B. LA PROGRAMMATION FINANCIÈRE ANNONCÉE PAR LE GOUVERNEMENT S'APPUIE SUR LE SCÉNARIO N° 2 DU COI LÉGÈREMENT REVU À LA BAISSE
1. 13,4 milliards d'euros pour la période 2018-2022 puis 14,3 milliards d'euros pour la période 2023-2027 consacrés aux infrastructures de transport
Le Gouvernement a présenté au début du mois de septembre 2018 les grandes lignes de la programmation des investissements de transport pour les dix prochaines années qu'il soumettra au Parlement dans le cadre de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités.
Cette programmation prévoit que l'AFITF sera dotée de 13,4 milliards d'euros sur la période 2018-2022 pour investir dans les infrastructures de transport, soit un peu moins de 2,7 milliard d'euros par an , puis de 14,3 milliards d'euros sur la période 2023-2027, soit un peu moins de 2,9 milliards d'euros par an .
Si l'on se concentre sur la première période 2018-2022, qui correspond à la législature en cours, il peut être utile, pour le remettre en perspective, de comparer le chiffre de 13,4 milliards d'euros annoncé à trois autres montants .
On constate tout d'abord que la « pause » puis la remise à plat de l'ensemble des projets d'infrastructures de transport menés par le COI ont permis de revoir substantiellement à la baisse les besoins de financement de l'AFITF : ceux-ci auraient représenté 18,5 milliards d'euros sur la période 2018-2022, soit 38 % de plus que le montant finalement annoncé , si l'État avait voulu tenir toutes les promesses formulées par le passé. Ce montant apparaissait franchement déraisonnable dans l'état actuel des finances publiques de notre pays.
En deuxième lieu, il apparaît que le scénario du COI dont se rapproche le plus la programmation financière retenue par le Gouvernement est le scénario n° 2 qui prévoyait 60 milliards d'investissements en vingt ans, soit 15 milliards d'euros d'investissements sur la période 2018-2022 .
Il s'agit toutefois d'un scénario 2 , puisque manqueront 1,6 milliard d'euros pour atteindre le scénario n° 2, ce qui a suscité des déceptions.
Afin de les atténuer, il peut toutefois être utile de comparer les montants annoncés par le Gouvernement à ceux dont a effectivement bénéficié l'AFITF sur la période 2013-2017, à savoir 9,5 milliards d'euros .
On constate alors que les 13,4 milliards d'euros annoncés pour la période 2018-2022 constitueront un effort financier très significatif de la part de l'État , puisqu'ils représenteront une hausse de 40 % des crédits qu'il consacrera aux infrastructures de transport .
Sur cette somme, 3,4 milliards d'euros devraient venir financer de grands projets déjà engagés, voire même déjà mis en service (cas des quatre LGV mises en service en 2016 et en 2017). 3,1 milliards d'euros seront destinés à la régénération des réseaux existants , 4,0 milliards d'euros au financement des contrats de projet État-Régions (CPER) et 1,7 milliard d'euros au renouvellement du matériel roulant des trains d'équilibre du territoire.
Si l'on s'intéresse à la répartition de ces crédits par modes de transport, on constate que 51 % des 13,4 milliards d'euros annoncés devraient être consacrés au rail , 38 % au routier , 6 % au fluvial et au portuaire et 5 % aux autres formes de mobilité .
2. Cinq priorités affirmées, des projets reportés et d'autres annulés
Le Gouvernement souhaite que les investissements portés par l'AFITF, mais également par le budget du programme 203 et par les opérateurs publics tels que Voies navigables de France (VNF) ou SNCF Réseau, se concentrent au cours des vingt années à venir sur cinq grandes priorités , censées correspondre à quatre ambitions (« faciliter les déplacements du quotidien » ; « accélérer la transition écologique » ; « contribuer à la cohésion des territoires » ; « renforcer l'efficacité des transports de marchandises ») .
La première d'entre elles consiste à mieux entretenir et à moderniser les réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux existants , dont l'état s'était considérablement dégradé , ainsi que de nombreux rapports l'avaient relevé, et notamment celui de notre commission des finances déjà cité.
Le réseau routier national non concédé devrait ainsi bénéficier de 31 % de moyens supplémentaires sur la décennie 2018-2027 par rapport à la décennie précédente. 3,6 milliards d'euros par an devraient être investis par SNCF Réseau sur le réseau ferroviaire existant au cours des dix prochaines années, ce qui représente une hausse de + 50 % par rapport à la décennie précédente . L'AFITF verserait, à partir de 2019, 30 millions d'euros supplémentaires par an à Voies navigables de France (VNF) jusqu'en 2022 puis 60 millions d'euros supplémentaires par an à compter de 2023 en faveur du réseau fluvial. Eu égard à leur importance, votre rapporteure spéciale reviendra plus en détail sur les enjeux financiers de la régénération et de la modernisation de chacun de ces trois réseaux dans la suite du présent rapport.
La deuxième priorité du Gouvernement consiste à désaturer les grands noeuds ferroviaire , une priorité également clairement identifiée par le Conseil d'orientation des infrastructures, qui permet à la fois d'améliorer le fonctionnement des services ferroviaires du quotidien (RER, TER) mais également de rendre plus crédible la perspective d'une réalisation de certaines grandes lignes LGV , en particulier la liaison Bordeaux-Toulouse.
Le Gouvernement prévoit que 2,6 milliards d'euros pourraient être consacrés à cette priorité dans les dix ans à venir par l'État, SNCF Réseau et les collectivités territoriales, la part de l'État s'élevant à 1,3 milliard d'euros via l'AFITF.
La troisième priorité affirmée par le Gouvernement est le désenclavement routier des villes moyennes et des territoires ruraux . Cette priorité se matérialiserait notamment par la réalisation d'une vingtaine d'opérations de désenclavement routier au sein des contrats de plan État-Région (CPER), pour un montant de 1 milliard d'euros sur dix ans . Il s'agit là de répondre au sentiment de relégation que ressentent un trop grand nombre de nos concitoyens.
Le Gouvernement fait du développement des mobilités propres (transports en commun, vélo, marche à pied, etc.), auxquelles votre rapporteure spéciale est très attachée, la quatrième de ses priorités et prévoit de lancer plusieurs appels à projets qui pourraient représenter environ 1,2 milliard d'euros sur dix ans.
Enfin, la dernière priorité annoncée est celle du rééquilibrage du transport de marchandise de la route vers le train et le transport fluvial , qui s'accompagne nécessairement d 'un meilleur aménagement des ports et de leur hinterland . Les crédits consacrés à cette politique par l'État représenteraient 1 milliard d'euros au cours du quinquennat et 2,3 milliards d'euros sur 10 ans.
Si elle est très favorable au développement du fret ferroviaire et fluvial , dont elle déplore l'effondrement depuis dix ans, votre rapporteure spécial attend toutefois du Gouvernement qu'il présente une véritable stratégie dans ce domaine afin que les financements annoncés soient véritablement efficaces et permettent de redresser enfin une situation aujourd'hui très préoccupante.
L'affirmation de ces différentes priorités n'est pas sans conséquences.
Elle se traduit notamment par un décalage dans le temps d'un certain nombre de projets, et notamment certains projets de nouvelles lignes à grande vitesse (LGV) mais également par l'abandon pur et simple de certains projets qui ne faisaient pas l'unanimité, tels que l'autoroute A45 entre Lyon et Saint-Etienne .