c) À la fin du 3°, les mots : « ou au paragraphe 2 de l’article 28 bis de la directive 2003/87/CE du 13 octobre 2003 » sont supprimés ;
d) Sont ajoutés des 4° et 5° ainsi rédigés :
« 4° Des quotas annulés conformément au dernier alinéa de l’article 3 octies ter de la directive 2003/87/CE du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil ;
« 5° Des quotas annulés conformément au second alinéa du paragraphe 3 -sexies de l’article 12 de la même directive. » ;
6° À la fin du II de l’article L. 229-11-3, le mot : « État » est remplacé par les mots : « autorité administrative » ;
6° bis Au premier alinéa du I de l’article L. 229-13, les mots : « pour la période constituée des années civiles 2013 à 2020 et » sont supprimés ;
7° Au troisième alinéa du I et à la fin de la dernière phrase du premier alinéa du III du même article L. 229-13, les mots : « l’environnement » sont remplacés par les mots : « la politique des marchés carbone » ;
8° L’article L. 229-14 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « chargé », la fin du troisième alinéa du I est ainsi rédigée : « la politique des marchés carbone. » ;
b) Le III est abrogé ;
9° L’article L. 229-15 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa du I est ainsi rédigé :
« I. – Des quotas d’émission de gaz à effet de serre sont délivrés gratuitement par l’autorité administrative sur demande des exploitants soumis à l’obligation de restitution de quotas prévue au II de l’article L. 229-7, pour des installations bénéficiant de l’autorisation mentionnée au premier alinéa de l’article L. 229-6. Ces quotas sont délivrés annuellement et sont affectés à une période déterminée. » ;
b) Après le mot : « activité », la fin de la première phrase du premier alinéa du II est supprimée ;
c) Les deux derniers alinéas du même II sont supprimés ;
d) Le III est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Sous réserve de l’application du règlement (UE) 2023/956 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 établissant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, aucun quota n’est délivré à titre gratuit pour la fabrication des marchandises énumérées à l’annexe I du même règlement.
« Par dérogation à l’avant-dernier alinéa du présent III, jusqu’au 31 décembre 2033, la fabrication des marchandises mentionnées à l’annexe I dudit règlement fait l’objet d’une allocation de quotas à titre gratuit en quantités réduites. Ces quantités sont calculées par application d’un facteur de réduction à l’allocation de quotas à titre gratuit pour la fabrication de ces marchandises. Ce facteur est égal à 100 % pour la période comprise entre l’entrée en vigueur du même règlement et le 31 décembre 2025 et, sous réserve de l’application du b du paragraphe 2 de l’article 36 du même règlement, est égal à 97,5 % en 2026, à 95 % en 2027, à 90 % en 2028, à 77,5 % en 2029, à 51,5 % en 2030, à 39 % en 2031, à 26,5 % en 2032 et à 14 % en 2033. » ;
e) Le deuxième alinéa du IV est ainsi rédigé :
« Ces montants par défaut peuvent être adaptés dans les cas prévus au paragraphe 5 de l’article 10 bis de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 précitée. Cette adaptation est effectuée de manière uniforme. Cependant, les installations dont les niveaux d’émission de gaz à effet de serre sont inférieurs à la moyenne des 10 % d’installations les plus efficaces d’un secteur ou d’un sous-secteur de l’Union européenne pour les référentiels pertinents au cours d’une année lors de laquelle une adaptation s’applique ne sont pas soumises à une telle adaptation. » ;
f) Le dernier alinéa du même IV est supprimé ;
g) Après ledit IV, sont insérés des IV bis et IV ter ainsi rédigés :
« IV bis. – Si une installation est concernée par l’obligation d’effectuer un audit énergétique ou de mettre en œuvre un système de management de l’énergie certifié en application de l’article 8 de la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relative à l’efficacité énergétique, modifiant les directives 2009/125/CE et 2010/30/UE et abrogeant les directives 2004/8/CE et 2006/32/CE et si les recommandations du rapport d’audit ou du système de management de l’énergie certifié ne sont pas appliquées, à moins que le temps de retour sur investissement des investissements correspondants ne dépasse trois ans ou que le coût de ces investissements ne soit disproportionné, la quantité de quotas alloués à titre gratuit est réduite de 20 %. La quantité de quotas alloués à titre gratuit n’est pas réduite si l’exploitant démontre qu’il a mis en œuvre d’autres mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre équivalentes à celles qui sont recommandées dans le rapport d’audit ou dans le système de management de l’énergie certifié pour l’installation concernée. Les modalités d’application du présent IV bis sont fixées par décret en Conseil d’État.
« IV ter. – La réduction de 20 % mentionnée au IV bis est également appliquée dans le cas où, au 1er mai 2024, un exploitant d’installations dont les niveaux d’émission de gaz à effet de serre sont supérieurs au quatre-vingtième centile des niveaux d’émission pour les référentiels de produits pertinents n’a pas établi, pour chacune de ces installations, un plan de neutralité climatique pour ses activités relevant du périmètre défini à l’article L. 229-5. Cette réduction s’applique aussi dans le cas où les valeurs cibles de ce plan n’ont pas été atteintes et ses jalons intermédiaires n’ont pas été respectés pour la période allant jusqu’au 31 décembre 2025 ou pour la période allant de 2026 à 2030. Ces valeurs cibles sont présumées ne pas avoir été atteintes et ces jalons intermédiaires sont présumés ne pas avoir été respectés dans le cas où l’atteinte et le respect n’ont pas été vérifiés aux frais de l’exploitant par un organisme accrédité à cet effet.
« Le contenu du plan de neutralité climatique mentionné au premier alinéa du présent IV ter et les modalités de sa mise en œuvre et de son contrôle sont fixés par décret en Conseil d’État. » ;
10° (Supprimé)
II. – Le b du 8°, le c et le f du 9° du I entrent en vigueur le 1er janvier 2026.
Article 15
I. – L’article L. 229-18 du code de l’environnement est remplacé par des articles L. 229-18 à L. 229-18-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 229-18. – La présente sous-section s’applique aux exploitants d’aéronefs mentionnés à l’article L. 229-5.
« I. – Sont attribués à titre gratuit aux exploitants d’aéronef respectivement 75 % en 2024 et 50 % en 2025 de 85 % du nombre total de quotas publié par la Commission européenne en application des paragraphes 5 et 7 de l’article 3 quater de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil.
« Ces quotas gratuits sont fixés proportionnellement à la part des émissions vérifiées des exploitants d’aéronefs résultant des activités aériennes déclarées au titre de l’année 2023. Il est également tenu compte, dans le calcul de ces quotas, des émissions vérifiées, au titre de la même année, résultant des activités aériennes déclarées pour les vols qui ne relèvent du système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne qu’à partir du 1er janvier 2024.
« Pour chacune des années 2024 et 2025, un arrêté du ministre chargé des transports fixe le nombre de quotas d’émission de gaz à effet de serre alloués à titre gratuit à chaque exploitant d’aéronef.
« II. – Pour la période allant du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2030, les exploitants d’aéronefs commerciaux peuvent demander à bénéficier, chaque année, de quotas à titre gratuit pour l’utilisation, dans leurs vols subsoniques donnant lieu à restitution de quotas, de carburants d’aviation durables et d’autres carburants d’aviation qui ne sont pas dérivés de combustibles fossiles, mentionnés au règlement (UE) 2023/2405 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023 relatif à l’instauration d’une égalité des conditions de concurrence pour un secteur du transport aérien durable (ReFuelEU Aviation) et admissibles pour atteindre les objectifs d’incorporation en volume de ces carburants fixés à l’annexe I du même règlement.
« Les quotas alloués couvrent respectivement :
« 1° 70 % de l’écart restant entre le prix du kérosène fossile et celui de l’hydrogène produit à partir de sources d’énergies renouvelables ou de biocarburants avancés définis au point 34 de l’article 2 de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et qui ont un facteur d’émission nul en application du a du paragraphe 6 de l’article 3 quater de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 précitée ;
« 2° 95 % de l’écart de prix restant entre le prix du kérosène fossile et celui de carburants renouvelables d’origine non biologique définis à l’article 25 de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 précitée et qui ont un facteur d’émission nul en application du a du paragraphe 6 de l’article 3 quater de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 précitée ;
« 3° 100 % de l’écart de prix restant entre le prix du kérosène fossile et celui d’un carburant d’aviation qui n’est pas dérivé de combustibles fossiles et qui est admissible au titre du règlement (UE) 2023/2405 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023 précité, embarqué dans des aéroports qui sont situés dans une région ultrapériphérique ou dans des aéroports situés sur des îles de moins de 10 000 kilomètres carrés qui ne sont pas reliées au continent ou dans des aéroports qui ne sont pas définis, du fait de leur trafic, comme des aéroports de l’Union européenne en application de l’article 3 du même règlement ;
« 4° Dans les cas autres que ceux mentionnés aux 1° à 3° du présent II, 50 % de l’écart restant entre le prix du kérosène fossile et celui du carburant d’aviation durable admissible qui n’est pas dérivé de combustibles fossiles.
« La couverture de tout ou partie de l’écart de prix entre le kérosène fossile et les carburants d’aviation admissibles tient compte des incitations liées au prix du carbone et aux niveaux minimaux harmonisés de taxation des combustibles fossiles, définies par la Commission européenne en application du paragraphe 6 de l’article 3 quater de la directive 2003/87/CE du 13 octobre 2003 précitée, et des éventuels soutiens par d’autres dispositifs au niveau national, dans des conditions précisées par décret.
« Lorsque le carburant d’aviation admissible ne peut être physiquement attribué dans un aéroport à un vol spécifique, les quotas sont attribués aux exploitants d’aéronef proportionnellement aux carburants d’aviation admissibles embarqués par l’exploitant d’aéronef dans cet aéroport pour ses activités aériennes subsoniques relevant de l’article L. 229-5 du présent code.
« Si, pour une année donnée, la demande de quotas pour l’utilisation de ces carburants est supérieure au nombre de quotas disponibles, le nombre de quotas attribués est réduit dans la même proportion pour tous les exploitants d’aéronefs concernés.
« Le nombre de quotas attribués chaque année à titre gratuit aux exploitants d’aéronef au titre du présent II est fixé par arrêté du ministre chargé des transports, dans les conditions précisées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 229-18-1. – I. – Par dérogation au II de l’article L. 229-7, les exploitants d’aéronef ne sont pas tenus de restituer des quotas en ce qui concerne les émissions rejetées jusqu’au 31 décembre 2026 et résultant de vols :
« 1° Reliant les États parties à l’accord sur l’Espace économique européen et les États énumérés dans l’acte d’exécution adopté en application du paragraphe 3 de l’article 25 bis de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 précitée ;
« 2° Reliant les États parties à l’accord sur l’Espace économique européen et les États qui ne sont pas énumérés dans l’acte d’exécution mentionné au 1° du présent I, autres que les vols à destination de la Suisse et du Royaume-Uni.
« II. – Par dérogation au II de l’article L. 229-7, les exploitants d’aéronef ne sont pas tenus de restituer des quotas en ce qui concerne les émissions résultant de vols reliant l’Espace économique européen et les pays les moins avancés ou les petits États insulaires en développement tels qu’ils sont définis par les Nations unies, autres que ceux qui sont énumérés dans l’acte d’exécution mentionné au 1° du I du présent article et que ceux dont le produit intérieur brut par habitant est égal ou supérieur à la moyenne du produit intérieur brut par habitant de l’Union européenne.
« III. – Par dérogation au II de l’article L. 229-7, jusqu’au 31 décembre 2030, les exploitants d’aéronefs ne sont pas tenus de restituer des quotas en ce qui concerne les émissions résultant de vols reliant un aérodrome situé dans une région ultrapériphérique d’un État membre de l’Union européenne et un aérodrome situé dans le même État membre, y compris si celui-ci est également situé dans une région ultrapériphérique.
« Art. L. 229-18-2. – Chaque exploitant surveille et déclare à l’autorité administrative compétente, au terme de chaque année civile, les effets hors dioxyde de carbone mentionnés à l’article L. 229-5 de chaque aéronef qu’il exploite, dans des conditions précisées par arrêté du ministre chargé des transports. »
II. – L’article L. 229-18-2 du code de l’environnement entre en vigueur le 1er janvier 2025.
III. – Le I de l’article L. 229-18 du code de l’environnement, dans sa rédaction résultant du présent article, est abrogé à partir du 1er janvier 2026.
Article 16
I. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 218-25 est abrogé ;
2° L’article L. 226-3 est ainsi rétabli :
« Art. L. 226-3. – Outre les officiers et agents de police judiciaire, les agents mentionnés aux 1° à 8° de l’article L. 218-26 sont habilités à rechercher et à constater les infractions au chapitre IX du présent titre et au règlement (UE) 2015/757 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 concernant la surveillance, la déclaration et la vérification des émissions de gaz à effet de serre du transport maritime et modifiant la directive 2009/16/CE ainsi qu’aux dispositions prises pour leur application. » ;
3° Les articles L. 226-10 et L. 226-11 sont ainsi rétablis :
« Art. L. 226-10. – I. – Est puni de 15 000 euros d’amende le fait, pour toute compagnie maritime dont la France est l’autorité responsable au sens de l’article L. 229-5, pour tout exploitant ou propriétaire d’un navire auquel s’applique, en application de son article 2, le règlement (UE) 2015/757 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 concernant la surveillance, la déclaration et la vérification des émissions de gaz à effet de serre du transport maritime et modifiant la directive 2009/16/CE ou pour son représentant à bord, de :
« 1° Ne pas surveiller, sur la base d’un plan de surveillance, les émissions de gaz à effet de serre du navire, par voyage et par année civile, dans les conditions prévues aux articles 8 à 10 du même règlement ;
« 2° Ne pas déclarer les émissions de gaz à effet de serre du navire dans les conditions prévues aux articles 11, 11 bis et 12 dudit règlement.
« L’amende est prononcée autant de fois qu’il y a de navires concernés.
« II. – Lorsque la violation des obligations de surveillance et de déclaration énoncées aux articles 8 à 12 du même règlement est manifestement délibérée, l’amende est portée à 30 000 euros.
« III. – Les personnes morales coupables des infractions prévues aux I et II du présent article encourent également, à titre de peine complémentaire, la peine mentionnée au 9° de l’article 131-39 du code pénal.
« Art. L. 226-11. – I. – Le fait, pour une compagnie maritime qui a fait l’objet de la sanction administrative prévue au II de l’article L. 229-10, de ne pas acquitter l’amende qui lui a été infligée dans les délais impartis ou de ne pas restituer le nombre de quotas dont elle est redevable à la date prévue pour la restitution de l’année suivante, en méconnaissance du même article L. 229-10, est puni d’un an d’emprisonnement et de 500 000 euros d’amende. En cas d’absence totale de restitution de quotas en contrepartie des émissions de l’année en cause, l’amende est portée à un million d’euros.
« II. – Les peines prévues au I du présent article sont applicables au représentant légal, au dirigeant de fait ou à toute autre personne exerçant, en droit ou en fait, un pouvoir de décision dans la gestion de la compagnie maritime, lorsque ces personnes ont été à l’origine de la non-restitution partielle ou totale du nombre de quotas ou du non-paiement de l’amende.
« III. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, du délit mentionné au I du présent article encourent, outre l’amende déterminée selon les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal, la peine prévue au 9° de l’article 131-39 du même code.
« IV. – Les peines prononcées tiennent compte des gains économiques obtenus en conséquence du non-respect des obligations du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre et du montant du préjudice causé. » ;
4° Après la sous-section 3 de la section 2 du chapitre IX du titre II du livre II, est insérée une sous-section 3 bis ainsi rédigée :
« Sous-section 3 bis
« Dispositions particulières aux compagnies maritimes
« Art. L. 229-18-3. – I. – En ce qui concerne les activités maritimes, la restitution de quotas prévue à l’article L. 229-7 s’applique aux activités de transport maritime couvertes par l’article 2 du règlement (UE) 2015/757 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 concernant la surveillance, la déclaration et la vérification des émissions de gaz à effet de serre du transport maritime et modifiant la directive 2009/16/CE, à l’exception des activités couvertes par le paragraphe 1 bis du même article 2 et, jusqu’au 31 décembre 2026, par le paragraphe 1 ter dudit article 2.
« Cette restitution prend en compte les émissions de dioxyde de carbone ainsi que, à partir du 1er janvier 2026, les émissions de méthane et de protoxyde d’azote.
« II. – La restitution de quotas mentionnée au I du présent article s’applique pour 50 % des émissions des navires effectuant des voyages au départ d’un port d’escale relevant de la juridiction d’un État membre et à destination d’un port situé en dehors de la juridiction d’un État membre ou dans un pays et territoire d’outre-mer, pour 50 % des émissions des navires effectuant des voyages au départ d’un port d’escale situé en dehors de la juridiction d’un État membre ou dans un pays et territoire d’outre-mer et à destination d’un port relevant de la juridiction d’un État membre, pour 100 % des émissions des navires effectuant des voyages au départ et à destination d’un port d’escale relevant de la juridiction d’un État membre, à l’exception des ports situés dans un pays et territoire d’outre-mer, et pour 100 % des émissions des navires à quai dans un port d’escale relevant de la juridiction d’un État membre, à l’exception des ports situés dans un pays et territoire d’outre-mer.
« Art. L. 229-18-4. – I. – Les compagnies maritimes restituent à l’autorité administrative, sous peine des sanctions prévues à l’article L. 229-10, un nombre de quotas égal à 40 % du total des émissions de dioxyde de carbone résultant de leurs activités maritimes durant l’année civile 2024, puis à 70 % du total des émissions de dioxyde de carbone durant l’année civile 2025, puis à 100 % du total des émissions de gaz de serre à partir de l’année civile 2026, telles qu’elles ont été déclarées, vérifiées et validées conformément au III de l’article L. 229-7.
« II. – Jusqu’au 31 décembre 2030, il n’est pas tenu compte, pour l’application du I du présent article, des émissions qui ont lieu lors de voyages entre un port d’escale situé dans une région ultrapériphérique d’un État membre de l’Union européenne et un port d’escale situé dans le même État membre, y compris si celui-ci est également situé dans une région ultrapériphérique, non plus que des émissions à quai de ces navires en rapport avec ces voyages.
« III. – Jusqu’au 31 décembre 2030, les compagnies maritimes peuvent restituer 5 % de quotas en moins par rapport aux émissions vérifiées de leurs navires de “classe glace”, à condition que ces navires appartiennent à la “classe glace” “IA” ou “IA Super” ou à une “classe glace” équivalente, établie sur la base de la recommandation 25/7 de la commission pour la protection de l’environnement marin dans la région de la mer Baltique.
« IV. – Jusqu’au 31 décembre 2030, il n’est pas tenu compte, pour l’application du I, des émissions produites par les voyages effectués par des navires à passagers, autres que les navires de croisière, et par des navires rouliers à passagers, entre une île et un port figurant sur la liste mentionnée au second alinéa du paragraphe 3 -quinquies de l’article 12 de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, non plus que des émissions résultant des activités à quai de ces navires en relation avec ces voyages.
« V. – Jusqu’au 31 décembre 2030, il n’est pas tenu compte, pour l’application du I du présent article, des émissions produites par les voyages effectués par des navires à passagers ou des navires rouliers à passagers dans le cadre d’un contrat de service public transnational ou d’une obligation de service public au niveau transnational, objet de l’acte d’exécution mentionné au paragraphe 3 -quater de l’article 12 de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 précitée, non plus que des émissions résultant des activités à quai de ces navires en relation avec ces voyages.
« Art. L. 229-18-5. – Lorsque la responsabilité finale de l’achat du carburant ou de l’exploitation du navire est assumée par une entité autre que la compagnie maritime en application d’un accord contractuel, celle-ci a le droit de se faire rembourser par cette entité les coûts résultant de la restitution des quotas.
« Pour l’application du présent article, on entend par “exploitation du navire” le fait de déterminer la cargaison transportée ou la route et la vitesse du navire. La compagnie maritime reste l’entité légalement responsable de la restitution des quotas, en application de l’article L. 229-7 et du I de l’article L. 229-18-4.
« Art. L. 229-18-6. – Dans les conditions prévues au paragraphe 3 de l’article 20 du règlement (UE) 2015/757 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 précité, l’immobilisation ou l’expulsion et l’interdiction d’accès aux ports d’un navire peuvent être décidées dans le cas où une compagnie maritime n’a pas, pendant au moins deux périodes de déclaration consécutives, effectué pour ce navire la surveillance prévue à la section 3 du chapitre II du même règlement ni la déclaration d’émissions prévue à l’article 11 dudit règlement ou n’a pas obtenu le document de conformité de sa déclaration annuelle d’émissions de gaz à effet de serre prévu à l’article 17 du même règlement et a fait l’objet de la sanction prévue à l’article L. 226-10 du présent code ou d’une sanction prévue pour les mêmes infractions dans un autre État membre de l’Union européenne, sans avoir encore satisfait à ses obligations.
« Art. L. 229-18-7. – Si, pendant au moins deux années consécutives, une compagnie maritime n’a pas restitué un nombre de quotas suffisant pour couvrir ses émissions de l’année précédente dans les conditions prévues à l’article L. 229-7 et à la présente sous-section et a fait l’objet de la sanction prévue au II de l’article L. 229-10 ou de sanctions prévues pour les mêmes manquements dans un autre État membre de l’Union européenne sans procéder à cette restitution dans les délais qui lui étaient impartis, l’autorité compétente peut, après l’avoir mise en mesure de présenter ses observations :
« 1° Prononcer l’immobilisation de tout navire battant pavillon français dont cette compagnie est responsable présent ou entrant dans un port français. La décision est levée lorsque la compagnie maritime justifie qu’elle satisfait pleinement à ses obligations de restitution ;
« 2° Prononcer une décision d’expulsion si un navire qui bat pavillon d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un État tiers et dont cette compagnie est responsable est présent ou entrant dans un port français. La décision est levée lorsque la compagnie maritime justifie qu’elle satisfait pleinement à ses obligations de restitution.
« Art. L. 229-18-8. – Sans préjudice des règles maritimes internationales applicables au cas des navires en détresse, lorsqu’une compagnie maritime a fait l’objet d’une décision d’expulsion ou que l’un des navires dont elle a la responsabilité a fait l’objet d’une décision d’immobilisation par les autorités françaises en application de l’article L. 229-18-7 ou par un autre État membre de l’Union européenne en application de dispositions de transposition du paragraphe 11 bis de l’article 16 de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 précitée, l’autorité compétente, après avoir mis la compagnie maritime en mesure de présenter ses observations :
« 1° Prononce l’immobilisation de tout navire exploité par cette compagnie battant pavillon français présent ou entrant dans un port français. La décision est levée lorsque la compagnie maritime justifie qu’elle satisfait pleinement à ses obligations de restitution ;
« 2° Refuse l’accès aux ports et aux mouillages sur l’ensemble de son territoire national à tout navire exploité par cette compagnie et battant pavillon d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un État tiers. La décision est levée lorsque la compagnie maritime justifie qu’elle satisfait pleinement à ses obligations de restitution. » ;
4° bis Au premier alinéa des articles L. 612-1, L. 622-1 et L. 632-1, les mots : « de l’article L. 218-25 et » sont supprimés ;
5° L’article L. 671-1 est abrogé.
II. – Le code des transports est ainsi modifié :
1° Le 3° de l’article L. 5241-4-6 est abrogé ;
2° L’article L. 5752-1-1 est abrogé.
Article 17
La section 7 du chapitre IX du titre II du livre II du code de l’environnement est ainsi modifiée :
1° La sous-section unique devient la sous-section 1 ;
2° Est ajoutée une sous-section 2 ainsi rédigée :
« Sous-section 2
« Obligations applicables au titre du régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (“CORSIA”)
« Art. L. 229-60-1. – I. – La présente sous-section s’applique aux exploitants d’aéronef titulaires d’un certificat de transporteur aérien délivré par la France ou immatriculés en France pour les vols internationaux effectués entre un aérodrome situé dans un pays appliquant le régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (“CORSIA”) et mentionné dans l’acte d’exécution adopté en application de l’article 25 bis de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil et un aérodrome situé sur le territoire :
« 1° D’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;
« 2° De la Suisse ;
« 3° Du Royaume-Uni ;
« 4° D’un autre pays appliquant ce régime et mentionné dans l’acte d’exécution mentionné au premier alinéa du présent I.
« II. – La présente sous-section s’applique également aux exploitants d’aéronef mentionnés au I pour les vols internationaux reliant un aérodrome situé dans un pays et territoire d’outre-mer mentionné dans l’annexe II du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et un aérodrome situé sur le territoire :
« 1° D’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, y compris s’il est situé dans une région ultrapériphérique, ou sur un territoire de cet État mentionné à la même annexe II ;
« 2° De la Suisse ;
« 3° Du Royaume-Uni ;
« 4° D’un autre pays appliquant ce régime et mentionné dans l’acte d’exécution mentionné au premier alinéa du I du présent article.
« Art. L. 229-60-2. – I. – Au plus tard le 30 novembre de chaque année, l’autorité administrative compétente évalue, pour chaque exploitant d’aéronef, le nombre d’unités de compensation, définies dans l’acte d’exécution prévu au paragraphe 8 de l’article 11 bis de la directive 2003/87/CE du 13 octobre 2003 précitée, dont il est redevable au titre de l’année civile précédente, conformément à la méthode établie dans l’acte d’exécution mentionné au paragraphe 8 de l’article 12 de la même directive. Elle en informe les exploitants d’aéronef.
« Au plus tard le 30 novembre de chaque année suivant une période de conformité, l’autorité administrative compétente détermine, pour chaque exploitant d’aéronef, le nombre total d’unités de compensation dont il est redevable pour cette période. Elle en informe les exploitants d’aéronef.
« Une période de conformité est une période de trois ans au terme de laquelle un exploitant d’aéronef soumis au régime “CORSIA” doit compenser ses émissions de gaz à effet de serre selon les modalités définies au II du présent article. La première période de conformité comprend les années 2021 à 2023. La deuxième période comprend les années 2024 à 2026. Les périodes triennales suivantes se succèdent jusqu’en 2035.
« II. – Au plus tard le 31 janvier de la deuxième année suivant une période de conformité, chaque exploitant d’aéronef procède à l’annulation des unités de compensation dont le nombre a été communiqué par l’autorité administrative compétente en application du deuxième alinéa du I.
« Art. L. 229-60-3. – Lorsque l’exploitant d’aéronef n’a pas justifié du respect de ses obligations de compensation, l’autorité administrative compétente le met en demeure d’y satisfaire dans un délai d’un mois.
« La mise en demeure mentionne la sanction encourue et invite l’exploitant à présenter ses observations écrites.
« À l’expiration du délai mentionné au premier alinéa, l’autorité administrative compétente peut soit notifier à l’exploitant d’aéronef qu’il a rempli son obligation de compensation, soit constater qu’il ne s’est pas conformé à cette obligation. Dans ce dernier cas, elle prononce une amende relative aux émissions non compensées.
« Le montant de l’amende administrative est de 100 euros par tonne de gaz à effet de serre émise pour laquelle l’exploitant d’aéronef n’a pas satisfait à son obligation de compensation.
« Le paiement de l’amende ne dispense pas l’exploitant de l’obligation de compenser ses émissions. Il doit s’acquitter de cette obligation au plus tard l’année suivante.
« Le recouvrement de l’amende est effectué au profit du Trésor public comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine.
« Le nom de l’exploitant est rendu public lorsque la décision prononçant une amende à son encontre devient définitive.
« Au cas où un exploitant d’aéronef ne se conforme pas aux exigences prévues à la présente sous-section, il peut faire l’objet d’une interdiction d’exploitation.
« Art. L. 229-60-4. – Les conditions d’application de la présente sous-section, notamment celles relatives aux catégories d’exploitants d’aéronefs et de vols concernés et aux modalités d’annulation des unités de compensation sont précisées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d’État. »
Chapitre IV
Dispositions en matière de droit de l’énergie
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Chapitre V
Dispositions relatives aux contrats de concession aéroportuaire
Article 20
I. – L’article L. 6327-2 du code des transports est complété par des IV et V ainsi rédigés :
« IV. – Lorsqu’un aérodrome est exploité dans le cadre d’un contrat de concession, la condition relative à la modération de l’évolution des tarifs prévue au II n’est pas applicable aux premiers tarifs des redevances homologués par l’Autorité de régulation des transports après l’entrée en vigueur du contrat.
« V. – (Supprimé) ».
I bis. – Le II de l’article L. 6327-2 du code des transports est ainsi modifié :
1° Après le mot : « redevances », la fin du troisième alinéa est ainsi rédigée : « et qu’ils sont non discriminatoires ; »
2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) Le mot : « et » est supprimé ;
b) Sont ajoutés les mots : « et que leur évolution, par rapport aux tarifs en vigueur, est modérée ».
II. – Le IV de l’article L. 6327-2 du code des transports s’applique aux contrats de concession conclus après la publication de la présente loi.
III. – L’article L. 6327-3 du code des transports est ainsi rédigé :
« Art. L. 6327-3. – I. – En vue de l’élaboration d’un projet de contrat mentionné à l’article L. 6325-2, l’autorité compétente de l’État peut consulter l’Autorité de régulation des transports, qui émet un avis motivé sur un avant-projet de contrat dans un délai et des conditions prévus par voie réglementaire.
« Dans son avis motivé, l’Autorité de régulation des transports se prononce notamment sur :
« 1° L’équilibre économique et financier de l’avant-projet de contrat ;
« 2° Le coût moyen pondéré du capital retenu dans l’avant-projet de contrat ;
« 3° Les conditions d’évolution des tarifs prévues par l’avant-projet de contrat, en vérifiant, de manière prévisionnelle sur la période couverte par le contrat, que l’évolution moyenne proposée est modérée, que l’exploitant reçoit une juste rémunération des capitaux investis sur le périmètre des activités mentionné à l’article L. 6325-1, appréciée au regard du coût moyen pondéré du capital calculé sur ce périmètre, et que le produit global des redevances n’excède pas le coût des services rendus.
« L’autorité vérifie la juste rémunération des capitaux investis au regard des hypothèses d’investissement, de la qualité de service et de l’évolution des charges retenues dans l’avant-projet de contrat.
« Dans le cadre d’une procédure de passation d’un contrat de concession portant sur un aérodrome relevant de la compétence de l’État, l’autorité compétente de l’État peut, dans les mêmes conditions, consulter l’Autorité de régulation des transports pour qu’elle émette un avis motivé, avant la signature du contrat de concession, sur un avant-projet de contrat mentionné à l’article L. 6325-2.
« II. – Les projets de contrats mentionnés à l’article L. 6325-2 sont soumis à l’avis conforme de l’Autorité de régulation des transports dans un délai et des conditions prévus par voie réglementaire.
« Elle se prononce sur :
« 1° Le respect de la procédure d’élaboration de ces contrats, fixée par voie réglementaire ;
« 2° Le coût moyen pondéré du capital retenu par les parties au contrat ;
« 3° Les conditions d’évolution des tarifs prévues par le projet de contrat, en vérifiant, de manière prévisionnelle sur la période couverte par le contrat, que l’évolution moyenne proposée est modérée, que l’exploitant reçoit une juste rémunération des capitaux investis sur le périmètre d’activités mentionné à l’article L. 6325-1, appréciée au regard du coût moyen pondéré du capital calculé sur ce périmètre, et que le produit global des redevances n’excède pas le coût des services rendus.
« L’autorité vérifie la juste rémunération des capitaux investis au regard du programme d’investissements, des objectifs de qualité de service et des objectifs d’évolution des charges, tels qu’ils ont été retenus par les parties au contrat.
« Lorsque le projet de contrat prévoit les tarifs et leurs modulations applicables sur la première période tarifaire couverte par le contrat, l’autorité procède à l’examen prévu au II de l’article L. 6327-2.
« Dans le cadre d’une procédure de passation d’un contrat de concession portant sur un aérodrome relevant de la compétence de l’État, l’autorité compétente de l’État peut, dans les mêmes conditions, consulter l’Autorité de régulation des transports pour qu’elle émette un avis conforme, avant la signature du contrat de concession, sur un projet de contrat mentionné à l’article L. 6325-2. »
TITRE III
DISPOSITIONS D’ADAPTATION AU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE RÉPRESSIVE
Chapitre Ier
Diverses dispositions relatives à l’échange d’informations en matière répressive
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Chapitre II
Dispositions applicables aux demandes d’informations émises par les services français
Article 22
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 695-9-31 est ainsi modifié :
a) La référence : « décision-cadre 2006/960/JAI du Conseil du 18 décembre 2006 » est remplacée par la référence : « directive (UE) 2023/977 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 relative à l’échange d’informations entre les services répressifs des États membres et abrogeant la décision-cadre 2006/960/JAI du Conseil » ;
b) Le mot : « désignés » est remplacé par le mot : « énumérés » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Au sein de ces services ou de ces unités, certains peuvent être spécialement désignés, au sens de l’article 695-9-31-1, aux fins de saisir directement les points de contact uniques des autres États membres. » ;
2° Après le même article 695-9-31, il est inséré un article 695-9-31-1 ainsi rédigé :
« Art. 695-9-31-1. – Le point de contact unique mentionné à l’article 14 de la directive (UE) 2023/977 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 relative à l’échange d’informations entre les services répressifs des États membres et abrogeant la décision-cadre 2006/960/JAI du Conseil, désigné par arrêté conjoint du ministre de la justice, du ministre de l’intérieur et du ministre chargé du budget, transmet directement les demandes d’informations sollicitées par les services ou unités mentionnés au premier alinéa de l’article 695-9-31. Il reçoit les demandes de transmission d’informations adressées par les points de contact uniques des États membres et par les services que ces derniers ont spécialement désignés pour transmettre directement les demandes d’informations aux autres États membres.
« Lorsqu’une liste des services ou des unités spécialement désignés par arrêté conjoint du ministre de l’intérieur, du ministre de la justice et du ministre chargé du budget aux fins de transmettre directement les demandes d’informations aux points de contact uniques des États membres est établie par le point de contact unique dans les conditions prévues aux 1 et 2 de l’article 4 de la directive (UE) 2023/977 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 précitée, le point de contact unique la transmet à la Commission. »
Article 23
L’article 695-9-33 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 695-9-33. – S’il existe des raisons de supposer qu’un État membre détient des informations entrant dans les prévisions de l’article 695-9-31 et utiles à la prévention d’une infraction ou aux investigations tendant à en établir la preuve ou à en rechercher les auteurs, le point de contact unique mentionné à l’article 695-9-31-1 ainsi que les services et les unités spécialement désignés en application du second alinéa de l’article 695-9-31 peuvent en solliciter la transmission auprès du point de contact unique de cet État, dans le strict respect des principes de nécessité et de proportionnalité.
« Tous les services et toutes les unités mentionnés au premier alinéa du présent article peuvent également solliciter la transmission directe de ces informations auprès des services compétents de cet État.
« La demande de transmission expose les raisons laissant supposer que les informations sont détenues par le point de contact unique ou les services compétents de cet État. Elle précise à quelles fins les informations sont demandées et, lorsque les informations sont relatives à une personne déterminée, le lien entre cette personne et les fins de la demande.
« Lorsque la demande de transmission d’informations est adressée par un service ou une unité spécialement désigné en application du second alinéa de l’article 695-9-31, une copie de cette demande est envoyée simultanément au point de contact unique mentionné à l’article 695-9-31-1, sauf s’il existe des motifs laissant supposer que cet envoi compromettrait un ou plusieurs des éléments suivants :
« 1° Une enquête en cours hautement sensible pour laquelle le traitement de l’information requiert un niveau de confidentialité approprié, notamment lorsque la procédure comporte des éléments couverts par le secret de la défense nationale ;
« 2° Les affaires de terrorisme n’impliquant pas la gestion de situations d’urgence ou de crise ;
« 3° La sécurité des personnes.
« Lorsque la demande de transmission d’informations est adressée directement à un service compétent d’un État membre, une copie de cette demande est envoyée simultanément au point de contact unique de cet État, sauf s’il existe des motifs laissant supposer que cet envoi compromettrait un ou plusieurs éléments mentionnés aux trois alinéas précédents.
« Une copie de la demande de transmission d’informations peut être transmise à Europol dans la mesure où elle porte sur une infraction relevant des objectifs mentionnés à l’article 3 du règlement (UE) 2016/794 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relatif à l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol) et remplaçant et abrogeant les décisions du Conseil 2009/371/JAI, 2009/934/JAI, 2009/935/JAI, 2009/936/JAI et 2009/968/JAI. »
Chapitre III
Dispositions applicables aux demandes d’informations reçues par les services français
Article 24
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 695-9-37 est ainsi rédigé :
« Art. 695-9-37. – Le point de contact unique mentionné à l’article 695-9-31-1 transmet, à leur demande, aux points de contact uniques ou aux services spécialement désignés des États membres les informations mentionnées à l’article 695-9-31 utiles à la prévention d’une infraction ou aux investigations tendant à en établir la preuve ou à en rechercher les auteurs, dans le strict respect des principes de nécessité et de proportionnalité.
« Lorsqu’une demande d’informations a été adressée directement à l’un des services et des unités mentionnés au premier alinéa du même article 695-9-31, ce service ou cette unité envoie simultanément une copie de sa transmission d’informations au point de contact unique mentionné à l’article 695-9-31-1, sauf s’il existe des motifs laissant supposer que cet envoi compromettrait un ou plusieurs des éléments suivants :
« 1° Une enquête en cours hautement sensible pour laquelle le traitement de l’information requiert un niveau de confidentialité approprié, notamment lorsque la procédure comporte des éléments couverts par le secret de la défense nationale ;
« 2° Les affaires de terrorisme n’impliquant pas la gestion de situations d’urgence ou de crise ;
« 3° La sécurité des personnes.
« Lorsque les informations sont transmises à un service compétent d’un État membre, une copie de cette transmission est envoyée simultanément au point de contact unique de cet État, sauf s’il existe des motifs laissant supposer que cet envoi compromettrait un ou plusieurs éléments mentionnés aux trois alinéas précédents. » ;
« Le point de contact unique effectue la transmission dans les délais fixés au paragraphe 1 de l’article 5 de la directive (UE) 2023/977 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 relative à l’échange d’informations entre les services répressifs des États membres et abrogeant la décision-cadre 2006/960/JAI du Conseil.
« Lorsque, conformément à l’article 695-9-40, les informations demandées ne peuvent être transmises qu’avec l’autorisation préalable d’un magistrat ou d’une juridiction, il peut être dérogé aux délais visés à l’alinéa précédent. Dans ce cas, le point de contact unique mentionné à l’article 695-9-31-1 en informe sans délai le point de contact unique ou le service spécialement désigné demandeur, en précisant la durée et les motifs du retard ; il tient celui-ci informé dès que possible de la suite accordée à la demande. » ;
2° L’article 695-9-38 est ainsi rédigé :
« Art. 695-9-38. – Sous réserve de l’article 695-9-40 et du 1° de l’article 695-9-41, si des faits permettent de penser que des informations mentionnées à l’article 695-9-31 pourraient être utiles à un autre État membre soit pour prévenir une infraction relevant de l’une des catégories énumérées à l’article 694-32 et punie en France d’une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à trois ans d’emprisonnement ou une infraction entrant dans le champ de compétence d’Europol mentionnée à l’article 3, paragraphe 1 ou 2, du règlement (UE) 2016/794 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relatif à l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol) et remplaçant et abrogeant les décisions du Conseil 2009/371/JAI, 2009/934/JAI, 2009/935/JAI, 2009/936/JAI et 2009/968/JAI, soit pour conduire les investigations tendant à établir la preuve ou à rechercher les auteurs d’une telle infraction, le service ou l’unité mentionné au premier alinéa de l’article 695-9-31 qui détient ces informations ou le point de contact unique mentionné à l’article 695-9-31-1 les transmet spontanément aux services compétents ou au point de contact unique de cet État.
« Lorsque les informations utiles à un autre État membre concernent une infraction qui n’entre pas dans les prévisions du premier alinéa du présent article, le service ou l’unité mentionné au premier alinéa de l’article 695-9-31 qui détient ces informations ou le point de contact unique mentionné à l’article 695-9-31-1 peut prendre l’initiative de les transmettre aux services compétents ou au point de contact unique de cet État.
« Lorsque les informations sont transmises par un des services et unités mentionnés au premier alinéa de l’article 695-9-31, ce service ou cette unité envoie simultanément une copie de sa transmission d’informations au point de contact unique mentionné à l’article 695-9-31-1, dans les conditions et sous les réserves prévues à l’article 695-9-33.
« Lorsque les informations sont transmises à un service compétent d’un État membre, une copie de cette transmission est envoyée simultanément au point de contact unique de cet État, dans les conditions et sous les réserves prévues à l’article 695-9-33.
« Le cas échéant, la transmission d’informations est traduite dans l’une des langues acceptées par l’État membre destinataire conformément à l’article 11 de la directive (UE) 2023/977 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 relative à l’échange d’informations entre les services répressifs des États membres et abrogeant la décision-cadre 2006/960/JAI du Conseil. »
Article 25
L’article 695-9-39 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Après la référence : « 695-9-31 », sont insérés les mots : « ou par le point de contact unique mentionné à l’article 695-9-31-1 » ;
b) Les mots : « décision-cadre 2006/960/JAI » sont remplacés par les mots : « directive (UE) 2023/977 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 précitée » ;
c) Après la seconde occurrence du mot : « membre », sont insérés les mots : « ou à Europol » ;
2° Le second alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « unités », sont insérés les mots : « ou par le point de contact unique mentionné à l’article 695-9-31-1 » ;
b) Les mots : « décision-cadre 2006/960/JAI » sont remplacés par les mots : « directive (UE) 2023/977 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 précitée » ;
c) Après la seconde occurrence du mot : « membre », sont insérés les mots : « ou à Europol ».
Article 26
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 695-9-40 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « transmises », sont insérés les mots : « au point de contact unique ou » ;
b) Au deuxième alinéa, après le mot : « nécessaire, », sont insérés les mots : « le point de contact unique ou » ;
2° L’article 695-9-41 est ainsi rédigé :
« Art. 695-9-41. – Le point de contact unique ne peut refuser de communiquer les informations demandées par un État membre qu’en présence d’un des motifs suivants :
« 1° Des raisons objectives laissent penser que la communication des informations demandées :
« a) Porterait atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État en matière de sécurité nationale ;
« b) Nuirait au déroulement d’investigations en matière pénale ou compromettrait la sécurité des personnes ;
« c) Serait manifestement disproportionnée ou sans objet au regard des finalités pour lesquelles elle a été demandée ;
« d) Porterait indûment atteinte aux intérêts importants protégés d’une personne morale ;
« 2° Les informations demandées :
« a) Ne sont pas disponibles, se sont révélées inexactes ou incomplètes, ne sont plus à jour ou constituent des données autres que celles relevant des catégories de données à caractère personnel énumérées à la section B de l’annexe II du règlement (UE) 2016/794 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relatif à l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol) et remplaçant et abrogeant les décisions du Conseil 2009/371/JAI, 2009/934/JAI, 2009/935/JAI, 2009/936/JAI et 2009/968/JAI ;
« b) Se rapportent à une infraction punie en France d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un an ou à des faits qui ne constituent pas une infraction pénale ;
« 3° L’État mentionné à l’article 695-9-39 du présent code n’a pas consenti à la communication des informations ;
« 4° Le magistrat compétent ou la juridiction compétente a refusé la communication, conformément à l’article 695-9-40. » ;
3° L’article 695-9-42 est abrogé ;
4° Au premier alinéa de l’article 695-9-43, après le mot : « information, », sont insérés les mots : « le point de contact unique ou » ;
5° L’article 695-9-44 est ainsi rédigé :
« Art. 695-9-44. – Lorsqu’une information a été transmise par le point de contact unique mentionné à l’article 695-9-31-1 ou par un service ou une unité mentionné à l’article 695-9-31 au point de contact unique ou à un service compétent d’un État membre et que celui-ci envisage de la communiquer à un autre État ou d’en faire une utilisation différente de celle pour laquelle la transmission avait été décidée, l’entité qui a procédé à la transmission initiale apprécie s’il y a lieu d’autoriser, à la demande de l’État destinataire, la retransmission ou la nouvelle utilisation de l’information et, le cas échéant, fixe les conditions de celle-ci. » ;
6° À l’article 695-9-45, après le mot : « transmises », sont insérés les mots : « par le point de contact unique mentionné à l’article 695-9-31-1 ou » ;
7° Après le même article 695-9-45, il est inséré un article 695-9-45-1 ainsi rédigé :
« Art. 695-9-45-1. – Si des données à caractère personnel transmises par le point de contact unique mentionné à l’article 695-9-31-1 ou par le service ou l’unité mentionné à l’article 695-9-31 se révèlent inexactes ou incomplètes ou ne sont plus à jour, ceux-ci informent sans tarder leur destinataire de l’effacement, de la rectification ou de la limitation du traitement de ces données. » ;
8° L’article 695-9-46 est ainsi rédigé :
« Art. 695-9-46. – Sous réserve des articles 695-9-39, 695-9-43 et 695-9-44, les informations transmises par le point de contact unique mentionné à l’article 695-9-31-1 ou par un service ou une unité mentionné à l’article 695-9-31 au point de contact unique ou aux services compétents d’un État membre peuvent être également transmises à Eurojust et à Europol lorsqu’elles portent sur une infraction relevant des objectifs énoncés à l’article 3 du règlement (UE) 2016/794 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relatif à l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol) et remplaçant et abrogeant les décisions du Conseil 2009/371/JAI, 2009/934/JAI, 2009/935/JAI, 2009/936/JAI et 2009/968/JAI. » ;
9° L’article 695-9-47 est abrogé.
Chapitre IV
Échange d’informations numériques dans les affaires de terrorisme
Article 27
L’article 695-8-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la fin du dernier alinéa du I, les mots : « qui intéressent, ou sont susceptibles d’intéresser, au moins un autre État membre » sont remplacés par les mots : « , à l’exception de celles qui ne concernent manifestement pas les autres États » ;
1° bis (Supprimé)
2° Le III est complété par les mots : « ou, en ce qui concerne les infractions terroristes, à compromettre une enquête en cours ».
TITRE IV
DISPOSITIONS D’ADAPTATION AU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE DE DROIT PÉNAL
Article 28
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° À la première phrase du premier alinéa du I de l’article 63-2, après le mot : « sœurs », sont insérés les mots : « ou toute autre personne qu’elle désigne » ;
2° bis L’article 63-3 est ainsi modifié :
a) Au troisième alinéa, après le mot : « famille », sont insérés les mots : « ou la personne prévenue en application du premier alinéa du I de l’article 63-2 » ;
a bis) La troisième phrase du cinquième alinéa, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, est complétée par les mots : « du présent article » ;
b) À la dernière phrase du cinquième alinéa, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 précitée, les mots : « ou par un membre de sa famille » sont remplacés par les mots : « , par un membre de sa famille ou par la personne prévenue en application du premier alinéa du I de l’article 63-2 » ;
c) Au sixième alinéa, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 précitée, après le mot : « alinéa », sont insérés les mots : « du présent article » ;
3° Les quatre premiers alinéas de l’article 63-3-1 sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Dès le début de la garde à vue et à tout moment au cours de celle-ci, la personne peut demander à être assistée par un avocat désigné par elle ou commis d’office.
« L’avocat peut également être désigné par la personne prévenue en application du premier alinéa du I de l’article 63-2. Cette désignation doit toutefois être confirmée par la personne gardée à vue.
« L’avocat désigné est informé par l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire ou un assistant d’enquête de la nature et de la date présumée de l’infraction sur laquelle porte l’enquête. Il accomplit les diligences requises pour se présenter sans retard indu.
« Si l’avocat désigné dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas du présent article ne peut être contacté ou déclare ne pas pouvoir se présenter dans un délai de deux heures à compter de l’avis qui lui a été adressé ou si la personne gardée à vue a demandé à être assistée par un avocat commis d’office, l’officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, l’agent de police judiciaire ou l’assistant d’enquête saisit sans délai et par tous moyens le bâtonnier aux fins de désignation d’un avocat commis d’office. Il en informe la personne gardée à vue.
« La même procédure est applicable si l’avocat désigné ne s’est pas présenté après l’expiration du délai prévu au quatrième alinéa. » ;
3° bis L’article 63-4-1 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Si des auditions et confrontations ont été décidées en application du deuxième alinéa de l’article 63-4-2 ou de l’article 63-4-2-1, l’avocat peut également consulter les procès-verbaux de ces auditions et confrontations. » ;
4° L’article 63-4-2 est ainsi modifié :
a) La deuxième phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « Dans ce cas, elle ne peut être entendue sur les faits sans la présence de l’avocat choisi ou commis d’office, sauf renonciation expresse de sa part mentionnée au procès-verbal. » ;
b) Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;
c) Au quatrième alinéa, les mots : « permettre le bon déroulement d’investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves » sont remplacés par les mots : « éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure pénale » ;
5° Après le même article 63-4-2, il est inséré un article 63-4-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 63-4-2-1. – Le procureur de la République peut, à la demande de l’officier de police judiciaire et sur décision écrite et motivée, décider de faire procéder immédiatement à l’audition de la personne gardée à vue ou à des confrontations si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable soit pour éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure pénale, soit pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne.
« En cas de mise en œuvre de la procédure prévue au premier alinéa, la personne gardée à vue est immédiatement informée de l’arrivée de son avocat. Si une audition ou une confrontation est en cours, celle-ci est interrompue à la demande de la personne gardée à vue afin de lui permettre de s’entretenir avec son avocat dans les conditions prévues à l’article 63-4 et afin que celui-ci prenne connaissance des documents prévus à l’article 63-4-1. Si la personne gardée à vue ne demande pas à s’entretenir avec son avocat, celui-ci peut assister à l’audition ou à la confrontation en cours dès son arrivée dans les locaux du service de police judiciaire. » ;
6° (Supprimé)
II. – Les 3° et 4° du I de l’article 6 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 sont abrogés.
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TITRE V
DISPOSITIONS D’ADAPTATION AU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE SOCIALE ET DE DROIT DE LA SANTÉ
Article 31
Le 1° du I de l’article L. 541-15-12 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Au b, les mots : « et aux dispositifs de diagnostic in vitro, » sont supprimés et, à la fin, la date : « 1er janvier 2024 » est remplacée par la date : « 17 octobre 2029 » ;
2° Au c, le mot : « rincés » est remplacé par les mots : « à rincer » et, à la fin, la date : « 1er janvier 2026 » est remplacée par les mots : « 17 octobre 2027, ou du 17 octobre 2029 si les microplastiques que contiennent ces produits sont destinés à l’encapsulation des parfums » ;
3° Le d est ainsi rédigé :
« d) Aux produits détergents, aux produits d’entretien et aux autres produits relevant du règlement (UE) 2023/2055 de la Commission du 25 septembre 2023 modifiant l’annexe XVII du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), en ce qui concerne les microparticules de polymère synthétique, à compter des dates fixées par le même règlement ; ».
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Article 32 bis
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 1251-19 est ainsi modifié :
a) Au 1°, après le mot : « maternité, », sont insérés les mots : « , de paternité et d’accueil de l’enfant » ;
b) Au 2°, après le mot : « périodes », la fin est ainsi rédigée : « mentionnées aux 5° et 7° de l’article L. 3141-5 ; »
2° L’article L. 3141-5 est ainsi modifié :
a) Au 5°, les mots : « , dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, » sont supprimés ;
b) Il est ajouté un 7° ainsi rédigé :
« 7° Les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’arrêt de travail lié à un accident ou une maladie n’ayant pas un caractère professionnel. » ;
3° Après le même article L. 3141-5, il est inséré un article L. 3141-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3141-5-1. – Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 3141-3, la durée du congé auquel le salarié a droit au titre des périodes mentionnées au 7° de l’article L. 3141-5 est de deux jours ouvrables par mois, dans la limite d’une attribution, à ce titre, de vingt-quatre jours ouvrables par période de référence mentionnée à l’article L. 3141-10. » ;
4° Après l’article L. 3141-19, sont insérés des articles L. 3141-19-1 à L. 3141-19-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 3141-19-1. – Lorsqu’un salarié est dans l’impossibilité, pour cause de maladie ou d’accident, de prendre au cours de la période de prise de congés tout ou partie des congés qu’il a acquis, il bénéficie d’une période de report de quinze mois afin de pouvoir les utiliser.
« Cette période débute à la date à laquelle le salarié reçoit, après sa reprise du travail, les informations prévues à l’article L. 3141-19-3.
« Art. L. 3141-19-2. – Par dérogation au second alinéa de l’article L. 3141-19-1, lorsque les congés ont été acquis au cours des périodes mentionnées aux 5° ou 7° de l’article L. 3141-5, la période de report débute à la date à laquelle s’achève la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis si, à cette date, le contrat de travail est suspendu depuis au moins un an en raison de la maladie ou de l’accident.
« Dans ce cas, lors de la reprise du travail, la période de report, si elle n’a pas expiré, est suspendue jusqu’à ce que le salarié ait reçu les informations prévues à l’article L. 3141-19-3.
« Art. L. 3141-19-3. – Au terme d’une période d’arrêt de travail pour cause de maladie ou d’accident, l’employeur porte à la connaissance du salarié, dans le mois qui suit la reprise du travail, les informations suivantes, par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment au moyen du bulletin de paie :
« 1° Le nombre de jours de congé dont il dispose ;
« 2° La date jusqu’à laquelle ces jours de congé peuvent être pris. » ;
5° À l’article L. 3141-20, après le mot : « fractionnement », sont insérés les mots : « et de report » ;
6° Après l’article L. 3141-21, il est inséré un article L. 3141-21-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3141-21-1. – Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut fixer une durée de la période de report supérieure à celle prévue à l’article L. 3141-19-1. » ;
7° Au dernier alinéa de l’article L. 3141-22, après le mot : « prévus », sont insérés les mots : « aux articles L. 3141-19-1 et L. 3141-21-1 relatifs au report de congés non pris pour cause d’accident ou de maladie, » ;
8° Le I de l’article L. 3141-24 est ainsi modifié :
a) Au 3°, les mots : « les articles L. 3141-4 et » sont remplacés par les mots : « l’article L. 3141-4 et par les 1° à 6° de l’article » ;
b) Après le même 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Des périodes assimilées à un temps de travail par le 7° du même article L. 3141-5 qui sont considérées comme ayant donné lieu à rémunération en fonction de l’horaire de travail de l’établissement, dans la limite d’une prise en compte à 80 % de la rémunération associée à ces périodes. »
II. – Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée ou de stipulations conventionnelles plus favorables en vigueur à la date d’acquisition des droits à congés, le 7° de l’article L. 3141-5, les articles L. 3141-5-1 et L. 3141-19-1 à L. 3141-19-3 et le 4° de l’article L. 3141-24 du code du travail sont applicables pour la période courant du 1er décembre 2009 à la date d’entrée en vigueur de la présente loi.
Toutefois, pour la même période, les congés supplémentaires acquis en application des dispositions mentionnées au premier alinéa du présent II ne peuvent, pour chaque période de référence mentionnée à l’article L. 3141-10 du code du travail, excéder le nombre de jours permettant au salarié de bénéficier de vingt-quatre jours ouvrables de congé, après prise en compte des jours déjà acquis, pour la même période, en application des dispositions du même code dans leur rédaction antérieure à la présente loi.
Toute action en exécution du contrat de travail ayant pour objet l’octroi de jours de congé en application du présent II doit être introduite, à peine de forclusion, dans un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.
TITRE VI
DISPOSITIONS D’ADAPTATION AU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE DE POLITIQUE AGRICOLE
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Article 33 bis
Le 13° de l’article L. 4221-5 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« 13° De prendre, le cas échéant après avis du comité régional de programmation ou du comité de suivi, toutes les décisions et tous les actes de mise en œuvre des fonds européens dont la région est l’autorité de gestion ou l’organisme intermédiaire ou, dans le cadre du Fonds européen agricole pour le développement rural, l’autorité de gestion régionale ainsi que des contreparties nationales associées ; ».
Article 34
I. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Après la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre II, est insérée une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Dispositions spécifiques aux espèces bovines, ovines et caprines
« Art. L. 212-6. – Les chambres d’agriculture contribuent à la collecte et le traitement des données relatives à l’identification et à la traçabilité des animaux des espèces bovines, ovines et caprines ainsi qu’à la délivrance et à la gestion des matériels et procédés d’identification et des documents d’identification des animaux de ces espèces.
« À la demande des opérateurs, les chambres d’agriculture peuvent collecter des informations complémentaires et notamment la parenté des bovins à leur naissance.
« Un décret détermine les modalités d’application du présent article. Ce décret précise notamment le champ et les modalités d’association des interprofessions reconnues conformément aux dispositions de l’article L. 632-1, à la gouvernance exercée sur les missions du présent article par l’établissement public mentionné à l’article L. 513-2. » ;
2° L’article L. 212-7 est ainsi modifié :
a) Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’établissement de l’élevage mentionné à l’article L. 653-12 met en œuvre, pour les animaux des espèces bovines, ovines et caprines, la collecte et le traitement des données relatives à l’identification et à la traçabilité ainsi que la délivrance et la gestion des matériels et procédés d’identification et des documents d’identification. » ;
b) Après le mot : « animaux », la fin de la phrase est supprimée ;
c) Après le mot : « animaux, », sont insérés les mots : « à l’exception des espèces mentionnées à l’article L. 212-6, » ;
d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret détermine les modalités d’application du présent article. » ;
3° L’article L. 513-1 est ainsi modifié :
a) L’avant-dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« – il structure, coordonne et pilote les missions des chambres d’agriculture mentionnées aux articles L. 212-3 et L. 212-6 ;
« – il assure la collecte et le traitement des données relatives aux opérateurs et à leurs établissements qui sont notamment requises par le règlement (UE) 2016/429 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale (“législation sur la santé animale”) ; »
b) (Supprimé)
4° L’article L. 212-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 212-3. – Les chambres d’agriculture contribuent à la collecte des données relatives aux opérateurs enregistrés en application du règlement (UE) 2016/429 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale (“législation sur la santé animale”). Ces données sont collectées et centralisées par l’établissement mentionné à l’article L. 513-1 du présent code, dans des conditions définies par décret. » ;
5° Le premier alinéa de l’article L. 653-12, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2021-1370 du 20 octobre 2021 relative aux mesures de surveillance, de prévention et de lutte contre les maladies animales transmissibles, est ainsi rédigé :
« Pour chaque département, groupe de départements, région ou groupe de régions, un établissement de l’élevage est agréé par l’autorité administrative soit sous la forme d’un service au sein d’une chambre d’agriculture, soit par création d’un organisme doté de la personnalité morale dans les conditions prévues au III de l’article L. 514-2, soit selon d’autres formes juridiques. » ;
6° L’article L. 653-12 est abrogé ;
7° (nouveau) Après le cinquième alinéa de l’article L. 510-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils contribuent et encouragent au développement de l’élevage des animaux des espèces bovine, ovine, caprine, porcine, cunicoles et avicoles, en associant les différents acteurs de la filière. »
II. – (Supprimé)
III. – Les 1°, 3°, 4°, 6° et 7° du I entrent en vigueur le 1er janvier 2026.
Les a, b et d du 2° du I sont abrogés à compter du 1er janvier 2026.
Article 35
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les mesures relevant du domaine de loi nécessaires à l’adaptation de la loi n° 2023-566 du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne aux règles européennes applicables aux services de la société de l’information, afin de prendre en compte les observations transmises par la Commission européenne dans le cadre de la procédure de notification préalable applicable à cette même loi.
Mme la présidente. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.
article 4
Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 48
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État. Cet amendement purement rédactionnel vise à supprimer l’alinéa 48 de l’article 4, qui est satisfait par l’article L. 2372–1 du code du travail.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Fargeot, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Il est favorable, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 8
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
1° De transposer la directive (UE) 2022/2381 du Parlement européen et du Conseil du 23 novembre 2022 relative à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées et à des mesures connexes, et de prévoir les dispositions de coordination et d’adaptation de la législation liées à cette transposition :
a) En prévoyant que la transposition corresponde au moins au champ d’application des articles L. 225–18–1 et L. 226–4–1 du code de commerce ;
b) En garantissant, dans les conseils d’administration ou de surveillance des sociétés commerciales, l’exigence d’une proportion minimale de 40 % du sexe le moins représenté, pour l’ensemble de leurs membres, quelles que soient leurs modalités de désignation ;
c) Sans ajouter au droit en vigueur à la date de la présente habilitation de nouvelles sanctions encourues en cas de méconnaissance des obligations relatives à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes ;
d) En désignant un ou plusieurs organismes chargés de suivre, d’analyser et de soutenir l’équilibre entre les femmes et les hommes dans la composition des conseils d’administration et de surveillance des sociétés commerciales et doté de moyens suffisants à l’exercice de ces missions ;
e) Avec les adaptations nécessaires, en harmonisant les règles en matière de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes applicables aux conseils d’administration ou de surveillance des établissements publics avec celles prévues pour les sociétés commerciales et en les étendant aux groupements d’intérêt public ;
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État. Cet amendement, également rédactionnel, vise à sécuriser, au regard de l’article 38 de la Constitution, l’habilitation issue des débats parlementaires.
Les régimes issus, d’une part, de la directive Women on Boards et, d’autre part, de la loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle, dite loi Copé-Zimmermann, sont très proches. Néanmoins, il existe entre ces deux régimes des différences techniques qui font peser un risque de superposition de ces textes. C’est ce qui justifie cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Fargeot, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rétablir le II dans la rédaction suivante :
II. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi pour :
1° Transposer les dispositions de la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission, dans leur rédaction résultant de l’article 38 du règlement (UE) 2023/1113 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 sur les informations accompagnant les transferts de fonds et de certains crypto-actifs, et modifiant la directive (UE) 2015/849 ;
2° Adapter les dispositions du code monétaire et financier et, le cas échéant, d’autres codes ou dispositions législatives non codifiées, pour assurer, dès l’entrée en application du même règlement, leur cohérence et leur conformité avec les dispositions de ce dernier ;
3° Définir les compétences respectives de l’Autorité des marchés financiers et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour l’application dudit règlement ;
4° Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant des 1° à 3° du présent II, pour celles qui relèvent de la compétence de l’État dans ces collectivités, et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces dispositions à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au premier alinéa du présent II.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État. Le règlement TFR a élargi aux transferts de crypto-actifs les obligations de transparence qui s’imposaient jusqu’alors seulement aux transferts de fonds classiques et introduit de nouvelles obligations de vigilance dans la lutte contre le blanchiment de capitaux, en complément du règlement Mica.
Cet amendement tend à réécrire l’alinéa 12 de l’article 6 de manière à habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance, dans le même esprit, les mesures d’ordre législatif de la directive relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Fargeot, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
au IV
II. – Alinéa 9
Après le mot :
mentionnées
insérer les mots :
au I
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Fargeot, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Remplacer la référence :
L. 513–2
par la référence :
L. 513-1
II. – Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 12
Compléter cet alinéa par les mots :
selon des modalités définies par décret
IV. – Après l’alinéa 24
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
6° bis L’article L. 571–8 est abrogé ;
V. – Alinéa 28
1° Après la référence :
1°,
insérer la référence :
c du 2°,
2° Après la référence :
6°,
insérer la référence :
6° bis,
VI. – Alinéa 29
Supprimer la référence :
, b
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État. Cet amendement, dont le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire est à l’origine, tend à apporter deux précisions.
La chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte exerce les missions relatives à l’identification et à la traçabilité animale à la place de l’établissement de l’élevage. À compter du 1er janvier 2026, les missions relatives à l’identification et à la traçabilité animale seront entièrement transférées aux chambres d’agriculture. Aussi – c’est la première précision –, il convient d’abroger, à compter de cette date, l’article L. 571–8 du code rural et de la pêche maritime.
Par ailleurs – seconde précision –, cet amendement vise à fixer, par cohérence, au 1er janvier 2026 la date d’entrée en vigueur du c) du 2° du I de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Fargeot, rapporteur. Il est favorable, madame la présidente.
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Louis Vogel, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Louis Vogel. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la prochaine mandature, issue des élections européennes du 9 juin prochain, sera déterminante dans un monde en plein mouvement, pour ne pas dire en pleine crise.
L’Union européenne, ce n’est pas qu’un vœu ; ce sont des réalisations concrètes qui ont une influence sur la vie quotidienne de nos concitoyens, qu’il s’agisse de lutte contre le changement climatique, de guerre économique, ou de protection des citoyens.
Les Ddadue nous rappellent cette réalité ; ce texte-ci ne fait pas exception. Il compte plus de trente articles, répartis en six titres, eux-mêmes divisés en de nombreux chapitres portant sur des sujets très variés, comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État. Cela va du droit de la consommation à la politique agricole, du droit des sociétés jusqu’à celui de l’énergie, en passant par la récente révision du règlement Reach sur la protection de la santé humaine et de l’environnement.
Je salue donc le travail réalisé par les deux chambres, par les rapporteurs du texte à l’Assemblée nationale, Ludovic Mendes et Daniel Labaronne, ainsi que par les rapporteurs de la commission spéciale du Sénat, Cyril Pellevat et Daniel Fargeot, dans un laps de temps extrêmement court.
De manière générale, ce texte, fortement teinté de dispositions sur le droit de la consommation et le droit des sociétés, sur les questions monétaires, financières et bancaires, traite de sujets marquants pour la vie économique. Il intègre également des avancées importantes, notamment l’incorporation dans notre droit du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, qui sont dans la droite ligne de la volonté exposée lors de la présidence française du Conseil de l’Union européenne.
La bonne application de ces dispositifs, avec une période transitoire, permettra de donner corps aux impulsions que la France a pu donner au niveau européen.
De même, les avancées concernant les systèmes d’échange de quotas d’émissions de l’Union européenne apportées par le Sénat sont préservées. Cela démontre, si cela était nécessaire, le sérieux du travail de notre commission spéciale.
Par ailleurs, en première lecture, nous évoquions l’importance de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Aussi, nous nous félicitons de l’élargissement de la liste des congés concernés par les dispositions de ce texte. Ce point a été conservé, ce qui va dans le bon sens.
Enfin, j’aimerais évoquer deux nouveautés introduites par l’Assemblée nationale.
Premièrement, l’article 33 bis met de l’huile dans les rouages de la distribution des fonds européens. Le groupe Les Indépendants, sous la houlette de notre ancienne collègue Colette Mélot, avait été à l’initiative de la constitution d’une mission d’information sur la sous-utilisation, en règle générale, des fonds européens, spécialement en France. Le rapport qui en a résulté demandait plus d’ambition, au service des territoires. Cet article y contribue, mais nous devrons persévérer pour améliorer le système.
La seconde nouveauté est l’article 35, qui permet de progresser dans les adaptations nécessaires de notre droit au sujet de la majorité numérique et de la lutte contre la haine en ligne. Nous devons rester intraitables et imposer nos propres règles : tout ce qui est interdit hors ligne doit l’être également en ligne ! Il s’agit, là encore, d’un sujet particulièrement cher au groupe Les Indépendants.
Nous le constatons, c’est à l’occasion de l’examen de ces textes, lors de leur intégration au droit interne, que nous pouvons, enfin, choisir l’Europe que nous voulons. C’est pourquoi le groupe Les Indépendants défend depuis sa création la fin de la surtransposition, qui est un mal bien français. Elle nous a pénalisés à de nombreuses reprises, notamment lors de la crise majeure qu’a récemment traversée le secteur de l’agriculture.
La logique est la même pour les mauvaises transpositions ou les erreurs de transposition. À cet égard, je salue l’article 7 ter, qui, précisément, corrige des erreurs de transposition.
Pour conclure, j’indique que le groupe Les Indépendants votera bien sûr en faveur du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fargeot, pour le groupe Union Centriste.
M. Daniel Fargeot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que rapporteur de la commission spéciale, j’ai eu pour mission d’examiner au fond vingt-trois articles de ce projet de loi Ddadue, texte sans conteste hétéroclite.
Je rappellerai que nos travaux préparatoires ont relevé des douze travaux d’Hercule : un seul mois entre la présentation du texte en Conseil des ministres et son examen initial au Sénat, sans étude d’impact exhaustive.
Imposer à notre chambre de travailler dans la précipitation sur des sujets techniques qui méritent une analyse approfondie trahit un manque de considération extrême.
Pour autant, le Sénat a substantiellement modifié ce texte avec l’adoption d’une trentaine d’amendements, dont l’essentiel des dispositions a d’ailleurs été conservé dans le texte de la commission mixte paritaire, ce qui me paraît tout à fait convenable.
Je tiens à remercier le rapporteur pour l’Assemblée nationale, Ludovic Mendes, ainsi que Stéphane Vojetta, rapporteur pour avis, de nos échanges constructifs qui nous ont permis d’aboutir sur ces différents sujets.
Je me réjouis du maintien de la totalité des apports sénatoriaux à l’article 1er, relatif au déploiement des infrastructures de recharge en carburants alternatifs, et à l’article 31, relatif à la mise en conformité du calendrier national d’interdiction des microplastiques avec le nouveau calendrier européen.
En matière de droit agricole, j’ai maintenu à l’article 34 les clarifications concernant le rôle des chambres d’agriculture et de Chambres d’agriculture France en matière d’identification animale, agrémentées des améliorations proposées par l’Assemblée nationale.
Je souhaite revenir sur un sujet particulièrement sensible de ce texte, celui de la réforme de la garde à vue, qui ne concerne rien de moins que le droit d’accès à un avocat dans la procédure pénale. Alors que le Gouvernement était alerté depuis plus de deux ans de la non-conformité de nos règles de garde à vue au regard de la directive C de 2013, il a présenté au Parlement une réforme fort mal conçue et très approximative.
En moins de quatre semaines, avec le président Buffet, nous avons œuvré pour faire en sorte que la clé de voûte de la procédure pénale ne s’effondre pas, en préservant la capacité de nos officiers de police judiciaire (OPJ) et de nos magistrats à mener sereinement leurs enquêtes. À ce titre, nous conservons la mention selon laquelle l’avocat choisi ou commis d’office doit se présenter sans retard indu.
C’est là un aboutissement heureux pour le Sénat, qui a su rétablir la possibilité d’une audition immédiate.
Je veux revenir rapidement sur l’article 3, relatif à l’influence commerciale. Nous avons restreint le périmètre dans lequel le Gouvernement pourra agir par voie d’ordonnance, pour préserver l’essence même du texte voté à l’unanimité par nos deux chambres en juin dernier.
Un autre sujet me tient à cœur : les dispositions de l’article 5, relatif aux règles de parité entre femmes et hommes dans les sociétés cotées.
Cet article avait été supprimé à l’Assemblée nationale, bien que cette mesure doive être transposée. Le Gouvernement nous a donc proposé un amendement de compromis, concerté entre les deux chambres, qui reprend les apports du Sénat, notamment en renforçant les dispositions en la matière pour les entreprises d’État et autres groupements à caractère public. Il s’agit là d’une volonté, affirmée par le Sénat, de rendre l’État un peu plus exemplaire.
Enfin, deux articles ont été insérés par l’Assemblée nationale, et non des moindres. Nous déplorons la méthode retenue par le Gouvernement, qui consiste à ajouter, sans examen et débat au Sénat, des mesures dont les conséquences sont substantielles pour le quotidien des Français et des entreprises. Madame la secrétaire d’État, ne laisser que quatre jours au Sénat pour en étudier les termes relève d’une nouvelle avanie !
Aussi avons-nous obtenu la suppression de l’article 3 bis autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer les directives relatives aux contrats de crédit aux consommateurs et aux contrats de services financiers conclus à distance.
L’échéance de transposition des directives ayant été fixée au mois de décembre 2025, il n’y a aucune urgence, madame la secrétaire d’État.
Cela ne vaut pas pour l’article 32 bis, qui met en conformité avec le droit de l’Union européenne des dispositions du code du travail en matière d’acquisition de congés pendant les périodes d’arrêt maladie ordinaire. Une transposition rapide au regard du droit européen, attendue par l’ensemble des acteurs, s’imposait en la matière.
Pour autant, la rédaction proposée, fruit d’une surinterprétation relevant de la surtransposition, avait pour conséquence d’ajouter une nouvelle charge administrative aux entreprises, déjà très affectées par cette mesure.
Cet article ainsi rédigé aurait désorganisé l’ensemble du tissu des très petites entreprises (TPE), des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). La déconnexion aurait été manifeste, alors que nous appelons tous de nos vœux la nécessaire simplification normative. J’ai donc défendu une réécriture plus en phase avec le fonctionnement quotidien de ceux qui produisent de la valeur.
Pour conclure, mes chers collègues, je veux réaffirmer un principe dont ce texte est une nouvelle démonstration : à la précipitation, nous préférons la réflexion ; plutôt que la déconnexion, nous choisissons la concertation. C’est bien dans cet état d’esprit que le Sénat travaille pour sécuriser notre ordre juridique. Je vous invite donc à voter les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Jadot, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Yannick Jadot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette année, la chasse au Ddadue est très nocturne ! (Sourires.)
Ce texte de transposition du droit européen dans le droit français porte, cela a été dit, sur des sujets très hétérogènes, souvent techniques, mais qui peuvent être très importants : importants pour la cohérence de notre droit national avec le droit européen ; importants aussi parce qu’ils touchent souvent à des aspects concrets de la vie de nos concitoyens ou à la puissance de notre Union européenne.
Je tiens une nouvelle fois à saluer le travail des rapporteurs de la commission spéciale et de la commission mixte paritaire.
Si notre marge de manœuvre dans cet exercice de transposition est mince, le groupe écologiste du Sénat se félicite de voir quelques avancées inscrites dans le droit national.
Je pense par exemple à l’harmonisation de l’objectif de parité, à l’article 5, rétabli en commission mixte paritaire en ligne avec la directive Women on Boards ou, à l’article 11, à la meilleure gestion des déchets de batteries, un sujet fondamental pour l’avenir de cette filière en Europe et dans notre pays.
Nous transcrivons avec ce texte une partie des mesures du pacte vert européen, le Green Deal. Si quelques avancées ont pu être obtenues, c’est avec inquiétude que, plus généralement, nous observons aujourd’hui un décalage fort entre les ambitions initiales du pacte vert et les textes votés, sans parler de ceux qui sont carrément reportés sine die.
De ce point de vue, madame la secrétaire d’État, la France est loin d’être exemplaire. À l’égard de la directive sur les énergies renouvelables, notamment, l’attitude du gouvernement français a été particulièrement critiquable. Obsédée par son nucléaire, la France a conclu des alliances néfastes avec les pays gaziers, réduisant de fait les objectifs européens en matière d’énergies renouvelables.
Sur ce sujet fort d’articulation entre le droit national et le droit européen, il faut écouter l’alerte très explicite du Haut Conseil pour le climat : « Cependant, à ce jour, le Haut Conseil pour le climat constate qu’après plusieurs consultations et débats, ni la loi de programmation énergie et climat, ni la stratégie française énergie et climat, ni la troisième stratégie nationale bas-carbone (Mme Audrey Linkenheld le confirme.), ni le troisième plan national d’adaptation au changement climatique, ni la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie n’ont été formellement adoptés, en dépit des obligations législatives. » Et le Haut Conseil de conclure qu’il « ne peut que s’inquiéter du risque de recul de l’ambition de la politique climatique induit par les dérives de calendrier de ses instruments les plus structurants ».
À ce titre, nous regrettons une nouvelle fois que les amendements par lesquels nous proposions de retranscrire les articles de la directive RED III dans le Ddadue n’aient pas été votés. Nous aurions ainsi pu procéder par anticipation.
Concernant l’interdiction des microplastiques, nous regrettons que la commission mixte paritaire ait maintenu l’inscription d’un moins-disant environnemental dans le droit national, alors que nous proposions, comme d’autres groupes de notre assemblée, de supprimer cet article afin de conserver notre ambition en la matière.
Nous nous félicitons que la version issue des travaux de l’Assemblée nationale de l’article 28, qui affecte directement les droits de la défense, ait été conservée par la commission mixte paritaire, même si demeurent des dispositions de nature à affaiblir les droits de la défense, par exemple en cas d’investigation urgente ou de retard indu de l’avocat.
Nous regrettons aussi l’insertion, à la suite du vote d’un amendement du Gouvernement, d’un nouvel article 32 bis relatif aux droits des salariés arrêtés pour maladie, qui contient une disposition discriminatoire. Ainsi, les salariés n’accumuleront pas le même nombre de jours de congés payés selon la nature de leur arrêt maladie : accident du travail, maladie professionnelle ou arrêt simple. Il s’agit d’une mesure dangereuse, que nous dénonçons. Le principe d’un arrêt maladie est de permettre à celui qui en bénéficie de se soigner ; il ne s’agit pas d’une période de repos et encore moins d’un congé. Pour les écologistes, il est inconcevable d’inscrire dans la loi une inégalité de traitement au détriment des travailleurs malades.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe GEST s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Pierre Barros. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’adaptation au droit européen prend du temps, mais ce temps est essentiel pour respecter le processus démocratique et pour tenter de rendre plus cohérent un texte qui porte sur des sujets particulièrement hétéroclites.
Cet exercice est quand même assez douteux, au regard du peu de temps qui nous a été imparti pour réaliser ce grand chelem réglementaire et législatif.
Pourtant, à quoi bon se presser quand on sait que, une fois les textes votés et promulgués, les décrets d’application nécessaires tardent souvent à paraître ? Le précédent texte du même ordre, la loi du 9 mars 2023, qui compte trente-neuf articles, n’a vu à ce jour que vingt et un de ses décrets d’application publiés.
Au cours de la commission mixte paritaire qui s’est réunie mercredi dernier pour examiner ce texte, c’est plus d’une trentaine d’articles que nous avons vus passer en vingt à vingt-cinq minutes. C’est quand même assez remarquable…
D’ailleurs, plusieurs de ces articles mériteraient qu’on évite toute précipitation dans la publication des décrets d’application.
En effet, déjà en décembre dernier, nous étions plusieurs à alerter sur les risques liés aux micropolluants, dont le texte final persiste à repousser l’interdiction. Aujourd’hui, la presse se fait l’écho d’un nouveau scandale, celui des polluants éternels que sont les PFAS – les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées.
Demain, peut-être, un autre scandale pointera, avec toujours la même recette : une avancée technologique, une recherche de profits immédiats au détriment des consommateurs et des travailleurs qui manipulent ces substances, qui se révèlent finalement néfastes pour la santé publique. On le sait désormais : les micropolluants ne provoquent pas de micropollutions !
Ce texte contient d’autres aberrations en matière environnementale, comme les quotas gratuits des marchés de carbone. Cette supercherie purement financière a été créée pour contourner la TVA générée par les transactions sur les ventes de quotas carbone. C’est particulièrement vrai pour le secteur des transports, qui est justement le secteur concerné par la mise en place de ces quotas gratuits d’émission de gaz à effet de serre, et dont les émissions ont augmenté très fortement – 16 % en trente ans.
Pour les autres secteurs, comme l’industrie, la réduction des émissions est largement due aux délocalisations, facilitées par une réglementation européenne qui fait supporter la production du CO2 par d’autres pays du monde avec des normes environnementales plus permissives.
Par ailleurs, le chemin parcouru vers la parité dans les organes de gouvernance est encore insuffisant au regard de l’ambition d’une égalité réelle. Il nous est proposé une parité d’au moins 40 %, et ce sans sanction supplémentaire à l’encontre de ceux qui ne respecteraient pas cette obligation. Curieuse façon de traiter une grande cause nationale !
Le texte demeure également insuffisant sur la question du report des congés prévus des salariés ayant connu un arrêt pour longue maladie. Les syndicats demandaient plus de lisibilité ; ils n’auront pas été entendus. En définitive, le texte n’intègre pas la jurisprudence de la Cour de cassation et crée une forme de discrimination défavorable aux personnes en mauvaise santé, ce qui constitue pour elles, malheureusement, une double peine.
Les reculs de ce texte sont aussi inquiétants en ce qui concerne le régime de la garde à vue. Certes, il va moins loin que ce qu’avait initialement proposé le Sénat, mais les dispositions retenues sont malheureusement toujours au détriment du prévenu. Finalement, il apparaît qu’il est plus facile de porter atteinte au droit des prévenus que de porter le progrès social et écologique.
Pour toutes ces raisons, même si nous reconnaissons très sincèrement la grande qualité du travail réalisé par les rapporteurs, nous nous abstiendrons sur ce texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le plus souvent examinés dans l’urgence, les projets de loi de transposition du droit européen ne recueillent pas, à mon sens, toute l’attention qu’ils méritent.
Sous des abords relativement techniques, ces textes dissimulent des changements importants pour le quotidien de nos concitoyens, la vie de nos entreprises et de nos territoires. Le projet de loi dont nous débattons ce soir, et que l’on pourrait qualifier de fourre-tout, contient même plusieurs dispositions majeures.
Tout d’abord, je pense à la réforme de la procédure pénale. Ce volet est loin d’être anecdotique : il s’agit de revoir les conditions d’accès à un avocat lors de la garde à vue. (M. Pascal Allizard le confirme.)
Depuis deux ans, la Commission européenne alerte la France au sujet de ses manquements en la matière : je regrette que cette question fondamentale n’ait pu être débattue dans le cadre de l’examen d’un autre véhicule législatif – je pense notamment au projet de loi de programmation et d’orientation du ministère de la justice 2023-2027.
Néanmoins, je salue le travail coopératif accompli par les rapporteurs de nos deux assemblées parlementaires : malgré l’urgence, malgré la sensibilité de l’article 27, ils sont parvenus à un accord quant aux dérogations d’accès à l’avocat.
Pour sa part, le Sénat a insisté sur l’équilibre à trouver entre exigences européennes, droits de la défense et nécessités liées aux pouvoirs d’enquête exercés tant par les magistrats que par les OPJ. Notre assemblée a été entendue.
Je passe à un autre sujet, fruit lui aussi d’une construction transpartisane et consensuelle entre les deux chambres. L’article 3 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour modifier notre loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale.
Plusieurs dispositions de ladite loi viennent heurter des directives européennes, ainsi que l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 9 novembre 2023.
L’encadrement des activités des influenceurs, tel que la France l’a conçu, est presque unique dans le monde et – je l’espère – précurseur. Il vise notamment à protéger nos jeunes, cibles principales du marketing auquel se livrent ces nouveaux professionnels.
Il est hautement souhaitable que ce texte ne soit pas détricoté. La commission mixte paritaire (CMP) s’est donc employée à borner l’habilitation donnée au Gouvernement : la transposition devra être effectuée dans le respect du travail accompli par le Parlement français.
Je tiens également à aborder le volet agricole de ce projet de loi dit Ddadue.
Alors même que la programmation du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) touche à sa fin, nous serons bientôt appelés à prendre de nombreuses décisions pour assurer son renouvellement.
Dans ce contexte, nous nous réjouissons que les régions, autorités de gestion de ces aides, puissent disposer des moyens humains nécessaires au traitement des dossiers sans dépendre de la signature du préfet. En ce sens, l’article 33 s’inscrit dans une démarche de simplification et de rationalisation tout à fait bienvenue pour les acteurs du monde rural.
Cette mesure devrait notamment permettre le versement plus rapide des aides de la politique agricole commune (PAC). Les lenteurs actuelles sont l’une des raisons de la colère légitime que nos agriculteurs expriment depuis de nombreuses années.
Je n’oublie pas non plus le volet climatique de ce projet de loi.
Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) représente un véritable tournant dans la politique industrielle et commerciale européenne. Le marché européen fermera progressivement la porte au moins-disant environnemental. Une concurrence plus juste entre les entreprises européennes et celles des pays tiers pour une décarbonation de l’économie à grande échelle : voilà la bonne équation.
Ce projet de loi Ddadue adapte ainsi un axe essentiel du paquet européen sur le climat et l’énergie. Il transpose également le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, et l’ensemble de ces mesures se trouvent consolidées par le travail du Sénat.
Enfin, le présent texte précise le calendrier des interdictions de mise sur le marché européen des substances comprenant des microplastiques.
L’article 31 harmonise les obligations fixées en vue de limiter l’utilisation de ces substances. Toutefois, il en reporte l’interdiction à 2029 : l’échéance est donc reportée de cinq ans pour plusieurs produits, cosmétiques notamment. Ce délai ne me paraît pas opportun, alors qu’un nombre croissant d’études démontrent l’existence d’un lien entre la présence de microplastiques et les troubles cardiovasculaires. En la matière, il faut poursuivre le combat engagé.
En dépit de cette dernière réserve, les élus de notre groupe approuveront les conclusions de la commission mixte paritaire.
Madame la secrétaire d’État, notre pays est déjà le premier d’Europe pour la transition du droit européen en droit national, et ce projet de loi conforte encore cette place ; mais, de grâce, évitons les surtranspositions injustifiées !
À l’approche des élections européennes, l’Union européenne doit plus que jamais apparaître non pas comme une source de complication, mais comme ce qu’elle est : un horizon de sécurité et de protection. (Mme la secrétaire d’État acquiesce. – MM. Daniel Fargeot et Cyril Pellevat applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, on entend régulièrement dénoncer la complexité des normes de Bruxelles : deux mois jour pour jour avant les élections européennes, ce texte nous donne l’occasion de prouver l’inverse.
Avec ce projet de loi de transposition, nous avons ce soir l’occasion de le dire clairement : oui, les normes européennes sont les bienvenues dans notre droit interne quand elles simplifient le quotidien de nos professions agricoles, lorsqu’elles rendent le droit du travail plus protecteur ou quand elles rétablissent un certain équilibre dans notre procédure pénale.
Avant tout, je tiens à souligner le bien-fondé de ce texte en matière de politique agricole, en insistant sur le Fonds européen agricole pour le développement rural.
Les professions agricoles s’impatientent souvent face aux délais de versement des différentes aides européennes : il est plus qu’urgent de simplifier et d’accélérer les procédures. Quelles que soient les aides considérées, les retards de versement atteignent des degrés alarmants dans certains territoires. Je pense notamment à la région Bourgogne-Franche-Comté.
Cette région a récupéré environ 6 000 dossiers de plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE) jusqu’à présent gérés par l’État, mais elle n’a pas suffisamment d’agents pour les traiter dans des délais raisonnables. S’y ajoutent à l’évidence des problèmes de dialogue, les professions agricoles estimant parfois que l’administration ne parle pas le même langage qu’elles.
Toujours est-il que, lorsque les aides comprennent une contribution financière de l’État, les régions doivent obtenir au préalable la signature du représentant de l’État, ce qui allonge les délais de traitement.
Dès lors, pour les décisions relatives aux financements apportés par l’État pour la programmation du Feader, donner la possibilité au préfet de déléguer sa signature au président du conseil régional et aux agents placés sous son autorité me semble une mesure bienvenue. Une telle évolution sera même bénéfique pour tous.
Les précisions relatives aux missions des établissements de l’élevage seront également utiles. Avec le présent texte, ces établissements peuvent se voir confier la délivrance et la gestion des matériels, des procédés et des documents d’identification et de circulation des animaux, ainsi que la collecte des données relatives à l’identification et à la traçabilité de ces derniers. Il s’agit là d’une transposition logique et pertinente, à la lumière du règlement européen relatif aux maladies animales transmissibles.
Par ailleurs, ce projet de loi assure des avancées non négligeables en matière sociale et sanitaire.
L’article 32 bis, introduit à l’Assemblée nationale, met en conformité notre droit du travail interne avec le droit du travail européen, au profit des salariés : lorsque le contrat d’un salarié sera suspendu au motif d’un arrêt de travail, l’intéressé pourra quand même acquérir des droits à congé, quelle que soit la cause de l’arrêt. De même, le présent texte transpose des dispositions européennes favorables aux fonctionnaires, au titre des droits acquis avant le début de certains congés.
En matière sanitaire, ce projet de loi aligne notre calendrier national d’interdiction des microplastiques, établi en 2020, et le calendrier européen adopté en 2023 dans le cadre du Pacte vert.
Enfin, ce texte de transposition rétablit un équilibre attendu par les avocats entre le respect des droits de la défense et la manifestation de la vérité pour l’efficacité de l’enquête.
Ces deux objectifs n’étant pas antinomiques, nous pouvons saluer l’accord trouvé en commission mixte paritaire sur la réforme de la garde à vue. Cet accord va dans l’intérêt des avocats et des personnes mises en cause. Il sera également bénéfique à l’enquête : même si cela peut sembler paradoxal, la pratique judiciaire démontre que la présence de l’avocat en garde à vue renforce la valeur probante des propos recueillis.
En résumé, ce texte assurera la mise en conformité de notre droit pour l’exécution des mandats d’arrêt européens et des procédures de remise entre États membres de l’Union européenne, dans le cadre des transferts de suspects et de personnes condamnées.
Mes chers collègues, voilà quelques exemples de transpositions bénéfiques pour notre droit interne ; pour les élus du groupe RDPI, ce sont autant de raisons de voter ce projet de loi. (Applaudissements au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (M. Pierre-Alain Roiron applaudit.)
Mme Audrey Linkenheld. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers et nombreux collègues (Sourires.), nous arrivons au terme de l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole.
C’est bien sûr une bonne chose que notre Parlement soit associé à la transposition, à la traduction des directives et règles venant de l’Europe dans le corpus juridique français. Non seulement cette procédure est indispensable à la bonne information des deux assemblées, mais elle leur permet d’examiner si certaines dispositions peuvent être approfondies à la faveur de leur transposition. Il ne s’agit pas, comme on l’entend parfois, de faire plus compliqué, mais de faire mieux quand c’est possible et justifié.
C’est la troisième fois en trois ans que l’Assemblée nationale et le Sénat sont saisis d’un projet de loi d’adaptation. De toute évidence, l’Union européenne légifère à un rythme soutenu, et c’est sans doute tant mieux pour la démocratie européenne. Mais, pour sa part, notre parlement doit examiner en peu de temps des sujets très variés et souvent très techniques, avec des marges de manœuvre plutôt étroites : en l’occurrence, c’est bel et bien le cas.
Avec ces textes touffus, l’on s’efforce d’aller vite, au risque de gommer toutes les aspérités de certaines dispositions. Le parlement national peine dès lors à être éclairé et il devient plus difficile d’aller vers le mieux-disant.
On le sait bien : dans une Europe de vingt-sept États membres aux histoires, aux géographies, aux économies et aux sociétés parfois très contrastées, l’harmonisation ne se fait pas toujours par le haut. Or le plus petit dénominateur commun européen n’est pas toujours la variable la plus appropriée à la France, en particulier en matière sociale et environnementale.
C’est pourquoi les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont examiné avec une grande vigilance les différents articles de ce projet de loi Ddadue.
Avec un certain nombre de mes collègues, à commencer par Lucien Stanzione, au nom desquels je m’exprime aujourd’hui, nous avons tâché d’y voir le plus clair possible, qu’il s’agisse du projet de transposition ou des amendements déposés.
À l’issue de ce travail, nous voterons ce projet de loi, même si telle ou telle mesure a donné lieu à des discussions et à des hésitations.
Certes, nos cinq amendements n’ont pas connu le même succès que les cinquante-sept adoptés avant la commission mixte paritaire. Ont malheureusement été rejetés l’amendement déposé à l’article 20, ayant pour objet l’attribution de contrats de concession aéroportuaire ; trois amendements déposés à l’article 10, ayant pour objet les batteries et déchets de batteries ; et un dernier amendement, déposé à l’article 28, ayant pour objet l’assistance par un avocat en garde à vue.
Tous autant qu’ils sont, ces sujets ne sont pas neutres ; ils auraient mérité que plus de temps leur soit consacré. Je pense notamment à la question sensible de la réforme de la garde à vue : le Gouvernement aurait pu anticiper ce travail, compte tenu des informations qu’il détenait depuis un certain temps.
De même, nos amendements déposés en CMP, ayant pour objet l’Autorité de régulation des transports (ART), ont été jugés irrecevables – le Gouvernement et les rapporteurs y étaient, pour leur part, favorables. La question aurait pu être traitée différemment ; j’espère qu’elle sera reprise plus tard.
Enfin, comme les membres d’autres groupes, nous avons été surpris par la méthode retenue par le Gouvernement : ce dernier a choisi d’introduire à l’Assemblée nationale, après la lecture effectuée au Sénat, les articles 3 bis et 32 bis. Inutile de dire que notre assemblée n’a pas pu se prononcer correctement.
Rien ne justifie de légiférer dans la hâte et par ordonnance sur le sujet, lui aussi sensible, du crédit à la consommation. Nous nous réjouissons donc de la suppression de l’article 3 bis.
L’article 32 bis est quant à lui relatif aux congés payés des salariés en arrêt de travail. Pour les raisons déjà évoquées, nous regrettons nous aussi le passage en force : nous n’avons donc pas voté cet article maintenu en CMP.
Pour autant, nos accords l’emportent sur nos doutes ; aussi, nous voterons les conclusions de la commission mixte paritaire. Le présent texte a été amélioré dans son ensemble grâce au travail mené par le Sénat, en particulier par nos rapporteurs, et par la commission mixte paritaire.
Échanges d’informations entre les polices, échanges numériques en matière pénale et de terrorisme, protection des libertés individuelles, application du Pacte vert avec le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, la refonte du système d’échange des quotas d’émission, l’économie circulaire, les dispositions relatives aux batteries et à l’hydrogène vert, sans oublier la sécurité des produits de consommation vendus en ligne et la traçabilité animale : voilà autant de sujets sur lesquels nous pensons que l’Europe nous a fait avancer. Il en est de même pour la place des femmes dans les conseils d’administration et de surveillance. À cet égard, nous sommes rassurés qu’un accord ait pu, in fine, être trouvé sur l’article 5.
Avec ce projet de loi, on voit bien que l’Europe s’occupe de notre quotidien ; que l’Europe peut nous aider à relever les défis sociaux, environnementaux et économiques auxquels nous faisons face ; que l’Europe peut faire progresser les droits et libertés.
L’Europe peut faire tout cela, à condition que la démocratie s’exerce pleinement en son sein. Les choix et les contraintes que ces derniers impliquent doivent être discutés ouvertement. De surcroît, il faut associer au débat les citoyens, les responsables nationaux et, bien sûr, les parlementaires des différents États. C’est ce que nous souhaitons exprimer en votant, malgré ses quelques limites, ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Daniel Fargeot applaudit également.)
M. Lucien Stanzione. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cyril Pellevat. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai pour ma part été chargé de l’examen au fond d’articles portant à la fois sur les droits financier, bancaire et fiscal et sur la transition écologique.
À l’issue de l’examen du présent texte par nos collègues députés, seules de rares difficultés persistaient. Elles ont été levées grâce à nos échanges en duo avec les rapporteurs de l’Assemblée nationale : je tiens à les remercier de ce travail, accompli dans des délais très brefs.
En matière de droit financier, bancaire et fiscal, nous sommes facilement arrivés à un accord sur les articles 7 à 9. Je salue au passage l’initiative du rapporteur Daniel Labaronne au sujet de l’article 7 ter : avant sa désignation, le président du directoire du Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR) devra être auditionné par les commissions des finances des deux assemblées.
Sur ma proposition, nous avons mené un travail de coordination utile sur l’article 6 bis, introduit à l’Assemblée nationale, qui détaille les obligations de déclaration de bénéficiaires effectifs de certains organismes.
Enfin, à propos de l’article 6, qui suscitait le plus de difficultés, nous sommes parvenus à une position de compromis.
La prolongation de six mois de l’habilitation à légiférer par ordonnance pour transposer le règlement Mica (Market in Crypto-Assets) sur les marchés de crypto-actifs, introduite par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, est maintenue dans ce texte.
Le Gouvernement souhaitait rétablir une habilitation, supprimée en séance par l’Assemblée nationale, au sujet du règlement TFR (Transfer of Funds Regulation) sur les transferts de fonds : le Sénat a obtenu que la durée de cette habilitation soit ramenée de neuf à six mois – c’est ce qu’il avait voté en première lecture.
En matière de transition écologique, je note que les apports sénatoriaux ont été conservés par nos collègues députés.
À l’article 11, l’Assemblée nationale a ainsi préservé l’extension de l’obligation de contractualisation avec les éco-organismes ou les systèmes individuels à l’ensemble de la chaîne de gestion des déchets de batteries : cette mesure n’est donc plus limitée aux seuls opérateurs de gestion de déchets.
Aux articles 14 à 17, portant sur la refonte du système d’échange des quotas d’émission de l’Union européenne, les nombreux ajustements juridiques que nous avions opérés afin d’améliorer la qualité du projet de loi ont eux aussi été maintenus. Je pense par exemple à la meilleure prise en compte des incitations liées au prix du carbone lors de l’allocation de quotas gratuits au titre de l’utilisation de biocarburants par le secteur aérien.
J’en viens à l’article 19, qui fait évoluer les modalités de calcul des émissions de gaz à effet de serre (GES), de l’hydrogène renouvelable et bas-carbone, en application d’un règlement délégué du 10 février 2023.
Cet article a été adopté conforme par l’Assemblée nationale et je m’en réjouis, car, dans sa version initiale, il nous avait semblé peu ambitieux au regard de l’exigence de décarbonation de l’économie. Les modalités de calcul envisagées ne reprenaient pas l’ensemble du cadre européen prévu pour l’hydrogène. Or toutes les étapes liées à la production et à l’utilisation de cette énergie doivent être prises en compte. De même, ses dérivés ne doivent pas être omis.
Nous avons donc fait prospérer un amendement visant à compléter l’article 19 en ce sens : il s’agit d’appliquer les recommandations émises par la commission des affaires économiques du Sénat dans son rapport d’information relatif au volet « Énergie » du paquet « Ajustement à l’objectif 55 », puis par la résolution sénatoriale relative à ce texte.
Enfin, l’article 20 modifie les règles d’homologation des tarifs de redevance des concessions aéroportuaires. L’Assemblée nationale a, là aussi, conservé l’apport du Sénat : lorsqu’un contrat de régulation économique est signé, l’Autorité de régulation des transports doit désormais apprécier le caractère modéré de l’évolution tarifaire, en moyenne, sur la durée couverte par le contrat.
Je souhaite également saluer les apports de l’Assemblée nationale à cet article. Ils visent également à faciliter et à encourager la signature de contrats de régulation économique entre les concessionnaires et l’État. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements précédemment adoptés par le Sénat, l’ensemble du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole.
(Le projet de loi est adopté.)
10
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 10 avril 2024 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
De seize heures trente à vingt heures trente :
(Ordre du jour réservé au groupe SER)
Proposition de loi d’abrogation de la réforme des retraites portant l’âge légal de départ à 64 ans, présentée par Mme Monique Lubin, M. Patrick Kanner, Mme Annie Le Houerou et plusieurs de leurs collègues (texte n° 360, 2023-2024)
Proposition de loi visant à renforcer le service civique, présentée par M. Patrick Kanner et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 497, 2023-2024).
Le soir :
Débat sur le thème « Haut-Commissariat au plan : quel bilan et quelle influence sur les politiques publiques depuis 2020 ? »
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 10 avril 2024, à une heure cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER