TITRE III
-
DISPOSITIONS
RELATIVES À L'OBSERVATOIRE
NATIONAL DE L'ENFANCE
MALTRAITÉE
Article 7
(art. L. 226-6 du
code de l'action sociale et des familles)
Création d'un observatoire
de l'enfance maltraitée
Objet : Cet article a pour objet la création d'un observatoire de l'enfance maltraitée et la définition de ses missions.
I - Le dispositif proposé
A. Une réponse à un réel besoin de connaissance de la maltraitance
Pour éclairer les débats et prendre les décisions qui s'imposent afin d'agir efficacement contre les situations de maltraitance de l'enfant, il apparaît indispensable que les pouvoirs publics et l'ensemble des acteurs concernés soient assurés de disposer de données fiables sur l'ampleur et la nature du phénomène.
Or, on l'a vu, tel n'est pas le cas, malgré l'existence de nombreuses sources d'information qui recueillent et élaborent des données, parmi lesquelles l'observatoire de l'action sociale décentralisée (ODAS), le service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée (SNATEM), les services de la justice, de la police et de la gendarmerie, les institutions scolaires, hospitalières et médico-sociales. En effet, ces différentes sources ne fournissent pas toujours des éléments cohérents entre eux car ils peuvent obéir à des concepts ou à des finalités différents.
En outre, la France ne dispose pas en l'état actuel d'un dispositif qui lui permettrait de participer de façon fructueuse aux travaux du réseau européen des observatoires nationaux de l'enfance, récemment mis en place par plusieurs Etats membres de l'Union européenne.
La mise en place d'un observatoire de l'enfance maltraitée est ainsi apparue nécessaire dans le but de simplifier et d'homogénéiser les circuits de signalement, d'harmoniser les concepts et les statistiques et de lancer les études et recherches nécessaires à l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation d'une politique de prévention et de traitement de la maltraitance envers les mineurs, menée par les acteurs de terrain.
B. Aspects institutionnels et missions du nouvel observatoire
Le présent article propose de créer un observatoire de l'enfance maltraitée et de la mentionner dans l'article L. 226-6 du code de l'action sociale et des familles relatif au service téléphonique d'assistance (SNATEM).
Les missions du « 119 » - Allo
enfance maltraitée (SNATEM)
Quatre missions sont confiées à Allo enfance maltraitée :
1. accueillir les appels d'enfants victimes de mauvais traitements et de toute personne confrontée à des situations de maltraitance pour :
- aider au dépistage des situations de maltraitance à enfant ;
- faciliter la protection de mineurs en danger.
2. Transmettre les informations concernant des enfants maltraités ou présumés l'être aux services des conseils généraux compétents en la matière. Signaler directement au Parquet lorsque l'information recueillie le justifie.
3. Conduire une étude épidémiologique sur l'évolution de ce phénomène.
4. Agir au titre de la prévention des mauvais traitements à enfant.
Le président du conseil général est responsable des mesures à prendre à l'échelon départemental dès réception de l'information transmise par le 119.
Réception des informations : un professionnel est désigné dans chaque département par le président du conseil général pour être le correspondant du SNATEM. Après réception des informations, le correspondant mobilise les services sociaux à des fins d'évaluation des situations, selon le dispositif mis en place par le président du conseil général.
Evaluation des situations : l'évaluation est généralement pluridisciplinaire ; travailleurs sociaux, médecins de PME, puéricultrices et psychologues procèdent à l'établissement d'un diagnostic et cherchent les réponses les plus adaptées.
Mesure de prise en charge : l'évaluation de la situation permet de définir la nature de l'aide à apporter à la famille. Deux types de mesures peuvent être mis en oeuvre après validation par les autorités départementales :
- une prise en charge administrative : intervention éducative à domicile, accompagnement psychologique ;
- une prise en charge judiciaire : assistance éducative en milieu ouvert, tutelle aux prestations sociales, ordonnance de placement provisoire...
Le recours à l'autorité judiciaire est déterminé par la gravité de la situation ou par le refus de collaboration de la famille.
Les services sociaux départementaux sont tenus d'informer le 119 des suites données à chacune des situations révélées. Ces données seront analysées et permettront au service de mener à bien sa mission d'étude.
Source : SNATEM
Le paragraphe I modifie tout d'abord la rédaction du premier alinéa de l'article L. 226-6 afin de préciser que le SNATEM et l'observatoire sont les deux éléments d'un seul et même groupement d'intérêt public (GIP) constitué par l'Etat, les départements et des personnes morales de droit public ou privé.
L'intégration de l'observatoire dans un GIP existant permet ainsi de profiter des partenariats déjà établis avec les principaux acteurs et services concernés par la lutte contre la maltraitance envers les enfants, mais aussi de réaliser des économies d'échelle et de ne pas créer de nouvelles structures, dans un souci légitime de rationalisation de l'action publique.
C'était d'ailleurs la solution préconisée par une note de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) du 14 mars dernier relative à la simplification des procédures et à la suppression de structures.
Il est en outre précisé que le GIP ainsi complété exercera, à l'échelon national, les missions d'observation, d'analyse et de prévention des mauvais traitements et de protection des mineurs maltraités. Toutefois, si les trois premières missions sont bien communes à l'observatoire et au SNATEM, du fait de l'obligation pour ce dernier d'établir une étude épidémiologique annuelle sur les appels reçus, la mission de protection des mineurs maltraités ne concerne que le seul SNATEM, à qui il appartient, le cas échéant, de faire un signalement aux services départementaux de protection de l'enfance.
Ensuite, le paragraphe II du présent article vise à préciser que le second alinéa de l'article L. 226-6 du code de l'action sociale et des familles concerne uniquement les missions dévolues au SNATEM.
Il s'agit ici de faire en sorte que la législation distingue clairement les fonctions « service d'accueil téléphonique » et « observatoire de l'enfance maltraitée » du GIP. Ces fonctions seront en effet assurées par des entités spécifiques aux ressources distinctes.
Enfin, le paragraphe III du présent article traite des missions dévolues au nouvel observatoire qui font l'objet d'un troisième alinéa complétant l'article L. 226-6 du code de l'action sociale et des familles.
Ce texte accorderait à l'observatoire un rôle de recueil, d'analyse et de mise en cohérence des données chiffrées et des études concernant la maltraitance des mineurs, en provenance des administrations, des collectivités territoriales (y compris, le cas échéant, des observatoires de l'enfance mis en place dans certains départements), des établissements publics et des fondations et associations oeuvrant dans ce domaine. Il contribuerait de ce fait à l'amélioration de la connaissance des phénomènes de maltraitance et au développement des pratiques permettant sa prévention, son dépistage et sa prise en charge.
Les fonctions de l'observatoire de l'enfance
maltraitée
Une fonction statistique :
- identification des partenaires produisant des données statistiques concernant l'enfance maltraitée et rassemblement de leurs données chiffrées ;
- mise en cohérence des concepts et des définitions ; échanges sur les procédures de production en vue de leur amélioration ;
- analyse et mise en perspective des données des différentes sources dans un objectif de compatibilité ;
- identification des secteurs non couverts par les producteurs de statistiques.
Une fonction d'études, d'évaluation et de prospective :
- recensement et évaluation des procédures de recueil et de traitement des signalements suivies par les institutions et professionnels en charge de la protection des enfants ;
- identification d'études à réaliser (celles-ci étant menées non par l'observatoire lui-même mais tantôt par des organismes prestataires, tantôt à l'instigation de tel ou tel membre de l'observatoire) ;
- recensement des actions innovantes concernant la lutte contre la maltraitance qui ont fait l'objet d'une évaluation.
Une fonction de documentation :
- recensement des références de travaux d'études et de recherche : publications françaises et étrangères, mémoires et thèses, travaux financés par l'Etat, les collectivités publiques, les fondations et associations ;
- création d'un site web destiné à favoriser l'accès aux statistiques et aux études pour les professionnels, les chercheurs et le public.
Il aura aussi pour mission d'être un appui technique aux observatoires locaux et une interface dans le domaine international, notamment par sa participation aux activités du réseau européen des observatoires de l'enfance.
Source : ministère délégué à la Famille
II - La position de votre commission
Votre commission approuve vivement la mise en place de l'observatoire de l'enfance maltraitée, dont la création est réclamée de longue date par les différents acteurs concernés et qui est indispensable à la mise en oeuvre d'actions cohérentes et efficaces contre la maltraitance envers les mineurs.
Elle considère toutefois que la mise en place de cet observatoire ne saurait suffire à une politique publique ambitieuse de lutte contre l'enfance en danger. Elle appelle ainsi de ses voeux un effort particulier des pouvoirs publics, au niveau national, mais surtout à l'échelle locale, pour améliorer l'action menée par les acteurs concernés et les structures déjà existantes. Il s'agit ainsi de mettre en place un plan national de lutte contre l'enfance en danger incluant des mesures fortes dans le domaine de l'action sociale des départements, de la formation des professionnels et, plus largement, en termes de coordination entre les différents acteurs.
Votre commission se félicite donc du premier pas accompli par la création de l'observatoire et ne doute pas de la volonté politique forte du Gouvernement dans ce domaine. Elle sera néanmoins attentive à ce que le problème soit pris en charge en profondeur dans un délai proche.
Elle vous propose, en outre, d'adopter deux amendements :
- concernant l'intitulé choisi, il lui semble regrettable de restreindre l'objet d'étude attribué à l'observatoire à « l'enfance maltraitée » dans la mesure où il travaillera de manière plus globale sur le phénomène de « l'enfance en danger ». En effet, au-delà de la définition de la maltraitance, les données et statistiques dont disposent de nombreux services amenés à collaborer avec l'observatoire, notamment l'ODAS et les services départementaux de protection de l'enfance, concernent plus globalement l'enfance en danger.
Par ailleurs, il serait plus constructif, si l'on veut d'analyser le phénomène de la maltraitance en profondeur, d'en appréhender les signes précurseurs.
C'est pourquoi votre commission souhaite que ce service soit dénommé plus justement « observatoire de l'enfance en danger » ;
- elle estime que la rédaction du paragraphe III relatif aux missions de l'observatoire doit être précisée, afin qu'il soit clairement établi que ce dernier n'a pas vocation à mettre en oeuvre des pratiques de prévention, de dépistage et de prise en charge de la maltraitance. Sa mission consiste seulement à recenser les bonnes pratiques existantes et à les faire connaître à l'ensemble des acteurs concernés sur le terrain.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Article 8
(art. L. 226-9
et L. 226-10 du code de l'action sociale et des familles)
Application
à l'observatoire des dispositions relatives au secret professionnel et
au financement du SNATEM
Objet : Cet article étend à l'observatoire les dispositions relatives au secret professionnel et au mode de financement applicables au SNATEM.
I - Le dispositif proposé
A. La législation applicable au SNATEM en matière de secret professionnel et de mode de financement
1. Les conditions d'application du secret professionnel aux agents du SNATEM
Aux termes de l'article L. 226-9 du code de l'action sociale et des familles, le secret professionnel est applicable aux agents du service d'accueil téléphonique dans les conditions prévues par les articles L. 226-13 et L. 226-14 du code pénal. Ainsi :
- la révélation d'une information à caractère secret, est punie d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende (article L. 226-13) ;
- en revanche, le secret professionnel ne s'applique pas en cas d'information des autorités judiciaires, médicales ou administratives d'une situation de maltraitance d'un mineur de moins de quinze ans ou d'un majeur qui n'est pas en mesure de se protéger (article L. 226-14). En conséquence, lorsqu'un agent du service d'accueil téléphonique signale le cas d'un enfant maltraité aux services départementaux, il n'est pas tenu au secret professionnel.
Par ailleurs, la collecte, la conservation et l'utilisation des informations recueillies par le service d'accueil téléphonique ne sont autorisées que pour mener des actions de prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et de protection de ces derniers en cas de maltraitance.
2. Le financement du GIP SNATEM
En matière de financement, l'article L. 226-10 du code de l'action sociale et des familles prévoit que : « outre les moyens mis à la disposition du service par les autres membres constituant le groupement, sa prise en charge financière est assurée à parts égales par l'Etat et les départements ». En outre, « la participation financière de chaque département est fixée par voie réglementaire en fonction de l'importance de la population » .
Le GIP est donc financé par trois sources correspondant à ses différents types de membres : l'Etat, les départements et les fondations et associations oeuvrant directement ou non dans le domaine de l'enfance.
B. L'extension de ces dispositions au GIP élargi à l'observatoire
Le I du présent article étend les dispositions relatives au secret professionnel aux futurs agents de l'observatoire, dans les conditions applicables aux personnels du service d'accueil téléphonique.
Le II étend le mode de financement tripartite du SNATEM à l'ensemble du GIP : l'observatoire sera donc financé à parts égales par l'Etat et les départements et une partie de son budget pourra être assurée grâce à la mise à disposition par les membres associés (fondations et associations).
Le budget prévisionnel de l'observatoire est de l'ordre de 700.000 euros avec la répartition indicative suivante par type de dépenses :
- frais de personnel : une enveloppe de 300.000 euros serait affectée à la rémunération d'une demi-douzaine d'agents, pour partie embauchés à durée indéterminée afin d'assurer la permanence et la continuité du fonctionnement de l'observatoire, les autres personnels étant recrutés à durée déterminée, pour assurer les travaux statistiques, les études et la communication ;
- prestations extérieures : un montant de 300.000 euros serait destiné au financement des études et des recherches ;
- frais généraux de fonctionnement : un budget de 100.000 euros permettrait de couvrir les charges d'assurance, d'entretien, fournitures, d'affranchissement, de téléphone, de loyer, de déplacements et de frais de mission.
II - La position de votre commission
Partageant ce souci de cohérence et d'efficacité, votre commission approuve l'extension, à l'ensemble du GIP élargi à l'observatoire, des dispositions applicables au SNATEM en matière de secret professionnel et de financement.
Il convient de noter que, en conséquence des modifications proposées pour l'article 7, l'article 8 doit être modifié pour tenir compte du changement du nom de l'observatoire en « observatoire de l'enfance en danger ».
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.