IV. LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SUR LE DISPOSITIF D'INVESTISSEMENT LOCATIF DIT PINEL

Votre rapporteur a souhaité examiner plus longuement la question du dispositif d'investissement locatif dit dispositif Pinel, objet de critiques récurrentes.

A. UN DISPOSITIF DESTINÉ À SOUTENIR LA CONSTRUCTION DE LOGEMENTS INTERMÉDIAIRES QUI S'INSCRIT DANS LA LIGNÉE DE DISPOSITIFS D'INVESTISSEMENT LOCATIF MIS EN PLACE DEPUIS 1984

1. Un dispositif qui s'inscrit dans la lignée des dispositifs d'investissement locatif mis en place depuis 1984

Comme l'a rappelé à votre rapporteur M. Michel Mouillart, professeur d'économie à l'université Paris Dauphine, les propriétaires bailleurs se sont désengagés à la fin des années 70, en raison de l'adoption de plusieurs dispositions fiscales (instauration de l'impôt sur les grandes fortunes en 1982, loi Monory de 1978 incitant fiscalement à une orientation de l'épargne vers les marchés financiers ; mise en place de réduction du taux d'abattement forfaitaire sur les revenus fonciers) qui les a amenés à se tourner vers les placements mobiliers. En 10 ans, le parc locatif privé perdra 540 000 logements pour atteindre 4,3 millions de logements à la fin des années 1980.

Pour enrayer la baisse importante de la construction, le gouvernement va instaurer en 1984 un dispositif fiscal d'incitation à la construction neuve, appelé dispositif Méhaignerie. Plusieurs dispositifs vont lui succéder sous des formats et des conditions différents sans discontinuer.

Le dispositif actuellement applicable a été créé par l'article 80 de la loi de finances pour 2013 pour prendre la suite du dispositif dit Scellier qui arrivait à extinction. Avec ce dispositif dit Duflot, les particuliers construisant ou acquérant un ou deux logements neufs et le louant pendant 9 ans au moins sous conditions de ressources du locataire et de loyer peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt de 18 % étalée sur 9 ans, dans la limite de 300 000 euros et d'un plafond fixé à 5 500 € par mètre carré de surface habitable.

L'article 5 de la loi de finances pour 2015 a assoupli ces conditions afin d'améliorer l'attractivité du dispositif désormais rebaptisé dispositif Pinel.

Ainsi, le dispositif Pinel laisse le choix de la durée d'engagement de location : 6 ou 9 ans. À l'issue de cette première période, le bénéficiaire peut décider de prolonger cette durée de trois années supplémentaires, renouvelable une fois lorsque la durée initiale est de 6 ans, pour atteindre au total une durée de 12 ans.

La réduction d'impôt varie également en fonction de la durée d'engagement de location choisie : 12 % pour 6 ans de location, 18 % pour 9 ans et 21 % pour 12 ans.

Selon la direction générale du Trésor, la grande majorité des bénéficiaires du dispositif ont choisi une location pour une durée de 9 ans.

Durée

Nombre de contribuables concernés

Investissements réalisés en 2015

6 années

4 868

9 années

11 256

Source : Ministère des finances - Félin 2015 (IR 2016). Investissements réalisés en 2015 en Métropole.

Le dispositif ayant été instauré en 2014, aucun contribuable n'est parvenu à l'issue de la première période. Il n'y a donc pas de données concernant le nombre de bénéficiaires ayant opté pour un engagement de 12 ans.

2. Un dispositif destiné à soutenir la construction de logements intermédiaires dans les territoires où le besoin est attesté
a) Un dispositif destiné à soutenir la construction de logements

Depuis 1995, selon la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), le nombre de logements neufs réservés à des investisseurs a varié entre 25 000 en 1995 et 69 000 en 2004. Pour 2016, 67 284 logements ont été réservés en vue d'une location. La quasi-totalité des ventes à investisseurs serait réalisée dans le cadre d'un dispositif fiscal d'aide à l'investissement locatif.

Source : FPI au 16 novembre 2017.

Source : FPI au 16 novembre 2017.

Dans son rapport évaluant l'efficacité des dépenses fiscales en faveur du développement et de l'amélioration de l'offre de logements annexé au projet de loi de finances pour 2018, le gouvernement constate que 59 044 ménages sont bénéficiaires de l'avantage fiscal Pinel. Il explique la divergence de chiffres avec la FPI par le nombre d'investissements par contribuable et par un décalage temporel, la dépense n'étant comptabilisée qu'à compter de l'achèvement du logement.

Évolution du coût de la dépense et du nombre de bénéficiaires

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Dépense fiscale (M€)

-

20

77

191

354

554

Nombre de bénéficiaires (ménages)

nc

7106

25307

59 044

nc

nc

Source : DGFiP - rapport évaluant l'efficacité des dépenses fiscales en faveur du développement et de l'amélioration de l'offre de logements annexé au projet de loi de finances pour 2018.

b) Un dispositif dont les conditions sont calibrées pour correspondre au loyer du logement intermédiaire

Le dispositif Pinel a vocation à permettre le logement de ménages modestes dont les revenus sont trop élevés pour accéder au parc social mais trop faibles pour accéder au parc privé libre. Le bénéficiaire du dispositif Pinel doit ainsi respecter des conditions de ressources pour le locataire selon les barèmes suivants.

Plafonds de ressources (en euro)

composition du foyer locataire

Zone A bis

Reste de la zone A

Zone B 1

Zone B 2

Zone C

Personne seule

37 126

37 126

30 260

27 234

27 234

Couple

55 486

55 486

40 410

36 368

36 368

Personne seule ou couple ayant une personne à charge

72 737

66 699

48 596

43 737

43 737

Personne seule ou couple ayant deux personnes à charge

86 843

79 893

58 666

52 800

52 800

Personne seule ou couple ayant trois personnes à charge

103 326

94 579

69 014

62 113

62 113

Personne seule ou couple ayant quatre personnes à charge

116 268

106 431

77 778

70 000

70 000

Majoration par personne à charge supplémentaire à partir de la cinquième

+ 12 954

+ 11 859

+ 8 677

+ 7 808

+ 7 808

L'avantage fiscal a également été calibré afin de viser des loyers situés à un niveau intermédiaire entre le parc social et le parc privé . Ainsi, les loyers doivent en principe se situer à un prix inférieur de 20 % des loyers du marché. Le loyer fixé ne doit pas dépasser les plafonds suivants :

Zone A bis

Reste de la zone A

Zone B 1

Zone B 2

Zone C

Plafonds de loyer mensuel, par mètre carré, charges non comprises

16,83 €

12,50 €

10,07 €

8,75 €

8,75 €

Le gouvernement a demandé aux préfets de région à compter du 1 er janvier 2014 de ne plus moduler les plafonds de loyer comme ils pouvaient le faire auparavant afin de stabiliser le dispositif.

Les bénéficiaires de l'avantage fiscal peuvent louer le logement à des ascendants ou à des descendants.

c) Un dispositif orienté vers les zones où il existe des besoins de logements intermédiaires

Le dispositif Pinel n'est pas applicable sur l'ensemble du territoire mais uniquement dans certaines zones. Ce zonage doit permettre d'orienter le dispositif vers les territoires où il existe un déficit de logements intermédiaires. Il doit aussi favoriser la protection de l'investisseur en orientant les investissements vers des territoires où il existe une demande de logement. Il convient en effet de rappeler que l'investisseur à un an pour trouver un locataire et qu'à défaut, il perd le bénéfice de la réduction d'impôt ce qui pourrait le contraindre à vendre le logement rapidement et à perte. Des investisseurs avaient rencontré de telles déconvenues avec le dispositif de Robien en acquérant des logements dans des communes où la demande n'existait pas.

Ainsi, le dispositif Pinel peut s'appliquer à la construction d'un logement :

- situé dans des communes « classées, par arrêté des ministres chargés du budget et du logement, dans des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements entraînant des difficultés d'accès au logement sur le parc locatif existant », soit les logements situés en zones A bis, A et B1 ;

- situé dans des communes « caractérisées par des besoins particuliers en logement locatif », c'est-à-dire appartenant à la zone B2, ayant fait l'objet d'un agrément du préfet de région après avis du comité régional de l'habitat et de l'hébergement. À titre d'exemple, en Occitanie, le préfet a pris en compte la dynamique démographique, le niveau des prix de l'immobilier et le taux d'effort des locataires du parc locatif privé. Au 1 er juillet 2017, 902 communes de la zone B2 sur 3 687 ont obtenu un agrément ;

- situé, depuis le 1 er janvier 2017, dans des communes « caractérisées par des besoins particuliers en logement locatif liés à une dynamique démographique ou économique particulière » ayant fait l'objet d'un agrément du préfet de région après avis conforme du comité régional de l'habitat et de l'hébergement. Le décret du 4 mai 2017 4 ( * ) a précisé qu'étaient ainsi concernées les communes de la zone C et qui appartiennent à un établissement public de coopération intercommunale « se caractérisant sur une même période par une croissance constatée à la fois de leur population et de leur nombre d'emplois au lieu de travail plus importante que celle constatée pour le quartile des établissements publics de coopération intercommunale les plus dynamiques au niveau national ». Pour déterminer l'évolution des besoins peuvent notamment être pris en considération : l'évolution de la population, le nombre de mises en chantier annuelles, le nombre de demandes de logements sociaux, le niveau des prix des logements neufs et anciens, le niveau des loyers des logements du parc locatif privé ou encore l'évolution du nombre d'emploi au lieu de travail. Au 26 septembre 2017, on dénombre 16 agréments en zone C.

Source : ministère du logement.

En 2015, 2,95 % des logements Pinel étaient construits en zone A bis , 23,2 % en zone A, 60,9 % en zone B1 et 12,94 % en zone B2.

Répartition de la part de chaque dispositif selon les zones

Zone

Scellier

Scellier intermédiaire

Duflot

Pinel

2013

2014

2015

2013

2014

2015

2013

2014

2015

2014

2015

A bis

8,57 %

12,15 %

12,55 %

4,36 %

6,73 %

6,55 %

1,45 %

2,35 %

5,95 %

2,12 %

2,95 %

A

33 %

35,3 %

32,20 %

27,53 %

27,98 %

28,50 %

18,52 %

22,78 %

29,49 %

21,39 %

23,2 %

B1

42,29 %

40,06 %

40,84 %

52,74 %

52,6 %

49,17 %

61,62 %

61 %

54,99 %

63,53 %

60,92 %

B2

15,97 %

12,16 %

13,84 %

15,29 %

12,56 %

15,56 %

18,41 %

13,88 %

9,58 %

12,97 %

12,94 %

C

0,17 %

0,33 %

0,58 %

0,08 %

0,13 %

0,22 %

-

-

-

-

-

Source : Réponse au questionnaire budgétaire.


* 4 Décret n° 2017-761 du 4 mai 2017 relatif à l'agrément et au classement des communes pour l'application du quatrième alinéa du IV de l'article 199 novovicies du code général des impôts et à l'actualisation pour l'année 2017 des plafonds de loyer et de ressources des locataires prévus pour l'application du III du même article.

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