PROGRAMME 203
« INFRASTRUCTURES ET SERVICES DE
TRANSPORTS »
En matière d'infrastructures et de services de transport, les Gouvernements successifs ont régulièrement privilégié au cours des vingt dernières années, de grands projets, notamment de nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse (LGV). Ces projets très ambitieux ont mobilisé les crédits budgétaires disponibles au détriment de la modernisation des réseaux existants , qui ont eu tendance à se dégrader.
En outre, il n'existait aucune véritable programmation financière des investissements en matière d'infrastructures de transport , si bien que les engagements pris, formellement ou non, par l'État, se sont accumulés, au point de devenir insoutenables.
Confronté à cette situation, le Gouvernement a voulu remettre à plat la politique des transports de notre pays au travers d'« Assises de la mobilité » qui se sont tenues à l'automne 2017.
Cette vaste concertation a permis de faire émerger de nombreuses propositions qui ont alimenté le projet de loi d'orientation des mobilités , qui devrait être déposé au Conseil des ministres en novembre 2018 puis débattu par le Parlement au premier semestre 2019.
À ce projet de loi sera pour la première fois annexée une programmation financière pluriannuelle des infrastructures de transports qu'avait réclamée le groupe de travail constitué par votre commission des finances sur le financement des infrastructures de transport dans son rapport d'information « Infrastructures de transport : sélectionner rigoureusement, financer durablement » 1 ( * ) présenté en septembre 2016.
Cette programmation financière, dont les grandes lignes sont déjà connues et qui porte sur la période 2018-2037, devrait permettre à notre pays de disposer enfin d'une feuille de route claire et démocratiquement validée par le Parlement dans un domaine stratégique pour notre avenir.
I. LE GOUVERNEMENT SOUHAITE AUGMENTER DE 40 % LE BUDGET CONSACRÉ AUX INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT SUR LA PÉRIODE 2018-2022 PAR RAPPORT À LA PÉRIODE 2013-2017
Le financement par l'État des infrastructures de transports repose largement sur une agence , l'AFITF , celui des services de transports étant pour sa part porté par le programme 203 « Infrastructures et services de transport » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Adopter une programmation financière pluriannuelle des infrastructures de transports crédible consiste donc avant tout à déterminer le montant du budget de l'AFITF pour les années à venir et à identifier les recettes qui lui permettront de le financer.
L'Agence de financement des infrastructures de
transport de France
L'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) est un établissement public administratif de l'État créé en 2004 2 ( * ) dont la tutelle est assurée par la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) . Elle est administrée par un conseil d'administration composé de douze membres comprenant six représentants de l'État, un député, un sénateur, trois élus locaux et une personnalité qualifiée. Elle est présidée depuis avril 2018 par le maire d'Angers Christophe Béchu. Mais elle dépend entièrement pour son fonctionnement de la DGITM . Ainsi que le reconnaît elle-même l'AFITF, elle est « un opérateur transparent » 3 ( * ) , une simple caisse de financement dont les décisions engagent directement l'État . Comme le rappelle le projet annuel de performances pour 2019, « à partir de 2006, notamment à la suite de l'extension de son domaine d'intervention au financement des contrats de projets État-régions , l'AFITF est devenue l'acteur privilégié du financement de l'ensemble des infrastructures de transport (hors domaine aérien). Son champ d'intervention ne se limite donc pas aux grands projets d'infrastructures d'intérêt national , mais inclut les dépenses de modernisation , de gros entretien et de régénération des réseaux , et, pour les transports collectifs de personnes, les projets portés par les communautés d'agglomération ». Pour assurer son financement, l'AFITF bénéficie de taxes qui lui sont affectées par l'État ( cf. infra ), à qui elle reverse ensuite les deux tiers de son budget sous forme de fonds de concours, en ayant préalablement « fléché » les sommes ainsi reversées vers des projets précis (routes, ferroviaires, fluvial, etc.). Elle favorise ainsi le report modal , en contribuant avant tout au financement d'infrastructures ferroviaires et fluviales grâce à des ressources provenant du secteur routier . Source : commission des finances du Sénat |
A. LE CONSEIL D'ORIENTATION DES INFRASTRUCTURES (COI) A PROPOSÉ AU GOUVERNEMENT TROIS SCÉNARIOS DE PROGRAMMATION FINANCIÈRE PLURIANNUELLE DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT
1. L'AFITF était confrontée à une impasse financière nécessitant des prises de décisions rapides
Dans son rapport d'information précité , le groupe de travail constitué par votre commission des finances sur le financement des infrastructures de transport avait montré que l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) faisait face à une véritable « impasse financière » , compte tenu du très lourd passif financier hérité des politiques des transports menées depuis 20 ans . Et cela sans compter les multiples promesses faites par l'État ces dernières années et pour lesquelles aucun engagement financier n'avait été pris formellement.
Le schéma ci-dessous, qui correspond aux besoins de financement qui étaient ceux de l'AFITF sur la période 2018-2025 avant que le nouveau Gouvernement ne procède à une révision des échéanciers des engagements pris par l'agence , montre clairement qu'elle était confrontée à une « bosse de financement » considérable et, à vrai dire, insurmontable .
Source : direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM)
Selon la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), l'AFITF aurait eu besoin de 10 milliards d'euros de plus que les ressources disponibles sur le quinquennat pour financer la réalisation de tous les projets d'infrastructure qui avaient été annoncés dans le passé , dont 7 milliards d'euros pour de nouveaux projets .
C'est ce constat qui avait conduit le Président de la République à annoncer le 1 er juillet 2017, à l'occasion de l'inauguration de la ligne ferroviaire à grande vitesse (LGV) Paris-Rennes, « une pause » en matière de grandes infrastructures de transport .
Cette pause s'était traduite immédiatement par le report de 800 millions d'euros de dépenses qui étaient antérieurement prévues pour l'AFITF au titre de l'année 2018.
Le Gouvernement a ensuite confié à un Conseil d'orientation des infrastructures de transport (COI) présidé par l'ancien député Philippe Duron, la mission de lui proposer une programmation pluriannuelle des infrastructures de transports crédible et financée .
2. Le COI privilégiait un scénario central mobilisant 60 milliards d'euros pour l'AFITF au cours des 20 prochaines années
Le COI a rendu le 1 er février 2018 à la ministre des transports son rapport intitulé « Mobilités du quotidien : répondre aux urgences et préparer l'avenir », dans lequel il proposait trois scénarios de programmation financière pour les infrastructures de transport en se projetant sur une période de 20 ans , c'est-à-dire jusqu'en 2037 .
Il s'agissait de rétablir la soutenabilité du budget de l'AFITF mais également d'affirmer des priorités stratégiques , en dépit des nombreux engagements financiers pris par le passé et qui continueront longtemps à peser sur les comptes de l'agence (ce sera le cas, notamment, du financement des lignes LGV mises en service ces dernières années).
Le scénario n° 2 du COI, qui avait clairement la préférence de ses membres, mobilisait environ 60 milliards d'euros pour l'AFITF au cours des vingt prochaines années. Il portait les dépenses de l'agence à 3,0 milliards d'euros par an dès 2019, soit 55 % de plus que la moyenne de la période 2012-2016 . Il nécessitait de dégager 600 millions d'euros de recettes supplémentaires pour le secteur des transports tous les ans.
Selon le COI, ce scénario permettait de passer enfin à la vitesse supérieure en matière de restauration et de modernisation des réseaux existants et de débuter un certain nombre de grands projets de LGV en commençant par les noeuds ferroviaires , dont la réduction de la saturation est également utile aux transports du quotidien.
Les deux scénarios alternatifs
présentés par le
Le scénario n° 1 du COI mobilise environ 48 milliards d'euros pour l'AFITF en vingt ans. Il consiste à maintenir les dépenses de l'agence à un niveau similaire à celui atteint en 2018, soit 2,4 milliards d'euros par an, soit 25 % de plus que la moyenne de la période 2012-2016. Ce scénario présente un grand avantage : il n'est pas nécessaire de dégager de nouvelles ressources pour le financer. En revanche il ne permet pas de remettre totalement à niveau les réseaux existants, ni de décongestionner les noeuds ferroviaires. Il conduit à prolonger la pause sur les grands projets d'infrastructures nouvelles de 5 à 10 ans, ce qui signifie qu'aucun d'entre eux ne devrait être achevé d'ici 2050. Le scénario n° 3 du COI, que la majorité de ses membres trouvent eux-mêmes peu réaliste compte tenu de la situation des finances publiques, mobilise 80 milliards d'euros en vingt ans pour l'AFITF et suppose un budget de 3,5 milliards d'euros par an sur la période 2019-2022, porté à 4,4 milliards d'euros par an sur la période 2022-2032, puis 4,0 milliards d'euros par an sur la période 2032-2037. Ce scénario, s'il permet la réalisation de la plupart des projets soumis au COI dans les meilleurs délais, implique d'affecter 1,1 milliard d'euros de plus à l'AFITF dès 2019 puis 2 milliards d'euros de plus à compter de 2023, c'est-à-dire de doubler pendant au moins dix ans la dépense par rapport à la période 2012-2016. Pour élaborer ces trois scénarios, le COI a passé en revue l'ensemble des projets en matière d'infrastructures de transport pour lesquels des financements de l'État étaient sollicités, qu'il s'agisse : - des projets relatifs au renouvellement, à la reconversion et à la modernisation des infrastructures gérées par l'État et ses opérateurs, de l'appui de l'État aux collectivités territoriales dans ce domaine, ainsi que les autres investissements de l'État portés par l'AFITF (en particulier les dépenses de renouvellement des matériels roulants des trains d'équilibre du territoire-TET) ; - des projets de construction d'infrastructures nouvelles, à l'exception de quatre grands projets d'infrastructures qui, s'ils pèsent également sur les finances publiques, sont déjà lancés ou font l'objet d'accords internationaux : le Grand Paris Express, le Charles-de-Gaulle Express, la section internationale du tunnel du Lyon-Turin et le canal Seine-Nord-Europe. Il a en revanche exclu de son champ d'investigation le transport aérien, qui ne reçoit pas de crédits de l'AFITF et fait l'objet depuis mars 2018 d' « Assises du transport aérien » dédiées. Source : rapport du Conseil d'orientation des infrastructures de transport du 1 er février 2018 |
* 1 Rapport d'information n° 858 (2015-2016) du 28 septembre 2016 de Vincent Capo-Canellas, Yvon Collin, Marie-Hélène des Esgaulx, Thierry Foucaud, Roger Karoutchi, Fabienne Keller, François Patriat et Daniel Raoul, fait au nom de la commission des finances.
* 2 Par le décret n° 2004-1317 du 26 novembre 2004.
* 3 AFITF, Rapport d'activité 2015, octobre 2016.