ANNEXE 1
ANNEXE 2
AUDITION DE M. HUBERT VÉDRINE,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, PAR LA COMMISSION DES FINANCES
DU SÉNAT, LE 10 JUIN 1998
M.
Hubert Védrine
a tout d'abord tenu à excuser M. Charles
Josselin, ministre délégué chargé de la
coopération et de la francophonie, empêché d'assister
à l'audition de la commission en raison de sa participation au sommet de
l'Organisation de l'unité africaine.
M. Hubert Védrine
a ensuite exposé les différents
aspects de la réforme de la coopération française. Il a
indiqué que cette politique devait continuer d'occuper une place majeure
dans nos relations extérieures afin d'assurer le rayonnement politique,
économique et culturel de notre pays et la diffusion de la francophonie.
Il a déclaré que l'objectif de la réforme était
principalement de moderniser notre appareil d'Etat afin de mieux l'adapter aux
enjeux de la mondialisation et aux contraintes d'une meilleure gestion de la
ressource budgétaire. Dans cette perspective, il a précisé
que la réforme avait pour objectif de rééquilibrer les
deux pôles principaux de notre administration en contact avec
l'extérieur, le ministère des affaires étrangères
et le ministère de l'économie et des finances. A cet
égard, il a rappelé que "Bercy" avait procédé
à une réforme des " protocoles financiers " afin
d'assurer une meilleure complémentarité de ceux-ci avec d'autres
outils financiers, tels les crédits de l'Agence française de
développement (AFD).
M. Hubert Védrine
a ensuite déclaré que la
réforme devrait se traduire par une meilleure coordination de nos
actions de coopération. A cet égard, il a souligné
l'importance que devrait prendre, selon lui, le "Comité
interministériel de la coopération internationale" (CICID) dont
le secrétariat est assuré conjointement par le ministère
des affaires étrangères et le ministère de
l'économie et des finances. La réforme en cours devrait
également favoriser une meilleure concertation avec la
société civile, par le truchement du Haut conseil de la
coopération internationale et permettre une plus grande rationalisation
dans l'utilisation de nos moyens. A ce sujet, il a confirmé le
regroupement des services du développement de l'ex-secrétariat
d'Etat à la coopération et de la direction générale
des relations culturelles, scientifiques et techniques du Quai d'Orsay dans une
vaste direction générale de la coopération internationale
et du développement. Enfin, il a déclaré que l'AFD serait
désormais " l'opérateur-pivot " de la politique de
coopération française.
M. Hubert Védrine
a ensuite rappelé les mesures prises
à son initiative depuis février dernier. Il a
évoqué à nouveau la création de la direction
générale de la coopération internationale et du
développement pour préciser que ses compétences seraient
réparties non plus de façon géographique mais de
façon fonctionnelle : direction de la coopération technique
et du développement, direction de la coopération culturelle et du
français, direction de la coopération scientifique, universitaire
et de recherche et direction de l'audiovisuel extérieur. Ces quatre
directions seront coiffées par une direction de la stratégie, de
la programmation et de l'évaluation dont la mission sera de
définir les priorités stratégiques, géographiques
et sectorielles de nos actions de développement et de coopération.
S'agissant de l'AFD,
M. Hubert Védrine
a indiqué que
celle-ci deviendrait le principal instrument de mise en oeuvre de
"l'aide-projet" de la France. Même si son double statut
d'établissement public industriel et commercial et d'institution
financière spécialisée demeure inchangé, l'Agence
devra assumer de nouvelles compétences sectorielles en matière
d'infrastructures sociales de santé et d'éducation. Le ministre a
précisé que les moyens budgétaires nécessaires
à l'AFD pour accomplir ses nouvelles missions seraient inscrits au
budget et feraient l'objet d'une délégation globale en
début d'exercice. La zone d'intervention de l'AFD deviendrait la
" zone de solidarité prioritaire ", définie d'une part
comme la zone des pays Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) et d'intervention
du fonds d'aide et de coopération (FAC) et, d'autre part, comme
l'ensemble des pays à faible revenu n'ayant pas accès au
marché des capitaux, à laquelle s'ajoutent les pays où
l'AFD a reçu de l'Etat un mandat en cours (Maghreb, péninsule
indochinoise, Caraïbes). Le ministre a encore indiqué que, au cas
par cas, le CICID étudierait la possibilité d'étendre
cette zone d'intervention à d'autres pays (Liban, Palestine, Cuba...),
l'enjeu étant d'assurer une bonne coordination, dans les pays
émergents, entre les différents instruments d'intervention de la
France.
En conclusion,
M . Hubert Védrine
a rappelé que la
coopération était considérée comme un
élément fondamental de la politique étrangère de la
France et que, pour la première fois, un ministre
délégué placé sous l'autorité du ministre
des affaires étrangères aurait compétence pour coordonner
l'ensemble du dispositif de coopération internationale.
En réponse à
M. Alain Lambert, rapporteur
général,
qui l'interrogeait sur la philosophie de notre
politique de coopération,
M. Hubert Védrine, ministre des
affaires étrangères,
a répondu qu'il s'agissait de
trouver les meilleurs moyens pour venir en aide à des pays qui en
avaient besoin. Il a également souligné le fait que l'aide
publique française au développement restait à un niveau
significatif, et plus encore si on le compare à celui des autres pays
occidentaux. Par ailleurs, il a indiqué que si, optiquement, la
direction du Trésor distribuait plus de 50 % des crédits de la
coopération, il s'agissait essentiellement d'annulations de dettes ou
d'aide multilatérale et que la partie gérée par le
département des affaires étrangères représentait la
partie de l'aide dans laquelle notre marge de manoeuvre était la plus
grande. Enfin, toujours en réponse à M. Alain Lambert, rapporteur
général, qui l'interrogeait sur l'utilité de maintenir un
dispositif spécifique de coopération en raison de la disparition
du secrétariat d'Etat à la coopération et de la
disparition de la notion de " champ d'intervention ", M. Hubert
Védrine
a indiqué qu'il était tout à fait
indispensable de garder une coopération privilégiée avec
nos partenaires traditionnels et que, par ailleurs, la coopération
française pouvait servir d'exemple à la coopération
européenne plutôt que l'inverse.
En réponse à
M. Michel Charasse, rapporteur spécial
des crédits de la coopération,
qui l'interrogeait sur le fait
de savoir si la réforme en cours permettrait de dégager des
économies budgétaires et, le cas échéant, sur
l'éventuelle affectation de ces économies,
M. Hubert
Védrine, ministre des affaires étrangères,
a
déclaré que des économies seraient réalisées
et qu'elles seraient utilisées afin d'accroître les moyens
d'intervention au profit des pays de la zone de solidarité prioritaire.
A cet égard, il a indiqué que la France n'avait pas vocation
à aider tout le monde, mais seulement les pays les plus pauvres. Il
s'est déclaré d'accord avec M. Michel Charasse pour souligner que
la nouvelle nomenclature budgétaire devrait permettre une comparaison
dans le temps de l'effort français de coopération. Il a ensuite
indiqué que le ministre des affaires étrangères entendait
exercer pleinement sa tutelle de l'AFD. Par ailleurs, il a exprimé son
accord pour que les ministres reprennent la maîtrise de la politique de
coopération décidée par Bruxelles et a pris bonne note des
observations de M. Michel Charasse en la matière. Enfin, il s'est
engagé à faire part au Premier ministre du souhait des
sénateurs d'accroître leur représentation au comité
directeur du fonds d'aide et de coopération et de l'AFD.
En réponse à
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial
des crédits des affaires étrangères
, qui
l'interrogeait sur les finalités de la réforme en cours,
M. Hubert Védrine
a indiqué que la politique
africaine de la France avait pour objectif d'apporter une aide aux pays qui,
dans la situation où ils se trouvent, font le plus d'efforts. Par
ailleurs, tout en reconnaissant l'influence des agents du ministère de
l'économie et des finances dans la détermination de la politique
menée par l'AFD, il a indiqué qu'il fondait beaucoup d'espoirs
dans le CICID et l'engagement personnel de M. Lionel Jospin, Premier ministre,
pour faire évoluer cette situation. Enfin, toujours en réponse
à M. Jacques Chaumont, il a indiqué qu'il y aurait
vraisemblablement un redéploiement des moyens entre les
différents postes français à l'étranger, mais que
ce redéploiement se ferait de façon mûrement
réfléchie, avec beaucoup de pragmatisme et en concertation avec
les différents personnels intéréssés.
Un débat s'est ensuite instauré auquel ont participé
MM. François Truçy, Yann Gaillard, Mme Marie-Claude Beaudeau,
MM. Michel Moreigne, Michel Charasse et Christian Poncelet, président.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères,
a tout d'abord salué la création, à l'initiative de M.
François Trucy, d'un groupe de travail sur les organisations non
gouvernementales (ONG).
En réponse à M. Yann Gaillard,
M. Hubert Védrine
a
déclaré qu'il était tout à fait favorable au
développement de la coopération décentralisée mais
qu'il fallait cependant que celle-ci soit soumise aux mêmes exigences de
rigueur que la politique de coopération menée par l'Etat. Par
ailleurs, il a indiqué que les relations entre les ambassadeurs et les
chefs de mission seraient amenées à évoluer. Enfin, il a
déclaré qu'il était nécessaire de conserver les
paieries du Trésor mais qu'il convenait de s'interroger sur leur taille.
En réponse à Mme Marie-Claire Beaudeau,
M. Hubert
Védrine
a indiqué que la réforme de la politique de la
coopération se ferait sans pertes d'emplois, notamment pour ce qui
concerne les agents non fonctionnaires du ministère, et que les marges
de manoeuvre proviendraient du non-renouvellement systématique des
départs en retraite. Par ailleurs, il a indiqué que la
contribution française au fonds des Nations Unies pour l'aide aux
populations avait diminué, comme du reste l'ensemble des contributions
volontaires aux organisations multilatérales, en raison de la contrainte
budgétaire. Enfin, il a déclaré que la réforme de
la coopération avait été mise en oeuvre en étroite
concertation avec le Président de la République et qu'il y avait
un véritable travail en commun en la matière.
En réponse à M. Michel Moreigne,
M. Hubert Védrine
a confirmé l'importance qu'il attachait à la
coopération décentralisée tout en souhaitant que la mise
en oeuvre de celle-ci se fasse de façon concertée avec l'Etat.
Enfin, en réponse à M. Christian Poncelet, président,
M. Hubert Védrine
a déclaré que
l'intégration des personnels du secrétariat d'Etat à la
coopération au ministère des affaires étrangères ou
à l'AFD se ferait progressivement sur une période de deux ans.