EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 6 DÉCEMBRE 2023

M. Christophe-André Frassa, président - À sa demande formulée en application de l'article 15 bis du règlement du Sénat, je vous propose d'accueillir notre collègue Élisabeth Doineau pour qu'elle présente le texte dont elle est l'auteur.

Mme Élisabeth Doineau, auteure de la proposition de loi. - Je tiens à remercier la commission des lois de me donner l'opportunité de présenter ma proposition de loi. Elle m'a été inspirée par notre ancien collègue Yves Détraigne, qui m'avait alertée sur le sujet de la résidence alternée des enfants de parents séparés. Très impliquée dans la protection de l'enfance, l'action sociale de proximité et le rapport avec les familles, j'avais trouvé opportun de prendre le relais de sa proposition. Je remercie également Marie Mercier, avec qui nous avons entretenu un dialogue franc et respectueux.

J'ai bien conscience de la nécessité d'avancer pas à pas dans cette discussion portant sur un sujet de société, dans un esprit d'apaisement et de responsabilité profitable à l'enfant. Je tiens à le rappeler en préambule, le seul guide qui m'a animé dans la rédaction de cette proposition de loi est l'intérêt supérieur de l'enfant.

La Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France le 7 août 1990 prévoit, dans son article 9-3, « le droit de l'enfant séparé de ses deux parents ou de l'un d'eux d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant ».

Cette disposition a été reprise dans la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale. Elle figure désormais à l'article 373-2 du code civil. Cette même loi a fait entrer la résidence alternée dans le code civil. Ce mode de résidence est l'application concrète du principe de coparentalité, un terme auquel je suis attachée.

En dépit de la volonté claire du législateur de favoriser son recours, la résidence alternée s'est peu développée en France : seuls 12 % des enfants de parents séparés se trouvent en résidence alternée d'après l'Insee. Or la fixation d'une résidence alternée est de plus en plus reconnue par les juges comme bénéfique à l'enfant en cas de séparation de ses parents.

Selon une décision de la cour d'appel de Versailles, « l'alternance est un système simple, prévisible, qui permet aux enfants comme aux parents de se projeter dans l'avenir et de construire des projets fiables [...] ; elle permet

aux enfants de prendre appui de façon équilibrée sur chacun des parents et de bénéficier plus équitablement de leurs apports respectifs de nature différente, mais complémentaires ».

La cour d'appel de Paris en a conclu que l'instauration d'une résidence en alternance forme le meilleur cadre à la mise en oeuvre de l'article 9-3 de la Convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 373-2 du code civil, aux termes duquel chacun des parents doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent.

Ce faible recours à la résidence alternée ne peut pas s'expliquer uniquement par une forme de désintérêt de certains pères pour leur enfant. Nous devons interroger nos propres réflexes et modifier nos mentalités, car nous considérons trop souvent que l'attachement maternel doit forcément être prioritaire, au détriment des liens avec l'autre parent.

Il paraît évident que si nous voulons équilibrer la charge parentale, il convient de promouvoir des systèmes qui promeuvent une telle vision. C'est le cas de la résidence alternée.

Selon la sociologue du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) Christine Castelain-Meunier, que certains d'entre nous avons pu rencontrer, « une telle loi aiderait les mères à se délester de l'impératif de la bonne mère, qui est encore très fort dans la société » et qui peut déboucher sur des situations de paupérisation.

Par ailleurs, ces dispositions tendent à pacifier les relations entre les parents. Dans le cadre de mon cheminement, je tiens à mettre en avant la médiation, qui doit être recherchée par les avocats comme par les juges.

On peut ainsi faire le pari qu'en clarifiant les règles applicables et en réduisant ainsi l'aléa judiciaire, la loi contribuerait à « déjudiciariser » le contentieux familial et à désencombrer les tribunaux. Selon les juges, il serait ainsi possible de consacrer davantage de temps aux situations les plus compliquées, ce qui n'est pas possible actuellement.

J'en viens aux dispositions de la proposition de loi.

Son article 1er propose d'aligner la rédaction de l'article 373-2 du code civil sur celle de l'article 9-3 précité de la Convention internationale des droits de l'enfant, afin que l'expression « entretenir régulièrement des relations personnelles » apparaisse dans notre droit. Le code civil disposerait ainsi que « chacun des père et mère doit maintenir et entretenir régulièrement des relations personnelles avec l'enfant ».

L'article 2 du texte vise à encourager le recours à un temps de présence parentale aussi équilibré que possible. Il ne s'agit pas d'imposer au juge une solution unique alors que les situations familiales peuvent être diverses, mais de faire en sorte que, conformément à la jurisprudence précitée, tous les juges aux affaires familiales (JAF) en France examinent préalablement et prioritairement une organisation aussi équilibrée que possible lorsque l'un des parents le demande. Cette priorité se traduit par la création, comme en Belgique, d'un régime de présomption légale.

Cette présomption pourrait naturellement, au regard des pièces du dossier, être renversée par le juge s'il est démontré par l'un des parents que l'intérêt supérieur de l'enfant commande de fixer la résidence de l'enfant au domicile de l'un d'eux. Ce renversement de la charge de la preuve permettrait d'unifier la jurisprudence et de se conformer à la volonté du législateur exprimée en 2012.

Naturellement, le texte n'entend en aucun cas privilégier un temps parental équilibré lorsqu'une situation de violences intrafamiliales est établie, notamment quand l'un des parents exerce, sur la personne de l'autre ou de l'enfant, des pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique.

Or, l'article 373-2-11 du code civil, qui prévoit une liste non exhaustive des critères pris en compte par le juge dans ses décisions sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, ne prévoit étonnamment pas de critère portant sur des pressions ou violences sur la personne de l'enfant. L'article 3 y remédie afin d'exclure explicitement le prononcé par le juge d'un temps parental équilibré en cas de comportement violent d'un parent, que cette violence s'exerce sur l'autre parent, y compris par le biais d'une instrumentalisation de l'enfant, ou sur la personne même de l'enfant.

La présente proposition de loi entend donc franchir une nouvelle étape dans la coparentalité, en proposant un dispositif équilibré et juste, dénué d'esprit polémique et tenant compte des précédents débats sur ce sujet.

Je l'ai dit en préambule, gageons que la discussion parlementaire saura offrir un cadre de discussion serein et dépassionné dans un esprit d'apaisement et de responsabilité profitable à l'enfant. Il y va de son intérêt, tout comme de celui de la société tout entière.

Mme Marie Mercier, rapporteur. - Je remercie Élisabeth Doineau pour cette présentation et pour les nombreux échanges que nous avons pu avoir en amont.

La proposition de loi qui est soumise à notre examen aujourd'hui s'inscrit dans l'histoire longue et - force est de le constater - heurtée de la résidence alternée.

Les auditions que j'ai conduites et auxquelles Elsa Schalck et Dominique Vérien ont assisté - ce dont je les remercie vivement - ont ainsi témoigné du fossé qui demeure entre partisans et opposants à une systématisation de la résidence alternée. J'ai d'ailleurs été frappée par la vivacité du dissensus qui s'est fait jour dans le cadre des auditions à ce sujet.

Dès lors, afin de trouver une position aussi équilibrée que possible, mes travaux ont été guidés par deux principes : premièrement, la volonté de donner corps, autant que possible, à l'objectif, poursuivi au travers de la proposition de loi, d'un renforcement du principe de coparentalité par la poursuite d'une implication aussi équilibrée que possible entre les deux parents dans l'éducation de l'enfant y compris en cas de séparation ; et deuxièmement, la préservation à tout prix de l'intérêt de l'enfant, valeur qui fait vivre le droit de l'autorité parentale - à bon droit, il me semble !

Les dernières années ont bien montré combien la structure familiale peut malheureusement s'avérer violente et maltraitante pour les enfants. Dans la conciliation que nous devons opérer entre les divers principes qui irriguent le droit de la famille, celui-ci me paraît légitimement devoir primer.

Mes travaux ont d'abord consisté à objectiver, autant que faire se peut, la réalité de la résidence alternée dans notre pays.

Si un appareil statistique complet et actualisé fait défaut en la matière, les études produites tant par l'Insee que par le ministère de la justice tendent à montrer que, à rebours du constat parfois dressé d'un recul de la résidence alternée, elle connaît une progression continue dans notre pays. Selon la direction des affaires civiles et du sceau (DACS), la proportion de décisions de résidence alternée prises par les JAF serait passée de 10 % en 2003 à 29 % en 2022.

Si cette pratique demeure minoritaire, c'est en raison, notamment, du faible nombre de demandes dont elle fait l'objet : la dernière étude complète et actualisée de la DACS, qui date de 2012, montrait bien que la résidence alternée était peu demandée par les mères comme les pères, ce qui aboutissait à un taux général relativement faible.

Ce constat étant posé, lorsqu'elle était demandée par le père, la résidence alternée était néanmoins attribuée moins souvent - dans 86 % des cas environ - que lorsque la mère la demandait - dans 97 % des cas environ. Il peut résulter de cet état de fait le sentiment que la résidence alternée est généralement sous-employée par les JAF, au profit d'une résidence chez la mère.

Faut-il dès lors systématiser les décisions de résidence alternée, comme le prévoit l'article 2 de la présente proposition de loi ? Je vous proposerai de répondre à cette question par la négative.

Au regard de l'absence de consensus que j'ai évoquée en introduction sur les bénéfices pour l'enfant d'une telle mesure, il me paraîtrait aventureux que le législateur tranche le débat en prévoyant ainsi la systématisation de la résidence alternée.

Dans ces conditions, je vous proposerai par l'adoption du premier de mes trois amendements de rejeter deux dispositions particulièrement sujettes à caution de l'article 2.

La première est la présomption de l'intérêt de l'enfant à « prendre appui de façon équilibrée sur chacun [des parents séparés] et [à] bénéficier équitablement de leurs apports respectifs », qui me paraît inopportune. En effet, l'intérêt de l'enfant a vocation à être apprécié in concreto et ne saurait être présumé : il existerait nécessairement des cas dans lesquels il n'est en réalité pas de l'intérêt de l'enfant - en raison de son jeune âge, de l'éloignement géographique de ses parents, du conflit entre ces derniers, etc. - de prendre appui sur ses deux parents de façon équilibrée.

Par ailleurs, les cas de renversement de cette présomption seraient beaucoup trop restreints : l'intérêt de l'enfant résultant nécessairement d'une pluralité de facteurs et ne constituant pas un état de fait démontrable, il serait délicat - le mot est faible - de fournir une quelconque « preuve » en la matière et la mention de cas « avérés » de pressions ou violences exercées par un parent sur l'enfant ou l'autre parent pourrait poser une condition difficile à remplir.

La seconde de ces dispositions problématiques est la procédure prévue à l'alinéa 3 de l'article 2, qui me paraîtrait restreindre à l'excès la marge d'appréciation du juge. Celui-ci serait ainsi tenu d'ordonner la résidence alternée dès lors qu'un des parents le demande, ce qui pourrait conduire à des situations manifestement contraires à l'intérêt de l'enfant : je pense notamment au nourrisson allaité par sa mère qui pourrait ainsi être périodiquement séparé de cette dernière, ou encore aux cas dans lesquels il est impossible pour l'un des parents de voir l'enfant résider chez lui.

Sur ces dispositions, il me paraît donc primordial que nous conservions à l'esprit la nécessité impérieuse de garantir les meilleures conditions juridiques à la préservation de l'intérêt de l'enfant.

Faire de la résidence alternée un mode de résidence par défaut pour impliquer davantage les pères dans l'éducation de leurs enfants me semble au demeurant prendre le problème à l'envers : il me semble ainsi que la plus grande implication des deux parents, notamment des pères, constitue davantage un prérequis au prononcé par les juges de décisions de résidence alternée plus nombreuses que la conséquence éventuelle de celui-ci - parfois au prix de l'intérêt de l'enfant. Je note d'ailleurs tout l'intérêt que peut revêtir, pour apaiser les tensions et faciliter l'acceptabilité des décisions - de résidence alternée comme de résidence chez l'un des parents - le renforcement des moyens alloués à la médiation. Une expérimentation est en cours : elle doit faire l'objet d'une évaluation au plus vite afin d'envisager sereinement son éventuelle généralisation.

En dernier lieu, je suis néanmoins sensible à l'objectif poursuivi dans la présente proposition de loi de l'entretien plus régulier de relations personnelles entre les parents séparés et leur enfant. Je vous propose donc, chers collègues d'adopter trois dispositifs prévus par la proposition de loi allant dans ce sens.

Tout d'abord, je vous propose d'adopter sans modification l'article 1er, qui prévoit précisément de compléter l'obligation actuelle de maintien de relations personnelles par une obligation de l'entretien régulier de telles relations. L'apport juridique d'une telle disposition est certes limité mais, afin que juges et justiciables aient la compréhension la plus précise de l'étendue des obligations qu'emporte concrètement le maintien de relations personnelles entre les parents séparés et leur enfant, cette précision m'a paru utile. Dans la mesure où ce maintien est en droit français une obligation du parent et non un droit de l'enfant - j'insiste sur ce point -, je vous proposerai néanmoins un amendement tendant simplement à mettre l'intitulé de la proposition de loi en cohérence avec le droit sur ce point.

Ensuite, l'idée d'un renforcement du recours au droit de visite et d'hébergement (DVH) élargi est apparue pertinente. Ne souhaitant pas - à nouveau - contraindre inutilement la marge d'appréciation du juge ou ajouter une lourdeur procédurale, je propose de substituer l'examen prioritaire du DVH élargi prévu à l'article 2 par une disposition prévoyant que le juge tient compte de la nécessité d'un entretien aussi régulier que possible des relations personnelles entre parent et enfant lorsqu'il se prononce sur les modalités du DVH. Nous mettons ici l'accent sur l'importance de la parentalité relationnelle.

Cette évolution doit conduire le juge, dans le cas où une résidence alternée ne paraît pas adaptée à la situation familiale, à mieux prendre en considération la possibilité d'octroyer un DVH dit « élargi », ce qui me paraît conforme à l'intention de la proposition de loi.

Enfin, je souscris pleinement au dispositif de l'article 3, qui vient utilement prévoir que le juge prenne en compte les pressions ou violences exercées par l'un des parents sur la personne de l'enfant dans la détermination des modalités d'exercice de l'autorité parentale. Il me semble que l'on comble ici un manque, et l'amendement que je propose est de portée purement rédactionnelle.

Au bénéfice de ces observations, et sous réserve de l'adoption de ces trois amendements, je vous proposerai d'adopter le texte ainsi modifié.

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

Mme Dominique Vérien. - Je tiens à remercier notre rapporteur, dont la tâche consistait à résoudre la quadrature du cercle compte tenu des fortes oppositions entre les associations. Ce texte exclut évidemment du dispositif toute violence, qu'elle s'exerce à l'encontre d'un conjoint - la mère le plus souvent - ou de l'enfant, écartant donc les violences intrafamiliales et l'inceste. Je tiens à rappeler que 244 000 violences intrafamiliales ont été

enregistrées par le ministère de l'intérieur en 2022. Je me permets ce rappel car, même en prenant en compte les violences non dénoncées par les victimes, il semble que la focalisation des associations sur ce point puisse donner l'impression que les violences sont bien plus répandues.

Les conflits sont évidemment fréquents en temps de divorce, mais, dès que la médiation intervient, la question de l'enfant et de son bien-être reviennent au coeur de la question de la séparation, de telle sorte que les parents réfléchissent ensemble à ce qui semble être le mieux pour leur enfant. En règle générale, les choses se passent ensuite relativement bien, ce qui conduit plus facilement à s'orienter vers une résidence alternée.

Le juge doit bien sûr rester libre, chaque situation étant unique. Au cours des auditions, le problème de la répartition précise de la garde alternée a été soulevé, l'idée de la coparentalité étant bien que chacun prenne sa part. Là encore, il n'est pas cohérent de demander aux hommes d'assumer leurs responsabilités et d'étendre les congés paternité, tout en leur retirant tout rôle après un divorce, ce qui entraîne une déresponsabilisation par rapport à la paternité.

Le groupe Union Centriste soutiendra évidemment ce texte, issu de nos rangs.

Mme Muriel Jourda. - Merci à Marie Mercier pour ses conclusions de bon sens au regard de la réalité : l'intérêt de l'enfant ne consiste pas nécessairement à voir chacun de ses parents de manière mathématiquement égale. Chaque enfant, chaque famille a une histoire différente, il faut donc laisser une latitude suffisante au juge pour apprécier les meilleures modalités d'exercice de l'autorité parentale pour l'enfant, si tant est qu'il arrive à le faire, car la tâche est extrêmement délicate.

Un certain nombre de décisions sont prises non pas dans l'intérêt de l'enfant, mais au profit des adultes : la résidence alternée en fait parfois partie, car il s'agit, dans la majorité des cas, de permettre aux pères de voir leurs enfants après la séparation. Cette modalité peut convenir à certains enfants, mais elle est très difficile à vivre pour d'autres. Mettons-nous à la place des enfants qui déménagent toutes les semaines - contrainte que nous n'apprécierions guère -, sans parler des cas dans lesquels les parents ne s'entendent pas, conduisant les enfants à vivre avec la peur au ventre, puisqu'ils savent que tout oubli d'un cahier chez l'autre parent peut déclencher une grave crise s'ils osent le réclamer.

En systématisant, sur la demande d'un seul parent, la résidence alternée, on placerait donc des enfants dans des situations difficiles. Faisons confiance à la justice et tentons d'assurer au mieux l'entente des parents après une séparation, dans l'intérêt de l'enfant.

M. Philippe Bas. - J'ai des réticences à l'égard de ce texte. L'article 373-2-9 du code civil tel que modifié par le texte initial de la proposition de loi aboutirait à ce que la résidence alternée, qui est à présent une décision que le juge a la faculté de prendre, devienne obligatoire à la demande de l'un des parents. Cela aboutit donc à la suppression pour le juge de toute marge d'interprétation. Il ne s'agit pas d'une bonne manière de procéder, et je ne peux voter un texte qui fait obligation au juge de prononcer la résidence alternée.

Mme Patricia Schillinger. - Il n'est pas fait référence aux ascendants, alors que la garde alternée leur est parfois confiée si l'un des conjoints décède. Nous avons tous été sollicités par des grands-parents à ce sujet.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ce texte aborde le sujet de la résidence des enfants de manière subtile. Nous essayons de faire en sorte que l'enfant conserve des liens avec ses deux parents, sachant que la perte du lien avec le père reste le problème le plus fréquent. Si les articles 1er et 3 ne posent pas de problème, l'article 2 fait référence, comme l'a justement relevé Philippe Bas, à un principe, ce qui fait que l'on ne sait plus très bien dans quelles circonstances la résidence alternée peut ne pas être prononcée.

En outre, les notions de « preuve contraire » et de cas « avérés » de pressions ou violences pour renverser la présomption légale prévue à l'article 1er me semblent soulever des difficultés.

Il s'agit de ne pas oublier un certain nombre de contraintes : celle du lieu d'habitation, afin que l'enfant puisse aller à l'école ; celle ensuite des moyens, car cela implique que chacun des parents dispose d'une chambre ; celle enfin de la volonté, car cela ne fonctionne que si les deux parents sont favorables à ce dispositif. De manière générale, se pose la question des moyens. Ce dispositif s'adresse, en réalité, aux familles aisées.

Enfin, j'ai une totale confiance à l'égard du JAF, fonction la plus difficile de la magistrature.

En l'état, mon enthousiasme concernant cette proposition de loi est donc assez relatif.

M. Louis Vogel. - L'intention des auteurs du texte est-elle d'obliger le juge à prononcer la garde alternée, ou bien de lui laisser la faculté de le faire ? J'aimerais que vous clarifiiez ce point.

M. François-Noël Buffet, président. - Le texte initial de la proposition de loi a pour objet de lier la compétence du juge pour prononcer la résidence alternée dès lors qu'un des parents la demande. Un des amendements du rapporteur a précisément pour objet de supprimer cette disposition et de maintenir la marge d'appréciation dont bénéficient actuellement les JAF pour ordonner une telle mesure.

Mme Mélanie Vogel. - Sur le principe, je partage l'idée qu'un monde égalitaire est préférable à un monde qui ne le soit pas. A priori, quand on a bénéficié d'une parentalité égalitaire et non genrée, la résidence alternée semble l'issue la plus probable après une séparation. Mais, dans la mesure où nous n'évoluons pas dans un monde idéal, cette proposition de loi me pose problème.

Premièrement, le fait de définir l'intérêt supérieur de l'enfant dans la loi ne se justifie pas. En effet, il est faux de penser que l'intérêt supérieur de l'enfant serait d'avoir obligatoirement un lien avec ses deux parents ; cela doit s'évaluer au cas par cas.

Deuxièmement, sans parler d'automaticité, car il existe toujours la possibilité de statuer défavorablement, il s'agit d'une solution par défaut. Je ne suis pas convaincue que cela soit la décision la plus appropriée. Lorsque les ruptures interviennent dans des contextes familiaux égalitaires, les parents demandent la résidence alternée et l'obtiennent. Cette proposition de loi, qui s'attaque au problème du partage de la charge parentale, intervient au moment où les parents se séparent, c'est-à-dire quand beaucoup de choses sont déjà établies au sein de la cellule familiale.

Je vais reprendre cet argument qui nous est souvent opposé, à nous qui siégeons dans l'opposition, et qu'habituellement je désapprouve : je partage l'objectif, mais les moyens ne conviennent pas. Il ne s'agit pas, dans le cas présent, de régler la question de la coparentalité, mais de statuer sur la gestion de la résidence de l'enfant où moment où intervient une séparation.

Je suis dubitative ; la position de notre groupe dépendra du sort réservé aux amendements.

Mme Nathalie Delattre. - La société a besoin d'une réponse sur cette question de la résidence alternée. J'ai accompagné le combat de l'association SOS Papa, car il existe des pères qui s'impliquent dans l'éducation de leur enfant. Nous devons faire progresser la cause de la garde alternée. Il ne s'agit pas d'imposer une règle de résidence paritaire, à 50-50 ; il revient au juge d'apprécier les conditions de cette résidence alternée.

Les situations de rupture ont amplifié les problèmes liés au logement. En fonction de la recomposition des familles, l'enfant navigue entre deux, voire trois logements. La garde alternée n'aggraverait donc pas cette crise déjà profonde du logement.

Cela étant dit, il nous faut être prudents d'un point de vue juridique et ne pas rendre plus complexes encore certaines situations. Tout en émettant un avis favorable, j'écouterai la sagesse du rapporteur concernant les améliorations éventuelles.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je suggère au rapporteur un amendement : en cas de résidence alternée, la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants - plus communément appelée « pension alimentaire » - se trouve fragilisée ; celle-ci est possible en cas de disparité de revenus, mais il serait utile de le préciser dans le texte.

Mme Marie Mercier, rapporteur. - Pour répondre à Philippe Bas et Louis Vogel, le premier de mes trois amendements supprimera bien la compétence liée du juge sur la détermination de la résidence alternée ; il permettra de restaurer la marge d'appréciation dont bénéficie actuellement le juge.

En maintenant l'article 1er, on entend faire signe aux JAF, même si en réalité l'entretien aussi régulier que possible des relations entre les parents séparés et l'enfant existe déjà en fait comme en droit. La portée juridique de cet article est donc très faible.

Par ailleurs, la « pension alimentaire » peut être versée en cas de résidence alternée, même s'il est vrai que certains parents privilégient l'option de la résidence alternée pour ne pas avoir à la payer.

J'insiste sur l'idée de progressivité de la garde alternée. On ne peut pas transporter un enfant comme un paquet d'une résidence à l'autre ; son âge est à cet égard un point à prendre en compte.

Pour répondre à Mélanie Vogel, le juge continuerait d'apprécier l'intérêt de l'enfant in concreto dans le dispositif tel qu'il résulte de nos amendements. Ainsi, nous pallions les défauts du texte initial qui impliquait une automaticité.

Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que celui-ci comprend les dispositions relatives à la définition des modalités d'exercice de l'autorité parentale et à l'intervention dans ce cadre du JAF.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

L'article 1 est adopté sans modification.

Article 2

Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement COM-1 renforce la prise en compte par les JAF statuant sur les modalités de droit de visite et d'hébergement du parent chez lequel la résidence de l'enfant n'est pas située des obligations des parents vis-à-vis de leur enfant en cas de séparation.

Aux termes de l'article 1er de la proposition de loi, que nous venons d'adopter, l'obligation faite aux parents, en cas de séparation, de maintenir des relations personnelles avec leur enfant serait précisée afin que celle-ci implique l'entretien régulier de telles relations. Ainsi complétée, cette obligation a vocation à favoriser l'implication des deux parents, y compris dans le cas où une résidence alternée n'a pu être décidée, dans l'entretien et l'éducation de l'enfant.

Dès lors, sans modifier les conditions dans lesquelles le juge se prononce sur la résidence alternée, l'amendement prévoit que, lorsqu'il se prononce sur les modalités de visite et d'hébergement, celui-ci tient compte de la nécessité d'un entretien aussi régulier que possible des relations personnelles entre parents et enfant. Cette évolution doit conduire le juge, dans le cas où une résidence alternée ne paraît pas adaptée à la situation familiale, à mieux prendre en considération la possibilité d'octroyer un DVH élargi, notion jurisprudentielle recouvrant l'octroi d'un temps avec l'enfant plus ample qu'un DVH classique, impliquant généralement un week-end sur deux et le partage à égalité des congés scolaires.

Par ailleurs, l'amendement précise que la notion de droit de visite actuellement prévue au troisième alinéa de l'article 373-2-9 du code civil inclut un droit d'hébergement, ce qui est déjà le cas en pratique. Néanmoins, dans le cas d'une visite médiatisée dans un espace de rencontre désigné par le juge, ce droit serait en conséquence circonscrit au seul droit de visite.

M. Philippe Bas. - Cet amendement règle effectivement le problème soulevé précédemment ; il maintient les termes actuels de l'article 373-2-9 du code civil, qui fait de la résidence alternée une faculté. L'ensemble de l'article se trouve ainsi réécrit.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article 2 est ainsi rédigé.

Article 3

L'amendement COM-2 est adopté.

L'article 3 est ainsi rédigé.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement COM-3 tend à mettre en conformité l'intitulé de la proposition de loi avec le droit existant.

L'amendement COM-3 est adopté.

L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 2

Mme Marie MERCIER, rapporteur

1

Prise en compte par le juge de l'obligation d'entretien régulier de relations personnelles entre les parents séparés et l'enfant pour la détermination du droit de visite et d'hébergement

Adopté

Article 3

Mme Marie MERCIER, rapporteur

2

Amendement rédactionnel

Adopté

Intitulé de la proposition de loi

Mme Marie MERCIER, rapporteur

3

Précision de l'intitulé de la proposition de loi 

Adopté

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