B. LES CONDITIONS D'UNE NÉGOCIATION AMBITIEUSE AU SERVICE DE L'ENSEMBLE DES CALÉDONIENS

À l'issue des échanges conduits avec les parties prenantes de l'avenir calédonien, les rapporteurs proposent des points de méthode pour que les négociations unanimement demandées revêtent un caractère serein et fructueux pour définir l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.

S'il n'apparaît pas souhaitable de préempter les débats devant se nouer entre les acteurs locaux, les rapporteurs estiment utile de fixer les « repères » des négociations, en identifiant sur chaque thématique le champ des possibles. S'inscrivant ainsi dans l'engagement permanent du Sénat pour contribuer à jeter les fondations d'un avenir commun à tous les Calédoniens, renvoyant, en tout état de cause, les acteurs à leurs responsabilités dans l'émergence d'un consensus, les rapporteurs souhaitent mettre en exergue trois lignes de force :

· La négociation en cours doit permettre d'approfondir la réflexion sur les sujets matriciels que sont la place de la Nouvelle-Calédonie dans la République, le droit à l'autodétermination et le processus de décolonisation.

Les rapporteurs réaffirment leur attachement aux principes, protégés par le droit constitutionnel comme par le droit international, qui ont inspiré les accords de Matignon puis de Nouméa : le maintien de la Nouvelle-Calédonie, avec un degré très élevé d'autonomie, dans la République tant que les Calédoniens le souhaiteront, la reconnaissance de leur droit à l'autodétermination selon des modalités déterminées d'un commun accord et la poursuite d'un processus de décolonisation culturelle en Nouvelle-Calédonie. Sur ce dernier point, les rapporteurs insistent sur la nécessité d'accomplir aussi un véritable geste symbolique de décolonisation par le président de la République, incarnation de l'État et dépositaire de son histoire. Ce geste pourrait, à leurs yeux, être utilement réalisé par le président de la République lors de son prochain déplacement en Nouvelle-Calédonie annoncé pour la fin du mois de juillet 2023.

Aussi, ils sont convaincus que la permanence des principes ne saurait justifier un statu quo qui n'est désormais ni politiquement ni juridiquement viable.

· La négociation doit permettre d'ajuster, à la lumière du bilan de l'accord de Nouméa, le fonctionnement institutionnel calédonien.

Aux yeux des rapporteurs, ces ajustements doivent, prioritairement, permettre :

- de procéder à des évolutions des « corps électoraux » calédoniens pour corriger des incohérences techniques dénoncées par l'ensemble des parties et, par suite, pour initier une réflexion sur des ajustements plus importants sur la base des propositions formulées par le ministre de l'intérieur et des outre-mer fin mai 2023 ;

- d'améliorer la répartition des compétences entre collectivités calédoniennes pour mettre fin à l'enchevêtrement de compétences et appliquer pleinement le principe de subsidiarité, et conforter les communes de Nouvelle-Calédonie dans leur rôle de proximité en leur confiant des moyens juridiques et financiers à la hauteur de celui-ci ;

- d'initier une réflexion quant au fonctionnement des institutions de la Nouvelle-Calédonie au regard des évolutions démographiques et de la recomposition politique survenues depuis la signature des accords.

Les rapporteurs souhaitent toutefois réaffirmer que les grands principes ayant présidé à la conclusion des accords de Matignon et de Nouméa doivent demeurer inchangés, l'équilibre institutionnel en résultant ayant fait la preuve de sa robustesse. Ils relèvent à cet égard qu'en Nouvelle-Calédonie, le principe majoritaire, qu'il tire sa légitimité d'un scrutin politique ou d'une réalité démographique, ne peut s'appliquer sans discernement et sans tempérament au risque d'une explosion des institutions et du contrat social que représente le « destin commun » promu par les accords de Matignon puis de Nouméa.

· Enfin, la négociation serait incomplète si elle ne permettait pas de traiter de l'ensemble des sujets non institutionnels indispensables au développement du territoire, qui touchent la vie quotidienne de l'ensemble des Calédoniens.

Les besoins de la Nouvelle-Calédonie ne se résument pas à la seule détermination de son avenir institutionnel. Des réformes non institutionnelles, indépendantes des futurs équilibres institutionnels et politiques, devront être menées par les acteurs locaux, en particulier celles visant à garantir la soutenabilité financière et budgétaire des collectivités calédoniennes et des comptes sociaux.

Les rapporteurs appellent les acteurs locaux et l'État, chacun dans leur domaine de compétences, à s'en saisir le plus rapidement possible pour garantir l'efficacité et la soutenabilité des politiques publiques locales. Un programme ambitieux de réformes doit, en effet, être mis en oeuvre pour offrir aux Calédoniens des services publics de qualité et développer l'économie du territoire, condition d'une confiance durablement renouvelée dans les institutions politiques calédoniennes.