Rapport n° 416 (2019-2020) de M. Philippe BAS , fait au nom de la commission des lois, déposé le 4 mai 2020

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N° 416

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 mai 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi (procédure accélérée) prorogeant l' état d' urgence sanitaire et complétant ses dispositions ,

Par M. Philippe BAS,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François-Noël Buffet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Di Folco, MM. Jacques Bigot, André Reichardt, Mme Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, M. Loïc Hervé, Mme Marie Mercier , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Vincent Segouin, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

414 , 415 et 417 ( 2019-2020 )

L'ESSENTIEL

Réunie le lundi 4 mai 2020, la commission des lois du Sénat a adopté, sur le rapport de Philippe Bas (Les Républicains - Manche), le projet de loi n° 414 (2019-2020) prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions .

Ce texte a pour premier objet de prolonger, pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 23 juillet prochain, l'état d'urgence sanitaire déclaré le 24 mars dernier sur l'ensemble du territoire national dans le but de doter les pouvoirs publics des prérogatives suffisantes pour prévenir et limiter la propagation de l'épidémie de covid-19.

Dans la perspective d'une sortie progressive du confinement à compter du 11 mai, il procède également à plusieurs ajustements du régime de l'état d'urgence sanitaire , en vue de faciliter le rétablissement de la libre circulation des personnes tout en évitant les concentrations de population qui pourraient être délétères sur le plan sanitaire.

Il envisage, enfin, la création d'un système d'information de collectes des données individuelles de santé des personnes affectées par le virus et des personnes contact, dans la perspective de lutter contre la propagation de l'épidémie.

Au regard des risques sanitaires encore élevés, la commission des lois a souscrit à la nécessité de prolonger l'état d'urgence sanitaire au-delà du délai de deux mois initialement prévu.

Toutefois, alors même que le Parlement est amené à se prononcer dans des délais extrêmement contraints, elle déplore que certaines mesures, en particulier concernant la création d'un système de données personnelles de santé élargi, n'aient fait l'objet d'aucun débat public préalablement au dépôt du présent projet de loi, ni été portées à la connaissance des parlementaires, alors même qu'elles présentent, en termes de libertés et de protection du secret médical, une sensibilité bien plus forte que l'application StopCovid .

Elle a adopté 29 amendements sur le projet de loi afin d'assurer la sécurité juridique des mesures proposées.

I. UNE PROLONGATION NÉCESSAIRE DE L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE AU REGARD DES RISQUES ENCORE ÉLEVÉS DE PROPAGATION DE L'ÉPIDÉMIE DE COVID-19

A. L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE : UN DISPOSITIF SOUPLE QUI A DOTÉ LE GOUVERNEMENT DE MOYENS D'ACTION RAPIDES POUR FAIRE FACE À L'ÉVOLUTION DE L'ÉPIDÉMIE

La loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a déclaré un état d'urgence sanitaire sur l'ensemble du territoire national, pour une période de deux mois, soit jusqu'au 23 mai inclus .

Régime d'exception inspiré de celui de la loi du 2 avril 1955, l'état d'urgence sanitaire confère au Premier ministre et au ministre de la santé, aux seules fins de faire face aux situations de catastrophe sanitaire, de larges prérogatives, dont certaines sont susceptibles de porter une atteinte forte aux libertés publiques et individuelles.

Déclinées dans le cadre du décret du 23 mars 2020 1 ( * ) , modifié et complété à 13 reprises depuis son entrée en vigueur , les mesures prescrites par le Gouvernement pour lutter contre l'épidémie du covid-19 ont notamment consisté à 2 ( * ) :

- interdire aux personnes de sortir de leur domicile, à l'exception de certains déplacements justifiés par des besoins professionnels, de santé ou encore liés à l'accès aux biens et services de première nécessité ;

- restreindre les déplacements de personnes, par la voie maritime ou aérienne, et réglementer, avec le même objectif, les conditions d'usage des transports publics et des transports en taxi ;

- autoriser les placements en quarantaine de toute personne arrivant sur le territoire d'une collectivité ultramarine ;

- interdire les rassemblements de personnes, les réunions et les activités réunissant plus de 100 personnes ;

- fermer les établissements recevant du public et des lieux de réunion, à l'exception de ceux nécessaires à la satisfaction des biens et services de premières nécessités ;

- assurer l'approvisionnement en médicaments et produits médicaux subissant des tensions sur le marché, en régulant les prix et en assouplissant les conditions d'importation et de vente ;

- autoriser les réquisitions préfectorales de personnels sanitaires.

Ces dispositions ont été complétées par un arrêté du ministre de la santé, pris sur le fondement de l'article L. 3131-16 du code de la santé publique et modifié à onze reprises, qui adapte le fonctionnement et l'organisation du dispositif de santé aux nécessités de gestion de l'épidémie.

L'état d'urgence sanitaire a enfin trouvé une importante déclinaison au niveau territorial. De manière à permettre une adaptation, au plus proche du terrain, des mesures de lutte contre la propagation de l'épidémie, le législateur a en effet conféré au Gouvernement la possibilité d'habiliter les autorités préfectorales soit à prendre les mesures d'adaptation locale des mesures prescrites au niveau national, soit à agir en lieu et place des autorités gouvernementales lorsque les mesures envisagées ne sont que de portée locale 3 ( * ) .

Les prérogatives attribuées aux préfets
dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de covid-19

Conformément au cadre légal défini par le code de la santé publique pour l'état d'urgence sanitaire, le décret du 23 mars 2020 habilite les préfets :

- à prescrire, lorsque les circonstances locales l'exigent, des mesures plus restrictives que celles décidées par le Gouvernement au niveau national concernant les trajets et déplacements des personnes, les fermetures d'établissements recevant du public et l'interdiction des rassemblements, réunions ou activités ;

- à déroger, lorsque les circonstances locales le permettent, aux mesures définies au niveau national, en adoptant des mesures moins contraignantes. C'est ainsi que les préfets peuvent autoriser la tenue de marchés alimentaires. Ils peuvent également déroger aux restrictions imposées par le Gouvernement sur le trafic maritime dans les eaux territoriales françaises ;

- à procéder à certaines réquisitions (établissement de santé ou établissement médico-social ; laboratoires ; matières premières nécessaires à la fabrication de masques de protection ; établissements recevant du public nécessaires pour répondre aux besoins d'hébergement ou d'entreposage ; biens, personnes ou services nécessaires au bon fonctionnement des agences régionales de santé).

Les préfets ont fait pleinement usage des prérogatives qui leur ont été attribuées sur ce fondement par le décret du 23 mars. Au 27 avril 2020, 4 825 mesures préfectorales étaient ainsi applicables 4 ( * ) .

Plus de 80 % d'entre elles, soit 3 891 mesures au total, sont des mesures d'autorisation de marchés , prises par dérogation aux dispositions réglementaires imposées au niveau national. Les mesures restantes se répartissent entre :

- des mesures restreignant les trajets et déplacements de personnes, dont 39 arrêtés de couvre-feu et 283 mesures portant interdiction d'accès à certains lieux, notamment les parcs, plages et forêts (soit un total de 322 mesures) ;

- des mesures de restriction ou d'interdiction à l'ouverture des établissements recevant du public (244 mesures) ;

- des mesures de réquisition, qui ont majoritairement concerné le personnel de santé (285 mesures sur un total de 368 mesures de réquisitions) ;

- des mesures de dérogation ou d'aggravation de l'interdiction des rassemblements (39 mesures).

À l'issue de six semaines d'application, le cadre légal instauré par la loi d'urgence du 23 mars 2020 paraît avoir démontré sa pertinence et son efficacité en apportant, ainsi que le relevait la commission dans son second rapport de suivi de l'état d'urgence sanitaire 5 ( * ) , la souplesse nécessaire au Gouvernement « pour apporter des réponses rapides à l'évolution de la situation sanitaire ».

B. UNE ÉPIDÉMIE MAÎTRISÉE MAIS ENCORE LOIN D'ÊTRE ÉRADIQUÉE

Les mesures fortes prises par le Gouvernement dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ont, sans conteste, permis de réduire la circulation du virus sur le territoire national et de limiter, à ce jour, l'ampleur de l'épidémie.

Dans son avis du 20 avril 2020, le conseil de scientifiques indique ainsi que « grâce au confinement, le taux de transmission de SARS-CoV-2 dans la population française a été réduit d'au moins 70 %. Cette réduction extrêmement importante de la transmission a permis de casser la dynamique d'expansion du SARS-CoV-2 ».

Les statistiques témoignent d'une diminution de la prégnance du virus. Le nombre de personnes atteintes du covid-19 et hospitalisées connaît en effet une baisse constante depuis le 14 avril : de plus de 32 000, il est descendu, au 30 avril, à environ 26 000. De même, le nombre de cas admis en réanimation diminue régulièrement depuis trois semaines, étant passé de 7 100 au 8 avril à environ 4 000 au 30 avril.

Cette amélioration de la situation sanitaire a permis au Président de la République d'annoncer, le 13 avril, la perspective d'un déconfinement à compter du 11 mai.

Chargé d'assurer la mise en musique de cette décision, le Gouvernement a créé une task force dédiée, à laquelle il a été confié le soin de définir les modalités de ce déconfinement. Dans une déclaration devant l'Assemblée nationale le 28 avril, le Premier ministre en a présenté les premiers principes.

Loin de se traduire par un retour à la vie normale pour les Français, le déconfinement consistera, du moins dans un premier temps, en un allègement progressif des mesures de restrictions imposées depuis la mi-mars. Prônée par le conseil de scientifiques, cette stratégie de sortie progressive du confinement répond à un constat , rappelé par le Premier ministre le 28 avril : « dès lors qu'aucun vaccin n'est disponible à court terme, qu'aucun traitement n'a à ce jour démontré son efficacité et que nous sommes loin d'avoir atteint la fameuse immunité de groupe, le virus va continuer à circuler parmi nous ».

Le risque d'une seconde vague impose, dès lors, que des mesures de restriction et de contrôle continuent d'être imposées aux Français . Ainsi que le relève l'étude d'impact du projet de loi, « la circulation du virus demeure élevée et les risques de reprise épidémique en cas d'interruption soudaine des mesures administratives en cours sont avérés » , ce qui rend indispensable de continuer à permettre au Premier ministre et au ministre de la santé de mettre en oeuvre les mesures permises par l'état d'urgence sanitaire, « même s'il est probable que celles-ci seront, pour la plupart, différentes de celles actuellement en cours ».

C. UNE PROLONGATION INDISPENSABLE DE L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE

Dans ce contexte, le projet de loi soumis à l'examen de la commission vise à proroger, pour une nouvelle durée de deux mois, soit jusqu'au 23 juillet inclus , l'application du régime de l'état d'urgence sanitaire.

Prévue par l'article 1 er du texte, cette prorogation s'effectuerait dans les mêmes conditions que celles définies par l'article 4 du projet de loi d'urgence du 23 mars 2020. Elle s'appliquerait, en conséquence, sur l'ensemble du territoire national, collectivités ultra-marines et Nouvelle-Calédonie incluses.

Aux termes de l'exposé des motifs du projet de loi, la prorogation de deux mois proposée « permettra de prévenir la levée pure et simple des mesures indispensables à la protection de la santé des Français, et de définir les modalités d'une reprise progressive des activités à compter du 11 mai, en adéquation avec l'évolution de la situation sanitaire ».

Bien qu'elle souscrive au principe d'une prorogation de ce régime d'exception, la commission a quant à elle estimé qu'il était souhaitable, au regard des incertitudes qui pèsent encore sur les conditions dans lesquelles sera mené le déconfinement, que le Parlement puisse, si le prolongement de l'état d'urgence sanitaire se révélait nécessaire, se prononcer dans un délai plus court que celui proposé par le Gouvernement. Elle a, en conséquence, adopté un amendement COM-159 de son rapporteur, qui anticipe la date de fin de l'état d'urgence sanitaire au 10 juillet 2020 .

En prorogeant la durée de l'état d'urgence, l'article 1 er du projet de loi induit des effets directs sur les dispositions prises par ordonnances sur le fondement de la loi d'urgence du 23 mars dernier, dont le champ d'application temporel est « calé » sur la durée de l'état d'urgence .

Certaines dispositions sont en effet prévues pour durer uniquement pour la période de l'état d'urgence, augmentée selon le cas, d'une période d'un ou deux mois. Or, la commission constate que les mesures « d'urgence » prévues par ordonnances qui, lorsqu'elles ont été prises, pouvaient pleinement se justifier pour des durées de deux, trois ou quatre mois, ne le peuvent plus, au moins pour certaines d'entre elles, pour des périodes de quatre, cinq ou six mois.

Dans ces conditions, la prorogation de la durée de l'état d'urgence implique un réexamen impératif de la pertinence de l'ensemble des mesures d'urgence prises par ordonnances sur le fondement de la première loi d'urgence . À l'instar du Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi, la commission invite le Gouvernement à prendre les dispositions législatives nécessaires, dans le cadre des habilitations qui lui sont encore ouvertes, pour revenir sur des dérogations qui n'apparaitraient plus justifiées dans un contexte de déconfinement et de reprise progressive de l'activité sociale et économique. Le cas échéant, ces mesures devront être abordées dans le cadre du nouveau projet de loi que le Gouvernement a annoncé vouloir présenter dans les prochains jours.

Dans cette attente, la commission a, en tout état de cause, souhaité que les habilitations en cours ne puissent conduire à prolonger à nouveau certaines mesures dérogatoires déjà prévues par ordonnance . C'est pourquoi, en particulier, elle a modifié le champ de l'habilitation prévue au d) du 2° du I de l'article 11 de la loi d'urgence du 23 mars dernier, afin d'interdire que, par ordonnance, le Gouvernement puisse à nouveau décider d'allonger les détentions provisoires ou les mesures d'assignation à résidence sous surveillance électronique en cours 6 ( * ) (amendement COM-55) .

La commission a enfin adopté un amendement COM-84 de M. Gilbert-Luc Deninaz et de ses collègues du groupe socialiste et républicain, qui modifie les conditions dans lesquelles il peut être mis fin de manière anticipée à l'état d'urgence sanitaire . Cette prérogative sera désormais conditionnée à l'avis préalable du comité de scientifiques.

II. UN ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE COMPLÉTÉ DANS LA PERSPECTIVE D'UNE SORTIE PROGRESSIVE DU CONFINEMENT

A. UNE CONSOLIDATION DE LA BASE LÉGALE POUR LES PLACEMENTS EN QUARANTAINE OU À L'ISOLEMENT

1. L'identification et l'isolement des personnes affectées : un axe fort de la stratégie de déconfinement imaginée par le Gouvernement

Bien que les détails n'en soient, pour l'heure, pas connus, la stratégie de déconfinement annoncée par le Gouvernement reposera, ainsi que l'a rappelé le Premier ministre, sur trois principes : « protéger, tester, isoler ».

La protection, dont il a déjà largement été fait application au cours de la période de confinement, impliquera, outre la mise en oeuvre des mesures barrières et de distanciation sociale, une généralisation du port de masques dans les espaces qui se caractérisent par une forte concentration de population, comme les transports en commun, voire dans l'espace public dans son ensemble.

Il est ensuite envisagé de tester massivement la population . L'objectif annoncé par le Gouvernement est de réaliser au moins 700 000 tests virologiques par semaine à partir du 11 mai, grâce à la mobilisation conjointe des laboratoires publics et privés, mais également avec la participation des laboratoires de recherche et des laboratoires vétérinaires.

Enfin, cette politique de tests devrait ouvrir la voie à une politique de placement à l'isolement des personnes porteuses du virus, dans le but de casser les chaînes de transmission. Il s'agit de l'une des principales préconisations formulées par le conseil de scientifiques dans le cadre de son avis du 20 avril 2020 portant sur la sortie du confinement, qui rappelle qu'une telle stratégie a permis de mettre fin à des épidémies très importantes, comme l'épidémie de Ebola.

2. Des mesures de quarantaine et d'isolement précisées et clarifiées dans leur champ d'application
a) Un cadre fragile sur le plan constitutionnel

S'agissant de la mise en oeuvre de ce troisième axe de la stratégie gouvernementale, le Premier ministre a, lors de son allocution devant l'Assemblée nationale, très largement fait appel à la responsabilisation de chaque Français , indiquant : « L'isolement doit être expliqué, consenti et accompagné. Notre politique repose, à cet égard, sur la responsabilité individuelle et sur la conscience que chacun doit avoir de ses devoirs à l'égard des autres. Nous prévoirons des dispositifs de contrôle, au cas où ils seraient nécessaires, mais notre objectif est de nous reposer largement sur le civisme de chacun . »

Si le principe de l'isolement volontaire et consenti semble en définitive bien privilégié dans la majorité des cas, le Gouvernement souhaite soumettre à un contrôle renforcé les personnes arrivant depuis l'étranger sur le territoire national ou circulant entre le territoire national et les départements et collectivités d'outre-mer ainsi que la Corse, notamment dans le but de limiter les risques d'importation du virus dans des zones encore peu touchées ou fragiles.

Les dispositions du code de la santé publique relatives à l'état d'urgence sanitaire, introduites par la loi d'urgence du 23 mars 2020, permettent d'ores et déjà au Premier ministre d'ordonner des mesures de quarantaine et des mesures d'isolement 7 ( * ) . Dans la pratique, il a effectivement été fait usage de ces dispositions au cours des dernières semaines, mais uniquement à l'arrivée dans les collectivités ultramarines 8 ( * ) .

Ces dispositions apparaissent toutefois fragiles sur le plan constitutionnel . Faute d'avoir pu, lors de l'examen du texte au mois de mars, obtenir des informations précises sur les situations et les conditions dans lesquelles le Gouvernement souhaitait faire appel aux mesures de quarantaine et d'isolement, leur mise en oeuvre n'a en effet fait l'objet d'aucun encadrement juridique précis. Or, s'agissant de mesures fortement restrictives, voire privatives de liberté, il est probable qu'y compris en période d'état d'urgence sanitaire, l'absence de garanties légales constitue une source d'inconstitutionnalité.

b) Une précision bienvenue du régime applicable à ces mesures

Afin de sécuriser juridiquement le recours à ces mesures, auxquelles les pouvoirs publics sont susceptibles de recourir de manière plus importante dans un contexte de reprise des déplacements, les articles 2 et 3 du projet de loi viennent préciser les dispositions de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique.

Le dispositif proposé comprend deux volets.

Le premier, prévu par l'article 2 du projet de loi, détermine les circonstances dans lesquelles le Premier ministre peut ordonner la mise en oeuvre de mesures de quarantaine ou de placement et maintien en isolement.

Il est prévu que seules les personnes ayant séjourné dans une zone de circulation de l'infection puissent être visées, dans trois cas :

- lorsqu'elles entrent sur le territoire national, en provenance d'un pays étranger ;

- lorsqu'elles arrivent sur le territoire d'un département ou d'une collectivité d'outre-mer ou dans la collectivité de Corse, y compris lorsqu'il s'agit de déplacements internes au territoire national ;

- lorsqu'elles ont effectué un déplacement interne au territoire national en provenance de ces collectivités.

À l'exception du champ d'application, les conditions de mise en oeuvre de ces mesures, en particulier leur durée, les obligations qu'elles peuvent inclure, les lieux où elles peuvent s'exécuter, les garanties apportées aux personnes qui en font l'objet ainsi que les conditions d'exercice d'un suivi médical, sont renvoyées au pouvoir réglementaire, après avis du comité de scientifiques. Autrement dit, il appartiendra au Premier ministre, lorsqu'il ordonnera que puissent être mises en oeuvre des mesures de quarantaine ou d'isolement, d'en préciser les contours.

Le second volet du dispositif, prévu par l'article 3 du projet de loi, encadre les conditions dans lesquelles les décisions individuelles de placement en quarantaine ou à l'isolement pourront être prises , lorsque le Premier ministre aura prévu leur mise en oeuvre. Il complète, à cette fin, l'article L. 3131-17 du code de la santé publique.

Les placements en quarantaine et à l'isolement seront prononcés par décision individuelle motivée du préfet, sur proposition du directeur de l'agence régionale de santé. Pour les mesures d'isolement, qui ne peuvent concerner que les personnes affectées par le virus, leur prononcé est conditionné d'une part, à la « constatation médicale de l'infection de la personne concernée » et, d'autre part, à la présentation au préfet d'un certificat en faisant état.

Deux régimes distincts s'appliquent à ces mesures selon qu'elles impliquent ou non une privation complète de liberté.

Les mesures privatives de liberté 9 ( * ) , compte tenu de l'atteinte forte qu'elles portent à la liberté individuelle, font l'objet de garanties renforcées. Elles ne peuvent ainsi être prolongées, au-delà d'une durée de quatorze jours, que par le juge des libertés et de la détention, dans la limite maximale d'un mois. Elles peuvent par ailleurs faire l'objet, à tout moment, par la personne concernée, d'un recours devant le juge des libertés et de la détention, qui sera tenu de se prononcer dans un délai maximal de 72 heures.

A l'inverse, aucune garantie spécifique n'est prévue pour les mesures qui n'emportent qu'une restriction de liberté , c'est-à-dire les mesures pour lesquelles des autorisations minimales de sortie seront prévues. Ces mesures pourront, le cas échéant, être prolongées par le préfet, sans limitation de durée. A l'instar de l'ensemble des autres mesures prescrites dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, elles pourront faire l'objet d'un recours, y compris en référé, devant le juge administratif.

3. La position de la commission : un dispositif à clarifier et à encadrer pour assurer une meilleure protection des libertés individuelles

La commission se félicite que le Gouvernement, après avoir refusé la définition d'un cadre légal précis lors de l'examen du premier projet de loi, revienne aujourd'hui devant le Parlement pour apporter des garanties renforcées aux mesures restrictives de liberté que sont la quarantaine et l'isolement.

Elle partage l'esprit de responsabilisation de la population à laquelle le Premier ministre a appelé et souscrit, en conséquence, à la proposition de limiter la mise en oeuvre de mesures de quarantaine ou d'isolement forcés à un nombre restreint de situations.

Compte tenu de l'atteinte aux libertés individuelles qu'impliquent ces mesures, elle a toutefois jugé nécessaire de préciser, à plusieurs niveaux, les mesures introduites par le projet de loi .

a) Une modification du champ d'application des mesures

La commission a pris acte de la volonté du Gouvernement d'assurer une protection de certaines collectivités qui, à raison de leur éloignement du territoire national, doivent faire l'objet d'une protection renforcée vis-à-vis des déplacements depuis des territoires extérieurs.

S'agissant du cas de la Corse , il lui est apparu légitime, au regard de son caractère insulaire, que des dispositions spécifiques soient prises pour préserver ce territoire des contaminations susceptibles de provenir de l'extérieur. En revanche, rien ne lui paraît justifier que les personnes arrivant de Corse soient soumises à un dispositif plus contraignant que n'importe quelle personne circulant entre deux autres départements du territoire hexagonal. Elle a, en conséquence, modifié le périmètre d'application des mesures de quarantaine et d'éloignement afin de prévoir que ces mesures ne pourront être appliquées aux personnes arrivant en France continentale en provenance de la Corse ( amendement COM-161 ).

Par le même amendement, la commission a également précisé que ne pourraient être concernées par un placement en quarantaine ou à l'isolement que les personnes ayant séjourné dans une zone d'infection dans le mois précédant leur arrivée .

Enfin, elle a souhaité que la liste des zones de circulation de l'infection soit définie par un arrêté du ministre de la santé . Il importe, en effet, qu'une réglementation claire soit établie pour faciliter l'identification des zones considérées comme affectées et garantir une application homogène, par les préfets, des mesures de quarantaine et d'isolement sur l'ensemble du territoire national.

b) Une inscription, dans la loi, de garanties renforcées pour les personnes concernées

La commission a estimé que le renvoi, au pouvoir réglementaire, de l'ensemble des conditions d'exécution des mesures de quarantaine et d'isolement était susceptible de placer le législateur en situation d'incompétence négative.

Il appartient en effet au législateur d'apporter les garanties suffisantes de nature à assurer une conciliation équilibrée entre la prévention des atteintes à l'ordre public et la protection des droits et libertés individuelles, auxquelles ces mesures portent atteintes.

Aussi a-t-elle jugé indispensable d' inscrire dans la loi un certain nombre de garanties pour les personnes concernées par ces mesures ( amendement COM-161 ), à savoir :

- le principe du libre choix laissé à la personne concernée d'effectuer sa quarantaine ou son isolement dans son domicile ou dans un lieu d'hébergement spécialement mis à disposition par l'autorité publique ;

- la limitation à 14 jours , pour toutes les mesures, qu'elles soient privatives ou seulement restrictives de liberté, de la durée initiale de la mesure, soit une durée correspondant à la période maximale d'incubation, renouvelable dans la limite d'une durée maximale d'un mois ;

- la liste des obligations auxquelles les personnes pourront être soumises , à savoir une interdiction de sortie du domicile, sous réserve de déplacements autorisés, ou une interdiction de fréquenter certains lieux. En cas d'isolement complet, il est rappelé qu'un accès aux biens et aux services de première nécessité doit être garanti.

La commission ne peut que regretter, à cet égard, que le Gouvernement, n'ait pas été en mesure de définir, à ce jour, les contours exacts du dispositif envisagé . Elle estime en particulier dommageable qu'aucune précision n'ait pu lui être apportée concernant les conditions dans lesquelles serait exercé le contrôle du respect des mesures de quarantaine et d'isolement.

La commission a enfin adopté un amendement COM-170 de la commission des affaires sociales portant article additionnel, qui renforce les garanties en matière de droit du travail assurées aux personnes visées par des mesures de quarantaine, pour lesquelles l'infection n'est que présumée. Contrairement aux personnes effectivement atteintes par le virus, celles-ci ne sont en effet pas couvertes par les dispositions de droit commun relatives aux arrêts maladie, ce qui peut les placer dans une situation de fragilité à l'égard de leur employeur, en particulier pour la protection de leur contrat de travail.

c) L'introduction d'une base légale pour la transmission des données de réservation passagers par les transporteurs

En pratique, la mise en oeuvre des mesures de quarantaine et d'isolement pourrait nécessiter la communication, à l'autorité administrative, des données de réservation des passagers susceptibles d'entrer sur le territoire concerné.

Ces données se révèleraient notamment utiles pour informer les passagers, avant leur départ, des mesures auxquelles ils sont susceptibles d'être soumis à leur arrivée.

En l'état du droit, les obligations faites aux transporteurs de communiquer à l'autorité administrative des données passager sont fixées par la loi 10 ( * ) . La commission a, en conséquence, introduit une obligation de transmission, par les entreprises de transport ferroviaire, aérienne et maritime, des données de réservation correspondant aux passagers susceptibles de faire l'objet d'une mesure de quarantaine ou d'isolement à leur arrivée ( amendement COM-161 ).

d) Un encadrement des conditions de prononcé et de renouvellement des décisions individuelles

Outre la limitation de leur durée, la commission a souhaité, par l'adoption de l' amendement COM-162 , préciser et encadrer les conditions de prononcé et de renouvellement des mesures d'isolement et de quarantaine.

Ella a, à cette fin, conditionné leur prolongement, au-delà de 14 jours, à la production d'un avis médical en établissant la nécessité .

Jugeant que le projet de loi manquait de clarté quant à l'articulation des compétences entre le Premier ministre et le représentant de l'État, elle a prévu que, contrairement aux autres mesures de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, soit exclue du champ de la délégation aux préfets la définition du cadre réglementaire de mise en oeuvre des mesures de quarantaine et d'isolement . Il importe, en effet, que celui-ci soit défini par le Premier ministre afin de garantir une mise en oeuvre unifiée.

A l'instar des dispositions applicables aux mesures de soins sans consentement, la commission a par ailleurs procédé à une unification du contentieux en prévoyant que l'ensemble des mesures de quarantaine et d'isolement, qu'elles soient ou non privatives de liberté, relèveront du juge des libertés et de la détention. Cette unité des voies de recours, qui existe d'ores et déjà pour les mesures de soins sans consentement, est une garantie de lisibilité pour les personnes concernées. Elle assurera également une cohérence jurisprudentielle.

Par le même amendement COM-162 , la commission a complété les voies de recours , en prévoyant une possibilité de saisine par le procureur de la République, par ailleurs destinataire de l'ensemble des mesures de quarantaine et d'isolement prises dans son ressort territorial.

Enfin, elle a adopté un amendement COM-169 déposé par la commission des affaires sociales, qui précise le circuit de transmission du certificat médical sur la base duquel le préfet de département prendra la décision d'isolement, afin de garantir une confidentialité stricte des données qu'il comprend .

e) Un alignement des garanties introduites à tous les régimes de quarantaine et d'isolement

Hors état d'urgence sanitaire, des mesures de quarantaine et de placement à l'isolement peuvent être mises en oeuvre par le préfet, en application de l'article L. 3115-10 du code de la santé publique. Ces dispositions, qui sont issues de la transposition en droit français du règlement sanitaire international de 2005, ne sont applicables que dans le cadre du franchissement des frontières.

Article L. 3115-10 du code de la santé publique

« Le représentant de l'État peut prendre, par arrêté motivé, toute mesure individuelle permettant de lutter contre la propagation internationale des maladies, notamment l'isolement ou la mise en quarantaine de personnes atteintes d'une infection contagieuse ou susceptibles d'être atteintes d'une telle infection, sur proposition du directeur général de l'agence régionale de santé. Il en informe sans délai le procureur de la République. Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles le représentant de l'État peut recourir à de telles mesures, notamment au regard de la gravité de l'infection et des risques de sa transmission. »

Il a également pu être fait application, par le passé, des dispositions de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique qui permet au ministre chargé de la santé de « prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population » pour prendre des mesures de placement en quarantaine. C'est sur ce fondement légal que la ministre des solidarités et de la santé a, par un arrêté du 30 janvier 2020, prescrit la mise en quarantaine des personnes ayant séjourné dans la région de Wuhan, en Chine.

Si ces dispositions n'ont pas vocation à s'appliquer en période d'état d'urgence sanitaire, elles pourront, le cas échéant, prendre le relai de celui-ci. En effet, ainsi que l'a prévu la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, les dispositions prévues par l'article L. 3131-1 du code de la santé publique pourront être mises en oeuvre « après la fin de l'état d'urgence sanitaire, (...) afin d'assurer la disparition durable de la situation de crise sanitaire ».

Si tel était le cas, il serait pour le moins paradoxal qu'un régime moins protecteur des libertés que celui de l'état d'urgence sanitaire soit appliqué à l'issue de celui-ci. Aussi, par l'adoption d'un amendement COM-166 , la commission a aligné les garanties entourant le prononcé des mesures de quarantaine et d'isolement prévues dans le cadre du régime de l'état d'urgence sanitaire aux autres situations dans lesquelles de telles mesures peuvent être prises.

B. DES AJUSTEMENTS POUR ANTICIPER LE DÉCONFINEMENT

1. Une possibilité nouvelle de réglementer les moyens de transport

En application du 1° de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, le Premier ministre est autorisé, aux seules fins de garantir la santé publique, à « restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par décret ».

L'article 2 du projet de loi modifie cette disposition à deux niveaux : il prévoit, d'une part, la possibilité pour le Premier ministre non seulement d'interdire, mais également de réglementer la circulation des personnes et des véhicules ; il étend, d'autre part, les possibilités d'interdiction et de réglementation aux moyens de transport .

Dans la perspective du déconfinement, cette mesure vise notamment à permettre la mise en place de restrictions dans les transports publics afin d'éviter la concentration de personnes dans des espaces clos et le respect des gestes barrières. Selon les informations communiquées au rapporteur, il pourrait notamment s'agir d'imposer le port du masque ou encore de restreindre l'accès aux transports publics à certains motifs de déplacements, par exemple de nature professionnelle.

Si la commission souscrit à l'utilité d'une telle mesure, elle observe que la rédaction proposée n'exclut pas la possibilité d'une interdiction stricte de l'accès aux moyens de transport. Estimant qu'une telle mesure serait disproportionnée, notamment compte tenu des nécessités professionnelles, elle a adopté un amendement COM-160 de clarification .

2. Un élargissement excessif des lieux susceptibles d'être fermés ou réglementés

Parmi les prérogatives attribuées au Premier ministre dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire figure la capacité d'« ordonner la fermeture provisoire d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l'exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité ».

L'article 2 du projet de loi, à l'instar de ce qui est prévu pour les transports publics, ouvre la possibilité pour le Premier ministre de réglementer les conditions d'ouverture de ces lieux et établissements, dans la perspective notamment d'une réouverture progressive des commerces.

Il étend par ailleurs les catégories de lieux susceptibles d'être visés, en substituant à la notion de « lieux de réunion » celle de « lieux de regroupement de personnes ». Bien que l'étude d'impact ne comporte aucune justification à l'appui de cette extension, il a été indiqué au rapporteur qu'elle visait à faciliter la réglementation de certains lieux dont la qualification juridique est peu évidente, en particulier les locaux professionnels.

Si elle comprend l'objectif poursuivi par le Gouvernement, la commission a néanmoins estimé que la formulation proposée était susceptible d'une application particulièrement large, dès lors qu'elle pourrait viser tous lieux, publics comme privés, dans lesquels seraient susceptibles de survenir des regroupements de personnes, que ceux-ci soient volontaires ou fortuits.

Il lui apparaît au demeurant que la nécessité de cette modification n'est pas établie, au regard tant de la législation relative au droit du travail que du cadre légal introduit par la loi du 23 mars 2020, qui permet d'ores et déjà de règlementer la circulation des personnes dans l'espace public ainsi que de « limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature ».

Par le même amendement COM-160 , la commission est, en conséquence, revenue sur cette extension, au profit de la notion de « lieux de réunions ».

3. Une extension des possibilités de réquisition et un ajustement des mesures de contrôle de prix

Le texte élargit les possibilités de réquisitions ouvertes, par la loi du 23 mars 2020, à l'autorité administrative dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

L'objectif poursuivi consiste à ne plus subordonner la réquisition de personnes à celles de biens ou de services. En effet, cette exigence légale semble avoir contraint, dans la pratique, l'autorité administrative à des acrobaties juridiques, obligeant par exemple la réquisition d'une agence régionale de santé pour réquisitionner ses personnels.

La réquisition de personnes devant, en tout état de cause, être justifiée et proportionnée aux nécessités de la lutte contre la catastrophe sanitaire , la commission a souscrit à cette modification.

Par ailleurs, la commission a adopté un amendement COM-131 de Mme Véronique Guillotin et plusieurs de ses collègues qui prévoit une information du public et des professionnels concernés sur les mesures de contrôle de prix instaurés dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Il lui est apparu que cette mesure était de nature à garantir une bonne information du consommateur et à faciliter le contrôle des pratiques de vente abusives.

4. Un élargissement des catégories d'agents susceptibles de constater les infractions aux mesures de l'état d'urgence sanitaire

En l'état du droit, sont autorisés à constater par procès-verbaux les contraventions aux mesures de l'état d'urgence sanitaire, outre les officiers et agents de police judiciaire, les agents de police municipale, les gardes-champêtres ainsi que les agents de la ville de Paris en charge d'une mission de sécurité.

Il est proposé d'étendre ces prérogatives à trois nouvelles catégories d'agents :

- les agents de la police nationale qui n'ont pas la qualification d'agent de police judiciaire, les adjoints de sécurité et les membres de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale ;

- les contrôleurs des exploitants de services de transport, les agents assermentés missionnés des services internes de sécurité de la société nationale des chemins de fer français (SNCF) et de la régie autonome des transports parisiens (RATP) et les agents assermentés de la filiale SNCF Gares et connexions, pour les seules contraventions consistant en la violation des obligations édictées en matière de transports ;

- les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) habilités à procéder à des enquêtes en matière de concurrence, pour les seules contraventions consistant en la violation des mesures prises en matière de contrôle des prix ou de limitation à la liberté d'entreprendre.

Par l'adoption de deux amendements COM-164 et COM-165 de son rapporteur , la commission a restreint le champ de cette extension, à deux niveaux.

Au regard des difficultés constatées au cours des dernières semaines sur le terrain dans l'appréciation, par les forces de sécurité intérieure, des mesures de l'état d'urgence sanitaire, elle a d'une part estimé qu'il n'était pas souhaitable d'étendre les pouvoirs de constat d'infractions à de nouvelles catégories d'agents de la police et de la gendarmerie nationale disposant d'une qualification judiciaire moindre.

D'autre part, elle a supprimé l'élargissement des pouvoirs des agents de la filiale Gare et connexions de la SNCF . Ces agents, auxquels il n'a été reconnu des prérogatives de constat d'infractions que depuis le 1 er janvier 2020, ne bénéficient pas du pouvoir de relever l'identité des personnes, ce qui rendrait complexe l'établissement d'un procès-verbal. Par ailleurs, il semble qu'à ce jour, aucun de ces agents n'ait pu exercer ces compétences judiciaires faute, pour le pouvoir réglementaire, d'avoir prévu les modalités de leur assermentation.

5. Un resserrement du régime de responsabilité pénale des personnes physiques et morales

À l'initiative de son rapporteur, la commission a adopté un amendement COM-51 à l'article 1 er qui définit, de manière plus restrictive que le droit commun 11 ( * ) , le régime de responsabilité pénale des personnes dont le comportement aurait causé ou risqué de causer une contamination par le coronavirus .

Selon cet amendement, nul ne pourrait voir sa responsabilité pénale engagée du fait d'avoir, pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire, soit exposé autrui à un risque de contamination par le coronavirus SARS-CoV-2, soit causé ou contribué à causer une telle contamination, à moins que les faits n'aient été commis soit intentionnellement, soit par imprudence ou négligence dans l'exercice des pouvoirs de police administrative spéciale attribués aux autorités de l'État au titre de l'état d'urgence sanitaire, soit en violation manifestement délibérée d'une mesure de police administrative prise à ce titre ou d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.

Seules les autorités étatiques, en effet, grâce à l'expertise scientifique mise à leur disposition, sont en mesure d'apprécier pleinement le risque épidémique et de prendre les mesures réglementaires ou individuelles qui s'imposent pour l'endiguer. Il appartient aux autres personnes physiques et morales de se conformer aux mesures ainsi édictées, mais l'on ne saurait exiger d'elles davantage. Alors que le déconfinement de la population, la réouverture de certains services publics, la reprise de la plupart des activités économiques sont annoncés, il ne serait ni opportun ni équitable de faire peser un risque de condamnation pénale sur les élus, gestionnaires, chefs d'entreprise qui agiraient en conséquence tout en se pliant strictement aux mesures de police qui resteront en vigueur ainsi qu'aux règles particulières de prudence ou de sécurité, par exemple celles relatives à la santé au travail.

Le dispositif proposé n'offre une protection, sous conditions, que contre les poursuites et condamnations pour des délits et contraventions non intentionnels (mise en danger involontaire d'autrui, atteinte involontaire à l'intégrité physique, voire homicide involontaire). La transmission intentionnelle du virus resterait bien sûr passible de poursuites.

III. LA MISE EN oeUVRE DE NOUVEAUX FICHIERS ET LE PARTAGE DE CERTAINES DONNÉES DE SANTÉ POUR FACILITER LE SUIVI DES MALADES ET DES CAS-CONTACT

A. LES OUTILS INFORMATIQUES EN COURS DE DÉVELOPPEMENT POUR APPUYER LES « BRIGADES » DE SUIVI DES CONTACTS

Le suivi de contacts contact tracing ») est une politique de santé publique traditionnelle contre les épidémies qui vise à ralentir la propagation de l'agent pathogène. L'utilité de retracer sur plusieurs jours les interactions passées des personnes diagnostiquées positives au virus s'explique par l'existence d'une phase asymptomatique de la maladie : le virus n'est pas détectable aux premiers stades de la contamination, alors que le porteur est déjà contagieux. Il est donc particulièrement utile d'identifier rapidement les personnes avec lesquelles un malade diagnostiqué a pu se trouver en contact pendant la période d'incubation pour éviter que ces dernières ne contaminent à leur tour d'autres gens pendant cette phase asymptomatique. L'objectif, en alertant ces personnes, est de briser les chaînes de contamination et d'endiguer la propagation exponentielle de la maladie .

À cette fin, et dans la perspective de la levée progressive du confinement à compter du mois de mai 2020, le Premier ministre a indiqué qu'il entendait mobiliser sur le terrain d'importants moyens humains (des « brigades sanitaires » 12 ( * ) ), pour identifier et tester les patients atteints du covid-19 ainsi que pour retracer leurs « cas-contacts », et leur proposer un accompagnement médical et social.

Le rapporteur regrette que le dimensionnement précis de ces brigades, les profils concernés, l'état d'avancement de leur recrutement ou de leur formation n'aient fait à ce jour l'objet que d'une information très parcellaire du Parlement . Alors que lors de son audition tant par notre commission 13 ( * ) que par nos collègues de la commission des affaires sociales 14 ( * ) , le Professeur Jean-François Delfraissy avait estimé à plusieurs dizaines de milliers de personnes les effectifs requis, le ministre de la santé semble 15 ( * ) , lui, tabler sur un chiffre dix fois moins élevé !

Pour faciliter la mission de ces équipes, le Gouvernement souhaite les faire bénéficier d'outils informatiques permettant d'automatiser le traitement des informations recueillies sur le terrain concernant les malades et les cas contacts identifiés. Le recours à des fichiers devrait ainsi favoriser un suivi plus rapide, et à bien plus grande échelle, de la population exposée à la maladie ou à risque.

En l'état des informations communiquées au rapporteur, ce dispositif, qui n'est pas encore finalisé, pourrait s'appuyer principalement sur deux systèmes d'information :

- d'une part, un premier traitement SIDEP », pour « Système d'information national de dépistage populationnel ») viendrait en appui des opérations d'identification, de dépistage et de suivi des personnes infectées.

Il serait mis en oeuvre sous la responsabilité du ministère de la santé, essentiellement par les laboratoires de test et les médecins, et permettrait le suivi des opérations de dépistage et la diffusion des résultats des tests aux intéressés.

Concrètement, les laboratoires de biologie médicale alimenteraient la base de données (identité, résultat), les médecins assurant la prise en charge des patients diagnostiqués positifs ;

- d'autre part, un second traitement ( « contact-Covid ») serait utilisé par les « brigades sanitaires » chargées d'identifier les cas-contacts puis de leur proposer des mesures de dépistage, et, le cas échéant, de mise à l'isolement prophylactique.

Concrètement, il s'agirait d'un téléservice accessible par le portail « Ameli Pro » (habituellement utilisé par les professionnels de santé) et mis en oeuvre sous la responsabilité de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). Il permettrait notamment aux médecins de ville et établissements de santé de créer 16 ( * ) une fiche de suivi pour chacun de leurs patients testés positif au covid-19, et aux plateformes téléphoniques de l'assurance maladie d'appeler les personnes à risque pour évaluer leur degré d'exposition. Ainsi, il recenserait l'identité des cas-contacts indiqués par le malade et des informations relatives au risque d'exposition encouru par ce dernier (lien avec le « patient zéro », fréquence et durée des contacts).

Intervenants et missions

Utilisations
de SIDEP

Utilisations d'Ameli.pro
(contact-Covid)

Dépistage

Les laboratoires de biologie médicale (hospitalier ou de ville)
réalisent les tests et en transmettent
les résultats aux personnes chargées
du contact tracing.

Alimentation de base du fichier

- identification des patients

- identification des médecins

- résultats d'analyse (covid+/-)

Vérifier
qu'une personne
cas-contact
doit bien
se faire tester
(vaut prescription)

Niveau 1
du contact tracing

Les professionnels
du premier recours u
(médecins de ville ou hôpitaux)
assurant la prise en charge
des intéressés sont chargés
de l'identification d'une première liste
des personnes contacts du foyer.

Information par mail-sortant

que les patients sont infectés

Alimentation pour dresser
la 1 ère liste
des cas-contacts

Niveau 2
du contact tracing

Plateformes de l'assurance maladie

(avec l'appui de professionnels de santé/sous-traitants : maisons de santé pluriprofessionnelles, communautés professionnelles territoriales de santé, centres de santé, centres dédiés covid) appellent l'intéressé et établissent
avec lui une liste plus précise
des cas-contacts sur la base
d'un questionnaire structuré.
Elles recueillent l'identité et les coordonnées des cas-contacts pour leur communiquer les consignes de quarantaine, de test et les autres conduites à tenir.

Identification
des patients infectés qui n'auraient pas été tracés dans
le niveau 1

Consultation des données de contact tracing de niveau 1

Alimentation avec les données recueillies
au niveau 2

Niveau 3
du contact tracing

Les agences régionales de santé, en lien avec les cellules régionales de Santé publique France :

- gèrent les chaines de transmission
ou cluster et les contacts multiples
lors de rassemblements ;

- suivent les personnes soumises
à mesures prophylactiques (observance/adaptation) ;

- proposent au Préfet les mesures administratives de quarantaine
ou de mise à l'isolement.

Consultation pour savoir quels sont les patients infectés

Consultation des données de contact tracing de niveaux 1+2

Alimentation avec les données recueillies
au niveau 3

Synthèse
épidémiologique

Santé publique France et
la Direction générale de la santé
réalisent des synthèses épidémiologiques
de surveillance sanitaire.

Accès à des données pseudonymisées ou agrégées

Non

Source : ministère de la santé et des solidarités

B. UNE DISPOSITION LÉGISLATIVE REQUISE POUR AUTORISER ET ENCADRER LE PARTAGE, SANS LE CONSENTEMENT DES PERSONNES CONCERNÉES, D'INFORMATIONS COUVERTES PAR LE SECRET MÉDICAL

Selon le Gouvernement, l' article 6 du projet de loi ne vise pas à créer, par lui-même, de nouveaux traitements de données 17 ( * ) . Ces dispositions fixent un cadre juridique général pour les systèmes d'information déployés en appui à la lutte contre la propagation de l'épidémie de covid-19 et que devront respecter les traitements de données ultérieurement créés ou modifiés. À ce titre :

- elles identifient les catégories de responsables de traitement pour les dispositifs envisagés (ministre chargé de la santé, l'Agence nationale de santé publique, l'Assurance maladie et agences régionales de santé) ;

- elles autorisent la collecte de « données de santé et d'identification » et énumèrent les finalités poursuivies (identification des personnes infectées et des personnes à risque - « cas-contacts » -, orientation et suivi de ces dernières, surveillance épidémiologique) ;

- elles énumèrent les catégories de personnes pouvant avoir accès à ces informations (service de santé des armées, communautés professionnelles territoriales de santé, établissements de santé, maisons de santé, centres de santé et médecins concernés, laboratoires de biologie médicale) ;

- et pour le surplus, elles renvoient les modalités de mise en oeuvre du dispositif à un décret en Conseil d'État après avis public de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et habilitent même le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures complémentaires relevant du domaine de la loi (toutes celles concernant l'organisation et les conditions de mise en oeuvre des systèmes d'information).

Surtout, l'article 6 autorise expressément que le partage de données traitées dans le cadre de ces systèmes d'information dérogent au secret médical 18 ( * ) et à la nécessité de recueillir le consentement des intéressés .

Au titre de garantie, il est précisé que cette dérogation sera strictement limitée dans le temps à la durée strictement nécessaire de l'épidémie ou au plus tard à une durée d'un an à compter de la publication de la loi »).

Le Conseil d'État a admis cette dérogation, estimant qu'elle ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et respectait le cadre juridique européen relatif à la protection des données personnelles :

- l'accès à des données personnelles de santé non anonymisées données médicales à des professionnels, pour certains non médicaux, et même en l'absence de consentement de l'intéressé, est justifié par l'impossibilité pour les seuls professionnels médicaux de réaliser l'ensemble des nombreuses opérations prévues, qui nécessitent des moyens humains très importants ;

- le dispositif dont la création est autorisée repose sur un objectif d'intérêt général (la lutte contre la propagation de l'épidémie de covid-19), base juridique qui permet de ne pas se fonder sur le consentement des personnes dont les données personnelles, y compris de santé, sont traitées ;

- il est nécessaire à la réalisation de l'objectif de lutte contre l'épidémie , au vu des informations et avis scientifiques fournis par le Gouvernement, mais cette nécessité devrait être réévaluée périodiquement en fonction de l'évolution de l'état de l'épidémie ; à cet égard, s'il a connaissance des avis pertinents du comité de scientifiques Covid-19 en la matière 19 ( * ) , le rapporteur regrette de ne pas trouver directement trace dans l'étude d'impact des éléments justificatifs auxquels fait ici allusion le Conseil d'État ;

- il est encadré par des garanties (limitation stricte dans le temps et des finalités) qui seront complétées à l'occasion de chaque acte réglementaire créant le traitement de données.

C. LA POSITION DE LA COMMISSION : MIEUX ENCADRER UN DISPOSITIF UTILE MAIS INSUFFISAMMENT PROTECTEUR DE LA VIE PRIVÉE ET DU SECRET MÉDICAL

La commission a reconnu la pertinence de la démarche « tracer, tester, isoler », promue par le comité de scientifiques Covid-19, et qui implique de doter les brigades sanitaires, en charge du suivi des contacts, d'outils numériques performants et leur permettant de gagner en vitesse et en efficacité.

Elle a cependant estimé que la balance entre intérêt des fichiers et préservation des libertés n'était pas satisfaisante au vu du caractère potentiellement très intrusif de certains des fichiers sanitaires dont le développement est envisagé.

Elle a donc souhaité conforter ces dispositions et inscrire expressément dans la loi plusieurs garanties nouvelles pour mieux encadrer un dispositif utile mais en l'état insuffisamment protecteur de la vie privée et du secret médical.

À l'initiative du rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, la commission des lois a souhaité limiter strictement la nature des données de santé pouvant figurer dans les fichiers envisagés - strictement circonscrites et limitées au seul statut virologique du patient ainsi qu'à certains éléments probants de diagnostic clinique ( amendements COM-171 et COM-172 ) -. Elle a également précisé la liste des catégories de personnes pouvant avoir accès à ces informations ( amendement COM-173 ).

À l'initiative du rapporteur, elle a en outre apporté plusieurs modifications au texte proposé afin de :

- prévoir une limitation dans le temps plus stricte de la dérogation au secret médical ainsi accordée. Cette dérogation ne durera donc que pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire ; la formule « durée strictement nécessaire », retenue par le Gouvernement, ne proposant pas de terme précis à cette période, elle ouvrirait en outre par son incertitude un risque contentieux) ( amendement COM-114 ) ;

- garantir l'information adéquate des personnes dont les données sont entrées dans le système à l'initiative de tiers et préserve une possibilité d'opposition au traitement de ces données ( amendement COM-118 ) ;

- exclure explicitement que la présente loi serve de base juridique au déploiement de l'application StopCovid ( amendement COM-119 ) ;

- supprimer l'habilitation , trop large, et alors que le Gouvernement reviendra à brève échéance devant le Parlement ( amendements identiques COM-43, COM-65 et COM-121 ) ;

- instaurer le « comité de liaison sociétale » recommandé par le comité de scientifiques Covid-19 dans son dernier avis, et chargé notamment de s'assurer de la nécessité effective des traitements de données personnelles et du respect concret des garanties prévues par la loi ( amendement COM-122 ).

Au bénéfice de trois amendements de précision ( amendements COM-115, COM-116 et COM-120 ) et d'un amendement rédactionnel (amendement COM-117), la commission a adopté l' article 6 ainsi modifié.

*

La commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

_______

LUNDI 4 MAI 2020

M. Philippe Bas , rapporteur . - Mes chers collègues présents et virtuellement présents, nous sommes saisis d'un projet de loi dont l'objet principal est la reconduction, pour deux mois, de l'état d'urgence sanitaire. À cette occasion, le Gouvernement nous propose également deux séries de dispositions importantes : la première concerne la mise en quarantaine et le placement à l'isolement de certaines personnes infectées ou susceptibles d'avoir été infectées par le virus ; la seconde concerne la mise en place d'un système d'information centralisé alimenté par les médecins, les laboratoires d'analyses biologiques et les services de l'assurance maladie. Par ailleurs, le texte qui nous est présenté ne comporte aucune mesure relative à la responsabilité pénale des personnes qui, à raison de leurs fonctions, vont être amenées à prendre des décisions d'organisation destinées à ralentir ou à éviter la propagation du Covid-19.

La prolongation de l'état d'urgence est nécessaire pour passer de la phase de confinement à la phase de déconfinement. La reprise de l'activité - des écoles, des entreprises et des services publics - va entraîner une multitude de décisions individualisées en termes d'organisation. Je vous proposerai de ne prolonger l'état d'urgence sanitaire que jusqu'au 10 juillet prochain, afin de ne pas aller au-delà d'un délai de deux mois après le début du déconfinement. Quoi qu'il en soit, il est probable que le Gouvernement nous demandera au mois de juillet de prolonger cet état d'urgence sanitaire, le cas échéant pour prendre des mesures beaucoup plus souples. Mais, compte tenu de l'importance des demandes formulées par le Gouvernement à l'occasion de ces projets de loi, il me semble indispensable que le contrôle du Parlement s'exerce dans un délai un peu plus court que celui qui est prévu par le Gouvernement.

La plupart des mesures que le Gouvernement est susceptible de prendre au cours de la période de déconfinement ne sont d'ailleurs pas d'ordre législatif. En effet, la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 permet au Gouvernement de prendre de très nombreuses mesures. C'est ainsi qu'il pourrait tout à fait décider que le confinement est maintenu dans les départements rouges et prescrire des mesures réglementaires en ce sens. Nous ignorons d'ailleurs totalement, sauf s'agissant de l'ouverture des parcs et jardins, les conséquences qui seront tirées du classement des départements en plusieurs catégories de couleurs différentes - cela n'a pas été dévoilé dans la stratégie de déconfinement présentée à l'Assemblée nationale. Nous avons donc déjà donné l'essentiel des pouvoirs nécessaires. Le Gouvernement n'en demande pas plus, sauf pour la question de la quarantaine et de l'isolement ainsi que pour la mise en place de ce système d'information.

Pour l'organisation de ce déconfinement progressif, une multitude de décisions vont être prises par des autorités privées et publiques - maires, chefs d'entreprise, autorités organisatrices de transport (AOT) -, dans une multitude de lieux. Se pose alors la question de leur responsabilité. Il m'a paru indispensable d'introduire, à l'article 1 er , des dispositions visant à prendre en compte la situation des personnes qui se verraient reprocher pénalement d'avoir indirectement contribué à la propagation du virus, alors même qu'elles auraient scrupuleusement respecté, non seulement les obligations et interdictions édictées au titre de l'état d'urgence sanitaire, mais aussi les autres consignes particulières de prudence imposées par les lois et règlements. Je me suis longuement interrogé sur l'étendue de cette exonération. Les autorités qui organisent le déconfinement - celles qui exercent, sur le fondement du code de la santé publique, un pouvoir de police administrative spéciale, c'est-à-dire les ministres et les préfets - ne doivent pas échapper à leur propre responsabilité ; en revanche, toutes les autres autorités, qui ne tirent pas du code de la santé publique de responsabilités en matière de police administrative, se verraient protégées, dans une certaine mesure. Bien évidemment, si la contamination est intentionnelle ou s'il y a violation des lois et règlements ou des mesures individuelles de police sanitaire, il y aura délit, voire crime - il ne saurait y avoir d'exonération de responsabilité.

Le texte comporte également des dispositions assez redoutables, mais absolument nécessaires, sur les systèmes d'information. Elles impressionnent par leur caractère massif. Le Premier ministre a évoqué les chiffres : jusqu'à 3 000 personnes sont contaminées chaque jour ; chacune d'entre elles a rencontré en moyenne 20 à 25 autres personnes dans les jours précédant sa consultation chez le médecin ; ce qui nous fait un total de 525 000 tests de dépistage à effectuer chaque semaine ; disons 700 000 pour avoir de la marge. Ces 525 000 personnes vont être l'objet d'un suivi via un fichier.

Si la création de ce fichier est soumise à un vote du Parlement, c'est qu'il comportera des données médicales auxquelles des non-médecins et des non-professionnels de santé devront avoir accès. C'est donc, juridiquement, la question du secret médical que nous traitons aujourd'hui, même si, politiquement, nous traitons aussi d'autres questions, inextricablement liées : du respect de la vie privée et de l'efficacité de la lutte contre le Covid-19. Hors cette question du secret médical, le dispositif souhaité pourrait entrer en vigueur sans qu'il soit besoin pour le Gouvernement de recourir à la loi, puisque le règlement général sur la protection des données (RGPD) le permet. Il est ainsi expressément prévu que les fichiers comportant des données personnelles concernant la santé et destinés à la poursuite d'un intérêt supérieur - comme peut l'être la lutte contre l'épidémie de Covid-19 - puissent être mis en oeuvre sur cette base juridique et pour cette finalité. Néanmoins, nous sommes saisis de cette question et je vous proposerai d'aller très au-delà de la simple question du secret médical.

Concrètement, le dispositif qui est proposé commence par la visite d'un patient présentant des symptômes du Covid-19 chez un médecin : le médecin lui prescrit un test de dépistage et doit en principe entrer des informations sur le système d'information qui le relie déjà à l'assurance maladie. Le médecin doit aussi demander au patient quelles ont été les personnes qu'il a rencontrées dans les jours précédant la consultation, que l'on appelle les « cas contacts ». Ces noms doivent aussi être intégrés au fichier. Les médecins généralistes auront droit à une prestation tarifée particulière pour cette consultation. Le laboratoire d'analyses médicales sera, quant à lui, appelé à renseigner le fichier avec le nom du patient et le résultat du test. Une plateforme de l'assurance maladie, composée très largement de non-médecins, qui aura reçu l'information via le laboratoire d'analyses médicales, appellera alors le patient pour lui demander quelles sont les personnes qu'il a rencontrées les jours précédents. Ces personnes seront contactées, elles devront faire un test de dépistage sous 24 heures et entrer en quatorzaine, et ce même si le test de dépistage est négatif, car les tests ne sont pas encore totalement fiables et la personne peut être dans une période d'incubation dont la durée est inconnue. Il ne s'agit pas ici d'obligations légales, ni de décisions de police administrative, mais bien de prescriptions médicales : le dispositif repose sur le civisme et l'esprit de responsabilité de chacun.

De proche en proche, nous allons donc être amenés à suivre de très nombreux Français. Le dispositif n'est pas de nature différente de ce qui se passe aujourd'hui pour une méningite. Quand j'étais ministre de la santé, j'avais été surpris d'apprendre que, en cas de méningite dans une école primaire, j'étais très largement informé et que je pouvais donner des consignes. Nous sommes donc déjà organisés dans la lutte contre les contagions pour traiter ces informations. La différence aujourd'hui, c'est qu'il s'agit d'un système massif, avec la manipulation d'informations via un fichier centralisé, ce qui préoccupe légitimement beaucoup d'entre vous. C'est pourquoi je vous proposerai d'apporter plusieurs garanties concernant l'alimentation et l'utilisation de ce fichier.

Comme le suggère la commission des affaires sociales, que je suivrai, il ne faudrait pas que toutes les pathologies de la personne testée - problème cardiaque, surpoids, hypertension artérielle, maladie respiratoire, etc. - se retrouvent dans ce fichier. Ce sont des informations certes utiles pour soigner spécifiquement cette personne, mais pas pour limiter la propagation du virus et lutter contre l'épidémie. Il nous paraît donc nécessaire de préciser que les informations médicales contenues dans le fichier se rapportent directement à l'infection par le Covid-19. Je vous proposerai également de garantir un droit d'accès et d'information pour les personnes dons les données sont inscrites dans ce fichier à l'initiative de tiers, un droit de rectification d'une information erronée et un droit d'opposition, afin d'éviter d'éventuelles dénonciations malveillantes de faux cas contacts. Il faut protéger celui qui proteste d'avoir été inscrit à tort, car quatorze jours sans aller travailler sur la base d'une dénonciation mensongère, cela n'est pas acceptable. Le Sénat doit être à la hauteur de son rôle de gardien des libertés publiques et individuelles.

Je vous proposerai aussi d'exclure que ce dispositif puisse servir de fondement juridique au développement de l'application Stop-Covid. Cela n'est pas indispensable, mais il faut donner un coup d'arrêt aux spéculations sur le mésusage de ce système d'information.

Je ne m'étendrai pas sur les dispositions de mise en quarantaine et d'isolement des personnes venant de l'étranger ou quittant l'Hexagone à destination de l'outre-mer. J'ai toutefois été stupéfait de constater que la Corse était soumise au même régime que l'outre-mer. Je vous proposerai donc quelques modifications.

La commission des affaires sociales prévoit un système contraignant en cas de réitération de l'inobservation des recommandations médicales. Mon avis diverge cependant de celui de la commission des affaires sociales.

Enfin, quelques questions subsistent sur la liste des agents verbalisateurs, mais nous y reviendrons au moment d'examiner les articles.

M. Alain Richard . - Je partage l'approche de notre rapporteur. J'ai toutefois une première réserve au sujet des citoyens réfractaires et une seconde réserve, toute personnelle, sur l'immunité pénale. Votre dispositif me semble en effet délicat à soutenir devant le juge constitutionnel, car la protection contre les plaintes abusives est déjà assurée par la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, dite loi Fauchon, et la Cour de cassation l'encadre parfaitement depuis vingt ans. Il y a certes besoin de réassurance et d'accompagnement moral des décideurs, et tout particulièrement de nos collègues maires, mais nous sommes un peu loin du droit. Je me plierai néanmoins à la très large majorité et je tiens à rendre hommage au travail accompli.

M. Philippe Bonnecarrère . - Pourquoi ne pas avoir prévu de déclaration obligatoire de la maladie ? Cela aurait été une voie de droit commun.

Un arrêté publié au Journal Officiel du 22 avril dernier autorise la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) et le Health Data Hub à collecter un large éventail de données. Comment cette nouvelle base de données s'articulera-t-elle avec le système d'information prévu à l'article 6 ?

À l'article 1 er , je n'ai pas d'observation à formuler quant au délai de prorogation de l'état d'urgence sanitaire. S'agissant de la responsabilité, l'observation de notre collègue Alain Richard me semble justifiée. Mais il faut aussi tenir compte du caractère atypique de la situation : il est demandé aux décideurs de prendre des mesures dont une partie est contraire à l'avis du comité de scientifiques Covid-19.

Permettez-moi enfin de vous faire part de mon étonnement concernant vos propositions à l'article 6. Tout comme le président Bas, je suis attentif aux libertés. Mais les garanties que vous nous proposez sur la limitation du champ des pathologies et le droit d'accès - avec probablement très peu de recours - sont loin d'être le coeur du sujet. Pourquoi l'identité du patient devrait-elle figurer dans le fichier central ? Pourquoi ne pas anonymiser ce fichier ? Et ne risque-t-on pas de priver la recherche d'informations importantes en supprimant la mention des pathologies du patient ? Je suis favorable à ce qu'une enquête épidémiologique soit menée localement, mais pourquoi la plateforme devrait-elle révéler l'identité du patient aux cas contacts ? Dès que l'on quitte la communauté médicale de proximité, les données doivent être anonymisées. À rebours, je ne vois aucune objection à ce que la science dispose de toutes les caractéristiques médicales du patient anonymisé.

Mme Maryse Carrère . - Je remercie notre rapporteur pour ses explications concises. Nous partageons les mêmes préoccupations : nous n'avons eu qu'un jour et demi pour étudier un texte qui n'est pas anodin dans la mesure où il traite certes de l'état d'urgence sanitaire, mais, surtout, il comporte plusieurs mesures de nature à porter atteinte aux libertés individuelles.

Notre commission assure actuellement un suivi des mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire : quelles leçons pouvons-nous tirer des questions que nous avons posées dans ce cadre ?

Mon groupe a déposé plusieurs amendements qui nous semblent essentiels, notamment sur la question du délai de prorogation. Nous proposons de faire démarrer ce délai à compter du vote de la loi, donc probablement à partir de jeudi prochain.

Nous avons de sérieux doutes sur les articles 2 et 3, notamment sur la question des mineurs : dans quelles conditions les mineurs pourront-ils être mis en quarantaine ? Tout est flou à ce stade. La réquisition prévue par le texte concerne-t-elle seulement les brigades médicales ? En outre, nous ne disposons d'aucune précision sur les personnes qui pourraient être réquisitionnées dans le cadre de ces brigades médicales. Nous avons aussi beaucoup de questions sur les outre-mer. Notre collègue Stéphane Artano, sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon, devra-t-il subir une quatorzaine s'il souhaite revenir siéger parmi nous, au motif qu'il doit passer par le Canada pour revenir ? Les zones de transit sont-elles des espaces neutralisés pour l'application de ces dispositions ?

Il ne nous semble pas facile de dédouaner les maires de leurs responsabilités, comme le souligne notre collègue Alain Richard. Soulignons néanmoins qu'à une semaine de l'échéance du déconfinement, les maires ne sont toujours pas associés au plan de déconfinement, alors même que l'on prône le couple maire-préfet depuis quelques mois ! Les maires ont été uniquement associés sur le sujet des écoles.

M. Jean-Pierre Sueur . - Au nom de mon groupe, je tiens à m'associer aux propos de notre collègue Maryse Carrère : les conditions dans lesquelles nous travaillons sont exorbitantes. Nous examinons ce lundi matin un texte qui a été adopté par le conseil des ministres samedi dernier : c'est sans précédent ! Nous avons mobilisé des personnes toute la nuit pour rédiger des amendements. Ce sont des conditions inacceptables, même dans la situation que nous connaissons. Nous aurions pu bénéficier de quelques jours de plus. Ces conditions sont difficiles à admettre pour le fonctionnement du Parlement.

Nous partageons la position de notre rapporteur sur la question de la responsabilité. S'agissant des élus, nous sommes tous en contact avec de très nombreux maires. Un de nos amendements, auquel nous tenons absolument, a malheureusement été déclaré irrecevable, mais nous le modifierons afin de le redéposer en vue de la séance publique.

Nous proposons de limiter la prorogation de l'état d'urgence à un mois, afin de respecter les droits du Parlement.

À l'article 6, nous avons eu de grands débats autour des nécessités sanitaires, de la liberté et du respect de la vie privée. La synthèse est difficile, mais nous refusons le recours à toute nouvelle ordonnance : cela n'est pas acceptable sur un sujet aussi sensible. Nous veillerons aussi à ce que ce dispositif ne soit pas l'occasion de faire passer subrepticement le système Stop-Covid.

La demande de prorogation de l'état d'urgence appelle une série de questions sur des sujets que nous avions évoqués dans la loi du 23 mars 2020 et qui ne sont pas dans le texte qui nous est soumis aujourd'hui. C'est le cas des élections municipales, au sujet desquelles nous avons déposé un amendement, car l'élection des maires et des adjoints des communes dont le conseil municipal a déjà été intégralement renouvelé est très attendue. Et de nombreux sujets
- sur le droit du travail, la détention provisoire, etc. - ne sont pas non plus traités dans ce texte. Nous avons donc déposé des amendements.

M. Vincent Segouin . - Vous avez évoqué le contrôle de la quatorzaine, soit par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) soit par le médecin traitant. Comment pourrons-nous nous assurer du respect de cette mesure ? Si le porteur du virus est une personne seule, qui assure sa prise en charge - sont-ce les élus ?

Vous proposez que les élus soient soumis à une obligation de moyens, et non de résultat. Quid des chefs d'entreprise ? Je rappelle qu'en moyenne, chacun d'entre eux emploie six salariés dans notre pays. S'ils étaient soumis à une obligation de résultat, il leur serait très compliqué de mettre en place un dispositif de protection. Ils ne peuvent pas, par exemple, prendre la température de leurs salariés.

M. Pierre-Yves Collombat . - Avec le recul, on peut dire que le Gouvernement et le Président de la République ont commencé par daigner reconnaître le problème avant de se lancer dans une série d'improvisations, avec des mesures de bricolage, et de défausses. Avec ce projet de loi, on continue dans la même voie.

L'improvisation, d'abord : s'agissant du suivi des personnes susceptibles d'avoir été contaminées, on nous a d'abord vanté une méthode
- l'application Stop Covid -, avant de reconnaître qu'elle n'était pas opérante. On s'en tient donc, comme on le constate avec ce texte, à des généralités. L'exécution posera problème : qui assurera le suivi des personnes contaminées ? L'assurance maladie ? C'est une plaisanterie ! M. Delfraissy l'a dit devant la commission, il faut des brigades sanitaires, pour lesquelles 30 000 personnes sont requises. Mais où sont-elles ?

On ne peut pas donner un blanc-seing au Gouvernement sur la base de préconisations générales. Le travail réalisé par la commission est positif, mais nous ne devons pas éternellement nous contenter de limiter les dégâts.

La défausse, ensuite, sur un plan tant pratique - que les élus se débrouillent pour appliquer les recommandations ! - que pénal et politique. Si la situation s'améliore, ce sera grâce aux mesures du Gouvernement ; si ce n'est pas le cas, ce sera évidemment la faute de ceux qui ne les ont pas fait appliquer !

Il faut régler certains problèmes, notamment celui de la responsabilité des élus, lesquels ne peuvent pas être mis dans le même sac que tous les autres. Puisque ce sont des bénévoles qui exercent des fonctions gratuites, il faut les exonérer de responsabilité pénale s'ils appliquent les lois et règlements pris dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. J'ai déposé un amendement sur ce point.

M. François-Noël Buffet , président. - Mes chers collègues, je vous rappelle que nous devons examiner 170 amendements. Je vous demande donc d'être concis.

M. Loïc Hervé . - Je rejoins mes collègues qui ont dénoncé les conditions de travail du Parlement. Il a été matériellement impossible d'organiser des auditions pour préparer l'examen de ce projet de loi, qui ne se contente pas simplement de prolonger l'état d'urgence sanitaire.

Le Gouvernement avait déployé des trésors de pédagogie pour nous convaincre de l'intérêt de l'application Stop Covid, qui n'est pour l'instant pas mise en place. Il ne peut faire de même s'agissant de l'article 6, dont il ne connaît pas les implications matérielles.

J'approuve le raisonnement de M. Bonnecarrère : nous devrons définir la ligne de crête entre l'urgence sanitaire et la préservation des libertés publiques, dont le Sénat est le défenseur.

Comment seront menées les enquêtes épidémiologiques ? Dans quel cadre juridique et numérique se dérouleront-elles ? Dans un certain nombre de clusters , elles ont été conduites par des médecins et par les agences régionales de santé (ARS).

Le dispositif prévu à l'article 6 relevait du règlement. Le Gouvernement a fait le choix de l'élever au niveau législatif. Est-ce une garantie supplémentaire ? Si tel est le cas, je comprends la logique du rapporteur, qui a rappelé les règles fondamentales de la loi du 6 janvier 1978 sur le droit d'accès, de rectification et de suppression des données collectées.

Des contrôles supplémentaires sont-ils prévus ? Seront-ils le fait du Parlement, de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), d'une commission ad hoc ?

Les réponses à ces questions détermineront notre positionnement sur l'article 6.

M. Alain Marc . - De nombreuses questions sur la responsabilité juridique des maires se posent, notamment dans la perspective de la réouverture des écoles. Ceux-ci ont une obligation de moyens : ils ont procédé à des enquêtes pour savoir combien d'enfants seront présents en classe à partir de la semaine prochaine. L'organisation des classes devra être revue, et il est important pour les maires de prouver qu'ils ont respecté leurs obligations. Peut-on leur conseiller, pour éviter une mise en cause juridique ultérieure, de tourner une vidéo tous les matins pour montrer que le protocole a bien été respecté, voire de faire venir un huissier ?

M. Jean-Yves Leconte . - Ce projet de loi vise à mettre en musique l'intervention du Président de la République du 13 avril dernier. Alors que le Gouvernement a eu jusqu'au 2 mai pour préparer son texte, le Sénat a 48 heures pour l'examiner... Durant cette période, on nous a « amusés » avec le système Stop Covid pour finalement mettre en place un dispositif beaucoup plus intrusif, sur lequel nous n'aurons pas autant travaillé. Nous déposerons un amendement visant à rendre ce fichier interopérable avec ceux de nos partenaires européens qui respectent les mêmes conditions de sécurité.

Les dispositions prévues aux articles 2 et 3 ne sont pas très claires : quelle est la différence entre une quarantaine et un placement à l'isolement ? S'agissant de la quarantaine, la question des garanties, particulièrement pour les mineurs, devrait relever du domaine législatif.

Depuis plusieurs mois, de nombreux pays ont mis en place des contrôles aux frontières, notamment des questionnaires de santé ou la prise de la température. La France n'a jamais pris de telles dispositions. Il est paradoxal de mettre en place des quarantaines au moment où l'épidémie est moins virulente, à l'inverse de ce qu'ont fait d'autres États, qui ont décidé de ce genre de mesures au début de l'épidémie.

Les Français qui vivent hors de notre pays ont été incités par le Gouvernement à ne pas rentrer - seules les personnes qui étaient de passage à l'étranger ont été rapatriées. Après le déconfinement, ils seront soumis à une quarantaine... Cette mesure ne devrait s'appliquer que si ces personnes refusent de se soumettre à des tests ou à un examen médical ; sans infection avérée, il n'y a pas de raison de les priver de liberté. Avec ce type de disposition, il n'y aura plus un seul touriste en France d'ici à la fin de l'année.

M. André Reichardt . - Je m'offusque qu'aucune disposition ne soit prévue pour exonérer les élus et les chefs d'entreprise de leur responsabilité, à tout le moins pénale. Je me félicite que le rapporteur ait prévu un amendement en ce sens.

Il n'y a rien non plus dans le texte sur le rôle des élus locaux dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Depuis l'entrée en vigueur de la loi d'urgence du 23 mars 2020, les maires ont perdu une grande partie, si ce n'est la totalité, de leurs pouvoirs de police administrative générale. Lorsqu'on leur demande leur avis, il est très peu pris en compte. Nombre d'entre eux se voient comme des spectateurs dans la gestion de cette crise, et ne l'acceptent pas.

Par une décision du 17 avril 2020, le Conseil d'État a estimé, me semble-t-il, que le maire pouvait prendre des mesures plus protectrices de la santé publique que celles qui sont adoptées sur l'ensemble du territoire à condition, notamment, que des circonstances locales particulières le justifient. Nous pourrions ajouter cette possibilité dans le texte par amendement.

Sur l'article 6, j'approuve complètement les observations de M. Bonnecarrère sur l'absence d'anonymisation, en particulier pour les cas contacts. Là encore, nous pourrions améliorer le texte.

Enfin, stop aux ordonnances ! Si nous confions, comme le texte le prévoit, au Gouvernement le soin de modifier, par ordonnance, le cadre légal de cette nouvelle application, il ne faudra pas s'étonner que cela aboutisse à un dispositif qui ne satisfasse pas le Sénat, le protecteur des libertés publiques.

Mme Esther Benbassa . - Je rejoins nombre de remarques faites par mes collègues. Avec mon groupe, nous nous interrogeons sur le bien-fondé de la prorogation de l'état d'urgence sanitaire. Il y a bien sûr nécessité à agir pour enrayer l'épidémie, mais l'état d'urgence, tel qu'il a été voté le 23 mars, n'est pas satisfaisant et a conduit à une gestion de crise désordonnée. Le président de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a évoqué un risque d'accoutumance aux mesures de contrôle. Nous demandons plutôt plus de masques, de tests, de lits d'hôpital. L'état d'urgence sert simplement de bouclier à l'exécutif.

L'article 6 mériterait d'être profondément remanié, et le rapporteur a présenté quelques éléments allant en ce sens. Mon groupe demande la suppression de cet article dans sa rédaction actuelle.

Mme Marie Mercier . - Aux termes de l'article L. 3113-1 du code de la santé publique, les médecins doivent informer les autorités compétentes s'ils diagnostiquent chez un patient une maladie contagieuse. Je ne pense pas que la mesure prévue par le texte soit véritablement une nouveauté.

Mme Sophie Joissains . - Le groupe de l'Union centriste est d'accord pour écourter la durée de l'état d'urgence prévue à l'article 1 er . L'article 2 ne pose pas problème. Nous avons déposé un amendement de suppression de l'article 6, et un amendement de repli. Celui-ci prévoit une enquête de terrain pour déterminer les contacts et recueillir les données, lesquelles devront ensuite être anonymisées avant d'être saisies dans le système d'information.

La CNIL a rendu un avis sur l'arrêté du 21 avril 2020, qui met déjà en place une plateforme des données de santé, le Health Data Hub. Elle a soulevé la question des contrats de sous-traitance, dont l'un mentionne la possibilité d'héberger certaines données aux États-Unis, ce qui est en contradiction avec notre position sur le RGPD. L'État devrait s'impliquer sur cette question.

Enfin, je rappelle qu'Hervé Maurey a déposé une proposition de loi sur la responsabilité des maires. Ceux-ci attendent avec impatience une clarification sur le sujet.

M. Philippe Bas , rapporteur. - Mes chers collègues, j'ai pris bonne note de l'ensemble de vos observations. Pour éviter de répéter mon propos liminaire ou d'anticiper les avis que je donnerai sur les amendements, je répondrai au fur et à mesure de l'examen des articles du texte.

EXAMEN DES ARTICLES

M. Philippe Bas , rapporteur . - Comme c'est l'usage, je voudrais commencer par évoquer le cadre dans lequel la commission a examiné la recevabilité des amendements au titre de l'article 45 de la Constitution, sur la base du protocole adopté à cette fin par la Conférence des présidents.

La commission a considéré que le périmètre du projet de loi incluait des dispositions liées à la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et au système de verbalisation, le dispositif d'isolement et de quarantaine ainsi que le traitement dématérialisé d'un certain nombre d'informations médicales. Ne sont donc pas recevables les amendements relatifs au droit électoral, aux règles de fonctionnement des collectivités territoriales, ainsi qu'à des mesures budgétaires, fiscales, économiques et sociales - autant de domaines qui ne sont pas traités dans le texte du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Sueur . - Nous ne sommes pas d'accord avec la liste que vous venez de dresser, pour une raison de bon sens. Le projet de loi prorogeant les dispositions d'un texte antérieur, il nous semble donc que celles-ci peuvent donner lieu à des amendements.

M. Alain Richard . - L'article 45 a récemment fait l'objet d'une analyse très complète du secrétaire général du Conseil constitutionnel dans Les nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel . La tâche est malaisée, mais il me semble que les dispositions de la loi du 23 mars 2020 relatives à la continuité des activités nationales pourraient faire l'objet d'amendements dans le texte qui prolonge cette loi. Je pense notamment aux missions éducatives. Je reconnais que le débat est ouvert.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Lors de l'examen des amendements, je ferai preuve de souplesse dans l'appréciation du périmètre que je vous ai donné à titre indicatif.

Monsieur Richard, je n'ai pas exclu la continuité des activités nationales du périmètre de recevabilité des amendements, mais je ne l'ai pas non plus inclus. Ce point mérite discussion.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Lorsque nous avons examiné la loi du 23 mars 2020, nous avons décidé de ne pas appliquer l'article 45 de la Constitution. Nous avions considéré que les conditions dans lesquelles le Parlement légiférait justifiaient cette décision, même si le champ du texte était large. Il devrait en être de même aujourd'hui, vu les conditions invraisemblables, et même inacceptables, dans lesquelles nous avons travaillé.

À part le droit électoral, tous les domaines que vous avez cités relèvent de l'état d'urgence sanitaire. Nous ne devons pas brider la contribution du Parlement au-delà de ce que le Gouvernement nous impose déjà.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Je prends acte de toutes ces observations. Nous ferons de notre mieux ensemble.

J'évoquerai maintenant les amendements déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution. Il s'agit des amendements COM-24 rectifié, COM-27 rectifié, COM-52, COM-53 rectifié, COM-58, COM-75, COM-76, COM-77, COM-78, COM-86, COM-91, COM-97 et COM-102.

Article 1 er

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-20 tend à supprimer la prolongation de l'état d'urgence sanitaire. Je propose de maintenir cette prorogation, mais de modifier la date d'expiration. L'avis est défavorable.

L'amendement COM-20 n'est pas adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-124 vise à mettre en place une dégressivité de l'état d'urgence sanitaire. J'y suis défavorable : en cas de deuxième vague de l'épidémie, il sera nécessaire de prendre certaines mesures. Il faut garder de la souplesse.

L'amendement COM-124 n'est pas adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-59 vise fixer au 23 juin la date d'expiration de la prorogation de l'état d'urgence. Je proposerai, pour ma part, la date du 10 juillet. Je suis donc défavorable à cet amendement.

L'amendement COM-59 n'est pas adopté.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Nous ne disposons que de peu de temps pour examiner les amendements. Le rapporteur devrait d'abord nous présenter les siens, nonobstant le dérouleur : nous les adoptons s'ils nous conviennent, sinon le débat s'engage.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Mon amendement COM-159 réduit la durée de la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et anticipe sa date de fin au 10 juillet, soit deux mois après le 11 mai.

L'amendement COM-159 est adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-55 vise à éviter que les dispositions relatives à l'allongement de la durée de la détention provisoire ne soient prolongées jusqu'au 24 juillet prochain. Il est vital que la justice se remette au travail. La détention du fait de la loi avait été mise en place pour ne pas libérer des détenus en instance de jugement réputés dangereux.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Je me réjouis de l'initiative du rapporteur. Nous avons déposé à ce sujet un amendement qui n'aura plus de raison d'être.

M. Alain Richard . - À quelle date cette disposition prendra-t-elle effet ?

Ce texte sera soumis au Conseil constitutionnel après son adoption, ce qui laisse un peu de temps à l'appareil judiciaire pour se préparer.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Nous avons fixé la date au 24 mai prochain.

Mme Sophie Joissains . - Nous avons aussi déposé un amendement visant à revenir au droit commun en matière de détention. Nous voterons celui du rapporteur.

L'amendement COM-55 est adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-123 prévoit la remise d'un rapport par le Gouvernement. Mais nous lui adressons des courriers chaque semaine dans le cadre du comité de suivi et nous multiplions les auditions... Nous demandons des informations de manière plus régulière et plus approfondie. Nous mettrons la baïonnette dans les reins du Gouvernement s'il le faut ! Je suis défavorable à cet amendement.

Mme Maryse Carrère . - Je le retire !

L'amendement COM-123 est retiré.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-125 est déjà satisfait par le droit en vigueur. Retrait ?

Mme Maryse Carrère . - Je le retire également.

L'amendement COM-125 est retiré.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Je suis défavorable à l'amendement COM-126 .

L'amendement COM-126 n'est pas adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Au moment d'aborder l'amendement COM-51 , et sur les conseils de Mme de la Gontrie, je vous propose de débattre, dans un même temps, de tous les amendements portant sur la responsabilité pénale.

Ma proposition vise à modifier le régime de responsabilité pénale, uniquement pour l'épidémie du coronavirus SARS-CoV-2 et pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire, par une disposition applicable à tous, et notamment aux maires, aux présidents de conseil départemental ou régional, mais aussi à toutes les autorités organisatrices d'une collectivité de travail. D'après mon amendement, et dans cadre précis, nul ne pourrait voir sa responsabilité pénale engagée pour, soit avoir exposé autrui à un risque de contamination, soit avoir causé ou contribué à causer une telle contamination. Mais des exceptions sont prévues si les faits ont été commis intentionnellement ou en violation manifestement délibérée d'une mesure de police administrative prise en application du code de la santé publique ou d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.

Cette mesure s'inspire de la loi Fauchon, tout en étant plus protectrice. En revanche, le droit commun s'appliquerait aux autorités de l'État - ministres et préfets - en cas d'imprudence ou de négligence dans l'exercice des pouvoirs de police spéciale qui leur sont confiés au titre de l'état d'urgence sanitaire. Je n'ai pas voulu que l'on puisse parler d'un « amendement d'amnistie » à l'égard de ceux qui sont responsables de définir l'organisation de la protection des Français face à l'épidémie.

Mme Catherine Di Folco . - Quelle définition donnez-vous du mot « imprudence » ? Quelle distinction faites-vous avec le terme « négligence » ?

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - La disposition s'applique à tous, y compris aux personnes privées. Nous sommes très au-delà de la loi Fauchon !

Mme Sophie Joissains . - Nous avons, sur l'initiative d'Hervé Maurey, présenté un amendement plus restrictif, précisant que « les décisions prises au cours de l'état d'urgence sanitaire et en lien avec lui ne sauraient être constitutives d'une faute caractérisée ». À ce stade, nous le maintenons.

M. Jean-Pierre Sueur . - Nous avions, quant à nous, proposé un amendement qui incluait aussi la responsabilité civile. Selon celui-ci, dès lors qu'un maire - nous nous étions restreints aux élus locaux, mais c'est une bonne chose de prendre en compte tous ceux qui exercent une responsabilité - fait ce que l'État lui demande de faire, sa responsabilité ne peut être engagée. Je ne sais pas si l'amendement que propose le rapporteur couvre ce cas de figure... Mais, compte tenu des difficultés de mise en oeuvre que soulèvent certaines règles fixées pour les écoles ou le transport, c'est une question que l'on nous soumet tous les jours.

M. Pierre-Yves Collombat . - Je n'arrive pas à comprendre pourquoi le Sénat, représentant des collectivités territoriales, s'évertue à mettre sur le même plan la situation des élus, surtout des maires, et celles où les responsabilités sont exercées par des personnes dont c'est le métier. On ne cesse de rappeler la gratuité du mandat, de saluer le dévouement de nos élus et, quand il s'agit de prendre en compte ce qu'on leur impose dans ce contexte si particulier, avec des réglementations dignes du père Ubu, on ne veut pas les exonérer de responsabilités, notamment en matière pénale !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio et M. Vincent Segouin . - Il s'agit du même sujet.

M. Pierre-Yves Collombat . - Avec ma collègue Éliane Assassi, nous avons présenté des amendements qui revisitent légèrement les dispositions du code pénal issues de la loi Fauchon, en précisant que nous sommes dans la même situation qu'en cas de force majeure. Je ne comprends pas cette volonté de « dilution » au moment où la situation de nos élus, très spécifique en raison de leur champ d'intervention plus large et de leurs moyens plus faibles, appelle un traitement en urgence.

M. Alain Richard . - Les mesures d'élargissement de la protection proposées par Philippe Bas s'inscrivent dans un article hors de tout code, ce qui est normal pour une disposition temporaire. Toutefois, la logique en droit voudrait que l'on précise qu'elles s'appliquent « nonobstant toute disposition contraire du code pénal ». Je ne pousserai pas l'argumentaire pour réclamer cette insertion, mais il faut que ce soit très explicite au moment du vote de l'article.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Rendons hommage au travail réalisé par Hervé Maurey ! Même si l'amendement qu'il présente aujourd'hui est légèrement différent, il est le premier, avec sa proposition de loi, à avoir ouvert le débat sur la responsabilité pénale des maires. Mais il nous faut tout regarder à la loupe : dans la rédaction de l'amendement COM-2, il est question des « décisions prises au cours de l'état d'urgence sanitaire et en lien avec lui ». Lesquelles ? Prises par qui ? À quel moment ? Quant au lien, est-il direct ou indirect ? Si l'on veut satisfaire pleinement M. Maurey et les cosignataires de l'amendement, il vaut mieux opter pour la formulation que je défends et qui me semble plus aboutie. C'est, en quelque sorte, un amendement « Maurey plus ».

Mme Sophie Joissains . - Il faut le dire en séance !

M. Jean-Pierre Sueur . - Nous nous abstiendrons sur l'amendement COM-51 : il est si large que nous craignons qu'il n'ait pas l'effet recherché. En ce sens, les propos de Pierre-Yves Collombat méritent sans doute d'être entendus.

Mme Esther Benbassa . - Je ne comprends pas bien non plus qu'une telle amnistie soit prévue pour les employeurs ou pour les fonctionnaires, dont les policiers. Des clarifications s'imposent pour que cela ne parte pas dans tous les sens !

M. Hervé Marseille . - À ce stade du débat, le problème est juridique, mais aussi politique : nous attendons une marque de confiance envers tous ceux qui s'engagent. En effet, même avec un texte parfaitement bordé, on n'empêchera jamais un magistrat d'instruire au pénal : en son temps, le directeur de cabinet de Mme Roselyne Bachelot et, plus tard, le conseiller de l'Élysée avaient été entendus pour une commande trop importante de produits ; ce pourrait être l'inverse pour la situation actuelle ! Mais vous avez emporté notre conviction, monsieur le président-rapporteur, et nous nous rallions à votre position.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Il s'agit bien d'exonérer de toute responsabilité pénale ceux qui auraient commis une infraction non intentionnelle tout en appliquant les règles fixées par l'État. Mais il n'y a pas d'amnistie ! Mon dispositif n'exonère pas les personnes qui commettraient un délit intentionnel ou violeraient de manière délibérée la loi ou les règlements.

M. Collombat tient à distinguer le cas des employeurs, dont ce serait le métier que d'assurer la sécurité de ceux qui sont sous sa direction. Mais le maire, c'est sa fonction ! La première fonction que l'on ait attribuée aux maires au XIX e siècle est celle de l'hygiène et de la sécurité publiques. Nous proposons de les protéger s'ils n'ont pas intentionnellement commis de délit, mais ils ont, comme n'importe quel employeur, une fonction à assumer.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - L'amendement s'applique donc à tout le monde...

L'amendement COM-51 est adopté.

Articles additionnels après l'article 1 er

L'amendement COM-2 est retiré.

Les amendements COM-21 , COM-36 , COM-37 et COM-39 rectifié quater sont devenus sans objet.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-3 rectifié ter subordonne la réouverture des écoles à un accord exprès du maire. C'est faire peser sur ce dernier une responsabilité qui n'est pas la sienne, puisqu'elle incombe au directeur de l'école sous l'autorité de sa hiérarchie. Je demande le retrait.

Mme Sophie Joissains . - Je le retire.

L'amendement COM-3 rectifié ter est retiré.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Dans le même ordre d'idée, l'amendement COM-26 rectifié prévoit que le maire demande validation de la conformité au protocole sanitaire en vue de la réouverture d'une école. Que l'on ne mêle pas le maire à cela ! L'Éducation nationale doit assumer sa responsabilité !

M. Jacques Bigot . - Je souhaite intervenir au titre de l'amendement COM-25 rectifié, déposé par mes soins, que nous allons examiner. Celui-ci n'enlève rien à l'amendement du rapporteur, qui porte sur la responsabilité pénale, puisqu'il concerne la responsabilité administrative. Je rappelle que l'État ne peut être poursuivi au pénal, contrairement à une commune, un département ou une région. Il me semble donc essentiel de bien établir sa responsabilité administrative exclusive en matière de réouverture des établissements scolaires.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - J'entends les remarques du rapporteur quant au fait de ne pas imposer aux maires un rôle qui n'est pas le leur. Mais, jusqu'à présent, les directeurs d'école avaient plutôt compris qu'il était question d'une coordination par les maires ; ils pourraient s'inquiéter que l'on revienne dessus. En outre, en voulant éviter de mettre les maires dans la boucle, on y met les directeurs d'école. L'État entend-il se dédouaner, simplement avec la diffusion d'un protocole sanitaire long de 63 pages ?

M. Philippe Bas , rapporteur . - Ce problème est réglé en droit. L'article L. 411-1 du code de l'éducation fixe les pouvoirs du directeur d'école, lequel les exerce sous l'autorité de l'inspecteur d'académie, lui-même placé sous celle du recteur. L'État est donc pleinement responsable ; inutile de le préciser. On n'a pas attendu le Covid-19 pour répartir les responsabilités entre le directeur d'école et le maire !

L'amendement COM-26 rectifié n'est pas adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Pour les mêmes raisons, avis défavorable sur les amendements COM-28 rectifié et COM-29 rectifié.

Les amendements COM-28 rectifié et COM-29 rectifié ne sont pas adoptés.

L'amendement COM-25 rectifié n'est pas adopté, de même que l'amendement COM-127.

Articles additionnels avant l'article 2

M. Philippe Bas , rapporteur . - Je demande le retrait de l'amendement COM-70 . À défaut, l'avis sera défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur . - Cela risque peut-être d'engendrer quelques lourdeurs, mais il me paraît nécessaire que, dans la période actuelle, les actes pris au titre de l'état d'urgence sanitaire nous soient transmis.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Dans le cadre de la loi du 23 mars 2020, nous avons voté un article L.3131-13 du code de la santé publique, prévoyant une information sans délai du Parlement sur les mesures prises, et le Gouvernement honore cette obligation.

M. Jean-Pierre Sueur . - Y compris s'agissant des décisions préfectorales ?

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - La transmission des actes des autorités administratives n'avait-elle pas été écartée en CMP ?

M. Philippe Bas , rapporteur . - Nous nous voyons transmettre, chaque semaine, toutes les mesures prises par les autorités, y compris préfectorales. Nous avons même eu communication d'arrêtés pris par les maires. Le Gouvernement joue le jeu.

M. Jean-Pierre Sueur . - Nous ne demandons pas à recevoir une copie de tous les actes émis, mais il est important que nous puissions y avoir accès si nécessaire. Au bénéfice de vos explications, nous retirons cet amendement.

L'amendement COM-70 est retiré.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Sous réserve d'une modification rédactionnelle, l'avis est favorable sur l'amendement COM-84 .

M. François-Noël Buffet, président . - La modification demandée consiste à préciser que le conseil de scientifiques est celui qui est prévu par l'article L. 3131-19 du code de la santé publique.

M. Jean-Pierre Sueur . - Nous l'acceptons.

L'amendement COM-84 rectifié est adopté.

Article 2

M. Philippe Bas , rapporteur . - Irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution, l'amendement COM-103 , portant sur le droit au logement opposable, est en outre satisfait par le moratoire général sur les délais de recours créé par l'ordonnance du 25 mars 2020.

M. Jean-Pierre Sueur . - On applique l'irrecevabilité au titre de l'article 45 à toutes les mesures sociales découlant de la première loi d'urgence sanitaire !

M. Philippe Bas , rapporteur . - Néanmoins, l'amendement est satisfait.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je le retire.

L'amendement COM-103 est retiré.

L'amendement COM-104 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Avis défavorable sur l'amendement COM-30 .

M. Jean-Pierre Sueur . - Outre que, d'un point de vue général, nous n'avons pas la même conception de ce qui est irrecevable, je tiens à dire que la préoccupation exprimée par les auteurs de l'amendement COM-30 n'est pas imaginaire. Actuellement, alors que nous sommes dans un contexte électoral, certains élus distribuent masques et autres objets avec leur signature, voire leur photo, apposée dessus. C'est indécent ! Même si l'amendement est déclaré irrecevable, j'insiste sur la réalité de cette préoccupation.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Je n'ai pas déclaré cet amendement irrecevable. J'y suis défavorable en raison de son caractère général. Il tend à interdire toute inscription sur les masques délivrés et fait porter le soupçon sur toutes les collectivités qui en ont achetés. Cela nous semble exagéré.

M. Jean-Pierre Sueur . - Il y a une différence entre apposer le logo de la commune, du département, de la région et le nom d'un élu, surtout s'il est encore en lice pour une élection.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Vous voulez des exemples ?...

M. Philippe Bas , rapporteur . - Une dépense assumée, dans un intérêt électoral, par une collectivité publique est illégale. Elle entraîne l'annulation des comptes de campagne et l'inéligibilité. Vous avez donc les moyens de dénoncer de tels abus.

M. Jean-Pierre Sueur . - Nous maintenons l'amendement.

L'amendement COM-30 n'est pas adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-128 est satisfait. Avis défavorable.

Mme Maryse Carrère . - Pour quelle raison est-il satisfait ?

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'obligation, ou non, du port du masque dans l'espace public relève des larges pouvoirs attribués au Premier ministre par la loi du 23 mars dernier. Nous avons déjà énuméré huit cas de figure pour lesquels il serait justifié de prendre des décrets. Il ne nous semble pas nécessaire d'aller au-delà.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Vous pourriez le retirer après engagement du Gouvernement en séance ?

Mme Maryse Carrère . - Je pense que Véronique Guillotin présentera à nouveau cet amendement en séance et expliquera sa position. Le sujet est important : certaines communes ayant pris des arrêtés pour rendre le port du masque obligatoire dans l'espace public se retrouvent soumises à la pression des préfets pour les retirer.

L'amendement COM-128 n'est pas adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - S'agissant de l'amendement COM-160 , le Gouvernement a fourni des explications oiseuses concernant les « lieux de regroupement », une notion dont on ne trouve aucune référence dans le code de la sécurité intérieure. Il nous a semblé que, parce qu'il aurait rencontré des difficultés ici ou là, il cherche à interdire qu'une communauté puisse se réunir dans un lieu privé. Je n'ai pas envie de faire un saut dans l'inconnu en introduisant ce nouveau concept.

L'amendement COM-160 est adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - C'est un objectif légitime que de vouloir mettre en place une réglementation spécifique dans les transports publics d'Île-de-France. Mais rendre obligatoire, dans la loi, la présentation d'une attestation de déplacement, comme proposé dans l'amendement COM-1, impliquerait qu'une nouvelle disposition législative intervienne pour revenir sur cette obligation. Laissons donc les autorités préfectorales adapter la réglementation en fonction de l'évolution de la situation sanitaire. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur . - Très bien.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-9 .

M. Philippe Bas , rapporteur . - Outre une difficulté rédactionnelle, sur laquelle je passe, l'amendement COM-38 tend à ce que puisse être prise, par décret, une dérogation au secret fiscal qui devrait être prévue par la loi. Avis défavorable.

L'amendement COM-38 n'est pas adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Quand le Gouvernement s'est rendu compte qu'il devait employer des médecins des agences régionales de santé en dehors du cadre de leurs fonctions, il a réussi à le faire, mais au prix de quelques acrobaties juridiques. Il n'a donc pas strictement besoin du pouvoir de réquisition des personnes prévu à l'alinéa 6 de l'article 2. Mais la modification demandée vise à clarifier le cadre légal et à sécuriser les opérations de réquisitions. L'avis est donc défavorable sur les amendements COM-8 , COM-62 , COM-71 , COM-129 et COM-79 .

Les amendements COM-8, COM-62, COM-71, COM-129 et COM-79 ne sont pas adoptés.

L'amendement COM-95 n'est pas adopté.

L'amendement COM-101 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

L'amendement COM-130 n'est pas adopté.

L'amendement COM-131 est adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Nous en arrivons à la discussion commune sur les amendements COM-161 , COM-168 , COM-16 rectifié, COM-49 , COM-35 , COM-60 , COM-80 , COM-132 , COM-133 , COM-134 , COM-61 et COM-23 rectifié.

Dans un premier élan, le Gouvernement voulait que l'on puisse, par arrêté du préfet, mettre en quarantaine ou à l'isolement des personnes récalcitrantes, ne voulant pas respecter des consignes de quatorzaine données. Il y a renoncé, mais nos collègues de la commission des affaires sociales nous demandent de rétablir cette mesure. Je ne suis pas favorable à cette proposition, mais je vais laisser M. Alain Milon nous l'exposer.

M. Alain Milon , rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales . - Limiter l'isolement prophylactique à une simple recommandation nous paraît insuffisant, compte tenu de la dangerosité du virus, en particulier de sa contagiosité très performante. Si nous n'isolons pas les malades porteurs du Covid-19, nous allons avoir une recrudescence de la maladie. Or, même si 86 % des patients touchés sont asymptomatiques, il en reste 14 % qui ne le sont pas, parmi lesquels environ 25 % mourront de la maladie.

Nous comptabilisons environ 26 000 morts en établissements, soit en milieu hospitalier, soit en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). En dehors, l'ordre des médecins a estimé leur nombre à 9 000 voilà quinze jours. On peut donc considérer que le nombre de morts avoisine 40 000 personnes avec confinement de la population.

Si l'on se contente de préconiser aux porteurs du virus de rester chez eux, certains le feront, d'autres non. Dans ce dernier cas, ils transmettront la maladie, avec, à la clé, la possibilité d'une deuxième vague épidémique submergeant les hôpitaux. Les praticiens hospitaliers que nous avons auditionnés sont donc, en majorité, très favorables à un confinement des malades porteurs du Covid-19, y compris les porteurs sains.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Les arguments de la commission des affaires sociales ne sont pas minces, et méritent d'être considérés attentivement. Pour autant, j'estime, comme le Gouvernement - dont je ne suis aucunement le porte-parole, naturellement - que la plupart des gens respecteraient la prescription, alors que le président Milon, lui, craint que la plupart des gens ne la respectent pas. Celle-ci, je le rappelle, s'appliquerait aussi à des personnes ayant effectué un test de dépistage dont le résultat serait négatif, car ce résultat pourrait ne pas être fiable, ou le test aurait pu être fait pendant leur période d'incubation.

Dans Le Petit Prince , si le roi donne un ordre qui ne peut être obéi, il est désavoué. Aussi ne donne-t-il que les ordres que ses sujets lui réclament. Il me semble que si nous voulions faire respecter l'isolement par la coercition, nous ne pourrions pas le faire. Les Français n'auront plus à produire d'attestation pour sortir, et il serait impossible de les faire tous surveiller. Même pour des personnes soupçonnées de liens avec le terrorisme, le mieux qu'on ait pu faire jusqu'à présent a consisté en une forme d'assignation à résidence : interdiction de sortir plus de douze heures par jour, obligation de pointer trois fois par semaine et périmètre de sortie limité. Comme nous ne pouvons pas mettre un gendarme ou un gardien de la paix devant chaque personne susceptible d'être affectée, l'État n'a pas les moyens de mettre en oeuvre un système autoritaire et bureaucratique.

La symbolique de l'arrêté préfectoral peut faire réfléchir les récalcitrants, peut-être. Mais nous risquons surtout de susciter des stratégies de contournement de la règle par ceux qui ne voudront pas être pris dans les filets, ce qui accroîtra autant la diffusion de l'épidémie que l'éventualité que des personnes ne respectent pas des mesures non coercitives. Nous aurons ce débat, nécessaire, en séance. Pour ma part, si je vous propose d'en rester au système qui repose sur le civisme, l'esprit de responsabilité et la confiance, c'est aussi pour des motifs qui sont aussi d'efficacité sanitaire. Un dispositif contraignant serait très difficile à appliquer : comment savoir, en voyant quelqu'un dans la rue, qu'il fait l'objet d'un arrêté préfectoral lui interdisant de sortir de chez lui ?

Mme Brigitte Lherbier . - Nous n'avons pas les moyens de contrôler les récalcitrants en effet. On le voit déjà dans les zones à urbaniser en priorité (ZUP), où le confinement n'est pas respecté. Dans ces conditions, c'est l'autorité elle-même qui serait menacée.

M. Vincent Segouin . - Dire qu'on ne peut pas contrôler est une réponse assez rapide : la CPAM peut passer des appels sur une ligne fixe, et l'application reposant sur le Bluetooth peut être mobilisée à cette fin.

M. Alain Richard . - Nous entrons dans une phase de déconfinement, partiel, très risquée et inédite : les mouvements de personnes seront imprévisibles. Je défends la formule proposée par le président Milon, car je n'aimerais pas que nous ayons à prendre cette décision dans un mois et demi après avoir constaté qu'il aurait fallu la prendre aujourd'hui.

M. Alain Milon , rapporteur pour avis. - Tout à fait.

M. Alain Richard . - J'entends bien que le contrôle sera difficile à effectuer. Mais si l'interdiction se fonde sur un constat médical de contagiosité, on peut concevoir quelque chose d'analogue à ce que l'on pratique depuis longtemps avec l'internement d'office, et il serait logique que la liste des personnes concernées figure temporairement au fichier des personnes recherchées.

Mme Catherine Troendlé . - Je partage les inquiétudes de MM. Milon et Richard. Je ne pense pas que nous puissions simplement demander aux Français contaminés de rester chez eux, en faisant confiance à leur civisme ou à leur sens des responsabilités. La situation est trop grave. Il faut une mesure coercitive. Même si nous n'avons pas les moyens de la faire respecter, le symbole de l'obligation motivera davantage chacun à faire preuve de civisme.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Actuellement, un porteur du virus n'est soumis à aucun régime particulier. Si nous considérons qu'il doit être mis en quarantaine, pourquoi ne l'avons-nous pas fait le 23 mars dernier ? Il y avait des raisons, que j'ai rappelées. Si nous imposons un arrêté préfectoral, les personnes qui redouteront l'enfermement ne vont pas se déclarer, et ne contamineront pas moins les autres que celles qui ne respecteraient pas des mesures facultatives. Bref, ce serait créer une fausse sécurité, puisque le respect des arrêtés préfectoraux ne pourrait pas être contrôlé. Le contrôle téléphonique par la CPAM aura lieu, certes. Mais sans attestation, il sera difficile de contrôler un porteur de virus qui sort de chez lui, sauf dans les cas, anecdotiques, où il aura été interpellé pour avoir commis une infraction. Mieux vaut miser sur un accompagnement que sur un système de contrainte qui resterait virtuel et irréaliste, puisque le déconfinement nous désarme, et provoquerait des stratégies de contournement. Actuellement, madame Troendlé, les malades ont le droit de sortir, et s'ils ne le font pas, c'est qu'ils respectent ce qu'a dit le médecin - heureusement !

M. Patrick Kanner . - Le débat entre sécurité sanitaire et libertés individuelles est un débat impossible, mais nous ne devons pas diverger des principes républicains : je soutiens la proposition de M. Bas.

L'amendement COM-161 est adopté ; les amendements COM-168 et COM-16 rectifié deviennent sans objet.

M. Christophe-André Frassa . - La mise en quatorzaine des personnes qui arrivent en France pose problème. D'ailleurs, devant le tollé suscité par son annonce, le Gouvernement a limité la mesure aux personnes arrivant de l'extérieur de l'espace Schengen, dont les frontières sont fermées au moins jusqu'à la mi-mai, sauf pour les nationaux souhaitant revenir chez eux - il est vrai qu'on les en empêche depuis deux mois, et parfois plus s'ils vivent en Asie... La plupart des compagnies aériennes exigent un certificat de non-infection au coronavirus à l'enregistrement et à l'embarquement. La seule à ne pas l'exiger est Air France. Avant de mettre à l'isolement les passagers débarquant en France, nous pourrions inciter notre compagnie nationale à adopter cette pratique et, au lieu d'appliquer indistinctement la même mesure à tous les voyageurs, effectuer des tests à l'arrivée. J'ajoute que certains pays situés hors de l'espace Schengen ont été plus stricts que l'Italie ou l'Espagne, dont les ressortissants pourront circuler librement en France. C'est inquiétant et difficile à comprendre pour nos compatriotes qui vivent hors de l'espace Schengen. D'où mon amendement COM-16 rectifié.

Mme Jacky Deromedi . - En effet, les Français résidant à l'étranger doivent tous être traités de la même manière. Un Français qui habite dans l'Union européenne n'est pas moins à risques qu'un autre qui habite ailleurs dans le monde. Pas de discrimination, donc ! D'ailleurs, beaucoup ont déjà été soumis, dans leur pays d'accueil, à des quarantaines très strictes.

M. Jean-Yves Leconte . - Pourquoi l'amendement COM-16 rectifié deviendrait-il sans objet ? Je soutiens les deux orateurs précédents.

M. Alain Richard . - Y a-t-il dans les textes en vigueur une disposition spécifique pour les frontaliers ? S'il n'y en a pas, il faudra alerter le Gouvernement.

M. François-Noël Buffet , président . - En effet.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Je crois avoir pris en compte ces objections, mais je n'ai pas encore eu l'occasion de développer la question. L'information selon laquelle tous nos compatriotes vivant à l'étranger seraient mis en quarantaine à leur retour a beaucoup ému ces derniers, mais elle est fausse. La quarantaine n'est qu'une faculté donnée à l'autorité administrative. Quand elle est décidée, elle est obligatoire, mais on n'est pas obligé de la prescrire. D'ailleurs, le Gouvernement a déjà annoncé qu'il en exempterait nos compatriotes revenant des pays de l'espace Schengen ne posant pas de problèmes sanitaires - il y aura une liste des pays non sûrs. Enfin, j'ai prévu que le Français revenant de l'étranger puisse être confiné chez lui : s'il habite à Bordeaux par exemple, il pourra s'y rendre. De plus, la mise en quatorzaine ne lui interdira pas absolument de sortir. Au fond, cette mesure est surtout faite pour ne pas contaminer nos compatriotes d'outre-mer. Nos îles, notamment, sont relativement préservées ; il s'agit d'éviter qu'elles ne connaissent, à leur tour, une vague importante de contamination. Le Gouvernement a voulu traiter de même la Corse. J'ai ajouté une modification, pour que les Corses venant sur le continent ne soient pas soumis à une quarantaine - pas davantage que les habitants des autres départements « verts ».

Les amendements COM-49, COM-35, COM-60, COM-80, COM-132, COM-133, COM-134, COM-61 et COM-23 rectifié deviennent sans objet.

Les amendements COM-81 , COM-135 et COM-136 ne sont pas adoptés.

Article 3

M. Philippe Bas , rapporteur . - Mon amendement COM-162 est assez technique. Le Conseil d'État a distingué les régimes contentieux des mesures d'isolement et de quarantaine selon que celles-ci permettent ou non de sortir de chez soi pour faire ses courses. Dans un cas, c'est une restriction de liberté, donc une mesure administrative, sous le contrôle du juge administratif, dans l'autre, une privation totale, qui relève du juge des libertés et de la détention, donc d'un contentieux judiciaire. Mon amendement prévoit de placer tous les cas sous le régime judiciaire. Ce n'est pas que le juge administratif ne soit pas capable de protéger les libertés individuelles. Mais, pour des mesures finalement peu nombreuses, cela induirait des complications. D'ailleurs, le régime d'exception que je vous propose est plus protecteur des libertés que le régime de quarantaine et de l'isolement qui existait dans le code de la santé publique. Du coup, je vous propose également que nous adaptions ce dernier en l'alignant sur celui que nous concevons actuellement.

L'amendement COM-162 est adopté ; les amendements COM-66 , COM-87 , COM-140 , COM-141 , COM-93 , COM-142 , COM-64 , COM-67 et COM-69 deviennent sans objet.

M. Jean-Pierre Sueur . - L'amendement COM-69 était strictement conforme aux déclarations du Premier ministre, qui fait reposer sa politique « sur la responsabilité individuelle et la conscience que chacun doit avoir de ses devoirs à l'égard des autres ». Il nous paraissait bon d'inscrire ces mots dans la loi.

M. François-Noël Buffet , président . - Mais il est tombé.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Il s'agit du régime de la quarantaine et de l'isolement qui existe déjà dans notre code et se fait sous la contrainte - d'autant plus facile à exercer que c'est en général au passage de la frontière qu'elle se déclenche. Une quarantaine facultative n'aurait pas de sens.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je comprends. Alors, si vous permettez, je retire mon amendement.

L'amendement COM-69 est retiré.

M. François-Noël Buffet, président . - L'amendement COM-17 rectifié est devenu sans objet avec l'adoption d'un amendement à l'article précédent.

L'amendement COM-17 rectifié est sans objet.

Les amendements COM-85 , COM-137 , COM-138 et COM-139 ne sont pas adoptés.

L'amendement COM-169 est adopté.

Les amendements COM-143 et COM-19 rectifié ter ne sont pas adoptés.

Article additionnel après l'article 3

L'amendement COM-170 est adopté.

Article 4

L'amendement de coordination COM-163 est adopté.

L'amendement COM-63 n'est pas adopté.

Articles additionnels après l'article 4

Les amendements COM-72 , COM-73 et COM-56 ne sont pas adoptés.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Mon amendement COM-166 étend les garanties apportées par ce texte aux autres régimes de quarantaine et s'isolement dont le Gouvernement est susceptible de faire application après la fin de l'état d'urgence sanitaire.

L'amendement COM-166 est adopté.

Article 5

L'amendement COM-164 est adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-144 . Il y a déjà eu tant d'écarts d'appréciation par les forces de l'ordre entre les départements qu'il n'est pas opportun de donner à agents disposant d'une moindre qualification judiciaire le pouvoir de verbaliser, d'autant qu'il devrait, en principe, y avoir moins de contrôles dans le cadre du déconfinement que du confinement. Je suis favorable, à l'inverse, à ce que les agents des exploitants de transport guidé ou ferroviaire qui ont l'habitude de dresser des procès-verbaux puissent le faire dans le cadre de la lutte contre l'épidémie, à l'exception des agents d'accueil, qui ne font que contrôler les billets à l'entrée du quai et ne sont pas assermentés.

L'amendement COM-144 n'est pas adopté.

L'amendement COM-165 est adopté.

Division additionnelle après l'article 5

L'amendement COM-99 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

M. Jean-Pierre Sueur . - Nous ne comprenons pas cette irrecevabilité. En séance, on l'évoquera en prenant la parole sur l'article.

Articles additionnels après l'article 5

Les amendements COM-31 , COM-11 rectifié, COM-18 , COM-33 , COM-34 et COM-48 ainsi que les amendements identiques COM-50 et COM-54 rectifié ne sont pas adoptés.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-82 prolonge le mandat du Défenseur des droits. Il n'y a pas de raison liée au Covid-19 pour le faire.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Avis défavorable ou irrecevabilité liée à l'article 45 ?

M. Philippe Bas , rapporteur . - Avis défavorable. Voulez-vous dire que j'aurais dû opposer l'article 45 ?

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Je ne doute pas que vous auriez pu trouver autre chose encore pour vous y opposer. Le mandat du Défenseur des droits, comme celui du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, arrive à échéance le 17 juillet. En cette période, il importe d'être vigilant pour que les rares instances qui agissent dans ce domaine puissent continuer à le faire.

M. Philippe Bas , rapporteur . - La République continue à fonctionner normalement pendant l'état d'urgence sanitaire, et les nominations se feront selon les règles ordinaires. Nous ne pouvons pas partir du principe que les conditions actuelles ne permettraient pas de garantir les compétences, l'indépendance et l'impartialité d'un éventuel successeur.

M. Jean-Pierre Sueur . - Il n'est pas exorbitant de demander que le mandat soit prolongé jusqu'au terme de l'état d'urgence sanitaire.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Je note que vous n'avez pas déposé d'amendement pour qu'on nomme rapidement un Premier président de la Cour des comptes...

M. Jean-Pierre Sueur . - C'est que la Cour a la chance d'avoir une excellente Première présidente par intérim...

L'amendement COM-82 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-100 .

L'amendement COM-83 est retiré.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-98 est irrecevable en application de l'article 41 de la Constitution.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Vraiment ? Nous avons voté la même chose dans la loi du 23 mars... Il s'agit de reporter le délai de la trêve hivernale.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Oui, mais nous parlons d'une habilitation à légiférer par ordonnances. L'ordonnance a un caractère réglementaire jusqu'au dépôt du projet de loi de ratification.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - C'est pour cette même raison, je suppose, que votre amendement sur la détention provisoire, qui a suivi exactement le même itinéraire législatif, a été voté tout à l'heure.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Sa rédaction est différente.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Vous me suggérez de mieux le rédiger ?...

L'amendement COM-98 n'est pas adopté.

Article additionnel avant l'article 6

L'amendement COM-92 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 6

Les amendements identiques de suppression COM-14 , COM-22 et COM-41 rectifié ne sont pas adoptés.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-42 supprimerait toute donnée personnelle du traitement pour que celui-ci ne serve qu'un objectif de recherche épidémiologique. Pour créer un tel système d'information destiné à la recherche, nul besoin de passer par la loi. Mais justement, le dispositif que le projet de loi met en place doit servir à contacter les personnes concernées, pour leur demander de se soumettre à un test et de se mettre en quatorzaine. Ce n'est que par surcroît qu'on peut se servir des données ainsi recueillies pour faire des enquêtes épidémiologiques, sous réserve de leur anonymisation préalable. Refuser de faire entrer des données personnelles dans ce système d'information, c'est refuser le système lui-même, puisqu'il n'a pas d'autre objet que de traiter des données personnelles.

M. Philippe Bonnecarrère . - Il y a le niveau de l'enquête épidémiologique de terrain, à partir de la consultation du médecin traitant, qui se fait avec les données personnelles, celles-ci pouvant être partagées avec l'équipe médicale. Et il y a le fichier national, qui a vocation à s'inscrire dans la durée. Prévoir qu'y figurent des données personnelles me paraît très excessif pour les libertés individuelles, et peu raisonnable en termes d'efficacité. Oui à l'identification pour l'équipe de terrain, mais pas dans le fichier central !

M. Philippe Bas , rapporteur . - Mais il n'est pas possible d'avoir un fichier nominatif limité à un périmètre territorial trop restreint, et qui ne serait alimenté que par des médecins. D'ailleurs, la seule raison juridique impérieuse pour laquelle le Gouvernement demande au Parlement de statuer, c'est qu'il ne sait pas mettre en oeuvre un dispositif de traçage des personnes exposées au virus en le plaçant sous la responsabilité exclusive du corps médical. Celui-ci, du reste, ne souhaite pas entrer dans un tel dispositif et insiste beaucoup pour ne pas avoir à donner des informations sans l'accord du patient. Or, comment organiser le traçage sans lever le secret médical et y associer des non-médecins ? Nous parlons de 700 000 personnes par semaine... Les quelques milliers de médecins généralistes ne suffiraient pas à réaliser l'enquête pour chaque cas. Je partage votre réticence à ce dispositif, et voudrais que nous dérogions le moins possible au secret médical. Mais je crois qu'il n'est pas possible de ne pas y déroger.

Cela étant dit, je souhaite un strict respect du principe de minimisation des données personnelles de santé recueillies, et qu'une personne estimant qu'elle n'est pas un cas de contact ayant exposé quelqu'un à la contamination puisse bien se soustraire au fichier. Votre amendement réduirait à néant la possibilité même de contacter tous les cas contacts et de leur demander de suivre les prescriptions d'isolement. Nous avons écarté tout à l'heure un dispositif contraignant, passant par des arrêtés préfectoraux. Nous ne pouvons le faire que s'il existe un dispositif, plus souple, permettant d'alerter les personnes exposées pour qu'elles modifient à leur tour leur comportement pendant leur période d'incubation pour ne pas contaminer les autres.

M. Philippe Bonnecarrère . - Je ne demande pas que les médecins remontent la filière des contacts ; je demande simplement que, dans le cadre de leur échange avec leurs patients, ils en élaborent la liste. Et je n'exclus pas que des non-médecins passent ensuite les appels nécessaires. Mais le pire serait de communiquer aux personnes appelées le nom du patient à partir duquel on est remonté jusqu'à elles. Ce serait totalement liberticide.

M. Pierre-Yves Collombat . - Ne trouvez-vous pas irréel de discuter des conditions d'application d'un système dont on ne sait pas si nous aurons les moyens de le faire fonctionner ? Le bon sens serait de nous laisser quelques jours, voire quelques semaines, pour mettre en place un dispositif efficace qui n'empiéterait pas sur nos libertés, au lieu de se livrer à un bricolage perpétuel. Sous prétexte d'urgence, on essaie de trouver des palliatifs alors que la raison voudrait qu'on ne décide rien sur le dépistage et le contrôle avant d'avoir eu une réflexion approfondie sur la question. Déjà, ce qui était prévu initialement a été complètement abandonné : notre discussion est assez irréelle...

M. Philippe Bas , rapporteur . - La question de notre collègue Pierre-Yves Collombat est judicieuse. Je me demande aussi quand le dispositif prévu par le Gouvernement pourra être opérationnel, car il a devant lui plusieurs étapes : il devra en préciser la définition, les outils de traitement vont devoir être homologués, le dispositif présenté à la CNIL et les personnels formés. Cela fait beaucoup de conditions à réunir...

Je comprends des objections de notre collègue Philippe Bonnecarrère qu'il est d'accord pour l'existence d'un fichier, mais pas d'accord pour que ce fichier soit national. Mais quelle serait alors sa dimension idéale ? Quid des personnes qui n'habitent pas le département si le fichier était départemental ? Je pense que, pour des raisons techniques, nous avons besoin d'un fichier national. Et certaines objections de principe seront les mêmes, que le fichier soit territorial ou national. Je pense que nos positions peuvent se rapprocher, si l'on admet que la finalité de ce fichier n'est pas de faire de la recherche épidémiologique.

Lorsque la plateforme de l'assurance maladie appellera les cas contacts pour les informer qu'ils ont été en contact avec une personne infectée, il faut impérativement que l'identité du patient ne soit pas révélée, car cela n'est pas utile. Peut-être nous faudrait-il le préciser explicitement.

Mme Catherine Di Folco et M. Vincent Segouin . - Mais comment pourra-t-on alors faire usage de son droit d'opposition ?

M. Philippe Bas , rapporteur . - Le droit d'opposition pourra s'exercer grâce au lieu et à la date de l'éventuelle contamination. L'essentiel est qu'il ne faut pas dévoiler contre son gré la situation médicale d'un individu auprès de ses voisins et de son entourage. Après avoir été informée de la présence de ses données dans le fichier des cas contacts, la personne concernée pourra user de son droit d'opposition auprès du responsable du traitement. C'est ainsi que fonctionne classiquement le droit d'accès dans le cadre de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

M. Jean-Pierre Sueur . - On voit bien qu'il s'agit là d'un point important. Ne pourrait-on pas suspendre notre réunion de commission pour la reprendre dans l'après-midi ?

M. François-Noël Buffet , président . - Cela est malheureusement impossible, car notre texte de commission doit être prêt pour la séance et nous devons permettre à nos collègues de déposer d'éventuels amendements sur ce texte finalisé.

M. Loïc Hervé . - Notre droit positif comporte déjà un cadre juridique pour les études épidémiologiques : quelle est donc l'utilité de cette innovation juridique ? Le dispositif actuel fonctionne selon une logique décentralisée et c'est ainsi que l'ARS a procédé en Haute-Savoie, à La Balme-de-Sillingy et aux Contamines-Montjoie.

Comme pour Stop Covid, nous sommes face à une contradiction majeure : l'application coréenne est une application de confinement, mise en place au début du confinement, au moment où les libertés publiques sont le plus réduites ; or nous nous apprêtons à mettre en place un dispositif juridique et technique au moment du déconfinement. C'est incohérent ! Il aurait fallu le prévoir au début du confinement.

La protection de l'identité du patient que l'on pourrait appeler « patient zéro », c'est celle du cas contact n° 1 et tous les cas contacts des cas contacts. Il s'agit d'une véritable difficulté technique dont j'ai bien conscience. Nous devons à la fois veiller à l'efficience du système et protéger les libertés publiques.

Mme Catherine Troendlé . - Comment la personne contact peut-elle exercer son droit de recours sans connaître le nom de la personne contaminée ? Ce point mérité d'être clarifié.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Le cadre juridique évoqué par notre collègue Loïc Hervé est bien établi : il comporte une liste de maladies pour lesquelles la déclaration est obligatoire. Celle-ci est faite par un médecin et a vocation à être anonymisée à l'échelon de l'ARS. Les personnes concernées, identifiées par un numéro, ont un droit d'accès aux informations contenues dans le fichier, qui sont détruites passé un certain délai. Ce cadre juridique ne nous permet pas de remonter de façon aussi massive la filière des contaminations du Covid-19, dans le but d'alerter individuellement chaque personne exposée à un risque avéré. Je comprends la répugnance que suscite un système d'information national. Néanmoins, si vous le supprimez, il faudra assumer clairement auprès de nos concitoyens que vous ne voulez pas d'un dispositif de traçage. Des fichiers départementaux qui ne seraient pas connectés entre eux ne permettraient pas d'agir avec la rapidité nécessaire pour lutter contre le virus.

Il faut sauter le pas. Si l'on veut un dispositif opérant, il faut que ce soit un système d'information automatisé national auquel auront accès des professionnels non médecins. Prévoyons alors un droit d'opposition, qui pourra être mis en oeuvre par les cas contacts, et ne leur dévoilons pas l'identité du patient zéro sans son accord. La plateforme, déconcentrée, permettra un contact téléphonique individuel avec les personnes concernées.

Le droit de rectification, classique en droit de la protection des données, s'exerce auprès du responsable du traitement, ici l'assurance maladie. Si l'on a été dénoncé à tort, on pourra être retiré de la liste des personnes contacts. La CNIL pourra même être saisie en cas de problème.

Ce n'est pas de gaité de coeur que j'accepte ce système centralisé et la dérogation au secret médical. Je suis prêt à examiner tout de suite un système alternatif. Mais un amendement qui prévoit le traitement de données anonymisées à des fins épidémiologiques ne répond pas au problème que nous avons à régler.

M. Jean-Pierre Sueur . - Ne pourrait-on pas examiner en priorité les amendements proposés ou acceptés par le rapporteur ? Le système qu'il propose me semble le meilleur.

M. François-Noël Buffet , président. - Procédons ainsi.

M. Philippe Bas , rapporteur . -L'amendement de M. Milon définissant le périmètre des données de santé est fondamental : il prévoit qu'aucune information autre que la contamination ou non au Covid-19 ne figure dans le système. Cette garantie est très importante.

Je vous propose de mettre en place d'autres garde-fous : le fichier doit cesser à la fin de l'état d'urgence ; un droit d'information, de rectification et d'opposition est garanti ; l'application Stop Covid ne pourra pas être créée sur le fondement de cet article ; une instance indépendante chargée du contrôle, dans laquelle siégeraient des parlementaires, sera créée.

Enfin, nous avons été échaudés par le fait que certaines ordonnances aient modifié des dispositions législatives de fond de la loi du 23 mars dernier. Les ordonnances remords, ça suffit ! Nous supprimons l'habilitation donnée au Gouvernement.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Les préconisations énoncées par le président Philippe Bas nous conviennent en grande partie. Mais nous souhaiterions un avis conforme de la CNIL et, pour une partie des membres de notre groupe, le maintien du consentement de l'intéressé. Ce sont les deux points qui distinguent notre position de l'architecture proposée par le rapporteur.

Mme Esther Benbassa . - Pourquoi accepter ce dispositif intrusif ? Il ne faut pas que ce soit une usine à gaz.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-74 rectifié n'est pas compatible avec mes amendements. Avis défavorable. Concernant l'avis conforme de la CNIL, je propose que vous déposiez un amendement en ce sens en séance, auquel cas j'émettrai un avis favorable.

M. Jean-Pierre Sueur . - Cet ensemble d'amendements présente des garanties utiles. Nous sommes un certain nombre à penser qu'il aurait fallu intégrer le consentement de l'intéressé, mais ce n'est pas une position unanime du groupe. Nous prenons acte de la position du rapporteur sur l'avis conforme de la CNIL. Compte tenu de ces points, nous voterons pour les amendements du rapporteur et du président de la commission des affaires sociales.

Les amendements COM-114 , COM-115 , COM-116 , COM-117 , COM-171 , COM-118 , COM-172 , COM-119 , COM-173 , COM-120 , les amendements identiques COM-121 , COM-43 et COM-65 , ainsi que l'amendement COM-122 sont adoptés.

Les amendements COM-74 rectifié, COM-106 , COM-13 , COM-46 , les amendements identiques COM-145 et COM-12 , COM-47 , COM-146 , COM-107 , COM-108 , COM-6 rectifié quater , COM-109 , COM-45 , COM-15 rectifié, COM-110 , COM-57 , COM-147 , COM-148 , COM-157 , COM-111 , COM-149 , COM-7 rectifié ter, COM-150 , COM-151 , COM-112 , COM-152 , COM-68 , COM-153 , COM-154 , COM-113 , COM-105 et COM-158 ne sont pas adoptés.

Articles additionnels après l'article 6

L'amendement COM-40 rectifié est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

L'amendement COM-88 n'est pas adopté.

L'amendement COM-89 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

L'amendement COM-90 n'est pas adopté.

L'amendement COM-94 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Articles additionnels avant Chapitre III

Les amendements COM-155 et COM-156 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 7

L'amendement de coordination COM-167 du rapporteur est adopté.

Articles additionnels après l'article 7

M. Philippe Bas , rapporteur . - Les amendements en discussion commune COM-4 rectifié quater , COM-32 et COM-44 sont irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

M. Philippe Bonnecarrère . - L'installation des conseils municipaux a été reportée dans le cadre de la loi du 23 mars 2020. Dès lors que l'on prolonge l'état d'urgence sanitaire, il y a un lien direct entre ce qui a été traité dans cette loi et ce qui est proposé ici.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je partage entièrement cette position. Nous sommes fondés à examiner diverses mesures figurant dans la loi du 23 mars 2020, aujourd'hui prorogée. Les élus nous interrogent : si l'activité reprend dans les écoles, les transports, les entreprises, pourquoi ne peut-on pas élire le maire et les adjoints au sein des conseils municipaux ? Le Sénat ferait preuve de bon sens en se prononçant en faveur de la tenue de cette élection dans les meilleurs délais. Ce serait bien perçu par les élus locaux.

M. Alain Richard . - Je ne serais pas étonné que le Premier ministre évoque ce sujet dans la présentation qu'il s'apprête à nous faire.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Nous avons écrit au président du conseil de scientifiques. Nous avons obtenu le soutien du ministre de l'intérieur dans cette démarche. Malheureusement, dans son discours de mardi dernier, le Premier ministre a écarté l'hypothèse de dissocier les travaux concernant l'organisation éventuelle du second tour des élections municipales en juin et l'installation des maires et de leurs adjoints. Je ne peux donc que vous proposer d'être porteur de l'exigence que les maires soient élus le plus rapidement possible. Les sénateurs, je crois, y sont unanimement favorables.

Les amendements COM-4 rectifié quater , COM-32 et COM-44 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

L'amendement COM-5 rectifié quater n'est pas adopté.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission .

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Prolongement de l'état d'urgence sanitaire et resserrement du régime de responsabilité pénale
des personnes physiques et morales

Mme ASSASSI

20

Suppression de la prolongation de l'état d'urgence sanitaire

Rejeté

M. LABBÉ

124

Caractère dégressif de l'état d'urgence sanitaire prorogé

Rejeté

M. BAS,
rapporteur

159

Fin de l'état d'urgence au 10 juillet 2020

Adopté

M. SUEUR

59

Fin de l'état d'urgence au 23 juin 2020

Rejeté

M. LABBÉ

123

Modification de la durée de la prorogation

Rejeté

M. BAS,
rapporteur

55

Abrogation des dispositions relatives à l'allongement de la durée de la détention provisoire

Adopté

Mme GUILLOTIN

125

Remise d'un rapport au Parlement

Retiré

Mme GUILLOTIN

126

Respect de règles de protection et de distanciation sociale par les usagers

Rejeté

M. BAS,
rapporteur

51

Responsabilité pénale pendant l'état d'urgence sanitaire

Adopté

Articles additionnels après l'article 1 er

M. MAUREY

2

Limitation de la responsabilité pénale du fait des décisions prises pendant l'état d'urgence

Retiré

Mme ASSASSI

21

Exonération de la responsabilité civile et pénale des élus du fait de la mise en oeuvre des décisions prises par le Gouvernement dans le cadre de l'état d'urgence

Satisfait ou sans objet

M. MAUREY

3 rect. ter

Accord du maire pour la réouverture des écoles

Retiré

M. DURAN

26 rect.

Réouverture des écoles - conformité au « protocole sanitaire sur la réouverture des écoles maternelles et primaires »

Rejeté

M. KERROUCHE

28 rect.

Mesures exceptionnelles d'hygiène et de sécurité au sein des établissements scolaires et pour le transport scolaire

Rejeté

M. KERROUCHE

29 rect.

Protocole entre le préfet et le maire sur la gestion de l'état d'urgence sanitaire

Rejeté

M. SEGOUIN

36

Exemption de responsabilité pénale des chefs d'entreprises du fait des décisions conformes à la loi

Satisfait ou sans objet

M. COLLOMBAT

37

Extension de l'exemption de responsabilité prévue en cas de force majeure aux décisions prises par élus municipaux dans le cadre de la mise en oeuvre de directives prises par le Gouvernement en lien avec un état d'urgence sanitaire tel que défini à l'article L.3131-12 du code de la santé publique

Satisfait ou sans objet

M. Jacques BIGOT

25 rect.

Responsabilité de l'État pour l'ouverture des établissements scolaires

Rejeté

M. PATRIAT

39 rect. quater

Régime de responsabilité pénale des personnes physiques pendant l'état d'urgence sanitaire

Satisfait ou sans objet

Mme GUILLOTIN

127

Inscription du covid-19 comme une maladie qui nécessite une « intervention urgente locale, nationale ou internationale »

Rejeté

Articles additionnels avant l'article 2

M. SUEUR

70

Transmission au Parlement des actes pris par les autorités publiques au titre de l'état d'urgence sanitaire

Retiré

M. DEVINAZ

84

Conditions de suspension de l'état d'urgence sanitaire

Adopté avec modification

Article 2
Mise en oeuvre de mesures de quarantaine ou de placement et maintien en isolement

M. MARIE

103

Moratoire du délai de recours en matière de droit au logement opposable

Retiré

M. MARIE

104

Interdiction du refus de report des mensualités de remboursement de prêt immobilier

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. DURAIN

30

Interdiction du marquage des biens nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ainsi que leur distribution à des fins électorales

Rejeté

Mme GUILLOTIN

128

Réglementation des gestes barrière et équipements obligatoires dans l'espace public.

Rejeté

M. BAS,
rapporteur

160

Suppression de l'extension de la compétence attribuée au Premier ministre pour prescrire la fermeture de certains lieux et réglementer leurs conditions d'ouverture

Adopté

M. KAROUTCHI

1

Réglementation des transports en Ile de France.

Rejeté

Mme Nathalie GOULET

9

Levée des interdictions de circulation des poids lourds

Rejeté

Mme LAVARDE

38

Communication aux communes du fichier de la taxe d'habitation

Rejeté

M. WATTEBLED

8

Pouvoir de réquisition des personnes

Rejeté

M. DAUDIGNY

62

Pouvoir de réquisition des personnes

Rejeté

M. DAUDIGNY

71

Publicité des décisions de réquisition

Rejeté

Mme GUILLOTIN

129

Exigence d'une qualification des personnes réquisitionnées

Rejeté

M. JOMIER

79

Pouvoir de réquisition des personnes

Rejeté

Mme LUBIN

95

Garantie de l'aide alimentaire pendant l'état d'urgence sanitaire

Rejeté

M. MARIE

101

Interdiction des licenciements pendant l'état d'urgence sanitaire

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Mme GUILLOTIN

130

Renvoi à un décret des conditions de qualification et de rémunération des personnels réquisitionnés

Rejeté

Mme GUILLOTIN

131

Information du public et des professionnels sur les plafonnements de prix

Adopté

M. BAS,
rapporteur

161

Clarification des conditions de mise en oeuvre des mesures de quarantaine ainsi que de placement et de maintien à l'isolement

Adopté

M. MILON

168

Mesures individuelles de mise en quarantaine et d'isolement en cas de refus réitéré d'une mesure médicale et individuelle d'isolement prophylactique

Satisfait ou sans objet

M. FRASSA

16 rect.

Limitation du champ d'application des mesures de quarantaine et d'isolement aux seules personnes testées covid +

Satisfait ou sans objet

M. CADIC

49

Limitation du champ d'application des mesures de quarantaine et d'isolement aux seules personnes testées covid +

Satisfait ou sans objet

Mme GARRIAUD-MAYLAM

35

Exclusion des travailleurs transfrontaliers de la mesure

Satisfait ou sans objet

M. SUEUR

60

Durée maximale de la quarantaine et de l'isolement à un mois

Satisfait ou sans objet

Mme LUBIN

80

Exclusion des personnes sans domicile fixe de la possibilité d'une verbalisation

Satisfait ou sans objet

Mme Maryse CARRÈRE

132

Limitation du champ d'application des mesures de quarantaine aux personnes infectées

Satisfait ou sans objet

Mme Maryse CARRÈRE

133

Limitation du champ d'application de la quarantaine aux personnes infectées

Satisfait ou sans objet

Mme Maryse CARRÈRE

134

Définition par décret de la liste des zones infectées

Satisfait ou sans objet

M. SUEUR

61

Choix par la personne du lieu de sa quarantaine

Satisfait ou sans objet

Mme GARRIAUD-MAYLAM

23 rect.

Limitation de l'application des mesures de quarantaine aux Français établis hors de France

Satisfait ou sans objet

Mme LUBIN

81

Obligation de présentation par les forces de l'ordre de leur numéro d'identification

Rejeté

M. LABBÉ

135

Limitation des mesures prescrites au titre de l'état d'urgence sanitaire aux circonstances graves

Rejeté

M. REQUIER

136

Prise en compte d'un critère de densité de la population dans les mesures d'état d'urgence sanitaire

Rejeté

Article 3
Conditions des décisions individuelles de placement en quarantaine ou à l'isolement

M. BAS,
rapporteur

162

Encadrement des mesures de quarantaine et d'isolement

Adopté

M. SUEUR

66

Possibilité de contester des horaires ou des modalités de sorties extrêmement limitées

Satisfait ou sans objet

M. RAYNAL

87

Mise à disposition de moyens de communication téléphonique et électronique

Satisfait ou sans objet

Mme Maryse CARRÈRE

140

Accès au juge des libertés et de la détention en cas de limitation de sortie

Satisfait ou sans objet

Mme Maryse CARRÈRE

141

Sanction de la mise à disposition de moyens de communication téléphonique ou électronique

Satisfait ou sans objet

M. JOMIER

93

Extension du recours devant le juge des libertés et de la détention

Satisfait ou sans objet

Mme Maryse CARRÈRE

142

Conditions du contrôle effectué par le juge des libertés et de la détention

Satisfait ou sans objet

M. DAUDIGNY

64

Conditions du prolongement des mesures de mise en quarantaine et d'isolement

Satisfait ou sans objet

M. LECONTE

67

Conditions du prolongement des mesures de mise en quarantaine et d'isolement

Satisfait ou sans objet

M. SUEUR

69

Responsabilité du respect de la quarantaine et du maintien en isolement sur les personnes concernées

Retiré

M. FRASSA

17 rect.

Limitation du champ des mesures de quarantaine et d'isolement aux personnes testées covid +

Satisfait ou sans objet

M. SUEUR

85

Saisine automatique du juge des libertés et de la détention

Rejeté

Mme Maryse CARRÈRE

137

Nécessité d'une constatation médicale de l'infection pour une mise en quarantaine

Rejeté

Mme Maryse CARRÈRE

138

Exclusion des mesures individuelles de placement en quarantaine ou de mise à l'isolement pour les mineurs

Rejeté

Mme Maryse CARRÈRE

139

Information du procureur de la République en cas de décision individuelle de placement en quarantaine ou à l'isolement

Rejeté

M. MILON

169

Condition de transmission du certificat médical

Adopté

Mme Nathalie DELATTRE

143

Recours devant le juge des enfants en cas de mesures de quarantaine ou de mise à l'isolement pour les mineurs

Rejeté

M. REICHARDT

19 rect. ter

Pouvoirs du maire en matière de confinement et de déconfinement

Rejeté

Article additionnel après l'article 3

M. MILON

170

Garanties en matière de droit du travail assurées aux personnes visées par des mesures de quarantaine

Adopté

Article 4
Exclusion de la compétence du juge administratif en cas de mesures individuelles de mise en quarantaine
et de mesures de placement et de maintien en isolement

M. BAS,
rapporteur

163

Coordination

Adopté

M. SUEUR

63

Suppression d'article

Rejeté

Articles additionnels après l'article 4

M. DAUDIGNY

72

Composition du comité de scientifiques

Rejeté

M. DAUDIGNY

73

Création d'une conférence de citoyens

Rejeté

M. DEVINAZ

56

Nomination au comité de scientifiques et au comité analyse recherche et expertise

Rejeté

M. BAS,
rapporteur

166

Extension des garanties après la fin de l'état d'urgence sanitaire

Adopté

Article 5
Agents habilités à constater par procès-verbaux les infractions dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire

M. BAS,
rapporteur

164

Périmètre des agents pouvant constater des infractions dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire

Adopté

Mme Nathalie DELATTRE

144

Habilitation des gardes champêtres à constater les infractions dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire

Rejeté

M. BAS,
rapporteur

165

Périmètre des agents pouvant constater les infractions dans le secteur ferroviaire

Adopté

Division additionnelle après l'article 5

Mme de la GONTRIE

99

Composition du comité chargé du suivi de la mise en oeuvre et de l'évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Articles additionnels après l'article 5

M. KAROUTCHI

31

Déplafonnement de la période de réserve des fonctionnaires

Rejeté

Mme JOISSAINS

11 rect.

Abrogation de la prolongation de plein droit des détentions provisoires

Rejeté

M. GRAND

18

Limitation de la responsabilité pénale des élus locaux

Rejeté

Mme de la GONTRIE

33

Prolongation de la durée de validité des documents de séjour

Rejeté

Mme de la GONTRIE

34

Fermeture des centres de rétention administrative pendant la période de l'état d'urgence

Rejeté

Mme BILLON

48

Réouverture des plages et des forêts.

Rejeté

M. KERROUCHE

50

Autorisation de l'accès au littoral et aux plages en période d'état d'urgence sanitaire

Rejeté

M. JOMIER

54 rect.

Autorisation de l'accès au littoral et aux plages en période d'état d'urgence sanitaire

Rejeté

Mme de la GONTRIE

82

Prolongation du mandat du Défenseur des droits

Rejeté

Mme de la GONTRIE

100

Prolongation du mandat du contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Rejeté

Mme de la GONTRIE

83

Interdiction de la prolongation de plein droit de la détention provisoire pendant l'état d'urgence sanitaire

Retiré

Mme de la GONTRIE

98

Prolongation de la trêve hivernale

Rejeté

Article additionnel avant l'article 6

Mme ROSSIGNOL

92

Plafonnement des frais bancaires

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Article 6
Mise en oeuvre de nouveaux fichiers et partage de certaines données de santé
pour faciliter le suivi des malades et des cas-contact

Mme Nathalie GOULET

14

Suppression

Rejeté

Mme ASSASSI

22

Suppression

Rejeté

M. BONNECARRÈRE

41 rect.

Suppression

Rejeté

M. BONNECARRÈRE

42

Nouvelle rédaction

Rejeté

M. BAS,
rapporteur

114

Limitation dans le temps de la dérogation accordée au secret médical

Adopté

M. BAS,
rapporteur

115

Rédactionnel

Adopté

M. SUEUR

74 rect.

Encadrement du partage des données des personnes atteintes par le coronavirus et de leur entourage

Rejeté

M. SUEUR

106

Maintien du secret médical

Rejeté

M. WATTEBLED

13

Rétablissement du consentement des personnes concernées par le partage d'information

Rejeté

M. CAPO-CANELLAS

46

Précisions rédactionnelles

Rejeté

Mme Maryse CARRÈRE

145

Suppression de la durée maximale d'un an

Rejeté

M. WATTEBLED

12

Suppression de la durée maximale d'un an

Rejeté

M. CAPO-CANELLAS

47

Limitation de l'utilisation du système d'information à cinq mois

Rejeté

Mme Maryse CARRÈRE

146

Limitation de l'utilisation du système d'information à six mois

Rejeté

M. SUEUR

107

Encadrement des finalités du système d'information

Rejeté

M. SUEUR

108

Précision rédactionnelle

Rejeté

Mme RAIMOND-PAVERO

6 rect. quater

Respect de la souveraineté nationale numérique

Rejeté

M. SUEUR

109

Exclusion de l'application de traçage mobile

Rejeté

M. BAS,
rapporteur

116

Amendement de précision

Adopté

M. CAPO-CANELLAS

45

Suppression des facultés d'adaptation et de partage

Rejeté

Mme DURANTON

15 rect.

Conditions d'hébergement des données personnelles

Rejeté

M. SUEUR

110

Durée limite de conservation des données collectées

Rejeté

Mme ROSSIGNOL

57

Exclusion de l'application de traçage mobile

Rejeté

M. BAS,
rapporteur

117

Rédactionnel

Adopté

Mme Maryse CARRÈRE

147

Anonymisation des données en cas d'exploitation statistique

Rejeté

Mme Maryse CARRÈRE

148

Exclusion de versement des données dans des systèmes d'information existants.

Rejeté

M. CHAIZE

157

Respect de la souveraineté nationale numérique

Rejeté

M. MILON

171

Périmètre des données à caractère personnel concernant la santé inscrites dans les fichiers

Adopté

M. BAS,
rapporteur

118

Droits des personnes inscrites dans les fichiers de suivi de l'épidémie

Adopté

M. SUEUR

111

Rédactionnel

Rejeté

Mme Maryse CARRÈRE

149

Respect du règlement général sur la protection des données

Rejeté

M. MILON

172

Intégration du patient à la procédure de « tracing », sur la base de certains éléments d'un diagnostic clinique

Adopté

Mme RAIMOND-PAVERO

7 rect. ter

Amendement de précision

Rejeté

M. BAS,
rapporteur

119

Exclusion de l'application de traçage mobile

Adopté

Mme Maryse CARRÈRE

150

Limitation des finalités du système d'information

Rejeté

Mme Maryse CARRÈRE

151

Gouvernance du système d'information

Rejeté

M. SUEUR

112

Limitation des organismes pouvant participer à la mise en oeuvre des systèmes d'information et des professionnels pouvant consulter les données

Rejeté

M. MILON

173

Élargissement de l'accès aux données de santé collectées aux établissements sociaux et médico-sociaux et aux équipes de soins primaires

Adopté

Mme Maryse CARRÈRE

152

Conditions de sécurité des systèmes d'information

Rejeté

M. BAS,
rapporteur

120

Amendement de précision

Adopté

M. LECONTE

68

Interopérabilité avec les systèmes équivalents mis en place dans l'Union européenne

Rejeté

Mme Maryse CARRÈRE

153

Respect des obligations en matière de sécurité des systèmes d'information contenant des données de santé

Rejeté

Mme Maryse CARRÈRE

154

Information des personnes concernées

Rejeté

M. BAS,
rapporteur

121

Suppression de l'habilitation à légiférer par ordonnances

Adopté

M. BONNECARRÈRE

43

Suppression de l'habilitation à légiférer par ordonnances

Adopté

M. SUEUR

65

Suppression de l'habilitation à légiférer par ordonnances

Adopté

M. SUEUR

113

Suppression de l'habilitation à légiférer par ordonnances et contrôle parlementaire

Rejeté

M. KERROUCHE

105

Création d'un rapport spécial du Défenseur des droits

Rejeté

M. BAS,
rapporteur

122

Création d'un comité de liaison et de contrôle

Adopté

M. CHAIZE

158

Anonymisation des données

Rejeté

Articles additionnels après l'article 6

Mme ROSSIGNOL

40 rect.

Allongement de la période pendant laquelle une interruption volontaire de grossesse (IVG) est possible

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Mme ROSSIGNOL

88

Abrogation de la réforme de l'assurance chômage

Rejeté

Mme ROSSIGNOL

89

Prolongation de l'expérimentation sur les maisons de naissance

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Mme ROSSIGNOL

90

Exonération des personnes en difficulté de frais bancaires

Rejeté

Mme ROSSIGNOL

94

Assouplissement des exigences de composition de l'équipe pluridisciplinaire chargée d'examiner les demandes d'IVG fondée sur le péril grave

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Article additionnel avant le chapitre III :
Dispositions relatives à l'outre-mer

Mme Nathalie DELATTRE

155

Contrôle des enfants scolarisés à domicile

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Mme Nathalie DELATTRE

156

Enregistrement des enfants scolarisés à domicile sous un numéro d'identification national élève

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Article 7
Dispositions relatives à l'outre-mer

M. BAS,
rapporteur

167

Coordination

Adopté

Articles additionnels après l'article 7

Mme NOËL

4 rect. quater

Entrée en fonction des conseillers municipaux élus dès le premier tour du 15 mars 2020

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. SUEUR

32

Entrée en fonction des conseils municipaux

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. DELCROS

44

Date du rapport sur l'installation des conseils municipaux

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Mme NOËL

5 rect. quater

Exonération de responsabilité civile et pénale des élus municipaux

Rejeté

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl19-414.html


* 1 Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

* 2 L'ensemble de ces mesures sont détaillées dans les deux rapports publiés par la commission des lois au titre de la mission de suivi de l'état d'urgence sanitaire, consultables aux adresses suivantes : http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/commission/lois/MI_Covid19/Mission_suivi_urgence_Covid-19_Premiers_constats.pdf et http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/commission/lois/MI_Covid19/Mission_suivi_urgence_Covid-19_Deuxieme_rapport_etape.pdf

* 3 Article L. 3131-17 du code de la santé publique.

* 4 Le nombre d'arrêtés préfectoraux est moindre que le nombre de mesures, un arrêté préfectoral pouvant comprendre plusieurs mesures.

* 5 Référence et lien internet

* 6 Mesure qui figure à l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

* 7 3° et 4° de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique.

* 8 Introduit par décret modificatif du 16 avril 2020, l'article 5-1 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire prévoit que « le représentant de l'État territorialement compétent est habilité à prescrire, à leur arrivée sur le territoire de la collectivité d'outre-mer ou en Nouvelle-Calédonie, la mise en quarantaine des personnes ayant bénéficié de la dérogation prévue au II ou au IV de l'article 5 ou de toute personne arrivée sur ce territoire. »

* 9 La notion de mesure privative de liberté n'est pas limitée à l'isolement. Le texte n'exclut pas que des mesures de quarantaine puissent également comporter une privation complète de liberté.

* 10 À titre d'exemple, l'obligation faite aux transporteurs aériens de transmettre les données passagers aux fins d'alimentation du fichier européen Passenger Name Record (PNR) est prévue à l'article L. 232-4 du code de la santé publique.

* 11 Tel qu'il résulte notamment de l'article 121-3 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, dite loi « Fauchon ».

* 12 « Dans chaque département, nous constituerons des brigades chargées de remonter la liste des cas-contacts, de les appeler, de les inviter à se faire tester en leur indiquant à quel endroit ils doivent se rendre, puis à vérifier que ces tests ont bien eu lieu et que leurs résultats donnent lieu à l'application correcte de la doctrine nationale. » (Assemblée nationale, séance du mardi 28 avril 2020, déclaration du Gouvernement relative à la stratégie nationale du plan de déconfinement dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de Covid-19, suivie d'un débat et d'un vote).

* 13 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20200413/lois.html#toc3

* 14 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20200427/soc.html#toc4

* 15 Selon le ministre : « Plus de 3 000 personnes formées de l'assurance maladie seront chargées de tracer les contacts proches des cas positifs » (Le Parisien, 2 mai 2020), « 3 000 à 4 000 salariés de l'Assurance maladie feront partie de ces “brigades” » (déclaration à l'issue d'un Conseil des ministres du 2 mai 2020).

* 16 Les professionnels de santé bénéficieraient d'une rémunération spécifique pour la réalisation des consultations au titre du covid-19 et le remplissage des fiches.

* 17 C'est ce qui explique, selon le Gouvernement, que cette disposition du projet de loi n'ait pas été préalablement soumise à la consultation obligatoire de la CNIL. Le Conseil d'État, dans son avis, estime « que ces dispositions ne déterminent pas dans leurs caractéristiques essentielles, les conditions de création ou de mise en oeuvre d'un traitement ou d'une catégorie de traitements de données à caractère personnel, de sorte que la consultation préalable de la CNIL n'est requise ni sur le fondement de l'article 36.4 du RGPD ni sur celle de la loi du 6 janvier 1978 ».

* 18 Aux termes de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique : « Toute personne prise en charge (...) a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. / Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel, de tout membre du personnel de ces établissements, services ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. »

* 19 Avis n° 6 du Conseil scientifique COVID-19 du 20 avril 2020 « sortie progressive de confinement prérequis et mesures phares » ; voir en particulier la fiche n° 4 « Identification, isolement des cas et suivis des contacts ». Ce document est disponible en ligne à l'adresse suivante : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/avis_conseil_scientifique_20_avril_2020.pdf

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