2. La nécessité de préciser les règles de publicité et de mise en concurrence applicables aux concessions d'aménagement et aux contrats passés par les concessionnaires
Si les principes posés par le projet de loi sont clairs, les modalités concrètes de passation et de mise en oeuvre des concessions d'aménagement ne sont pas définies. Les élus locaux et les aménageurs restent donc dans l'expectative et on peut craindre que cette incertitude ne les dissuade de lancer de nouvelles opérations.
Au demeurant, il est légitime de se demander si les règles de publicité et de mise en concurrence ne devraient pas être définies par le législateur .
L'article 34 de la Constitution dispose en effet que la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales relève de la loi. Le seul fait de leur imposer une obligation suffit à rendre nécessaire un texte de loi 13 ( * ) et le Conseil d'Etat considère depuis fort longtemps que le code des marchés publics intervient dans une matière normalement réservée au législateur lorsqu'il détermine les modalités de passation et d'exécution des marchés des collectivités locales 14 ( * ) .
La procédure de passation des délégations de service public a ainsi été fixée par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin ».
Dès lors, peut-on se contenter , comme le fait le projet de loi, de poser dans la loi le principe d'une obligation de publicité et de mise en concurrence des concessions d'aménagement et de confier au pouvoir réglementaire le soin d'en définir les modalités ?
Ce choix s'inspire de divers précédents : un décret loi du 12 novembre 1938 relatif aux marchés publics 15 ( * ) , qui est toutefois antérieur au partage des domaines de la loi et du règlement opéré par la Constitution de 1958 , et l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, qui n'a pas encore été ratifiée.
Il est guidé par un objectif compréhensible de souplesse et de rapidité . L'exemple du code des marchés publics, qui ne cesse d'être modifié quand il n'est pas entièrement réécrit, témoigne de la difficulté de définir des règles satisfaisant aux exigences du droit communautaire. A cet égard, si le dépôt du présent projet de loi a suffi pour obtenir de la Commission européenne qu'elle suspende l'action en manquement qu'elle avait introduite devant la Cour de justice des Communautés européennes contre le régime français des conventions d'aménagement, celle-ci doit encore examiner les modalités concrètes de publicité et de mise en concurrence de ces contrats avant d'abandonner définitivement son recours. Les incertitudes entourant la qualification des concessions d'aménagement complique leur élaboration. Dans ces conditions, les règles que l'on pourrait dès à présent fixer dans la loi risqueraient d'être contestées par la Commission européenne et de devoir être modifiées peu après leur adoption.
Votre commission des Lois a décidé de vous soumettre un amendement ayant pour objet de proposer des règles de publicité et de mise en concurrence pour la passation des concessions d'aménagement. Son objectif est d'obtenir a minima du Gouvernement qu'il indique précisément en séance publique la procédure qu'il envisage de retenir . Les élus locaux pourront ainsi s'en inspirer et entreprendre, dès la promulgation de la loi, les opérations d'aménagement dont notre pays a grand besoin, tant il est vrai qu'il est aujourd'hui nécessaire de mettre en oeuvre une relance de l'investissement.
Il n'en demeure pas moins, comme le soulignait notre collègue M. Pierre Jarlier dans son rapport pour avis au nom de votre commission des Lois sur la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réforme à caractère financier, que : « L'un des aspects les plus importants d'une véritable réforme de la commande publique eût été le reclassement des règles entre les principes fondamentaux, qui sont du ressort de la loi , les mécanismes d'application d'ordre public, qui relèvent du décret , et les règles supplétives, qui peuvent trouver place dans de simples recommandations .
« La réforme du code des marchés publics, comme l'a montré le projet de loi déposé en 1997 par le Gouvernement de M. Alain Juppé, était l'occasion de donner une valeur législative aux principes qui gouvernent l'achat public par l'Etat et ses établissements publics, par parallélisme avec ce qui était constitutionnellement nécessaire pour les marchés des collectivités territoriales 16 ( * ) . »
En outre, votre rapporteur se propose d'interroger le Gouvernement en séance publique sur les règles de publicité et de mise en concurrence qu'il envisage d'imposer par décret aux aménageurs privés pour la passation de leurs contrats d'études, de travaux et de maîtrise d'oeuvre .
* 13 Conseil d'Etat, 14 mai 1971, Fasquelle.
* 14 Conseil d'Etat, 29 avril 1981, Ordre des architectes.
* 15 Dans un arrêt du 5 mars 2003, Ordre des avocats à la cour d'appel de Paris, le Conseil d'Etat a ainsi constaté que le Premier ministre tenait des dispositions du décret-loi du 12 novembre 1938 compétence pour étendre aux collectivités locales les règles nouvelles qu'il édictait pour les marchés publics de l'Etat.
* 16 Avis n° 338 (Sénat, 2000-2001), pages 21 et 22.