N° 240

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 janvier 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France,

Par Mme Elsa SCHALCK,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) :

643, 1070 et T.A. 193

Sénat :

147 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

La proposition de loi présentée par les députés Aurore Bergé, Laurent Marcangeli, Fadila Khattabi et plusieurs de leurs collègues portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France est examinée au Sénat après une discussion en deux temps - en avril puis novembre 2023 - à l'Assemblée nationale1(*). Ce texte d'initiative parlementaire fait écho à une promesse ancienne du Président de la République qui avait annoncé en 2018 une grande loi pour répondre aux « défis du vieillissement ». Cependant, l'adoption d'une loi de programmation avant la fin de l'année 2024 a d'ores et déjà été promise par Élisabeth Borne, alors Première ministre, le 22 novembre dernier pour répondre aux « enjeux centraux [que sont] pour l'avenir de notre société » l'autonomie et le grand âge2(*). Composée d'une quinzaine d'articles lors de son dépôt en décembre 2022, la proposition de loi a plus que quadruplé : les députés y ont intégré une cinquantaine d'articles additionnels s'inspirant de divers travaux, notamment des conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) « Bien Vieillir » présentées le 29 mars 2023 ou des États généraux de la maltraitance en juillet 2023.

Saisie pour avis des dispositions de ce texte relatives à la protection des majeurs, la commission des lois a adopté des amendements rédigés en concertation avec les rapporteurs de la commission des affaires sociales compétente au fond. Elle a précisé les missions des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et clarifié les conditions du contrôle des antécédents judiciaires des personnes en contact avec des majeurs vulnérables.

S'agissant des mesures de protection juridique, Elsa Schalck, rapporteure pour avis au nom de la commission des lois, a considéré que la méthode consistant à rajouter au fil de la discussion, sans étude d'impact et sans vision d'ensemble, des mesures ponctuelles souvent inabouties, n'était pas à la hauteur des enjeux et allait créer une complexité normative inutile pour les professionnels concernés. À son initiative, la commission des lois a donc décidé de supprimer les articles relatifs au fonctionnement de la curatelle, de la tutelle et de l'habilitation familiale et à l'élargissement du mandat de protection future aux missions d'assistance, ainsi que celui relatif au régime de responsabilité des personnes en charge des mesures de protection3(*).

Elle a en revanche souhaité mettre le Gouvernement face à ses responsabilités en maintenant le registre spécial des mandats de protection future attendu depuis plus de huit ans et en créant en parallèle un registre général des mesures de protection juridique en cours d'exécution, qu'elles soient judiciaires ou juridiques, pour permettre le respect du principe de subsidiarité.

I. MANDATAIRES JUDICIAIRES À LA PROTECTION DES MAJEURS : MIEUX DÉFINIR LEURS MISSIONS DANS LE CODE DE L'ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES

L'article 5 tend à ajouter une définition des missions des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) dans le code de l'action sociale et des familles (CASF), répondant ainsi à une attente de la profession qui souhaite être mieux connue et considérée.

La commission des lois, en concertation avec la commission des affaires sociales compétente au fond, a souhaité définir les principes régissant leur action par renvoi à l'article 415 du code civil4(*) et supprimer la référence à une charte éthique définie par arrêté ministériel puisqu'un document rédigé en concertation avec la profession existe déjà et semble satisfaisant en l'état, étant rappelé que la profession de MJPM n'est pas structurée autour d'un ordre professionnel disposant d'un pouvoir disciplinaire.

Elle a également supprimé la disposition créant des obligations de signalement spécifiquement mises à la charge des MJPM, afin de conserver les obligations de droit commun qui semblent suffisantes. En l'état du droit, les MJPM ont l'obligation de signaler les actes de maltraitance à l'autorité judiciaire, en application de l'article 434-3 du code pénal5(*). S'agissant des autres infractions, il entre dans leurs missions de protéger la personne et ses biens, et, à ce titre, de signaler au juge des tutelles et au procureur tout fait qui pourrait recevoir une qualification pénale, sachant qu'ils n'y sont pas empêchés par un secret professionnel au sens de l'article 226-13 du code pénal. Enfin, l'article 4 de la proposition de loi qui crée l'obligation générale de signalement de maltraitance sur des personnes vulnérables à une instance départementale de recueil et de suivi ad hoc concerne déjà les MJPM, sans qu'il soit nécessaire de reproduire cette obligation dans un article dédié.

II. CONTRÔLE DES ANTÉCÉDENTS JUDICIAIRES : ACCEPTER UN ÉLARGISSEMENT DE LA CONSULTATION DU FIJAIS POUR MIEUX PROTÉGER LES MAJEURS VULNÉRABLES ET MIEUX ENCADRER LA SUSPENSION PROVISOIRE EN CAS DE CONDAMNATION NON DÉFINITIVE OU DE MISE EN EXAMEN

L'article 5 bis A, introduit par amendements de séance à l'Assemblée nationale, modifie l'article L. 133-6 du CASF qui a pour objet d'interdire l'exercice de fonctions - permanentes ou occasionnelles, à quelque titre que ce soit, y compris bénévole - dans les établissements, services ou lieux de vie et d'accueil du secteur social et médico-social en cas de condamnations judiciaires pour certaines infractions portant atteinte à la personne ou aux biens. Depuis la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, ce contrôle des antécédents judiciaires est assuré, avant l'exercice des fonctions de la personne et à intervalles réguliers lors de leur exercice, par la délivrance du bulletin n° 2 du casier judiciaire et par l'accès aux informations contenues dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais). Ce fichier est toutefois réservé aux vérifications de la situation des personnes exerçant des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs, ce qui ne couvre pas tout le champ des établissements visés par l'article L. 133-6 du CASF qui peuvent en effet accueillir des personnes âgées ou encore des adultes en situation de handicap ou d'insertion.

L'article 5 bis A vise à : étendre le champ des professionnels concernés par les interdictions d'exercice en intégrant les services de gardes d'enfants ou d'assistance aux personnes âgées et handicapées, y compris auprès d'employeurs particuliers ; permettre les interrogations du Fijais pour procéder à des vérifications concernant des activités ou professions impliquant un contact avec des majeurs vulnérables ; autoriser la création d'un système d'information automatisant la consultation du bulletin n° 2 et du Fijais et permettant de délivrer à la personne concernée un « certificat d'honorabilité » attestant qu'il n'existe pas d'inscription entraînant une incapacité professionnelle.

La commission des lois a relevé que ces dispositions allaient considérablement augmenter le nombre de personnes pouvant faire l'objet de contrôle des antécédents judiciaires et d'une consultation du Fijais, tout en changeant substantiellement la nature de ce fichier conçu pour la protection des mineurs, ce qui pourrait également, à terme, entrainer un allongement de la liste des infractions concernées.

Elle a toutefois accepté ces dispositions, considérant que l'objectif de protection de personnes en état de vulnérabilité du fait de leur âge ou de leur handicap pouvait justifier une atteinte, qui reste proportionnée, au « droit pour chacun d'obtenir un emploi » reconnu par le préambule de la Constitution de 1946 ou à la liberté d'entreprendre ainsi qu'au respect du droit à la vie privée.

La commission des lois a adopté deux amendements de la rapporteure, élaborés en concertation avec les rapporteurs de la commission des affaires sociales. Ils permettent, d'une part, de supprimer les termes « certificat d'honorabilité » qui ne recouvrent aucune réalité s'agissant seulement d'un document attestant à un instant donné de l'absence d'inscription au casier judiciaire et au Fijais, et, d'autre part, de clarifier le fait que seraient concernées par les interrogations du Fijais les personnes exerçant des fonctions auprès de majeurs vulnérables en raison de leur âge ou de leur handicap.

S'agissant de la suspension temporaire d'activité ou d'agrément jusqu'à la décision définitive de la juridiction compétente en cas d'inscription au Fijais pour une condamnation non définitive ou en raison d'une mise en examen, la commission des lois a souhaité préciser les conditions dans lesquelles le directeur d'un établissement, d'un service ou d'un lieu de vie et d'accueil peut être informé d'une condamnation non définitive ou d'une mise en examen d'un intervenant. La rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, qui fait seulement état de l'inscription au Fijais, est ambiguë car elle laisse penser que l'information lui serait directement accessible, ce qui semble problématique s'il s'agit de structures privées. Faute de précision sur la manière dont cette information extraite du Fijais serait transmise, la commission des lois a préféré se référer aux transmissions d'informations par le Parquet déjà prévues par le code de procédure pénale.

Enfin, afin de cantonner les mesures de suspension provisoire aux cas les plus graves, il lui a paru nécessaire d'imposer une analyse in concreto établissant l'existence de risques pour la santé ou la sécurité des mineurs ou majeurs en situation de vulnérabilité avec lesquels la personne est en contact.

III. REFUSER DES AJUSTEMENTS PONCTUELS ET NON COORDONNÉS DES MESURES DE PROTECTION JURIDIQUE DES MAJEURS

Les professionnels entendus par la rapporteure ont critiqué la méthode employée pour modifier le droit des majeurs vulnérables par amendements et à l'occasion d'une proposition de loi sur le « bien vieillir ». Ainsi que l'a relevé le Conseil national du notariat, l'Assemblée nationale a opéré une confusion entre les personnes en situation de vulnérabilité (dont les personnes handicapées) et les personnes âgées. Par ailleurs, la modification par petites touches, de manière partielle, sans vision ni cohérence d'ensemble, des mesures de protection juridique qui ont déjà fait l'objet de nombreuses évolutions législatives depuis la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs6(*), risque de créer plus de difficultés qu'elle n'en résout.

Les nombreux rapports parus ces dernières années invitent surtout à un travail plus global visant, par exemple, à mieux articuler les actions de suivi médico-social et de protection juridique pour assurer une prise en charge globale de la personne, faire le bilan de l'efficacité des mesures d'habilitation familiale qui ont connu un fort développement depuis 2015 - elles ont représenté 37 % des mesures prononcées en 2022 - sans réel contrôle ou encore assurer une plus grande progressivité des mesures de protection juridique en fonction de l'état de la personne.

Cette approche partielle et précipitée n'est pas à la hauteur des enjeux qui appellent un projet de loi plus complet, assorti d'un avis du Conseil d'État et d'une étude d'impact, sur les mesures de protection juridique des majeurs.

À l'initiative de la rapporteure, la commission des lois a fait le choix de supprimer l'ensemble des articles additionnels qui visaient à prévoir un tuteur ou un curateur de remplacement en cas de décès (article 5 quater), à élargir le cercle des personnes pouvant être habilitées dans le cadre de l'habilitation familiale et à prévoir une personne de remplacement en cas de décès (article 5 sexies), à instaurer une passerelle entre les habilitations judiciaires entre époux et les mesures de protection juridique (article 5 octies) et à davantage harmoniser le régime de responsabilité des mesures de protection juridique (article 9 nonies).

En cohérence avec cette démarche, elle a également proposé la suppression de l'article 5 quinquies qui vise à faire évoluer le mandat de protection future créé par la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, afin de permettre des missions d'assistance, aux côtés de celles de représentation, la nature du mandat étant susceptible d'évoluer en fonction du degré d'altération des facultés personnelles du bénéficiaire du mandat. Si le principe de cette évolution, préconisé par divers travaux menés ces dernières années (groupe de travail interministériel et interprofessionnel dirigé par Anne Caron-Déglise, groupe de travail sur la justice de protection dans le cadre des États généraux de la justice, groupe de travail agissant sous l'égide de l'Institut d'études juridiques du Conseil supérieur du notariat...) n'appelle pas d'opposition, sa mise en oeuvre mériterait une réflexion plus large et une meilleure concertation avec les acteurs concernés. Par ailleurs, le dispositif proposé ne semble pas abouti et suscite diverses interrogations d'ordre juridique (par exemple, le rattachement de l'acte au droit commun du mandat qui suppose une représentation).

IV. RÉGLER ENFIN LA QUESTION DU REGISTRE DES MANDATS DE PROTECTION FUTURE

L'article 5 decies a pour objet de créer, au plus tard le 31 décembre 2026, un registre général de toutes les mesures de protection juridique, regroupant les mesures judiciaires (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, habilitation familiale) et les mandats de protection future. Ce faisant, il procèderait également à l'abrogation de l'article 477-1 du code civil créé par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement, qui prévoit la publicité des mandats de protection future par une inscription sur un registre spécial dont les modalités et l'accès sont réglés par décret en Conseil d'État non publié à ce jour. Cette abrogation priverait d'effet la décision du Conseil d'État du 27 septembre 2023, qui enjoint au Gouvernement de prendre ce décret en Conseil d'État dans un délai de six mois, sous peine d'une astreinte de 200 euros par jour de retard.

Dans ces conditions et compte tenu de l'enjeu de ces mesures de publicité et de centralisation de l'information, la commission des lois a souhaité conserver cet article et en modifier la rédaction afin :

- de maintenir le registre spécial prévu pour les mandats de protection future pour conserver le bénéfice de l'injonction sous astreinte prononcée par le Conseil d'État qui oblige le Gouvernement à publier le décret d'application au cours du premier semestre 2024 ; une adoption de l'article 5 decies en l'état de sa rédaction priverait au contraire d'effet cette décision et reporterait la publication du décret à fin 2026 ;

- de créer un registre dématérialisé centralisant les informations de toutes les mesures de protection juridique en cours d'exécution afin de permettre le partage d'informations sur ces mesures qui est souhaité par les professionnels depuis de nombreuses années. Un tel registre est nécessaire pour assurer le respect du principe de subsidiarité et appliquer les dispositions du code de procédure pénale relatives aux personnes sous tutelle ou curatelle, et enfin indispensable en vue du futur règlement européen relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des mesures et la coopération en matière de protection des adultes ;

- tout en prévoyant une date d'entrée en vigueur plus rapprochée en 2025.

*

* *

La commission des lois a proposé à la commission des affaires sociales saisie au fond d'adopter les articles ainsi modifiés.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE II
PROMOUVOIR LA BIENTRAITANCE EN LUTTANT CONTRE LES MALTRAITANCES DES PERSONNES EN SITUATION DE VULNÉRABILITÉ ET GARANTIR LEURS DROITS FONDAMENTAUX

Article 5
Encadrement de l'activité des mandataires judiciaires à la protection des majeurs dans le code de l'action sociale et des familles

L'article 5 a pour objet de définir les missions accomplies par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) et de les soumettre à une formation continue obligatoire. Il leur imposerait également de signaler auprès d'une instance dédiée tout cas de maltraitance et au procureur de la République tout crime ou délit commis à l'encontre d'une personne protégée et dont ils auraient connaissance en exerçant leurs fonctions.

La commission s'est montrée favorable à l'adoption d'une définition des missions des MJPM dans le code de l'action sociale et des familles (CASF), tout en renvoyant aux grands principes déjà définis par le code civil.

En revanche, elle a souhaité supprimer :

- la référence à une charte éthique définie par arrêté ministériel puisqu'un document rédigé en concertation avec les organisations représentant la profession existe déjà ;

- la disposition créant des obligations de signalement spécifiques, afin de conserver les obligations de droit commun qui semblent suffisantes.

La commission a donné un avis favorable à l'article ainsi modifié.

1. Favoriser une meilleure reconnaissance de la profession des mandataires judiciaires à la protection des majeurs

La profession de mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM) a été formellement créée par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. Salariés au sein de services mandataires, en exercice libéral ou préposés d'établissement, ils prêtent tous serment devant le tribunal judiciaire et sont soumis à des règles communes de formation certifiée, de contrôle, d'évaluation et de rémunération.

En 2022, 72 % des près de 61 000 mesures de curatelle et de tutelle leur ont été confiés.

Hormis un rappel sur le fait qu'ils exercent à titre habituel les mesures de protection des majeurs que le juge des tutelles prononce, aucune définition de leurs missions n'est à ce jour inscrite dans la loi, au risque de créer une certaine confusion avec d'autres professions, en particulier celles qui assurent des mesures d'accompagnement social.

Afin d'améliorer la reconnaissance de ce jeune métier, qui souffre d'un manque d'attractivité, l'article 5 de la proposition de loi vise à définir dans le code de l'action sociale et des familles (CASF) leurs missions en s'appuyant sur un document élaboré en collaboration avec les représentants des professionnels du secteur7(*). La commission a été favorable à cet ajout, tout en préférant définir les principes de l'action des MJPM par référence à l'article 415 du code civil8(*) afin d'éviter des dissonances entre les deux codes.

Elle a également salué l'inscription d'une obligation de formation continue qui permettrait de systématiser une pratique existante et de s'assurer notamment que les MJPM demeurent informés des évolutions législatives.

En revanche, elle a souhaité supprimer la référence à une charte éthique définie par arrêté ministériel. La profession des MJPM s'est déjà dotée de « repères pour une réflexion éthique » issus du consensus de l'ensemble des fédérations du secteur après deux ans de travaux. Il semble donc inutile de prévoir une charte arrêtée par le ministre, ce d'autant plus que la profession ne s'est pas structurée autour d'un ordre disposant d'un pouvoir disciplinaire. Le document existant semble suffisant en l'état et plus susceptible d'appropriation par la profession qu'une charte arrêtée par un ministre.

En conséquence, et en coordination avec la commission des affaires sociales saisie au fond, la commission des lois a adopté l'amendement COM-100, qui a également supprimé le caractère annuel de la formation continue obligatoire pour donner plus de souplesse d'organisation.

La liste nationale des mandataires judiciaires radiés,
un dispositif favorisant la qualité et la probité des MJPM qui manque à l'appel

L'article L. 471-3 du code de l'action sociale et des familles (CASF) prévoit la création d'une « liste noire » nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs interdits d'exercer leur profession. Créée par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, elle était censée être mise en place le 1er janvier 2009. Elle est depuis unanimement réclamée par les instances représentatives du secteur.

En juillet 2023, le rapport issu des États généraux de la maltraitance a rappelé l'importance de veiller à la qualité et à la probité des mandataires judiciaires en mettant effectivement en place cette liste, en ouvrant son accessibilité plus largement aux autorités judiciaires, aux directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) et aux directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS), et en rendant obligatoire sa consultation par les commissions d'examen des candidatures.

2. Refuser de prévoir des obligations de signalement spécifiquement mises à leur charge

L'article 5 imposerait également aux MJPM de signaler les cas de maltraitance9(*) à une nouvelle cellule départementale de recueil et de suivi des signalements créé par l'article 4 et d'informer sans délai le procureur de la République des délits ou crimes commis à l'encontre de personnes protégées et portés à leur connaissance dans l'exercice de leurs fonctions.

En l'état du droit, les MJPM ont une obligation de signaler les actes de maltraitance à l'autorité judiciaire, en application de l'article 434-3 du code pénal qui prévoit que le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d'atteintes sexuelles infligés à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Par ailleurs, il entre dans leurs missions de protéger la personne et ses intérêts patrimoniaux, ce qui implique de signaler au juge des tutelles et au procureur tout fait qui pourrait recevoir une qualification pénale, sachant qu'ils n'y sont pas empêchés par un secret professionnel au sens de l'article 226-13 du code pénal.

Enfin, l'article 4 de la proposition de loi qui crée une obligation générale de signalement de maltraitance sur des personnes vulnérables à une instance départementale de recueil et de suivi ad hoc les concerne déjà, sans qu'il soit nécessaire de reproduire cette obligation dans un article dédié.

La commission a adopté l'amendement COM-101 rédigé en concertation avec les rapporteurs de la commission des affaires sociales.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 5 ainsi modifié.

Article 5 bis A
Contrôle des antécédents judiciaires des personnes intervenant auprès de majeurs vulnérables et élargissement des usages du Fijais

Cet article additionnel, adopté par l'Assemblée nationale par voie d'amendement en séance, vise à étendre le champ de l'article L. 133-6 du code de l'action sociale et des familles (CASF) qui instaure un mécanisme d'incapacité et de contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant des fonctions permanentes ou occasionnelles dans les établissements, services ou lieux de vie et d'accueil du secteur social et médico-social.

Il élargirait le champ des professionnels concernés par les interdictions d'exercice aux services de gardes d'enfants ou d'assistance aux personnes âgées et handicapées, y compris auprès d'employeurs particuliers, et autoriserait l'accès au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais) pour procéder à des vérifications concernant des activités ou professions impliquant un contact avec des majeurs vulnérables, et non plus seulement avec des mineurs.

La disposition proposée donnerait également une base légale à un système d'information sécurisé permettant d'automatiser la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire (B2) et du Fijais et de délivrer un « certificat d'honorabilité » aux personnes pour lesquelles aucune infraction entraînant incapacité n'est repérée.

Elle permettrait d'engager une procédure de suspension temporaire d'activité ou d'agrément en cas de condamnation non définitive ou de mise en examen d'une personne inscrite au Fijais.

En concertation avec la commission des affaires sociales saisie au fond, la commission a accepté l'extension du champ de l'incapacité professionnelle et des finalités du Fijais au regard de l'objectif de protection des personnes vulnérables contre les risques de réitération d'infractions commises par des professionnels ou bénévoles en contact avec elles.

Elle a clarifié les conditions dans lesquelles le directeur d'établissement peut être informé d'une condamnation non définitive ou d'une mise en examen inscrite dans le Fijais et a soumis sa décision de suspension provisoire à une analyse in concreto établissant l'existence de risques pour la santé ou la sécurité des mineurs ou majeurs en situation de vulnérabilité avec lesquels la personne est en contact.

La commission a donné un avis favorable à l'article ainsi modifié.

L'article 5 bis A de la proposition de loi concerne le mécanisme d'incapacité et de contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant des fonctions - permanentes ou occasionnelles, y compris bénévole, dans les établissements, services ou lieux de vie et d'accueil du secteur social et médico-social. Le contrôle des antécédents judiciaires est assuré, au moment du recrutement puis en cours d'exercice, par la délivrance du bulletin n° 2 du casier judiciaire et par l'accès aux informations contenues dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais), depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite « loi Taquet ».

La rapporteure a regretté qu'un tel dispositif ait été introduit par amendements en séance10(*) sans étude d'impact ni avis du Conseil d'Etat, compte tenu de sa sensibilité au regard des libertés publiques.

1. Accepter une extension de l'incapacité professionnelle et du contrôle des antécédents judiciaires pour protéger les majeurs vulnérables

L'article 5 bis A étendrait le champ des professionnels concernés par les interdictions d'exercice aux services de gardes d'enfants ou d'assistance aux personnes âgées et handicapées, y compris auprès d'employeurs particuliers, et autoriserait l'accès au Fijais pour procéder à des vérifications concernant des activités ou professions impliquant un contact avec des majeurs vulnérables, et non plus seulement avec des mineurs. Il faciliterait en outre l'accès indirect par les exécutifs locaux à ce fichier par l'intermédiaire de toute administration désignée par décret en conseil d'Etat, et non plus uniquement par le biais des préfets.

La disposition proposée augmenterait ainsi considérablement le nombre de personnes pouvant faire l'objet d'un contrôle des antécédents judiciaires et d'incapacité professionnelle11(*), tout en changeant substantiellement la nature d'un fichier créé en 200412(*) dans le but explicite de protéger les mineurs.

Malgré ces réserves, la commission a estimé que l'objectif de protection de personnes en état de vulnérabilité contre la réitération de certaines infractions commises à leur préjudice justifiait une atteinte qui resterait proportionnée à la liberté d'entreprendre et au respect de la vie privée13(*).

Par son amendement COM-104, elle a souhaité clarifier le champ des activités ou professions pour lesquelles la consultation du Fijais serait étendue en faisant expressément référence à l'état de vulnérabilité des personnes majeures concernées14(*).

2. Conforter un contrôle des antécédents judiciaires par un système d'information dédié interrogeable par les personnes concernées

Pour des raisons pratiques, compte tenu de son ampleur, le criblage ainsi instauré serait mis en oeuvre via un système d'information dédié permettant la systématisation du contrôle du B2 et du Fijais et une interrogation directe par les candidats, professionnels ou bénévoles concernés. Le résultat de cette vérification prendrait la forme d'un « certificat d'honorabilité » qui semble avoir vocation à remplacer le bulletin n° 3 du casier judiciaire (B3), prévu par l'article 777 du code de procédure pénale, qui permet à toute personne désireuse de présenter un état de ses antécédents judiciaires soit de sa propre volonté, soit à la suite d'une demande administrative, mais dont le champ est plus restreint15(*).

Cet outil baptisé « SI Honorabilité » est en cours de déploiement au sein des ministères sociaux et déjà utilisé pour contrôler les antécédents judiciaires des éducateurs bénévoles16(*). L'article 5 bis A de la proposition de loi lui donnerait la base légale nécessaire à son interconnexion avec le casier judiciaire et le Fijais, par dérogation aux articles 706-53-11 et 777-3 du code de procédure pénale.

Les conditions de ce traitement seraient fixées par décret en Conseil d'Etat, soumis pour avis à la Commission nationale de l'informatique et des libertés17(*) qui vérifierait à cette occasion les garanties mises en place, afin d'assurer de manière sécurisée la délivrance, l'accès et le stockage des certificats d'honorabilité.

Par amendement COM-102 de la rapporteure, la commission a souhaité apporter deux modifications de clarification afin de supprimer :

les termes « certificat d'honorabilité » qui ne recouvrent aucune réalité puisqu'il s'agit seulement d'un document attestant à un instant donné de l'absence d'inscription au casier judiciaire et Fijais ;

- la mention de la possibilité qu'a la personne concernée d'obtenir elle-même un extrait intégral de ces fichiers par demande adressée au procureur de la République en application des articles 706-53-9 et 777-2 du code de procédure pénale, qui compliquerait inutilement la compréhension de cette disposition.

3. Mieux encadrer la suspension provisoire en cas de condamnation non définitive ou de mise en examen

L'article 5 bis A prévoit enfin la possibilité pour tout responsable d'établissement de prononcer une mesure de suspension temporaire d'activité ou d'agrément jusqu'à la décision définitive de la juridiction compétente, en cas d'inscription au Fijais pour une condamnation non définitive ou en raison d'une mise en examen.

À l'initiative de la rapporteure et compte tenu de la sensibilité de ce dispositif au regard du principe de présomption d'innocence, la commission a souhaité clarifier les conditions dans lesquelles le directeur d'établissement pourrait être informé d'une condamnation non définitive ou d'une mise en examen d'un intervenant inscrite dans le Fijais. La formulation actuelle semble en effet ambiguë car elle laisse penser que l'information lui serait directement accessible ; en tout cas, elle ne précise pas le canal de transmission de cette information, ce qui semble problématique s'agissant de structures qui peuvent être de droit privé. Afin de sécuriser cette question, une référence aux transmissions d'informations par le Parquet déjà prévues par le code de procédure pénale18(*) semble donc en l'état préférable.

Enfin, afin de restreindre le recours aux mesures de suspension provisoire aux cas les plus nécessaires, il lui a paru souhaitable d'imposer une analyse in concreto établissant l'existence de risques pour la santé ou la sécurité des mineurs ou majeurs en situation de vulnérabilité avec lesquels la personne est en contact.

À cette fin, la commission a adopté l'amendement COM-103, que la rapporteure a élaboré en concertation avec les rapporteurs de la commission des affaires sociales, qui tend par ailleurs à supprimer la possibilité pour un directeur d'établissement de suspendre un agrément car cette suspension relève de la compétence de l'autorité qui le délivre.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 5 bis A ainsi modifié.

TITRE II BIS
RENFORCER L'AUTONOMIE DES ADULTES VULNÉRABLES EN FAVORISANT L'APPLICATION DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ

Les dispositions de la proposition de loi relatives aux mesures de protection juridique des majeurs ont été introduites par amendements à l'Assemblée nationale, sans avoir fait l'objet de réflexion d'ensemble et de concertation avec les acteurs concernés. Selon les professionnels entendus, de telles retouches ponctuelles - qualifiées d'« émiettement législatif », de « logique de silos » ou encore de « fausses bonnes idées » - risquent de créer plus de difficultés qu'elles n'en résolvent, faute notamment de coordination avec d'autres mesures existantes.

Cette approche partielle et précipitée ne paraît pas à la hauteur des enjeux de la protection juridique des majeurs qui concerne près d'un million de personnes et appellerait plutôt un projet de loi plus global, avec avis du Conseil d'État et étude d'impact.

Nombre d'ouverture de mesures judiciaires en 2022

Source : Les chiffres clés de la justice, Édition 2023, Service statistique ministériel de la justice

Dans ces conditions, la commission a préféré supprimer ces dispositions sur lesquelles elle bénéficie d'une délégation au fond, à l'exception notable de l'article 5 decies qui concerne la publicité des mandats de protection future et des mesures judiciaires, une disposition importante attendue depuis des années.

Article 5 quater (supprimé)
Désignation anticipée d'un curateur ou tuteur de « remplacement », dont la mission débuterait au décès de la personne désignée en premier lieu

L'article 5 quater vise à compléter l'article 447 du code civil afin de permettre au juge des tutelles de désigner, parmi les proches du majeur protégé, un curateur ou tuteur de « remplacement », dont la mission débuterait automatiquement au décès de la personne désignée en premier lieu.

En prévoyant un tel remplacement sans appréciation du juge au moment où il intervient, et en omettant de prendre en compte d'autres cas d'indisponibilité que le décès, cet article pose divers problèmes d'ordre pratique et juridique.

En cohérence avec la position d'ensemble qu'elle a arrêtée sur les dispositions relatives aux mesures de protection juridique des majeurs, la commission propose de supprimer cet article.

1. Une volonté louable de simplifier la succession d'un tuteur ou d'un curateur en cas de décès

L'article 5 quater de la proposition de loi, introduit en commission à l'Assemblée nationale par amendement de la rapporteure Annie Vidal19(*), vise à éviter une rupture de prise en charge du majeur sous tutelle ou curatelle en cas de décès de la personne désignée pour assurer sa protection.

Il prévoit de permettre au juge des tutelles, lors de la décision d'ouverture de la mesure ou ultérieurement en fonction de la situation du majeur protégé ou de son entourage, de désigner un curateur ou un tuteur « de remplacement » parmi les autres personnes de l'entourage du majeur protégé20(*).

Au décès de la ou des personnes initialement désignées, la mission du remplaçant débuterait automatiquement, à charge pour lui d'informer de ce décès la personne protégée, le juge des tutelles et les tiers. En attendant cet évènement et afin de faciliter sa prise de fonction, il recevrait pour information les comptes rendus de diligences, l'inventaire des biens et les comptes annuels de gestion et pièces justificatives, au même titre que le juge des tutelles.

2. Une disposition destinée à régler une situation qui ne semble ni courante ni insurmontable

Les professionnels entendus n'ont pas identifié de difficultés particulières s'agissant de la situation à laquelle est censé répondre l'article 5 quater. La disposition proposée est d'ailleurs justifiée par son initiateur, non pas par la récurrence de ces situations, mais par les préoccupations des familles liées au décès du proche de l'adulte vulnérable.

Interrogée sur le nombre de cas rencontrés, la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice n'a pas pu fournir de statistiques. Par ailleurs, cette hypothèse rarement rencontrée peut être parée en nommant un subrogé ou plusieurs personnes ab initio21(*).

La profession notariale constate de son côté que les difficultés rencontrées en la manière ne sont souvent que les conséquences dans certains départements du manque de moyens matériels et humains que l'Etat met à la disposition des acteurs judiciaires de la protection des majeurs.

En cas de décès de la personne en charge de la protection, la mesure de curatelle ou de tutelle ne prend pas fin. Il convient de saisir le juge des tutelles afin qu'il nomme une nouvelle personne, ce qui peut être assez rapide, surtout lorsque cette succession a été anticipée et que le juge a déjà dans son dossier le nom de la personne pouvant être désignée en remplacement, son accord de principe et qu'il a eu l'occasion de sonder la personne protégée sur ses sentiments à l'égard de celle-ci. Une ordonnance de remplacement est alors obtenue plus rapidement qu'un jugement d'ouverture.

Selon l'Association nationale des juges des contentieux de la protection, les juges des tutelles sont attentifs à nommer un tuteur ou un curateur de remplacement dès que nécessaire et nomment à titre transitoire une association si aucun membre de la famille ne se manifeste.

3. La position de la commission : supprimer la disposition dans l'attente d'une réflexion plus globale

La disposition proposée, en ajoutant un ou plusieurs protecteurs de second rang, augmenterait le nombre d'intervenants autour de la personne protégée, sans toutefois assurer de coordination entre eux dans les hypothèses où il existe un co-curateur, un co-tuteur ou encore un subrogé qui a justement pour mission de provoquer le remplacement du tuteur ou du curateur en cas de cessation de ses fonctions. L'article 5 quater risque donc d'ajouter de la confusion à la répartition actuelle des rôles entre chacun, ce d'autant plus qu'ils seraient destinataires des mêmes informations au titre des articles 463, 503 et 510 du code civil modifiés en conséquence.

Par ailleurs, il ne prend pas en compte toutes les situations dans lesquelles un remplacement pourrait être nécessaire, comme les cas de mise sous protection juridique du tuteur ou curateur, et n'envisage que la possibilité de nommer un proche de la personne comme remplaçant et non un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM).

Elle n'envisage pas non plus les situations dans lesquelles le représentant est un MJPM. Le rapport de la mission interministérielle sur l'évolution de la protection juridique des personnes, remis à la garde des sceaux en 2018, avait pourtant suggéré de donner la possibilité aux MJPM de se substituer un tiers sous leur propre responsabilité civile en cas d'indisponibilité, afin de pallier les difficultés rencontrées par ceux qui exerce à titre individuel et éviter les situations de rupture de prise en charge en cas d'indisponibilité temporaire - par exemple en cas de congés, de maternité ou d'arrêt maladie22(*). Cela a été rappelé en juillet 2023 dans le rapport de la mission interministérielle menée dans le cadre des États généraux des maltraitances.

Selon Anne Caron-Déglise, qui a dirigé les deux rapports précités, l'article 5 quater est également « problématique dans la mesure où il est indispensable que le juge vérifie au moment du changement de protecteur la qualité de la gestion, la pertinence du maintien de la mesure de protection au niveau prononcé et les sentiments de la personne protégée dans le choix de son protecteur ». Ainsi que l'a relevé l'Interfédération de la protection juridique des majeurs, la personne protégée peut avoir un conflit avec la personne désignée en tant que protecteur de remplacement au moment du décès du protecteur ou le protecteur de remplacement peut ne plus être apte à exercer la mesure (éloignement, maladie...).

Il semble donc opportun que le juge soit saisi au moment du décès du protecteur, sachant qu'une mesure de protection peut être prononcée pour une durée de cinq ans ou dix ans23(*), ce qui laisse le temps aux relations personnelles d'évoluer.

Compte tenu de ces éléments et de la position de principe de la commission quant à la méthode employée, elle a adopté l'amendement COM-105 de suppression de la rapporteure.

La commission demande à la commission des affaires sociales, compétente au fond, de supprimer
l'article 5 quater.

Article 5 quinquies (supprimé)
Ajout d'une finalité d'assistance au mandat de protection future et nécessité d'un certificat médical circonstancié

L'article 5 quinquies vise à faire évoluer le mandat de protection future créé par la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, qui reste peu utilisé.

À l'instar de ce qui a été suggéré en 2022 par le groupe de travail sur la justice de protection dans le cadre des États généraux de la justice ou par le Conseil supérieur du notariat, il s'agirait de permettre un mandat de protection future aux fins d'assistance, aux côtés de celles de représentation. La nature du mandat serait ainsi susceptible d'évoluer en fonction du degré d'altération des facultés personnelles du mandant ou de son bénéficiaire. La disposition proposée tend également à subordonner la mise à exécution du mandat de protection future à la production d'un certificat médical circonstancié, et non plus d'un certificat médical simple.

En cohérence avec la position d'ensemble qu'elle a arrêtée sur les dispositions relatives aux mesures de protection juridique des majeurs, la commission propose de supprimer cet article.

1. Le mandat de protection future, un dispositif contractuel pour anticiper la perte d'autonomie

Créé par la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs24(*), le mandat de protection future permet à toute personne majeure de désigner à l'avance une ou plusieurs personnes pour la représenter le jour où elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts « en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté »25(*).

Ce mandat vise à organiser contractuellement la protection de la personne et de ses biens en cas de perte d'autonomie, sans s'en remettre au juge des tutelles. Il est mis en exécution lorsque le mandataire produit au greffe du tribunal judiciaire le mandat et un certificat médical émanant d'un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République attestant de l'état du mandant26(*). Une fois « activé », le mandataire est en mesure de représenter le mandant dans les conditions fixées par le contrat, sans toutefois que ce dernier perde sa capacité juridique à agir directement.

Selon la forme adoptée, acte notarié ou sous seing privé27(*), le champ d'application du mandat de protection future est plus ou moins étendu s'agissant des actes de disposition des biens.

2. Le mandat de protection future, un dispositif qui doit évoluer pour se développer

Cet outil qui correspond pourtant à l'aspiration des Français de pouvoir mieux anticiper les conséquences d'une perte d'autonomie, s'est très peu développé : selon l'enquête menée par le Conseil supérieur du notariat, environ 15 000 mandats de protection future sont signés par an devant notaire, le nombre des mandats activés - toutes formes comprises - étant d'environ 1 500 selon les chiffres diffusés par le ministère de la justice28(*).

a) Un constat unanime sur la nécessité d'assouplir le régime du mandat de protection future et d'en assurer la publicité

Le développement du mandat de protection future passe sans doute par une évolution de son dispositif qui ne prend pas en compte la période qui précède celle où la personne a besoin d'être représentée d'une manière continue.

Divers travaux menés ces dernières années ont ainsi appelé à une évolution du mandat de protection future vers l'assistance, dont le groupe de travail interministériel et interprofessionnel dirigé par Anne Caron-Déglise, avocate générale à la Cour de cassation29(*), le groupe de travail sur la justice de protection dans le cadre des États généraux de la justice, ou encore le groupe de travail agissant sous l'égide de l'Institut d'Études juridiques du Conseil supérieur du notariat...

De même, la nécessité d'en assurer la publicité au moyen d'un registre est connue depuis sa création en 2007 : l'objet même du mandat de protection future impose en effet que le juge des tutelles puisse en avoir connaissance lorsqu'il est saisi d'une demande d'ouverture de protection juridique pour donner priorité au mandat sur le prononcé d'une mesure judiciaire. Tel n'est pourtant pas le cas faute de registre, malgré sa consécration dans le code civil en 201530(*).

b) Des nombreuses idées pour apporter d'autres ajustements au dispositif

Les avocats, par la voix du Conseil national des barreaux, préconisent d'aligner le mandat de protection future formalisé par un acte contresigné par avocat sur celui qui résulte d'un acte notarié et ainsi pouvoir intégrer les actes de disposition qui sont pour l'instant réservés aux actes notariés. Ils souhaitent également rendre opposable aux tiers le mandat de protection future après sa mise en oeuvre, à l'instar de la publicité en marge de l'état civil qui existe pour les autres mesures de protection, afin d'obliger les tiers à respecter le mandat et ses obligations et ainsi garantir un meilleur respect des droits des majeurs protégés. En découlerait le même régime de la régularité des actes applicables aux mesures de protection judiciaire.

La profession de notaire, représentée par le Conseil supérieur du notariat, propose de laisser la possibilité au mandant de décider s'il veut que le mandataire soit soumis à un contrôle de sa gestion et lui laisser le choix de décider si son mandataire peut ou non vendre sa résidence principale ou sa résidence secondaire sans avoir à obtenir une ordonnance du juge. La mesure renforcerait, selon les notaires, l'autonomie de la volonté du mandant et serait particulièrement utile pour certaines personnes dont le patrimoine est constitué uniquement d'une résidence principale et de comptes dans un même établissement bancaire.

3. La position de la commission : supprimer la disposition dans l'attente d'une réflexion plus globale

Si le principe d'une évolution du mandat de protection future vers une mission d'assistance semble faire consensus, tel n'est pas le cas de sa mise en oeuvre qui mériterait une réflexion plus large et une meilleure concertation. L'article 5 quinquies propose de calquer le contrat sur les régimes de curatelle et de tutelle sans laisser la place à plus de liberté contractuelle, ce qui semble minorer l'intérêt du recours à un instrument contractuel. Anne Caron-Déglise, dans son rapport précité, préconise un système « à la belge » qui permettrait dès la conclusion du mandat et avant la survenance de l'altération des facultés du mandant, un fonctionnement comme un mandat ordinaire, puis, dans un second temps, après la survenance des altérations, comme un mandat de protection, s'il est maintenu par le juge.

Par ailleurs, la disposition proposée suscite également, au regard des auditions menées, diverses interrogations d'ordre juridique comme par exemple le rattachement de l'acte au droit commun du mandat qui suppose une représentation.

Compte tenu de ces éléments et de la position de principe de la commission quant à la méthode employée, elle a adopté l'amendement COM-106 de suppression de la rapporteure.

La commission demande à la commission des affaires sociales, compétente au fond, de supprimer l'article 5 quinquies.

Article 5 sexies (supprimé)
Élargissement du cercle des personnes à qui peut être confiée
une habilitation familiale

L'article 5 sexies tend à modifier le dispositif d'habilitation familiale, créé par l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille, en élargissant la liste des personnes pouvant être habilitées et en prévoyant la possibilité pour le juge des tutelles de nommer une personne habilitée de « remplacement » en cas de décès de la personne désignée en premier lieu.

L'élargissement du cercle des proches pouvant être désignée personne habilitée aux « parents et alliés » a suscité de très nombreuses réserves de la part des professionnels entendus par la rapporteure en raison de l'absence de contrôle par le juge des tutelles de l'exécution des mesures d'habilitation familiale.

Par ailleurs, le mécanisme de remplacement automatique de la personne habilitée présente les mêmes difficultés que celles relevées pour le remplacement automatique du tuteur ou du curateur prévu à l'article 5 quater.

En cohérence avec la position d'ensemble qu'elle a arrêtée sur les dispositions relatives aux mesures de protection juridique des majeurs, la commission propose de supprimer cet article 5 sexies.

L'habilitation familiale a été créée par l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille par analogie avec le mécanisme existant au bénéfice du conjoint, en application des articles 217 et 219 du code civil. Cette habilitation permet à certains proches d'assister, de représenter ou de passer certains actes au nom d'un majeur hors d'état de manifester sa volonté, sans qu'il soit besoin de prononcer une mesure de protection judiciaire.

Cette habilitation est accordée en l'absence de conflit au sein de la famille et repose sur un principe de confiance, ce qui a conduit le législateur à n'imposer aucune obligation de reddition de comptes et aucune autorisation du juge des tutelles sur les actes de disposition, sauf ceux qui sont à titre gratuit.

Lors de la discussion de la loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance31(*), la question du cercle des proches auxquels réserver l'habilitation familiale s'était déjà posée. Le Gouvernement, à la demande de la rapporteure à l'Assemblée nationale, avait remplacé les termes « membres proches de la famille » par une énumération précise des parents, enfants, frères et soeurs ainsi que le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le concubin.

L'article 5 sexies propose d'en revenir à cette conception large et de se référer aux « parents et alliés ».

Comme l'a relevé Anne Caron-Déglise, avocate générale à la Cour de cassation, cette proposition est problématique compte tenu des conditions de fonctionnement de l'habilitation familiale : une fois cette mesure prononcée, le juge clôture le dossier et n'assure donc aucun contrôle de l'exercice de la mesure. Un cercle familial trop large augmente, selon elle, le risque de mauvaise gestion ou d'absence de gestion. Il est donc pertinent que, si de vrais liens existent, le juge désigne des membres plus éloignés de la famille au titre de la tutelle ou de la curatelle.

Selon, l'Interfédération de la protection juridique des majeurs, à l'heure où le Gouvernement souhaitait lutter contre la maltraitance, étendre l'habilitation familiale qui comporte des risques importants de maltraitance financière, était contradictoire. Les travaux menés dans le cadre des États généraux des maltraitances ont mis à jour de fréquentes confusions des comptes entre ceux des adultes protégés et ceux des habilités familiaux. Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs sont confrontés à des difficultés de même nature lorsqu'ils sont appelés à intervenir à la suite d'un habilité familial.

Le Conseil supérieur du notariat a estimé qu'une extension du cercle des personnes éligibles ne pouvait aller au-delà des neveux et nièces ou des oncles et tantes. Il a relevé, par ailleurs, diverses difficultés liées à l'imprécision des termes employés et au fait que ces personnes désignées deviendraient aptes à saisir le juge des tutelles32(*) et devraient être consultées par lui avant le prononcé de la mesure pour s'assurer de leur adhésion ou, à défaut, de l'absence d'opposition33(*).

En tout état de cause, il semble indispensable de procéder à une évaluation du dispositif avant d'en modifier le régime.

S'agissant de la possibilité pour le juge des tutelles de nommer une personne habilitée de « remplacement », la commission a exprimé les mêmes réserves que celles exprimées à l'article 5 quater34(*).

Compte tenu de ces éléments et de la position de principe de la commission quant à la méthode employée, elle a adopté l'amendement COM-107 de suppression de la rapporteure.

La commission demande à la commission des affaires sociales, compétente au fond, de supprimer l'article 5 sexies.

Article 5 octies (supprimé)
Instauration d'une passerelle entre les habilitations judiciaires
entre époux et les mesures de protection juridique

L'article 5 octies vise à instaurer une passerelle entre les habilitations judiciaires entre époux et les mesures de protection et à en assurer l'applicabilité outre-mer.

Il prévoit également l'application à Wallis-et-Futuna de la section du code civil consacrée au mandat de protection future.

Selon les professionnels, entendus, la disposition proposée paraît redondante avec d'autres articles du code civil, tandis que le mandat de protection future est déjà applicable à Wallis-et-Futuna.

Dans ces conditions, en cohérence avec la position d'ensemble qu'elle a arrêtée sur les dispositions relatives aux mesures de protection juridique des majeurs, la commission propose de supprimer cet article.

L'habilitation judiciaire permet à un époux, dès lors que son conjoint est hors d'état de manifester sa volonté, de se faire habiliter par le juge des tutelles à le représenter, d'une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l'exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l'étendue de cette représentation étant fixées par le juge35(*). Un époux peut également être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire36(*).

L'article 5 octies de la proposition de loi vise à instaurer une « passerelle » entre ces procédures et les mesures de protection juridique, afin de prévoir que le juge des tutelles saisi d'une mesure de protection juridique puisse, au nom du principe de subsidiarité, prononcer une habilitation judiciaire ou une autorisation.

Cette retouche ponctuelle du code civil, ajoutée en séance par les députés, semble redondante avec les articles 428 et 494-2 du code civil qui renvoient d'ores et déjà aux dispositions prévoyant l'habilitation judiciaire ou une autorisation.

Quant à l'application à Wallis-et-Futuna des dispositions concernant le mandat de protection future, elle est déjà effective en application de l'ordonnance n° 2012-1222 du 2 novembre 2012 portant extension et adaptation à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie des dispositions du droit civil et du droit de l'action sociale relatives à la protection juridique des majeurs.

Compte tenu de ces éléments et de la position de principe de la commission quant à la méthode employée, elle a adopté l'amendement COM-108 de suppression de la rapporteure.

La commission demande à la commission des affaires sociales, compétente au fond, de supprimer l'article 5 octies.

Article 5 nonies (supprimé)
Modification du régime de responsabilité dans le cadre de l'habilitation familiale et du mandat de protection future

L'article 5 nonies prévoit d'aligner le régime de responsabilité dans le cadre de l'habilitation familiale et du mandat de protection future sur celui prévu pour les mesures de protection judiciaire.

En cohérence avec la position d'ensemble qu'elle a arrêtée sur les dispositions relatives aux mesures de protection juridique des majeurs, la commission propose de supprimer cet article.

L'article 5 nonies de la proposition de loi vise à compléter le régime de responsabilité applicable aux personnes en charge d'une mesure de protection et à les regrouper dans un seul article du code civil.

La responsabilité du mandataire de protection future et de la personne habilitée dans le cadre d'une habilitation familiale ne serait plus fixée par renvoi à l'article 1992 du code civil relative au régime général du mandat, qui prévoit que « le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion », mais inscrite à l'article 421 du même code.

Compte tenu de la position de principe de la commission quant à la méthode employée, elle a adopté l'amendement COM-109 de suppression de la rapporteure

La commission demande à la commission des affaires sociales, compétente au fond, de supprimer l'article 5 nonies.

Article 5 decies
Création d'un registre général des mesures de protection
au 31 décembre 2026

L'article 5 decies a pour objet de créer un registre général de toutes les mesures de protection, regroupant les mesures ordonnées par le juge des tutelles et les mandats de protection future.

Ce faisant, il procèderait à l'abrogation de l'article 477-1 du code civil créé par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement, qui prévoit la publicité des mandats de protection future par une inscription sur un registre spécial dont les modalités et l'accès sont réglés par décret en Conseil d'État. Il rendrait ainsi sans objet la décision d'injonction sous astreinte rendue par le Conseil d'Etat le 27 septembre 2023 qui vise à contraindre le Premier ministre à publier au cours du premier semestre 2024 ce décret l'application qui est attendu depuis plus de 8 ans.

À l'initiative de sa rapporteure, la commission a conservé cet article 5 decies compte tenu des enjeux du partage des informations relatives aux mesures de protection juridiques, tout en maintenant le registre spécial des mandats de protection future pour conserver le bénéfice de la décision du Conseil d'Etat. La commission a également souhaité avancer à 2025 la création du registre général des mesures de protection future.

La commission propose d'adopter cet article ainsi modifié

L'article 5 decies de la proposition de loi vise à créer, au plus tard le 31 décembre 2026, un registre général de toutes les mesures de protection, regroupant les mesures ordonnées par le juge (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, habilitation familiale) et les mandats de protection future. Ce faisant, il procèderait également à l'abrogation de la disposition prévoyant le registre spécial des mandats de protection future qui n'a toujours pas vu le jour faute de décret d'application.

1. Premier constat : le registre spécial des mandats de protection future n'est toujours pas réalisé huit ans après sa création

Les mandats de protection future ne sont pas soumis à publication au répertoire civil général parce qu'ils ne résultent pas d'une décision judiciaire.

L'article 477-1 du code civil créé par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement, a prévu un registre spécial destiné à permettre au juge des juges des tutelles de s'informer de l'éventuelle existence d'un mandat de protection future avant de décider d'une mesure de protection

Huit ans après, ce registre n'existe toujours pas faute de décret d'application. Le retard pris par l'exécutif a été justifié par la volonté de créer un registre élargi à l'ensemble des mandats de protection juridique des majeurs et des directives anticipées, qui devait rendre inutile le décret en cause, mais nécessitait de modifier l'article 477-1 du code civil. Ce registre de volontés anticipées aurait ensuite lui-même été empêché par diverses difficultés d'ordre organisationnel, financier et juridique.

Le 27 septembre 2023, le Conseil d'État a enjoint la Première ministre de prendre ce décret en Conseil d'État dans un délai de six mois et a prononcé à l'encontre de l'État une astreinte de 200 euros par jour de retard37(*).

Ce manque de publicité freine considérablement le recours au mandat de protection juridique. Par ailleurs, il empêche le magistrat de mettre en oeuvre le principe de subsidiarité édicté par l'article 428 du code civil. La direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice a reconnu cette impossibilité de garantir la mise en oeuvre d'un mandat de protection future, faute de pouvoir établir son existence avec certitude, ce qui pourrait être considéré comme contraire aux engagements internationaux de la France, et notamment à l'article 3 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, signée à New York le 30 mars 2007.

2. Second constat : un registre général des mesures de protection juridique est indispensable

Il n'existe pas de publicité centralisée des mesures de protection juridique qui permettent ne serait-ce qu'aux juges des tutelles de prendre connaissance des mesures de protection judiciaire prononcées en dehors du ressort de leur tribunal.

En l'état du droit positif, les mesures de curatelle, de tutelle et d'habilitation familiale générale sont inscrites au répertoire civil et sont publiées par mention en marge de l'état civil. Les mesures de sauvegarde de justice font l'objet d'une inscription sur un répertoire tenu par chaque procureur de la République. Quant aux mandats de protection future, faute de publication du décret d'application évoqué précédemment, leur publicité n'est toujours pas effective près de quinze ans après leur création.

Toutes les personnes entendues se sont accordées sur la nécessité d'un registre dématérialisé recensant l'ensemble des mesures de protection juridique. Ce registre général serait nécessaire pour assurer le respect du principe de subsidiarité et appliquer les dispositions protectrices du code de procédure pénale adoptées à la suite de censure du Conseil constitutionnel, qui imposent dans certains cas d'aviser le curateur ou le tuteur du mis en cause. Il est aussi indispensable en vue du futur règlement européen38(*) qui prévoit un partage de ces informations pour régler les situations transfrontalières.

Il permettrait également de régler les risques de litispendance : lorsqu'il est saisi d'une demande d'ouverture d'une mesure de protection, le juge des tutelles ne dispose actuellement d'aucun moyen pour vérifier, en temps réel, qu'une mesure de protection n'a pas déjà été ouverte dans un autre tribunal.

3. La position de la commission : maintenir le registre spécial tout en créant un registre général

Compte tenu de l'enjeu de ces mesures de publicité et de centralisation de l'information, la commission a souhaité conserver l'article 5 decies. Par l'adoption de l'amendement COM-110 de la rapporteure, elle en a modifié la rédaction afin :

- de maintenir le registre spécial prévu pour les mandats de protection future pour maintenir la validité de l'injonction sous astreinte prononcée par le Conseil d'État qui incite fortement le Gouvernement à publier le décret d'application au cours du premier semestre 2024.

Dans un second temps, il sera toujours possible de faire évoluer ce registre vers un registre des mesures anticipées, un temps envisagé par le Gouvernement, recensant tous les dispositifs d'anticipation volontaire (mandats de protection future, personne de confiance, directives anticipées d'organisation de vie et non pas exclusivement de fin de vie, et, en matière patrimoniale, la fiducie) ;

- de créer un registre dématérialisé centralisant les informations de toutes les mesures de protection juridique en cours d'exécution ; le but de ce registre serait d'assurer le partage d'informations entre professionnels et non l'opposabilité aux tiers ; il semble parfois exister une certaine confusion entre ces deux notions ;

- tout en prévoyant une date d'entrée en vigueur plus rapprochée en 2025.

La commission demande à la commission des affaires sociales, compétente au fond, d'adopter l'article 5 decies ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MARDI 16 JANVIER 2024

M. François-Noël Buffet, président. - Nous sommes réunis ce matin pour l'examen du rapport pour avis d'Elsa Schalck sur la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France.

Mme Elsa Schalck, rapporteure pour avis. - La proposition de loi que nous examinons a été déposée en décembre 2022 par les députés Aurore Bergé, Laurent Marcangeli, Fadila Khattabi et plusieurs de leurs collègues pour faire écho à une promesse du Président de la République, qui avait annoncé en 2018 une grande loi pour répondre aux défis du vieillissement. Ses auteurs l'ont conçue comme « une première pierre » destinée à être largement enrichie au fil des travaux en cours menés par le Conseil national de la refondation (CNR) ou encore les États généraux des maltraitances. Ils ont été parfaitement entendus puisque son volume a quadruplé devant l'Assemblée nationale passant de 15 à 65 articles !

Ainsi, sont apparues par voie d'amendements, sans étude d'impact ni concertation avec les professionnels concernés, diverses dispositions sur la protection juridique des majeurs, dont la commission est saisie pour avis avec une délégation au fond.

La méthode employée ne me paraît pas à la hauteur des enjeux de la protection juridique des majeurs. C'est d'autant plus regrettable que de nombreux travaux ont été menés sous l'égide de la Chancellerie et des ministères sociaux. Ils invitent tous à une réflexion beaucoup plus globale. On peut d'autant plus s'étonner d'une telle approche partielle et précipitée que le Gouvernement a annoncé - par la voix d'Élisabeth Borne, alors Première ministre - l'adoption d'une loi de programmation sur l'autonomie et le grand âge avant la fin de l'année 2024.

Cette question de méthode justifie, selon moi, une suppression pure et simple de ces articles, à l'exception de l'article 5 decies, qui concerne la publicité des mandats de protection future, mesure attendue depuis plus de huit ans...

Ce contexte étant rappelé, je vous propose d'examiner les articles dont la commission est saisie, en commençant par les articles 5 et 5 bis A pour lesquels nous sommes dans le cadre d'un avis simple.

L'article 5 tend à ajouter une définition des missions des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) dans le code de l'action sociale et des familles. Je n'ai pas d'objection à cet ajout, qui répond à une attente de la profession, en quête d'une meilleure visibilité.

Je vous proposerai deux amendements pour mieux définir les principes régissant leur action par renvoi à l'article 415 du code civil et pour supprimer la référence à une charte éthique définie par arrêté ministériel. La profession des MJPM s'est déjà dotée de « repères éthiques ». Dans ces conditions, il semble inutile de prévoir une énième charte arrêtée par le ministre, et ce d'autant que les MJPM ne sont pas structurés autour d'un ordre professionnel disposant d'un pouvoir disciplinaire.

Je vous inviterai également à supprimer la disposition créant des obligations de signalement spécifiquement mises à la charge des MJPM afin de conserver les obligations de droit commun, qui semblent suffisantes.

L'article 5 bis A concerne le mécanisme d'incapacité et de contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant des fonctions - permanentes ou occasionnelles - dans les établissements, services ou lieux de vie et d'accueil du secteur social et médico-social.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi Taquet du 7 février 2022, ce contrôle des antécédents judiciaires est assuré, au moment du recrutement puis en cours d'exercice, par la délivrance du bulletin n° 2, dit « B2 », du casier judiciaire, et par l'accès aux informations contenues dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais).

La disposition proposée étendrait le champ des professionnels concernés par les interdictions d'exercice aux services de gardes d'enfants ou d'assistance aux personnes âgées et handicapées, y compris auprès d'employeurs particuliers, et autoriserait l'accès au Fijais pour procéder à des vérifications concernant des activités ou professions impliquant un contact avec des majeurs vulnérables, et non plus seulement avec des mineurs.

Il faut être conscient que ces dispositions vont augmenter le nombre de personnes pouvant faire l'objet de contrôle des antécédents judiciaires et d'une consultation du Fijais, tout en changeant la nature de ce fichier, qui a été conçu pour la protection des mineurs.

Toutefois, il me semble que l'objectif de protection de personnes en état de vulnérabilité du fait de leur âge ou de leur handicap peut justifier ces mesures, et que l'atteinte à la liberté d'entreprendre et au respect de la vie privée resterait proportionnée.

L'article 5 bis A donnerait également une base légale à la création d'un système d'information automatisant la consultation du B2 et du Fijais, et permettant de délivrer à la personne concernée un document attestant qu'il n'existe pas d'inscription entraînant une incapacité professionnelle.

Enfin, cet article prévoit la possibilité pour tout responsable d'établissement de prononcer une mesure de suspension temporaire d'activité ou d'agrément jusqu'à la décision définitive de la juridiction compétente en cas d'inscription au Fijais pour une condamnation non définitive ou en raison d'une mise en examen.

J'ai déposé un amendement pour clarifier les conditions dans lesquelles le directeur d'établissement peut être informé d'une condamnation non définitive ou d'une mise en examen. La formulation actuelle me semble ambiguë, car elle laisse penser que l'information lui serait directement accessible, ce qui semble problématique s'il s'agit de structures privées. En l'état, je suggère plutôt de se référer aux transmissions d'informations par le parquet déjà prévues par le code de procédure pénale afin d'éviter une information tous azimuts.

Enfin, afin de restreindre le recours aux mesures de suspension provisoire aux cas les plus nécessaires, il me semble souhaitable d'imposer une analyse in concreto établissant l'existence de risques pour la santé ou la sécurité des mineurs ou majeurs en situation de vulnérabilité avec lesquels la personne est en contact.

Je vous précise que les amendements que j'ai déposés sur ces deux articles ont été rédigés en concertation avec nos collègues Jocelyne Guidez et Jean Sol, rapporteurs de la commission des affaires sociales.

S'agissant des articles du titre II bis dont la commission est saisie avec délégation au fond, les professionnels que j'ai auditionnés ont critiqué assez unanimement les retouches ponctuelles apportées, qu'ils ont qualifiées d'« émiettement législatif », de « logique de silos » ou encore de « fausses bonnes idées ».

J'ai donc fait le choix de vous proposer de supprimer l'ensemble des articles additionnels 5 quater à 5 nonies, d'autant que leur rédaction n'est pas aboutie. Preuve en est le nombre d'amendements « remords » déposés par le groupe RDPI.

J'ai fait échapper à la suppression un seul article : l'article 5 decies, qui a pour objet de créer d'ici à la fin de l'année 2026 un registre général de toutes les mesures de protection juridique, regroupant les mesures judiciaires - sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, habilitation familiale - et les mandats de protection future.

Ce registre est nécessaire pour assurer le respect du principe de subsidiarité et pour appliquer les dispositions du code de procédure pénale relatives aux personnes sous tutelle ou curatelle. Il est aussi indispensable en vue du futur règlement européen relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des mesures et la coopération en matière de protection des adultes qui prévoit un partage de ces informations pour régler les situations transfrontalières.

Toutefois, l'article 5 decies procéderait également à l'abrogation de l'article 477-1 du code civil, créé par la loi du 28 décembre 2015, qui prévoit la publicité des mandats de protection future par une inscription sur un registre spécial dont les modalités et l'accès sont réglés par décret en Conseil d'État. Ce registre n'a toujours pas été créé faute de décret d'application et le manque de publicité freine considérablement le recours à cet outil de protection juridique qui laisse la place à la volonté et mériterait à ce titre d'être développé.

Une abrogation de l'article 477-1 priverait d'effet une décision du 27 septembre 2023 du Conseil d'État, qui enjoint au Gouvernement de prendre ce décret dans un délai de six mois, sous peine d'une astreinte de 200 euros par jour de retard. Je note que l'amendement COM-97 du groupe RDPI revient opportunément sur cette abrogation.

Pour ma part, je vous propose de modifier la rédaction de cet article afin de maintenir le registre prévu pour les mandats de protection future et de conserver le bénéfice de l'injonction sous astreinte prononcée par le Conseil d'État, ce qui devrait permettre une publication au cours du premier semestre 2024, mais aussi de créer un registre dématérialisé centralisant les informations des mesures judiciaires et les mandats de protection future en cours d'exécution, afin de permettre un partage d'informations, qui est souhaité par les professionnels depuis de nombreuses années.

Je vous proposerai enfin de prévoir une date d'entrée en vigueur plus rapprochée, en 2025, contre 2026 dans le texte, et ce, à l'opposé du groupe RDPI, qui souhaite un allongement à 2028. Il faut avancer, et avancer concrètement.

M. Pierre-Alain Roiron. - Je remercie la rapporteure de la clarté de ses propos. La commission des lois est saisie pour avis et au fond sur six articles. Cette proposition de loi a connu une large expansion lors de son passage à l'Assemblée nationale.

Cette évolution a permis d'intégrer des mesures essentielles visant à améliorer la qualité de vie des personnes en situation de dépendance et à combattre la maltraitance. Nous saluons notamment la création des services publics territoriaux de l'autonomie dans chaque département, la généralisation de la démarche Integrated Care for Older People (Icope) pour le dépistage précoce des fragilités ou la création d'un groupement territorial social et médico-social afin de généraliser les démarches de coopération entre les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad).

Néanmoins, ce texte ne répond pas aux défis majeurs auxquels les professionnels de santé doivent répondre. Elle laisse notamment en suspens des questions cruciales telles que la simplification de la gouvernance et les modalités de tarification des Ehpad. Le problème du reste à charge pour les familles persiste et les besoins d'investissement en formation demeurent insuffisants.

Force est de constater qu'en dépit de bonnes intentions le texte demeure à l'état préliminaire dans de nombreux domaines majeurs.

Pour ce qui concerne le titre II bis « Renforcer l'autonomie des adultes vulnérables en favorisant l'application du principe de subsidiarité », dans l'ensemble, les articles semblent aller dans le bon sens, avec la désignation par le juge des tutelles d'un curateur ou tuteur de remplacement au décès de la personne initialement désignée, la réforme du mandat de protection future ou l'élargissement de la liste des personnes habilitées à assister ou à représenter un adulte vulnérable.

Néanmoins, la suppression de l'article 5 decies après l'abrogation de l'article 477-1 du code civil appelle notre vigilance : de nombreuses associations telles que la Fédération internationale des associations des personnes âgées (Fiapa) redoutent les conséquences de la fusion des deux registres. C'est la raison de notre avis réservé.

Mme Elsa Schalck, rapporteure pour avis. - Une grande partie de vos observations relève du champ de la commission des affaires sociales. Nous maintenons l'idée d'une distinction entre les deux registres - spécial et général - pour éviter les difficultés que vous exprimez et mettre le Gouvernement face à cette responsabilité.

M. François-Noël Buffet, président. - Concernant le périmètre de l'article 45 de la Constitution, je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives aux missions des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES POUR AVIS

Article 5

Mme Elsa Schalck, rapporteure pour avis. - L'amendement COM-100 vise à définir les principes régissant l'action des mandataires judiciaires à la protection des majeurs par renvoi au code civil et à supprimer la référence à une charte éthique définie par arrêté ministériel.

L'amendement COM-100 est adopté.

Mme Elsa Schalck, rapporteure pour avis. - L'amendement COM-101 tend à supprimer les obligations de signalement spécifiques.

L'amendement COM-101 est adopté.

Article 5 bis A (nouveau)

L'amendement de clarification COM-102 est adopté.

Mme Elsa Schalck, rapporteure pour avis. - L'amendement COM-103 vise à encadrer la suspension provisoire en cas de condamnation non définitive ou de mise en examen.

L'amendement COM-103 est adopté.

L'amendement de clarification COM-104 est adopté.

EXAMEN DES ARTICLES DÉLÉGUÉS AU FOND

Article 5 quater (nouveau) (délégué)

L'amendement de suppression COM-105 est adopté. En conséquence, les amendements COM-99 et COM-93 deviennent sans objet.

La commission propose à la commission des affaires sociales de supprimer l'article 5 quater.

Article additionnel après l'article 5 quater (nouveau) (délégué)

Mme Elsa Schalck, rapporteure pour avis. - L'amendement COM-17 concerne la désignation d'un mandataire judiciaire à la protection des majeurs suppléant en cas d'empêchement. Cet amendement est l'illustration du caractère parcellaire des mesures proposées en matière de protection juridique des majeurs. Avis défavorable par cohérence avec ma position.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-17.

La commission propose à la commission des affaires sociales de ne pas adopter l'amendement COM-17 portant article additionnel.

Article 5 quinquies (nouveau) (délégué)

L'amendement de suppression COM-106 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-94 devient sans objet.

La commission propose à la commission des affaires sociales de supprimer l'article 5 quinquies.

Article additionnel après l'article 5 quinquies (nouveau) (délégué)

Mme Elsa Schalck, rapporteure pour avis. - L'amendement COM-72 concerne la création d'une déclaration de volonté en vue de protection future. Je comprends l'intention de Mme Jacquemet, qui souhaite une meilleure prise en compte de la volonté des personnes. Il me semble préférable, avant de créer ce nouveau dispositif, de consolider le mandat de protection future et d'en assurer l'effectivité par la mise en place du registre spécial. Par cohérence avec ma position sur le titre II bis, je ne souhaite pas introduire de dispositions nouvelles relatives aux mesures de protection juridique des majeurs. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-72.

La commission propose à la commission des affaires sociales de ne pas adopter l'amendement COM-72 portant article additionnel.

Article 5 sexies (nouveau) (délégué)

L'amendement de suppression COM-107 est adopté. En conséquence, les amendements COM-95 et COM-132 rectifié deviennent sans objet.

La commission propose à la commission des affaires sociales de supprimer l'article 5 sexies.

Article 5 octies (nouveau) (délégué)

L'amendement de suppression COM-108 est adopté.

La commission propose à la commission des affaires sociales de supprimer l'article 5 octies.

Article 5 nonies (nouveau) (délégué)

L'amendement de suppression COM-109 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-96 devient sans objet.

La commission propose à la commission des affaires sociales de supprimer l'article 5 nonies.

Article 5 decies (nouveau) (délégué)

Mme Elsa Schalck, rapporteure pour avis. - L'amendement COM-110 porte création d'un registre général des mesures de protection juridique en cours d'exécution tout en maintenant le registre spécial de mandats de protection future. Il modifie la date de publication du décret afin d'accélérer la procédure.

M. François-Noël Buffet, président. - Nous ne pouvons effectivement pas attendre plus longtemps la mise en oeuvre de ce dispositif positif que nous appelons de nos voeux depuis des années...

L'amendement COM-110 est adopté. En conséquence, les amendements COM-97 et COM-133 rectifié deviennent sans objet.

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 5 decies ainsi modifié.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des articles délégués, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

Le sort des amendements sur les articles pour lesquels la commission bénéficie d'une délégation au fond examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 5 quater (nouveau)

Mme SCHALCK, rapporteure pour avis

COM-105

Amendement de suppression

Adopté

Mme AESCHLIMANN

COM-99

Présence obligatoire de l'avocat aux côtés de la personne à l'égard de laquelle il est envisagé d'ordonner une mesure de protection

Satisfait
ou sans objet

Mme NADILLE

COM-93

Possibilité de substitution d'un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM) en cas d'indisponibilité temporaire

Satisfait
ou sans objet

Article additionnel après l'article 5 quater (nouveau)

Mme DESEYNE

COM-17

Désignation d'un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM) suppléant en cas d'empêchement

Rejeté

Article 5 quinquies (nouveau)

Mme SCHALCK, rapporteure pour avis

COM-106

Amendement de suppression

Adopté

Mme NADILLE

COM-94

Amendement rédactionnel

Satisfait
ou sans objet

Article additionnel après l'article 5 quinquies (nouveau)

Mme JACQUEMET

COM-72

Création d'une déclaration de volonté en vue de protection future

Rejeté

Article 5 sexies (nouveau)

Mme SCHALCK, rapporteure pour avis

COM-107

Amendement de suppression

Adopté

Mme NADILLE

COM-95

Modification du régime de l'habilitation familiale

Satisfait
ou sans objet

Mme Maryse CARRÈRE

COM-132 rect.

Suppression de l'élargissement de l'habilitation familiale aux parents ou alliés

Satisfait
ou sans objet

Article 5 octies (nouveau)

Mme SCHALCK, rapporteure pour avis

COM-108

Amendement de suppression

Adopté

Article 5 nonies (nouveau)

Mme SCHALCK, rapporteure pour avis

COM-109

Amendement de suppression

Adopté

Mme NADILLE

COM-96

Responsabilité de l'État en cas de faute du juge des tutelles, du directeur des services de greffe judiciaires et du greffier 

Satisfait
ou sans objet

Article 5 decies (nouveau)

Mme SCHALCK, rapporteure pour avis

COM-110

Création d'un registre général des mesures de protection juridique en cours d'exécution

Adopté

Mme NADILLE

COM-97

Maintien de l'article 477-1 du code civil et report de l'entrée en vigueur du registre général à 2028

Satisfait
ou sans objet

Mme Maryse CARRÈRE

COM-133 rect.

Précision quant au contenu du registre général des mesures de protection juridique

Satisfait
ou sans objet

La commission a également adopté les amendements suivants du rapporteur :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 5

Mme SCHALCK, rapporteure pour avis

COM-100

Définition des principes par renvoi au code civil et suppression de la fixation de la charte éthique par arrêté ministériel

Adopté

Mme SCHALCK, rapporteure pour avis

COM-101

Suppression des obligations de signalement spécifiques

Adopté

Article 5 bis A

Mme SCHALCK, rapporteure pour avis

COM-102

Amendement de clarification

Adopté

Mme SCHALCK, rapporteure pour avis

COM-103

Encadrement de la suspension provisoire en cas de condamnation non définitive ou de mise en examen

Adopté

Mme SCHALCK, rapporteure pour avis

COM-104

Amendement de clarification

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 39(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie40(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte41(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial42(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mardi 16 janvier 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 147 (2023-2024) portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives aux missions des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PAR LA RAPPORTEURE

Direction des affaires civiles et du sceau - Ministère de la justice

Mme Raphaelle Wach, cheffe du bureau du droit des personnes

Mme Manon Fauvernier, adjointe à la cheffe de bureau

Conseil supérieur du notariat (CSN)

Me François Devos, directeur des affaires juridiques

Mme Nathalie Baillon-Wirtz , professeure des universités

Mme Camille Stoclin-Mille, administratrice en charge des relations institutionnelles

Me Pierre Dauptain, notaire associé

Conseil national des barreaux (CNB)

Me Bernard Fau, avocat et président de la commission « Textes »

Me Charlotte Robbe, avocate et membre de la commission « Textes »

M. Charles Renard, responsable Plaidoyer et Relations institutionnelles.

Interfédération de la protection juridique des majeurs (en audition commune avec les rapporteurs de la commission des affaires sociales)

Mme Valérie Bonne, coordinatrice à l'Union nationale des associations familiales (Unaf)

M. Hadeel Chamson, délégué général de la Fédération nationale des associations tutélaires (Fnat)

Mme Guillemette Leneveu, directrice générale de l'Union nationale des associations familiales (Unaf)

Fédération nationale des mandataires judiciaires indépendants à la protection des majeurs (FNMJI)

Mme Carole Montrignac, présidente

Mme Sandrine Schwob, directrice générale

Association nationale des juges des contentieux de la protection (ANJCP)

Mme Violaine Hamidi, présidente

Avocats spécialisés en droit de la protection juridique des majeurs

Me Muriel Cadiou, avocate au barreau de Paris, responsable de la commission ouverte du droit de la famille

Me Marie-Hélène Isern-Real, avocate au barreau de Paris, responsable de la sous-commission « Protection des personnes vulnérables »

Me Véronique Tommasi, avocate au barreau de Paris, membre du conseil d'administration de l'Association française des avocats de la famille et du patrimoine

Me Vincent Delattre, avocat au barreau de Strasbourg, mandataire judiciaire à la protection des majeurs

Personnalité qualifiée

Mme Anne Caron-Déglise, avocate générale à la première chambre civile de la Cour de cassation

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Direction des affaires criminelles et des grâces, Ministère de la justice

- Me Diego Pollet, avocat au barreau de Paris, responsable de la sous-commission « Majeurs vulnérables »

- M. et Mme Martin Birchon

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-147.html


* 1 Après avoir été déposée le 15 décembre 2022, elle a été examinée par la commission des affaires sociales le 5 avril 2023. Son examen en séance, débuté le 11 avril, a été interrompu le 13 pour reprendre le 20 novembre et finalement aboutir à une adoption le 23 novembre dernier.

* 2 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/seance/session-ordinaire-de-2023-2024/premiere-seance-du-mercredi-22-novembre-2023#3298210

* 3 Articles 5 quater, 5 quinquies, 5 sexies, 5 octies et 5 nonies de la proposition de loi.

* 4 Respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne, finalité dans l'intérêt de la personne protégée et autonomie.

* 5 Le fait, pour quiconque ayant connaissance de privations, de mauvais traitements ou d'agressions ou atteintes sexuelles infligés à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives ou de continuer à ne pas informer ces autorités tant que ces infractions n'ont pas cessé est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

* 6 En particulier, la loi n° 2015-177 relative à la modernisation et à la simplification du droit, l'ordonnance n° 2015-1288 portant simplification et modernisation du droit de la famille et la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

* 7 « Repères pour une réflexion éthique des mandataires judiciaires à la protection des majeurs », ministères sociaux et ministère de la justice, 2021. Ce texte a été construit en partenariat avec la Fédération nationale des mandataires judiciaires indépendants à la protection des majeurs (FNMJI), la Fédération nationale des associations tutélaires (FNAT), l'Union nationale des associations familiales (UNAF), l'Union nationale des associations de parents d'enfants inadaptés (Unapei), le Centre de formation et de recherche sur l'aide et le soin (CFRAS), l'Association Nationale des Mandataires Judiciaires à la Protection des Majeurs (ANMJPM) et l'Association nationale des délégués et personnels des services mandataires à la protection juridique des majeurs (ANDP).

* 8 Respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne, finalité dans l'intérêt de la personne protégée et autonomie.

* 9 Définie à l'article L. 119-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF) depuis la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite « loi Taquet ».

* 10 Amendements identiques n° 1005 de la rapporteure Annie Vidal et n° 1287 de Freddy Sertin et des autres députés du groupe Renaissance

* 11 La direction générale de la cohésion sociale du ministère du travail, de la santé et des solidarités estime que le nombre de personnes concernées par cette extension s'élève à 1 million s'agissant des personnes déjà en poste.

* 12 Par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. D'abord baptisé Fijais, la lettre « V » est ensuite ajoutée à l'acronyme car des crimes n'ayant pas de caractère sexuel y sont mentionnés dès 2005.

* 13 Voir la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-904 QPC du 7 mai 2021, pour une disposition similaire (article L. 212-9 du code du sport).

* 14 Cette précision semble nécessaire notamment au regard de la décision du Conseil constitutionnel n° 2020-888 QPC du 12 mars 2021 (Mme Fouzia L.).

* 15 Il contient les informations sur les peines d'emprisonnement de deux ans et plus sans sursis, tout comme les suivis socio-judiciaires et les peines d'interdiction d'activités professionnelles ou sociales en contact avec des mineurs, le temps de leur durée d'application.

* 16 Selon la direction des affaires criminelles et des grâces, les données d'identité de 158 247 éducateurs bénévoles ont ainsi été vérifiées au FIJAISV grâce à ce système en novembre 2023.

* 17 En application de l'article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

* 18 L'article 11-2 du code de procédure pénale permet au parquet d'informer l'administration, les personnes publiques, les personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public ou les ordres professionnels de la mise en examen ou de la condamnation non définitive d'une personne qu'ils emploient, y compris à titre de bénévole, s'il estime cette transmission nécessaire, en raison de la nature des faits ou des circonstances de leur commission, pour mettre fin ou prévenir un trouble à l'ordre public ou pour assurer la sécurité des personnes ou des biens.

* 19 Amendement n° AS723.

* 20 L'article 449 fait référence à « un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables ».

* 21 Contribution de Me Diego Pollet, avocat et co-responsable de la sous-commission Majeurs vulnérables du barreau de Paris.

* 22 Cet ajout a été proposé par amendement COM-93 de Solanges Nadille et des membres du groupe RDPI.

* 23 Voir l'article 441 du code civil.

* 24 Articles 477 et suivants du code civil.

* 25 Le mandat de protection future peut également être contracté par des parents pour leur enfant mineur ou leur enfant majeur dont ils assument la charge matérielle et affective.

* 26 Ou de la personne bénéficiaire dans l'hypothèse où le mandat est établi par des parents au bénéfice de leur enfant.

* 27 Il existe même un formulaire Cerfa : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R17967.

* 28 Références Statistiques Justice 2022.

* 29 « L'évolution de la protection juridique des personnes : reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables », rapport de la mission interministérielle menée par Anne Caron-Déglise, avocate générale à la Cour de cassation, septembre 2018.

* 30 Article 477-1 du code civil, créé par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement.

* 31 Loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.

* 32 Article 494-3 du code civil.

* 33 Article 494-4 du même code.

* 34 Voir le commentaire de l'article 5 quater.

* 35 Article 219 du code civil.

* 36 Article 217 du même code.

* 37 Conseil d'État, 2ème et 7ème chambres réunies, décision du 27 septembre 2023 (n° 471646).

* 38 Proposition de règlement relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des mesures et la coopération en matière de protection des adultes COM/2023/280 final du 31 mai 2023.

* 39 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 40 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 41 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 42 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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