B. SEPT RECOMMANDATIONS POUR CONSTRUIRE UNE POLITIQUE PUBLIQUE DE SIMPLIFICATION AFIN D'ALLÉGER LE FARDEAU ADMINISTRATIF PESANT SUR LES ENTREPRISES FRANÇAISES

1. Engager une politique de long terme, partagée par tous les pouvoirs publics
a) Inscrire dans la durée une simplification des normes applicables aux entreprises

La politique de simplification doit d'abord être pérenne, survivre aux alternances, sanctuarisée et transpartisane.

Le rapport du Sénat sur la loi de simplification du droit de 2007228(*) soulignait déjà que : « La simplification du droit doit être une démarche permanente. Pour ce faire, il est donc nécessaire que des organes d'impulsion et de suivi pérennes et efficaces puissent assurer la coordination des démarches de simplification du droit dans l'ensemble des administrations ».

Il est tout autant regrettable que la loi de simplification de mai 2011 ait supprimé le conseil d'orientation de la simplification administrative (COSA), créé en 2003 par la première loi de simplification du droit, au motif qu'il ne se réunissait plus depuis plusieurs années, et que le Conseil de simplification pour les entreprises, expérimenté en 2014-2017, n'ait pas été pérennisé, en dépit de la proposition de loi de septembre 2017 issue des travaux de la délégation aux Entreprises.

Pour donner l'impulsion politique nécessaire à l'atteinte des objectifs du choc de simplification annoncé en 2014, un Secrétaire d'État auprès du Premier Ministre à la Réforme de l'État et à la Simplification est nommé, à compter de juin 2014. Cependant, trois personnalités se sont succédés et la volonté simplificatrice s'est rapidement diluée. L'organisation de l'administration centrale en matière de simplification a été également instable.

Cette démarche de simplification doit s'inscrire dans le temps long. Elle n'est pas sans rappeler la planification qui tendait à s'affranchir du court terme, en insistant sur le caractère interministériel et pluriannuel de l'action publique, sachant que « l'action publique, telle qu'elle est aujourd'hui conçue et mise en oeuvre, se passe d'un « plan d'ensemble » qui intégrerait la totalité des enjeux et des dimensions, misant plutôt sur des outils de programmation thématiques, reliés entre eux par un cadre général centré sur les enjeux budgétaires et sur la régulation plus ou moins rigide des initiatives privées »229(*).

Puisqu'il existe une programmation pluriannuelle des finances publiques, il peut y avoir une programmation pluriannuelle de la simplification au bénéfice des entreprises.

Ce temps long est aussi celui de l'évaluation, qui doit devenir un « véritable outil de débat démocratique et de décision », selon le rapport que le Conseil d'État lui a consacré en 2020. Or, « le temps de l'évaluation n'est pas celui de l'action politique. Le temps de la décision politique s'accélère, alors que le temps de l'évaluation n'est pas compressible à l'infini ». C'est la raison pour laquelle la politique de simplification doit être cyclique, avec des allers-retours permanents entre le programme d'action et son évaluation.

Un maximum de normes doit être englobé dans ce programme de simplification qui doit être le plus large possible en prenant en considération l'ensemble de la hiérarchie des normes. Les autorités indépendantes régulant des secteurs économiques doivent être invitées à présenter leurs recommandations de simplification, y compris en matière de « droit souple ».

Avant de lancer une politique de simplification, il convient au préalable de se doter d'une méthodologie rigoureuse et partagée entre toutes les parties prenantes de l'évaluation, pour, en priorité :

ü Identifier les « normes » applicables aux entreprises, aux « droits », « codes », « régimes », « règles », « dispositions », « dispositifs », auxquelles s'ajoutent les « conditions d'accès », « obligations », « procédures », « démarches », « formalités », « formulaires », « pièces justificatives », « contrôle administratif ».

ü En se plaçant du point de vue de l'entreprise, recenser le stock exact de normes actuellement applicables aux entreprises.

ü Construire un agrégat des normes applicables aux entreprises, permettant, à partir d'un « moment zéro », par exemple le 1er janvier 2025, de mesurer son évolution, facilitant les comparaisons européennes, afin de fixer un objectif d'allégement de leur poids.

Recommandation  : évaluer le poids des normes.

b) Faire partager la politique de simplification par tous les acteurs de la fabrication de la norme

La démarche de simplification pour les entreprises doit ensuite être portée au plus haut niveau de l'État, non partisane, et être partagée par tous les auteurs de la norme :

Le Parlement, avec le vote, tous les 5 ans, d'une loi de programmation de la simplification des normes applicables aux entreprises.

Les lois de programmation constituent une catégorie particulière de normes. Elles ont pour objectif d'associer le Parlement à la définition des objectifs de l'action du Gouvernement dans tous les domaines. Elles doivent comporter un catalogue d'objectifs, qualitatifs ou quantitatifs. Elle permet la consultation du Conseil économique, social et environnemental, obligatoire pour les avant-projets de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental. Leur objectif doit être une réduction de 25 % des coûts de la charge administrative pesant sur les entreprises d'ici 2035, soit en dix ans. La première loi devra donc être votée avant le 1er janvier 2025.

Par ailleurs, afin de mobiliser l'ensemble du Parlement, seraient présentés, en début de chaque législature à l'Assemblée nationale comme au Sénat, les objectifs, missions et le programme de simplification par le Conseil national de simplification pour les entreprises, avec des indicateurs de suivi. Cette présentation pourra être déclinée dans les commissions parlementaires concernées afin de diffuser une culture partagée de la simplification.

Le gouvernement et le Président de la République, avec la discussion, tous les 6 mois, de l'état d'avancement du programme de simplification en Conseil des ministres, en s'inspirant du pilotage « de la mise en oeuvre effective des réformes prioritaires du Gouvernement et de la diffusion dans les administrations du pilotage par l'impact et la culture du dernier kilomètre » 230(*).

Ces points d'étape réguliers permettront d'impliquer le Président de la République et d'associer l'ensemble du Gouvernement. L'exécutif pourra ainsi donner une impulsion politique forte au programme de simplification dans tous les départements ministériels et les administrations.

Seul l'engagement constant du Président de la République et son attention continue sont, dans notre système institutionnel, les gages de réussite de cette politique de simplification qui doit s'inscrire dans le temps long.

Le Conseil d'Etat, la Cour de cassation, la commission supérieure de codification, tout comme les autorités indépendantes, doivent émettre régulièrement des propositions de simplification des normes dans leurs domaines respectifs, lors de la publication de leurs rapports annuels.

Les entreprises et les salariés doivent être associés, avec la discussion, tous les 2 mois, de l'état d'avancement du programme de simplification, au sein du Conseil économique social et environnemental puis au sein du le Conseil national de simplification pour les entreprises, permettant d'instituer une concertation permanente avec toutes les parties prenantes avec la participation des organisations représentatives des entreprises (MEDEF, CPME, METI, U2P, CCI France) mais également des organisations représentatives des salariés. Elles pourraient ainsi présenter leurs demandes et recommandations de simplification.

L'administration doit se mobiliser en faveur de la simplification des normes applicables aux entreprises, avec la création d'un Haut-commissaire à la simplification, directement rattaché au Premier ministre, et collaborant étroitement, d'une part, avec le Secrétaire général du Gouvernement et, d'autre part, avec le Secrétaire général pour les affaires européennes, pour la prévention des surtranspositions de directives européennes.

Recommandation  : engager une politique publique de long terme associant tous les acteurs de la norme :

ü Voter une loi de programmation de la simplification des normes applicables aux entreprises d'une durée de cinq ans, pouvant être ajustée à mi-parcours ;

ü Discuter en Conseil des ministres, tous les 6 mois, de l'état d'avancement du programme de simplification ;

ü Débattre au sein du Conseil national de simplification pour les entreprises, tous les 2 mois, de l'état d'avancement du programme de simplification entre les parties prenantes. Les autorités indépendantes, le Conseil d'État, la Cour de cassation et la Commission supérieure de codification, seront incités à présenter leurs recommandations de simplification.

2. Créer un Conseil national de simplification pour les entreprises

Suite au précédent rapport de la délégation aux Entreprises consacré à la simplification, une proposition de loi organique231(*) avait été déposée en 2017 afin de « durcir » le contenu des études d'impact en ajoutant :

- l'évaluation des coûts induits par le projet de loi pour les entreprises et les collectivités territoriales, en indiquant la méthode de calcul retenue ;

- l'apport des dispositions envisagées en termes de simplification du droit, y compris en ce qui concerne le choix des dates d'entrée en vigueur ;

- les mesures prévues pour faciliter l'évaluation de la loi dans un délai de cinq ans après son entrée en vigueur,

- et en l'étendant aux projets de loi tendant à la transposition d'un acte législatif européen qui excèdent les exigences minimales de cet acte et en prévoyant son actualisation, après la première lecture par chaque assemblée, du projet de loi auquel il se rapporte.

Le contrôle de la qualité de l'étude d'impact était abordé par une proposition de loi232(*), qui entendait reconduire le Conseil de la simplification pour les entreprises, mais en renouvelant ses missions et sa composition, afin qu'il assure une contre-expertise indépendante des études d'impact produites par l'administration.

La délégation aux Entreprises du Sénat renouvelle cette recommandation, en proposant la création d'une agence, autorité indépendante, distincte, d'une part, du Conseil national d'évaluation des normes, et d'autre part, du Conseil national parlementaire d'évaluation dont la création est envisagée par l'Assemblée nationale233(*).

Le CNEN aurait pu être doté d'un collège distinct, afin de traiter les normes applicables aux entreprises en plus de la mission qu'il conduit depuis 2013 en direction des normes applicables aux collectivités locales. Cependant, les deux champs relèvent de problématiques spécifiques, avec une dimension davantage économique que juridique s'agissant des normes applicables aux entreprises, dans un rapport d'autonomie entre des émetteurs de normes publiques et des acteurs privés chargés de les appliquer.

Par ailleurs, la simplification des normes relève moins de l'évaluation que de l'action publique. Les temporalités sont différentes. La simplification doit intervenir ex ante alors que l'évaluation est ex post. L'indépendance de l'évaluation, amenée à juger les études d'impact des projets de loi ou d'amendements du Gouvernement, serait par ailleurs difficilement compatible avec le fait majoritaire. C'est la raison pour laquelle le choix a été fait de proposer une nouvelle autorité indépendante.

Son président sera nommé en conseil des ministres, au titre de l'article 13 de la Constitution, permettant ainsi au Parlement, lors des auditions en vue de sa confirmation, d'être sensibilisé au programme de simplification dès le processus de sa nomination. Pour asseoir son indépendance, il serait nommé pour cinq ans dans la foulée de l'élection présidentielle.

Le Conseil national sera composé de chefs d'entreprise, qui y seront majoritaires, et de fonctionnaires, pour un mandat de 5 ans non renouvelable.

Pour élaborer son programme de simplification, elle sera épaulée par un conseil scientifique comprenant les parties prenantes de l'administration et de l'évaluation234(*).

Le rôle du Conseil national serait le suivant :

4. assurer le dialogue avec le monde économique et contribuer à la participation des entreprises à la conception et à la mise en oeuvre des mesures de simplification ;

5. proposer au gouvernement des axes prioritaires de simplification et le conseiller sur toute solution innovante ou mesure nouvelle de nature législative, réglementaire ou administrative qui lui semblerait devoir être retenue ;

6. suivre les réalisations du programme de simplification pour les entreprises et réaliser, directement ou indirectement, l'évaluation de ses résultats ;

7. contribuer à faire connaître les résultats obtenus auprès des entreprises, des organisations professionnelles et du grand public235(*) ;

8. donner un avis236(*) pour chaque projet de loi (y compris les projets de lois de transposition de directive), d'ordonnance ou de décret créant une charge nouvelle significative (avec un seuil à déterminer : 10 millions ?) pour les entreprises. En cas d'avis négatif, le Gouvernement devra « transmettre un projet modifié ou des informations complémentaires en vue d'une seconde délibération »237(*). L'avis sera rendu public en étant annexé à l'étude d'impact.

Le Conseil national ne pourra se prononcer sur la finalité et l'opportunité de la norme.

Il disposera de moyens humains et budgétaires conséquents.

Il disposera, en tant que de besoin, de l'assistance de la Cour des comptes, de l'INSEE et de France Stratégie. Il pourra mener des études conjointes avec ces derniers, ainsi qu'avec le Conseil économique, social et environnemental.

Il devra également travailler en étroite collaboration avec le Délégué interministériel aux normes, lequel fixe, par délégation du Ministre chargé de l'industrie, les grandes directives générales de la normalisation et exerce la tutelle du Ministre de l'industrie sur les activités de l'AFNOR.

Il disposera du pouvoir d'autosaisine et pourra être également saisi par les commissions parlementaires ainsi que par les organisations patronales et syndicales, pour évaluer l'impact économique des propositions de lois, sur les entreprises.

S'agissant du Conseil national d'évaluation des normes, une proposition de résolution du Sénat238(*) propose de le rattacher aux services du Premier ministre, de le rapprocher de l'INSEE et souhaite également que ses avis soient inclus dans les études d'impact.

Si la quantification des coûts de conformité supportés par les entreprises était réalisée par l'INSEE, les moyens de ce dernier devraient être substantiellement renforcés afin de recruter des agents supplémentaires.

Consultées le 30 mai, les organisations représentatives des entreprises se sont déclarées favorables à cette orientation, de même que la CFDT qui s'est également prononcée pour : « un processus qui permette non seulement d'évaluer les normes en aval, mais également de les co-construire en amont, afin de viser un « mieux de normes ». La question de créer une instance ad hoc ou de confier cette mission aux différentes instances compétentes selon les champs doit être expertisée »239(*).

3. Nommer un Haut-commissaire à la simplification pour les entreprises

Pour animer l'esprit et diffuser la culture de la simplification économique dans les ministères et leurs administrations, un Haut-commissaire à la simplification économique doit être créé.

Deux options sont envisageables :

- soit il a un rang ministériel, afin de lui permettre de participer aux conseils des ministres. Cependant, l'action de simplification doit s'inscrire dans la durée, indépendamment de l'action politique de court terme ;

- soit, sans faire partie du gouvernement, il occupe une place singulière et éminente dans l'administration, en étant placé auprès du Président de la République afin d'être l'interlocuteur régulier, d'une part, du Secrétaire général du Gouvernement et, d'autre part, du Secrétaire général pour les affaires européennes, pour la prévention des surtranspositions de directives européennes

Le dispositif doit s'inspirer du décret n°2020-1101 du 1er septembre 2020 instituant un Haut-commissaire au plan240(*), en s'inscrivant dans la logique de la deuxième option.

Il pourrait être épaulé par un réseau de correspondants dans chaque ministère, chaque autorité indépendante ou agence de l'État.

Le Haut-commissaire sera responsable :

- de la coordination interne en vue de la production des études d'impact, en mobilisant les compétences des corps de contrôle,

- de la revue périodique du stock de normes et de procédures d'autorisation afin d'en vérifier la pertinence,

- de la construction d'un agrégat du coût des normes pour les entreprises,

- de l'évaluation ex-post des normes créées afin de déterminer si leur application est conforme à l'objectif initial.

Il devra pouvoir disposer du concours de France Stratégie et des administrations et services de l'État susceptibles de contribuer à l'accomplissement de sa mission. Il sera rattaché, pour sa gestion administrative et financière, au Secrétaire général du Gouvernement . Les moyens de fonctionnement liés à sa mission, notamment les crédits de personnel, seront inscrits au budget du Premier ministre. Ses services, dirigés par un secrétaire général, comportera une structure centrale légère, et des correspondants à la simplification économique dans les principaux ministères concernés241(*).

Le Haut-commissaire assurera par ailleurs le secrétariat du Conseil national de la simplification pour les entreprises.

Recommandation  : conduire une politique de simplification au sein de l'administration d'État associant les entreprises :

ü Créer, par la loi, un Conseil national de simplification pour les entreprises ;

ü Nommer un Haut-commissaire à la simplification pour les entreprises, pour cinq ans, en conseil des ministres, et désigner dans les ministères, établissements publiques et agences de l'État concernés un correspondant à la simplification.

4. Renforcer l'association des entreprises aux normes les concernant en instaurant un principe de différenciation
a) Mieux consulter les entreprises

L'État doit davantage consulter les représentants des organisations patronales et syndicales sur les réformes et les normes d'une ampleur significative ayant un impact sur les entreprises.

Un engagement comparable a été pris par les instances européennes depuis le paquet « Mieux légiférer » présenté en mai 2015. L'accord interinstitutionnel qui en découle, du 13 avril 2016, prévoit ainsi de renforcer les consultations publiques : « La Commission mènera, avant l'adoption d'une recommandation, des consultations publiques d'une manière ouverte et transparente, en veillant à ce que les modalités et les délais dont elles seront assorties permettent une participation la plus large possible. La Commission encouragera en particulier la participation directe des PME et des autres utilisateurs finals aux consultations. Il s'agira notamment de consultations publiques sur l'internet. Les résultats des consultations du public et des parties intéressées sont communiqués sans tarder aux deux colégislateurs et rendus publics. »

L'appréciation des conséquences économiques d'une réglementation pose toutefois une double difficulté : celle de sa temporalité et celle de la capacité de l'administration à l'effectuer.

D'une part, l'évaluation ex ante du coût pour les entreprises d'une norme requiert en effet un temps peu compatible avec les processus de décision. D'autre part, les services juridiques des administrations qui écrivent la norme sont parfois dépourvus des ressources et des compétences pour évaluer son impact économique. Le rapport de Bruno Lasserre de 2004, avait parfaitement analysé cette double difficulté :

« La première tient à la capacité actuelle des administrations productrices de normes à y procéder. Si ces capacités existent dans certains ministères, dotés de services d'évaluation ou de services statistiques, ce n'est pas le cas général et dans ceux qui en sont dotés le recours à ces services pour procéder à des études ex ante n'est pas une étape habituelle dans le processus réglementaire. Par ailleurs, des études économiques sont évidemment effectuées en dehors de l'administration (universités, structures privées) pour éclairer, voire justifier des réglementations de nature économique mais elles ne sont pas toujours accessibles, soit qu'elles restent confidentielles, soit qu'elles interviennent trop tard (pour les études ex ante à une étape du processus de réglementation qui ne permet plus à l'auteur de la norme d'en tenir compte) ou ne répondent pas toujours à des préoccupations de l'administration. En résumé, le temps des études économiques n'est aujourd'hui, en France, pas le même que celui de la réglementation ».

Quant à la seconde difficulté, « qui tient aux controverses que ces études économiques sont susceptibles de faire naître dans l'opinion, ce qui n'incite guère, en contrecoup, les administrations à y procéder et à les mettre sur la place publique », elle constitue, au contraire, la principale faiblesse de l'étude d'impact, à savoir sa « non-discutabilité ». C'est la raison pour laquelle la commission des Lois du Sénat, récemment saisie d'une proposition de loi organique visant à améliorer la qualité des études d'impact des projets de loi242(*) a émis, à juste titre, des « réserves fondamentales persistantes » sur le régime actuel des études d'impact, récusant « l'idée d'une évaluation neutre, technique et objective de l'impact d'une loi, alors que l'initiative d'une loi est d'abord un acte politique par excellence et que l'on peut considérer que l'impact d'un projet de loi est précisément l'objet du débat parlementaire. La nécessité de légiférer ne peut pas être dictée de façon systématique par des arguments techniques, sauf à priver le débat politique et parlementaire de toute utilité, au motif qu'une loi qui présenterait un impact présenté comme étant positif ne pourrait être qu'approuvée ». L'étude d'impact ne peut alimenter « un discours positif qui surplomberait voire transcenderait toutes les oppositions politiques pour présenter de manière totalement objective des vérités qui s'imposeraient à tous ».

Le rapport Lasserre de 2004 tirait donc la conséquence logique des difficultés recensées en enjoignant l'administration « d'admettre que la réalisation d'études de coûts demande du temps (et a elle-même un coût) et a donc nécessairement comme conséquence d'allonger le processus de décision, quelle qu'en soit l'issue ». La culture administrative doit évoluer profondément en acceptant de s'ouvrir davantage au monde économique afin de mieux tenir compte de ses contraintes. Il n'est plus possible de construire des politiques publiques, de proposer des réformes globales ou des mesures ponctuelles qui auront un impact sur les millions d'entreprises sans consultation préalable de leurs représentants ou sans la constitution de panels représentatifs.

La concertation, qui a succédé à l'économie dirigée243(*), doit être systématique, car le droit négocié est plus efficace dans le domaine économique qu'un droit imposé, comme le succès de la normalisation l'a montré. Elle doit se réaliser au stade de l'élaboration même de la décision, au niveau global (aspect macroéconomique), de la branche d'activité (aspect sectoriel) et de l'entreprise (aspect microéconomique).

La consultation des intérêts privés doit participer à la construction de l'intérêt général pour créer les conditions d'une organisation efficace et efficiente de l'économie.

b) Mieux différencier les normes applicables aux entreprises

L'article premier de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale a intégré dans le code général des collectivités territoriales le principe suivant :

« Art. L. 1111-3-1.-Dans le respect du principe d'égalité, les règles relatives à l'attribution et à l'exercice des compétences applicables à une catégorie de collectivités territoriales peuvent être différenciées pour tenir compte des différences objectives de situations dans lesquelles se trouvent les collectivités territoriales relevant de la même catégorie, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit proportionnée et en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. »

La loi reconnaît désormais que les règles relatives à l'attribution des compétences des collectivités territoriales et à leur exercice, applicables à une catégorie de collectivités territoriales, peuvent être différenciées dans le respect du principe d'égalité.

En s'inspirant de cette avancée, et en s'appuyant sur l'avis du Conseil d'Etat du 6 mai 2021, selon lequel « la différenciation ne peut être le fait d'un seul texte particulier. Elle relève bien davantage d'un processus et d'une action au long cours, qui touche à l'élaboration des normes législatives et règlementaires », le principe de différenciation des normes selon la taille de l'entreprise doit être reconnu et intégré dans toute l'action normative.

Recommandation  : renforcer l'association des entreprises aux normes les concernant et mieux différencier les normes selon la taille de l'entreprise :

ü La concertation doit être systématique, car le droit négocié est plus efficace dans le domaine économique qu'un droit imposé. Elle doit se réaliser au stade de l'élaboration même de la décision, au niveau global (aspect macroéconomique), de la branche d'activité (aspect sectoriel) et de l'entreprise (aspect microéconomique).

ü La norme doit être différenciée selon la taille de l'entreprise, en s'inspirant du droit à la différenciation reconnu aux collectivités territoriales par la loi « 3DS » n° 2022-217 du 21 février 2022.

5. Expérimenter, tester, évaluer
a) Faire de l'étude d'impact un moyen de renforcer, dans l'administration, l'analyse des coûts économiques des normes applicables aux entreprises

Les études d'impact devant pouvoir présenter les résultats de cette concertation qui doit se traduire par une approche plus qualitative, à savoir l'impact de la future norme sur l'organisation des entreprises.

C'est la raison pour laquelle l'évaluation du coût d'une norme pour les entreprises doit débuter dès l'annonce d'une politique publique, qui doit être systématisée lors de la communication du ministre concerné, en partie C du compte-rendu du conseil des ministres, afin de réaliser également les concertations nécessaires et de procéder au « test PME » déjà évoqué. Dans l'idéal, cette communication pourrait donner lieu à un débat d'orientation au Parlement, afin de discuter des options proposées par l'étude d'impact qui serait présentée oralement par le Gouvernement lors de la première lecture du projet de loi devant chaque assemblée et serait actualisé, en tant que de besoin, au cours de la navette parlementaire.

L'autre difficulté des études d'impact est liée au fait que l'analyse des coûts économiques d'une norme peut difficilement être réalisée par le service juridique de l'administration concernée. Le rapport Lasserre de 2004 proposait en conséquence de mutualiser les ressources disponibles autour d'un « pôle de compétences » économiques.

Lors de son audition du 9 mars, M. Charles Touboul maître des requêtes au Conseil d'État, rapporteur pour l'étude du Conseil d'État de 2016, a convenu que : « Pour être meilleurs, il nous faudrait de meilleurs outils de mesure de cette charge administrative. Si le travail n'a pu être mené au Conseil d'État, en toute franchise, c'est aussi parce que nous sommes plus loin de nos bases. Mesurer l'impact économique, social et parfois environnemental d'une norme n'est plus du droit. Nous sommes de bons contrôleurs, mais pas des « faiseurs », et de ce fait, sommes moins armés pour faire des préconisations dans ce domaine ».

Le pôle de compétence, évoqué dans le rapport Lasserre de 2004, aurait été chargé :

- d'apporter un appui technique pour l'évaluation économique (coopération au cas par cas avec les services d'évaluation, élaboration de guides méthodologiques par type d'analyse ou par secteur) ;

- d'assurer, à la demande, le contrôle de qualité des études d'impact. Les expériences étrangères montrent que la légitimité de ce pôle de compétence repose sur trois piliers : (1) sa capacité d'expertise (expertise juridique et économique), (2) sa neutralité vis-à-vis des autorités réglementaires et (3) sa proximité du centre décisionnel. Ces contraintes s'avérant assez souvent incompatibles entre elles, notamment les deux dernières, les pays précurseurs ont en général adopté une attitude pragmatique, retenant une solution de second rang par rapport à ce schéma idéal.

L'enjeu à ce stade étant de construire un dispositif rapidement opérationnel, la solution suivante pourrait être envisagée : le SGG agirait comme une tête de réseau et déléguerait ses missions d'appui méthodologique et de contrôle de qualité à un pôle économique. La certification de la qualité de l'étude serait assurée à la demande du SGG ou du ministère. Le principe d'unicité du pôle doit être rappelé dans la mesure où il permet une normalisation des études d'impact ainsi qu'une accumulation d'expérience. Le critère de choix de ce pôle doit clairement être le professionnalisme, ce qui implique pour l'expertise économique le recours à des micro-économistes ayant une pratique transsectorielle de l'évaluation.

Avant qu'un véritable pôle soit créé, le SGG et les ministères seraient autorisés à faire directement appel et sans formalisme particulier, au cas par cas, à ces experts, qui pourraient être choisis au sein de la direction de la Prévision et de l'Analyse économique et qui, progressivement, contribueraient à sa création.

Source : Rapport « Pour une meilleure qualité de la règlementation », 1er mars 2004.

Cependant, cette voie interne à l'administration n'est pas susceptible d'assurer un contrôle efficace de l'évaluation du coût de la norme, car ce coût, évalué par l'administration sur le plan théorique, doit être confronté à la réalité de la vie des entreprises et donc soumis à l'appréciation concrète des parties prenantes de l'entreprise. Toute norme ayant des conséquences sur la vie de l'entreprise doit pouvoir être évaluée par les organisations patronales, tout comme « toute norme ayant des conséquences sur les droits, garanties et conditions de travail des salariés devrait pouvoir être évaluée par les syndicats »244(*).

L'étude d'impact doit :

- être engagée au plus tôt, dès l'annonce d'une réforme législative ou d'une politique publique ayant un impact significatif sur les entreprises, d'un montant supérieur à 10 000 euros pour les PME, 100 000 euros pour les ETI et 1 million pour les grandes entreprises ;

- être étendue aux amendements du Gouvernement, déposés au cours de la navette parlementaire et ayant un impact significatif sur les entreprises ;

- être réalisée par un service mutualisé, interministériel, placé auprès du SGG, pour appuyer les administrations centrales dans cet exercice et principalement pour évaluer la charge des normes pour les entreprises. L'analyse doit être économique et non juridique ;

- être complétée par une évaluation régulière du stock des normes, des procédures et des autorisations administratives, aux moments clés de la vie des entreprises, par les administrations principalement concernées.

b) Développer l'expérimentation dans le champ économique

L'expérimentation doit être davantage utilisée pour tester des innovations, accélérer et simplifier les procédures et évaluer la pertinence de la réglementation. Celle-ci devrait être adaptée pour ne pas bloquer la diffusion d'une innovation performante pour contribuer de manière conséquente à atteindre un ou plusieurs des objectifs de développement durable.

L'adaptation au changement climatique, l'impératif de décarbonation, le rétablissement de la biodiversité constituent des enjeux structurels fondamentaux pour la préservation de notre société et des niveaux de vie. Ils exigent des innovations fondamentales. Il est indispensable que les innovations puissent être vite testées en levant des réglementations qui les bloquent.

Or, selon M. Vincent Assilloux, de France Stratégie245(*) : « Nous n'avons pas une utilisation du concept de « Bac à sable » aussi fréquent et simple que dans les autres pays. Il est très long et complexe de pouvoir avoir l'autorisation d'expérimenter une innovation et pour cela d'exonérer l'entreprise de certaines réglementations qui sont bloquantes ou qui freinent la mise en oeuvre de l'innovation. Bien entendu, nous avons la procédure France Expérimentation, mais elle est longue : plus d'un an pour faire valider l'exonération d'une réglementation et par ailleurs c'est encore plus long lorsque c'est une norme législative ».

En effet, « la culture juridique française, empreinte d'égalité, de centralisation, de cartésianisme et de légicentrisme, a pu se montrer réticente au développement d'un droit expérimental qui est par nature temporaire, inégal, tâtonnant » a pu constater le Conseil d'État dans son étude de 2019 consacrée à l'expérimentation246(*). Par ailleurs, comme l'a fait remarquer Mme Laure de la Raudière, ancienne députée247(*), « les entreprises ayant besoin de prévisibilité, l'expérimentation pourrait être utilisée davantage afin de permettre des dérogations ».

La loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 a donné un ancrage constitutionnel aux expérimentations avec un nouvel article 37-1 précisant que « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ».

Sa méthodologie repose sur les principes suivants :

- la définition précise des hypothèses et des objectifs poursuivis,

- la fixation d'un délai suffisant pour dégager des résultats probants,

- la constitution éventuelle d'un échantillon, et, ou la collecte de données permettant des comparaisons pertinentes,

- la détermination, en amont de l'expérimentation, de ses critères de succès et de ses modalités d'évaluation.

Entre 2003 et le 29 juin 2019, 269 expérimentations248(*) ont été réalisées, dont 153 sont en cours en 2019, avec une accélération depuis 2017 puisque la période 2017-2019 compte 30 % du nombre total d'expérimentations. S'agissant des suites données, 28 d'entre elles ont été généralisées à l'ensemble du territoire ou de la population et 23 ont été abandonnées, à l'issue ou non d'une évaluation. En revanche, pour 65 expérimentations, aucune information sur leurs issues n'est disponible ou n'a pu être transmise249(*).

Si la très grande majorité des politiques publiques a fait l'objet d'au moins une expérimentation trois domaines de l'action publique représentent 75% des expérimentations fondées sur cet article : les politiques sociales, l'action régalienne et l'éducation nationale. L'économie, avec seulement 14 expérimentations, n'arrive qu'en 8ème position.

Le champ économique a été particulièrement frileux puisqu'il faut attendre la création en 2016 de France Expérimentation250(*) pour que soient réalisées trois expérimentations entre 2016 et 2018. Élargi en 2018251(*), il faut attendre la loi PACTE du 22 mai 2019 pour autoriser cinq nouvelles expérimentations issues du deuxième appel à projet de France Expérimentation. Le Conseil d'État relevait que, en 2019, « la technique expérimentale pourrait être davantage utilisée en matière de fiscalité, s'agissant des éléments incitatifs de la fiscalité, qui n'ont, semble-t-il, jamais fait l'objet d'une expérimentation ».

Comme le souligne cette dernière étude, la montée récente des expérimentations pourrait même s'analyser comme un renoncement à s'attaquer de manière déterminée à la complexité normative : « ce recours accru est aussi un symptôme de la complexité et de la rigidité de notre système normatif. Parce que les lois et règlements sont trop nombreux, trop détaillés, trop complexes, laissent une place insuffisante aux objectifs, au pouvoir règlementaire local, l'action publique et privée, particulièrement quand elle est innovante, se heurte fréquemment à une norme. On recourt à l'expérimentation pour trouver une voie de dérogation dans l'optique, à terme, d'améliorer le cadre normatif. Ce n'est pas toujours la bonne voie : mieux vaut parfois simplifier directement que multiplier les dérogations ».

Pourtant, s'agissant de la vie des entreprises, l'expérimentation apparaît particulièrement justifiée pour lever une incertitude sur la pertinence, l'efficacité ou les modalités de mise en oeuvre d'une mesure. Elle permet d'acquérir les données nécessaires pour prendre la décision finale et de s'assurer que toutes les dimensions d'un problème et conséquences d'une réforme auront bien été prises en compte.

c) Rendre obligatoire le « test PME »

Le recours au « test entreprise » doit être systématisé.

Expérimentation et « test entreprise » sont distincts et complémentaires :

- le « test entreprise » devrait être systématisé pour toutes les normes créant une charge importante pour les entreprises, dans l'objectif de confronter l'étude d'impact théorique de sa mise en oeuvre concrète avec une évaluation « grandeur nature » sur un panel de textes concernant directement les entreprises ;

- l'expérimentation devrait être utilisée dans l'objectif de simplifier, de « faire mieux avec moins ».

Alors que la méthode du « test PME » était considérée comme rodée en 2014252(*), elle n'a pas réellement prospéré.

Expérimenté début 2013 sur les décrets d'application relatifs à la banque publique d'investissement (BpiFrance), le « test PME » avait permis, par la suite, de simplifier plusieurs projets d'actes réglementaires et d'observer des éléments qualitatifs que la simple évaluation théorique ne faisait pas ressortir. Il offre la possibilité d'affiner les projets de textes réglementaires et de prévoir la mise en place, dès le début, de mesures d'accompagnement permettant d'atteindre les objectifs assignés.

Comme l'avait préconisé la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la simplification administrative en 2014, il peut être rendu obligatoire, pour les textes législatifs, et selon l'objet de la réforme envisagée, de réaliser un « test entreprises », ce type de test ne devant pas concerner les seules PME. Il doit également permettre de tester, au-delà du coût de la norme, sa compréhension par les entreprises.

Cette orientation s'est heurtée précédemment à de fortes réticences administratives, empêchées par notre culte de l'égalité : « C'est compliqué, cela met en en cause le principe d'égalité, on va entendre les usagers demander pourquoi on peut bénéficier du guichet unique en Seine-et-Marne et pas en Haute-Loire. Ce qui nous manque, très souvent, c'est l'idée qu'avant de généraliser un système, avant de faire (...) le grand soir de la simplification, il faut plus modestement commencer par des expérimentations, des tâtonnements et apparemment, c'est ce qui a été réalisé avec succès lors de la mise en place du prélèvement à la source. Il faudrait plus systématiquement montrer qu'on a expérimenté ou au moins testé concrètement un dispositif sur le terrain. (...) Il faudrait faire rentrer dans notre culture administrative l'idée qu'avant de généraliser, on teste et on essaye de voir ce qui marche et ce qui marche pas » a ainsi estimé M. Fabien Raynaud, conseiller d'État, lors de son audition du 9 mars.

Le « test PME » doit être développé afin de contribuer à renverser la perspective de la construction des normes applicables aux entreprises. En effet, notre tradition juridique conduit à penser la norme comme applicable à tous les destinataires, donc à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, pour ensuite, éventuellement, les alléger pour les ETI ou les PME puis exempter de leur application les petites PME ou les TPE. Une démarche ascendante est préférable, afin de construire la norme économique en ciblant prioritairement les PME puis en les complexifiant en fonction de la taille de l'entreprise.

Deux moyens sont envisageables ; soit la consultation régulière d'un panel de chefs d'entreprises, mais cela suppose une forte disponibilité, soit la construction, comme aux Pays-Bas, de modèles d'entreprises fictives, constitués à partir d'éléments éprouvés, de différentes tailles et de différentes branches industrielles.

Une méthodologie rigoureuse doit être utilisée. Elle demandera des moyens conséquents si l'on se réfère à un exercice de l'Union européenne de 2015253(*) car il faut :

1/ mesurer l'effet cumulatif des différentes normes, lié à l'existence de plusieurs niveaux d'administration, et la temporalité, l'impact d'une norme différant avec le temps ;

2/ combiner plusieurs méthodes et ne pas se fonder uniquement sur des enquêtes auprès des entreprises, en particulier des PME car elles n'ont pas, de manière générale, une assez bonne connaissance de la législation ou de la réglementation ;

3/ garantir un programme d'entretiens approfondis, lequel demande une pré-sélection à grande échelle, afin de disposer de contacts de PME en nombre suffisant, car des entretiens, même approfondis, peuvent comporter des biais lorsqu'ils ne sont pas assez nombreux. Lors de l`évaluation opérée en 2014-2015 par l'Union européenne, 16 000 PME ont été contactées pour au final ne retenir que 250 entretiens ;

4/ distinguer les entreprises selon leur taille (TPE, PME et ETI) ;

5/ évaluer les coûts des effets cumulatifs de l'impact de la règlementation dans le temps et non pas uniquement sur le moment, compte tenu des processus de décision d'investissements qui s'inscrivent dans le temps long ;

6/ prendre en considération les coûts « psychologiques » de la réglementation constitutives de freins à l'innovation, sans qu'il existe, pour le moment, de méthodologie robuste concernant les réponses comportementales à la norme (boucles de réaction).

d) Évaluer l'efficacité de la norme ex post

Enfin, l'élaboration d'un programme d'évaluation ex post concerté, commun entre le Parlement et d'autres instances d'évaluation254(*) et structuré autour d'échéances régulières d'évaluation des textes et sur la base d'une méthodologie elle-même concertée doit être engagé.

La référence en la matière demeure incontestablement le General Account Office (GAO), ou « Office général de compatibilité » du Congrès des États-Unis255(*). Cet organe d'évaluation performant lui permet d'orienter efficacement l'action publique grâce à quatre leviers256(*) :

- la crédibilité des méthodes employées : fort de ses quarante ans d'expérience, le GAO est conscient que les politiques ne manqueront pas de contester les résultats de l'évaluation si ceux-ci ne les satisfont pas,

- l'indépendance et l'objectivité des évaluateurs : ce besoin d'indépendance et d'objectivité vient du fait que l'évaluateur doit résister aux multiples efforts faits par l'administration pour perturber l'évaluation ;

- la rapidité des réponses faites par les évaluateurs : si l'évaluation peut exiger deux ou trois mois de travail, si celle-ci prend trop de temps, elle peut devenir obsolète ;

- la capacité des parlementaires à poser des questions justes : pour que l'évaluation soit efficace, il faut tout d'abord que les parlementaires posent des questions qui, potentiellement peuvent être embarrassantes ou polémiques et qu'ils prennent ensuite les mesures législatives nécessaires.

L'évaluation de la norme est utile pour comprendre la façon dont elle s'est effectivement déployée (en termes de décrets ou autres documents
d'application, de jurisprudence, mais aussi d'interprétation et d'appropriation par les acteurs), pour mesurer les effets positifs attendus comme les effets négatifs qui n'étaient pas prévus, pour apprécier son efficacité, son efficience, son utilité (c'est-à-dire l'ensemble de ses conséquences, y compris non voulues), sa pertinence et sa cohérence.

Mais l'évaluation nécessite du temps, requiert l'intérêt des parlementaires, de l'État ou de la société civile. Par ailleurs, la norme n'a pas de durée de vie préprogrammée ou d'échéance qui constituerait un moment
précis prévu pour l'évaluation avant son éventuel renouvellement ;
son périmètre est difficile à saisir : les lois font souvent partie d'un paquet ou d'une politique plus large. Parfois, au contraire, une loi comporte de nombreux articles ayant des conséquences pour de nombreuses politiques différentes ; les objectifs de la norme, ses cibles, et la façon dont elle est supposée les atteindre (c'est-à-dire sa logique d'intervention) sont rarement très clairs et ils ont pu changer à travers le processus de mise en oeuvre, ce qui est amplifié par l'absence ou la faible qualité des analyses
d'impact ex-ante ; enfin, il est très rare qu'une norme intègre des cibles chiffrées à atteindre et encore moins un système de suivi et d'évaluation, conséquence de la faiblesse des analyses d'impact257(*).

En Grande-Bretagne, l'examen rétrospectif (Post-implementation reviews, PIR) évalue les effets d'une réglementation gouvernementale sur la base de preuves recueillies avant/pendant/après la mise en oeuvre (généralement après 5 ans) afin de savoir si la norme a atteint les objectifs prévus de la législation et d'évaluer les possibilités de simplification supplémentaire. Cette évaluation est même obligatoire pour les décrets en application de la loi de 2015 sur les petites entreprises.

Le Conseil national pourra réaliser, avec le concours des administrations concernées et des représentants des entreprises, une revue régulière du stock de normes législatives et règlementaires ou de procédures applicables aux entreprises aux moments clés de la vie des entreprises, afin de proposer des mesures de simplification. Il pourra également se saisir de toute norme afin de rechercher si les moyens juridiques, administratifs ou financiers mis en oeuvre permettent de produire les effets attendus de cette politique et d'atteindre les objectifs qui lui sont assignés. Il disposera de la grille d'analyse suivante :

Renouveler

Modifier*

Supprimer

Remplacer

La politique est en voie d'atteindre la plupart ou la totalité de ses objectifs

Les principaux objectifs ont été remplis

Les coûts sont proportionnels aux avantages 

L'intervention de la norme est toujours nécessaire

Il n'y a pas d'alternative moins contraignante pour les entreprises.

Obtenir d'autres avantages

Réduire les coûts ou les charges pour les entreprises

Simplifier le processus de mise en oeuvre

Améliorer la conformité 

Réduire les effets indésirables ou négatifs

Les niveaux de conformité sont insuffisants pour soutenir la réalisation de ses objectifs

Les coûts sont disproportionnés par rapport aux avantages

L'intervention de la norme n'est plus nécessaire (soit parce que les objectifs initiaux ne sont plus pertinents, soit parce qu'il est clair que si la norme était retirée, le problème ne reviendrait pas)

Les niveaux de conformité sont insuffisants pour soutenir la réalisation de ses objectifs

Les coûts sont disproportionnés par rapport aux avantages

Le même objectif pourrait être atteint avec une réglementation qui coûte moins cher, crée moins d'impacts négatifs ou augmente les avantages

* En tenant compte des coûts de transition et en consultant les parties concernées

Le Conseil national pourra s'appuyer, pour cette évaluation, sur les indicateurs d'impact associés aux mesures phare des projets de loi. La circulaire du Premier ministre du 5 juin 2019 relative à la transformation des administrations centrales et aux nouvelles méthodes de travail prévoit qu'au moins cinq indicateurs doivent figurer dans les études d'impact des projets de loi et être présentés en Conseil des ministres258(*).

Recommandations  : expérimenter, tester et évaluer les normes applicables aux entreprises :

ü Engager l'étude d'impact dès l'annonce d'une norme ou d'une politique publique ayant un impact significatif sur la vie des entreprises et mettre à jour l'étude d'impact au cours de la navette parlementaire ;

ü Étendre l'étude d'impact aux amendements du Gouvernement ayant un impact significatif sur les entreprises ;

ü Créer, auprès du SGG, un service mutualisé (interministériel) consacré à l'appui des administrations centrales pour évaluer la charge des normes pour les entreprises ;

ü Développer les expérimentations dans le domaine économique et fiscal ;

ü Recourir obligatoirement au « test PME », pour les normes ayant un impact significatif sur les entreprises ;

ü Procéder régulièrement dans les administrations à une revue du stock des normes, des procédures et des autorisations administratives, aux moments clés de la vie des entreprises.

6. Mieux accompagner les entreprises dans la compréhension de la norme

L'administration doit produire moins de circulaires et éditer davantage d'informations sur la norme, dans un langage accessible et compréhensible.

Les coûts de mise en conformité avec les normes ont tendance à diminuer lorsque les PME se familiarisent avec leurs exigences.

Par ailleurs, à de nombreuses occasions, les entreprises renoncent à demander une aide publique car elles ne comprennent pas le vocabulaire utilisé et/ou les procédures exigées par les administrations.

La circulaire du 5 juin 2019 relative à la transformation des administrations centrales et aux nouvelles méthodes de travail a estimé, à juste titre, ce flux « beaucoup trop important ». Son examen détaillé fait ressortir que, par les circulaires, l'administration se parle à elle-même259(*). La nouvelle instruction du Premier ministre a été de centrer exclusivement cet outil « sur l'objectif d'améliorer l'accompagnement et le suivi de l'exécution des réformes et des transformations de l'action publique ». Par ailleurs, constatant que « les circulaires de commentaires ou d'interprétation de la norme [étaient] des outils du passé inadaptés aux nécessités de notre époque marquées par la transparence et l'accès immédiat et partagé à l'information », le chef du Gouvernement a demandé de remplacer ces circulaires par la mise à disposition d'une documentation, régulièrement tenue à jour, sur les sites internet des ministères.

Cette orientation doit être encouragée car l'usager de la norme, citoyen ou chef d'entreprise, est désormais bien souvent dans l'incapacité de la comprendre, tellement sa lecture est complexe, en raison notamment de la codification. Les chefs d'entreprise ne sont pas des lecteurs assidus des circulaires ou du site Légifrance. En revanche, leur réflexe naturel est la consultation du site internet des ministères qui les concernent. Ainsi, pendant la crise de la COVID-19, les aides aux entreprises ont pu être plus facilement consultées, comprises et sollicitées grâce aux « Foires aux questions » (mises en ligne après le 20 mars 2020 sur le site du ministère de l'Économie), que la délégation aux Entreprises a, pour sa part, également simplifié et synthétisé avant de les diffuser à l'ensemble des sénateurs. Pendant la crise énergétique de l'hiver 2022-2023, il en a été de même avec le dispositif d'amortisseur électricité260(*).

Une telle démarche doit être systématisée. Les grandes lois et réformes économiques impactant les entreprises doivent faire l'objet de la publication sur les sites internet des administrations d'une FAQ permettant leur explication simple.

Le statut juridique de ces informations est prévu par l'article L.312-2 du code des relations entre le public et l'administration, depuis la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance261(*). Il s'agit de donner un « mode d'emploi » sans toutefois ajouter à l'ordonnancement juridique un élément nouveau. Ces éléments de « doctrine administrative » peuvent être, le cas échéant, opposés à leurs auteurs pour contester une de leurs décisions postérieures ou solliciter une indemnisation du fait du préjudice occasionné par une application erronée des lois et règlement fondée sur les renseignements délivrés par l'administration dans ce cadre262(*). Les cotisations et contributions sociales bénéficient d'un régime propre d'opposabilité263(*).

La pédagogie de la norme est un élément indissociable de son acceptabilité. Cette pédagogie doit accompagner systématiquement les réformes affectant la vie des entreprises.

Cet effort de pédagogie doit être complété par une véritable « révolution culturelle » de l'administration dont l'attitude décrite par les chefs d'entreprise s'inscrit trop souvent dans le contrôle et la sanction. La délégation aux Entreprise, dans son rapport de 2016 : « Droit du travail : ce dont les entreprises ont besoin »264(*), avait déjà pointé du doigt ce problème concernant les inspecteurs du travail (proposition n°4 du rapport). Il est essentiel de changer la donne.

L'administration doit avoir le devoir d'accompagner et de conseiller les entreprises, avec la création d'indicateurs de performance, aux côtés de ceux qui existent, afin d'évaluer la mise en oeuvre de cette obligation de conseil.

Recommandation  : simplifier le langage administratif et obliger l'administration à accompagner les entreprises

ü Accompagner toute réforme impactant significativement la vie des entreprises d'un mode d'emploi sur les sites internet des acteurs concernés, en simplifiant le langage administratif ;

ü Rendre obligatoire l'accompagnement et le conseil aux entreprises avec la création d'indicateurs de performance, afin d'évaluer la mise en oeuvre de cette obligation de conseil.

7. Mieux articuler norme et normalisation

Dans le domaine économique, le « droit souple », issu tant de la normalisation volontaire co-construite par les entreprises, que des actes règlementaires émanant des autorités indépendantes de régulation économique265(*), doit alléger le « droit dur », issu des lois et décrets s'imposant aux entreprises.

En 2013, le Conseil d'État recommandait de « doter les pouvoirs publics d'une doctrine de recours et d'emploi du droit souple pour contribuer à la politique de simplification des normes et à la qualité de la réglementation ». Pour Jean-Marc Sauvé, alors vice-président du Conseil d'État, « le droit souple contribue à oxygéner notre ordre juridique. Par un emploi raisonné, il peut pleinement contribuer à la politique de simplification des normes et à la qualité de la réglementation ». Le droit souple devait être à même de « favoriser la rédaction de textes législatifs et réglementaires plus brefs en ménageant la possibilité pour les autorités chargées de leur application de préciser leur portée par voie de lignes directrices ou de recommandations et en renvoyant explicitement au droit souple, par exemple à des normes techniques, le soin d'assurer leur mise en oeuvre ».

Dix ans après, ces recommandations sont toujours d'actualité. Elles seraient toutefois particulièrement bienvenues en matière d'aides aux entreprises comportant une part d'appréciation discrétionnaire266(*), ou pour accompagner un pouvoir de dérogation ou d'adaptation de la règle de droit.

La normalisation pourrait faire partie du programme national d'intelligence économique, évoquée dans une récente proposition de loi du Sénat267(*), qui fait l'objet, depuis le 9 mars 2023, d'une mission d'information de la commission des affaires économiques du Sénat devant présenter ses conclusions d'ici l'été.

Le droit souple peut contribuer à enrayer la tendance au droit bavard s'il permet de recentrer le « droit dur » sur les dispositions qui doivent vraiment relever de lui. En matière de RSE, il pourrait permettre de rationaliser et faire converger les différentes obligations de compte-rendu incombant aux entreprises.

La normalisation garantit :

- une association des entreprises et notamment des PME à l'élaboration de la norme qui la concerne ;

- la compétitivité des entreprises françaises, puisqu'elle est partagée au niveau international ;

- la pertinence de la norme puisqu'elle prévoit un mécanisme de péremption si elle n'est pas utilisée par les entreprises, car non pertinente ou obsolète (qui concerne 10 % des normes ISO chaque année).

La DGE reconnaît ainsi que268(*) : « Les normes volontaires permettent également de simplifier la réglementation. La référence aux normes volontaires dans la réglementation peut en effet aider les administrations à traiter plus simplement les contraintes techniques nécessaires pour atteindre les finalités de leur réglementation. De très nombreuses réglementations utilisent cette complémentarité, que ce soit au plan européen ainsi qu'au plan national. C'est ce qu'on appelle la « présomption de conformité »269(*) qui permet ainsi de ne pas graver les détails techniques dans la réglementation, et de laisser de la souplesse aux entreprises qui innovent ».

L'option entre le droit dur et le droit souple doit donc être envisagée dès l'étude d'impact afin de choisir la procédure la plus pertinente entre la norme obligatoire et la normalisation volontaire. En s'inspirant de la « nouvelle approche » mise en oeuvre au niveau européen le recours à la normalisation volontaire devrait, pour les administrations chargées de rédiger des textes juridiques, constituer une option et, à ce titre, être proposé par le guide de légistique établi par le Secrétariat
général du Gouvernement.

La politique de simplification des normes applicables aux entreprises devant intégrer cette dimension, le Délégué interministériel aux normes ainsi que l'AFNOR doivent être des partenaires réguliers du Conseil national de la simplification pour les entreprises.

L'État doit décliner la stratégie européenne de normalisation présentée en 2022 et reprendre la main sur le processus de normalisation, en particulier dans des domaines stratégiques, en développant l'influence de la France pour soutenir la souveraineté technologique européenne et redevenir un leader dans l'établissement de normes internationales.

Recommandation  : mieux articuler norme et normalisation :

ü Intégrer le recours au droit souple comme option dès l'étude d'impact ;

ü Associer le Délégué interministériel aux normes et l'AFNOR aux travaux du Conseil national de la simplification pour les entreprises.


* 228 Rapport n° 36 (2007-2008) de M.  Bernard SAUGEY, fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 octobre 2007.

* 229 France Stratégie : « La planification : idée d'hier ou piste pour demain ? », par Daniel Agacinski, Julien Bueb, Anne Faure, Julien Fosse, Hélène Garner, Boris Le Hir, Gautier Maigne et Mathilde Viennot, 17 Juin 2020.

* 230 Selon le rapport de la direction interministérielle de la transformation publique de mai 2022, le pilotage à haut niveau du suivi des réformes prioritaires est assuré ainsi : (i) toutes les semaines, un membre du Gouvernement rend compte de l'avancement de ses réformes prioritaires en Conseil des ministres (ii) tous les trimestres, les chefs de projets présentent leurs résultats au Secrétaire général de la présidence de la République et au directeur du cabinet du Premier ministre et sollicitent les arbitrages nécessaires dans l'exécution des réformes, (iii) des réunions régulières sont tenues sous la présidence du cabinet du Premier ministre, avec le cabinet de la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, pour identifier les blocages et les lever (iv) le suivi interministériel des réformes est animé par la direction interministérielle de la transformation publique ; elle est en contact régulier avec les chefs de projets pour s'assurer que les réformes avancent selon le calendrier prévu, que les obstacles sont identifiés puis levés, que les décisions sont mises en oeuvre et pour leur apporter un appui lorsqu'il est nécessaire.

* 231 Proposition de loi organique relative aux études d'impact des projets de loi, n°722 du 28 septembre 2017 ; https://www.senat.fr/leg/ppl16-722.html

* 232 Proposition de loi tendant à reconduire le Conseil de la simplification pour les entreprises et à renforcer leur sécurité juridique, n°723 du 28 septembre 2018 ; http://www.senat.fr/leg/ppl16-723.html

* 233 Rapport d'information déposé en application de l'article 146-3 du règlement, par le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation des dispositifs d'évaluation des politiques publiques, n° 771 , du jeudi 15 mars 2018.

* 234 Représentants du ministère de l'Économie, du SGG, du SGAE -pour les textes européens-, de la DITP, de France Stratégie, du Contrôle général économique et financier, de la Cour des comptes, du Conseil d'État, de la Cour de cassation.

* 235 Reprise des dispositions du décret n° 2014-11 du 8 janvier 2014 instituant le conseil de la simplification pour les entreprises.

* 236 Les principes du « mieux légiférer » devraient être appliqués à toutes les étapes du processus législatif. Les parties concernées, telles que des autorités publiques, des associations ou des usagers, doivent pouvoir être impliquées par le Gouvernement dès le stade de la réflexion d'une nouvelle politique publique, parallèlement aux réunions interministérielles.

* 237 Cette contrainte est reprise de la proposition de loi n°723 du 28 septembre 2017 tendant à reconduire le Conseil de la simplification pour les entreprises et à renforcer leur sécurité juridique, issue des travaux du précédent rapport Lamure - Cadic de la délégation de 2017. Une procédure semblable est pratiquée aux Pays-Bas, ce qui contribue à la crédibilité de l'évaluation de l'ATR.

* 238 Proposition de résolution n° 715 rectifié du 16 juin 2022 en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à lutter contre l'inflation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics par un renforcement du rôle institutionnel et fonctionnel du Conseil national d'évaluation des normes.

* 239 Réponse écrite du 26 avril au questionnaire de la délégation aux Entreprises.

* 240 Il est « chargé d'animer et de coordonner les travaux de planification et de réflexion prospective conduits pour le compte de l' État et d'éclairer les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires, technologiques et culturels »

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042297092

* 241 Comme l'a également proposé, pour le Conseil national d'évaluation des normes, la proposition de résolution du Sénat n°715 rectifiée du 16 juin 2022 précitée.

* 242 Rapport n° 317 (2017-2018) de M.  Jean-Pierre SUEUR, fait au nom de la commission des lois, du 21 février 2018 ; https://www.senat.fr/rap/l17-317/l17-317.html

* 243 À ce propos, il ne faudrait pas cependant se représenter les « plans » de cette époque comme des directives édictées dans des administrations centralisées et imposées verticalement à tous les acteurs du pays. La première étape de la planification repose en effet sur la concertation, associant notamment les partenaires sociaux, afin de définir un horizon commun, à la fois désirable et accessible. « Les objectifs à déterminer par le Plan [...] revêtent pour tous les Français un caractère d'ardente obligation », selon les termes choisis par de Gaulle, alors président de la République, en 1961. Cela résume le sens profondément politique que prend pour lui cet instrument : « Il embrasse l'ensemble, fixe les objectifs, établit une hiérarchie des urgences et des importances, introduit parmi les responsables et même dans l'esprit public le sens de ce qui est global, ordonné et continu, compense l'inconvénient de la liberté sans en perdre l'avantage », écrit-il dans ses Mémoires d'espoir.

* 244 Contribution de la CGT, 14 avril 2023.

* 245 Audition du 4 avril 2023.

* 246 « « Les expérimentations : comment innover dans la conduite des politiques publiques ? » ;

https://www.conseil-etat.fr/actualites/ameliorer-et-developper-les-experimentations-pour-des-politiques-publiques-plus-efficaces-et-innovantes

* 247 Audition du 11 avril 2023.

* 248 168 ont été prévues par un texte législatif ; 9 l'ont été par voie d'ordonnances ; 92 expérimentations ont été prévues par un texte règlementaire, soit par décret (43), soit par arrêté ministériel ou interministériel (49).

* 249 Le Conseil d'État relève que : « Ce chiffre élevé n'est pas anodin. Il illustre la nécessité de renforcer le suivi précis et régulier des expérimentations menées dans les ministères, encore trop rare, et de constituer une « mémoire des expérimentations », par exemple sous la forme d'une base de données les recensant ».

* 250 Lancé en 2016 et piloté par la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et la direction générale des entreprises (DGE), France Expérimentation est un guichet numérique permettant aux entreprises qui le demandent de bénéficier, à titre expérimental, d'une dérogation législative ou règlementaire.

* 251 Il est désormais ouvert de manière permanente pour les demandes de dérogation à une norme règlementaire, sans être exclusif d'appels à projets spécifiques comme les récents appels « Territoires d'Industrie » et « French Impact », ouverts respectivement en 2018 et 2019. Pour les projets nécessitant des dérogations de nature législative, des appels à projets thématiques et bornés dans le temps ont été ouverts.

* 252 « Une dizaine de tests a déjà été réalisée et la méthode est désormais rodée. L'objectif de ces tests est de réaliser une étude qualitative de l'impact de textes, jusqu'à présent réglementaires, sur la conduite des affaires de quelques entreprises. Chacun des tests que nous avons menés - par exemple sur les obligations en matière de tri, sur la sécurité des transporteurs de fonds ou sur les indications géographiques du type Laguiole - a permis d'observer des éléments qualitatifs que la simple évaluation théorique ne faisait pas ressortir : il a ainsi été possible d'affiner les projets de textes réglementaires et de prévoir la mise en place dès le début de mesures d'accompagnement permettant d'atteindre les objectifs assignés » avait alors estimé M. Nicolas Conso, chef du service innovation et services aux usagers au Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP). Audition du 30 avril 2014, Rapport d'information fait au nom de la mission d'information sur la simplification législative n°2268 du 9 octobre 2014 par M. Régis Juanico.

* 253 « Coût des effets cumulatifs induits par la mise en conformité avec la législation européenne pour les PME », Centre for Strategy & Evaluation Services, mai 2015.

* 254 France Stratégie, inspections générales ministérielles et interministérielles, mais aussi Cour des comptes, Conseil économique, social et environnemental, Défenseur des droits...

* 255 Étudiée notamment dans le rapport d'information fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification sur l'information économique aux États-Unis de Joël BOURDIN, n°326, du 15 mai 2001.

* 256 Hortense de PADIRAC, « Le Parlement français et l'évaluation. Une institutionnalisation
impossible ? », Sciences Po LIEPP Working Paper n°80, 10 mai 2018.

* 257 Voir le rapport d'information n° 771 du 15 mars 2018 du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation des dispositifs d'évaluation des politiques publiques de M. Pierre Morel-À-L'huissier et Mme Valérie Petit Députés.

* 258 Certains indicateurs d'impact pouvant devenir caducs du fait des travaux parlementaires et de l'absence d'actualisation in itinere des études d'impact, il conviendrait de retenir les seuls indicateurs d'impact se rattachant aux mesures adoptées.

* 259 Les circulaires relatives à l'organisation et au fonctionnement des services représentent plus de 38 %, celles relatives à l'interprétation ou au commentaire des normes près de 33 % du total et celles s'attachant à la mise en oeuvre des politiques publiques constituent seulement 9 % du total. Les autres circulaires (21 %) ont une nature mixte mais relèvent majoritairement des deux premières catégories.

* 260 Voir les « 16 questions/réponses pour tout comprendre » :

https://www.ecologie.gouv.fr/amortisseur-electricite-entreprises-et-collectivites-des-2023

* 261 « Font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. Les instructions et circulaires sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret.

Un décret en Conseil d'État pris après avis de la commission mentionnée au titre IV précise les autres modalités d'application du présent article ».

* 262 L'article L.312-3 du même code dispose en effet que : « Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'État et publiés sur des sites internet désignés par décret.

Toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée.

Les dispositions du présent article ne peuvent pas faire obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement ».

* 263 L'article L. 243-6-2 du code de la sécurité sociale précise que lorsqu'un cotisant a appliqué la législation relative aux cotisations et contributions sociales selon l'interprétation admise par une circulaire ou une instruction du ministre chargé de la sécurité sociale, publiées conformément au code des relations entre le public et l'administration, les organismes en charge du recouvrement, notamment les URSSAF, ne peuvent demander à réaliser une rectification ou, lors d'un contrôle procéder à aucun redressement de cotisations et contributions sociales, pour la période pendant laquelle le cotisant a appliqué l'interprétation alors en vigueur, en soutenant une interprétation différente de celle admise par l'administration. Ce mécanisme d'opposabilité est appliqué strictement par la Cour de cassation qui refuse notamment au cotisant d'en bénéficier s'il n'a pas effectivement appliqué l'interprétation administrative en cause et souhaite obtenir le remboursement de cotisations qu'il n'aurait pas acquitté s'il l'avait appliqué (Cass. civ., 2e ch., 14 février 2013, n° 12-13339, BC II n° 28), ou pour s'opposer à une observation pour l'avenir de l'organisme de recouvrement (Cass. civ., 2e ch., 24 mai 2017, n° 16-15724, BC II n° 106).

* 264 Rapport d'information n° 647 (2015-2016) de Mme Annick BILLON , fait au nom de la Délégation aux entreprises, déposé le 26 mai 2016 : https://www.senat.fr/rap/r15-647/r15-647.html

* 265 Dans le domaine économique, on peut inclure cinq autorités publiques indépendantes : l'Autorité des marchés financiers (AMF) ; l'Autorité de régulation des transports ; l' Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) ; le Haut Conseil du commissariat aux comptes (H3C) ; le Médiateur national de l'énergie, et cinq autorités administratives indépendantes : l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA) ; l'Autorité de la concurrence ; l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) ; l'Autorité nationale des jeux ; la Commission de régulation de l'énergie (CRE).

* 266 BpiFrance s'est d'ailleurs dotée d'une « doctrine d'intervention » soumise aux commissions permanentes compétentes du Parlement un mois avant son adoption par le conseil d'administration (selon les dispositions de la loi n° 2012-1559 du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque publique d'investissement), dont le projet présente bien les caractéristiques de lignes directrices : il s'agit d'orientations que BpiFrance se donne à elle-même, qui n'ont pas pour objet de la contraindre juridiquement mais de donner une lisibilité à son action.

* 267 Proposition de loi portant création d'un programme national d'intelligence économique n° 489 (2020-2021) de Mme  Marie-Noëlle LIENEMANN, M.  Fabien GAY et plusieurs de leurs collègues, déposé au Sénat le 25 mars 2023.

* 268 Réponse écrite au questionnaire de la délégation aux Entreprises du 31 mars 2023.

* 269 La réglementation fixe les objectifs à atteindre, en termes de résultat (assurer la sécurité d'une installation, préserver la santé des consommateurs...) et la norme volontaire décrit un moyen de les atteindre. Cette norme n'est pas d'usage obligatoire, elle représente simplement un moyen permettant de respecter la réglementation. Mais d'autres moyens peuvent être acceptés, notamment des moyens innovants.

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