B. UNE PLURALITÉ DE SUJETS EN LIEN AVEC LES DROITS DES FEMMES

Les thématiques d'étude de la délégation ont été nombreuses et hétéroclites au cours de la mandature 2020-2023.

Ce travail de fond a donné lieu à la publication de six rapports d'information.

1. L'aide publique au développement et l'enjeu de l'égalité femmes-hommes dans le cadre de la solidarité internationale

Dans la perspective de l'examen d'un projet de loi de programmation relatif à l'aide publique au développement (APD)15(*), initialement prévu pour l'été 2020, la délégation aux droits des femmes avait décidé, dès le 21 novembre 2019, d'inscrire à son programme de travail une réflexion sur l'égalité femmes-hommes comme enjeu de solidarité internationale.

La délégation souhaitait en effet, en amont de la discussion du projet de loi et en concertation avec les principaux acteurs associatifs et institutionnels, dresser un état des lieux et un bilan de la politique d'APD du point de vue de l'égalité femmes-hommes, mais aussi ébaucher des pistes d'évolution pour orienter au mieux le financement de l'APD vers des projets favorables à l'autonomisation des femmes et au renforcement de leurs droits.

La crise sanitaire a retardé le dépôt de ce projet de loi, qui n'est intervenu qu'en fin d'année 2020 et n'a été discuté dans les assemblées qu'à partir du mois de mars 2021, mais elle a surtout rendu le travail sur cette problématique encore plus nécessaire en exacerbant, à travers le monde, des inégalités et des violences de genre déjà à l'oeuvre : des études internationales ont ainsi montré que cette crise pourrait avoir effacé, en une année seulement, les 25 ans de progrès réalisés en matière d'égalité femmes-hommes depuis la Conférence mondiale de l'ONU sur les droits des femmes de 1995.

La délégation a ainsi organisé cinq auditions et tables rondes entre janvier 2020 et avril 2021 dans le cadre de la préparation du rapport d'information confié à la sénatrice Claudine Lepage.

Ce rapport, publié le 4 mai 2021, a formulé neuf recommandations visant à rehausser les objectifs d'APD genrée et à mener une diplomatie féministe transversale plus ambitieuse.

L'égalité femmes-hommes, un enjeu fondamental de solidarité internationale
Rapport d'information n° 550 du 4 mai 2021

Claudine Lepage

Dans le prolongement de ces travaux, la délégation a entendu, le 8 décembre 2021, Valérie Perez-Ennouchi, auteure de « Destins de Femmes », prix Edgar Faure 2021, essai qui retrace la place des femmes à travers le monde et le poids encore prégnant des sociétés patriarcales à travers une succession de dix-sept portraits de femmes issues de divers pays.

En outre, le 24 janvier 2023, à l'initiative de l'association Oxfam France - interlocutrice privilégiée de la délégation dans le cadre des travaux précédemment mentionnés, et association lauréate du prix 2021 de la DDF - la délégation a reçu dix femmes représentantes d'organisations de la société civile, installées en Afrique de l'Ouest et au Maghreb, qui financent des projets associatifs en faveur des femmes grâce au soutien du fonds « Féministes en action », composante du Fonds de solidarité des organisations féministes (FSOF) créé en 2019.

2. Le thème de la parité et de l'égalité économique et professionnelle : le bilan d'application de deux lois emblématiques

Comme on l'a vu pour la loi de 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel, la délégation aux droits des femmes se montre particulièrement attentive à l'évaluation de la mise en oeuvre des dispositions législatives adoptées dans son champ de compétences.

C'est à ce titre qu'elle a souhaité dressé le bilan des dix ans de l'application de la loi dite « Copé-Zimmermann » du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle et, un an plus tard, celui de la loi dite « Sauvadet » du 12 mars 2012 sur les obligations paritaires mises en place dans le secteur public.

a) Parité et place des femmes en entreprise : les dix ans de la loi « Copé-Zimmermann »

À l'occasion du dixième anniversaire de la loi dite « Copé-Zimmermann » du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle, qui impose un quota minimal de 40 % de femmes dans les conseils d'administration et de surveillance, la délégation aux droits des femmes a souhaité dresser un bilan de l'application de cette loi ainsi qu'un état des lieux de la féminisation de la gouvernance et de la direction opérationnelle des entreprises françaises.

Une table ronde consacrée au bilan de cette loi a donc été organisée le 21 janvier 2021, à laquelle ont participé, outre Marie-Jo Zimmermann, ancienne députée, coauteure de la loi, Laurence Parisot, ancienne présidente du Medef, Chiara Corazza, directrice générale du Women's Forum for the economy and society, Anne-Françoise Bender, maîtresse de conférences en sciences de gestion au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), dont les recherches avaient porté sur l'application de cette loi et sur la législation comparée en faveur de la parité économique, et Catherine Ladousse, cofondatrice et présidente honoraire du Cercle InterElles.

Pour clôturer les échanges, notre collègue Alexandra Borchio Fontimp, membre de la commission « Parité » du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), a présenté le rapport du Haut Conseil sur L'accès des femmes aux responsabilités économiques.

Cette table ronde a permis de constater que, si les quotas avaient permis à la France de se hisser au premier rang mondial en termes de féminisation des conseils d'administration des grandes entreprises cotées (avec une proportion de plus de 46 % de femmes en 2021), la loi Copé-Zimmermann avait atteint ses limites au sein des petites capitalisations boursières, des sociétés non cotées et surtout des PME.

La délégation a regretté en outre que la loi n'ait pas eu l'effet de ruissellement attendu, les femmes restant encore trop peu nombreuses au sein des comités exécutifs et de direction et dans l'ensemble des postes à responsabilités.

Dans le prolongement de cette table ronde, un rapport d'information a été déposé le 8 juillet 2021, formulant huit recommandations afin de développer les obligations de mixité, de mieux contrôler et publiciser la répartition genrée au sein des instances de gouvernance et d'appliquer pleinement les dispositions législatives existantes en matière d'égalité professionnelle au sens large.

Parité en entreprise : pour de nouvelles avancées, 10 ans après la loi Copé-Zimmermann
Rapport d'information n° 757 du 8 juillet 2021

Martine Filleul
Joëlle Garriaud-Maylam
Dominique Vérien

Faisant suite à ce rapport, une tribune intitulée La Parité dans les entreprises : le moment est venu de faire entrer les femmes dans tous les cercles du pouvoir économique ! cosignée par la présidente Annick Billon, les trois rapporteures et trente autres membres de la délégation, a été publiée sur le site du Journal du dimanche (JDD) le 17 juillet 2021 (cf. annexe 5).

Poursuivant ses travaux sur le thème de la place des femmes dans l'entreprise, la délégation aux droits des femmes et la délégation aux entreprises du Sénat ont, à l'initiative de leurs présidents respectifs, Annick Billon et Serge Babary, organisé conjointement le 8 mars 2022 un événement consacré à la place des femmes et à la mixité de genre au sein des entreprises, ayant donné lieu à la publication d'un rapport d'information16(*) Place des femmes dans l'entreprise : assurer la mixité à tous les échelons (cf. infra).

b) Parité dans la haute fonction publique : les dix ans de la loi « Sauvadet »

Entre les mois de février et juin 2022, la délégation s'est penchée sur la question de la présence des femmes dans les postes d'encadrement de la fonction publique au cours des dix dernières années et a dressé un bilan d'application à l'occasion des dix ans de la loi dite « Sauvadet »17(*).

Le 24 février 2022, elle a ainsi organisé une table ronde Bilan des dix ans de la loi Sauvadet sur la parité dans la haute fonction publique.

Articulée en deux séquences : Bilan d'application de la loi et perspectives de progression de la parité dans la haute fonction publique et Place des femmes en responsabilité : des différences au sein des trois fonctions publiques et entre ministères ?, respectivement introduites par les sénatrices Dominique Vérien et Martine Filleul, cette table ronde a réuni huit intervenants parmi lesquels Amélie de Montchalin, alors ministre de la transformation et de la fonction publiques, Agnès Arcier, présidente de la commission Parité du HCE et rapporteure des travaux 2021 sur le secteur public, Françoise Belet, déléguée nationale de l'Association des administrateurs territoriaux de France (AATF), en charge de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et Caroline Chassin, chargée des thématiques « égalité professionnelle » au sein du Syndicat des managers publics de santé (SMPS), directrice générale du Centre hospitalier de Draguignan.

À la suite de cette table ronde, un rapport d'information a été déposé le 21 juin 2022.

Celui-ci a formulé douze recommandations visant à élargir les obligations paritaires des employeurs publics, mieux accompagner les femmes dans leurs parcours de carrière et renforcer la mobilisation autour d'une politique d'égalité professionnelle et salariale ambitieuse dans la fonction publique.

Parité dans la haute fonction publique : changer de braquet dix ans après la loi Sauvadet
Rapport d'information n° 723 du 21 juin 2022

Martine Filleul
Dominique Vérien

Ce rapport a, par ailleurs, conduit au dépôt, par les deux rapporteures, les sénatrices Martine Filleul et Dominique Vérien, et la présidente Annick Billon, le 14 novembre 2022, d'une proposition de loi visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique18(*) (cf. infra).

La question de la parité dans les exécutifs ruraux

Bien que la délégation n'ait pas publié de rapport spécifiquement consacré à la parité dans les mandats locaux, ce thème a fait l'objet de plusieurs auditions en 2021.

Le 4 mars 2021, dans le cadre de sa thématique annuelle Femmes et ruralités (cf. infra), la délégation a organisé une table ronde sur l'accès des femmes aux responsabilités dans les collectivités des territoires ruraux et sur le rôle des élus pour y faire avancer l'égalité. Cette table ronde était ouverte à l'ensemble des membres de la délégation aux collectivités territoriales qui, de son côté, a associé la DDF à sa table ronde sur la parité dans les exécutifs locaux, le 9 décembre 2021.

Le 11 mars 2021, la présidente Annick Billon a été entendue par la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal.

Cette mission « flash » s'inscrivait dans le cadre de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique dont l'article 28 prévoit que les dispositions du code électoral relatives à l'élection des conseillers municipaux et des conseillers communautaires seront, avant le 31 décembre 2021, modifiées pour « étendre l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives dans les communes et leurs groupements ». Il dispose également qu'une évaluation sera conduite en amont par le Parlement pour « déterminer les modes de scrutin permettant de garantir cet égal accès ».

Cette mission confiée par la commission des lois de l'Assemblée nationale aux députés Élodie Jacquier-Laforge et Raphaël Schellenberger, a publié une communication assortie de deux propositions le 6 octobre 2021.

3. Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de l'égalité

Constatant qu'aucune des 181 mesures de l'Agenda rural du Gouvernement, adopté à l'automne 2019 et constituant le socle de la politique gouvernementale en faveur des territoires ruraux, ne mentionnait l'égalité femmes-hommes ni aucune problématique spécifique aux femmes, la délégation a décidé de s'intéresser aux 11 millions de femmes vivant dans les territoires ruraux français (une femme sur trois).

Au cours de sa réunion plénière du 3 décembre 2020, la délégation a donc choisi comme thématique annuelle de travail la situation des femmes dans les territoires ruraux et désigné, le 10 décembre 2020, une équipe de 8 corapporteurs représentant chaque groupe parlementaire et assurant la diversité des territoires.

Un cycle d'auditions et de tables rondes a été conduit entre janvier et juin 2021, au Sénat et dans les territoires :

- le 28 janvier 2021, sur la santé des femmes dans les territoires ruraux ;

- le 4 mars 2021, sur l'accès des femmes aux responsabilités dans les collectivités des territoires ruraux et sur le rôle des élus pour y faire avancer l'égalité ;

le 25 mars 2021, sur l'entrepreneuriat des femmes dans les territoires ruraux ;

le 3 juin 2021, sur le thème Être agricultrice en 2021 ;

- le 24 juin 2021, sur le thème : La mobilité au coeur de l'articulation des temps de vie des femmes dans les territoires ruraux.

Le 10 juin 2021, la délégation a lancé sur la plateforme participative du site Internet une consultation auprès des femmes élues des territoires ruraux afin de recueillir des témoignages d'élues de terrain et de faire remonter des initiatives locales innovantes en faveur de l'égalité femmes-hommes, qui pourraient être diffusées et généralisées sur tout le territoire19(*).

Au 12 juillet 2021, 1 052 réponses ont été enregistrées. Les résultats ont fait l'objet d'une infographie publiée sur le site du Sénat20(*).

Le rapport, dont l'objet était à la fois d'établir un bilan complet de la situation des femmes dans les territoires ruraux et de mettre en valeur des femmes qui, par leur engagement (économique, associatif, politique, culturel...), contribuent au dynamisme de ces territoires et peuvent constituer des modèles, a formulé 70 recommandations et a été publié à la veille de la Journée internationale des femmes rurales, le 14 octobre 2021.

Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de l'égalité
Rapport d'information n° 60 du 14 octobre 2021

Jean-Michel Arnaud
Bruno Belin
Nadège Havet
Pierre Médevielle
Marie-Pierre Monier
Guylène Pantel
Raymonde Poncet Monge
Marie-Claude Varaillas

Le 8 décembre 2021, la présidente Annick Billon et les rapporteurs ont par ailleurs procédé à la remise officielle du rapport à Élisabeth Moreno, alors ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances et Joël Giraud, alors secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.

Faisant suite à ces travaux, les rapporteurs ont également déposé, le 9 décembre 2021, une proposition de résolution sénatoriale21(*) appelant à une meilleure prise en compte de la situation des femmes dans les territoires ruraux pour en finir avec les zones blanches de l'égalité (cf. infra).

À l'initiative du sénateur Bruno Belin, le rapport a été présenté aux élus du département et aux acteurs locaux au cours d'un déplacement dans la Vienne, le 27 juin 2022.

Un an et demi après sa publication, la délégation a souhaité consacrer son événement annuel en lien avec la Journée du 8 mars aux suites de ce rapport (Colloque Femmes et ruralités : la parole aux élues de nos territoires, 9 mars 2023, cf. infra).

4. Un rapport pionnier de la délégation sur l'industrie de la pornographie

En 2022, un sujet d'étude inédit et à la croisée de deux préoccupations majeures de la DDF - les violences faites aux femmes et la protection des mineurs - a été inscrit au programme de travail de la délégation : l'industrie pornographique.

Le 7 octobre 2021, la délégation avait initialement choisi comme thématique de travail annuelle la prostitution des mineurs et désigné comme rapporteures, le 14 octobre 2021, Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen, Annick Jacquemet et Laurence Rossignol.

Au cours d'une réunion du 8 décembre 2021, il a été décidé de réorienter le rapport vers la thématique de l'industrie pornographique et de désigner Annick Billon en remplacement d'Annick Jacquemet en tant que co-rapporteure.

La délégation a donc mené ses travaux de janvier à juin 2022 ; elle a entendu une soixantaine d'intervenants au cours de quinze réunions plénières dont neuf tables rondes et deux auditions rapporteurs (dont celle de victimes de l'industrie pornographique réalisée à huis clos le 29 mars 2022).

Déposé le 27 septembre 2022, le rapport, intitulé Porno : l'enfer du décor, adopté à l'unanimité par la délégation, a alerté le Gouvernement et l'opinion publique sur les violences massivement perpétrées et véhiculées par et dans l'industrie pornographique, ainsi que sur les représentations sexistes, racistes, homophobes et inégalitaires qu'elle promeut.

Porno : l'enfer du décor
Rapport d'information n° 900 du 27 septembre 2022

Annick Billon
Alexandra Borchio Fontimp
Laurence Cohen
Laurence Rossignol

Il a formulé 23 recommandations de nature à lutter contre ces violences, à faciliter les suppressions de contenus illicites et le droit à l'oubli, à rendre effective l'interdiction de l'accès des mineurs aux sites pornographiques et à sensibiliser les parents, professionnels de santé et professionnels de l'éducation aux enjeux liés à la pornographie.

Une conférence de presse de présentation du rapport s'est tenue le 28 septembre 2022 en présence d'une quarantaine de journalistes.

Le rapport a été présenté et remis officiellement à plusieurs membres du Gouvernement : Isabelle Lonvis-Rome, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, et Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance le 18 octobre 2022, Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications le 27 octobre 2022, Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse le 30 novembre 2022, Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la justice, le 7 décembre 2022, et enfin Sonia Bakès, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, le 17 janvier 2023).

Les rapporteures ont également remis leur rapport au président du Sénat Gérard Larcher 15 novembre 2022.

En outre, le 25 novembre 2022, lors du déplacement du Président de la République à Dijon à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, en présence de la sénatrice et vice-présidente de la délégation, Dominique Vérien, la présidente Billon a pu remettre un exemplaire du rapport à Emmanuel Macron.

Remise du rapport Porno : l'enfer du décor au président de la République Emmanuel Macron
en présence de Dominique Vérien le 25 novembre 2022 ((c)Laurent Blevennec/Présidence de la République)

Faisant suite à ce rapport, une proposition de résolution appelant à faire de la lutte contre les violences pornographiques une priorité de politique publique22(*), cosignée par 255 sénateurs (ce qui en fait le texte sénatorial le plus cosigné de la Ve République), a été déposée le 18 janvier 2023 et adoptée à l'unanimité en séance publique le 1er mars 202323(*).

Ce rapport, historique a bien des égards, a d'ailleurs connu un retentissement médiatique tout à fait exceptionnel dont il faut se féliciter (cf. infra).

5. Santé des femmes au travail : des maux invisibles

Au cours de sa séance du 6 octobre 2022, la délégation aux droits des femmes a décidé de mener ses travaux en 2022-2023 sur la santé des femmes au travail et a désigné comme rapporteures Laurence Cohen, Annick Jacquemet, Marie-Pierre Richer et Laurence Rossignol.

La délégation a pu constater que cette thématique, qui recouvre de nombreux aspects comme la santé sexuelle et reproductive, les troubles musculo-squelettiques, les cancers professionnels, la charge mentale ou encore les violences sexuelles et sexistes, était jusqu'à présent peu étudiée sous l'angle des politiques de santé publique.

La délégation a choisi de mener ses travaux sous forme d'auditions et tables rondes thématisées. Ce sont ainsi treize auditions plénières dont dix tables rondes, qui ont été organisées, portant notamment sur la prise en compte de la santé sexuelle et reproductive par les employeurs et les aménagements possibles (meilleure prise en compte des symptômes liés à la ménopause ou à l'endométriose, congé menstruel, jours d'absence dans le cadre d'un parcours de PMA ou à la suite d'une fausse couche etc. le 2 mars 2023), la sous-estimation des risques professionnels touchant les femmes (en particulier les troubles musculo-squelettiques, les cancers professionnels, la charge mentale, etc. le 23 mars 2023), les professions féminisées (métiers de la santé et du care, de l'entretien, de la grande distribution, du mannequinat et de la représentation les 6 et 13 avril 2023) ou encore les violences sexuelles et sexistes au travail (le 4 mai 2023).

Parmi les six auditions des rapporteures, on retiendra particulièrement celle, le 6 juin 2023, de Karim Bouamrane, maire de Saint-Ouen, qui a mis en place un congé menstruel pour les agentes de sa commune.

Deux déplacements ont en outre été organisés dans le cadre de cette étude :

- à Rennes le 1er juin 2021 afin de rencontrer des acteurs locaux de la prévention et de la santé au travail (Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités, Dreets, Conseil d'orientation régional des conditions de travail, Croct, Aide aux entreprises pour améliorer les conditions et la qualité de vie au travail des salariés, Aract) et d'échanger autour de l'expérimentation « prise en compte du genre dans les diagnostics et actions de prévention » menée dans le secteur du transport de voyageurs et de l'agroalimentaire en Bretagne ;

- à l'hypermarché Carrefour de la Porte d'Auteuil le 6 juin 2023, afin de constater sur place l'impact pour les salariées des mesures annoncées au mois d'avril 2023 par Alexandre Bompard, PDG du groupe, en matière de santé sexuelle et reproductive (autorisation de douze journées d'absence aux femmes souffrant d'endométriose, de trois jours à la suite d'une fausse couche et d'une journée pour les femmes ayant recours à la PMA au moment du transfert d'embryon). Ce déplacement a fait l'objet d'une vidéo publiée sur le site du Sénat et les réseaux sociaux le 20 juin 2023.

Ce sujet de fond a été mené en parallèle d'une riche actualité législative : on comptabilise en effet 3 propositions de loi24(*) déposées au Parlement sur le congé menstruel au printemps 2023.

Examiné en délégation le 27 juin 2023, le rapport a été présenté à la presse le 28 juin 2023.

Santé des femmes au travail : des maux invisibles
Rapport d'information n° 780 du 27 juin 2023

Annick Billon
Laurence Cohen
Annick Jacquemet
Laurence Rossignol

Faisant le constat d'un défaut durable et préjudiciable d'approche genrée en matière de santé au travail, conduisant à une méconnaissance et à une sous-estimation des risques professionnels touchant les femmes, le rapport a formulé 23 recommandations autour de trois grands axes :

- chausser systématiquement les lunettes du genre ;

- développer et adapter la prévention à destination des femmes ;

- mieux prendre en compte la santé sexuelle et reproductive au travail, en particulier les pathologies menstruelles incapacitantes et les symptômes ménopausiques.

Ce rapport a été remis à Isabelle Lonvis-Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, le 5 juillet 2023.


* 15 Loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

* 16 Rapport d'information n° 603 (2021-2022) du 6 avril 2022.

* 17 Loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

* 18 Texte n° 88 (2022-2023) adopté par le Sénat le 5 avril 2023, déposé à l'Assemblée nationale le 6  avril 2023 (n° 1072, XVIe législature).

* 19 Femmes et ruralités : élues locales, le Sénat vous consulte ! | participation.senat.fr

* 20  https://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/redaction_multimedia/2021/2021_Infographies/20211014_Femmes_et_ruralites_Infographie.pdf

* 21 Texte n° 280 (2021-2022).

* 22 Texte n° 260 (2022-2023).

* 23 Résolution du Sénat n° 65 (2022-2023).

* 24 Proposition de loi (PPL) n° 537 rectifiée (2022-2023) visant à améliorer et garantir la santé et le bien-être des femmes au travail déposée au Sénat le 18 avril 2023, PPL n° 1219 (XVIe législature) relative à la prise en compte de la santé menstruelle, déposée à l'Assemblée nationale le 10 mai 2023, annonce du dépôt à l'Assemblée nationale le 26 mai 2023 d'une PPL pour l'instauration d'un congé menstruel, déposée par nos trois collègues députés écologistes, Sébastien Peytavie, Sandrine Rousseau et Marie-Charlotte Garin.

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