B. DES SUITES JUDICIAIRES TROP PEU FRÉQUENTES ET UN ACCOMPAGNEMENT DE L'ÉTAT ENCORE INSUFFISANT

1. L'insuffisance et le manque d'effectivité de la réponse judiciaire aux violences commises à l'encontre des élus

Face à l'essor des violences, nombreux sont les élus locaux qui considèrent que les réponses apportées par les acteurs judiciaires et étatiques demeurent insuffisantes.

En particulier, les suites judiciaires apparaissent encore trop peu fréquentes. Souvent découragés par la lenteur des procédures, par le manque de temps et la volonté de ne pas aggraver la situation, nombre d'élus renoncent à déposer plainte. Signe de la persistance d'une véritable autocensure, la consultation nationale des élus locaux menée en 2019 par la commission des lois du Sénat a révélé que seuls 37 % des participants avaient saisi la justice à la suite d'une agression physique ou verbale.

Il ressort des auditions conduites par le rapporteur que l'acuité de ces constats demeure puisqu'une grande partie des élus locaux confrontés à des violences regrettent aujourd'hui encore la lenteur et le manque d'effectivité de la réponse judiciaire4(*).

2. Entre élus locaux et acteurs judiciaires, un dialogue inabouti

Le manque d'accompagnement et d'informations quant aux suites données aux plaintes et signalements des élus contribue à éroder le lien de confiance entre les élus locaux et la justice. Tant en ce qui concerne la communication auprès des administrés de décisions judiciaires qu'en matière de coordination de la politique locale de prévention de la délinquance, le dialogue entre les maires et l'autorité judiciaire demeure souvent lacunaire.

En outre, la pénalisation croissante de la vie publique locale et le nombre toujours plus élevé de mises en cause d'élus locaux devant les tribunaux qui en résultent, appellent à une évolution des pratiques afin de renouveler le dialogue entre les parquets et les maires, qui trop souvent encore, du fait de leur double caractère d'agent de l'État et de président d'un exécutif local, constituent à la fois des partenaires privilégiés du ministère public et des justiciables, qu'ils soient victimes ou mis en cause dans le cadre de l'exercice de leur mandat.

3. Une protection des élus victimes de violences qui n'est pas à la hauteur des enjeux

Malgré de récentes avancées, force est de constater que la protection accordée aux élus victimes n'est pas encore à la hauteur des violences auxquelles ils sont confrontés. Auditionné en mai 2023 par la commission des lois du Sénat, Yannick Morez, maire démissionnaire de Saint-Brevin-les-Pins, alertait sur les risques de désengagement des élus en cas de défaut de protection effective des maires dans le cadre de leur mandat.

En effet, nombreux sont les élus qui, éligibles à la protection fonctionnelle, y renoncent soit en raison de leur méconnaissance de la procédure et sa complexité, soit en raison des difficultés à l'obtenir du conseil municipal. De surcroît, même lorsqu'ils y ont recours, les élus bénéficiaires de la protection fonctionnelle doivent fréquemment s'acquitter de restes à charge ou de dépassements d'honoraires.

Par ailleurs, bien qu'ils soient également susceptibles d'être la cible de violences, l'on ne peut que regretter que les candidats aux élections ne disposent aujourd'hui d'aucun dispositif spécifique permettant à chacun de participer à une campagne électorale sans inquiétude quant à la protection dont il pourrait bénéficier.


* 4 Selon la consultation nationale conduite par le Sénat en 2019, seules 21 % des plaintes déposées par les participants ont abouti à la condamnation pénale des fautifs.