Colloque Europe centrale du 5 février 2004


Table des matières


Europe centrale : pleins feux sur la République tchèque et la Slovaquie
Actes du colloque du jeudi 5 février 2004

Sous le haut patronage de M. Christian Poncelet, Président du Sénat
et sous l'égide des Groupes interparlementaires France-République tchèque
et France-Slovaquie

En présence de :
S. Exc. Maria KRASNOHORSKA, Ambassadeur de Slovaquie en France
S. Exc. Pavel FISCHER, Ambassadeur de la République tchèque en France
Florence DOBELLE, Chef de la Mission économique à Prague
Dominique LAPIERRE, Chef de la Mission économique à Bratislava


Ouverture


Christian PONCELET, Président du Sénat

Bonjour à tous et à toutes. Le Sénat est particulièrement fier d'accueillir aujourd'hui ce colloque économique sur la République tchèque et la Slovaquie, à quatre mois de l'entrée officielle de ces deux pays amis dans l'Union européenne. Je vous adresse mes souhaits de très cordiale bienvenue. Je tiens à remercier les représentants d'UBIFRANCE -ex CFCE- pour leur contribution active à l'organisation de cette rencontre. Je voudrais également saluer le concours précieux que nous apporte aujourd'hui le Centre d'Etudes et de Recherches Internationales (CERI) dont le Directeur, Monsieur Jaffrelot, nous fait l'honneur de sa présence.

Je note que notre colloque est une sorte de retour aux sources ; en effet, en 1998 et en 1999, nos deux premières rencontres de ce type avaient déjà porté sur la République tchèque et la Slovaquie ; depuis lors, nos prévisions ne se sont pas démenties. Nous voyons là toute l'importance du chemin parcouru par nos amis tchèques et slovaques depuis cinq ans, sur la voie de l'Europe élargie.

Pour m'en tenir au seul aspect économique, je constate que ces deux pays ont d'abord dû, en très peu de temps, modifier des pans entiers de leur législation, pour la mettre en conformité avec les exigences européennes. Le travail à accomplir était d'autant plus ardu que leurs textes économiques fondateurs étaient encore marqués par certaines survivances du régime collectiviste antérieur. Il fallait beaucoup de courage pour engager ces réformes aussi rapidement. Je suis très admiratif du travail considérable qui a été accompli dans ce domaine, et plus admiratif encore lorsque je le compare aux retards que nous, Français, accumulons pour la transposition des directives européennes et pour la publication des textes réglementaires d'application.

La perspective de l'adhésion a par ailleurs induit un très ample mouvement de privatisation, tant en République tchèque qu'en Slovaquie. Ces deux pays ont dû ouvrir leurs frontières économiques aux opérateurs étrangers avec, bien sûr, la remise en cause de situations acquises que cette évolution pouvait impliquer. Il est sans doute trop tôt pour porter un jugement définitif sur cette rénovation profonde des systèmes juridiques et commerciaux tchèques et slovaques, mais force est de reconnaître, dès à présent, que les économies de ces deux futurs partenaires se portent dans l'ensemble assez bien.

En République tchèque, la croissance reste à la hausse, même si les taux de 2002 et 2003 ont marqué un léger ralentissement par rapport à ceux enregistrés quelques années auparavant. Dans le même temps, les investissements directs étrangers sont passés de 2,5 milliards de dollars en 1995 à 8 milliards de dollars en 2002, signe de la confiance que l'économie du pays inspire aux milieux d'affaires internationaux, en Europe notamment. La Slovaquie affiche des résultats encore plus favorables, avec un taux de croissance de plus de 4,4 % en 2002, un des plus élevés d'Europe centrale.

Les investissements étrangers ont augmenté de près de 40 fois depuis 1995, atteignant aujourd'hui 4 milliards de dollars. La presse économique occidentale n'hésite d'ailleurs plus à envisager, à propos de la Slovaquie, la naissance - non pas d'un dragon - mais d'un « tigre européen », pour reprendre l'expression du dernier Courrier des Pays de l'Est.

Bien sûr, ces réformes ont imposé des sacrifices à une population qui n'y était pas toujours bien préparée. Je songe, en particulier, au taux de chômage, assez élevé en République tchèque - environ 9 % de la population active en 2002 - et plus encore en Slovaquie, avec près de 17 % sur la même période. De fait, les restructurations industrielles liées aux privatisations ont entraîné un nombre considérable de suppressions d'emplois, et avec elles, une certaine méfiance dans l'opinion publique face à l'ouverture des frontières. Que ces deux pays se rassurent : d'autres Etats -dont la France- ont aussi connu ces difficultés, mais l'Europe leur permet de mieux y faire face.

Plutôt que d'aligner les indicateurs économiques - je laisse ce soin aux spécialistes du CERI qui, dans quelques instants, vont vous présenter leur « tableau de bord des pays d'Europe centrale » -, je voudrais surtout souligner le capital de confiance et d'intérêt dont la République tchèque et la Slovaquie jouissent dans les milieux économiques d'Europe de l'Ouest. J'en veux pour preuve l'implantation rapide des grandes compagnies européennes, aussi bien en République tchèque - Peugeot, Citroën, Vivendi, etc. - qu'en Slovaquie (comme, à nouveau, le groupe Peugeot qui va investir 710 millions d'euros dans sa nouvelle usine).

D'autres leaders n'ont pas hésité à s'implanter dans l'un ou l'autre de ces deux pays, par exemple Carrefour dans le secteur de la grande distribution, ou la Société Générale dans celui des activités bancaires. Sans compter que le développement économique des nouveaux adhérents offre aussi des opportunités à nombre de petites et moyennes entreprises, qui trouvent utilement à employer leur savoir-faire en Europe centrale. Elles y trouvent généralement une main d'oeuvre de qualité, bien formée et prête à s'engager : voilà des atouts précieux car, comme je le répète souvent, la compétitivité d'une entreprise dépend avant tout de la qualité des hommes.

Beaucoup voient le prochain élargissement de l'Union européenne comme un sujet d'inquiétude. Pour ma part, je préfère y voir une chance exceptionnelle. Les entreprises tchèques et slovaques vont saisir cette chance. Les entreprises françaises devront être aussi réactives.

Je suis persuadé qu'avec les conseils éclairés d'UBIFRANCE et l'expertise du CERI, tous les participants à ce colloque partageront à l'issue de vos travaux, non seulement ma conviction - j'allais dire mon enthousiasme - mais surtout l'amitié et l'attachement sincères que le Sénat porte à nos amis tchèques et slovaques.

A tous, je souhaite de fructueux travaux, en espérant que vous garderez de votre passage au Sénat un bon souvenir qui vous incitera à y revenir.

Paul GIROD Sénateur de l'Aisne

Mesdames Messieurs, je m'exprime au nom du groupe d'amitié France-Slovaquie, et au nom du groupe d'amitié France-République tchèque dont le Président, mon collègue Philippe NACHBAR, n'a pas pu se joindre à nous ce matin. Ces deux groupes travaillent pour que des liens puissants se maintiennent entre le Parlement français et le Parlement de ces deux républiques. Au moment de la séparation entre République tchèque et Slovaquie, une certaine incompréhension régnait en France ; nos groupes d'amitié se sont justement assigné pour but de maintenir des liens avec les deux pays. Nous nous réjouissons aujourd'hui de constater qu'ils entrent ensemble dans l'Union européenne, et ont continué à collaborer.

Evidemment, nous mesurions les exigences fortes imposées par l'Union européenne aux pays candidats à l'adhésion. Ces exigences pouvaient même être ressenties comme un droit d'entrée lourd à payer pour revenir dans un ensemble auquel la République tchèque et la Slovaquie appartenaient naturellement. Je pense donc que nous devons avoir, pour ce colloque, un point de repère clair : Slovaquie et République tchèque ont dû consentir d'importants sacrifices pour atteindre leur situation actuelle, tant d'un point de vue politique qu'économique. Je souhaite pour ma part que les liens entre la France, la République tchèque et la Slovaquie se renforcent. Je crois également que l'entrée de ces deux pays dans l'Union européenne marquera un tournant fort dans l'histoire de notre continent.

Christian PONCELET

Il est vrai que notre connaissance des pays d'Europe de l'Est, pendant l'époque communiste, était très mauvaise. En effet, certains voulaient nous présenter ces régimes comme paradisiaques, mais les gens se sont rapidement rendus compte que la situation était bien différente.

Christophe JAFFRELOT, Directeur du Centre d'Etudes et de Recherche Internationales (CERI)

Je souhaite tout d'abord remercier le Sénat de nous accueillir aujourd'hui pour ce colloque consacré à la Slovaquie et la République tchèque. J'adresse également mes remerciements au CFCE, pour l'organisation de cette rencontre. Pour le CERI, l'Europe centrale est devenue une zone prioritaire, en raison de la sous-information, voire de la désinformation qui touche encore cette zone géographique. Le CERI conduira plusieurs actions pour mieux connaître les pays d'Europe centrale, et ceci dès cette année. Ainsi, le nombre de chercheurs dédiés à l'étude de cette zone se renforcera. Nous préparons en outre de nouvelles publications - l'une sera notamment consacrée à la République tchèque -, et organiserons plusieurs colloques. Par ailleurs, nous continuerons à publier le Tableau de bord des pays d'Europe centrale et orientale, document devenu, pour le CERI, une véritable institution.

Trop souvent les chercheurs sont accusés de vivre dans une tour d'ivoire, sans lien avec la société. Or le tableau de bord est à destination des entreprises et des administrations. Il s'agit d'une logique nouvelle pour les chercheurs, et force est de constater que cette publication est un succès. Des entreprises ont désormais accès aux expertises conduites par notre Centre, ce qui constitue de toute évidence une approche nouvelle. Cette étude constitue en outre un produit d'appel, et je souhaite vivement qu'il amène les entreprises à travailler plus largement avec nous.

Agnès GABORIT, Directrice Evénements et prospectives marchés, UBI FRANCE

Ce colloque est la troisième édition de la collaboration que nous conduisons avec le CERI, pour présenter le Tableau de bord sur les pays d'Europe centrale et orientale, établi par ce Centre de recherche. L'année dernière, la réunion avait porté sur quatre pays d'Europe centrale et orientale. Cette année, nous avons décidé de nous consacrer à la Slovaquie et à la République tchèque, en raison de la masse des investissements occidentaux réalisés dans ces deux pays. Je ne vous citerai que quelques chiffres : la France se place au quatrième rang des investisseurs en République tchèque, et le deuxième en Slovaquie. C'est la raison pour laquelle que nous avons décidé d'inviter plusieurs représentants de grandes sociétés françaises - Carrefour, PSA, Société Générale -, qui y réalisent d'importants investissements. Nous allons auparavant écouter les Ambassadeurs de Slovaquie et de République tchèque en France.

Regard de deux pays d'Europe centrale sur l'Union européenne à la veille de leur adhésion


Son Excellence Maria KRASNOHORSKA, Ambassadeur de Slovaquie en France

C'est un grand honneur pour moi de participer à ce colloque, consacré à la République tchèque et à la Slovaquie, dont l'importance est évidente. Son cadre m'inspire quelques remarques. Tout d'abord, je souhaite poser une question quelque peu provocatrice. Il y a dix ans, trois pays, en Europe, ont subi une division : la Yougoslavie, l'URSS et la Tchécoslovaquie ; imaginez-vous d'inviter conjointement des représentants des Etats qui composaient initialement l'un ou l'autre de ces deux premiers pays ? Dans le même temps, inviter conjointement les Ambassadeurs de la République tchèque et de la Slovaquie constitue une évidence. Par ailleurs, nous ne pouvons que souligner les relations extraordinaires, d'un point de vue culturel, existant entre les Tchèques et les Slovaques.

Le premier accord de coopération avec l'Union européenne a été signé en 1992. Par la suite, la Slovaquie et la République tchèque ont poursuivi des discussions séparées en vue de leur adhésion. Je dois rappeler à ce titre que, dans un premier temps, la Slovaquie a été écartée de la vague de nouvelles adhésions décidée en 1997, et a subi dans ce cadre un retard de deux années. Force est de constater qu'elle a rapidement comblé son retard, notamment grâce à l'aide conséquente apportée par ses voisins. Ainsi, solidarité et maturité caractérisent de toute évidence l'Europe centrale.

En décembre dernier, beaucoup de gens ont été très déçus de constater que les chefs d'Etat et de Gouvernement n'ont pas pu trouver un consensus sur le texte du projet de Constitution. La Slovaquie a partagé cette déception, considérant que le cadre de la future grande Europe devait être tracé. Pour autant, nous estimons que cela ne constitue en aucun cas une tragédie. Pour autant, une véritable coopération doit voir le jour, et doit associer tous les partenaires, faute de quoi la chance qui est devant nous se trouverait réduite à néant. Nous aurions également de réelles difficultés à expliquer aux 92 % de Slovaques qui se sont prononcés en faveur de l'adhésion que l'Union européenne se trouverait dans l'incapacité de tracer le cadre de nos relations futures. Je dois dire enfin que notre confiance dans l'actuelle présidence irlandaise, comme d'ailleurs plus généralement, à tous nos partenaires européens.

Son Excellence Pavel FISCHER, Ambassadeur de République tchèque en France

C'est pour moi un grand plaisir de pouvoir intervenir dans le cadre de ce colloque, qui met toute la lumière sur nos deux pays. Je me limiterai à trois remarques, essentiellement lexicales : tout d'abord, le Petit Robert, à propos du vocable « adhérer », indique que l'adhésion est synonyme notamment de « coller », « d'être partisan de ». Nous oublions en effet parfois le sens du terme « adhésion » : il faut « être partisan de ». Nous oublions également pourquoi nous souhaitons autant faire partie du projet européen ; force est de constater que les mots manquent parfois.

La transposition de l'acquis européen dans nos pays est évidemment un devoir, que nous nous employons à remplir. Mais c'est aussi un cadeau et plus généralement, je crois qu'il s'agit d'un projet que nous devons conduire ensemble.

Il est souvent dit que notre entrée dans l'Union va provoquer de nouvelles délocalisations, de France vers nos pays. Ça n'est pas toujours vrai. Ainsi, pour la filière textile, par exemple, les délocalisations n'ont pas lieu en République tchèque ou en Slovaquie. Si l'industrie textile n'existe plus en France, elle n'existe plus non plus en République tchèque. Je crois enfin pouvoir dire que l'intégration européenne doit être un jeu gagnant/gagnant, ce ne doit pas être un jeu à somme nulle. Ce point doit clairement demeurer dans nos esprits.

Europe centrale : les enseignements du Tableau de bord 2003 du CERI


Jean-Pierre PAGE, Consultant au CERI - Sciences Po, Directeur du « Tableau de bord des pays d'Europe centrale et orientale »

Je parlerai peu de la République tchèque et de la Slovaquie, qui ont déjà été évoquées par le Président Poncelet. Je vous présenterai plutôt une vue d'ensemble des pays d'Europe centrale.

I. Quelques données économiques prometteuses

Nous devons tout d'abord souligner la remarquable résistance de cette zone à la crise mondiale. Cette croissance s'est manifestée par une forte croissance. Pour les cinq pays d'Europe centrale, en effet, le PIB a augmenté de 2,2 % en 2002 et de 3 % en 2003, croissance supérieure de deux points à celle de la zone euro en 2002.

Entre 1995 et 2003, la croissance dans la région a atteint 3,5 % par an, là encore supérieure à celle de l'Union européenne sur la même période. La croissance est encore plus remarquable dans les Etats baltes, que nous pouvons considérer comme de « petits tigres » : + 6 % par an depuis 2000. Ce mouvement général est d'autant plus remarquable qu'il n'a pas compromis la stabilité financière. La croissance n'est en effet pas tirée par la demande externe, celle-ci étant même en recul. C'est bien la demande domestique qui a tiré la croissance, en prenant le relais de la demande extérieure, le commerce extérieur apportant une contribution faible, voire négative.

La demande publique a également soutenu la croissance. En effet, ces pays ont conduit une politique de finances publiques plus accommodante et une politique monétaire assouplie. Tout se passe comme si une politique keynésienne avait été mise en place pour compenser l'affaiblissement de la demande externe. Cela est remarquable, dans la mesure où la stabilité financière n'a pas été remise en cause. Ainsi, la décélération de l'inflation s'est poursuivie ; l'équilibre extérieur ne s'est pas détérioré, il s'est même amélioré. Le déficit commercial des cinq pays d'Europe centrale s'est en effet nettement réduit. La balance des transactions courantes s'est maintenue. La bonne tenue du commerce extérieur est d'autant plus remarquable que les monnaies ont eu tendance à s'apprécier. Cette appréciation s'est effectuée tant par rapport au dollar qu'à l'euro.

II. Des difficultés à surmonter

Pour autant, une zone de fragilité existe : il s'agit des finances publiques. En effet, le déficit public s'est dégradé dans les quatre pays du groupe de Visegrad, passant de 5 % à 8 % en l'espace de deux années. En 2003, les chiffres demeurent élevés, même si une réduction est perceptible en République tchèque et en Hongrie. En Pologne et en Hongrie, la réforme du système des retraites, qui a été récemment lancée, a clairement pesé sur les finances publiques. La restructuration des banques en République tchèque a également pesé sur les finances de ce pays.

En outre, la situation de l'emploi demeure un point noir : en 2002, pour l'ensemble des pays candidats, l'emploi se situait à 80 % du niveau de 1989. Ce fait conduit certains économistes à parler de croissance sans emploi. Sans partager totalement ce point de vue, je pense que cette donnée doit clairement nous interroger. En ce qui concerne la productivité industrielle, les pays d'Europe centrale et orientale ont connu une forte amélioration, tout en créant peu d'emplois. Le chômage des cinq pays d'Europe centrale s'est accru au cours des trois dernières années (15,7 % en 2003) ; la Pologne subit un taux de chômage proche de 20 % ; en Slovaquie, il s'élevait encore à 17 % en 2003.

Malgré l'assouplissement des politiques monétaires, les taux d'intérêt demeurent très élevés et dissuasifs pour les emprunteurs du secteur productif. Ces taux sont supérieurs à 10 % en Hongrie et en Pologne. Dans ces conditions, le secteur bancaire éprouve des difficultés à jouer son rôle d'intermédiation. Les marchés financiers sont encore marginaux pour le financement des entreprises.

III. Zoom sur quelques pays

La Pologne a posé problème au cours des dernières années, en perdant son statut de « meilleur élève ». Aujourd'hui, la situation s'améliore : la croissance reprend (3,5 % en 2003), le commerce extérieur demeure favorable, l'inflation est faible. Dans le même temps, le chômage est au plus haut, les finances publiques sont encore dans une situation critique. La réforme du secteur agricole constitue également un réel problème.

La Hongrie, quant à elle, connaît une détérioration de sa situation. Elle a accompli un effort de rattrapage important en ce qui concerne les salaires publics, ce qui a creusé le déficit. Le déficit extérieur a également crû : certains investissements se sont dirigés vers d'autres pays. La monnaie hongroise a par ailleurs, subi des attaques.

La Slovénie pourrait être considérée comme « l'homme tranquille » de la région. La stabilité politique est de mise, la croissance est modérée tout en demeurant constante. L'inflation décélère doucement. On ne constate pas de déséquilibres marqués et le taux de chômage est globalement modéré.

Les pays baltes, y compris la Lituanie, se portent bien.

IV. Conclusion

En conséquence, la situation économique, à l'orée de l'entrée dans l'Union européenne, est globalement satisfaisante. Tous ces pays ne doivent pas se précipiter trop vite vers l'euro. En effet, il y a là un danger au vu des contraintes imposées par la zone euro et le SME bis. Une certaine souplesse doit être conservée au niveau des finances publiques et des taux de change. En outre, nous devons mentionner le sentiment de déception dans une partie de la population : en Pologne, 53 % de citoyens considèrent que leur situation s'est détériorée au cours des dix dernières années, 70 % des Bulgares pensent de même. L'insuffisance du rattrapage est la principale cause de cette déception. Par ailleurs, le chômage demeure préoccupant, comme les inégalités de revenus, ces dernières ayant partout augmenté. Enfin, la pauvreté demeure élevée en Bulgarie et en Roumanie, des poches existent également en Hongrie et dans les pays baltes. Le chômage, même s'il est déguisé, est par ailleurs fort dans les zones agricoles polonaises.

Ainsi, l'économie va bien. Les besoins de rattrapage offrent des marchés importants pour les entreprises occidentales. La société, quant à elle, se porte moins bien, les menaces populistes existent dans quasiment tous les pays. Pour ma part, je ne vois à cette situation qu'une seule issue crédible : une forte solidarité, dans l'esprit du plan Marshall.

L'euro et les pays de l'élargissement : le cas de la République tchèque et de la Slovaquie


Agnès BENASSY-QUERE, Conseiller scientifique, Centre d'Etudes Prospectives et d'Informations Internationales (CEPII)

L'élargissement de l'Union européenne engendrera, à plus long terme, l'élargissement de la zone euro. Dès le 1 er mai 2003, les pays entrants adhèreront à l'Union européenne, ils auront ensuite la possibilité d'entrer dans le SME bis. Il ne s'agit évidemment que d'une possibilité, mais cette entrée conditionne en principe l'entrée ultérieure dans l'euro. Ainsi, au 1 er mai 2006, l'élargissement de la zone euro sera possible, sous réserve que les critères historiques de Maastricht soient satisfaits. Ce calendrier demeure théorique, dans la mesure où il n'est pas question, pour tous les pays entrants, d'entrer dans le SME bis. A terme, le régime monétaire des pays d'Europe centrale et orientale sera l'euro, puisqu'il n'existe pas de clauses d' opting out. En ce qui concerne les intentions nationales, il apparaît que les grands pays reculent leur date d'entrée dans la zone euro, alors que les petits pays, très probablement, y entreront rapidement. Ainsi, les petits pays entreraient dans la zone euro en 2007, la Hongrie en 2008, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie en 2009-2010.

Les évolutions des monnaies tchèque et slovaque ont été similaires. Pour la République tchèque, après un régime de changes fixes jusqu'en 1996, l'élargissement de la zone de fluctuation a été décidé, engendrant une appréciation de la monnaie. Par la suite, à partir de 1997, le flottement dirigé a été mis en place, engendrant une fluctuation plus forte, tendant clairement vers l'évaluation de la couronne tchèque. En ce qui concerne la Slovaquie, le régime de flottement dirigé a été décidé en 1998 ; a suivi une appréciation de la monnaie, puis une dépréciation.

En ce qui concerne les critères de Maastricht, les points suivants doivent être remarqués.

· La convergence des taux d'intérêt et le critère de la dette publique ne posent pas problème.

· Le déficit public, en revanche, s'est creusé en République tchèque, il excède largement la barre tolérée des 3 % du PIB.

· L'inflation a énormément diminué en République tchèque, peut-être même trop, en revanche l'inflation en Slovaquie demeure encore trop élevée.
Un examen de l'économie réelle montre un écart de croissance fort par rapport à la zone euro. Par ailleurs, un rattrapage au niveau du PIB par habitant s'imposera au cours des prochaines années. Or le rattrapage économique entraîne mécaniquement une hausse des prix, la hausse des salaires venant « contaminer » toute l'économie, y compris dans les secteurs ne connaissant pas des augmentations de productivité. Ce mouvement est essentiel, dans la mesure où la hausse des prix passera par de l'inflation si le régime des changes est fixe, et par une appréciation nominale de la monnaie si ce régime est variable. C'est bien pour cela que les économistes sont très circonspects quant à une entrée rapide des pays d'Europe centrale et orientale dans la zone euro. En outre, la période au cours de laquelle ces pays seront dans le SME bis est source d'inquiétudes.

En ce qui concerne le solde extérieur courant, l'enjeu principal concerne le flux potentiel d'investissements directs, en-dehors des politiques de privatisation. Un risque de crise des balances des paiements existe, notamment lors de la période précédant l'entrée dans la zone euro, caractérisée par un régime de changes fixes.

Le coût du travail est plus bas en République tchèque et en Slovaquie. Il est évidemment promis à se rapprocher des autres pays de l'Union européenne. Nous ne connaissons pas encore le rythme de ce rattrapage. Les prix, quant à eux, devront connaître également un rattrapage. La vitesse de ce dernier conditionnera mécaniquement le niveau d'inflation. Il apparaît aujourd'hui qu'il sera relativement lent, mais ira néanmoins de pair avec un taux d'inflation de 2 %, ne respectant donc pas les critères de Maastricht.

La surévaluation des monnaies doit être évoquée. En 2001, la surévaluation des monnaies de la République tchèque et de la Slovaquie s'élevait à 10 %. Logiquement, nous pouvons conclure que cette surévaluation est encore plus forte aujourd'hui.

Quel peut être l'intérêt de la République tchèque et de la Slovaquie d'entrer dans la zone euro ? Les avantages et les inconvénients peuvent être mesurés par la question de l'intégration. Plus elle sera forte, plus les échanges se développeront, plus il sera intéressant de disposer de la même monnaie. En revanche, l'abandon de la monnaie nationale a un coût. Pour la République tchèque et la Slovaquie, il semble nécessaire, dans une optique de moyen et long termes, de ne pas adopter trop vite l'euro. En outre, République tchèque et Slovaquie ne sont pas les pays les mieux placés pour entrer dans la zone euro, en raison d'une forte asymétrie des cycles. En revanche, des avantages de court terme existent : ils concernent un ajustement de la balance des paiements. Par ailleurs, les ajustements de prix relatifs se feront par les prix et/ou par le taux de change nominal. Il faut enfin ne pas exclure l'hypothèse que le rattrapage n'ait pas lieu.

Perspectives économiques et commerciales de la République tchèque et de la Slovaquie


Florence DOBELLE, Chef de la Mission économique de Prague

Concernant la République tchèque, je souhaite rappeler quelques chiffres : la croissance a été forte à partir de 2000, de l'ordre de 3 %. En outre, la dégradation du PIB s'explique par la restructuration du secteur bancaire : son coût s'élève à environ 15 milliards d'euros. Le pouvoir d'achat est relativement élevé, en seconde position dans les pays d'Europe centrale et orientale, derrière la Slovénie.

I. Une économie ouverte très dépendante de ses échanges

Le taux d'ouverture est forte ; cette économie s'est réorientée, en exportant largement vers l'Union européenne. Ces exportations ne concernent plus des matières premières, mais des produits finis. Les principaux clients de la République tchèque sont l'Allemagne, la Slovaquie - une union douanière existe entre les deux pays - ; la France arrive en sixième position, mais voit sa part augmenter. Les exportations françaises dans la République tchèque sont en hausse, de 10 %, mais cet effort doit être poursuivi. D'autres pays, la Chine notamment, ont vu la part de leurs exportations augmenter très fortement.

Il convient de remarquer que les échanges entre la France et la République tchèque s'équilibrent de plus en plus. Si un solde négatif persiste, il va en s'amoindrissant.

D'un point de vue qualitatif, nous remarquons que la France exporte les produits suivants :

· des véhicules automobiles ;

· des équipements automobiles ;

· des pneumatiques ;

· des préparations pharmaceutiques.
Plusieurs opportunités de développement se font jour pour les exportations françaises. Nous trouvons, en premier lieu, les produits agroalimentaires et les biens de consommation. Pour ces derniers, il convient de remarquer que les cosmétiques, les équipements de la maison et les produits pharmaceutiques se trouvent en meilleure position. En outre, des perspectives de développement existent pour les exportateurs français dans le domaine du matériel de transport et des biens d'équipements liés à l'environnement.
II. L'importance des investissements directs étrangers

La balance commerciale demeure structurellement déficitaire en République tchèque, mais les investissements courants étrangers viennent pour partie combler le déficit du compte courant. Nous pouvons estimer que flux réel des investissements directs étrangers s'élève à 5 milliards d'euros par an. Nous devons également rappeler que certaines privatisations doivent encore être réalisées. Par ailleurs, la balance des paiements, en 2003, affichera un déficit de 5 milliards d'euros en compte courant, et un excédent de 6 milliards sur le compte financier. En conséquence, la balance des paiements affiche un excédent grâce, évidemment, à l'apport des investissements directs étrangers. Cet afflux d'investissements a une influence sur les prix : la couronne a logiquement crû par rapport à l'euro. Un réajustement de trois points a donc été décidé. Pour autant, il est probable que la couronne redescendra à l'horizon 2006. L'inflation est quasiment nulle au titre de l'année 2003 ; elle croîtra légèrement plus en 2004. L'indice des prix demeure très bas sur les biens alimentaires.

Le pic des investissements étrangers a été atteint en 2001. La France est le quatrième investisseur de la République tchèque en termes de flux comme en termes de stocks. La Société Générale, Véolia, Sodexho, Vinci et Carrefour représentent les principaux investisseurs français. Je citerai également Alstom, Saint-Gobain....

Le coût du travail, en République tchèque, s'élève à 510 euros environ. Le salaire nominal a été augmenté, au 1 er janvier 2004, à 210 euros environ. La compétence technique de cette population est clairement reconnue. La moyenne d'heures travaillées est élevée, mais le taux d'absentéisme demeure fort, trois fois supérieur à la moyenne européenne. En outre, la mobilité géographique est très faible, en raison de la réglementation existant sur le niveau des loyers : certains, très modérés, représentent clairement une incitation à ne pas déménager.

III. Les principaux défis des années à venir

Plusieurs défis se font jour. La cohésion sociale vient au premier plan. En effet, les taux de chômage sont particulièrement disparates : de 3 % à Prague, il passe à 20 % dans d'autres villes, principalement en Silésie-Moravie. Les infrastructures, quant à elles, connaissent un gros retard. Par exemple, il n'existe qu'un axe autoroutier Est-Ouest. Certaines zones, la Silésie-Moravie par exemple, ne sont pas encore désenclavées. De grandes attentes existent en termes de fonds structurels européens, mais il est évident qu'ils ne pourront jouer qu'un effet de levier : ils ne pourront pas couvrir tous les besoins du pays en matière d'infrastructures. Pour autant, nous devons constater que la République tchèque n'accuse pas un retard par rapport aux autres nouveaux Etats membres.

L'entrée de l'euro se profile à l'horizon 2010, mais la Banque Centrale tchèque fait preuve de prudence. En effet, des difficultés existeront au niveau du déficit public, qui sera de l'ordre de 4 % en 2006. La dette publique, certes modeste, est toujours en hausse.

En ce qui concerne les sources de recettes publiques, les points suivants doivent être rappelés.

· La part de la fiscalité indirecte, qui devrait augmenter au titre de l'année 2003, s'élevait à 11,7 % du PIB en 2002.

· La fiscalité indirecte est en progression et s'établit à 10,2 % en 2002. Elle pourrait légèrement baisser en 2004.

· L'évasion fiscale demeure importante.

· La reprise de l'acquis communautaire en matière de fiscalité indirecte est nécessaire

· Une réforme fiscale globale l'est également.
En matière d'environnement juridique des affaires, de grands progrès ont été accomplis au cours des années 90. Des efforts restent toutefois à faire qui concernent notamment le formalisme et la complexité budgétaire. Les procédures sont encore longues et les actes nombreux. En outre, nous pouvons déplorer l'application aléatoire du droit commercial par les tribunaux. Les verdicts contradictoires sont fréquents et l'incompréhension des juges patente vis-à-vis des besoins des acteurs commerciaux. Des efforts doivent également être menés quant à une meilleure protection des créanciers, aujourd'hui insuffisante.

Les axes prioritaires d'actions ont trait à l'amélioration du fonctionnement de la justice (formation des juges, délais, unification de l'application du droit) et aux réformes législatives (droits des faillites et registre du commerce).

Dominique LAPIERRE, Chef de la Mission économique de Bratislava


I. Une nouvelle dynamique engagée par un nouveau Gouvernement

La Slovaquie et la République tchèque ont de nombreux points communs, la complexité du système judiciaire en fait partie. Pour ma part, je mettrai l'accent sur la singularité du pays. La Slovaquie se distingue fortement des autres pays du groupe de Visegrad. Tout d'abord, elle dispose d'un Gouvernement libéral souhaitant résolument s'engager dans une politique de réformes. Cette politique est caractérisée par une volonté de privatisation et par des réformes structurelles. Cette politique de privatisation concerne essentiellement le secteur de l'électricité et du chauffage urbain. En outre, une réforme fiscale audacieuse a été décidée, au 1 er janvier 2004 : l'IS, l'IRPP et la TVA se situent à un niveau de 18 %. Les réformes concernent également le droit du travail, l'indemnisation du chômage et l'assurance vieillesse.

Au-delà de ces réformes, la question du temps de travail et de l'expertise se pose. Le temps de travail s'élève à 40 heures hebdomadaires. Les congés payés ont une durée de 20 jours. Ces mesures sont clairement favorables aux entreprises.

L'économie slovaque est très ouverte, tout en étant résolument tournée vers l'Europe et la France. L'Allemagne est le premier exportateur en Slovaquie, devant la Russie, l'Italie et la France. D'un point de vue qualitatif, il faut rappeler que 98 % de l'énergie slovaque est importée de Russie, mais des raffineries vont bientôt pouvoir produire du pétrole directement en Slovaquie. Par ailleurs, les équipements informatiques et les produits sidérurgiques représentent des postes d'importation forts. La Slovaquie exporte en premier lieu des véhicules, des préparations et des appareils.

II. La popularité de l'adhésion à l'Union européenne et les acquis de la Slovaquie

La Slovaquie présente une singularité forte : l'adhésion à l'Union européenne a été très populaire, cette même adhésion a fait l'objet d'un consensus fort entre les partis politiques. L'accès au marché et la signature de l'accord PECA a eu lieu en mai 2003.

Les fonds structurels et les fonds de cohésion pour la période 2004-2006 s'élèvent à 1,4 milliard d'euros. 570 millions d'euros sont versés au titre des fond de cohésion, dans une logique de projets. Par ailleurs, quatre programmes de l'objectif 1 ont été décidés :

· l'industrie et les services ;

· les ressources humaines ;

· les infrastructures de base :

· l'agriculture et le développement rural.
L'objectif 2, portant sur la région de Bratislava, est doté d'un budget de 37,2 millions d'euros.
III. Une stabilisation macroéconomique réussie

Il convient de rappeler que la Slovaquie dispose de la plus forte croissance de la région, résolument basée sur le commerce extérieur. Dans le même temps, le chômage demeure élevé, la hausse des prix dans le secteur des services est importante. Pour 2003, la croissance s'est élevée à 4 %. Les déficits extérieurs, quant à eux, connaissent une baisse régulière. Les déficits publics sont par contre en hausse relativement faible. Par ailleurs, le taux de chômage est en réduction.

L'inflation représente le point faible de la Slovaquie. Il faut néanmoins rappeler que le Gouvernement a décidé de remonter les tarifs publics aux coûts d'équilibre. Cela a engendré une forte hausse du prix de l'eau, de l'électricité et des transports publics, ayant des conséquences sur l'inflation.

En 2004, la croissance passera 4,5 %, l'inflation à 3 %. Le déficit budgétaire, à l'horizon 2006, s'élèvera à 3 % du PIB. Enfin, le déficit de la balance courante devrait être de 3,3 % en 2006. Il faut remarquer, en ce qui concerne la balance des paiements courants, que le Gouvernement a fait preuve d'une grande prudence, dans la mesure où de nombreux grands groupes ont annoncé qu'ils réaliseraient des investissements en Slovaquie en 2004 ou 2005.

La politique salariale, quant à elle, est également très prudente. Elle vise à contenir le niveau des salaires : force est de constater que les salaires réels ont tous été revus à la baisse au cours de l'année dernière. Les prix sont inférieurs à la moyenne européenne. Le PIB par habitant, en Slovaquie, est inférieur à celui qui existe en République tchèque, mais les prix sont plus bas.

IV. Les opportunités d'affaires

En termes d'opportunités, il faut tout d'abord rappeler que de nombreux investissements manufacturiers ont lieu en ce moment en Slovaquie. Ainsi, PSA, Whirlpool, Vetrapack, Volkswagen réalisent ces investissements. D'autres équipementiers automobiles, des fabricants de biens de consommation pourraient également être cités. Dans le domaine du bois, les Autrichiens et les Scandinaves réalisent des investissements. Des entreprises suisses spécialisées dans le domaine du bois s'installent également en Slovaquie.

D'énormes investissements doivent encore être réalisés dans le domaine des infrastructures routières. Le secteur de l'énergie et des réseaux de chaleur, quant à lui, sera marqué par une poursuite des actions de privatisation. Dans le domaine de l'environnement, d'énormes marchés dans le domaine de l'assainissement et du traitement des déchets doivent encore être attribués.

En ce qui concerne la consommation des ménages, de grandes interrogations demeurent au vu de l'inflation et de la baisse des salaires réels. Pour autant, des opportunités existent dans le domaine de l'habitat et des loisirs notamment.

V. Les opportunités d'investissements

Les opportunités d'investissements sont les plus importantes pour la Slovaquie. Ce pays représente un pays intéressant pour de nombreux grands groupes, qui viennent d'ailleurs de s'y implanter. Ils devraient être suivis de nombreuses PME dont ils sont les donneurs d'ordres. Il convient de rappeler enfin que les demandes de sous-traitance industrielle sont de plus en plus nombreuses.

Facteurs de croissance et réformes structurelles, Aude HAPIOT


Equipe du « Tableau de bord »

Je souhaite vous présenter les conclusions issues du Tableau de bord du CERI, à propos de la République tchèque et de la Slovaquie, tout en réagissant aux propos qui viennent d'être tenus.

Il est intéressant tout d'abord de constater qu'un colloque puisse être organisé à la fois sur la République tchèque et la Slovaquie, ces deux pays étant ainsi placés sur un pied d'égalité. Cela n'a pas toujours été le cas, dans la mesure où la Slovaquie a longtemps bénéficié d'une image moins favorable. Pour autant, le potentiel de la Slovaquie n'est pas moindre que le potentiel des autres pays d'Europe centrale et orientale. Ces potentiels concernent l'industrie, le tourisme, le commerce, à la fois dans un développement des relations économiques avec l'Europe, mais également avec les autres pays d'Europe centrale et orientale.

D'un point de vue macroéconomique, la République tchèque et la Slovaquie sont en bonne forme. Ils ont bien résisté au ralentissement de la conjoncture européenne. Si la consommation interne est le principal moteur de la croissance, le commerce prend une place de plus en plus importante. En ce qui concerne le déficit commercial de ces deux pays, il faut bien avoir à l'esprit qu'il permet l'importation de produits et de machines nécessaires au bon développement économique.

La question des dépenses publiques trop élevées et celle du chômage doivent être réglées. La pauvreté, importante en Slovaquie, et les déséquilibres internes demeurent des points d'interrogation.

Par ailleurs, la mise en place du processus d'adhésion a clairement accéléré les réformes institutionnelles et structurelles dans ces deux pays. L'Union européenne, par la reprise de l'acquis communautaire, a permis de grandes avancées. Dans ce domaine, les deux pays se trouvent dans la même situation. La nécessaire stabilisation des dépenses publiques est en outre en cours en République tchèque et en Slovaquie. De grandes réformes ont été engagées à ce titre, leur avancement dépendant directement de la volonté des Gouvernements. Nous remarquons à ce titre que la Slovaquie est entrée dans un processus de réforme particulièrement rapide. Cela ne va pas sans poser de problèmes, notamment face aux besoins existant en matière d'infrastructures, de financement des restructurations, du nécessaire soutien de l'activité économique et du maintien de la qualification et la qualité de la main d'oeuvre.

D'importantes dépenses doivent donc être consenties dans tous ces domaines, mais la République tchèque et la Slovaquie se trouvent face à une difficulté évidente : il faut en effet trouver des ressources. République tchèque et Slovaquie se trouvent dans une position complexe, dans la mesure où ces pays ne disposent pas de la capacité de financement suffisante. Les investissements directs étrangers (IDE) et les aides européennes, représentent dans ce cadre un apport de financement pertinent, en dépit de déséquilibres régionaux particulièrement forts. Les IDE, comme les fonds structurels, pourraient les renforcer à court terme.

Les progrès réalisés par la République tchèque et la Slovaquie sont remarquables. Pour autant, les réformes demandées par l'Union européenne sont très lourdes. L'adhésion à l'Union européenne, si elle est bénéfique, posera probablement de nouvelles difficultés de gestion au niveau national.

Des entreprises françaises témoignent


I. Carrefour République tchèque et Slovaquie Jérôme POUSSIN, Responsable marketing et communication

Il faut tout d'abord avoir à l'esprit que ces deux pays ont des mentalités différentes. Nous pourrions dire que les Tchèques sont plutôt proches des « Germains », les Slovaques étant proches de la mentalité slave. Cela engendre naturellement des habitudes de consommation différentes.

Carrefour dispose aujourd'hui de neuf magasins en République tchèque et quatre en Slovaquie. A Prague, nous disposons du plus grand magasin de grande distribution du pays, jouissant du plus fort débit européen. Je tiens à rappeler en outre que notre enseigne est extrêmement bien perçue par les Tchèques.

En République tchèque, le nombre d'hypermarchés a fortement crû au cours des sept dernières années : au 1 er janvier 2004, 140 hypermarchés étaient présents dans ce pays. 20 magasins de ce type sont ouverts en moyenne par an. Les hypermarchés ont pris une large place dans le quotidien des Tchèques et des Slovaques : 37 % des Tchèques utilisent l'hypermarché comme magasin principal pour leurs achats alimentaires. Cette croissance se fait au détriment des supermarchés, des hard discounters et des petites enseignes.

En ce qui concerne le profil des consommateurs, les Tchèques adoptent un comportement très rationnel, en s'appuyant avant toute chose sur le rapport qualité/prix pour leurs achats. Ces derniers portent encore largement sur des produits de base, qui sont préparés à domicile. La gastronomie demeure encore absente des foyers, il n'existe donc pas une réelle volonté pour acheter des produits élaborés. Pour autant, nous voyons apparaître de nouveaux produits sur les rayons des hypermarchés - nous pouvons penser aux surgelés - qui modifient pour partie les comportements des consommateurs.

Actuellement, on ne distingue pas encore de classe moyenne, mais elle est en voie d'émergence. Nous pouvons estimer qu'elle se comportera comme les classes moyennes d'autres pays d'ici à quelques années. D'un point de vue plus global, les consommateurs font preuve d'une grande fidélité aux enseignes. Ils se montrent plutôt satisfaits de l'offre que nous proposons, tout en faisant preuve d'une exigence de plus en plus grande. Ils demandent également davantage de conseils pour leurs achats.

Le choix du magasin dépend avant tout de sa localisation, du niveau de prix et du choix. La consommation demeure largement liée aux prix des produits. Les consommateurs tchèques sont globalement très satisfaits des prix et de l'assortiment proposés : ce taux de satisfaction, proche de 90 %, est nettement supérieur aux moyennes que nous constatons dans les pays occidentaux. La satisfaction des consommateurs varie en fonction des formats de distribution. L'hypermarché semble être le format répondant le mieux aux attentes des Tchèques et des Slovaques. Globalement, l'hypermarché a parfaitement trouvé sa place dans la vie quotidienne de ces deux pays.

En ce qui concerne l'achat de produits alimentaires, leur qualité et leur fraîcheur sont aujourd'hui les critères essentiels aux yeux des consommateurs. Je dois dire que cela cadre parfaitement avec la stratégie de notre Groupe.

Nous devons également remarquer que les Tchèques et les Slovaques utilisent de plus en plus leur voiture pour faire leurs achats. Le même constat peut être fait à propos de l'utilisation des cartes de paiement.

Ainsi, les Tchèques et les Slovaques se rapprochent des standards de consommation de l'Europe occidentale. Si le marché devient mature pour la grande distribution, des gisements de croissance existent encore pour le secteur des grandes surfaces spécialisées. Enfin, les consommateurs tchèques et slovaques sont des consommateurs à séduire ; nous devons absolument sortir du seul critère du rapport qualité/prix, pour tendre vers une consommation plus festive et plus ouverte.

II. Komercni Banka (groupe Société Générale) Philippe DELACARTE, Directeur des PME et membre du Comité de Direction

En République tchèque et en Slovaquie, le secteur bancaire est particulièrement concentré. Ainsi, en République tchèque, trois acteurs représentent plus de 50 % du marché. Il en est de même en Slovaquie. Cette situation résulte du mode de constitution du secteur bancaire à l'issue de la période communiste, et aux politiques de privatisation conduites par la suite. Le secteur bancaire est sorti de cette phase assaini, et nous ne devrions plus assister à des faillites d'établissements bancaires. Force est de constater que cet assainissement s'est fait au prix de forts investissements et de la prise de positions d'opérateurs étrangers.

L'environnement bancaire se rapproche des standards ouest-européens. Une offre complète est ainsi proposée aux entreprises, elle comprend des produits, des services et des possibilités de financement. Des dispositifs dédiés existent à ce titre. Il existe en outre une large gamme de produits de banque d'investissement pour des activités de marché et de haut de bilan. Par ailleurs, se développe rapidement la banque de détail. Le taux de bancarisation est de l'ordre de 80 %. Les Tchèques et les Slovaques disposent ainsi d'une offre complète de produits et de services, et les réseaux bancaires sont comparables aux nôtres en termes de densité et de ratio.

Quelques spécificités doivent être mentionnées. En ce qui concerne la banque aux entreprises, au niveau des moyens de paiement, les chèques et les effets de commerces demeurent rares. L'argent liquide est majoritaire en termes de moyen de paiement. Par ailleurs, les procédures de mises en place des crédits sont relativement longues, le recouvrement et les voies d'exécution sont difficiles. En ce qui concerne les crédits à moyen terme, les crédits immobiliers n'existent pas encore. Les financements -promoteur sont embryonnaires.

La Komercni Banka a été acquise par la Société Générale, à 60 %, en octobre 2001. Cette acquisition s'inscrit dans une stratégie d'ensemble en Europe centrale, zone dans laquelle nous voulons nous développer, principalement dans le secteur de la banque de détail. Lorsque nous avons fait cette acquisition, nous avions pour objectif d'orienter la banque vers le client, tout en améliorant sa productivité, qui était relativement basse. Nous avons dès à présent conduit des réformes importantes : par exemple, à ce jour, tous les clients ont un chargé de clientèle. Nous avons dès à présent réduit les effectifs de 15 %, sans aucun conflit social. D'un point de vue financier, alors que la Banque perdait de l'argent au moment de la privatisation, elle est aujourd'hui bénéficiaire.

Bien évidemment, nous souhaitons travailler avec les entreprises françaises, dans une démarche d'appui et d'accompagnement. Nous voulons accompagner ces entreprises, quelle que soit leur taille, afin de les aider dans leur développement en République tchèque et en Slovaquie. Nous sommes ainsi en mesure d'agir dans les domaines des besoins bancaires courants, du financement, du commerce international ou encore de la recherche de partenaires. Nous avons pour cela mis en place deux structures dédiées, qui sont ainsi en mesure d'assurer l'interface entre les réseaux locaux et les entreprises françaises.

III. PSA Peugeot Citroën, Serge GREGORY, Sous-directeur des relations extérieures

J'évoquerai deux investissements conduits en République tchèque et en Slovaquie par PSA. Au préalable, je tiens à rappeler que notre Groupe compte deux marques, vend 3 260 000 véhicules par ans, en étant présent dans 140 pays. Nous visons un objectif de développement de quatre millions de véhicules en 2006. Nos zones de croissance sont situées en Amérique Latine, en Asie, mais aussi dans les pays d'Europe centrale et orientale. Si nous avons réalisé des investissements en République tchèque et en Slovaquie, c'est bien parce que nous estimions qu'ils étaient situés à proximité de marchés en croissance. En outre, nous avons assisté à un mouvement d'équipementiers dans les pays d'Europe centrale et orientale, et l'adhésion de ces pays à l'Union européenne aura, pour nous, une influence favorable. Enfin, ces Etats disposent d'une main d'oeuvre disponible, qualifiée et peu onéreuse. Toutes ces raisons expliquent pourquoi nous avons souhaité nous implanter en République tchèque et en Slovaquie.

Nous avons en préalable conduit des études pour définir la localisation de nos sites. Ces études ont relevé d'analyses multicritères, s'appuyant sur la taille et la forme des terrains disponibles, la proximité et le caractère opérationnel des infrastructures routières, la structure et la taille des bassins d'emploi, le tissu industriel, la motivation des autorités et les conditions de vie pour les expatriés.

La Slovaquie et la République tchèque ont été choisies en raison d'avantages évidents.

· La position géographique est particulièrement intéressante, ces deux Etats se situant au centre de nos futurs marchés européens.

· Les facilités de communication sont bonnes.

· La main d'oeuvre présente toutes les qualités dont nous avons besoin.

· Des possibilités de formation existent.

· Les pouvoirs publics se sont impliqués.

· Les équipementiers sont proches.

· La qualité de vie est bonne.
Le projet conduit à Kolin est en cours de réalisation. Le site sera opérationnel en 2005. Il est conduit en coopération avec Toyota. A terme, 300 000 véhicules seront produits, et 2 900 personnes travailleront dans cette usine. Le projet de Trnava, quant à lui, sera opérationnel en 2006, et assurera la production de 300 000 véhicules. 3 500 personnes y travailleront.

Nous avons bénéficié d'aides européennes pour mener à bien ces deux projets, via un dispositif mis en place en 2003. Ce dispositif présente l'avantage d'être prédictible, il est plafonné à 30 % du plafond régional pour les aides à finalité régionale. Il peut porter sur les terrains et la préparation de ceux-ci. Il consiste également dans des subventions à l'investissement et à la création d'emplois, de même que dans des exonérations d'impôts et de taxes.

Il serait faux de penser que nous ne conduisons plus aucun investissement en France. Ainsi, des projets existent actuellement à Trémery et à Valenciennes. Les investissements à l'étranger ne sont en aucun cas contradictoires avec les investissements conduits en France même.

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