2. Les missions et la gouvernance des agences régionales de santé
Les ARS ont vocation à regrouper les compétences aujourd'hui exercées par sept structures différentes :
- les agences régionales de l'hospitalisation (ARH), créées en 1996 et associant les services de l'Etat et l'assurance-maladie ;
- les directions départementales et régionales de l'action sanitaire et sociale (Ddass et Drass) ;
- les groupements régionaux de santé publique (GRSP), institués par la loi du 9 août 2004 pour piloter les actions de santé publique ;
- les unions régionales des caisses d'assurance-maladie (Urcam), créées en 1996 ;
- les caisses régionales d'assurance-maladie (Cram) ;
- les missions régionales de santé (MRS) créées en 2004 pour exercer les compétences communes aux ARH et aux Urcam.
a) Missions et compétences des agences
Tel que rédigé, le projet de loi laisse apparaître une ambiguïté qui se retrouve à plusieurs autres endroits du texte : il est en effet indiqué que l'ARS qui sera créée dans chaque région a pour mission « de définir et de mettre en oeuvre la politique régionale de santé [...] dans le cadre de la politique de santé publique définie à l'article L. 1411-1 », lequel affirme le caractère national de la politique de santé 28 ( * ) . La même ambiguïté résulte des dispositions suivant lesquelles les ARS sont chargées « de définir et de mettre en oeuvre au niveau régional la politique de santé publique mentionnée à l'article L. 1411-1 ».
Outre qu'ils sont contradictoires, car on ne définit pas au niveau régional une politique nationale, ces énoncés peuvent créer une confusion dangereuse sur le rôle des ARS. Celles-ci constitueront un échelon déconcentré doté de compétences couvrant l'ensemble des secteurs de la santé et qui sera ainsi à même de définir les moyens d'atteindre de manière plus efficace, parce que plus cohérente et mieux adaptée aux réalités et aux besoins du terrain, les objectifs nationaux de la politique de la santé. Elles ne sauraient avoir pour objet de définir des « politiques régionales » de santé, mais seulement les mesures à mettre en oeuvre, au niveau régional, pour atteindre les objectifs fixés par la politique nationale.
b) Organisation et fonctionnement des agences
A la différence des ARH, qui étaient des groupements d'intérêt public (Gip) associant l'Etat et des organismes d'assurance maladie, les ARS auront le statut d'établissements publics de l'Etat, placés sous la tutelle conjointe des ministres chargés de la santé, de l'assurance-maladie, des personnes âgées et des personnes handicapées.
Elles seront dotées d'un conseil de surveillance et dirigées par un directeur général (les ARH sont actuellement administrées par une commission exécutive et dirigées par un directeur).
Auprès de chaque ARS sera créée une instance consultative, la conférence régionale de la santé (rebaptisée par l'Assemblée nationale « conférence régionale de la santé et de l'autonomie »), qui a vocation, selon l'exposé des motifs du projet de loi, à renforcer la démocratie sanitaire. Est également prévue la création, dans chaque agence, de deux commissions de coordination des politiques publiques de santé. Enfin, les ARS devront mettre en place des délégations territoriales départementales.
La composition et les attributions des organes de l'ARS traduisent la volonté de donner des pouvoirs très étendus à son directeur général.
Le directeur général est le représentant légal de l'agence et dirige ses services, qui pourront comprendre entre trois cents et plus de mille personnes selon les régions. Il « exerce toutes les compétences qui ne sont pas attribuées à une autre autorité », parmi lesquelles certaines sont spécifiquement énumérées :
- il arrête le projet régional de santé ;
- il conclut avec les départements ou les communes les conventions relatives aux programmes de dépistage du cancer et aux actions en matière de vaccination, de lutte contre la tuberculose, la lèpre, le sida et les maladies sexuellement transmissibles ;
- il délivre les autorisations relatives à la création et à l'extension des établissements, aux activités de soins et à l'installation des équipements matériels lourds, autorisations qu'il peut également réviser ou résilier ;
- il peut recruter, sur CDI ou CDD, des contractuels de droit public ou des agents de droit privé régis par les conventions collectives applicables aux personnels des organismes de sécurité sociale ;
- il désigne les personnes chargées d'assurer l'intérim des fonctions de directeur et de secrétaire général des EPS ;
- il prépare et exécute, en tant qu'ordonnateur, le budget de l'agence et arrête le compte financier.
A ces compétences s'ajoutent celles prévues à d'autres articles du projet de loi, notamment celles qui lui permettent d'imposer aux établissements publics de santé de fusionner ou de mettre en oeuvre des coopérations, ou encore celle de placer ces établissements sous administration provisoire.
On notera enfin que ses relations avec le conseil de surveillance sont minimales : il est seulement tenu de lui rendre compte, au moins une fois par an après la clôture de l'exercice, de la mise en oeuvre de la politique régionale de santé et de la gestion de l'agence.
Les conditions de nomination du directeur général ne sont pas précisées dans le projet de loi : il devrait être désigné, comme aujourd'hui le directeur de l'ARH, par décret en Conseil des ministres.
Le conseil de surveillance est présidé par le préfet de région : l'Assemblée nationale a ajouté qu'« à titre expérimental », la présidence du conseil de surveillance pourrait être confiée à une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé de la santé. Les conditions de cette expérimentation, qui pourra être menée dans une ou plusieurs régions déterminées par décret, ne sont pas précisées.
Le texte initial du projet de loi se bornait à une énumération succincte des catégories de personnes représentées au conseil de surveillance, sans indication du nombre ni de la répartition des sièges attribués à chaque collège, et sans préciser non plus les modalités d'élection ou de désignation des membres du conseil, renvoyées à un décret simple. L'Assemblée nationale a apporté à ce texte quelques précisions dont la portée demeure limitée. En l'état, le conseil de surveillance des ARS comprendrait :
- des représentants de l'Etat ;
- des membres des conseils et conseils d'administration des organismes locaux d'assurance maladie dont la caisse nationale désigne les membres du conseil de l'Uncam. Pour les organismes relevant du régime général, ces membres seraient désignés par des syndicats de salariés et par des organisations professionnelles d'employeurs représentatifs au niveau national et interprofessionnel ;
- des représentants des collectivités territoriales ;
- des représentants des patients, des personnes âgées et des personnes handicapées et au moins une personnalité (sic), « choisis à raison de leur qualification dans les domaines de compétence de l'agence ».
L'Assemblée nationale a prévu que des membres du conseil - sans autre précision - pourraient disposer de plusieurs voix.
Comme le texte initial, le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit que siègent également au conseil de surveillance, avec voix consultative, des représentants des personnels de l'agence, ainsi que son directeur général.
Les compétences du conseil de surveillance étaient, dans le texte initial, réduites à l'approbation du compte financier et à l'émission, au moins une fois par an, d'un avis sur les résultats de l'action menée par l'agence (mais non, curieusement, sur sa gestion...).
L'Assemblée nationale les a complétées pour donner au conseil de surveillance le pouvoir d'approuver le budget de l'agence et de le rejeter « par une majorité qualifiée, selon des modalités déterminées par voie réglementaire ». Elle a également prévu que le conseil pourrait émettre un avis sur le plan stratégique régional de santé et le Cpom de l'agence. Le directeur général devra par ailleurs lui transmettre chaque année un état financier retraçant, pour l'exercice, l'ensemble des charges de l'Etat, des régimes d'assurance-maladie et de la CNSA relatives à la politique de santé et aux services de soins et médico-sociaux du ressort de l'agence.
Enfin, l'Assemblée nationale a prévu un régime d'incompatibilités avec les fonctions de membre du conseil de surveillance.
En dépit de ces adjonctions, les compétences du conseil de surveillance des ARS ne sont pas comparables avec celles de l'actuelle commission exécutive des ARH , qui :
- délibère sur les autorisations, les orientations présidant à l'allocation des ressources aux établissements de santé ; les Cpom ou les engagements contractuels pris par les bénéficiaires de financements Migac non signataires de Cpom ; les sanctions financières applicables aux établissements de santé en cas de manquement aux règles de facturation, d'erreurs de codage ou de facturation de prestations non réalisées ;
- est consultée par le directeur sur de nombreuses décisions, notamment celles portant sur la définition des territoires de santé ; le schéma d'organisation sanitaire ; la création d'établissements publics de santé ; la conclusion de concession pour l'exercice du service hospitalier ou l'admission d'établissements à participer au service public hospitalier...
- est informée des autres décisions prises par le directeur.
La conférence régionale de la santé ne bénéficiait, dans le texte initial, que de quatre lignes qui la définissaient comme un organisme consultatif composé de plusieurs collèges et concourant par ses avis à la politique régionale de la santé. Certes, la composition et le rôle des organes consultatifs sont du domaine réglementaire, mais cette brièveté paraissait singulière pour un organe présenté par l'exposé des motifs comme « une instance de démocratie sanitaire, lieu privilégié de la concertation ».
L'Assemblée nationale n'a pas précisé la composition de la conférence régionale 29 ( * ) mais a tenté, en s'inspirant d'ailleurs de l'exposé des motifs, d'étoffer son rôle en prévoyant :
- que le directeur général de l'ARS lui rend compte au moins une fois par an de la mise en oeuvre de la politique régionale de santé et l'informe des suites données à ses avis ;
- que la conférence peut faire toutes propositions au directeur général de l'ARS sur l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation de la politique régionale de santé ;
- qu'elle émet un avis sur le plan stratégique régional de santé ;
- qu'elle organise en son sein l'expression des usagers du système de santé, évalue les conditions du respect des droits des malades et des usagers du système de santé, de l'égalité d'accès aux services de santé et de la qualité des prises en charge ;
- qu'elle « organise le débat public sur les questions de santé de son choix » ;
- que ses avis sont rendus publics ;
- que l'agence met à sa disposition des moyens de fonctionnement.
Enfin, les deux commissions de coordination des politiques de santé ne sont évoquées que sommairement : elles devraient être compétentes, pour l'une dans le domaine de la prévention et, pour l'autre, dans le domaine médico-social.
Il n'est pas donné non plus de précisions sur les délégations territoriales départementales que les ARS devraient mettre en place.
c) Le régime financier des agences
Le texte précise que le budget des ARS doit être établi en équilibre et qu'il est exécutoire dans un délai de quinze jours à compter de sa réception par les ministres chargés de leur tutelle, sauf opposition de l'un d'eux.
Les ressources des agences comprendront une subvention de l'Etat, des contributions des régimes d'assurance-maladie, des contributions de la CNSA pour des actions concernant le secteur médico-social, des ressources propres, dons et legs dont et, sur une base volontaire, des versements de collectivités territoriales ou d'établissements publics.
Des précisions ont été demandées au ministère de la santé sur la nature et le montant prévisionnel de ces ressources, ainsi que sur leur répartition entre les différentes actions des ARS - et entre les ARS : les réponses sont encore attendues et l'on en reste donc pour l'instant aux éléments d'ordre spéculatif contenus dans les rapports Ritter 30 ( * ) et Bur 31 ( * ) .
d) La coordination des agences
Le projet de loi prévoit la création du « comité national de coordination » des ARS, que l'Assemblée nationale a préféré dénommer « conseil national de pilotage », et qui réunirait des représentants de l'Etat et de ses établissements publics (dont la CNSA), des représentants des organismes membres de l'Uncam (la Cnam, la caisse centrale de la MSA et la caisse nationale du RSI).
Le comité (ou conseil) serait présidé conjointement par les ministres de tutelle des ARS ou leurs représentants. Les ministres chargés du budget et de la sécurité sociale en seraient également membres.
L'Assemblée nationale a précisé que le comité (conseil) devrait veiller à ce que les moyens dont disposent les ARS soient répartis entre les régions « suivant un objectif de réduction des inégalités en santé ».
Elle a par ailleurs prévu qu'après avis du comité, les ministres de tutelle signeront avec le directeur général de l'ARS un Cpom préparé conjointement par ce dernier, les services centraux concernés de l'Etat, les caisses nationales d'assurance maladie et la CNSA. Le Cpom, conclu pour une durée de quatre ans et révisable chaque année, déterminera les orientations des politiques menées par l'agence, ses objectifs « avec les indicateurs associés » et ses moyens de fonctionnement.
* 28 La Nation définit sa politique de santé selon des objectifs pluriannuels.
* 29 Aux termes de l'article L. 1411-13 du code de la santé publique, les actuelles conférences régionales de la santé comprennent, outre des personnalités qualifiées, des représentants des collectivités territoriales, des organismes d'assurance maladie obligatoire et complémentaire, des malades et usagers du système de santé, des professionnels du champ sanitaire et social, des établissements sanitaires et sociaux, des observatoires régionaux de la santé, des comités régionaux de l'organisation sociale et médico-sociale, des comités régionaux d'éducation pour la santé.
* 30 « La création des agences régionales de santé », rapport présenté à Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, P. Ritter, Janvier 2008.
* 31 « Les agences régionales de santé », rapport d'information d'Yves Bur, Assemblée nationale n° 697 (2007-2008).