B. L'ACTIVITÉ DE GARANTIE DE BPIFRANCE DOIT DEMEURER UNE PRIORITÉ, TANT POUR LE SOUTIEN GÉNÉRAL AU FINANCEMENT BANCAIRE DES TPE ET PME QUE POUR LA MISE EN oeUVRE DE POLITIQUES STRUCTURANTES

L'activité de garantie de Bpifrance, du fait de l'importance des retombées économiques qu'elle génère, doit demeurer une priorité dans le financement par l'État de Bpifrance par le programme 134. Outre le soutien général au financement, notamment bancaire, des TPE et PME que cette activité permet, elle peut être mise au service de politiques publiques économiques structurantes.

1. Le financement des actions de Bpifrance par le programme 134 doit préserver la place de l'activité de garantie des prêts bancaires

En moyenne, depuis 2017, les crédits affectés aux fonds de garantie de Bpifrance via le « périmètre Trésor », représentent environ 350 millions d'euros par an, une fois retraité le pic de consommation de dotations de l'année 2020 lié à la campagne exceptionnelle de lancement du « Prêt Atout » en préfiguration des PGE.

Ce niveau moyen pluriannuel de consommation de 350 millions d'euros par an est en réalité en hausse annuelle progressive (il s'est établi à 443 millions d'euros en 2022), notamment en raison de l'utilisation des fonds de garantie pour répondre à de plus en plus d'enjeux de financement des entreprises. Il convient par ailleurs de noter que ces niveaux de consommation ne reflètent pas directement les niveaux d'activité, en raison de l'existence d'un effet de levier de la garantie sur les financements effectivement octroyés aux entreprises63(*).

Ce niveau de consommation peut être ventilé par types de financements garantis par Bpifrance.

Répartition annuelle depuis 2017 des crédits consommés par les fonds
de garantie gérés par Bpifrance sur les crédits du « périmètre Trésor »
par types de financements garantis

(en millions d'euros)

Source: Bpifrance. En jaune : la part des crédits consommés par les fonds de garantie sur les prêts bancaires (fonds de place) ; en gris, la part des crédits consommés par les fonds de garantie associés à un PSG relevant de l'activité de financement ; en violet et en vert, la part des crédits consommés par les fonds de garantie de place ou associés à un PSG relevant, respectivement, de l'activité de soutien à l'innovation ou de soutien à l'entrepreneuriat

L'activité de garantie des prêts bancaires (fonds de place) représentait 61 % des crédits consommés sur le « périmètre Trésor »en 2017 (244 millions d'euros) ; elle en représente 48 % en 2022 (212 millions d'euros), en baisse en valeur absolue de 13,1 %. Dans le même temps, l'activité de garantie des PSG correspondant à l'activité de financement, qui représentait 27 % des crédits consommés en 2017 (107 millions d'euros), en représente 44 % en 2022 (194 millions d'euros), en hausse en valeur absolue de 81,3 %64(*).

Évolution des crédits consommés par type de fonds de garantie de Bpifrance
sur le « périmètre Trésor »

(en millions d'euros)

Source: commission des finances du Sénat, d'après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux

La forte hausse de la part et de la valeur absolue des crédits consommés au titre des fonds de garantie associés aux PSG est la conséquence directe de la mobilisation toujours plus forte par Bpifrance de l'outil des PSG pour financer les entreprises. Alors que ces derniers représentaient un montant cumulé de prêts par Bpifrance de 2,77 milliards d'euros en 2019, ce montant a atteint au total 4,96 milliards d'euros en 2022 (dont une part est garantie), soit une hausse de 78,9 %. Au sein de ce montant, 3 milliards d'euros de prêts ont été accordés au titre de l'activité de financement de Bpifrance, dans le « périmètre Trésor ». La montée en puissance des PSG, qui remonte à plusieurs années65(*), s'est encore accélérée pendant la crise sanitaire, durant laquelle ils ont figuré en place centrale dans la réponse apportée par les pouvoirs publics et par Bpifrance, aux côtés du PGE notamment.

Cette montée en puissance emporte des conséquences sur l'activité de garantie des prêts bancaires. En effet, les financements octroyés par le biais du périmètre Trésor étant par nature limités, les crédits disponibles au titre de la garantie des prêts bancaires sont plus contraints.

Les rapporteurs spéciaux considèrent que l'activité de financement de Bpifrance, notamment sous la forme de PSG, et celle des fonds de garantie associés à un PSG qui en découle, constitue une activité bénéfique au tissu entrepreneurial français et à l'activité économique.

Ils soulignent néanmoins qu'il convient de prendre en considération, dans l'affectation des ressources, l'impact économique final des dotations publiques. L'effet de levier très significatif des garanties sur les prêts bancaires « classiques » déployées par Bpifrance, doit de ce point de vue conduire à continuer d'en faire une priorité dans le financement par l'État des activités de Bpifrance.

À l'échelle de la garantie et sur le « périmètre Trésor », la mobilisation d'environ 212 millions d'euros de dotations issues du programme 134 a schématiquement permis une production en risques de l'ordre de 4 milliards d'euros par an et un soutien final à l'économie de 8 milliards d'euros par an sous forme de prêts bancaires, soit un effet d'entrainement de 3866(*). En comparaison, lorsque l'on intègre au calcul l'ensemble de l'activité de garantie (sur les prêts bancaires et sur les PSG), ce sont environ 11 milliards d'euros de prêts divers (dont une partie est garantie) qui ont été octroyés en 2022 soit par les banques soit par Bpifrance, soit par les réseaux d'accompagnement, sur la base des financements du périmètre Trésor (443 millions d'euros), soit un niveau d'entraînement d'environ 25, un niveau élevé mais sensiblement inférieur. Ces chiffres témoignent d'un effet de levier des fonds de garantie sur les prêts bancaires bien supérieur aux autres types de fonds de garantie.

En outre, le relèvement des taux d'intérêt sur le marché bancaire devrait encore renforcer l'utilité du déploiement des garanties pour permettre un accès plus large au financement bancaire pour les entreprises.

Dans ces conditions et alors que la situation des finances publiques doit inciter à mesurer les retombées de chaque dotation publique, les rapporteurs spéciaux considèrent qu'il convient de ramener progressivement la part du financement des fonds de garantie des prêts bancaires (fonds de place) au sein des crédits du programme 134 affectés à Bpifrance à celle qui était la sienne avant la crise sanitaire, à savoir environ 60 % des ressources et, en valeur absolue, a minima 220 millions d'euros.

L'éventualité, évoquée lors des auditions, de l'instauration par l'État à compter de 2024 d'un plafond sur le financement de plusieurs actions de Bpifrance ne doit par ailleurs pas remettre en cause le niveau de financement des fonds de garantie.

Recommandation n° 6 - Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique - : ramener progressivement la part du financement des fonds de garantie des prêts bancaires (fonds de place) au sein des crédits du programme 134 affectés à Bpifrance à celle qui était la sienne avant la crise sanitaire.

2. Les fonds de garantie constituent également un vecteur pour la mise en oeuvre de politiques publiques structurantes

Outre leurs retombées économiques importantes, les fonds de garantie gérés par Bpifrance constituent un outil de nature à permettre la mise en oeuvre de politiques publiques structurantes, ce qui justifie d'en faire une priorité de financement par l'État.

En effet, les fonds de garantie ciblés sur un objectif de politique publique particulier, par exemple les investissements en matière de transition énergétique, cumulent plusieurs avantages. Tout d'abord, le fonds de garantie constitue un vecteur puissant d'utilisation de fonds publics, grâce à l'effet de levier qu'il déploie sur les financements finaux octroyés à l'entreprise. Ensuite, la sélection des projets qui est opérée par la banque au moment de l'octroi du prêt garanti permet de favoriser des projets efficients pour la politique souhaitée.

Alors que le Gouvernement a présenté son Plan Industrie verte, c'est ainsi ce rôle structurant des fonds de garantie qu'il souhaite mobiliser.

Les actions que Bpifrance devrait mettre en oeuvre dans le cadre
du plan Industrie verte

Dans le cadre du Plan Industrie Verte, présenté par le Gouvernement en mai 2023, il est prévu que Bpifrance engage un ensemble « d'actions afin de faire émerger une industrie française puissante et décarbonée dans les territoires », dans le cadre d'une « offre verte ». Le soutien à la décarbonation des industries existantes serait un axe majeur pour Bpifrance. Il est prévu que les conditions associées à cette offre verte soient attractives (tarification, quotité, durée du financement, plafond d'encours, etc.) et de nature à innerver les projets de mise en transition. Elles seraient en partie financées par la dotation publique et conditionnées à un diagnostic de leur impact environnemental.

Ce seraient ainsi 2,3 milliards d'euros qui seraient déployés annuellement dans ce but ; ce montant cumulé doit néanmoins être interprété prudemment.

Tout d'abord, des garanties vertes seront déployées ou renforcées sur les prêts finançant des projets de transition énergétique, pour couvrir 1 milliard d'euros de prêts garantis par an (ce qui ne nécessite pas un investissement d'1 milliard d'euros, du fait de l'existence d'un effet de levier). Ces garanties vertes, qui devraient s'appuyer principalement sur des compartiments spécifiques des principaux fonds de garantie (création, transmission et développement) porteront exceptionnellement sur 80 % du prêt, sur 10 ans, conformément à la volonté de rendre le dispositif très incitatif. En outre seront déployés des garanties vertes de fonds propres (couverture de 150 millions de fonds propres), des prêts verts (près d'1 milliard d'euros), des subventions (100 millions d'euros) et un service d'accompagnement (environ 80 millions d'euros).

Sources : réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux et dossier de presse sur le plan Industrie verte de mai 2023

Les rapporteurs spéciaux, qui ne disposent pas à ce stade d'informations précises sur les modalités de mise en oeuvre des garanties vertes et des modalités de gestion des fonds de garantie associés, seront particulièrement vigilants s'agissant tant de la gestion opérationnelle de ces garanties que de leur financement.


* 63 Idem.

* 64 Le soutien à l'innovation peut relever de fonds de place ou de fonds associés à un PSG. Le soutien à l'entrepreneuriat relève en général des fonds associés à un PSG.

* 65 Voir supra.

* 66 Ce niveau d'effet d'entraînement diffère de celui mentionné supra en raison de différences de périmètres, le calcul étant ici effectué pour le seul « périmètre Trésor ».

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