B. RESPONSABILISER DAVANTAGE LE PARENT NON-GARDIEN EN AUGMENTANT SA PARTICIPATION AUX COÛTS D'ENTRETIEN ET D'ÉDUCATION DE SON ENFANT

L'article 371-2 du code civil dispose que « chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse de plein droit ni lorsque l'autorité parentale ou son exercice est retiré, ni lorsque l'enfant est majeur. »

Le code civil précise la situation en cas de séparation entre les parents, en prévoyant que « chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant » (article 373-3) et que « la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d'une pension alimentaire versée par l'un des parents à l'autre » (article 373-2-2).

Comme l'a fort justement rappelé la sociologue Alexandra Piesen lors de son audition, n'avoir au quotidien qu'un père ou qu'une mère, ce n'est pas n'avoir qu'un seul parent. L'investissement financier comme éducatif de l'autre parent doit être encouragé, en particulier par le biais du versement d'une contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant (CEEE), plus communément appelée « pension alimentaire ».

1. Encourager une fixation des pensions alimentaires à la hauteur des coûts d'entretien et d'éducation des enfants

Selon une étude de la Drees, publiée en 202124(*), un quart des parents non-gardiens solvables ne verse pas de pension alimentaire.

Quatre motifs principaux peuvent expliquer un défaut de pension :

· l'absence de pension fixée par le juge aux affaires familiales (JAF), ce qui est le cas pour 31 % des enfants toutes affaires confondues, pour 20 % des enfants dont la résidence est fixée chez la mère et pour 72 % des enfants en résidence alternée25(*). Lorsque les revenus du père sont inférieurs au Smic, les JAF se montrent souvent réticents à fixer une pension alimentaire, et ce quels que soient les revenus de la mère, qui est incitée à se tourner vers l'ASF. Cela a une triple conséquence pour la mère : des démarches supplémentaires pour obtenir le bénéfice de l'ASF, une suspension de cette aide lors d'une remise en couple - alors même qu'elle continuerait à bénéficier de la pension si une telle pension avait été fixée - et la soumission aux contrôles des CAF au titre de la lutte contre la fraude ;

· un accord entre les parents ;

· le souhait du parent gardien - en majorité la mère - de ne pas susciter de conflit avec son ex-conjoint en sollicitant le versement d'une pension. Cette explication, à mettre en lien avec les violences économiques et psychologiques qui peuvent accompagner les séparations, ne doit pas être minimisée. Selon Aurélia Sevestre, membre du Collectif PAF, les femmes sont encouragées par les professionnels du droit à se montrer « conciliantes » sur les questions patrimoniales et de pension ;

· un défaut de paiement.

Selon l'étude de la Drees précitée, le montant moyen de la CEEE est de 190 euros par mois et par enfant. Cette somme diminue avec le nombre d'enfants et croît avec les ressources du parent non-gardien ainsi qu'avec l'âge du plus jeune enfant du couple au moment de la rupture. Selon Marie-Nadine Prager, présidente du collectif PAF, les JAF ajustent les exigences imposées au père, s'agissant tant du mode de garde que de la fixation d'une pension, non pas tant aux besoins de l'enfant qu'aux contraintes financières et matérielles des pères.

Le montant moyen de la CEEE apparaît largement inférieur aux estimations faites du « coût de l'enfant »26(*). L'évaluation généralement retenue considère que les enfants représentent 13,5 % des dépenses des ménages, soit en moyenne 750 euros par mois par enfant. Cette moyenne cache néanmoins de fortes variations selon les revenus des parents : les dépenses supplémentaires associées à la présence d'un enfant s'élèvent à environ 200 euros par mois au niveau du Smic, mais à plus de 900 euros au 9ème décile des revenus. Elle varie également en fonction de l'âge de l'enfant : sans que des ruptures nettes aient pu être identifiées par classe d'âge, les frais de garde pèsent fortement sur le budget des ménages ayant des enfants de moins de trois ans. Enfin, elle peut également varier en fonction du lieu de résidence de la famille et de son statut de propriétaire ou locataire de son logement.

L'étude de la Drees précitée montre que deux parents sur trois versent un montant inférieur à celui qui résulterait d'une stricte application du barème du ministère de la Justice.

Ce barème a été mis en place en 2010 afin d'aider les JAF dans la fixation du montant de la CEEE. Publié en ligne, il sert de référence non seulement aux JAF, mais aussi aux parents qui le consultent et s'y réfèrent sans nécessairement maîtriser les règles de calcul sous-jacentes.

Il fait aujourd'hui l'objet d'un certain nombre de critiques, portant principalement sur l'absence de prise en compte apparente des revenus du parent gardien et sur la minimisation des dépenses relatives à l'enfant.

En effet, seuls trois critères doivent être renseignés :

· les revenus du parent débiteur, après soustraction d'un revenu minimal correspondant au montant du RSA ;

· le nombre d'enfants ;

· le mode de garde : résidence alternée, droits de visite classique, accès réduit à l'enfant.

Ainsi, les revenus du parent gardien ne sont pas renseignés. Selon la chercheuse Isabelle Sayn, auteure de nombreux travaux sur les barèmes utilisés par les magistrats27(*), les revenus des deux parents sont néanmoins pris en compte de façon implicite : comme précédemment évoqué on considère que le coût budgétaire d'un enfant représente 13,5 % des ressources de chaque parent, et ce budget est intégré dans le calcul du barème. Cependant, le simulateur rend transparente cette prise en compte.

En outre, aucun élément relatif aux coûts spécifiques de l'enfant (activités extra-scolaires, cantine, soins médicaux ou paramédicaux type orthophonie...) n'est retenu.

Par ailleurs, pour conseiller les parents qui fixent le montant de la pension par convention, les CAF proposent également un barème qui, bien qu'issu du barème diffusé à l'origine par le ministère de la Justice, s'en est éloigné sur plusieurs points, de sorte que les règles de calcul ne sont pas identiques et manquent donc de lisibilité. En particulier, un « revenu minimum » n'est déduit des ressources du parent débiteur que pour les revenus les plus faibles, conduisant à des montants de pension plus élevés pour les parents aux revenus plus importants.

Exemples de calcul de CEEE (montant par mois et par enfant)

avec les barèmes du ministère de la Justice et des CAF

en fonction du revenu du parent débiteur, du nombre d'enfants concernés

et des droits de visite et d'hébergement

 

Barème du ministère
de la justice

Barème des CAF

Pour un revenu du parent débiteur de 1 930€*, un enfant et un droit de visite classique

178€

271 €

Pour un revenu de 1 930€*, deux enfants et un droit de visite classique

152€

228 €

Pour un revenu de 1 930€*, un enfant et une résidence alternée

119 €

180 €

Pour un revenu de 1 930€*, un enfant et des droits de visite réduits

238 €

361 €

Pour un revenu de 1 024€**, un enfant et un droit de visite classique

56 €

144 €

Pour un revenu de 3 490€***, un enfant et un droit de visite classique

389€

489 €

* revenu médian en France, ** revenu du premier décile des revenus, *** revenu du dernier décile des revenus

Source : simulations effectuées par la délégation sur les sites https://www.justice.fr/simulateurs/pensions-alimentaire et https://pension-alimentaire.caf.fr/estimation-de-pension-alimentaire

Or, le manque de lisibilité et de compréhension des critères sous-jacents à la fixation du montant de la CEEE peut nourrir des conflits entre parents et augmenter le risque d'impayés.

Partant, une réévaluation et une uniformisation des barèmes, dans le cadre d'un barème unique, apparaissent donc nécessaires.

Comme proposé par l'Unaf lors de son audition par les rapporteures, il serait utile, hors situations de violences, de proposer aux parents une médiation qui peut permettre, outre un travail sur les liens parentaux, une objectivation des critères de calcul de la pension et une meilleure acceptation de celle-ci. Selon l'Unaf, une pension alimentaire définie par convention parentale est généralement plus élevée et mieux acceptée par le parent débiteur, diminuant le risque d'impayé. Ces conventions parentales peuvent être homologuées par le JAF, dans des délais rapides et sans audience. Elles peuvent également faire l'objet d'un titre exécutoire de la CAF ou de la MSA.

Recommandation n° 5 : Réévaluer le barème de calcul de la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, afin de mieux tenir compte, de façon visible et plus équitable, des revenus des deux parents et des différentes dépenses relatives à l'enfant, comme prévu par la loi.

2. Améliorer le recouvrement des impayés de pension alimentaire

Le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales, de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des services judiciaires28(*), visant à expertiser la création de l'Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa) évaluait, en 2016, à 35 % la proportion de personnes victimes d'impayés, c'est-à-dire ne percevant pas systématiquement ou pas totalement la pension due.

La mise en oeuvre de l'Aripa répond à un objectif de diminution de ce taux d'impayés grâce à la mise en place d'un intermédiaire entre le débiteur et le créancier : le débiteur effectue le paiement de la pension auprès de la Caf ou de la MSA, qui verse ensuite cette pension à l'autre parent. L'existence de cet intermédiaire et l'incitation à mettre en place un prélèvement automatique sécurisent le versement des pensions. En outre, en cas de retard ou de défaut de paiement de la pension, le débiteur s'expose à des pénalités financières voire à des procédures de recouvrement forcé - pouvant prendre la forme d'une saisie sur salaire avec l'appui du Trésor public - mises en oeuvre par l'Aripa pour récupérer l'ensemble des sommes dues et les verser à l'autre parent. Dans l'attente, l'ASF, d'un montant de 187,24 euros, peut être versée au parent créancier sous forme d'avance (ASF recouvrable).

Désormais, par principe, l'intermédiation financière est mise en place, sauf si les deux parents s'y opposent. Depuis janvier 2023, cela couvre toutes les situations, y compris les divorces par consentement mutuel.

Selon des données communiquées aux rapporteures par la Cnaf, 200 000 situations ont été traitées, donnant lieu à la mise en place d'une intermédiation dans trois quarts des cas ou au versement d'une ASF récupérable pour le quart restant. Les CAF traitent chaque mois 10 000 demandes relatives au recouvrement de pension sans impayé antérieur et 5 000 demandes de recouvrement avec impayés.

Une étude de satisfaction publiée en janvier 2024 montre que 80 % des mères sont satisfaites du mécanisme de l'Aripa. Outre un recouvrement plus aisé des pensions, ce système permet de « faire en sorte que les parents parlent de l'éducation de leurs enfants plutôt que de sujets financiers », mais aussi de profiter de la mise en place du dispositif pour détecter des sujets d'accès aux droits, selon Nicolas Grivel, directeur général de la Cnaf.

Ce bilan globalement positif rejoint les constats de la FSFM : Véronique Obé, administratrice de la FSFM, a estimé lors de son audition que le recouvrement des pensions par les CAF est globalement bien mis en oeuvre.

Cependant, la COG 2023-2027 fixe des objectifs de recouvrement des impayés de pension alimentaire qui apparaissent peu ambitieux : une baisse de dix points du taux d'impayés en quatre ans, qui permettrait d'atteindre un taux global d'impayés de 21 % en 2027 - ce qui représente encore plus d'une pension sur cinq.

Indicateurs de résultat relatifs à l'engagement n°4
« Renforcer l'accompagnement de la séparation auprès des deux parents »
au sein de la COG 2023-2027

 

2023

2024

2025

2026

2027

Taux de recouvrement global des impayés de pension alimentaire

69 %

71 %

73 %

76 %

79 %

Taux de recouvrement des impayés de pension alimentaire avec intermédiation

73 %

75 %

77 %

80 %

83 %

Nombre de pensions intermédiées ou avancées

270 000

350 000

430 000

520 000

530 000

Source : COG État-Cnaf 2023-2027

L'intermédiation financière n'étant systématique, pour les nouvelles pensions fixées, que depuis janvier 2023, et les CAF ayant recruté près d'un millier d'ETP (équivalents temps plein) pour accompagner sa montée en puissance, les rapporteures ne jugent pas pertinent à ce stade d'envisager une évolution du dispositif, si peu de temps après son déploiement.

Elles estiment en revanche nécessaire l'élaboration d'un bilan annuel de l'Aripa au regard de l'objectif principal que constitue la baisse du taux d'impayés.

La montée en puissance de l'Aripa doit s'accompagner d'une prise en charge du « stock » des pensions fixées antérieurement à la réforme, au-delà de la gestion du « flux », qui a été la priorité lors de la mise en oeuvre du dispositif.

En outre, la mise en place de l'intermédiation financière doit s'accompagner d'un effort de pédagogie auprès des parents concernés. Le délai de mise en oeuvre de l'intermédiation étant de deux mois en moyenne, les parents débiteurs doivent être informés de leur obligation de verser directement la pension au parent gardien durant ces premiers mois. Les procédures administratives, conçues à l'origine pour des situations conflictuelles, pourraient être simplifiées afin d'accélérer la mise en place de l'intermédiation.

Un effort supplémentaire de sensibilisation des avocats semble également nécessaire. En effet, certains avocats affirment à leurs clients que la mise en place de l'intermédiation n'est pas nécessaire en cas de divorce par consentement mutuel, alors même qu'une situation fluide au départ peut se détériorer par la suite, notamment lors de la remise en couple de l'un ou l'autre des parents. Mettre en place d'emblée l'intermédiation a un effet préventif.

Si le bilan de l'intermédiation financière des pensions alimentaires ne fait pas apparaître de baisse significative du taux d'impayés, une évolution des modalités de recouvrement des pensions pour les cas les plus problématiques devra être envisagée.

Le modèle québécois, qui combine intermédiation financière et prélèvement à la source, pourrait constituer une solution. En effet, il permet un taux de versement des pensions alimentaires de 96 % au Québec. Ce modèle a d'ores et déjà inspiré le système de l'Aripa, sur son volet intermédiation, avec la possibilité de mettre en place un prélèvement automatique sur le compte bancaire du débiteur. Cependant, le système québécois est plus abouti puisque, par défaut, le versement des pensions alimentaires fixées par un tribunal s'effectue par un prélèvement à la source sur les rémunérations, directement auprès des employeurs.

LE PROGRAMME QUÉBÉCOIS DE PERCEPTION DES PENSIONS ALIMENTAIRES

En 1995, le Québec a adopté la loi facilitant le paiement des pensions alimentaires qui prévoit que « le débiteur alimentaire doit verser la pension et les arrérages, s'il en est, au ministre du Revenu au bénéfice du créancier alimentaire. »

Le Programme québécois de perception des pensions alimentaires, géré par l'administration fiscale (Revenu Québec) s'applique à tous les jugements qui accordent une pension alimentaire. Le tribunal peut exempter un débiteur de cette obligation uniquement « si le débiteur constitue une fiducie qui garantit le paiement de la pension » ou « si les parties en font conjointement la demande, s'il est convaincu que leur consentement est libre et éclairé et si le débiteur fournit une sûreté [caution] suffisante pour garantir le paiement de la pension pendant un mois ». Le tribunal notifie à l'administration fiscale le montant de la pension et la date d'exigibilité.

Le Programme s'applique également aux pensions alimentaires établies suivant une transaction et une déclaration commune de dissolution d'une union civile reçues devant notaire lorsque cette transaction le prévoit et est notifiée, avec la déclaration, à l'administration fiscale ou lorsque celle-ci constate, sur demande du créancier et notification des documents, que le débiteur alimentaire est en défaut.

Le paiement de la pension à l'agence Revenu Québec s'effectue, soit par retenue, auprès de l'employeur, soit par ordre de paiement, en l'absence d'un montant pouvant faire l'objet d'une retenue ou pour le reliquat, lorsque la retenue est insuffisante pour acquitter le montant de la pension. Dans l'attente de la mise en place de l'ordre de paiement ou de la retenue, le débiteur verse le montant de la pension à l'agence Revenu Québec.

Dans la majorité des cas, l'agence Revenu Québec transmet un avis de retenue aux employeurs, assureurs, gestionnaires de fonds et organismes publics qui versent périodiquement une somme (salaire, traitement, honoraires, prestations, retraite, prestations d'invalidité, participations aux bénéfices, etc.) au débiteur de la pension alimentaire.

L'avis de retenue mentionne les sommes de pension alimentaire à retenir, avec les dates et la fréquence des retenues. Un nouvel avis de retenue est envoyé lors de l'indexation annuelle de la pension alimentaire au 1er janvier de chaque année et lorsque le montant de la pension est révisé à la hausse ou à la baisse par le tribunal.

L'employeur ou organisme concerné calcule les retenues à la source habituelles (impôt fédéral, impôt provincial, cotisations au Régime de rentes du Québec et au Régime québécois d'assurance parentale, cotisations d'assurance-emploi de même, cotisations syndicales...) puis effectue la retenue de pension alimentaire, transmise en principe à la même fréquence que les retenues à la source habituelles.

Il transmet ensuite, par virement, chèque ou mandat, les sommes retenues à titre de pension alimentaire, à l'agence Revenu Québec.

Si l'organisme néglige ou refuse de retenir la somme précisée sur l'avis de retenue, il devient solidairement responsable avec le débiteur de cette somme. S'il néglige ou refuse de transmettre les sommes perçues, il devient lui-même le débiteur. Dans tous ces cas, l'administration fiscale peut prendre les mesures de recouvrement nécessaires au recouvrement des sommes dues et des amendes peuvent être imposées à l'organisme.

L'administration fiscale verse deux fois par mois au créancier alimentaire le montant de la pension et des arrérages qu'il perçoit.

Elle peut également verser au créancier des sommes à titre de pension alimentaire, pendant trois mois maximum, à hauteur de 1 000 dollars. Ces sommes sont versées au nom du débiteur et seront recouvrées auprès de celui-ci.

Nicolas Grivel, directeur général de la Cnaf, a également fait part aux rapporteures d'une réflexion en cours sur l'articulation entre l'Aripa et l'ASF. Les rapporteures estiment nécessaire de rendre automatique le versement de l'ASF en cas de non-versement de la pension pour toute personne ayant intégré le dispositif de l'Aripa.

Lors de leur audition par les rapporteures, les représentants du Conseil national des Villes (CNV) ont préconisé qu'en cas de défaut de paiement du parent non-gardien, les services de l'Aripa versent, sans délai, au parent gardien le montant total de la pension alimentaire due, en parallèle de l'engagement des procédures de recouvrement forcé par l'Aripa avec l'appui du Trésor public.

Les rapporteures soutiennent l'esprit de cette proposition tout en soulignant la nécessité de procéder à une évaluation de son coût budgétaire, un quart des pensions alimentaires n'étant pas recouvré aujourd'hui. Cette difficulté pourrait être levée si un prélèvement à la source était mis en place : la pension serait prélevée sur le salaire du parent débiteur sans nécessité pour l'Aripa d'assurer l'avance de trésorerie.

Recommandation n° 6 : Dresser un bilan annuel de l'intermédiation financière des pensions alimentaires (Aripa) au regard d'objectifs plus ambitieux de réduction des taux d'impayés et envisager une mise en place d'un prélèvement à la source si ces objectifs ne sont pas atteints.

Par ailleurs, la CEEE demeure un droit quérable, qui nécessite des démarches de la part du parent gardien. Au-delà des progrès nécessaires dans le recouvrement plus automatique de la CEEE, une fois celle-ci fixée, une réflexion pourrait être menée sur la possibilité de rendre sa fixation elle-même plus automatique. La question ne se pose systématiquement qu'en cas de divorce, mais les ruptures d'union libre sont aujourd'hui plus fréquentes, ne donnant pas nécessairement lieu à une discussion autour de la fixation d'une pension. Ainsi, selon la chercheuse Isabelle Sayn, l'enjeu aujourd'hui n'est plus tant l'exécution de la pension que la fixation de son montant.

Les parents doivent également être sensibilisés à la possibilité de demander un ajustement du montant de la CEEE. En cas d'intermédiation financière, la Caf procède d'elle-même à une revalorisation annuelle lorsque le jugement ou la convention de divorce ou parentale prévoit une clause d'indexation afin de suivre l'évolution d'un indice des prix à la consommation. Cependant, il est également possible, par convention amiable ou par saisine du JAF, de procéder à une révision du montant de la pension en cas d'évolution des revenus de l'un ou l'autre des parents ou des besoins de l'enfant.

Au-delà des enjeux financiers, l'investissement des deux parents dans la prise en charge éducative de leur enfant doit être encouragé. Comme l'a déploré Véronique Obé, administratrice de la FSFM, lors de son audition, « actuellement, le droit de visite et d'hébergement est uniquement un droit pour le parent non-gardien et non un devoir, l'autorisant donc à ne pas s'occuper de son enfant, tandis que la mère a le devoir de présenter l'enfant au père. » En dehors des cas de violences, l'investissement du père auprès de son enfant est important pour l'enfant, mais constitue aussi un enjeu d'égalité entre les femmes et les hommes. L'éducation d'un enfant est de la responsabilité de ses deux parents et non une responsabilité uniquement féminine.


* 24 Drees, Un quart des parents non gardiens solvables ne déclarent pas verser de pension alimentaire à la suite d'une rupture de Pacs ou d'un divorce, Raphaël Lardeux, janvier 2021.

* 25 Sibylle Gollac, Céline Bessière, Émilie Biland, Abigaïl Bourguignon, Marion Flécher, et al., Parentau tribunal, Cnaf, 2022.

* 26 Drees, Mesurer le coût de l'enfant : deux approches à partir des enquêtes Budget de famille, juin 2015.

Haut Conseil de la famille, Le « coût de l'enfant », 2015.

Ires, Antoine Math, Les dépenses consacrées par la société pour les enfants. Une évaluation du « coût des enfants », 2014.

* 27 Notamment : Isabelle Sayn, Bruno Jeandidier, «  La table de référence pour la fixation du montant de la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant : l'utiliser, la craindre, la critiquer, mais la connaître », Actualité juridique Famille, novembre 2020.

* 28  Création d'une agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires, rapport de l'Inspection générale des finances (IGF), de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale des services judiciaires (IGSJ), septembre 2016.

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