III. LA MISE EN oeUVRE DE NOUVEAUX FICHIERS ET LE PARTAGE DE CERTAINES DONNÉES DE SANTÉ POUR FACILITER LE SUIVI DES MALADES ET DES CAS-CONTACT
A. LES OUTILS INFORMATIQUES EN COURS DE DÉVELOPPEMENT POUR APPUYER LES « BRIGADES » DE SUIVI DES CONTACTS
Le suivi de contacts (« contact tracing ») est une politique de santé publique traditionnelle contre les épidémies qui vise à ralentir la propagation de l'agent pathogène. L'utilité de retracer sur plusieurs jours les interactions passées des personnes diagnostiquées positives au virus s'explique par l'existence d'une phase asymptomatique de la maladie : le virus n'est pas détectable aux premiers stades de la contamination, alors que le porteur est déjà contagieux. Il est donc particulièrement utile d'identifier rapidement les personnes avec lesquelles un malade diagnostiqué a pu se trouver en contact pendant la période d'incubation pour éviter que ces dernières ne contaminent à leur tour d'autres gens pendant cette phase asymptomatique. L'objectif, en alertant ces personnes, est de briser les chaînes de contamination et d'endiguer la propagation exponentielle de la maladie .
À cette fin, et dans la perspective de la levée progressive du confinement à compter du mois de mai 2020, le Premier ministre a indiqué qu'il entendait mobiliser sur le terrain d'importants moyens humains (des « brigades sanitaires » 12 ( * ) ), pour identifier et tester les patients atteints du covid-19 ainsi que pour retracer leurs « cas-contacts », et leur proposer un accompagnement médical et social.
Le rapporteur regrette que le dimensionnement précis de ces brigades, les profils concernés, l'état d'avancement de leur recrutement ou de leur formation n'aient fait à ce jour l'objet que d'une information très parcellaire du Parlement . Alors que lors de son audition tant par notre commission 13 ( * ) que par nos collègues de la commission des affaires sociales 14 ( * ) , le Professeur Jean-François Delfraissy avait estimé à plusieurs dizaines de milliers de personnes les effectifs requis, le ministre de la santé semble 15 ( * ) , lui, tabler sur un chiffre dix fois moins élevé !
Pour faciliter la mission de ces équipes, le Gouvernement souhaite les faire bénéficier d'outils informatiques permettant d'automatiser le traitement des informations recueillies sur le terrain concernant les malades et les cas contacts identifiés. Le recours à des fichiers devrait ainsi favoriser un suivi plus rapide, et à bien plus grande échelle, de la population exposée à la maladie ou à risque.
En l'état des informations communiquées au rapporteur, ce dispositif, qui n'est pas encore finalisé, pourrait s'appuyer principalement sur deux systèmes d'information :
- d'une part, un premier traitement (« SIDEP », pour « Système d'information national de dépistage populationnel ») viendrait en appui des opérations d'identification, de dépistage et de suivi des personnes infectées.
Il serait mis en oeuvre sous la responsabilité du ministère de la santé, essentiellement par les laboratoires de test et les médecins, et permettrait le suivi des opérations de dépistage et la diffusion des résultats des tests aux intéressés.
Concrètement, les laboratoires de biologie médicale alimenteraient la base de données (identité, résultat), les médecins assurant la prise en charge des patients diagnostiqués positifs ;
- d'autre part, un second traitement ( « contact-Covid ») serait utilisé par les « brigades sanitaires » chargées d'identifier les cas-contacts puis de leur proposer des mesures de dépistage, et, le cas échéant, de mise à l'isolement prophylactique.
Concrètement, il s'agirait d'un téléservice accessible par le portail « Ameli Pro » (habituellement utilisé par les professionnels de santé) et mis en oeuvre sous la responsabilité de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). Il permettrait notamment aux médecins de ville et établissements de santé de créer 16 ( * ) une fiche de suivi pour chacun de leurs patients testés positif au covid-19, et aux plateformes téléphoniques de l'assurance maladie d'appeler les personnes à risque pour évaluer leur degré d'exposition. Ainsi, il recenserait l'identité des cas-contacts indiqués par le malade et des informations relatives au risque d'exposition encouru par ce dernier (lien avec le « patient zéro », fréquence et durée des contacts).
Intervenants et missions |
Utilisations
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Utilisations d'Ameli.pro
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Dépistage |
Les laboratoires de biologie médicale
(hospitalier ou de ville)
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Alimentation de base du fichier - identification des patients - identification des médecins - résultats d'analyse (covid+/-) |
Vérifier
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Niveau 1
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Les professionnels
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Information par mail-sortant que les patients sont infectés |
Alimentation pour dresser
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Niveau 2
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Plateformes de l'assurance maladie
(avec l'appui de professionnels de
santé/sous-traitants : maisons de santé
pluriprofessionnelles, communautés professionnelles territoriales de
santé, centres de santé, centres dédiés covid)
appellent l'intéressé et établissent
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Identification
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Consultation des données de contact tracing de niveau 1
Alimentation avec les données recueillies
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Niveau 3
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Les agences régionales de santé, en lien avec les cellules régionales de Santé publique France :
- gèrent les chaines de transmission
- suivent les personnes soumises
- proposent au Préfet les mesures administratives de
quarantaine
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Consultation pour savoir quels sont les patients infectés |
Consultation des données de contact tracing de niveaux 1+2
Alimentation avec les données recueillies
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Synthèse
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Santé publique France et
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Accès à des données pseudonymisées ou agrégées |
Non |
Source : ministère de la santé et des solidarités
* 12 « Dans chaque département, nous constituerons des brigades chargées de remonter la liste des cas-contacts, de les appeler, de les inviter à se faire tester en leur indiquant à quel endroit ils doivent se rendre, puis à vérifier que ces tests ont bien eu lieu et que leurs résultats donnent lieu à l'application correcte de la doctrine nationale. » (Assemblée nationale, séance du mardi 28 avril 2020, déclaration du Gouvernement relative à la stratégie nationale du plan de déconfinement dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de Covid-19, suivie d'un débat et d'un vote).
* 13 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20200413/lois.html#toc3
* 14 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20200427/soc.html#toc4
* 15 Selon le ministre : « Plus de 3 000 personnes formées de l'assurance maladie seront chargées de tracer les contacts proches des cas positifs » (Le Parisien, 2 mai 2020), « 3 000 à 4 000 salariés de l'Assurance maladie feront partie de ces “brigades” » (déclaration à l'issue d'un Conseil des ministres du 2 mai 2020).
* 16 Les professionnels de santé bénéficieraient d'une rémunération spécifique pour la réalisation des consultations au titre du covid-19 et le remplissage des fiches.