N° 878

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 juillet 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la situation institutionnelle, la justice et la sécurité en Guadeloupe, en Martinique, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin,

Par MM. François-Noël BUFFET, Philippe BONNECARRÈRE, Mmes Marie-Pierre de LA GONTRIE, Cécile CUKIERMAN
et M. Henri LEROY,

Sénateurs et Sénatrices

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer, secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled.

LISTE DES PROPOSITIONS

I. DES TERRITOIRES ANCRÉS DANS LA RÉPUBLIQUE QUI LEUR DOIT TOUTE SON ATTENTION

A. N'envisager des évolutions statutaires qu'après un bilan des dispositions existantes

Proposition n° 1 : Ne procéder à de nouveaux ajustements statutaires qu'après une évaluation de la mise en oeuvre des possibilités d'action spécifiques existantes.

Proposition n° 2 : Réunir, de toute urgence, le Comité Interministériel des Outre-mer (CIOM) pour examiner les propositions d'ajustements statutaires présentées par les collectivités antillaises et s'assurer de la nécessité d'une évolution législative pour y procéder.

B. Adapter les normes aux circonstances locales

Proposition n° 3 : Indépendamment d'évolutions statutaires, adopter une démarche systématique de la part de l'État pour adapter les normes et référentiels, y compris existantes (en matière technique notamment), afin de prendre pleinement en considération les circonstances locales.

C. Se donner les moyens de mieux garantir la sécurité

Proposition n° 4 : Renforcer urgemment les moyens nautiques et héliportés des forces de sécurité intérieure pour lutter efficacement contre la criminalité inter-îles, en particulier au sein de l'antenne de l'OFAST de Fort-de-France.

Proposition n° 5 : Renforcer la coopération avec les îles avoisinantes en matière de sécurité et de renseignement, en systématisant les coopérations bilatérales visant à l'échange d'informations et à la formation de personnels des forces de sécurité intérieure comme avec Sainte-Lucie ou la partie hollandaise de Saint-Martin.

Proposition n° 6 : Garantir, par la consolidation des relations diplomatiques existantes, l'effectivité des mesures d'éloignement prononcées à l'encontre des ressortissants des îles avoisinantes.

Proposition n° 7 : Développer les contrats locaux en matière de sécurité afin de mieux coordonner les actions des différents acteurs de la lutte contre la délinquance.

Proposition n° 8 : Donner aux personnels de la gendarmerie nationale, chargés du contrôle aux frontières à Saint-Barthélemy, accès dans les meilleurs délais au fichier des titres électroniques sécurisés.

D. Adapter les moyens de la justice

Proposition n° 9 : Mener à leur terme dans les délais prévus la restructuration et la réhabilitation des locaux de la cour d'appel et du tribunal judiciaire de Basse-Terre.

Proposition n° 10 : Conduire une réflexion sur la création d'un tribunal judiciaire de plein exercice à Saint-Martin.

Proposition n° 11 : Améliorer la coopération en matière judiciaire, par la nomination de magistrats de liaison, notamment à Sainte-Lucie, et le développement d'accords judiciaires bilatéraux pour lutter plus efficacement contre les trafics internationaux d'armes et de drogue.

Proposition n° 12 : Moduler le montant de la rétribution des avocats au titre de l'aide juridictionnelle pour prendre en considération la double insularité de la Guadeloupe.

II. L'INSUFFISANTE PRISE EN COMPTE DU CONTEXTE CARIBÉEN

A. Renforcer l'insertion des collectivités antillaises et la présence française dans l'environnement régional

Proposition n° 13 : Renforcer la présence de la France au sein des organisations de coopération régionales économiques comme culturelles, en associant les collectivités antillaises volontaires et en les accompagnant dans leur démarche d'association, en particulier la CARICOM.

Proposition n° 14 : Faciliter l'usage par les collectivités antillaises des possibilités existantes de proposer et de négocier des accords internationaux avec des pays tiers ou des organisations régionales.

Proposition n° 15 : Affecter auprès de chaque préfet un conseiller diplomatique, chargé de l'intégration régionale dans le territoire et ensemblier des actions de coopération au sein de l'environnement caribéen.

B. Dépasser la relation auto-centrée et exclusive collectivité-hexagone

Proposition n° 16 : Encourager et accompagner le développement de coopérations « de projets » sur les enjeux prioritaires des collectivités antillaises, en particulier la gestion des Sargasses, la prévention des risques naturels majeurs ou le développement d'échanges culturels et éducatifs.

Proposition n° 17 : Prendre pleinement en compte la spécificité de la présence hollandaise à Saint-Martin en facilitant le déploiement d'accords locaux de gestion de certains équipements entre les deux parties de l'île, à l'initiative de la collectivité et avec l'accompagnement de l'État (aéroports, ports, routes, production et distribution d'eau).

Proposition n° 18 : Permettre, sur le modèle de la Polynésie française ou de la Nouvelle-Calédonie, aux collectivités antillaises volontaires de disposer de représentants au sein des organisations régionales de coopération.

Proposition n° 19 : Initier une réflexion sur l'ouverture d'une faculté de négociation d'arrangements administratifs avec les administrations de tout État ou territoire de la Caraïbe, en vue de favoriser le développement économique, social et culturel des collectivités antillaises.

III. ASSURER, EN PRIORITÉ, L'EFFICIENCE DE L'ACTION PUBLIQUE LOCALE

A. Développer les compétences au service de l'action locale

Proposition n° 20 : Développer une offre locale de formation aux métiers du secteur public, par exemple par la création d'un Institut régional d'administration pour les Antilles-Guyane.

Proposition n° 21 : Encourager le recours aux programmes du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et la conclusion de partenariats entre les centres de gestion ultramarins et hexagonaux pour améliorer la formation des personnels des collectivités.

Proposition n° 22 : Au-delà de la réalisation de projets ponctuels, utiliser l'assistance technique assurée par l'État, y compris par Expertise France, pour former dans les collectivités bénéficiaires les personnels à l'expertise technique nécessaire au plein exercice de leurs missions.

Proposition n° 23 : Faciliter la mobilité de fonctionnaires d'origine antillaise vers leur territoire d'origine.

Proposition n° 24 : Développer l'offre du service militaire adapté au profit des jeunes Saint-Martinois dans la perspective de la reconstruction de l'île après l'ouragan Irma.

B. Faciliter le recours à l'ingénierie de l'État

Proposition n° 25 : Développer la logique d'ingénierie « sur-mesure » et systématiser le principe du « aller vers » au sein des services et agences de l'État pour accompagner les collectivités antillaises et déployer des mesures de soutien pleinement adaptées aux réalités locales.

Proposition n° 26 : Généraliser les plateformes d'ingénierie d'appui aux collectivités territoriales, sur le modèle de celle mise en place en Guyane, tout en respectant les spécificités de chaque territoire, en les dotant des moyens humains et financiers correspondants.

Proposition n° 27 : Permettre aux collectivités régies par l'article 74 de la Constitution d'adhérer au Cerema et de bénéficier, pour la conduite de leurs projets, de son expertise et accompagnement.

C. Restaurer les capacités financières locales

Proposition n° 28 : Élargir le dispositif COROM, en adaptant les critères d'éligibilité et les modalités de soutien à la diversité des situations observées aux Antilles, augmenter les crédits qui y sont alloués afin d'en faire bénéficier un nombre plus important de communes et garantir la présence d'assistants techniques, y compris lors de la préparation du contrat.

Proposition n° 29 : Veiller à faciliter la consommation des crédits inscrits au titre des contrats de convergence et de transformation (CCT) qui seront conclus pour la période 2024-2027 en assouplissant les possibilités de fongibilité des crédits prévus et en intégrant de nouvelles thématiques notamment l'ingénierie et la gestion de projets.

Proposition n° 30 : Améliorer le financement des collectivités antillaises par un renforcement de la lisibilité des crédits disponibles au titre du fonds exceptionnel d'investissement dans chaque territoire et, plus généralement, des dotations de l'État.

Proposition n° 31 : Systématiser les partenariats permettant de fiabiliser les comptes des collectivités antillaises.

D. Faciliter le développement de projets locaux

Proposition n° 32 : Transformer l'avis conforme des CDPENAF ultramarines en un avis simple, alignant ainsi ce régime sur celui de droit commun applicable dans l'Hexagone afin de faciliter le développement des projets des maires dans ces territoires.

Proposition n° 33 : Prévoir l'adoption par les collectivités antillaises d'une programmation pluriannuelle des projets structurants afin de donner aux entreprises locales et aux co-financeurs de la prévisibilité sur les appels d'offre et les besoins des collectivités.

Proposition n° 34 : Conforter l'État dans son rôle de régulateur et d'ensemblier de l'action des collectivités territoriales pour la gestion d'enjeux transversaux et interterritoriaux, sur le modèle du Plan Sargasse.

E. Apporter une réponse efficace et concrète aux sujets primordiaux pour chaque territoire

Proposition n° 35 : Développer des outils concrets et opérationnels, dotés en moyens humains et financiers adaptés, avec les collectivités antillaises pour résoudre des défis structurants propres à chaque territoire nécessitant un accompagnement spécifique de l'État, notamment :

- doter le SMGEAG des moyens humains et financiers pérennes, nécessaires à l'accomplissement de ses missions et opérer un suivi qualitatif et quantitatif de ses réalisations ;

- permettre à la collectivité de Martinique et aux collectivités guadeloupéennes de conduire une politique active d'incitation au retour des jeunes martiniquais partis en formation dans l'hexagone ou à l'étranger ;

- conforter la collectivité de Saint-Barthélemy dans son rôle de régulateur s'agissant du logement ;

- parachever l'effort de reconstruction entrepris après le passage de l'ouragan Irma et consolider les dispositifs de prévention et de gestion de crise entre l'État et la collectivité mais également avec la partie hollandaise de l'île.

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