B. LE PROGRAMME 123 « CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER » : UNE HAUSSE BIENVENUE DES CRÉDITS PRINCIPALEMENT DESTINÉE À FINANCER LE LOGEMENT ET LA POLITIQUE DE CONTINUITÉ TERRITORIALE

Dans le PLF 2024 transmis au Sénat par l'Assemblée nationale, le programme 123, composé de huit actions, est doté de 1,1 Md€ en AE et 817 M€ en CP (contre 953 M€ en AE et 783 M€ en CP dans la LFI 2023).

1. La hausse sensible des crédits alloués à la ligne budgétaire unique (LBU)

La LBU (action 1) voit ses crédits augmenter de 49 M€ en AE et 10 M€ en CP, pour s'établir à 291 M€ en AE et 193 M€ en CP. Ce renforcement des crédits vise à financer la construction de logements sociaux (+ 19M€), la réhabilitation et l'adaptation des logements au vieillissement (+ 13,5 M€) et la lutte contre l'habitat indigne (+ 16 M€).

Le rapporteur salue cette augmentation indispensable des crédits alloués à la LBU, alors que le nombre estimé de logements indignes et insalubres dans les départements et régions d'outre-mer (DROM) s'élève à 150 000 d'après une évaluation conduite par la DGOM au printemps 2022. Les logements insalubres et indignes représenteraient ainsi près de 18 % des logements en outre-mer, contre 1,2 % en France métropolitaine.

Il insiste toutefois sur le besoin de poursuivre cet effort budgétaire dans la durée et sur la nécessité d'accélérer les livraisons de logements neufs pour atteindre l'objectif, fixé par la loi dite « EROM1(*) », de 150 000 logements neufs construits et livrés d'ici 2027. Il rappelle par ailleurs la nécessité d'améliorer la consommation des crédits alloués à la LBU, dans la lignée de la NEB sur l'exercice 2022 établie par la Cour des comptes.

2. La stabilité des crédits dédiés à l'aménagement du territoire

Les crédits de l'action 2, dédiés à l'aménagement du territoire, s'établissent à 210 M€ en AE et 161 M€ en CP et demeurent stables par rapport à l'exercice 2023.

Ces crédits ont notamment vocation à financer les nouveaux contrats de convergence et de transformation (CCT), qui couvriront la période 2024-2027 et qui devraient être signés à la fin de l'année 2023 pour permettre une mise en oeuvre dès le début de l'année 2024. Le montant des crédits consacrés à ces nouveaux CCT, tous ministères confondus, devrait s'établir à 2,3 Mds€ pour la période 2024-2027, soit une légère augmentation par rapport au montant prévu pour la précédente génération de CCT, qui était de 1,9 Md€.

Les contrats de convergence et de transformation (CCT)

Introduits par la loi dite « EROM » de 2017, les CCT se sont substitués aux contrats de plan État-région dans les DROM et aux contrats de développement dans les collectivités d'outre-mer (COM). Ils ont pour objectif de réduire les écarts de développement persistants avec la métropole. Les premiers CCT couvraient la période 2019-2022, et ont finalement été prolongés jusqu'au 31 décembre 2023.

Le rapporteur salue la hausse des moyens alloués aux CCT, qui permettront notamment de financer les réseaux d'eau et d'assainissement, les infrastructures de transports et les écoles.

Il constate toutefois la sous-consommation des montants contractualisés sur la période 2019-2022, malgré la prolongation des CCT jusqu'à la fin 2023 et souligne la nécessité de mettre en place des dispositifs pour améliorer la consommation de ces crédits.

Source : Commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires

3. L'augmentation bienvenue des crédits destinés à soutenir la politique de continuité territoriale

L'action 3, relative à la continuité territoriale, voit ses crédits augmenter de manière notable pour s'établir à 73 M€ en AE et CP (+ 23 M€).

Cette hausse des moyens dédiés à la continuité territoriale doit d'abord financer l'élargissement des publics éligibles à l'aide à la continuité territoriale, via une hausse du seuil de ressources exigé, qui passera de 11 991 € à 18 000 € par part de quotient familial. Le rapporteur se félicite de cet élargissement, qui reprend une proposition formulée par la délégation sénatoriale aux outre-mer2(*) et qui permettra de porter le taux de population éligible dans les DROM de 62 % à 77 %.

Cette augmentation des crédits vise également à renforcer les aides à la mobilité, notamment pour les étudiants dont le quotient familial est inférieur à 26 000 € à travers la prise en charge d'un aller-retour par an jusqu'à 28 ans et d'un aller-retour supplémentaire la première année, ainsi que pour les talents du monde de la culture et du monde sportif et pour les situations d'urgence (continuité funéraire, violences intrafamiliales etc.).

Enfin, ces crédits ont vocation à financer trois mesures nouvelles, issues des propositions du CIOM et prévues par l'article 55 du PLF, pour un coût estimé à 21,6 M€ :

- la création d'un « passeport pour l'installation professionnelle en outre-mer », qui a pour objectif de faciliter l'installation durable d'actifs métropolitains ayant un projet professionnel en lien avec les besoins des entreprises ultramarines, ainsi que le retour des habitants ultramarins partis effectuer leurs études en métropole, via la prise en charge de tout ou partie des frais de transports et la fourniture d'une allocation d'installation ;

- la création d'un « passeport pour la mobilité des actifs salariés », qui permettra de faciliter la formation des actifs ultramarins, notamment lorsque les formations ne sont pas proposées dans le territoire où vit l'actif concerné, et qui répond à une demande forte des actifs ultramarins ;

- la création d'un « passeport pour la mobilité des entreprises innovantes », qui vise à financer les déplacements professionnels réalisés par les salariés d'une entreprise ultramarine innovante, pour participer à des salons ou à des réunions avec des financeurs, afin de favoriser le développement de cette dernière.

4. L'évolution contrastée des moyens consacrés aux collectivités territoriales

Les crédits dédiés aux collectivités territoriales, portés par l'action 6, sont fixés à 278 M€ en AE et 237 M€ en CP. Par rapport à la LFI 2023, les AE augmentent ainsi de 3 %, tandis que les CP diminuent de 13 %.

Ces crédits financeront notamment la pérennisation des contrats de redressement outre-mer (COROM), qui seront dotés de 49 M€ en AE et 27 M€ en CP. 

Les contrats de redressement outre-mer (COROM)

Créés par la loi de finances pour 2021 , les COROM sont destinés à soutenir les communes ultramarines volontaires confrontées à de graves difficultés financières. Ces contrats triennaux conclus avec l'État garantissent aux communes signataires un appui technique ainsi qu'un appui financier prenant la forme du versement d'une subvention exceptionnelle et d'une aide à la résorption des dettes à l'égard des fournisseurs. En contrepartie, les communes ayant conclu un tel contrat s'engagent à mettre en oeuvre des réformes pour mieux maîtriser leurs dépenses, déployer des procédures de gestion et améliorer la qualité comptable.

Neuf communes ont signé un COROM dans le cadre de la première vague 2021-2023 et treize communes ont été sélectionnées dans le cadre de la deuxième vague. Le premier bilan tiré de ce dispositif apparaît plutôt positif, comme la délégation de la commission en Martinique, en Guadeloupe, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin a pu le relever lors de son déplacement en avril 20233(*)

. La plupart des communes signataires sont désormais engagées dans une dynamique vertueuse, ont apuré une partie des dettes contractées auprès de leurs fournisseurs et retrouvé une capacité d'autofinancement. Ce dispositif a également permis une montée en compétences des agents communaux, notamment dans le domaine des finances.

Face à la persistance des difficultés financières auxquelles sont confrontées les collectivités d'outre-mer et compte tenu du bilan positif des premiers COROM, la commission juge bienvenue cette pérennisation et soutient le lancement d'un nouvel appel à candidatures pour la période 2024-2026, afin de signer des contrats avec de nouvelles communes.

Ces crédits financeront également la pérennisation du soutien au syndicat mixte de gestion et d'assainissement des eaux de Guadeloupe (SMGEAG), avec une dotation de 20 M€.

5. L'évolution des crédits des autres actions financées par le programme 123

L'action 8, qui concerne le fonds exceptionnel d'investissement (FEI), est dotée de 160 M€ en AE et 87 M€ en CP. Créé en 2009, ce fonds apporte une aide financière aux personnes publiques réalisant des investissements qui portent sur des équipements publics collectifs participant de façon déterminante au développement économique, social, environnemental et énergétique local. Les crédits alloués au FEI ont été majorés par plusieurs amendements adoptés par l'Assemblée nationale et retenus par le Gouvernement, afin de financer des opérations relatives aux réseaux d'eau et d'assainissement, notamment à Mayotte, ainsi que des opérations relatives aux traitements des déchets et à la lutte contre les sargasses.

Les crédits de l'action 9, dédiés à l'appui aux financements bancaires, sont en baisse et s'établissent à 46 M€ en AE et 33 M€ en CP (contre 53 M€ en AE et 36 M€ en CP dans la LFI 2023). D'après les réponses au questionnaire budgétaire, la baisse de 7 M€ en AE est due à « un engagement pluriannuel réalisé en 2023 pour la société de gestion des fonds de garantie d'outre-mer (SOGEFOM) et le dispositif KIWA, qui vise à financer des projets de lutte contre le réchauffement climatique ».

Enfin, le montant des crédits dédiés à l'action sanitaire et sociale, à la culture, à la jeunesse et aux sports (action 4) ainsi qu'à l'insertion économique et à la coopération régionales (action 7) est identique aux montants prévus par la LFI 2023.


* 1 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer.

* 2 Rapport d'information de M. Guillaume Chevrollier et Mme Catherine Conconne, « La continuité territoriale outre-mer », 30 mars 2023.

* 3 Rapport d'information de François-Noël Buffet, Philippe Bonnecarrère, Henri Leroy et Marie-Pierre de La Gontrie et Cécile Cukierman, « Guadeloupe, Martinique, Saint-Barthélemy et Saint-Martin : 4 territoires de la République dans la Caraïbe », 12 juillet 2023.

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