- I. LA PRESENTATION GENERALE DES FONDS SPECIAUX EN
2022
- II. LES OBSERVATIONS COMMUNES A L'ENSEMBLE DES
SERVICES
- III. RECOMMANDATIONS GENERALES 2022 EMISES PAR LA
CVFS
- I. PRESENTATION GENERALE DES FONDS SPECIAUX EN
2023
- II. LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS GENERALES DE LA
CVFS
N° 723
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE |
N° 211
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
|
Enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale |
Enregistré à la Présidence du
Sénat |
RAPPORT
FAIT
au nom de la délégation parlementaire au renseignement
relatif à l'activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l'année 2023-2024
PAR
M. Cédric PERRIN, Sénateur
Déposé sur le Bureau de l'Assemblée
nationale Premier vice-président de la délégation |
Déposé sur le Bureau du Sénat Président de la délégation |
INFORMATION DU LECTEUR
La délégation parlementaire au renseignement, commune au Sénat et à l'Assemblée nationale, a été instituée par la loi n° 2007 1443 du 9 octobre 2007.
La délégation comprend huit membres, quatre députés et quatre sénateurs, et a pour mission d'exercer le contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement en matière de renseignement et d'évaluer la politique publique en ce domaine.
Les travaux de la délégation parlementaire au renseignement sont couverts par le secret de la défense nationale.
Nonobstant leur souci de répondre à une légitime attente de transparence des citoyens, les membres de la Délégation parlementaire au renseignement sont soumis au respect du secret de la défense nationale.
C'est pour parvenir à concilier ces deux impératifs antagonistes qu'il a été décidé de produire un rapport public dans lequel les contenus classifiés sont masqués au moyen d'un signe typographique (*****) invariable quelle que soit l'ampleur des informations rendues ainsi illisibles.
*
* *
POUR EN SAVOIR +
• Consulter les activités de la délégation sur le site du Sénat :
• Consulter les activités de la délégation sur le site de l'Assemblée nationale :
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
La session 2023-2024 de la délégation a débuté au lendemain de l'attaque terroriste du Hamas perpétré le 7 octobre 2023 contre Israël. Cet embrasement sans précédent du conflit israélo-palestinien a entraîné le Moyen-Orient dans une crise durable et cruelle pour les civils, avec des morts et des otages français, mais aussi des conséquences indirectes sur le territoire national, les attentats d'Arras et de Bir Hakeim.
A cet état de tension et de volatilité géopolitique se sont ajoutés les développements nouveaux de la guerre en Ukraine, avec l'apparition de nouvelles alliances d'intérêt entre Russie, Iran et Corée du Nord, pays proliférateurs et proliférants, mais aussi d'une nouvelle posture de dissuasion nucléaire russe, présentée comme plus agressive.
Dans le même temps la succession des coups d'Etat au Mali, au Burkina Faso, puis au Niger, a conduit au retrait des forces françaises, avec pour conséquence une nécessaire adaptation des services de renseignement français.
Les crises internationales ne se succèdent plus. Elles sont multiples, concomitantes et surgissent par surprise. Derniers événements en date1(*), la dénonciation par le Tchad de l'accord de coopération de défense avec la France au lendemain d'une visite du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, mais aussi en Syrie le renversement en quelques jours du régime de Bachar al Assad en place depuis 24 ans, et après 13 années de guerre civile.
La question de la surprise se posait déjà en 2021 lorsque, sans prévenir, l'Australie dénonçait le contrat de fourniture par la France et Naval Group de 12 sous-marins pour rejoindre l'alliance AUKUS avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Que savions-nous ? Le message officiel était : « on ne s'espionne pas entre alliés »...
Que savions-nous des putschs en Afrique ? Que savions-nous de la décision de Poutine d'envahir l'Ukraine ?
Fin 2023, à l'entame des travaux de la délégation, ces questions sur la fonction de recueil de renseignement et d'appui aux autorités politiques des services se posaient avec d'autant plus d'acuité que la France s'engageait dans une année 2024 très fortement exposée avec en perspective une élection européenne et l'organisation des Jeux Olympiques de Paris 2024 (JOP 2024), dans un contexte de montée en puissance des attaques cyber, des opérations de manipulation de l'information contre la réputation de la France et de la résurgence du risque d'attentat terroriste.
C'est pourquoi, il a paru important en termes de politique publique du renseignement de s'intéresser aux leçons de l'Ukraine et du Sahel. Non pour alimenter le « bashing » sur les services, mais au contraire pour comprendre et, le cas échéant, contribuer à améliorer les dispositifs : une bonne politique publique repose sur une bonne orientation des services de renseignement.
Autre sujet d'intérêt au coeur de la doctrine de défense française : le renseignement de contre-prolifération. Cette capacité est le pendant de la dissuasion car pour que le Président de la République puisse donner l'ordre nucléaire, les services doivent disposer d'un recueil de renseignement autonome et souverain. Par ailleurs, la question de la prolifération des armes légères a également été soulevée pour, là encore, se servir des leçons de la guerre en ex-Yougoslavie afin d'empêcher un afflux d'armes en provenance d'Ukraine.
Le fil rouge du suivi des enjeux d'actualité du renseignement a été la préparation, l'organisation et le retour d'expérience des JOP 2024, avec ce qui peut être qualifié de réussite des services français, sous réserve toutefois d'un axe d'amélioration à souligner en matière de lutte anti drone.
Enfin, l'actualité intérieure française a été marquée par la multiplication d'actes d'une extrême violence perpétrés par des organisations criminelles en lien avec le narcotrafic. La criminalité organisée était le thème principal du rapport d'activité pour l'année 2021-2022 sous la présidence de François-Noël Buffet. Une commission d'enquête sénatoriale conduite par Jérôme Durain, président, et Etienne Blanc, rapporteur, a mis en évidence les ramifications du narcotrafic dans tous les territoires, avec un risque de corruption au sein des institutions publiques que la délégation avait signalé. Il s'agit d'un enjeu crucial et urgent de politique publique du renseignement, à l'aune de l'examen prochain d'un projet de loi de lutte contre le trafic de stupéfiants.
Ce rapport propose 28 recommandations réparties en 9 thématiques couvrant des champs aussi divers que la sincérité budgétaire des fonds spéciaux, la mutation du renseignement en Afrique, la bascule d'effort des services vers le flanc Est de l'Europe et l'Indopacifique, le renseignement de contre-prolifération, la pérennisation du retour d'expérience positif des JOP 2024, l'amélioration de la lutte anti-drone et contre les menaces hybrides (cf. infa tableau récapitulatif des principales recommandations).
Cédric PERRIN
Sénateur du Territoire de Belfort
Président de la délégation
parlementaire
au renseignement (2023-2024)
EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION
Réunie le mardi 17 décembre 2024 sous la présidence de M. Cédric Perrin, la délégation a procédé à l'examen de son rapport annuel d'activité.
Après une présentation par son président et un échange de vues, la délégation a adopté son rapport pour 2023-2024, en application de l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958.
Par ailleurs, elle a entendu, en application du VI de l'article 154 de la loi n°2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002 :
- le 15 mai 2024, la présentation par Mme Agnès Canayer du rapport de la Commission de vérification des fonds spéciaux sur les comptes de l'exercice 2022, adopté le 20 décembre 2023 ;
- le 23 janvier 2025, la présentation par M. Aurélien Rousseau du rapport de la Commission de vérification des fonds spéciaux sur les comptes de l'exercice 2023, adopté le 18 décembre 2024.
Les conclusions générales de ces deux rapports de la CVFS sont présentées en annexe du rapport de la délégation2(*).
* * *
Le présent rapport est composé de 3 chapitres et 4 annexes :
- le bilan d'activité de la délégation d'octobre 2023 à décembre 2024 dont l'objet retrace les réunions, auditions et déplacements de la délégation (Chapitre 1) ;
- les enjeux d'actualité liés à la politique publique du renseignement, avec des bilans synthétiques sur l'activité des services, sur la loi n° 2024-850 visant à prévenir les ingérences étrangères en France, et sur la mise en oeuvre des traitements automatisés (Chapitre 2) ;
- le focus 2023-2024 de la délégation : la bascule d'effort des services de renseignement, le renseignement de contre-prolifération, le renseignement face au défi des JO 2024 (Chapitre 3) ;
- les rapports de la Commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS) portant sur l'exercice budgétaire 2022 (Annexe 1), et sur l'exercice budgétaire 2023 (Annexe 2) ;
- un compte rendu de la réunion des commissions parlementaires de contrôle et d'évaluation des services de renseignement organisée à Rome (28 et 29 novembre 2024) dans le cadre de la présidence italienne du G7 à laquelle se sont rendus MM. Cédric Perrin et Aurélien Rousseau (Annexe 3) ;
- un entretien sur les coulisses du renseignement de M. Cédric Perrin paru dans la revue des Cahiers français de juillet 2024 (Annexe 4)3(*).
RECOMMANDATIONS
DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
AU RENSEIGNEMENT
Recommandation sur la budgétisation des fonds spéciaux :
1. Appliquer la recommandation de la CVFS tendant à la présentation d'une estimation de dépense sincère du budget alloué aux fonds spéciaux lors du prochain projet de loi de finances.
Recommandations relatives à l'évaluation et à la prévention :
2. Instaurer une injonction de soin thérapeutique pour les individus souffrant de troubles psychologique ou psychiatrique.
3. Sensibiliser les maires à la possibilité de communiquer des informations ou des signalements au groupement d'évaluation départemental de leur ressort.
Recommandation relative au contrôle de la technique de recueil des données informatiques par la CNCTR :
4. Encadrer par la loi le futur dispositif de contrôle à distance par la CNCTR de l'exploitation des données issues du recueil de données informatiques par les services.
Recommandations relatives à la mutation du renseignement en Afrique :
5. Se doter d'une nouvelle doctrine pour maintenir les connaissances, savoirs et savoirs faire du renseignement français en Afrique.
6. *****
7. *****
8. *****
9. Bien que non encore documenté comme un foyer exogène de terrorisme, l'affaiblissement des pays du Sahel au profit d'une menace incarnée par le JNIM (affilié à Al-Qaïda) et l'Etat islamique (wilaya Sahel ; wilaya Afrique de l'Ouest) doit constituer un point de vigilance dans la mesure où la présence d'éléments francophones pourrait constituer une menace portée vers le territoire national.
Recommandations relatives à la bascule d'effort des services intégrant la Russie, l'Asie et le Moyen-Orient :
10. Développer de nouvelles barrières et entraves à la fourniture de la BITD russe.
11. *****
12. Bien que la prolifération d'armes légères en provenance d'Ukraine ne soit pas encore constatée, c'est un point de vigilance à considérer dès maintenant dans l'optique de la fin du conflit, pour prévenir la réapparition d'un phénomène analogue à la fin de la guerre en ex-Yougoslavie.
13. *****
14. *****
15. *****
16. *****
17. *****
Recommandations relatives au renseignement de contre-prolifération :
18. *****
19. *****
20. Améliorer le statut et les conditions de fidélisation des personnels ingénieurs et doctorants *****
Recommandations visant à doter la France de structures pérennes pour l'organisation des futurs événements internationaux, inspirées du retour d'expérience des JOP 2024 :
21. Pérenniser la méthodologie de cartographie de l'analyse des risques (ANR) élaborée à l'occasion des JOP 2024.
22. Capitaliser l'expérience acquise par le CNSJ et le CRO pour la coordination de la sécurité des grands événements en organisant la réactivation de telles structures, à adapter à chaque événement, sous la forme d'un Centre d'analyse des risques (CAR).
Recommandations relatives à améliorer la lutte anti drone :
23. *****
24. Mieux anticiper les commandes publiques à venir, via des retro-plannings intégrant des délais réalistes pour la rédaction des marchés, leur passation, ainsi que pour les phases de conception et de test des matériels commandés, prenant mieux en compte la complexité du sujet.
25. Envisager une pénalisation des vols de drones non autorisés dans les zones interdites sur le modèle de l'article 322-14 du code pénal relatif à la communication ou la divulgation d'une fausse information faisant croire à un sinistre et de nature à provoquer l'intervention inutile des secours.
26. *****
Recommandation dans le domaine des menaces hybrides :
27. Mettre en oeuvre les recommandations de la commission d'enquête sénatoriale sur les politiques publiques face aux opérations d'influences étrangères (rapport n°739 (2023-2024)).
28. Renforcer le budget de l'Agence VIGINUM afin de lui assurer les effectifs nécessaires à son indispensable montée en puissance.
RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES DE LA COMMISSION DE VÉRIFICATION DES FONDS SPÉCIAUX
Recommandation pour l'exercice budgétaire 2022 :
Recommandation générale n° 22-01 (à l'attention de la Première ministre) : Rétablir une programmation budgétaire sincère et annuelle de la dotation en fonds spéciaux du programme 129 à compter du projet de loi de finances pour 2025, tenant compte des besoins de « resoclage » de la dotation de chacun des services.
Recommandation générale n° 22-02 : Établir pour chaque service un plan pluriannuel, au minimum triennal, d'expression des besoins en fonds spéciaux et de régulation des soldes annuels de trésorerie sur la base d'une estimation de fonds de roulement minimum.
Recommandation pour l'exercice budgétaire 2023 :
Recommandation générale n° 23-01 : Définir un niveau minimum de ***** pour chaque structure bénéficiaire de fonds spéciaux afin de garantir *****.
CHAPITRE
IER
BILAN D'ACTIVITÉ
DE LA DÉLÉGATION
PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT
D'OCTOBRE 2023 À DECEMBRE
2024
I. UNE COMPOSITION PARTIELLEMENT RENOUVELÉE PAR DEUX FOIS
Au cours de l'année écoulée, la composition de la délégation parlementaire au renseignement s'est vue partiellement modifiée à deux reprises, à la suite du renouvellement sénatorial de septembre 2023, puis de celui de l'Assemblée nationale en juin 2024 suivi en septembre 2024 par l'installation du Gouvernement Barnier, qui a privé la délégation de deux de ses sénateurs membres.
Ø Conformément à l'article 6 nonies de l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958, les présidents des commissions chargées des affaires de sécurité et de défense des deux chambres sont membres de droit de la Délégation. La présidence de la délégation est assurée, alternativement, pour un an, par un député ou un sénateur membre de droit.
En conséquence, à l'issue du renouvellement sénatorial, M. Cédric PERRIN, sénateur (LR) du Territoire de Belfort, a succédé, à la présidence de la Délégation, à M. Sacha HOULIE, député (Renaissance) de la Vienne.
Mme Gisèle JOURDA, sénatrice (SER) de l'Aude, a été désignée par le Président du Sénat pour siéger à la DPR en remplacement de M. Yannick VAUGRENARD, ancien sénateur.
La Délégation parlementaire au Renseignement était constituée, à compter du 26 octobre 2023, comme suit :
o M. Cédric Perrin, Sénateur LR, Président, membre de droit
o M. Thomas Gassilloud, Député Renaissance, Premier Vice-président, membre de droit
o Mme Gisèle Jourda, Sénatrice SER, Vice-présidente
o M. François-Noël Buffet, Sénateur LR, membre de droit
o Mme Agnès Canayer, Sénatrice LR
o Mme Caroline Colombier, Députée RN
o M. Sacha Houlié, Député Renaissance, membre de droit
o Mme Constance Le Grip, Députée Renaissance
La « représentation pluraliste » imposée par l'ordonnance susvisée est autant que possible respectée, compte tenu de la composition politique des deux chambres. La parité homme-femme est également équilibrée.
Ø Le renouvellement de l'Assemblée nationale, suite à sa dissolution le 9 juin 2024, a entraîné les modifications suivantes :
M. Jean-Michel JACQUES, député (EPR) du Morbihan, Président de la Commission de la défense et des forces armées, et M. Florent BOUDIE, député (EPR) de la Gironde, Président de la Commission des lois, sont devenus membres de droit de la Délégation pour l'Assemblée nationale, en remplacement de MM. Thomas GASSILLOUD et Sacha HOULIE.
La Présidente de l'Assemblée nationale a désigné comme membres de la Délégation, le 5 novembre 2024, Mme Caroline COLOMBIER, députée RN de la Charente, renouvelée dans ses fonctions, et M. Aurélien ROUSSEAU, député socialiste des Yvelines.
Ø Enfin, la nomination au Gouvernement de M. François-Noël BUFFET et de Mme Agnès CANAYER, le 21 septembre 2024, a entraîné leur démission du Sénat le 21 octobre 2024.
Mme Muriel JOURDA, sénateur LR du Morbihan, a succédé, le 23 octobre 2024 à M. François-Noël BUFFET à la tête de la Commission des lois du Sénat, devenant par là-même membre de droit de la DPR.
Le Président du Sénat a complété la Délégation en désignant, le 24 octobre 2024, Mme Catherine di FOLCO, sénatrice LR du Rhône.
Suite à la nomination de M. Jean-Michel JACQUES, député, comme Premier Vice-président (en remplacement de M. Thomas GASSILLOUD), la Délégation parlementaire au Renseignement était constituée, à compter du 13 novembre 2024, comme suit :
o M. Cédric Perrin, Sénateur LR, Président, membre de droit
o M. Jean-Michel Jacques, Député EPR, Premier Vice-président, membre de droit
o Mme Gisèle Jourda, Sénatrice SER, Vice-présidente
o Mme Catherine di Folco, Sénatrice LR
o Mme Muriel Jourda, Sénateur LR, membre de droit
o M. Florent Boudié, Député EPR, membre de droit
o Mme Caroline Colombier, Députée RN
o M. Aurélien Rousseau, Député socialiste
Cette nouvelle composition reflète l'évolution de la composition politique de l'Assemblée nationale en accordant un siège au groupe Socialistes et apparentés.
II. LA PERMANENCE DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DU RENSEIGNEMENT, MALGRÉ LES CONTRAINTES LIÉES AU RENOUVELLEMENT DES DEUX ASSEMBLÉES
Malgré les aléas du calendrier parlementaire occasionnées par le renouvellement du Sénat, en septembre 2023, la dissolution de l'Assemblée nationale, en juin 2024, et le départ d'un quart de ses membres pour participer au Gouvernement Barnier en septembre 2024, la délégation parlementaire au renseignement a maintenu une activité soutenue au cours de l'année écoulée, avec 25 réunions, dont 22 auditions ou entretiens au Sénat et six visites hors les murs en région parisienne, ainsi que deux déplacements à l'étranger.
Réunions de la DPR d'octobre 2023 à décembre 2024
Jeudi 26 octobre 2023 :
Reconstitution du Bureau de la DPR
Reconstitution de la CVFS
Echange de vues sur le programme de travail
Audition du général Philippe SUSNJARA, Directeur du renseignement et de la sécurité de la défense
Mardi 14 novembre 2023 :
Audition de M. Pascal MAILHOS, Coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT)
Jeudi 18 janvier 2024 :
Audition de Mme Céline BERTHON, Directrice générale de la sécurité intérieure (DGSI)
Jeudi 25 janvier 2024 :
Déplacement à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) en présence de M. Nicolas LERNER, directeur général
Jeudi 15 février 2024 :
Déplacement à la Direction du renseignement militaire (DRM) en présence du Général Jacques LANGLADE DE MONTGROS, directeur
Jeudi 29 février 2024 :
Déplacement au Centre du renseignement olympique (CRO) et à la Coordination nationale pour la sécurité des jeux olympiques et paralympiques (CNSJ) en présence du Préfet Thierry MOSIMANN et de M. Olivier METIVET
Jeudi 7 mars 2024 :
Déplacement au Commissariat à l'énergie atomique - Direction des applications militaires (CEA-DAM) en présence de M. Vincenzo SALVETTI, directeur
Mardi 12 mars 2024 :
Audition de M. Alban GENAIS, Directeur par intérim de TRACFIN
Jeudi 14 mars 2024 :
Visite de M. Cédric PERRIN, Président, et de Mme Gisèle JOURDA au Groupement interministériel de contrôle (GIC)
Mercredi 20 mars 2024 :
Entretien de M. Cédric PERRIN avec M. Hugues BRICQ, Directeur du renseignement à la Préfecture de police
Jeudi 21 mars 2024 :
Audition de M. Christian CHARPY, Président de la quatrième chambre de la Cour des comptes, et de M. Emmanuel GLIMET, Conseiller-maître et Président de section
Jeudi 4 avril 2024 :
Audition de M. Sébastien TIRAN, Directeur national du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)
Audition de M. Gérald DARMANIN, Ministre de l'intérieur et des outre-mer
Mercredi 15 mai 2024 :
Audition de M. Stéphane BOUILLON, Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationales (SGDSN)
Audition de M. Serge LASVIGNES, président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR)
Présentation du rapport 2023 (sur les comptes de l'exercice 2022) de la Commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS)
Mardi 21 mai 2024 :
Audition de M. Alexandre VULIC, Directeur adjoint des affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères
Mercredi 22 mai 2024 :
Audition de M. Antoine MAGNANT, Directeur de TRACFIN
Mardi 11 juin 2024 :
Audition de M. Jean-François GAYRAUD, Directeur de l'Académie du Renseignement
Audition de Mme Camille HENNETIER, Cheffe du Service national de renseignement pénitentiaire (SNRP)
Mercredi 25 septembre 2024 :
Entretiens du Président de la DPR avec M. Pascal CHAUVE, Directeur du Groupement interministériel de contrôle (GIC) et avec des représentants de la DGSE4(*).
Mardi 22 octobre 2024 :
Entretien du Président de la DPR avec M. Thierry MOSIMANN, Coordinateur national pour la sécurité des jeux olympiques et paralympiques, et M. Olivier METIVET, responsable du Centre de renseignement Olympique (CRO)5(*).
Mercredi 23 octobre 2024 :
Accueil par M. Cédric PERRIN de la promotion 2024 des auditeurs du cycle supérieur de l'Académie du Renseignement.
Mardi 12 novembre 2024 :
Visite de M. Cédric PERRIN et de Mme Gisèle JOURDA au groupement d'évaluation départemental de la Préfecture de police (GED75).
Mercredi 13 novembre 2024 :
Reconstitution du Bureau de la DPR
Reconstitution de la CVFS
Audition de M. Serge LASVIGNES, Président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR)
Audition de M. Nicolas LERNER, Directeur général de la sécurité extérieure (DGSE)
Mercredi 20 novembre 2024 :
Audition de M. Stéphane BOUILLON, Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) et de M. Marc-Antoine BRILLANT, chef de VIGINUM
Mardi 26 novembre 2024 :
Audition de M. Pascal MAILHOS, Coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT)
Jeudi 5 décembre 2024 :
Audition de M Thierry MATTA, directeur général adjoint de la sécurité intérieure
Mardi 17 décembre 2024 :
Examen du rapport 2023-2024 de la Délégation parlementaire au renseignement
La délégation a par ailleurs effectué :
- Un déplacement au Qatar et en Jordanie, du 17 au 22 avril 2024 de M. Cédric Perrin, Mmes Gisèle Jourda, Agnes Canayer et Caroline Colombier ;
- Un déplacement à Rome, les 28 et 29 novembre 2024 de M. Cédric Perrin et M. Aurélien Rousseau, à la réunion des commissions parlementaires sur le renseignement6(*).
III. LES THÈMES DE TRAVAIL DE L'ANNÉE ÉCOULÉE
La Délégation s'était fixé les thèmes de travail suivants :
· Les leçons de l'Ukraine et du Sahel pour la politique publique du renseignement : Ce sujet résulte d'une demande exprimée par le Président du Sénat, à la suite de l'attaque terroriste du Hamas, pour engager une « vraie réflexion [...] avec la délégation parlementaire au renseignement » sur le rôle des services de renseignement en Ukraine et en Afrique7(*). Ce thème a ainsi permis de revenir sur la chronologie des événements, les éventuels défauts d'analyse et, à partir d'un retour d'expérience partagé avec les services (notamment la DGSE et la DRM), d'aborder leurs projets de réorganisation et leurs objectifs d'amélioration des outils humains et techniques d'anticipation et de préservation de la capacité autonome de décision de la France. Un tel travail analytique mais aussi prospectif peut ainsi contribuer à prévenir de futures situations de crise en Afrique, au Moyen-Orient et en Indopacifique (Taïwan notamment), et nourrir la réflexion sur un repositionnement stratégique des services de renseignement.
· Le sujet de la contre-prolifération, qui n'avait encore jamais été traité par la délégation, lui a permis de s'intéresser au renseignement relatif à la prolifération et à la dissémination des armes nucléaires et conventionnelles8(*). Sur le plan extérieur, il s'agissait de s'assurer des moyens mis en oeuvre en matière de surveillance des menaces nucléaires actuelles ou à venir de pays dotés, détenteurs ou en passe de l'être (Russie, Chine, Pakistan, Corée du Nord et Iran) par la DGSE, la DRM et le CEA-DAM. Sur le plan intérieur, la guerre en Ukraine apparaît en passe de devenir une source de trafic d'armes plus importante que dans la période post-Yougoslavie, la DGSI étant en charge de la lutte contre la prolifération des armes.
· La DPR a accordé une attention toute particulière au défi de sécurité nationale représenté par les JO 2024.
· Enfin, la DPR a entendu plusieurs autorités de contrôle dont la Cour des comptes et la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).
IV. LES DOCUMENTS TRANSMIS À LA DÉLÉGATION
En application de la loi, la délégation est chaque année destinataire du rapport annuel d'activité des services spécialisés de renseignement et des services mentionnés à l'article L. 811-4 du code de la sécurité intérieure, ainsi que du rapport annuel de synthèse exhaustif des crédits consacrés au renseignement.
Une synthèse intermédiaire du rapport annuel d'activité des services a été transmise à la Délégation parlementaire au renseignement en juin 2024. Ce rapport était assorti de fiches de suivi des recommandations de la DPR, synthétisées au V ci-après. La version finale du rapport, analysée au chapitre 2, I ci-après, a été remise à la délégation le 5 décembre 2024
Le 14 novembre 2024 a été communiquée au président de la Commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS) la note annuelle sur la gestion des fonds spéciaux et le suivi des recommandations de la CVFS.
Le CRO a transmis le 24 octobre 2024 le document « Retour d'expérience du centre de renseignement olympique (CRO) et du Centre de coopération internationale (CCI) ».
La Délégation a été destinataire, en septembre 2024, du bilan de la mise en oeuvre, sur les réseaux des opérateurs, des traitements automatisés, dits « algorithmes », aux fins de détection des menaces terroristes, autorisés par l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure9(*). Ce rapport, dont la DPR s'est félicité de la transmission et de la qualité compte tenu du sujet particulièrement sensible, fait l'objet d'un développement au Chapitre 3, IV ci-après.
Par un courrier du 2 août 2024, le vice-président du Conseil d'Etat, M. Didier-Roland TABUTEAU, a transmis au Président de la DPR des éléments statistiques sur l'activité de la formation de la section du Conseil spécialisée en matière de contentieux des techniques de renseignement et de fichiers intéressant la sûreté de l'Etat.
Le 18 décembre 2023, le CNRLT a transmis la liste des rapports de l'Inspection des services de renseignement (ISR) publiés au second semestre 2023 :
- Evaluation du rôle et du fonctionnement des dispositifs d'inspection et d'audit interne des services de renseignement (17 juillet 2023)
- Evaluation de la préparation des services de renseignement et de la coopération inter-services dans la perspective des JOP 2024 (4 septembre 2023).
En outre, durant l'année 2024, deux rapports ont été établis par l'ISR :
- Enquête administrative sur les difficultés de fonctionnement rencontrées par Tracfin ;
- Le renseignement d'origine sources ouvertes.
Par ailleurs, la Cour des comptes a effectué une communication au Gouvernement sur son rapport relatif à la fonction renseignement de la DNRED.
Enfin, le CNRLT a informé la délégation que la validation de la nouvelle stratégie nationale du renseignement interviendrait au premier trimestre 2025.
V. LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT ÉMISES SUR LA PÉRIODE 2020-2023
Ø Recommandations figurant au rapport 2020-2021
Complètement prise en compte |
13 |
17 |
Partiellement prise en compte |
1 |
|
En cours de prise en compte |
3 |
|
Non prise en compte |
2 |
2 |
Non cotée |
1 |
1 |
TOTAL |
20 |
20 |
Ø Recommandations figurant au rapport 2021-2022
Complètement prise en compte |
7 |
9 |
Partiellement prise en compte |
2 |
|
En cours de prise en compte |
0 |
|
Non prise en compte |
0 |
0 |
Non cotée |
1 |
1 |
TOTAL |
10 |
10 |
Ø Recommandations figurant au rapport 2022-2023
Complètement prise en compte |
7 |
16 |
Partiellement prise en compte |
2 |
|
En cours de prise en compte |
7 |
|
Non prise en compte |
4 |
4 |
Non cotée |
2 |
2 |
TOTAL |
22 |
22 |
*
* *
CHAPITRE 2 : LES ENJEUX D'ACTUALITÉ LIÉS À LA POLITIQUE PUBLIQUE DU RENSEIGNEMENT
I. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LE RAPPORT ANNUEL D'ACTIVITÉ DES SERVICES
A. LES MOYENS DES SERVICES
Le rapport annuel d'activité des services de renseignement de l'exercice 2023 a été élaboré par la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme et remis à la délégation lors de l'audition du CNRLT le 5 décembre 2024.
Celui-ci présente les chiffres clés de l'activité des services à commencer par les moyens consacrés au renseignement. Ils se décomposent en deux catégories de crédits :
- les fonds normaux votés en loi de finances au sein de 14 programmes budgétaires10(*) concourant à la politique publique du renseignement dont le total des dépenses s'est établi à 3,1 Mds€ en 2023 contre 3 Mds€ en 2022 et 2,77 Mds€ en 2021. Cette hausse, depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, devrait être appelée à croitre encore plus si la trajectoire de la LPM 2024-2030 est respectée (+ 5Mds€ sur la période) et, de manière plus certaine, en vue des opérations de changement de siège de la DGSE et de la DGSI ;
- les fonds spéciaux, issus des crédits du programme 129, dont les dépenses ont également augmenté depuis l'année 2022 où elles ont atteint *****. Depuis, l'usage de ces fonds ne cesse de progresser : *****. Dans le même temps la dotation initiale est restée invariablement la même (75,9 M€) depuis 2021. La CVFS regrette chaque année que la budgétisation en loi de finances soit insincère puisque les abondements en cours d'exercice sont récurrents et prévisibles.
En données publiques figurant dans les annexes aux lois de finances et aux lois de règlement, la sous-budgétisation constatée en 2022 et 2023 entre la prévision et l'exécution des crédits est accentuée dans le projet de loi de finances pour 2025 en s'établissant à 71,9 M€ (cf. tableau ci-après).
Évolution de la dotation et de l'exécution des crédits de fonds spéciaux
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
||||
LFI* |
Exécution |
LFI |
Exécution |
LFI |
Exécution |
LFI |
Exécution |
75 976 462 |
101 259 770 |
75 976 462 |
102 126 462 |
75 976 462 |
/ |
71 924 802 |
/ |
* Loi de finances initiale
Source : DPR d'après les annexes aux lois de finances pour 2022, 2023, 2024, 2025 et aux lois de règlement pour 2022 et 2023
Compte tenu de la persistance constatée par la CVFS d'une estimation de besoins de l'ordre de ***** annuel pour les années *****, la délégation réitère sa recommandation tendant à réévaluer l'enveloppe des crédits en fonds spéciaux du programme 129 à un niveau conforme au principe de sincérité de la prévision budgétaire.
Recommandation sur la budgétisation des fonds spéciaux :
1. Appliquer la recommandation de la CVFS tendant à la présentation d'une estimation de dépense sincère du budget alloué aux fonds spéciaux lors du prochain projet de loi de finances.
B. L'ACTUALITÉ DU RENSEIGNEMENT
Les sujets d'intérêt portés par les services au cours de l'année 2023 ont principalement porté sur leur capacité d'adaptation à la multiplication des crises internationales en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient. L'impact et les enseignements pour les services est que cette situation de forte sollicitation des ressources (imagerie, capacités techniques, ressources en analyste, etc.) est appelée à durer.
Le chef de filât de la DGSI en matière anti-terroriste est rappelé par la CNRLT avec une attention plus particulière, et nouvelle, accordée à l'échelon territorial avec une information régulière du procureur de la République et du préfet, ce dernier pouvant réunir à sa demande les représentants locaux de la DNRT, de la DRPP et de la DGSI.
A cet égard, le président de la délégation souligne qu'il s'est rendu à une réunion du groupe d'évaluation départemental (GED) de la Préfecture de police. Plusieurs constats ont pu être faits quant au taux important (15 à 20 %) d'individus radicalisés en situation de trouble psychiatrique, sans suivi thérapeutique. Plusieurs recommandations sont remontées de ces échanges.
Recommandations relatives à l'évaluation et à la prévention :
2. Instaurer une injonction de soin thérapeutique pour les individus souffrant de troubles psychologique ou psychiatrique.
3. Sensibiliser les maires à la possibilité de communiquer des informations ou des signalements au groupement d'évaluation départemental de leur ressort.
Par ailleurs, plusieurs enjeux juridiques sont en chantier sous l'égide de la CNRLT :
- le déploiement d'une stratégie d'influence européenne et internationale ;
- la réflexion sur la problématique du chiffrement généralisé des communications ;
- la définition d'un calendrier et d'une méthode pour instaurer une capacité de contrôle à distance par la CNCTR de l'exploitation des données issues de la mise en oeuvre de la technique de recueil des données informatiques et une simplification pour les services de renseignement de l'exploitation des interceptions de sécurité. A cet égard, la délégation rappelle qu'elle soutient cette demande de la CNCTR, qu'elle avait proposé d'encadrer par la loi lors de la discussion de la LPM 2024-2030. Elle appelle de ses voeux une traduction législative de ces évolutions dans le cadre d'un prochain projet de loi sur le renseignement en tenant compte du calendrier de développement du projet par les acteurs concernés : le GIC et, à le stade, la DGSI et la DGSE ;
- enfin, les services du second cercle ont été autorisés par un arrêté du Premier ministre à recourir à une identité d'emprunt dans l'exercice de leurs missions dans les conditions prévues par l'article L.861-2 du code de la sécurité intérieure qui n'avait jusque-là été mis en application que pour les services du premier cercle.
Recommandation relative au contrôle de la technique de recueil des données informatiques par la CNCTR :
4. Encadrer par la loi le futur dispositif de contrôle à distance par la CNCTR de l'exploitation des données issues du recueil de données informatiques par les services.
II. LA LOI N° 2024-850 DU 25 JUILLET 2024 VISANT À PRÉVENIR LES INGÉRENCES ÉTRANGÈRES EN FRANCE
La loi n° 2024-850 du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France entend renforcer le dispositif de lutte contre une menace avérée et potentiellement déstabilisatrice pour notre pays : l'action hostile d'États destinée à peser sur les décisions publiques ou l'opinion publique française au service de leurs propres intérêts. Elle est directement issue des travaux de la délégation parlementaire au renseignement et de son rapport d'octobre 2023 dont les principales conclusions ont été reprise dans la proposition de loi déposée par Sacha Houlié en février 2024. Adoptée définitivement le 5 juin, la loi n'a été publiée que le 26 juillet11(*) en raison de l'examen de deux saisines successives du Conseil constitutionnel, celles-ci ayant été jugée irrecevables car déposées après la dissolution de l'Assemblée nationale.
Comme le soulignait le rapport de la délégation parlementaire au renseignement d'octobre 2023, si les ingérences étrangères ont toujours existé, la menace qu'elles représentent « est devenue protéiforme, omniprésente et durable »12(*). Plurielles, les ingérences étrangères peuvent prendre trois formes distinctes :
· classiques : relevant de l'espionnage - y compris économique, ces opérations d'ingérence sont généralement conduites par les services de renseignement extérieur des États concernés « et visent principalement à la captation d'informations stratégiques ou sensibles »13(*) ;
· modernes : l'espace cyber ou le domaine spatial constituent à cet égard de nouveaux domaines dans lesquels des États étrangers particulièrement offensifs dans leur stratégie d'ingérence peuvent conduire des opérations ;
· hybrides : des opérations d'influence - ou de « sharp power » - et de manipulation de l'information peuvent viser à terme l'affaiblissement des institutions démocratiques des États victimes, en particulier en période électorale, dont la France fait partie, comme l'ont montré les Macron leaks en 2017.
À cadre juridique constant, la capacité de résistance de la France aux mutations de cette menace ne paraît aujourd'hui plus garantie. En particulier, la conduite d'opérations hybrides sur notre sol exploitant les failles d'un cadre juridique libéral, pensé pour nos concitoyens et non pour des tentatives de déstabilisation concertées conduites par des puissances étrangères, doit nous amener à renforcer ce dernier.
À cet égard, le chemin du législateur n'est pas dépourvu d'obstacles : si l'influence ne peut être assimilée à l'ingérence étrangère, les deux notions ne paraissent pas imperméables. Comme le rappelle le rapport de la délégation parlementaire au renseignement précité, « bien que leurs finalités ne soient pas comparables, il existe néanmoins des porosités entre influence et ingérence, une zone grise voire un continuum en ce sens que l'influence peut aussi préparer le terrain à des actions d'ingérence. » L'inaction étant exclue, l'on ne peut néanmoins que se féliciter que le législateur s'engage sur ce chemin de crête.
La loi complète notre cadre juridique à trois égards.
Elle vise d'abord à garantir une meilleure transparence sur les agissements de certains acteurs susceptibles d'agir pour le compte d'une puissance étrangère dans le cadre d'une opération d'ingérence. Cette transparence serait mieux garantie à trois niveaux.
En premier lieu, l'article 1er rend plus transparentes les activités d'influence réalisées pour le compte d'un mandant étranger. Il prévoit à cette fin la constitution d'un répertoire, tenu et rendu public par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), des représentants d'intérêts qui, pour le compte d'un mandant étranger, influencent la décision publique, réalisent toute action de communication à destination du public ou collectent des fonds sans contrepartie. Le fait pour un tel représentant d'intérêts de ne pas se soumettre à l'inscription obligatoire à ce registre sera puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. L'article 2 complète le contrôle de la HATVP pour les reconversions professionnelles.
En deuxième lieu, l'article 3 tend à mieux garantir la transparence du financement des laboratoires d'idées ou think tanks « qui réalisent des analyses ou des expertises sur tout sujet en lien avec une politique publique nationale ou en matière de politique étrangère » et des organismes éducatifs publics travaillant avec un partenaire étranger pour l'enseignement d'une langue étrangère ou la promotion des échanges culturels, qui sont désormais tenus de transmettre à la HATVP la liste des dons et versements reçus de la part de toute puissance ou personne morale étrangère.
Enfin, afin de compléter l'information du Parlement sur l'état d'une menace par nature mouvante, l'article 4 prévoit la remise bisannuelle au Parlement d'un rapport du Gouvernement sur l'état des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale, notamment s'agissant des « menaces résultant d'ingérences étrangères ».
Le cadre ainsi posé s'accompagne de nouveaux moyens pour l'administration et la justice de lutter contre les ingérences.
L'article 6 tend à étendre aux cas d'ingérences étrangères, pendant un délai de quatre ans à compter de la promulgation de la loi, l'usage par les services de renseignement de la technique dite de « l'algorithme ».
L'article 7 tend à ouvrir la possibilité de geler les avoirs des personnes physiques ou morales pratiquant des actes d'ingérences étrangères. En droit positif, l'administration a en effet la possibilité de geler les avoirs de personnes physiques ou morales « qui commettent, tentent de commettre, facilitent ou financent des actes de terrorisme, y incitent ou y participent »14(*). Cet article étend ainsi cette faculté aux personnes pratiquant des actes relevant de l'ingérence étrangère, dont il tend au surplus à donner une définition.
Enfin l'article 8, inséré à l'initiative de la rapporteure du Sénat, Agnès Canayer, prévoit une circonstance aggravante en cas d'infraction commise pour le compte d'une entité étrangère et autorise le recours aux techniques spéciales d'enquête.
Cette loi est applicable à l'ensemble du territoire du la République.
III. BILAN DE LA MISE EN oeUVRE DES TRAITEMENTS AUTOMATISÉS (ALGORITHMES)
La loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement a pérennisé le recours à la technique de l'algorithme dans la lutte antiterroriste et prévu la remise d'un rapport au Parlement, au plus tard le 31 juillet 2024, sur le bilan de la mise en oeuvre, sur les réseaux des opérateurs, des traitements automatisés (algorithmes) aux fins de détection des menaces terroristes permis par l'article L. 851 du code de la sécurité intérieure.
Ce rapport a été transmis à la DPR et donné lieu à l'audition du GIC et de la DGSE le 24 septembre 2024. Depuis 2017 cinq algorithmes ont été autorisés dont *****. Le rapport montre la capacité de ces instruments à mettre en évidence, sous réserve de la capacité à déterminer des événements normés caractéristiques d'un comportement porteur de risque, des situations parfois difficilement détectables.
Rappel du cadre juridique de la technique des algorithmes et éléments de bilan
Créée par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement (article L.851-3 du code de la sécurité intérieure), la technique dite de l'algorithme vise à détecter, sur les réseaux des opérateurs, des comportements, téléphoniques ou numériques, caractéristiques d'organisations et de cellule terroristes (déplacements, relations entre des identifiants inconnus et des identifiants susceptibles de porter un menace).
o Le dispositif a été mis en oeuvre en fin d'année 2017, après deux années de développement technique ;
o Depuis, 5 algorithmes ont été autorisés après avoir fait l'objet d'un avis favorable de la CNCTR ;
o ***** ;
o ***** ;
o La loi précitée du 30 juillet 2021 a pérennisé le dispositif ;
o Le périmètre des données concernées, ***** ;
o Le traitement des données relève du GIC et celui-ci est chargé d'effectuer les tests préalables au contrôle et à la validation par la CNCTR ;
La loi du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France a étendu les finalités de l'algorithme à la prévention des ingérences étrangères et des cybermenaces.
Les auditions conduites ont *****. Par ailleurs *****.
S'agissant de ***** :
- pour ***** ;
- pour *****.
Ces résultats *****.
La DPR note la maîtrise du GIC sur l'élaboration et la précision croissante des algorithmes. Elle relève que cette précision pourra être accrue par le recours au périmètre de données élargi par la loi de 2021 et la CNCTR. Elle se félicite par ailleurs de la robustesse du processus de contrôle mis en place, lequel pourrait être allégé sur un point pour rationaliser la procédure actuelle qui impose un double avis de la CNCTR, d'abord sur l'autorisation initiale de l'algorithme, puis sur chaque autorisation individuelle de levée de l'anonymat.
L'extension de l'algorithme pour prévenir les ingérences étrangères et les menaces pour la défense nationale, permise par la loi du 25 juillet 2024, appellera un nouvel examen de l'efficacité de ce dispositif dans le cadre d'un dialogue avec les parties prenantes.
CHAPITRE 3 : LES FOCUS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT SUR L'ÉVALUATION DE LA POLITIQUE PUBLIQUE DU RENSEIGNEMENT
I. QUEL REPOSITIONNEMENT STRATÉGIQUE POUR LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT À LA LUMIÈRE DES LEÇONS DE L'UKRAINE ET DU SAHEL ?
A. LE RENSEIGNEMENT UTILE À L'ANTICIPATION DIPLOMATIQUE ET POLITIQUE D'ÉVÉNEMENTS STRATÉGIQUES : UN EXERCICE DIFFICILE
Lorsque le 15 septembre 2021, les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie annoncent la conclusion d'un pacte de sécurité AUKUS qui a pour conséquence l'éviction du contrat de fourniture par la France de 12 sous-marins d'attaque à propulsion conventionnelle de Naval Group, la surprise semblait totale pour les autorités françaises. La question se reposait le 24 février 2022 alors que la Russie attaquait l'Ukraine : disposions-nous de renseignements pour anticiper ces événements stratégiques ? Autre question : dans quelle mesure la France est-elle en mesure de conserver un pouvoir de décision autonome ?
L'attaque d'Israël par le Hamas le 7 octobre 2023 appelle à l'humilité. Comme l'a rappelé le Directeur du renseignement militaire, le renseignement est une mission infinie avec des moyens finis. Le rôle des services est de « diminuer le niveau d'incertitude » par des sources, des recoupements et des analyses.
1. L'attaque de l'Ukraine : que savions-nous ?
C'est en cela que, pour tordre le cou au « bashing » sur le renseignement, la délégation s'est intéressée aux leçons de l'Ukraine et des coups d'Etat successifs au Sahel qui ont abouti à la rupture des relations entre la France et le Mali, le Burkina Faso et le Niger. En termes de politique publique, l'enjeu d'une bonne compréhension de ces événements et de ce que nos services pouvaient « faire remonter » est riche d'enseignement pour orienter ou réorienter le travail des services.
Le cas des prémices et du déclenchement de la guerre en Ukraine est symptomatique de la complexité du recueil, de l'analyse, du recoupement et de la coopération avec les alliés, ceux-ci ayant leurs propres intérêts à défendre. Aussi, dire que les Américains et les Britanniques « savaient », et pas la France, est réducteur. La chronologie que la délégation a reconstituée ci-dessous illustre la complexité de l'exploitation du renseignement au regard des choix politiques.
Chronologie du
déclenchement de la guerre en Ukraine
sous l'angle du
renseignement
- Printemps 2021 : montée des tensions suite à la rupture des accords de Minsk, consécutive à la reconnaissance par le président russe Vladimir Poutine, le 21 février 2022, de l'indépendance des territoires séparatistes prorusses ;
- Été 2021 : la DGSE renforce ses moyens par une bascule d'effort sur la Russie et l'organisation Wagner ;
- Septembre-octobre 2021 : des mouvements militaires sont caractérisés dans le cadre de l'exercice militaire Zapad avec en première analyse la recherche d'une pression diplomatique pour préparer l'intégration des territoires séparatistes, sans toutefois de renseignement sur une opération massive ;
- Novembre 2021 : les Etats-Unis et le Royaume-Uni évoquent publiquement la perspective d'une attaque ;
- Janvier 2022 : le renseignement français documente la possibilité d'une attaque mais ne dispose pas d'éléments avérés sur une intention. Des plans sont connus mais sans éléments de décision. L'évaluation de la DGSE est qu'à ce stade une attaque massive russe serait « extrêmement risquée » compte tenu des capacités ukrainiennes et des faiblesses russes que le commandement a dissimulées au Président russe ;
- 20 Février 2022 : la DGSE envisage la possibilité du passage à l'acte, sans disposer de partage des renseignements que détiendraient les américains et britanniques. Ces derniers, à l'avant-veille de l'attaque, ne disposaient encore ni de la décision, ni de la date ;
- postérieurement, on comprend qu'un accès technique américain a pu mettre au jour la présentation de la planification de l'attaque qui s'est faite dans un cercle très restreint autour de Poutine, sans que ni le ministre des affaires étrangères Lavrov, ni les commandants militaires n'en soit informés.
Source : auditions de la DPR
Que retenir de cette chronologie :
- d'abord que la France disposait par la DRM et la DGSE d'une connaissance de la situation tactique autonome de nos alliés américains et britanniques, tant sur les manoeuvres russes que sur les moyens ukrainiens ;
- en deuxième lieu, que les services disposaient d'éléments sur la potentialité d'une attaque russe, mais contrebalancée par une analyse de risque en défaveur de l'attaque ;
- ensuite les Américains et les Britanniques ont choisi de communiquer sur l'imminence d'une attaque très tôt, vraisemblablement avant de disposer d'éléments de recoupement, dans le cadre d'une posture politique différente de celle de la France, laquelle privilégiait alors la diplomatie ;
- enfin la part d'irrationalité dans la prise de décision par le Président Poutine et le cercle très restreint de la prise de décision illustre la difficulté de disposer de sources humaines et techniques en pareil cas.
2. Pouvions-nous prévenir le renversement des régimes au Mali, au Burkina Faso et au Niger ?
Des échanges avec la DGSE et la DRM, il ressort que le contexte et l'enchaînement des coups d'Etat successifs au Mali, au Burkina Faso et au Niger relève d'une toute autre analyse que celle précédemment faite sur le déclenchement de l'invasion de l'Ukraine.
Avec près de 220 coups d'Etat en Afrique en 70 ans, les services constatent d'abord une faiblesse structurelle des régimes considérés, avec ensuite une part importante d'initiative personnelle dans les putschs, dont les auteurs sont parfois inconnus ou extérieurs à la haute hiérarchie militaire ou politique.
Les pouvoirs en place jouissent d'une faible légitimité mais toute la difficulté est de savoir à quel moment ceux-ci sont susceptibles d'être renversés. La chronologie ci-dessous décrit le niveau de connaissance et d'appréciation des événements.
Un autre exemple est la répétition des coups d'Etats dans les pays du Sahel partenaires de la France dans l'opération Barkhane, où l'on a pu se demander si ces renversements de régimes auraient pu être prévus et évités.
La chronologie de ces putschs est instructive quant à la volatilité des régimes face à des renversements de situation parfois improvisées.
Chronologie des coups d'État successifs au Mali, Burkina Faso et Niger
1) Mali : deux coups d'Etat successifs en 2020 et 2021
Trois coups d'État ont déjà eu lieu depuis l'indépendance du pays (1968, 1991 et 2012) lorsqu'en 2020 la situation politique se détériore après une séquence électorale contestée sur fond de crise sécuritaire pérenne et érode la légitimité du président Ibrahim Boubacar Keïta et sa capacité à résoudre cette crise aux yeux de certains cadres militaires. Deux putschs auront lieu en moins d'un an en 2020 puis en 2021 :
- 18 août 2020 : le Colonel Assimi Goïta dépose le président Keïta. Les services posaient une analyse établissant la vraisemblance théorique de la survenance d'une tentative de renversement du régime au regard, notamment, de la déliquescence du régime et disposaient de renseignements sur une intention de putsch mais non recoupée par un complot. L'analyse était que le coup d'Etat était peu structuré, peu préparé et que le pouvoir est tombé de sa propre faiblesse.
- 24 mai 2021 : le Colonel Assimi Goïta, vice-président, renverse le président de transition Bah N'Daw. Pour ce second putsch, la DGSE dispose de renseignements sur l'intention putschiste en amont des événements, *****.
2) Burkina Faso : le putsch d'un capitaine en 2022
- 10 janvier 2022 : le régime annonce avoir déjoué un projet de coup d'Etat contre le président Kaboré après l'arrestation d'un putschiste potentiel. Le renseignement a connaissance d'intentions putschistes dans un contexte permanent de volontés évanescentes de renversement du pouvoir ;
- 24 janvier 2022 : le putsch commence la veille par une mutinerie pour demander le remplacement du chef d'Etat-major des armées, laquelle aboutit le lendemain à l'arrestation et la démission du président Kaboré. Le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba devient président du Burkina Faso ;
- 30 septembre 2022 : également à l'issue d'une mutinerie et en réponse à plusieurs revers militaires, le capitaine Ibrahim Traoré évince le président Damiba après plusieurs jours de pourparlers et prend le pouvoir. De l'aveu des services, la spontanéité des évènements, au-delà d'un climat pré-insurrectionnel permanent, et le niveau de plus en plus bas des protagonistes dans la hiérarchie font qu'il faudrait descendre de plus en plus bas dans le système pour recueillir du renseignement : « le capitaine Traoré, on ne l'a pas détecté ».
3) Niger : le coup d'Etat à l'improviste de 2023
- La fragilité de la position du président Mohammed Bazoum et le risque de renversement étaient connus des services. Une tentative de coup d'Etat avait déjà eu lieu deux jours avant l'investiture du président Bazoum en 2021 et des projets non aboutis avaient également été détectés et déjoués aux prémices de son mandat.
- 26 juillet 2023 : lorsque le général Tiani, commandant la garde présidentielle, se rend la veille dans le bureau du président Bazoum, le différend portait sur un évènement prosaïque lié aux orientations du président Bazoum en matière de lutte anti-terroriste ainsi que sur des questions d'ordre personnel ou de rémunération, sans l'intention putschiste qui se réalisera le lendemain. Cette tension interpersonnelle et la nuit de négociation qui a abouti au renversement du président Bazoum n'ont pas pu être précisément anticipées, d'autant que le général Tiani n'était pas apparu le leader d'un quelconque groupe de conjurés portant un projet putschiste longuement mûri, une junte d'agrégats se formant a posteriori de la prise en otage du président Bazoum.
Source : auditions de la DPR
Les enseignements de ces trois années d'instabilité politique au Sahel qui ont conduit à des régimes défavorables à la France, tout comme le contexte de désinformation et d'ingérences étrangères hostiles à la France, montrent que le travail d'anticipation n'est un exercice ni facile, ni anodin. En effet, quand bien même un renseignement permettrait de prévenir un événement, la question du respect de la souveraineté d'un État auquel la France est liée par un accord reste intangible.
La délégation a en effet entendu ce dilemme qui au final, l'exemple nigérien étant typique, relève de la souveraineté de l'État en question. La dernière évolution en date concerne la dénonciation, le 28 novembre 2024, par le Tchad, de l'accord de coopération de défense signé avec la France.
Cependant, après un large débat, la délégation a tenu à exprimer sa préoccupation sur l'occurrence répétée de renversements de régime non anticipés, révélant une faille dans le renseignement humain sur le commandement intermédiaire et subalterne des forces armées partenaires. Le constat d'échec - pour les cas avérés susmentionnés - appelle, selon la délégation, les services à une remise en question sur la détection des signaux faibles.
Le retrait des forces françaises de l'ensemble de la zone sahélienne entraîne de facto une nécessaire réarticulation des services de renseignement, notamment de la DGSE, de la DRM et de la DRSD.
B. UNE NÉCESSAIRE MUTATION DU RENSEIGNEMENT SUR LE CONTINENT AFRICAIN
Avec le retrait des forces françaises, d'autres événements tels que les interdictions de survol, la fermeture de l'ambassade de France au Niger et les expulsions de diplomates français par les autorités burkinabés constituent des préoccupations majeures.
Il convient à cet égard de déplorer la détention par le Burkina Faso de quatre techniciens de la DGSE pendant plus d'un an. Leur libération a constitué une priorité15(*).
*****.
À la question des moyens en termes de renseignement technique, s'ajoutent les risques liés au recrutement de nouvelles sources humaines alors que de plus en plus de pays hostiles pratiquent la politique d'otages d'État (l'Azerbaïdjan, la Russie, l'Iran, etc.).
*****.
La carte ci-après matérialise, à partir du dispositif de la force Barkhane antérieur à la succession des coups d'Etats au Mali, Burkina Faso et Niger, la zone géographique concernée par le retrait de la présence militaire française, y compris le Tchad suite à la rupture des accords de défense franco-tchadien annoncée le 28 novembre 2024.
Cartographie des coups d'Etat et des retraits de la présence militaire française
Source : infographie DPR sur une carte du Minarm
La situation nouvelle du renseignement en Afrique, ainsi que plus largement les leçons de l'Ukraine et du Sahel, conduisent la délégation à émettre des recommandations généralisables à d'autres zones géographiques.
Recommandations relatives à la mutation du renseignement en Afrique :
5. Se doter d'une nouvelle doctrine pour maintenir les connaissances, savoirs et savoirs faire du renseignement français en Afrique.
6. *****.
7. *****.
8. *****.
9. Bien que non encore documenté comme un foyer exogène de terrorisme, l'affaiblissement des pays du Sahel au profit d'une menace incarnée par le JNIM (affilié à Al-Qaïda) et l'Etat islamique (wilaya Sahel ; wilaya Afrique de l'Ouest) doit constituer un point de vigilance dans la mesure où la présence d'éléments francophones pourrait constituer une menace portée vers le territoire national.
C. UNE BASCULE D'EFFORT VERS LE FLANC ORIENTAL DE L'EUROPE ET L'INDOPACIFIQUE...
Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, les moyens en fonds normaux comme en fonds spéciaux des services ont connu une hausse sensible. *****.
*****. Dans le cadre de leurs réformes respectives, la première a renforcé ses effectifs et ses moyens sur cette thématique et la seconde a mis en place un « plateau » Eurasie *****.
De fait, les services sont confrontés à une multiplication des crises mais aussi à leur concomitance, ce qui nécessite de solliciter les services, les capteurs et les partenariats.
Cette bascule d'effort est justifiée :
- par la guerre en Ukraine, *****. Le renseignement ainsi obtenu est particulièrement critique sur l'efficacité des sanctions infligées à l'industrie de l'armement puisque 60 % des composants technologiques retrouvés sur des matériels russes sont d'origine américaine. Les composants des drones iraniens Shahed sont quant à eux à 80 % américains, le reste étant d'origine chinoise ;
- par la tension entre la Chine et Taïwan, et plus largement la stratégie indopacifique de la France, *****.
Plus largement, la dissémination d'armements conventionnels dans des régions en crise, au bénéfice de mouvements rebelles, de groupes terroristes ou d'entités criminelles, constitue un facteur d'instabilité contre lequel les services sont également engagés. En outre, certains de ces trafics sont également susceptibles d'alimenter les milieux criminels nationaux.
Enfin, la plaque eurasienne abrite en Afghanistan une branche de Daech très active dénommée l'Etat islamique au Khorassan (EI-K), capable d'activer des réseaux en Europe16(*), et désignée par le renseignement français comme étant à l'origine de l'attentat du Crocus City Hall près de Moscou le 22 mars 2024 qui a fait 145 morts et plus de 500 blessés. En outre, l'EI-K dispose de capacité de projection transfrontalière avec des attaques revendiquées dans les pays voisins, Pakistan et Iran, donc vers le Moyen-Orient.
Recomposition de la menace terroriste islamiste, par zone et par flux
Sources : infographie DPR sur une carte du MEAE
La description par les services des zones d'établissement des organisations terroristes islamistes ainsi que des flux d'individus met en évidence une ligne allant du Khorassan au Moyen-Orient et jusqu'au Sahel. La menace sur l'Europe occidentale et orientale - également comme zone de transit - est attribuée à l'Etat islamique dans le Khorassan en ce qui concerne l'attentat du Crocus city hall de Moscou, tandis que plusieurs voies de pénétration convergent vers l'Europe via la Turquie, le Caucase et l'Algérie.
D. ... TOUT EN CONSERVANT UN DISPOSITIF ROBUSTE AU MOYEN ORIENT...
La DPR a choisi de se déplacer au Qatar et en Jordanie afin de comprendre les défis auxquels font face les services français dans une région marquée par les attaques terroristes en Israël du 7 octobre 2023 et la guerre, depuis, avec le Hamas.
La situation des deux pays choisis est profondément différente. L'un, le Qatar, a réussi depuis 2021 et la fin du blocus qui lui était imposé par l'Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis et plusieurs autres Etats, à apaiser les tensions susceptibles de le menacer dans son environnement immédiat. Il oeuvre aujourd'hui pour une paix régionale et entend jouer un rôle de premier plan en tant que médiateur sur la scène internationale.
L'autre, la Jordanie, se trouve, prisonnier de sa géographie, au premier rang des conflits régionaux qui sont susceptibles à tout moment de s'étendre sur son sol et de menacer sa stabilité voire sa survie. Parmi les nombreux facteurs de risque menaçant le pays, la DPR a noté l'attention portée par les services au narcotrafic en provenance du Liban, de la Syrie, mais aussi d'Iran, pays dans lesquels il lui a été indiqué que les trafiquants exercent une influence sur les autorités locales voire l'Etat.
Le Qatar est un Etat prospère, ayant su transformer la rente issue de ses ressources en hydrocarbures en des investissements internationaux recherchés qui marquent son assise sur le plan international. La chaine Al Jazeera, diffusée en continu dans la plupart des lieux de réunion, a été décrite à la DPR comme étant la « voix de la rue arabe ». Elle offre au Qatar un vecteur de présence voire d'influence dans l'ensemble du monde.
La Jordanie pour sa part est l'une des plus petites économies de la région et souffre d'une crise économique majeure liée à l'effondrement du tourisme et à l'impossibilité de tirer profit de ses ressources naturelles et historiques immenses.
La structure des deux Etats est profondément différente. La tentative de putsch de 2021 en Jordanie a renforcé le rôle des services de renseignement, les Mukhabarat, et de l'appareil policier. Leur vocation première est de prémunir le monarque contre toute tentative de déstabilisation et de contrôler les nombreux réfugiés des conflits les plus récents, Irak et Syrie, et surtout l'importante population d'origine palestinienne qui constitue plus de la moitié des 11,3 millions d'habitants. Néanmoins comme le notait le rapport de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat de 2019, « la comparaison avec les pays voisins reste très favorable à la Jordanie » en matière de libertés publiques. L'absence d'intervention des services de renseignement lors des élections législatives du 10 septembre a été l'un des facteurs permettant aux Frères musulmans, soutien du Hamas et porteurs de projets de réformes populaires, de remporter 31 des 138 sièges, à la suite des élections législatives du 10 septembre.
Le Qatar doit pour sa part sa stabilité à la répartition de ses revenus entre le petit nombre de nationaux qatariens (300 000 environ soit 10 à 15% de la population) et surtout à l'équilibre maintenu par la famille régnante entre les différentes tribus qui constituent le socle de la société et du pouvoir.
La relation de la France avec ces deux pays est importante à plusieurs niveaux, au regard de leur situation dans le conflit entre Israël et le Hamas bien sûr, mais également, pour la Jordanie, en tant qu'ilot de relative stabilité au coeur du Moyen-Orient et, s'agissant du Qatar, de son rôle en tant que puissance financière17(*) ayant des ambitions d'influence sur le plan mondial.
*****.
Les différents services représentés dans ces deux pays ont des rôles qui leur sont propres. L'antenne de la DGSI en Jordanie est ainsi chargée du suivi dans le pays des enquêtes qui concernent la sécurité intérieure. Elle n'intervient pas de sa propre initiative et agit en étroite coopération avec les services de police ou ses homologues sur place. Les services du renseignement militaire, au premier rang desquels la DRM, interviennent pour leur part en appui des forces française engagées dans le cadre des accords de coopération. Leurs objectifs sont donc identiques à ceux des forces militaires nationales sur place et des autres membres de la coalition, principalement américains. Des relations peuvent ainsi se nouer avec les autorités locales et il a été indiqué à la DPR que la DRM jouit d'une grande crédibilité et écoute auprès de l'état-major jordanien.
Ces relations de travail et de confiance sont essentielles pour la « para-diplomatie » qu'exercent les services français à l'étranger. Elles sont le fondement des échanges d'informations opérationnelles souvent même indépendamment des aléas de la diplomatie « officielle ».
Le premier enjeu auquel font face les services *****.
*****.
*****.
*****.
*****.
La DPR considère que *****.
*****.
*****.
*****.
La DPR considère néanmoins que *****.
La DPR a en effet été particulièrement intéressée par *****.
*****.
LA DPR a noté avec intérêt que *****.
La DPR a par ailleurs relevé *****.
Recommandations relatives à la bascule d'effort des services concernant la Russie, l'Asie et le Moyen-Orient :
10. Développer de nouvelles barrières et entraves à la fourniture de la BITD russe.
11. *****.
12. Bien que la prolifération d'armes légères en provenance d'Ukraine ne soit pas encore constatée, c'est un point de vigilance à considérer dès maintenant dans l'optique de la fin du conflit, pour prévenir la réapparition d'un phénomène analogue à la fin de la guerre en ex-Yougoslavie.
13. *****.
14. *****.
15. *****.
16. *****.
17. *****.
La délégation n'a pu rencontrer *****.
*****.
II. LA RÉSURGENCE D'UNE POSTURE NUCLÉAIRE AGRESSIVE MET EN LUMIÈRE DE NOUVEAUX RISQUES DE PROLIFÉRATION
La guerre en Ukraine a changé la donne quant à la circulation d'armements et de technologies entre la Russie et l'Iran, mais aussi entre la Russie et la Corée du Nord.
Déjà focalisée sur l'Iran et la Corée du Nord, deux États proliférants, le renseignement de contre-prolifération doit également faire face aux nouvelles postures, plus agressives, de deux États « proliférateurs », la Russie et la Chine, qui sont en mesure de fournir des technologies relatives aux armes de destruction massive (nucléaire, bactériologique et chimique).
A. LA DGSE : CHEF DE FILE DE L'ÉCOSYSTÈME NATIONAL DE RENSEIGNEMENT DE CONTRE-PROLIFÉRATION
L'évolution de la posture russe vers un discours coercitif de la dissuasion nucléaire et l'emploi d'un missile dit de portée intermédiaire, non porteur de charge, contre l'Ukraine constitue un défi supplémentaire pour le renseignement d'intérêt militaire et d'appui à la dissuasion française, ***** (cf. cartographie ci-après).
Cartographie des puissances dotées et des pays poursuivant un programme nucléaire
Sources : infographie DPR sur une carte du MEAE
Jusqu'à présent, et malgré la guerre en Ukraine, il est intéressant de souligner que la Russie s'acquitte « scrupuleusement » de ses engagements internationaux en matière de notification de ses exercices et tirs de ses trois composantes nucléaires terrestre, aérienne et maritime. Selon l'usage de la « grammaire nucléaire » entre Etats dotés, les vols de bombardiers stratégiques et les tirs de missiles intercontinentaux sont ainsi déclarés et suivis par les puissances occidentales dont la France.
Il existe un écosystème national autour du renseignement de contre prolifération dont la DGSE est cheffe de file au sein d'une cellule dite « Sekhmet » qui réunit les services du premier cercle (dont la DGSI, la DNRED et Tracfin pour lutter contre la prolifération de technologies) auxquels s'ajoutent le CEA-DAM, la DGA et le SGDSN.
Toutefois, *****.
B. CONSERVER DES CAPACITÉS SOUVERAINES D'ANALYSE : UN SOUTIEN INDISPENSABLE À LA DISSUASION FRANCAISE
À côté des services de renseignement, le CEA-DAM assure pour sa part une mission de contrôle du respect du traité de non-prolifération nucléaire. ***** le logiciel d'analyse d'images par IA, développé par la société Preligens *****, risquait d'être racheté par une entreprise américaine. Au final, Preligens est restée dans le giron de la BITD française en rejoignant en septembre dernier le groupe Safran.
*****.
Enfin, l'attention de la délégation a été attiré sur des besoins techniques - ***** - et sur des problématiques de ressources humaines pour fidéliser les ingénieurs et doctorants *****.
Recommandations relatives au renseignement de contre-prolifération :
18. *****.
19. *****.
20. Améliorer le statut et les conditions de fidélisation des personnels ingénieurs et doctorants *****.
III. LE RENSEIGNEMENT FACE AU DÉFI DES JOP 2024
Avec un événement rassemblant plus de 10 000 athlètes, attirant plus de 11 millions de touristes, et offrant une visibilité mondiale, l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques à Paris et sur une quarantaine de sites en Ile de France, en province et outre-mer, représentait un défi hors norme, notamment pour les services de renseignement mobilisés pour cette occasion.
A. L' « ECOSYSTÈME » DU RENSEIGNEMENT MIS EN PLACE AUTOUR DES JEUX
Au niveau stratégique, la coordination a été assurée par la CNRLT, au cours de réunions mensuelles dédiées aux JOP entre les services du premier et du second cercles.
Au niveau opérationnel, la coordination a été confiée aux différents chefs de file thématiques :
o La DGSI pour la lutte contre le terrorisme ;
o L'ANSSI pour la lutte contre les attaques cyber ;
o VIGINUM pour la lutte contre la manipulation de l'information ;
o La DNRT pour la lutte contre les extrémismes violents.
En tant que chef de file « LAT », la DGSI a notamment organisé le renforcement de la coordination interservices, en s'appuyant sur les outils déjà existants que sont le comité de pilotage opérationnel (CPO) et son état-major permanent (EMaP) et en créant une cellule dédiée temporaire chargée d'orienter et de suivre les signalements au niveau du ministère de l'Intérieur.
A ce dispositif s'est ajouté un niveau de coordination ad hoc, pour les sujets non opérationnels :
o La coordination des travaux de préparation, ainsi que la synthèse en phase conduite au sein d'un centre de commandement, a été assurée par une structure spécifique, la Coordination nationale pour la Sécurité des Jeux olympiques 2024 et des grands événements sportifs internationaux (CNSJ), rattachée au cabinet du Ministre de l'Intérieur ;
o Le CRO, organe spécifique et original appartenant à la CNSJ, était dédié à la synthèse des évaluations de la menace transmises par les services chefs de file, ainsi qu'à l'anticipation, l'analyse et la gestion des risques18(*). Il a joué un rôle-clé, en élaborant des scenarii de menaces et de dispositifs de réponse. Tout au long de la période de veille, il a notamment exercé une vigilance toute particulière sur les menaces de basse intensité pouvant constituer des « angles morts » de la surveillance et échapper de ce fait à la vigilance des acteurs traditionnels. Le CRO fut opérationnel 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, pendant la durée des jeux olympiques et paralympiques.
L'ensemble de la communauté du renseignement s'est trouvée mobilisée pour l'occasion, ainsi que la CNCTR, qui, pendant toute la durée des Jeux, a exercé sa mission de contrôle des techniques de renseignement et instruit les demandes des services dans les délais habituels. Le respect du cadre légal des actions conduites par les services de renseignement a ainsi pu être garanti, dans les mêmes conditions qu'en période « normale ».
Par ailleurs, le Centre de coopération internationale (CCI) des JOP a été mis en place le 22 juillet 2024, accueillant quelques ***** (notamment anglais, allemands, israéliens, américains...). La DGSE, en appui de la DGSI, a assuré le pilotage de la division Renseignement de ce centre, à laquelle ont participé quotidiennement, pendant les JOP, *****. Globalement, les services français ont ainsi pu conduire une coopération efficace avec leurs homologues étrangers, tant au niveau bilatéral que dans le cadre du CCI.
B. UNE JUSTE APPRÉCIATION DES MENACES...
A l'occasion des diverses auditions conduites en amont des Jeux, les services français ont fait preuve globalement d'une très bonne capacité d'appréciation des menaces potentielles, qu'il convient de saluer.
Tant le contexte international, qui a vu se multiplier les pôles de tensions majeures (Ukraine, Moyen-Orient, Indo-pacifique, Arménie...), que la polarisation de la situation politique française, ont alimenté des menaces endogènes et exogènes très diverses, qui ont été appréhendées avec justesse par les services.
Ø Le danger d'attentat islamiste se trouvait exacerbé par l'actualité du conflit israëlo-palestinien.
Les services interrogés estimaient que les grandes organisations terroristes telles l'Etat islamique (EI) ou Al Qaida, qui demeurent fondamentalement très hostiles à la France, se trouvaient conjoncturellement affaiblies ; la menace d'origine exogène apparaissait ainsi moins probable tout en demeurant possible. En effet, les attentats du 3 janvier 2024 à Kerman en Iran (une centaine de morts) et du 22 mars 2024 au Crocus City Hall dans la banlieue de Moscou (plus de 140 morts) avaient démontré que l'EI, bien qu'affaibli par la perte de son « Califat », et l'attrition de son commandement syrien, avait regagné une capacité d'exportation de la menace.
La principale crainte provenait toutefois d'individus isolés, parfois inconnus des services de police et de renseignement, parfois radicalisés depuis peu à la faveur du contexte moyen-oriental, souvent sans lien direct avec la mouvance radicale traditionnelle. Ces nouveaux profils peuvent être jeunes, voire très jeunes, présentant souvent des troubles psychosociaux ou des pathologies psychiatriques ; leur mode opératoire est généralement sommaire (attaque à l'arme blanche, ciblée ou non, ne réclamant pas de logistique particulière). Ces différentes caractéristiques les rendent difficilement détectables pour le Renseignement et leur passage à l'acte peut s'avérer difficile à anticiper. Dans le périmètre des sites de compétition à proprement parler, un « périple meurtrier » apparaissait a priori peu probable en raison de l'important dispositif de contrôle d'accès mis en place ; cependant des sites non olympiques pouvaient être ciblés.
Focus sur l'action de la DGSE
Concernant la DGSE, il faut distinguer deux aspects : la prévention de la menace immédiate sur le territoire national et l'entrave des capacités des groupes terroristes en amont du territoire national, dans le temps comme dans l'espace.
Sur le premier volet, la protection du territoire, la DGSE intervient en appui de la DGSI, qui occupe le rôle de chef de file. Pour ce faire, la DGSE transmet à la DGSI les renseignements qu'elle obtient sur des théâtres extérieurs ou dans l'espace numérique, depuis lesquels des individus tentent d'organiser des attentats en France. Il faut noter une évolution importante dans les modes opératoires. Bien souvent, il ne s'agit plus d'une logique d'envoi de combattants étrangers ou bien de Français revenant d'une zone de jihad, mais plutôt d'activation à distance de velléitaires souvent déjà présents sur le territoire.
Sur le deuxième volet, la réduction de la menace en amont, à l'extérieur du territoire, la DGSE est pleinement responsable. Pour cela, elle suit les groupes terroristes les plus dangereux du moment, comme les filières russophones liées à l'ISKP, ainsi que ceux qui visent particulièrement la France, notamment depuis la Syrie. La DGSE a renforcé son travail habituel d'identification et de suivi des principaux porteurs de menace en priorisant ceux qui souhaitaient agir pendant les JOP ou qui étaient particulièrement en capacité d'animer des actions en France. Dans le même temps, la DGSE a animé un effort de mobilisation de la communauté internationale, le contre-terrorisme demeurant un rare sujet de relatif consensus dans un monde fracturé.
Ø Le risque de sabotage physique avait clairement été identifié comme la menace la plus précise, notamment en provenance de l'ultra-gauche. Cette mouvance, très active, comptait plus de 300 collectifs « anti-JO », agitant des thèmes de contestation très divers : l'hostilité aux Jeux olympiques et la critique notamment de leur impact environnemental ou logistique, l'hostilité au Président de la République, l'hostilité à la Maire de Paris... Leurs activistes présentent souvent un profil plus éduqué que la catégorie précédente, et sont capables d'éviter les erreurs susceptibles de permettre aux services de repérer facilement la menace.
Des actions d'origine russe, ou indirectement pilotées par la Russie, étaient également à craindre ; certaines intrusions détectées au cours des mois précédant les Jeux pouvaient à cet égard être interprétées comme des tests, annonciateurs d'actions de plus grande ampleur.
L'ultra-droite était jugée peu active sur la thématique des JOP 2024.
Si le sabotage ne cible d'ordinaire pas les vies humaines, sa capacité de nuisance en termes logistique peut être aussi importante qu'imprévisible ; en outre, la désorganisation pouvant résulter de ce type d'action a potentiellement un grave impact réputationnel.
Ø Le risque cyber était identifié comme un enjeu majeur de la sécurité des Jeux ; à cet égard, les équipes cyber de la DGSE avaient défini en amont de l'événement 5 « axes d'effort » :
- La cybercriminalité,
- Les groupes hacktivistes, notamment ceux liés à la Russie,
- La menace étatique russe, *****,
- La Victim focused discovery (VFD), afin de détecter le plus en amont possible les menaces,
- Les menaces chinoises et iraniennes.
Au cours de mois précédant l'arrivée de la Flamme olympique, des attaques, de faible intensité mais récurrentes, créaient un « bruit de fond » annonciateur d'offensives de plus grande ampleur.
Ø L'espace aérien méritait une vigilance toute particulière. Le contexte du conflit ukrainien et la montée en puissance de la guerre dite « électronique » ont imposé comme une priorité la nécessité de se doter d'un dispositif étanche de lutte anti-drone, afin d'être en mesure de neutraliser des appareils de plus en plus sophistiqués. Notamment, combiné au risque cyber évoqué supra, le risque d'origine aérienne pouvait constituer une menace majeure (par exemple en perturbant l'identification de drones comme « ennemis »).
Ø La menace réputationnelle ciblant les Jeux était présente de longue date, et les agresseurs potentiels, d'origines diverses, ne se limitent pas aux compétiteurs traditionnels de la France.
L'audience record prévisible pour les Jeux - arrivée de la Flamme, cérémonies d'ouverture, compétitions sportives en elles-mêmes et cérémonies de clôture - ne pouvait que susciter un volume d'engagement sans précédent sur les réseaux sociaux, constituant potentiellement une immense caisse de résonnance pour des campagnes malveillantes : les conditions pour des offensives réputationnelles majeures se trouvaient ainsi réunies. Des campagnes de « bashing » autour des Jeux étaient d'ores et déjà conduites depuis plusieurs mois, préparant un terrain inconfortable pour l'image de l'événement. Les thématiques récurrentes prophétisaient une mauvaise organisation des Jeux, une incapacité des services français à en assurer la sécurité, une insuffisante capacité d'hébergement ou de transport en commun ; elles pointaient également de supposés problèmes d'hygiène (punaises de lit, qualité de l'eau)...
Les attaques informationnelles se nourrissant volontiers d'opportunités, les acteurs étrangers hostiles apparaissaient ainsi « dans les starting blocks », prêts à déclencher une attaque d'ampleur si un événement exploitable se présentait.
Ø En termes d'effectifs, le défi représenté par la nécessité de redéployer les forces de l'ordre ainsi que de recruter en nombre suffisant les personnels de sécurité et les bénévoles indispensables au bon déroulement des Jeux était identifié comme un risque organisationnel « très important ».
Or, l'impératif d'assurer la sécurité des sites olympiques ne pouvait avoir pour effet de compromettre celle du reste du territoire en le privant des effectifs nécessaires pour y maintenir l'ordre.
Ø Enfin, divers autres risques identifiés méritaient vigilance : risque nautique, mouvement de foule, trafic de billetterie, vols, exploitation sexuelle, aléas météorologiques, grèves...
L'ensemble de ces risques, analysé et cartographié par le CRO, a permis une vision panoramique exhaustive de la menace, avec pour principaux risques identifiés :
Source : CRO
C. ... ET DES BESOINS
Ø Un pilotage global efficient
La sécurisation des Jeux a su mettre à profit la « prévisibilité » de l'événement, programmé et anticipé de longue date.
Une originalité du rôle assuré par le CRO fut le travail exhaustif de synthèse et d'analyse des scenarii des risques. Dès 2017, dans le dossier de candidature de Paris pour les JOP24, figurait l'engagement de « produire une analyse stratégique des risques et de l'actualiser de manière régulière » : cette analyse a pris la forme d'un document unique dit « ANR », partagé par les services concernés via une plateforme accessible sur le réseau sécurisé Isis, et qui a fait l'objet de 11 versions successives. La version finale, sur 413 pages, établit une cartographie complète des risques de l'événement, avec pour objectifs :
• L'identification aussi exhaustive que possible des risques susceptibles de peser sur l'événement et sa sécurité ;
• La hiérarchisation des risques en fonction de leur degré de criticité (faible, modéré, important, très important, critique) de façon à aider les autorités décisionnaires à déterminer le niveau de risque acceptable ;
• La détermination des priorités d'action, notamment pour atténuer les risques évalués aux niveaux les plus élevés ;
• La définition des types de réponse pour chacun des risques identifiés.
L'analyse a permis l'identification de 217 scenarii de risques19(*) complétés par une centaine de risques dits « spécifiques » (NRBC, etc...), qui ont été répertoriés, évalués (notamment du point de vue de leur vraisemblance, de leur criticité ...), ont fait l'objet d'une cotation, et se sont vu associer un panel de contre-mesures de remédiation ou de mitigation (2750 contre-mesures pour l'ensemble des risques).
Ø Une mobilisation des effectifs à la hauteur des enjeux
Les effectifs déployés pour assurer la sécurité des Jeux témoignent d'une mobilisation sans précédent : grâce à des mesures, annoncées de longue date, d'interdiction de congés durant la période des Jeux pour les forces de l'ordre, de mobilisation des réservistes et des écoles de police et de gendarmerie, et de suppression temporaire de la distinction entre zones de police et de gendarmerie, il a été possible de déployer 31 000 policiers et gendarmes sur les différents sites, essentiellement en Ile de France.
A cet égard, les émeutes néo-calédoniennes ont constitué un défi supplémentaire, puisqu'elles ont nécessité l'envoi, concomitant à la préparation des Jeux et non anticipé, de 1000 membres supplémentaires des forces de l'ordre, le 16 mai 2024, en sus des 1700 déjà mobilisés.
Les services de renseignement n'ont pas été épargnés, avec une mobilisation renforcée dès le premier semestre 2023, et la mise en place d'astreintes et de permanences de nuit, qui ont eu des incidences notamment sur les congés des agents.
Ø Le déploiement de mesures de protection tous azimuts
Diverses mesures ont été prises par ailleurs pour sécuriser les sites ; on citera notamment :
- Tout d'abord une surveillance accrue des individus potentiellement dangereux, avec notamment la mise en oeuvre de 54920(*) mesures individuelles de contrôle administratif (MICAS)21(*), la réalisation de 183 visites à domiciles22(*), complétés le cas échéant par des signalements au procureur de la République sur la base de l'article 40 (pour d'« autres délits ») ;
- L'instauration (du 26 juillet au 11 août, ainsi que du 28 août au 8 septembre pour les jeux paralympiques) de périmètres de sécurité, restreignant l'accès aux sites de compétition selon une cartographie strictement définie, et la mise en place de PASS pour les personnes autorisées à y pénétrer ;
- Afin de s'assurer qu'ils n'étaient pas de nature à présenter une menace, 1,2 M de personnes titulaires d'une accréditation pour au moins un site olympique ont fait l'objet d'enquêtes administratives de sécurité : sportifs, bénévoles, agents de sécurité, prestataires et organisateurs étrangers... Cela a nécessité de la part des services de l'Etat concernés un investissement hors normes, qui a débouché sur la délivrance de 15 000 visas olympiques mais aussi de 6000 « avis sécuritaires ». On citera notamment la mise en place d'un lien sécurisé ayant permis à la DGSE le traitement de plus de 550 000 demandes de criblage du SNEAS, *****.
- L'utilisation, autorisée par la loi du 19 mai 2023, de caméras de vidéo-protection dites « augmentées », c'est-à-dire couplées à des solutions algorithmiques, détectant des situations potentiellement dangereuses, mais sans reconnaissance faciale.
- Une vaste opération de déminage des sites de compétition et de leurs abords.
Ø Face au feu nourri des attaques cyber : anticipation et résilience
S'agissant de la cybersécurité, un dispositif exceptionnel pour la coordination interministérielle a été mis en place au sein du Centre national de commandement stratégique (CNCS), l'ANSSI demeurant le point d'entrée unique des signalements. Un dispositif renforcé de veille a été déployé au sein de l'Agence ; en complément, des kits d'exercice ont été mis à la disposition des acteurs de l'écosystème JOP. Plusieurs exercices de crise ont enfin été organisés en 2023 afin de sensibiliser et préparer collectivement les acteurs concernés par la menace.
Le cadre de traitement opérationnel des menaces cyber était le Centre de coordination des crises cyber (C4), qui travaillait notamment à détecter et caractériser les menaces. La DGSE assurait le pilotage du renseignement relatif à l'anticipation et l'imputation des attaques cyber-étatiques visant les Jeux.
Comme cela avait été anticipé, la menace cyber s'est avérée relativement dense, avec, entre le 8 mai et le 8 septembre 2024, 548 opérations hostiles à l'encontre d'entités en lien avec l'organisation des JOP 2024, dont 83 incidents sérieux ayant eu un impact sur le système d'information de la victime.
Les attaques les plus significatives furent une tentative de prise de contrôle à distance de panneaux d'affichage publicitaires afin de diffuser des messages hostiles à Israël23(*) ; ou un piratage de données (d'ordre médical) du CNO24(*).
Cependant, la cyberdéfense française a été chaque fois en mesure de détecter, bloquer et corriger très rapidement ces actions malveillantes, de sorte qu'aucun impact significatif n'est venu perturber les Jeux.
Ø Un projet de dispositif « multi-couches » pour l'espace aérien
Plusieurs systèmes de lutte anti-drones dits « lourds » avaient été précédemment développés afin de garantir la protection du ciel sur les sites pouvant être ciblés : le système MILAD, dont CSgroup est le maître d'oeuvre, est aujourd'hui utilisé par les forces pour surveiller nos bases de défense en Métropole et sur les théâtres d'opération. Le système RADIANT, opéré par la Préfecture de police de Paris, dispose d'un système similaire à celui du système MILAD (solution BOREADES développée par CSgroup). Le système BASSALT est la version militaire du système Holosafe développé par Hologarde. L'Armée de terre s'est également dotée de 18 systèmes mobiles ARLAD disposant d'effecteurs cinétiques de type grenades « Airbust ».
Ce dispositif devait être complété par deux systèmes supplémentaires, qui devaient être opérationnels avant le début des Jeux : le programme PARADE (appel d'offres remporté par le groupement Thales-CSgroup) et la solution SKYWARDEN, déployée par MBDA.
L'objectif était de mettre un oeuvre un dispositif de protection dit « multicouches » qui permettrait une parfaite étanchéité du ciel français face à d'éventuelles attaques de drones.
D. UN RETOUR D'EXPÉRIENCE TÉMOIGNANT DE LA REMARQUABLE EFFICACITÉ DU DISPOSITIF...
Ø Un écosystème exemplaire à plusieurs titres
L'organisation du G7 de Biarritz en 2019 et de la Coupe du monde de rugby en 2023 constituaient pour les JOP 2024 des précédents bienvenus qui ont permis de mettre au point, sur des événements complexes de moindre ampleur, une méthodologie d'organisation exemplaire.
Le retour d'expérience sur l'écosystème mis en place, les méthodes de travail utilisées et les résultats obtenus est très positif. Les JOP 2024 ont à cet égard constitué un incubateur et un accélérateur des savoir-faire élaborés précédemment, qui pourront avantageusement être pérennisés ou reproduits dans l'avenir.
La structure du CNSJ est d'ores et déjà appelée à être pérennisée, et sera amenée à gérer la sécurité des futurs grands événements organisés en France. La Délégation parlementaire au renseignement salue cette consécration qui dote la France d'une structure de coordination opérationnelle et expérimentée.
S'agissant du CRO, la structure en elle-même est mise en sommeil, prête à être réactivée, mutatis mutandis, à la faveur des futurs événements programmés. Cette pérennisation, parfaitement justifiée par les résultats obtenus, apparaît également une décision judicieuse : les principales clés de sa réussite furent en effet sa capacité d'anticipation et la constitution d'un réseau de contacts, étatiques et privés. Il serait particulièrement regrettable que cet écosystème, patiemment constitué, soit perdu.
Enfin, avec l'Analyse nationale des risques (ANR), c'est toute une « boite à outils » opérationnelle de prévention des menaces qui a été élaborée : ce savoir-faire précieux, qui apparaît maintenant parfaitement au point, pourrait utilement être généralisé et devenir le protocole de référence dès lors qu'un événement, même d'importance moindre, se présente.
Recommandations visant à doter la France de structures pérennes pour l'organisation des futurs événements internationaux, inspirées du retour d'expérience des JOP24 :
21. Pérenniser la méthodologie de cartographie de l'analyse des risques (ANR) élaborée à l'occasion des JOP 2024.
22. Capitaliser l'expérience acquise par le CNSJ et le CRO pour la coordination de la sécurité des grands événements en organisant la réactivation de telles structures, à adapter à chaque événement, sous la forme d'un Centre d'analyse des risques (CAR).
Ø Un « sans faute » pour la lutte contre la menace terroriste
La menace terroriste a pu être efficacement mise en échec grâce à une collaboration apparemment mature, qu'il convient de saluer, entre les services - et notamment la DGSE, disposant d'un important réseau de capteurs, sur les théâtres extérieurs comme dans l'espace numérique, et la DGSI, chef de file.
Concernant la prévention de la menace immédiate sur le territoire national, la DGSE a pu constater une évolution importante des modes opératoires : bien souvent, il ne s'agit plus d'une logique d'envoi de combattants étrangers ou de français de retour d'une zone de jihad, mais plutôt d'activation à distance de velléitaires souvent déjà présents sur le territoire. La DGSE a ainsi détecté, *****. Le partage systématique de renseignements entre les deux directions générales a ainsi permis la conduite de nombreuses opérations d'entrave, au travers de la rédaction d'un « article 40 », de la mise en oeuvre de poursuites judiciaires ou de mesures administratives.
La mobilisation des services de renseignements a permis de déjouer trois projets d'attentats, tous trois d'origine islamiste radical :
- Le premier, projeté par un jeune homme d'origine tchétchène radicalisé, visait le stade stéphanois Geoffroy Guichard et ses abords,
- Le deuxième ciblait des institutions et des représentants d'Israël à Paris,
- La cible du troisième, projeté par deux jeunes girondins, était indéterminée au moment de l'intervention des services.
Suite à l'interpellation de l'ensemble des terroristes, cinq mises en examen ont été réalisées.
S'agissant des capacités terroristes en amont du territoire national, une dizaine d'individus particulièrement menaçants pour la France ou l'Europe depuis le Moyen-Orient, l'Afrique sub-saharienne ou le sous-continent indien ont par ailleurs pu être arrêtés ou entravés, grâce à l'action de la DGSE.
Ø Un important incident de sabotage
Par ailleurs, une action de sabotages coordonnés a été conduite, a priori attribuée à des activistes d'ultra-gauche (mais non identifiés à ce jour), sur le réseau ferroviaire, au cours de la nuit du 25 au 26 juillet 2024, et a occasionné d'importantes perturbations sur trois lignes à grande vitesse (un sabotage sur une quatrième ligne a été déjoué par des cheminots) lors du « chassé-croisé » de fin de mois de juillet. Plus de 800 000 voyageurs, pour l'essentiel des vacanciers, auraient été concernés.
Une autre tentative de sabotage, ciblant un site ferroviaire de Seine Maritime, a été déjouée deux jours plus tard. Le suspect a été appréhendé.
Hormis ces actions, aucune agression notable n'a été recensée de la part de l'ultra-gauche.
Au final, le CRO a établi le 30 septembre 2024 un bilan global des Jeux olympiques et paralympiques d'été 2024 pour la période du 8 mai au 8 septembre 2024. Ce document remis à la délégation, dont un extrait est reproduit dans l'encadré ci-dessous, présente une synthèse par thématiques principales des menaces recensées par les services.
Bilan global des JOP 2024 établi par le centre de renseignement olympique pour la période du 8 mai au 8 septembre 2024
Menace terroriste
Trois projets d'action violente visant spécifiquement les JOP 2024 ont été détectés et entravés :
- interpellation à Saint-Etienne les 22 et 24 mai de deux individus soupçonnés de fomenter un attentat ciblant le stade Geoffroy-Guichard lors d'une rencontre de football ;
- interpellation d'un lycéen radicalisé à Ivry-sur-Seine et d'un second individu à Sartrouville soupçonnés de vouloir commettre un attentat ;
- interpellation les 23 et 25 juillet de deux lycéens à Mérignac et à Borgo sur la base de propos démontrant une velléité de commettre une action violente.
Menace cyber
548 événements de cybersécurité affectant des entités en lien avec l'organisation des JO ont donné lieu à un traitement par l'ANSSI dont 465 signalements (impact bas pour les systèmes d'information) et 83 incidents (actions malveillantes ayant atteint le système d'information de la victime).
Menace de la manipulation de l'information
Sur la période, Viginum a identifié 43 manoeuvres informationnelles ayant ciblé les Jeux. En outre deux campagne numériques planifiées et coordonnées ont impliqué des acteurs pro azerbaïdjanais. Au demeurant, les trois principaux axes narratifs hostiles n'ont pas remis en cause l'organisation des JO, ni trouvé de relais significatif :
- le récit selon lequel la France était incapable d'accueillir les JO 2024 dans de bonnes conditions ;
- l'instrumentalisation du niveau réel de la menace terroriste pesant sur les JO 2024 ;
- le ciblage et le dénigrement des instances d'organisation de l'événement.
Menace criminelle
Les JOP 2024 ont été perçus comme un vecteur d'opportunités criminelles en matière de faux billets et de contrefaçons :
- 371 sites et noms de domaines ont été détectés en lien avec la vente illicite de billets pour les JOP 2024 ;
- 580 000 articles de sport en lien direct avec les JOP 2024 ont été retirés du marché (notamment des « goodies » et des médailles contrefaites).
Menace contestataire
La période a engendré 474 événements ou incidents résultant d'opérations de communication ou d'actions de visibilité médiatique de basse et moyenne intensité :
- 347 actions de voie publique ou de visibilité détectées et/ou entravées ;
- 52 intrusions ou tentatives d'intrusion ;
- 6 actions ou tentatives d'action de perturbation (sabotage, dégradation, etc.) ;4
- 69 autres actions, événements ou incidents.
Source : CRO, ministère de l'Intérieur.
E. ...MAIS AVEC DE SÉRIEUSES RÉSERVES SUR LE VOLET « ANTI-DRONE »
Même si ce volet ne concerne pas strictement la communauté du renseignement, il apparaît que, compte tenu de son caractère sensible et encore problématique, le présent rapport constitue un support pertinent pour l'aborder.
En effet, à la suite d'alertes remontées par des industriels et des experts militaires sur les difficultés rencontrées notamment dans la mise au point du système de lutte anti-drone PARADE, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat avait décidé à la fin de l'année 2023 de réaliser une mission « flash » sur la lutte anti-drones25(*) dans la perspective des JOP 2024.
Compte tenu du caractère particulièrement sensible du contenu du rapport à quelques semaines du commencement des Jeux, le Bureau de la commission a décidé, en avril dernier, de ne pas publier ce document, mais de l'adresser à titre confidentiel aux principales autorités politiques de notre pays, soit le Président de la République, le Président du Sénat, le Premier Ministre, et le Ministre des Armées.
Ø Un risque majeur
Le risque « drone » (coté 104 « criticité très importante » par l'ANR) tel qu'il avait été anticipé présentait plusieurs facettes, avec différents degrés de gravité, allant des survols ludiques ou récréatifs sans intention hostile, aux utilisations à finalité contestataire, et aux attaques de type terroriste.
Les attaques de drones les plus sophistiquées, couplées avec des attaques cyber, sont notamment susceptibles de désorganiser les moyens de communication et de décision de la cible.
Aussi un dispositif de sûreté aérienne robuste était-il indispensable pour garantir pleinement la sécurité de l'événement.
Ø Une commande ***** déficiente
Malgré un appel des industriels de la défense, dès novembre 2019, à une mobilisation en vue de la création d'une « équipe de France de la sécurité »26(*), ce n'est qu'en 2021 que l'État a décidé de lancer un appel d'offres afin de créer un nouveau système de lutte anti-drones répondant aux besoins des armées et au défi représenté par les JOP.
*****.
Les rapporteurs de la mission sénatoriale ont établi le caractère irréaliste du calendrier retenu, compte tenu des objectifs poursuivis27(*). Non seulement les systèmes PARADE ont accusé plus d'un an de retard dans la livraison *****.
*****.
Le rapport sénatorial mettait ainsi en évidence que non seulement l'appel d'offres de 2021 avait été mal préparé, mais aussi qu'il a conduit à sélectionner un candidat qui n'était pas en mesure de donner pleinement satisfaction. *****.
Ø De l'impossible mise au point *****
Alors que des mises au point de systèmes complexes au regard du niveau des exigences demeuraient en cours, et après un retard de livraison d'une année, la persistance des problèmes techniques n'a pas permis au système PARADE d'être utilisé de manière opérationnelle lors de la Coupe du Monde de rugby à l'automne 2023, contrairement à l'objectif initial.
Les exercices successifs Coubertin LAD (lutte anti drone) de novembre 2023, janvier et mars 2024 n'ont fait que confirmer les inquiétudes sur l'état d'avancement du programme.
*****.
Un essai réalisé mi-mars lors de Coubertin LAD II sur le toit du ministère de la santé n'a, par ailleurs, pas non plus donné satisfaction alors même que ce déploiement était censé se rapprocher des conditions réelles : le système s'est en effet avéré peu performant *****.
Le bon déroulement des Jeux et l'absence d'incident d'origine aérienne pourrait, à première vue, permettre de supposer que les doutes et inquiétudes soulevés par la mission sénatoriale ont pu être levés à temps avant l'événement et que le dispositif déployé a été en mesure d'assurer pleinement sa sécurité aérienne.
La délégation parlementaire au renseignement considère cependant qu'il n'en est rien *****.
Enfin, dans un autre cadre relatif à la sécurité de la voie publique, le président de la délégation a constaté l'utilisation par les services de police de drones de conception et de fabrication chinoise (marques *****). En l'absence de garantie sur la sécurité des données de vol et de captation vidéo, il a préconisé d'en proscrire l'usage par les services de l'Etat, au profit de solutions souveraines ou sécurisées.
Recommandations relatives à l'amélioration de la lutte anti drone :
23. Mener à terme, dans les meilleurs délais, la mise au point d'un système de lutte anti-drone fiable et opérationnel ; tenir informée la DPR, a minima par une note semi-annuelle, des progrès réalisés, des difficultés persistantes, et de la mise en oeuvre des recommandations qui avaient été formulées par la mission sénatoriale28(*).
24. Mieux anticiper les commandes publiques à venir, via des retro-plannings intégrant des délais réalistes pour la rédaction des marchés, leur passation, ainsi que pour les phases de conception et de test des matériels commandés, prenant mieux en compte la complexité du sujet29(*).
25. Envisager une pénalisation des vols de drones non autorisés dans les zones interdites sur le modèle de l'article 322-14 du code pénal relatif à la communication ou la divulgation d'une fausse information faisant croire à un sinistre et de nature à provoquer l'intervention inutile des secours.
26. Proscrire l'utilisation par les services de l'Etat de drones de vidéosurveillance de conception et fabrication non souveraine.
F. QUEL TRAITEMENT DE L'ENJEU RÉPUTATIONNEL ?
Contrairement aux autres menaces, la menace réputationnelle a débuté bien en amont des Jeux, et a été sensible durant toute sa phase d'organisation. Aussi la veille mise en place par l'agence VIGINUM a-t-elle débuté dès avril 2023 afin de surveiller ce qui pourrait être assimilé à un potentiel travail de sape réputationnelle préalable. Cette période de veille « étendue » a permis la détection de 43 manoeuvres informationnelles agressives, de la part d'acteurs d'origine azerbaidjanais, russes, chinois, etc... L'ensemble du spectre des modes opératoires habituellement pratiqués par nos compétiteurs a été mobilisé pour ce faire, dans le but généralement de créer un « bruit de fond » hostile aux jeux : Ces attaques sont résumées dans le tableau ci-après.
L'action de VIGINUM est prolongée par la DGSE, qui, s'appuyant sur sa connaissance des caisses de résonnance des cyber-attaquants, est en mesure de remonter la chaine attaquante vers les auteurs des opérations de manipulation de l'information. *****.
Mode opératoire |
Description |
Impact |
Origine |
Création et diffusion de contenu sous fausse bannière |
Ex : Novembre 2023 : vidéo de menace à l'encontre des athlètes israëliens, utilisant les codes de l'organisation ultra-nationaliste turque « Loups gris » ; Juillet 2024 : vidéo montrant un prétendu membre du Hamas menaçant les JOP24 et dénonçant la participation d'athlètes israëliens. |
Limité (Fact checking efficace) Essentiellement sur les médias africains |
Russie |
Diffusion de contenus mensongers ou décontextualisés |
Ex : 5 juin 2024 : Vidéo ciblant l'insalubrité de la Seine ; 26 juillet 2024 : appel au boycott de l'équipe israëlienne usurpant l'identité d'Amnesty International ou d'un politique espagnol ; Narratifs selon lesquels la France ne serait pas en capacité d'organiser les JOP24 dans de bonnes conditions, usurpant l'identité de la Mairie de Paris, de la DGSI et de la CIA ; Hashtags appelant au boycott des JOP24 ; Vidéos montrant des images de violence et d'insécurité à Paris. |
Impact limité |
Chine, Russie, Iran, Azerbaïdjan, cercles conservateurs divers |
Amplification d'actions préalablement menées dans le champ physique |
Ex : affiches critiquant la participation d'athlètes israëliens, graffiti faisant référence aux jeux de Munich... |
Essentiellement comptes pro-palestiniens |
Azerbaïdjan, Russie |
Amplifications de contenus mensongers via des « bots » ou « trolls » |
Narratifs ciblant la cérémonie d`ouverture, affirmant que les produits dérivés étaient fabriqués en Chine et vantant l'industrie chinoise. |
Impact limité |
Chine, Azerbaïdjan, Russie |
Recours à des influenceurs |
Ex : critiques de la cérémonie d'ouverture mettant en valeur le modèle chinois au détriment du modèle français. |
Plusieurs millions de vues |
Chine |
Divulgation de données individuelles (« Doxxing ») |
Accusations de crimes de guerre visant des sportifs israëliens. |
Polémiques hostiles à leur encontre |
Iran |
Ces éléments permettent de conclure à un impact relativement faible des attaques pourtant nombreuses dont les jeux ont été la cible. Globalement, il peut en être tiré un double enseignement :
Ø Des agressions tributaires de l'existence -ou non- d'opportunités
Les campagnes malveillantes se nourrissent volontiers d'opportunités - faits divers, incidents, dysfonctionnements, polémiques... qui sont pour elles autant d'angle d'attaques. Le tableau ci-dessus fait apparaître une relative pauvreté de ces angles d'attaques.
On identifie la récurrence notamment de deux thématiques : l'hostilité à Israël (appels au boycott, attaques ciblant la délégation israëlienne...) et la promotion de valeurs ultra-conservatrices (anti LGBT+, et plus généralement dénonciation d'une « décadence » occidentale, sensible notamment dans la critique de la cérémonie d'ouverture). Ainsi la situation au Moyen Orient et certaines scènes jugées provocatrices de la cérémonie d'ouverture ont-elles été exploitées par nos agresseurs, mais n'ont trouvé d'écho essentiellement qu'auprès des publics déjà sensibles à ces thématiques.
Cependant, l'absence de trouble majeur concernant directement des jeux et leur organisation n'a pas permis d'alimenter de matière crédible la thématique prophétisant une organisation dysfonctionnelle des jeux.
Ø Un faible impact des campagnes malveillantes, fruit d'un travail de pédagogie
L'impact de ces attaques sur le grand public est apparu limité, et la très bonne réactivité de l'Agence VIGINUM a largement contribué à ce bilan positif. Plus largement, l'éducation à la vigilance numérique, tant des citoyens que des médias, semble avoir atteint une forme de relative maturité en France, grâce notamment aux campagnes d'information nationales, aux rapports parlementaires30(*), et aux enquêtes de journalistes très bien relayées par les médias, et a rendu possible une prise de conscience d'une bonne partie de l'opinion publique vis-à-vis des influences étrangères et de l'hygiène numérique nécessaire face à elles.
Sans surprise cependant, certains milieux demeurent vulnérables aux campagnes malveillantes, et sont spécifiquement visées par elles : en France, selon les thématiques utilisées, les milieux pro-palestiniens, l'ultra-gauche, les cercles « complotistes », les milieux ultra-conservateurs notamment demeurent des cibles privilégiées, qui relaient spontanément certaines thématiques - mais sans atteindre généralement une large audience. Ces différents cercles ne sont pas toujours sensibles en revanche aux campagnes nationales préventives ou correctives de la désinformation, faisant montre paradoxalement d'un esprit critique à géométrie variable, caractérisé par une grande suspicion vis-à-vis des informations vérifiées et des sources fiables, qui n'a d'égal que leur crédulité par rapport aux « scoops » fantaisistes propagés par des sites hostiles.
Il est également plus difficile de contrer les attaques réputationnelles conduite à l'étranger (Afrique, Chine).
L'expérience de la couverture informationnelle de cet événement met ainsi en évidence :
- L'efficacité de la pédagogie, pierre angulaire de la résilience informationnelle : à la fois préventive, via l'éducation à l'information, et curative, via la dénonciation des attaques.
- La nécessité de poursuivre cet effort pédagogique, en direction des catégories du public les plus vulnérables à la désinformation.
A cette fin, une consolidation des politiques publiques demeure nécessaire dans la perspective de la probable montée en intensité de la guerre informationnelle.
Recommandation dans le domaine des menaces hybrides
27. Mettre en oeuvre les recommandations de la commission d'enquête sénatoriale sur les politiques publiques face aux opérations d'influences étrangères (rapport n°739 (2023-2024) précité)
28. Renforcer le budget de l'Agence VIGINUM afin de lui assurer les effectifs nécessaires à son indispensable montée en puissance
*
* *
ANNEXE 1 :
RAPPORT GÉNÉRAL DE LA CVFS SUR LES CONDITIONS D'EMPLOI DES
FONDS SPÉCIAUX AU COURS DE L'EXERCICE 2022
COMMISSION DE VÉRIFICATION
DES FONDS SPÉCIAUX
RAPPORT
sur
les conditions d'emploi des fonds spéciaux au cours de l'exercice 2022
fait
par la COMMISSION DE VÉRIFICATION DES FONDS SPÉCIAUX
le 20 décembre 2023
instituée par l'article 154 de la loi de finances
pour 2002 du 28 décembre 2001
et composée de
Mme Agnès Canayer, sénateur, président
Mme Caroline Colombier, députée
Mme Gisèle Jourda, sénatrice
Mme Constance Le Grip, députée
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs
À la suite des élections sénatoriales, la commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS) s'est reconstituée en octobre dernier. J'ai pris la relève de Yannick Vaugrenard pour ce court intermède puisque la présidence de la CVFS reviendra pour l'année 2024 à l'Assemblée nationale et donc à ma collègue Constance Le Grip.
Les contrôles sur place et sur pièces se sont déroulés à compter du mois de mai 2023 à cheval sur cette double présidence. Comme de coutume, nous nous sommes rendus aux sièges des 9 services bénéficiaires de fonds spéciaux afin d'échanger avec leurs responsables et de procéder à un contrôle des comptabilités par échantillonnage. Le secrétariat a ensuite approfondi ces contrôles et recueilli les informations utiles à la rédaction du présent rapport. Au total, 17 déplacements ont été effectués dans les services.
En outre, je tiens à signaler le déplacement en ***** que nous avons pu effectuer, M. Vaugrenard, Mme Colombier et moi-même, pour contrôler *****. Il y a un véritable intérêt réciproque, pour le service comme pour nous, d'effectuer ce type de déplacement au contact direct des agents en postes. A cet égard je salue leur travail et je n'ai pas d'observation notable à formuler sur la gestion des fonds spéciaux effectuée par ces postes.
J'en viens maintenant aux principales observations et recommandations d'ordre budgétaire.
Avant de détailler les dépenses et les recettes des ***** entités qui perçoivent et utilisent des fonds spéciaux, il faut constamment avoir en mémoire que l'irruption de la guerre en Ukraine a profondément modifié la physionomie de l'exercice 2022, *****.
Pour mémoire, après les exercices 2018 et 2019 dont les dépenses annuelles en fonds spéciaux *****.
Dans ce contexte, le ressaut à hauteur de 100 M€ (*****) des dépenses de l'exercice 2022 n'est donc pas lié à un simple retour à la période ante covid-19. La vraie raison est le déclenchement de la guerre en Ukraine, le 24 février 2022. Voici quelques exemples : *****.
*****.
Comment cette hausse des dépenses a-t-elle été financée ?
Les fluctuations de dépenses observées depuis 2018 contrastent avec la stabilisation de la dotation budgétaire au niveau de 76 M€ en loi de finances initiale depuis 2020. Depuis lors, les crédits consacrés par le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « direction de l'action du gouvernement » s'établissent invariablement à 75,97 M€, y compris pour la loi de finances pour 2024, alors même que la prévision de dépense pour 2023 s'établit à près de ***** selon les chiffres communiqués par la CNRLT.
Les recettes budgétaires sont structurellement inférieures aux dépenses mais il y a plusieurs raisons à cela :
- D'abord, le plafonnement à 76 M€ de la dotation annuelle observé depuis 2020 a entraîné chaque année, un déficit de ressources budgétaires ***** ;
- Ensuite, *****.
Il en ressort que l'inscription en loi de finances d'une dotation invariable aux prévisions de dépenses s'apparente à une fiction de sincérité et d'annualité budgétaire.
En effet, il s'agit d'une dérive dont il convient de prendre garde car in fine, la dotation initiale votée en loi de finances au titre du programme 129 précité est rendue publique dans les documents budgétaires. Comme les parlementaires, même le grand public trouverait anormal que dans un monde en crise cette dépense stagne « sur le papier », alors qu'en réalité elle est 30 à 50 % supérieure ! Ce n'est pas un secret que de dire que la DGSE, la DGSI, les douanes et les forces spéciales sont depuis 2022 mobilisés tant par l'Ukraine, le Sahel que le Moyen-Orient (n'oublions pas que nous avons toujours des forces qui opèrent en Irak et en Syrie) mais aussi le narco trafic.
C'est pour ces raisons, que nous pourrions formuler la première recommandation suivante : rétablir une programmation budgétaire sincère et annuelle de la dotation en fonds spéciaux du programme 129 à compter du projet de loi de finances pour 2025 tenant compte des besoins de « resoclage » de la dotation de chacun des services. En d'autres termes, il faut que la programmation des dotations corresponde aux prévisions de dépenses. Cette recommandation serait adressée à l'attention de la Première ministre, de la CNRLT et du SGDSN.
Pour que ce retour à une sincérité budgétaire minimale soit possible, nous formulerions une seconde recommandation générale qui viserait à établir pour chaque service un plan pluriannuel, au minimum triennal, d'expression des besoins en fonds spéciaux et de régulation des soldes annuels de trésorerie sur la base d'une estimation de fonds de roulement minimum. *****.
Enfin, et j'en terminerais sur les aspects budgétaires, je voudrais souligner que plusieurs services (*****) se sont engagés dans la « fonds normalisation » de dépenses qui n'ont pas lieu d'être effectuées en fonds spéciaux (achats ne nécessitant pas d'anonymisation, dépenses courantes d'entretien ou de maintenance, prestations de services pouvant être fournies par des tiers habilités). *****. Aussi ces opérations de transfert de gestion des fonds spéciaux vers les fonds normaux doivent donner lieu à une réévaluation à due concurrence de ces derniers. Cette recommandation avait déjà été émise lors des précédents contrôles.
J'en arrive maintenant à quelques observations ayant trait à la gestion et à l'utilisation proprement dite des fonds spéciaux.
Le contrôle sur l'exercice 2022 a donné lieu à l'émission de 11 nouvelles recommandations spécifiques *****. Celles-ci peuvent porter sur des améliorations de gestion (*****) dont le détail figure dans les procès-verbaux relatifs à chaque entité.
*****.
Pour conclure, je voudrais faire un point sur la question du contrôle de la rémunération des sources.
*****. Les contrôles opérés au sein des services *****sont l'occasion de diffusion des bonnes pratiques en matière de recours aux fonds spéciaux et constituent un soutien utile et apprécié par les équipes. *****.
C'est l'expérience acquise au travers du contrôle qui permet à ***** la CVFS a formulé des recommandations *****.
*****.
Agnès CANAYER
Sénatrice de Seine-Maritime
Présidente de la Commission de
vérification
des fonds spéciaux
ACTIVITE DE LA CVFS AU COURS DE L'ANNEE 2023
Le contrôle de l'utilisation des fonds spéciaux a été confié par le législateur (loi de finances pour 2002) à la commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS), dont la composition a été modifiée par la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013 qui en a fait une formation spécialisée de la délégation parlementaire au renseignement (DPR).
La CVFS, composée de deux députés et deux sénateurs membres de la DPR est chargée de « s'assurer que les crédits [en fonds spéciaux] sont utilisés conformément à la destination qui leur a été assignée par la loi de finances ».
La Commission de vérification des fonds spéciaux a procédé en 2023 au contrôle sur les conditions d'emploi des fonds spéciaux au cours de l'exercice budgétaire 2022.
Au mois de janvier 2023, sa composition était la suivante :
- M. Yannick Vaugrenard, sénateur (Socialiste, Écologiste et Républicain) de la Loire-Atlantique, président ;
- Mme Agnès Canayer, sénateur (Les Républicains) de la Seine-Maritime ;
- Mme Caroline Colombier, députée (Rassemblement National) de la Charente ;
- Mme Constance Le Grip, députée (Renaissance) des Hauts-de-Seine.
À la suite des élections sénatoriales de septembre 2023, la CVFS a été partiellement renouvelée. À compter du mois d'octobre, la commission était composée comme suit :
- Mme Agnès Canayer, sénateur (Les Républicains) de la Seine-Maritime, président ;
- Mme Caroline Colombier, députée (Rassemblement National) de la Charente ;
- Mme Gisèle Jourda, sénatrice (Socialiste, Écologiste et Républicain) de l'Aude ;
- Mme Constance Le Grip, députée (Renaissance) des Hauts-de-Seine.
Pour mener sa mission et réaliser son rapport, la CVFS s'est déplacée au siège de chacune de structures bénéficiaires de fonds spéciaux pour y réaliser des contrôles sur place et sur pièces.
Elle s'est ainsi rendue :
- à la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), les 23 mai, 1er, 2, 8 et 23 juin, 7 juillet et 22 novembre 2023 ;
- à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), les 6 juin et 21 novembre 2023 ;
- à la direction du renseignement militaire (DRM), les 9 mai et 28 novembre 2023 ;
- à la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), le 21 juin 2023 ;
- à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), le 31 mai 2023 ;
- à Tracfin, le 30 mai 2023 ;
- au service national du renseignement pénitentiaire (SNRP), le 30 mai 2023 ;
- au groupement interministériel de contrôle (GIC), les 20 juin et 12 décembre 2023.
Au cours de ces visites, la commission a auditionné les principaux responsables des services et a systématiquement procédé à un contrôle par échantillonnage des pièces comptables.
Elle a également effectué un déplacement *****, du mardi 12 au vendredi 15 septembre 2023, *****.
*
* *
I. LA PRESENTATION GENERALE DES FONDS SPECIAUX EN 2022
A. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS D'ORDRE BUDGÉTAIRE
1. La guerre en Ukraine : cause majeure de mobilisation accrue des fonds spéciaux en 2022
Après les exercices 2018 et 2019 dont les dépenses annuelles en fonds spéciaux *****, les deux années concernées par la pandémie de covid-19 se sont caractérisées par un net mouvement de retrait : *****.
Dans ce contexte, le ressaut à hauteur de 100 M€ des dépenses de l'exercice 2022 aurait pu s'apparenter à un simple retour à la période ante covid-19 si la vraie raison ne résidait dans le déclenchement de la guerre en Ukraine, le 24 février 2022, comme la cause majeure de mobilisation des fonds spéciaux. *****.
La mobilisation des dépenses, mais aussi de la ressource budgétaire, pour le soutien au partenaire ukrainien est également illustrée par *****.
Les fluctuations de dépenses observées depuis 2018 contrastent avec la stabilisation de la dotation budgétaire au niveau de 76 M€ en loi de finances initiale depuis 2020. Depuis lors, les crédits consacrés par le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » s'établissent invariablement à 75,97 M€, y compris pour la loi de finances pour 2024, alors même que la prévision de dépense pour 2023 s'établit à près de ***** selon les chiffres communiqués par la CNRLT.
2. Rétablir une programmation budgétaire sincère et annuelle de la dotation en fonds spéciaux
La décorrélation entre dépenses et dotations budgétaires appellent deux observations principales :
- le plafonnement à 76 M€ de la dotation annuelle observé depuis 2020 a entraîné chaque année, un déficit de ressources budgétaires, lesquelles ont été systématiquement inférieures aux dépenses dans le but de ponctionner le déficit de recettes sur des réserves de trésorerie (*****) jugées excessives tant par le Gouvernement que par la CVFS. ***** ;
- il s'agit d'une dérive dont il convient de prendre garde car in fine, la dotation initiale votée en loi de finances au titre du programme 129 précité est rendue publique dans les documents budgétaires tout comme son exécution globale ; seule la ventilation entre les différents services est couverte par le secret de la défense nationale. Et encore, le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances (PLF) pour 2024 précise au sujet du financement des fonds spéciaux qu'ils « concernent principalement la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ». Aussi, pour citer les rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, « si l'on considère que les services liés à la sécurité extérieure et intérieure de la Nation vont poursuivre leurs efforts en 2024 (guerre en Ukraine, reconfiguration des forces en Afrique, tensions en Indopacifique autour de la situation de Taïwan et résurgence d'une crise majeure au Proche et Moyen-Orient), il y aurait tout lieu de s'interroger sur la sincérité de la prévision budgétaire et donc sur le principe d'une hausse du socle de dotation des fonds spéciaux »31(*).
À ces observations tendant à un retour à l'orthodoxie budgétaire, il convient de prendre en considération ***** spécificités de gestion des fonds spéciaux :
- en premier lieu, la régulation des soldes de trésorerie et des fonds de roulement par le seul plafonnement de la dotation en loi de finances demeure inopérante. ***** ;
- deuxièmement, les services qui se sont engagés dans la « fonds normalisation » de dépenses qui n'ont pas lieu d'être effectuées en fonds spéciaux (achats ne nécessitant pas d'anonymisation, dépenses courantes d'entretien ou de maintenance, prestations de services pouvant être fournies par des tiers habilités) peuvent être freinés dans ces opérations de transfert de gestion si la dotation en fonds normaux n'est pas réévaluée à due concurrence ;
- enfin, certaines dépenses en fonds spéciaux *****.
Au bénéfice de ces observations, deux nouvelles recommandations générales d'ordre budgétaire sont émises au titre de l'exercice 2022.
Recommandation générale n° 22-01 (à l'attention de la Première ministre) : Rétablir une programmation budgétaire sincère et annuelle de la dotation en fonds spéciaux du programme 129 à compter du projet de loi de finances pour 2025, tenant compte des besoins de « resoclage » de la dotation de chacun des services.
Recommandation générale n° 22-02 : Établir pour chaque service un plan pluriannuel, au minimum triennal, d'expression des besoins en fonds spéciaux et de régulation des soldes annuels de trésorerie sur la base d'une estimation de fonds de roulement minimum.
B. L'ÉVOLUTION DÉTAILLÉE DES RESSOURCES, DES DÉPENSES ET DE LA TRÉSORERIE DES SERVICES
a) Ressources des services : une dotation budgétaire initiale insuffisante *****
L'analyse détaillée par directions et services illustre une augmentation générale des ressources budgétaires (*****) qui, dans l'ensemble des cas, excèdent les montants de la dotation initiale.
Ce constat confirme l'insuffisance récurrente de la dotation budgétaire votée en loi de finances initiale et la nécessité de procéder au « resoclage » de la dotation de chacun des services.
RESSOURCES EN FONDS SPÉCIAUX - ÉVOLUTION 2021/2022 (EN M€)
TABLEAU
*****
*****.
b) Dépenses des services : *****
En dépenses, on observe que les progressions les plus significatives concernent les services concernés par un accroissement ou un redéploiement de leur activité *****.
ÉVOLUTION DES DÉPENSES EN FONDS SPÉCIAUX (EN M€)
TABLEAU
*****
Ce constat est étayé par une progression des dépenses par agrégat en matière de *****.
DÉPENSES PAR AGRÉGATS (EN €)
TABLEAU
*****
c) Trésorerie des services : un effort de régulation des fonds de roulement à poursuivre
Enfin, à l'instar du plan de réduction *****, il est demandé à l'ensemble des services, plus particulièrement *****, de procéder à l'estimation de leur niveau minimum de fonds de roulement et dans tenir compte dans leur plan pluriannuel de dotation.
TRÉSORERIE DE L'EXERCICE 2018 À L'EXERCICE 2021 (EN M€)
TABLEAU
*****
II. LES OBSERVATIONS COMMUNES A L'ENSEMBLE DES SERVICES
A. LES NOUVELLES RECOMMANDATIONS ADRESSÉES AUX SERVICES
Le contrôle de la gestion et de l'utilisation des fonds spéciaux a donné lieu à l'émission de douze nouvelles recommandations spécifiques à *****services32(*) (*****). Celles-ci peuvent porter sur des améliorations de gestion (*****) dont le détail figure aux procès-verbaux annexés au présent rapport général.
Certaines méritent d'être généralisées à l'ensemble des services dans la mesure où elles identifient des points de vigilance communs :
- ***** ;
- *****.
Ces *****points ont pris un relief particulier en 2022 du fait de la guerre en Ukraine *****.
La recommandation générale n° 20.03 relative à la constitution d'un groupe de travail interservices *****. Elle est complétée par plusieurs recommandations particulières relatives à *****.
B. LE SUIVI DE LA RECOMMANDATION DE 2021
· Recommandation générale n° 21.01 (à l'attention de la CNRLT) : Au vu du poids des frais bancaires pour les services, engager un dialogue avec la Banque de France tendant à permettre leur réduction.
La CNRLT n'a pu engager ce dialogue avec la Banque de France en 2023 et traitera ce sujet en 2024. En conséquence, la recommandation est maintenue.
RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES 2016, 2017, 2018, 2019 ET 2020 RESTANT OUVERTES
N° |
Objet |
Observations de la CVFS |
16.05 |
***** |
La CVFS suit la progression des travaux, toujours en cours, du groupe de travail sur les fonds spéciaux (« GT fonds spéciaux »), lancé en janvier 2022 par la CNRLT. La CVFS maintient donc sa recommandation. |
16.07 |
Constituer un groupe de travail sur les possibilités de démarquage existantes *****. |
La CVFS note que le sujet doit être abordé au sein du « GT fonds spéciaux ». Dans l'attente des conclusions du groupe de travail, la recommandation reste ouverte. |
16.09 |
Augmenter la dotation en fonds normaux à due proportion des montants transférés en fonds spéciaux. |
Cette recommandation est abandonnée au profit de la recommandation n° 20.05, tendant aux mêmes fins, dont la rédaction est plus précise. |
17.03 |
Définir des principes et des outils communs à l'ensemble des services spécialisés de renseignement s'agissant du contrôle interne ***** : turn-over régulier des agents, élaboration d'indicateurs au niveau central, séparation des fonctions de gestion et de contrôle, etc. |
Le « GT fonds spéciaux » a permis un échange sur le sujet. Les principales règles, partagées par les services, ont été rappelées. Deux bonnes pratiques mises en place par les services ***** ont été présentées et, même si celles-ci n'ont pas vocation à être généralisées, leur logique pourra servir de guide à l'ensemble des services bénéficiaires. En conséquence, la recommandation peut être close. |
17.04 |
Encourager la mise en place d'un travail interservices pour définir un cadre de mutualisation *****. |
La CVFS note avec intérêt les pistes évoquées par la « GT Fonds spéciaux », qui doivent être poursuivies. La CVFS maintient en conséquence sa recommandation et demande à ce que lui soient fournies les futures conclusions du groupe de travail *****. |
17.05 |
Formaliser une doctrine d'achat et d'utilisation ***** |
Il a été indiqué à la CVFS qu'un groupe de travail permet *****. Tout en admettant que cette solution peut être tout aussi efficace qu'une mutualisation, la commission maintient la recommandation ouverte ; *****. |
18.04 |
Désigner par arrêté ou une circulaire, non publié au Journal officiel, les entités et services susceptibles de bénéficier de fonds spéciaux. Cet arrêté ou circulaire, et les modifications apportées ultérieurement, serait communiqués sans délai à la CVFS. |
La CVFS prend note de la proposition de la CNRLT de lui communiquer annuellement la liste des services bénéficiaires de fonds spéciaux. Toutefois, cette communication ne revêt pas le caractère officiel que la commission voulait lui donner, en ce qu'elle formaliserait l'accord de la Première ministre d'attribuer des fonds spéciaux à un nouvel allocataire. En conséquence, la recommandation est reconduite. |
18.06 |
Mettre en place, au sein de chaque service, un suivi *****. |
La commission maintient cette recommandation car aucune information ne lui a été communiquée en ce domaine par les ***** services concernés. |
19.03 |
*****, consulter l'ensemble des services utilisateurs de fonds spéciaux sur leur souhait *****. |
Ce sujet a été abordé au sein du « GT Fonds spéciaux » au début de l'année 2023. *****. Au vu des résultats obtenus, cette recommandation peut désormais être close. |
19.04 |
Mettre en place un groupe de travail transversal à l'ensemble des services bénéficiaires de fonds spéciaux sur les possibilités de discrétion et/ou d'urgence offertes par le droit de la commande publique. |
La CVFS prend note du fait que ce sujet sera abordé par le « GT Fonds spéciaux » à l'occasion de sa prochaine réunion. À l'évidence, certains services n'ont pas connaissance du panel de possibilités qui existent en la matière (*****). En attendant la tenue de cette réunion, et des résultats concrets au sein de certains services, la recommandation est maintenue. |
20.01 |
Au vu de pratiques différentes d'un service à l'autre, s'assurer de la cohérence et du bien-fondé du recours aux fonds spéciaux pour l'acquisition de logiciels. |
Ce sujet a été évoqué dans le cadre du « GT fonds spéciaux » piloté par la CNRLT lors de la séance consacrée à la doctrine d'emploi. La coordination s'efforce par ailleurs d'accompagner les services sur ce point spécifique, notamment lors de la transmission de leur expression de besoins pour l'année suivante. Par conséquent, cette recommandation peut être close. |
20.02 |
En lien avec la CNRLT, établir dans chaque service une procédure interne permettant de caractériser l'urgence opérationnelle sur la base d'éléments factuels (date de la demande, délais de procédure, etc.). |
Les conditions de l'urgence opérationnelles ont été abordées dans le cadre du « GT fonds spéciaux ». Le sujet spécifique de l'établissement d'une procédure interne n'a cependant pas été évoqué à cette occasion. La recommandation n'étant que partiellement prise en compte, elle est maintenue. |
20.03 |
Constituer un groupe de travail interservices chargé de définir les procédures *****. |
La CVFS prend note du fait que ce sujet sera abordé par le « GT Fonds spéciaux » à l'occasion de sa prochaine réunion. En attendant la tenue de cette réunion, et des résultats concrets au sein de certains services, la recommandation est maintenue. |
20.04 |
Mettre en oeuvre, dans chaque service, un inventaire des matériels acquis en fonds spéciaux, *****. |
Des recommandations spécifiques ont été adressées aux services n'ayant pas encore mis en place d'inventaire. Dès lors, la présente recommandation n'a pas lieu d'être reconduite. |
20.05 |
Accompagner le processus en cours de basculement de fonds spéciaux vers les fonds normaux d'une revalorisation à due proportion des crédits budgétaires alloués aux services et structures concernés. |
La CVFS note que le dialogue doit être engagé avec les services de la Première ministre, et suivra l'évolution de cette question particulièrement importante. En attendant, la commission renouvelle sa recommandation. |
*
* *
III. RECOMMANDATIONS GENERALES 2022 EMISES PAR LA CVFS
Recommandation générale n° 22-01 (à l'attention de la Première ministre) : Rétablir une programmation budgétaire sincère et annuelle de la dotation en fonds spéciaux du programme 129 à compter du projet de loi de finances pour 2025, tenant compte des besoins de « resoclage » de la dotation de chacun des services.
Recommandation générale n° 22-02 : Établir pour chaque service un plan pluriannuel, au minimum triennal, d'expression des besoins en fonds spéciaux et de régulation des soldes annuels de trésorerie sur la base d'une estimation de fonds de roulement minimum.
ANNEXE 2 :
RAPPORT GÉNÉRAL DE LA CVFS SUR LES CONDITIONS D'EMPLOI DES
FONDS SPÉCIAUX AU COURS DE L'EXERCICE 2023
COMMISSION DE VÉRIFICATION
DES FONDS SPÉCIAUX
RAPPORT
sur
les conditions d'emploi des fonds spéciaux au cours de l'exercice 2023
fait
par la COMMISSION DE VÉRIFICATION DES FONDS SPÉCIAUX
le 18 décembre 2024
instituée par l'article 154 de la loi de finances
pour 2002 du 28 décembre 2001
et composée de
M. Aurélien ROUSSEAU, député, président
Mme Gisèle JOURDA, sénatrice
Mme Caroline COLOMBIER, députée
Mme Catherine DI FOLCO, sénateur
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs
Le contrôle de la CVFS sur l'exercice 2023 est intervenu dans un contexte particulier marqué par la dissolution de l'Assemblée nationale qui a mis un terme au mandat des membres de la Commission, quelques semaines après qu'ils aient débuté leurs travaux, alors sous la présidence de Constance Le Grip, députée des Hauts-de-Seine. Il aura fallu quatre mois pour que soit reconstituée la CVFS, à la mi-novembre 2024, avec un renouvellement important lié à la nouvelle composition de l'Assemblée nationale et à la nomination au Gouvernement de notre collègue sénatrice Agnès Canayer.
De juin à novembre 2024, des échanges réguliers ont eu lieu entre fonctionnaires du Parlement et des services de renseignement et structures bénéficiaires de fonds spéciaux. Ceci a facilité la reprise des travaux de la Commission pour satisfaire l'obligation légale d'adoption du rapport de la CVFS au plus tard au 31 décembre de l'année n+1 de l'exercice contrôlé.
En ma qualité de président nouvellement élu de la CVFS, je veux saluer l'important travail de celles et ceux qui m'ont précédé pour définir une doctrine d'utilisation des fonds spéciaux, établir un dialogue de gestion rigoureux avec les services et structures bénéficiaires et garantir que le recours aux fonds spéciaux soit bien conforme aux exigences d'un Etat de droit.
La gestion des fonds spéciaux a atteint une phase de maturité
D'importants progrès ont été réalisés ces dernières années par les services en matière de gestion des fonds spéciaux, qu'il s'agisse de la mise en place de procédures internes, de dispositifs d'anonymisation, de formation des agents et de diffusion d'une culture commune. La CVFS ne constate plus, comme cela a pu être le cas par le passé, d'erreurs manifestes liées à l'utilisation des fonds spéciaux, mais tout au plus des anomalies ponctuelles. Elle formule d'ailleurs moins de recommandations qu'auparavant et se félicite de leur bonne mise en oeuvre.
L'exercice 2023 marque ainsi la fin d'un cycle et scelle une phase de maturité de la relation et du contrôle qu'exerce la CVFS. Ces dernières années ont en effet permis d'instaurer un cadre de gestion rigoureux des fonds spéciaux. La qualité du dialogue de gestion qui s'est instauré entre la Commission et les services ouvre de nouvelles perspectives en matière de contrôle des fonds spéciaux, dans l'esprit de ce qui fait l'essence même d'un contrôle de nature parlementaire.
La nature du contrôle exercé par la CVFS
Car la CVFS ne s'apparente ni à une juridiction financière, ni à un corps d'inspection et encore moins à un cabinet d'expertise-comptable. Elle est une instance composée de représentants du peuple, chargée d'une mission de contrôle de l'action du gouvernement et d'évaluation d'une politique publique dans le respect de la séparation des pouvoirs. Aussi, au vu de sa composition et de ses moyens, la CVFS n'a pas l'ambition d'exercer un contrôle exhaustif des fonds spéciaux, pièce comptable par pièce comptable. Elle procède par échantillonnage, forte de cette vision transversale de l'ensemble des services et structures bénéficiaires de fonds spéciaux. En confiant aux parlementaires, et exclusivement à eux33(*), le contrôle de l'utilisation des fonds spéciaux, le législateur a voulu placer ce contrôle au niveau des grands enjeux liés aux fonds spéciaux dans une démocratie. En intégrant la CVFS à la Délégation parlementaire au renseignement, il a également établi ce lien de la contribution des fonds spéciaux à la mise en oeuvre de la politique publique du renseignement.
Les enjeux pour l'avenir
Le contrôle de l'exercice 2023 révèle des problématiques communes à l'ensemble des Services autour des enjeux suivants :
- L'impact de la dégradation des finances publiques sur le niveau de la dotation en fonds spéciaux. Pour la première fois en 2024, plusieurs structures bénéficiaires de fonds spéciaux ont été mises à contribution *****. D'une façon générale, la question posée est celle de l'insincérité de la dotation en fonds spéciaux inscrite en loi de finances initiale, qui n'est pas suffisante pour couvrir les besoins connus des services, *****. Il doit être mis un terme à cette pratique de DDAI en cours d'exercice pour couvrir des dépenses qui n'ont en vérité rien d'imprévisible. La situation dégradée des finances publiques ne saurait différer l'exercice d'un re-soclage des dotations en fonds spéciaux *****. Dans le même temps, il s'agit de mener à son terme l'exercice de « fond-normalisation » engagé depuis plusieurs années et qui, accompagné d'une augmentation à due proportion des budgets en fonds normaux, doit permettre de restaurer des marges de manoeuvre en fonds spéciaux.
- L'hétérogénéité des pratiques entre services, notamment pour ***** le recours aux fonds spéciaux, *****. La mise en place du groupe de travail de la CNRLT sur les fonds spéciaux vise à développer l'échange de bonnes pratiques mais, au-delà, il convient désormais d'envisager des solutions opérationnelles de nature à mettre à niveau les services et structures qui n'ont pas l'ingénierie suffisante en interne.
*****.
Tels sont les principaux enseignements issus des contrôles sur place et sur pièces effectués par la CVFS sur les conditions d'emploi des fonds spéciaux au cours de l'exercice 2023.
Aurélien ROUSSEAU
Député des Yvelines,
Président de la Commission de
vérification
des fonds spéciaux
ACTIVITE DE LA CVFS AU COURS DE L'ANNEE 2024
La Commission de vérification des fonds spéciaux a procédé en 2024 au contrôle sur les conditions d'emploi des fonds spéciaux au cours de l'exercice budgétaire 2023.
La CVFS a vu sa composition modifiée au cours de l'année 2024.
Du 1er janvier au 9 juin 2024 :
-Mme Agnès Canayer, Sénatrice (LR) de la Seine-Maritime (Présidente jusqu'au 15 mai)
- Mme Constance Le Grip, députée (LREM) des Hauts-de-Seine (Présidente du 16 mai au 9 juin)
- Mme Gisèle Jourda, sénatrice (SER) de l'Aude
- Mme Caroline Colombier, députée (RN) de la Charente
La dissolution de l'Assemblée nationale, le 9 juin 2024, a mis fin aux mandats des députées membres de la CVFS, laquelle a été reconstituée le 13 novembre 2024, avec la composition suivante :
- M. Aurélien Rousseau, député (SOC et apparentés) des Yvelines, Président
- Mme Gisèle Jourda, sénatrice (SER) de l'Aude, Vice-Présidente
- Mme Catherine Di Folco, sénateur (LR) du Rhône
- Mme Caroline Colombier, députée (RN) de la Charente
Pour mener sa mission et réaliser son rapport, la CVFS s'est déplacée au siège de chacune de structures bénéficiaires de fonds spéciaux pour y réaliser des contrôles sur place et sur pièces. De mai à décembre 2024, elle a procédé à une quinzaine de déplacements au cours desquels elle s'est rendue :
- au groupement interministériel de contrôle (GIC) les 27 juin et 2 décembre ;
- à la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) le 30 mai ;
- à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) les 13 juin et 3 décembre ;
- à la direction du renseignement militaire (DRM) les 11 juillet et 21 novembre ;
- au commandement des opérations spéciales (COS) les 11 juillet et 21 novembre ;
- à Tracfin le 4 juillet ;
- au service national du renseignement pénitentiaire (SNRP) le 4 juillet ;
- à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) le 16 mai ;
- à la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) les 20 juin et 10 décembre ;
- à la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT) les 27 novembre et 3 décembre ;
Au cours de ces visites, la commission (ses membres ou les fonctionnaires dans le cadre de travaux préparatoire) a échangé avec principaux responsables des services et procédé à un contrôle par échantillon des pièces comptables.
Au titre des activités internationales, le Président Aurélien Rousseau s'est rendu en Italie, à Rome, les 29 et 30 novembre 2024 pour participer au G7 parlementaire des organes de contrôle parlementaire des services de renseignement.
I. PRESENTATION GENERALE DES FONDS SPECIAUX EN 2023
En 2023, des fonds spéciaux ont été alloués *****.
A. UNE STABILITE DE LA DOTATION EN FONDS SPECIAUX
Les ressources annuelles en fonds spéciaux sont composées de la dotation initiale que reçoivent les services spécialisés et structures bénéficiaires, éventuellement abondée en cours d'exercice.
RESSOURCES EN FONDS SPÉCIAUX (HORS REPORT DES EXERCICES ANTÉRIEURS)
- ÉVOLUTION 2022/2023 (EN M€)
TABLEAU
*****
S'agissant de la dotation initiale fixée par la loi de finances, et dont le montant est public, elle s'est établie à 75,9 millions d'euros, soit un niveau similaire à celui de l'année précédente. Ce budget de reconduction se vérifie dans la répartition par services et structures bénéficiaires, elle aussi identique à celle de l'exercice antérieur.
*****.
*****. La Commission appelle à une mise en oeuvre dans les meilleurs délais de sa recommandation 22-01 visant à rétablir une programmation budgétaire sincère et annuelle de la dotation en fonds spéciaux du programme 129, tenant compte des besoins de « re-soclage » de la dotation de chacun des services.
Conformément à une recommandation de la CVFS, les services spécialisés et structures bénéficiaires de fonds spéciaux établissent, dans le cadre de leur dialogue de gestion avec la CNRLT, une expression de besoins pluriannuelle, a minima triennale. Le suivi pluriannuel intègre l'année précédente, l'exercice en cours et les trois exercices suivants afin de disposer d'une vision permettant d'évaluer la soutenabilité de la trajectoire financière.
*****.
ESTIMATION DES BESOINS EN FONDS SPECIAUX (EN M€)
TABLEAU
*****
B. UN NIVEAU SOUTENU DE DEPENSES
En 2023, les dépenses en fonds spéciaux *****.
*****.
ÉVOLUTION DES DÉPENSES EN FONDS SPÉCIAUX (EN M€)
TABLEAU
*****
L'année 2023 confirme la rupture observée en 2022 par rapport aux exercices précédents avec une augmentation des dépenses en fonds spéciaux pour la deuxième année consécutive. Cela traduit des besoins accrus en fonds spéciaux essentiellement pour faire face au conflit russo-ukrainien.
Le montant total des dépenses en fonds spéciaux a dépassé en 2023 son niveau d'avant Covid, alors que la pandémie avait sensiblement réduit la voilure des dépenses en 2020 et 2021, avant de connaître un fort rebond en 2022, lié au déclenchement de la guerre en Ukraine.
L'analyse des dépenses par agrégat *****
DÉPENSES PAR AGRÉGATS (EN €)
Tableau
*****
Il résulte de l'augmentation des dépenses une dégradation du résultat annuel de plusieurs services. *****. Un niveau minimum de trésorerie disponible devrait être fixé pour chaque structure bénéficiaire afin de garantir que l'absence de fonds de roulement ne remette pas en cause l'activité opérationnelle des services (Recommandation générale n°23-01).
RESULTAT ANNUEL D'EXERCICE PAR SERVICE
Tableau
*****
C. UN APUREMENT DE LA TRESORERIE DISPONIBLE
Le niveau élevé de trésorerie des services a conduit la CNRLT à allouer, de 2019 à 2021, des dotations en fonds spéciaux *****. Depuis 2022, dans le contexte de la guerre en Ukraine, les ressources allouées ont de nouveau été globalement supérieures aux dépenses réalisées. *****.
Pour autant, le constat de l'augmentation du montant global de la trésorerie, en hausse de près de ***** par rapport à 2021, doit être nuancé au regard de la ventilation de la trésorerie. La multiplication des crises internationales renforce l'engagement des services à l'étranger et implique de disposer des fonds nécessaires sur place. *****.
Nonobstant l'évolution à la hausse de la trésorerie immobilisée et gagée, la trésorerie disponible a sur la même période fortement diminuée *****.
TRÉSORERIE DE L'EXERCICE 2018 À L'EXERCICE 2023 (EN M€)
TABLEAU
*****
II. LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS GENERALES DE LA CVFS
Depuis l'examen des comptes de l'exercice budgétaire 2016, la CVFS émet chaque année des recommandations générales, issues de ses contrôles sur place et sur pièces dans les services spécialisés de renseignement et structures bénéficiaires de fonds spéciales. A la différence des recommandations spécifiques à chaque service ou structure, ces recommandations générales sont de nature transversale, et s'adressent au Premier ministre, à la CNLRT et ou aux Services.
A. LE GROUPE DE TRAVAIL DE LA CNRLT SUR LES FONDS SPECIAUX
Dans le cadre de sa mission de coordination et afin
d'expertiser et
d'impulser la mise en oeuvre des préconisations de la
CVFS, la CNRLT a mis en place en 2022 un groupe de travail dédié
aux fonds spéciaux. Depuis sa création, ce groupe de travail
s'est réuni à cinq reprises : trois fois en 2022 et deux
fois en 2024 après une année blanche en 2023.
Animées par le secrétaire général de la CNRLT, les réunions de ce groupe de travail, passées ou à venir, portent sur ***** :
· L'harmonisation des pratiques :
o ***** ;
o ***** ;
o ***** ;
o ***** ;
· La doctrine d'emploi des fonds spéciaux :
o ***** ;
o ***** ;
o ***** ;
o ***** ;
o ***** ;
o ***** ;
· L'anonymisation et le démarquage :
o ***** ;
o ***** ;
o ***** ;
o ***** ;
o ***** ;
o ***** ;
· La « Fond-normalisation » :
o ***** ;
o *****quantifier les dépenses fond-normalisées pour permettre à la CNRLT de solliciter auprès du Premier Ministre l'augmentation de la dotation en fonds normaux des services de renseignement ;
o Identification des dépenses en fonds spéciaux susceptibles d'être basculées en fonds normaux *****.
B. L'ETAT D'AVANCEMENT DE LA MISE EN oeUVRE DES RECOMMANDATIONS DE LA CVFS
Les sujets traités par le groupe de travail de la CNRLT dédié aux fonds spéciaux font écho aux 44 recommandations formulées par la CVFS dans le cadre de ses contrôles sur les exercices budgétaires 2016 à 2022 et dont 14 d'entre elles restaient ouvertes en 2023.
Au vu des éléments transmis par la CNRLT, la CVFS considère désormais closes les 7 recommandations suivantes :
· Recommandation 16-07 : Constituer un groupe de travail sur les possibilités de démarquage existantes *****.
La CNRLT a en effet indiqué à la CVFS *****.
· Recommandation 17-05 : Formaliser une doctrine *****.
La CNRLT assure à la CVFS que *****.
· Recommandation 18-04 : Désigner par arrêté ou circulaire, non publié au Journal Officiel, les entités et services susceptibles de bénéficier des fonds spéciaux. Cet arrêté ou circulaire, et les modifications apportées, seraient communiqués sans délai à la CVFS.
La CNRLT propose de communiquer chaque année à la DPR la liste des services bénéficiaires de fonds spéciaux. La Commission suggère que cette liste soit transmise chaque année au président(e) de la CVFS. Sous cette réserve, cette recommandation peut être considérée comme close.
· Recommandation 18-06 : Mettre en place, au sein de chaque service, des indicateurs *****.
La CNRLT fait valoir que *****.
· Recommandation 19-01 : Mettre un terme à la pratique de *****.
La CNRLT confirme n'avoir pas eu recours à cette pratique depuis la formulation de la recommandation et assure la CVFS qu'elle veillera à poursuivre les efforts en ce sens. *****.
· Recommandation 19-04 : Mettre en place un groupe de travail transversal à l'ensemble des services bénéficiaires de fonds spéciaux sur les possibilités de discrétion et / ou d'urgence offertes par le droit de la commande publique.
La CNRLT a informé la CVFS que, dans le cadre de la réunion du groupe de travail sur les fonds spéciaux *****.
· Recommandation 20-03 : Constituer un groupe de travail interservices chargé de *****ù.
La CNRLT a informé à la CVFS que ce sujet figurait à l'ordre du jour d'une prochaine réunion du groupe de travail sur les fonds spéciaux. Dans cette perspective, la CNRLT indique réaliser un recensement des pratiques et des besoins des services bénéficiaires.
· Recommandation 22-02 : Etablir pour chaque service un plan pluriannuel, a minima triennal, d'expression de besoins *****.
La CNRLT a indiqué à la CVFS que ses échanges avec les services bénéficiaires s'appuyaient sur des tableaux visant à retracer l'exécution des dépenses, mais également à définir une trajectoire (évolution des dépenses, de la trésorerie et donc des crédits nécessaires). Il a été demandé aux services d'actualiser ces tableaux à chaque étape prévue dans la circulaire de 2019 du directeur de cabinet du Premier ministre. Le suivi pluriannuel intègre l'année précédente, l'exercice en cours et les trois exercices suivants afin de disposer d'une vision permettant d'évaluer la soutenabilité de la trajectoire financière. La CNRLT précise que *****.
*
* *
Au vu de ces 8 nouvelles recommandations désormais closes, seules 6 recommandations demeurent totalement ou partiellement ouvertes. Il s'agit des recommandations suivantes :
· Recommandation 16-05 : En cas de *****, définir des règles précises *****.
· Recommandation 17-04 : Encourager la mise en place d'un travail interservices pour définir un cadre de mutualisation *****.
· Recommandation 20-02 : En lien avec la CNRLT, établir dans chaque service une procédure interne permettant de caractériser l'urgence opérationnelle sur la base d'éléments factuels (date de la demande, délais de procédure, etc.).
· Recommandation 20-05 : Accompagner le processus en cours de basculement de fonds spéciaux vers les fonds normaux d'une revalorisation à due proportion des crédits budgétaires alloués aux services et structures concernés.
· Recommandation 21-01 : Au vu du poids des frais bancaires pour les services, engager un dialogue avec la Banque de France tendant à permettre leur réduction.
· Recommandation 22-01 :
Rétablir une programmation budgétaire sincère et
annuelle de la dotation en fonds spéciaux du programme 129 à
compter du projet de loi de finances pour 2025, tenant compte des besoins
de
« re-soclage » de la dotation de chacun des
services.
La Commission formule également une recommandation nouvelle au titre de l'exercice 2023 :
Recommandation générale n°23-01 : Définir un niveau minimum de ***** pour chaque structure bénéficiaire de fonds spéciaux afin de garantir *****.
ANNEXE 3 :
RÉUNION À ROME DES COMMISSIONS PARLEMENTAIRES DE
CONTRÔLE ET D'ÉVALUATION DES SERVICES DE RENSEIGNEMENT DES PAYS DU
G7
A l'invitation de M. Lorenzo Guerini, président du Comité parlementaire pour la sécurité de la République italienne (COPASIR), une délégation de la DPR, composées de MM. Cédric Perrin et Aurélien Rousseau, s'est rendue à Rome les 28 et 29 novembre 2024 pour participer à la réunion des commissions parlementaires de contrôle et d'évaluation des services de renseignement organisée à Rome (28 et 29 novembre 2024) dans le cadre de la présidence italienne du G7.
Le programme s'est organisé autour de trois thématiques :
- les évolutions récentes de la scène internationale et les risques sécuritaires qui émergent face à la crise de l'ordre mondial, depuis les conflits au Moyen-Orient jusqu'à la situation géopolitique sur le continent africain (cf. infra intervention de M. Cédric Perrin) ;
- Le partage des bonnes pratiques de contrôle et d'évaluation des services de renseignement (cf. infra intervention de M. Aurélien Rousseau) ;
- L'état des menaces sur la cybersécurité.
Outre les membres de la délégation, sont intervenus dans les débats MM. Lorenzo Fontana, président de la Chambre des députés de la République italienne, Alfredo Mantovano, Secrétaire d'Etat à la sécurité, Lorenzo Guerini, président du COPASIR, Lindsay Hoyle, speaker de la Chambre des communes britannique, Mike Turner, président de la commission du renseignement de la Chambre des représentants américaine, Mme Elisabetta Belloni, directrice générale du ministère de l'information et de la sécurité, MM. Ettore Rosato, membre du COPASIR, Matthias Bartke, membre du comité parlementaire de contrôle du Bundestag, Giovanni Donzelli, vice-président du COPASIR, David J. McGuinty, président de la commission parlementaire canadienne de la sécurité national et du renseignement, Bruno Frattasi, directeur général de l'agence italienne de cybersécurité.
* * *
Intervention de M. Cédric Perrin sur les évolutions récentes de la scène internationale et les risques sécuritaires qui émergent face à la crise de l'ordre mondial, depuis les conflits au Moyen-Orient jusqu'à la situation géopolitique sur le continent africain
(réunion des commissions parlementaires de contrôle et d'évaluation des services de renseignement organisée à Rome les 28 et 29 novembre 2024 dans le cadre de la présidence italienne du G7)
Monsieur le Président de la Chambre des députés,
Monsieur le Président de la Commission parlementaire pour la sécurité de la République,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
C'est tout d'abord un honneur de me retrouver parmi vous, parlementaires membres d'instance de contrôle du renseignement, aussi je tiens à remercier très chaleureusement le Président Lorenzo Fontana pour son accueil et le Président Lorenzo Guerini pour son invitation.
C'est aussi une surprise car le sujet qui nous rassemble, le contrôle parlementaire des services de renseignement, se prête peu à ce type de réunion tant nous avons coutume de nous réunir sous le sceau du secret, le plus souvent à huis clos.
C'est maintenant une nécessité face aux défis sécuritaires que tous les pays du G7 doivent affronter. C'est pourquoi, le thème central de mon intervention sera la coopération.
C'est donc un triple remerciement que j'adresse à nos hôtes avec mon collègue député Aurélien Rousseau.
J'étais reçu ce matin par mon homologue Stefania Craxi, présidente de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat italien. Nous y avons abordé les enjeux de politique internationale et de coopérations bilatérales entre la France et l'Italie dont de nombreux sujets (la crise de l'ordre mondial, conflits au Moyen-Orient, situation géopolitique sur le continent africain) sont communs aux travaux de cette première session de la journée.
Dans le cadre du G7 qui nous réunit aujourd'hui, je me rappelle la déclaration des chefs d'État et de gouvernement de juin dernier qui réaffirmait les trois points suivants :
- notre solidarité aux côté de l'Ukraine ;
- notre soutien à un accord général qui prévoit un cessez-le-feu immédiat à Gaza, la libération de tous les otages et une voie crédible vers la paix menant à la solution des deux États ;
- une collaboration avec les pays africains, dans un esprit de partenariat équitable et stratégique.
Nous savons autour de cette table tout ce que les théâtres de crise ou d'opération impliquent pour nos services de renseignement en termes de recueil d'informations de source technique ou humaine. Je tiens à saluer ici ces femmes et ces hommes qui oeuvrent dans l'ombre à notre sécurité. J'y reviendrai plus concrètement en restant dans les limites du secret de la défense nationale qu'imposent les règles applicables à notre délégation parlementaire au renseignement.
Nous savons également l'importance capitale que revêt le partage d'information et la coopération internationale entre services alliés, et parfois compétiteurs. Je peux citer à cet égard un exemple concret de réussite de la coopération inter-services : si les Jeux olympiques de Paris ont pu parfaitement se dérouler, c'est grâce à la coopération en matière antiterroriste que très certainement des tentatives d'attentat ont été déjouées.
Le partage et la confiance entre alliés sont les biens les plus précieux que nous puissions avoir contre des puissances de plus en plus agressives. J'ajoute que cette coopération revêt une dimension stratégique qu'il faut à tout prix conserver dans lutte contre le terrorisme, même avec les pays qui nous sont hostiles.
De fait, le renseignement ne connaît ni amis, ni ennemis mais que des intérêts communs. Lorsque la population russe s'est trouvée durement touchée par l'attentat du Crocus City Hall, il était de la responsabilité de la France, ou de tout autre pays allié, d'offrir son aide sur l'identification des auteurs. La Russie l'a refusé en préférant accuser l'Ukraine. Soit...
Dans une autre approche de la coopération face au durcissement de la position de certaines puissances sur la scène internationale et les risques sécuritaires qui émergent de la remise en cause de l'ordre mondial, je voudrais également citer la nécessaire coopération opérationnelle entre les services de nos différents pays. Sans naïveté, ni angélisme car nous savons combien des affaires comme l'alliance AUKUS ou l'utilisation du logiciel Pegasus peuvent ébranler les relations entre partenaires et alliés.
Cette coopération reste nécessaire et utile à nos intérêts respectifs. J'en veux pour preuve plusieurs exemples :
- la tournure que prend le conflit entre Israël, le Hamas et l'Iran (avec ses auxiliaires au Yémen et au Liban) montre que toute bascule d'effort vers le flanc Est de l'Europe et l'Asie ne peut se faire au détriment de notre coopération au Moyen-Orient et en méditerranée orientale ;
- de même, nous ferions bien de nous préoccuper collectivement de la situation sur le flanc Sud de l'Union européenne et de l'OTAN car l'Afrique, notamment la bande subsaharienne dont nous avons tous dû nous retirer de certains États. Cette zone présente un risque de résurgence du terrorisme exogène et est devenu un défi pour le renseignement ;
- Sur le plan international, je pense également aux récents développements de la guerre en Ukraine où l'implication de troupes Nord-coréennes et l'utilisation revendiquée par le Kremlin d'un nouveau missile balistique de moyenne portée. Or nos troupes, comme les vôtres, sont présentes dans des pays frontaliers de l'Ukraine (en Roumanie), voire de la Russie (en Estonie) pour ce qui concerne la France.
Le contexte de notre session pose la question centrale de l'orientation du renseignement. Donc des politiques publiques et des stratégies nationales que les uns et les autres mettent en oeuvre de manière plus ou moins publique et selon des modalités de contrôle parlementaire différentes selon nos traditions institutionnelles et politiques.
Je ne veux pas empiéter sur ce qui sera le thème de la deuxième session sur les meilleures pratiques en matière de contrôle parlementaire des services de renseignement dans laquelle mon collègue interviendra. Mais, si je souhaite aborder ce volet du contrôle c'est que précisément le contrôle qu'effectue la délégation parlementaire française au renseignement sur l'action du Gouvernement porte sur l'évaluation de la politique publique en ce domaine avec un suivi des enjeux d'actualité et des défis à venir qui s'y rapportent.
A proprement parler, notre délégation ne contrôle pas les services de renseignement en tant que tel, mais la politique publique mise en oeuvre par le Gouvernement. Ce cadre législatif présente donc des limitations mais aussi des compétences assez précises quant aux constats et recommandations qui peuvent être adressées à l'exécutif, directement au Premier ministre et au Président de la République.
Il y a deux limites principales que notre délégation n'aborde pas : ni les opérations en cours, ni les échanges avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement. Cela afin de préserver l'anonymat des agents, le secret des méthodes opérationnelles et celui des sources. Ce sont les limites du contrôle, mais aussi une garantie de sécurité pour que la coopération internationale fonctionne en toute confiance entre services.
En revanche, l'évaluation d'une politique publique permet d'interroger les orientations, les moyens alloués et les résultats obtenus.
Les enjeux dont il est question dans cette conférence nous appellent donc à réfléchir sur les orientations à donner aux services, les moyens à y consacrer et le partage d'information utile à nos intérêts respectifs.
Sous cet angle, la résurgence d'une menace terroriste exogène (Afrique et Asie centrale) ainsi que le retour du risque nucléaire entre puissances officiellement dotées constituent de nouveaux défis pour nos services.
Enfin, pour que nous puissions confronter nos approches sur de nouveaux terrains de conflictualité que sont le cyber et les ingérences étrangères, nous assistons à la multiplication des procédés numériques et informationnels qui visent très directement nos États et l'organisation libérale de nos sociétés. Ce sont des zones dites grises que nous abordons parfois de manière différente sous l'angle des services de renseignement ou de services de lutte contre les manipulations de l'information ; c'est le cas en France du service de vigilance et protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum) qui n'est pas un service de renseignement.
Ce dernier volet relatif aux menaces hybrides me permet de conclure en laissant la place au débat, et en rappelant que dans la dernière revue nationale stratégique française de 2022, la fonction stratégique de renseignement a été complétée par une nouvelle fonction stratégique d'influence : le but étant de « gagner la guerre avant la guerre ».
Tel est également l'objectif de notre délégation parlementaire au renseignement : contrôler l'action du Gouvernement mais ne pas entraver les services dans le respect de l'État de droit.
Pour conclure, les défis que posent les nouvelles technologies (intelligence artificielle, big data) sur l'évolution des techniques de renseignements, les moyens accordés, les algorithmes autorisés, vont certainement avoir des conséquences sur le contrôle des services de renseignement. Comment contrôler l'usage des techniques de renseignement, comment protéger les libertés publiques et garantir la sécurité de nos sociétés ?
Je vous remercie.
* * *
Intervention de M. Aurélien Rousseau sur partage des bonnes pratiques de contrôle et d'évaluation des services de renseignement
(réunion des commissions parlementaires de contrôle et d'évaluation des services de renseignement organisée à Rome les 28 et 29 novembre 2024 dans le cadre de la présidence italienne du G7)
Monsieur le Président, Chers Collègues,
Je suis heureux de vous présenter, dans le cadre de notre séance de ce matin consacrée aux bonnes pratiques du contrôle parlementaire des services de renseignement, le cas de la France et le rôle confié à la Délégation parlementaire au renseignement et en son sein, la commission de vérification des fonds spéciaux dont j'assume la présidence depuis quelques jours.
Je vais revenir rapidement sur la genèse de notre délégation avant de vous présenter ses prérogatives actuelles et les enjeux du contrôle parlementaire de la politique publique du renseignement. Pour ce faire, j'articulerai mon propos en trois temps :
- Le temps de la conquête
- Le temps de l'affirmation
- Le temps du travail en réseau avec l'émergence d'une communauté des contrôleurs
1. Le temps de la conqu?te
Vous devez savoir qu'en France, jusqu'au début des années 1970, il est apparu très clairement que les parlementaires étaient en vérité peu intéressés aux questions relatives au renseignement, en dehors de quelques commissions d'enquête. On avançait alors une contradiction supposée entre la publicité des travaux parlementaires et l'existence du « secret défense ».
Jusqu'au début des années 2000, ce ne sont pas moins de 14 propositions de création d'un organe de contrôle de services de renseignement qui ont été déposées, sans succès, au Parlement français.
Ce n'est qu'à la quinzième tentative, en 2005, que la procédure arriva à son terme, qui débouchera sur l'adoption de la loi du 9 octobre 2007.
Notre délégation est bicamérale. La composition retenue, inchangée à ce jour, est de quatre députés et quatre sénateurs, parmi lesquels les présidents des commissions des lois et de la défense des deux assemblées, membres de droit. Les quatre autres membres sont désignés par les présidents de chaque chambre « de manière à assurer une représentation pluraliste ». La présidence alterne chaque année entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
Les parlementaire membres de la DPR sont habilités es qualité au secret défense et peuvent donc connaître d'informations classifiées. Les réunions de la DPR se tiennent à huis clos, dans une salle dédiée et sécurisée.
La délégation avait initialement pour mission « de suivre l'activité générale et les moyens des services spécialisés ». Le terme de « contrôle » n'était alors volontairement pas utilisé dans la loi.
Si la mission de la délégation était définie en des termes très généraux, la liste de ses prérogatives l'était en revanche avec beaucoup plus de précision.
La loi de 2007 prévoyait ainsi que, dans le cadre de ses fonctions, la DPR était informée des éléments relatifs « au budget, à l'activité générale et à l'organisation des services de renseignement » mais elle précisait que ces éléments ne pouvaient porter « ni sur les activités opérationnelles de ces services » et leur financement, « ni sur les échanges avec des services étrangers ». Ce sont là des limites très importantes.
Durant ses premières années d'existence, jusqu'en 2013, l'activité de la DPR s'est limitée à moins d'une dizaine d'auditions par an et à la publication d'un rapport d'activité très succinct, d'une quinzaine de pages. Cette période n'en fut pas moins fructueuse car elle a permis aux parlementaires de tisser des liens de confiance avec la communauté du renseignement.
2. Le temps de l'affirmation
L'adoption en 2013 de la loi de programmation militaire a incontestablement marqué une rupture avec un élargissement des prérogatives de la Délégation parlementaire au renseignement.
La DPR s'est vue reconnaître une mission de « contrôle et d'évaluation de l'action du Gouvernement en matière de renseignement », ce qui constituait alors une véritable mutation philosophique.
Pour lui permettre d'exercer au mieux sa mission nouvelle de contrôle et d'évaluation, la liste des documents qui lui sont transmis a alors été enrichie. La DPR est désormais destinataire de :
« 1° la stratégie nationale du renseignement » : il s'agit d'un document public qui fixe les grands axes de la politique du Gouvernement en matière de renseignement.
« 2° des éléments d'informations issus du plan national d'orientation du renseignement » (PNOR). Le PNOR est la déclinaison annuelle de la stratégie nationale, à destination des services. Il s'agit donc d'un document à vocation opérationnelle, couvert par le secret de la défense nationale.
« 3° un rapport annuel de synthèse exhaustif des crédits consacrés au renseignement et le rapport annuel d'activité des services spécialisés de renseignement ».
« 4° des éléments d'appréciation relatifs à l'activité générale et à l'organisation des services spécialisés de renseignement »
La liste des personnes qu'elle peut entendre a également été enrichie en 2013 puis complétée à nouveau par la loi relative au renseignement du 24 juillet 2015.
La loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement a renforcé les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement sur plusieurs points :
- Le champ de compétence de la DPR est élargi au suivi des enjeux d'actualité et des défis à venir qui concernent la politique publique du renseignement.
- La DPR est désormais destinataire, chaque semestre, de la liste des rapports d'inspection portant sur les services de renseignement.
- La DPR peut demander communication de tout document, information et élément d'appréciation nécessaire à l'accomplissement de sa mission. Il s'agit d'une avancée significative car jusqu'alors, la DPR n'était destinataire que d'une liste limitative de documents. En revanche, ce droit à l'information élargi reste limité au besoin d'en connaître de la DPR, ce qui exclut toujours les opérations en cours, les méthodes opérationnelles et les relations des services avec leurs partenaires étrangers.
- La DPR peut également désormais auditionner « toute personne exerçant des fonctions de direction » au sein des services de renseignement. Jusqu'à présent, seuls les directeurs des services et les personnes placées auprès de ces directeurs et occupant un emploi pourvu en conseil des ministres pouvaient être auditionnées.
- Enfin, la DPR a la possibilité de demander chaque année au coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme de lui présenter le plan national d'orientation du renseignement (PNOR) et non plus seulement « des éléments d'information » issus du PNOR.
La délégation effectue également des visites régulières dans les services de renseignement et autant que de besoin des déplacements à l'étranger.
Ces dernières années, la DPR a mené des travaux sur des thématiques aussi diverses que le renseignement pénitentiaire, la criminalité organisée, la composante cyber, le renseignement spatial, et l'an dernier le sujet des ingérences étrangères. Les rapports de la DPR sont classifiés et transmis au Président de la République, au Premier ministre et aux présidents des assemblées parlementaires. Par ailleurs, une version publique, expurgée des éléments classifiés, est publiée pour rendre compte de ses travaux à l'ensemble de la représentation nationale, aux médias et au grand public.
Les rapports de la DPR connaissent une audience grandissante au fur et à mesure que les sujets liés au renseignement sortent du cercle restreint des initiés. Le rapport que nous avons publié l'an dernier sur les ingérences étrangères est ainsi à l'origine de la récente loi du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France.
Cette phase de maturité du contrôle parlementaire, reflet d'une véritable montée en puissance au cours de la décennie écoulée, est allée de pair avec la crédibilité des travaux de la DPR et en son sein de la commission de vérification des fonds spéciaux dont je veux vous dire quelques mots.
Les services de renseignement, et seulement eux, disposent de fonds spéciaux pour conduire des opérations discrètes qui requièrent d'être démarquées, anonymes et souvent menées dans l'urgence. Le choix a été fait en France de confier à un organe parlementaire, et en pratique à lui seul, le contrôle de la régularité de l'usage de ces fonds spéciaux. La commission parlementaire de vérification des fonds spéciaux effectue des contrôles sur place et sur pièces et dresse, pour chacun des services de renseignement, un procès-verbal d'utilisation de leurs fonds spéciaux. La Commission définit une doctrine d'usage, fait chaque année des recommandations et s'assure de leur mise en oeuvre, dans le cadre d'un dialogue de gestion très constructif avec les services. Il s'agit là d'une forme particulièrement aboutie de contrôle parlementaire.
3. le temps du travail en réseau : vers une communauté des contrôleurs
Le renforcement des prérogatives de la Délégation parlementaire au renseignement est lié à la mise en place progressive d'une véritable politique publique du renseignement.
On parle en France d'une communauté du renseignement pour évoquer les liens entre les différents services de renseignement.
Mais progressivement, et le contrôle parlementaire y prend toute sa place, est aussi en train d'émerger une véritable communauté des contrôleurs.
Celle-ci est composée, outre l'autorité politique qui incarne le contrôle parlementaire, d'autorités administratives indépendantes, comme la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), d'autorités juridictionnelles (le juge national et les juges européens avec les jurisprudences des Cours de Luxembourg et de Strasbourg qui impactent l'activité opérationnelle des services de renseignement), et d'autorités financières (via la Cour des Comptes).
Ces contrôleurs se parlent de plus en plus, entre eux, et aussi avec les services de renseignements.
À l'initiative de la DPR, l'Assemblée nationale a par exemple organisé deux grands colloques en 2018 et en 2023, sur les enjeux du contrôle de la politique publique du renseignement qui ont réuni tous les directeurs des services et les représentants de toutes les autorités de contrôle.
De même, il est important que nous puissions échanger à l'échelle européenne et internationale, comme nous le faisons ici à Rome, pour mettre en perspective les modalités de notre contrôle parlementaire avec ce qui existe chez nos partenaires.
La mise en réseau de nos travaux, dans le respect bien sûr du secret qui caractérise l'activité des services, doit nous aider à concilier les impératifs des services de renseignement avec l'exigence démocratique.
Aussi, je dirais pour conclure que le contrôle parlementaire tel que nous le pratiquons, il se veut l'incarnation de trois points d'équilibre :
- Un point d'équilibre entre l'impératif de sécurité nationale et les garanties indispensables à l'exercice de nos libertés collectives et individuelles dans un Etat de droit.
- Un point d'équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif ;
- Un point d'équilibre entre ce que l'on peut dire et ce qu'il faut garder secret.
Je vous remercie.
ANNEXE 4 :
ENTRETIEN SUR LES COULISSES DU RENSEIGNEMENT DE M. CÉDRIC
PERRIN PARU DANS LA REVUE DES CAHIERS FRANÇAIS
Revue Cahiers français n° 440 juillet-aout 2024 du 17 juillet 2024 publiée par la Documentation française (extrait)34(*)
1. POURQUOI AVOIR CREER UNE DELEGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT ?
Il faut d'abord préciser que la contradiction apparente entre la publicité des travaux parlementaires et le « Secret Défense », caractéristique du monde du renseignement, a longtemps fait figure de digue infranchissable en France comme ailleurs dans d'autres démocraties occidentales. Il s'agissait d'un angle mort de la fonction démocratique de contrôle de l'activité du gouvernement par les assemblées parlementaires. Comment concilier l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen - la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration - avec la protection de la capacité de l'État à procéder à des actions secrètes et clandestines ? Comment exercer la mission constitutionnelle de contrôle des moyens votés pour le fonctionnement des services, voire l'utilisation des fonds spéciaux ?
Ce n'est qu'à partir des années 1970 qu'on observe une émergence d'un contrôle parlementaire des services de renseignement. D'abord aux Etats-Unis en 1976 avec la création très médiatisée à l'époque d'un Senate Select Committee on Intelligence à la suite du scandale du Watergate. Nos principaux partenaires européens, l'Italie et l'Allemagne, ont poursuivi ce mouvement en se dotant, selon des modalités très diverses, de dispositifs parlementaires de contrôle, suivis dans les années 1990 par la Belgique, l'Espagne et le Royaume-Uni.
Pendant ce temps, de 1971 à 1999, ce ne sont pas moins de 14 propositions de création d'un organe de contrôle de services de renseignement qui ont été déposées, sans succès, au Parlement. Il faut attendre la loi du 9 octobre 2007 portant création d'une délégation parlementaire au renseignement (DPR) pour qu'enfin la France se dote d'une véritable instance parlementaire chargée du contrôle des services de renseignement. Il s'agit d'un des rares organes interparlementaires - avec l'office parlementaire d'évaluation des choix techniques et scientifiques - qui rassemblent des sénateurs et des députés à parité : elle comprend huit membres, quatre sénateurs et quatre députés, parmi lesquels les quatre présidents de commission en charge de la défense et de la sécurité intérieure. En outre, son caractère permanent et sa compétence en matière de secret de la défense nationale en font un outil unique et novateur avec des pouvoirs spécifiques. La DPR couvre ainsi un champ de compétence que ne pouvaient aborder les commissions d'enquête, par nature temporaires et exclues du secret concernant la défense et la sécurité nationale.
2. QUELLES SONT LES MISSIONS DE CETTE DELEGATION ?
Dans un premier temps, les missions de la DPR se sont cantonnées à un « suivi de l'activité générale et des moyens des services spécialisés », lequel ne donnait lieu qu'à la publication d'un rapport d'activité très succinct. C'est à partir de 2013 que la délégation s'est vue reconnaître une mission de « contrôle et d'évaluation de l'action du Gouvernement en matière de renseignement ». Avec la possibilité donnée par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement d'entendre les directeurs des services spécialisés de renseignement et les cadres de ces services, sans que le ministre ou le directeur du service ne puissent s'y opposer, le travail de la délégation a opéré une véritable mutation, permettant le développement de liens plus étroits avec la communauté du renseignement et la publication de rapports plus étoffés, comportant des études thématiques et des recommandations. La loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement a ajouté aux prérogatives précédentes de la DPR celle d'assurer « un suivi des enjeux d'actualité et des défis à venir qui s'y rapportent ».
Concrètement, depuis 2015, le contexte marqué par les attentats parisiens de Charlie Hebdo et du Bataclan a notablement renforcé le nombre des auditions et des visites de services, avec d'emblée l'instauration d'une relation étroite entre la DPR et les services du coordinateur national du renseignement et de la lutte antiterroriste (CNRLT).
Enfin, il faut mentionner l'intégration au sein de la délégation d'une commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS) chargée de s'assurer, chaque année, que les fonds spéciaux votés en loi de finances sont utilisés conformément à leur destination, deux sénateurs et deux députés, sont désignés au sein de la DPR pour la composer dans cette mission éminemment sensible.
3. L'EXPERIENCE A-T-ELLE MONTRE QUE LA DPR A UN REEL POUVOIR DE CONTROLE ? LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT SE SOUMETTENT-ILS FACILEMENT A CE CONTROLE ?
Il est d'abord important de rappeler le cadre très particulier de travail de cette instance, la seule dont les membres et les agents des assemblées désignés pour les assister sont astreints au respect du secret de la défense nationale et dûment habilités à cet effet. C'est une réelle contrainte dans l'environnement parlementaire de travail, mais c'est aussi une garantie incontournable pour nos interlocuteurs.
Malgré tout, la délégation reste une institution relativement jeune à l'échelle du temps parlementaire et du renseignement. Or le temps est une donnée importante pour construire une relation de confiance entre « contrôleurs » et « contrôlés » à la fois exigeante sur le respect indispensable des règles du secret - il y va de la sécurité des sources et des agents - mais aussi de la parfaite loyauté des services devant la représentation nationale. Le CNRLT s'est avéré être un pivot essentiel de l'acceptation du contrôle parlementaire. Son principe a parfaitement été résumé, lors du colloque organisé par la DPR en mai 2023 sur le thème « la politique du renseignement est-elle bien contrôlée ? », par les propos de Bernard Emié, alors directeur général de la sécurité extérieure : « les contrôles sont essentiels pour faire fonctionner notre cadre légal, duquel découle l'acceptabilité démocratique des moyens exorbitants du droit commun qui nous sont conférées pour mener à bien notre travail ».
Oui, le pouvoir de contrôle est réel et en pratique les services s'y soumettent - avec toute la pédagogie nécessaire s'agissant notamment du contrôle des fonds spéciaux - dans un intérêt commun puisqu'ils savent que les constats et recommandations de la délégation seront communiqués au Premier Ministre et au Président de la République, sous la protection du secret lorsque celui-ci est nécessaire. En revanche, il existe une marge de progression importante en matière de communication de documents, à la fois en termes d'intelligibilité et d'accessibilité : comment demander un document dont l'existence n'est pas connue du contrôleur ou dont le seul secret non communicable à la délégation doit se limiter aux opérations en cours, procédures et méthodes opérationnelles, aux échanges avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement.
4. VOS RECOMMANDATIONS SONT-ELLES SUIVIES ? ONT-ELLES PERMIS DES AVANCEES DANS LA PRATIQUE DU RENSEIGNEMENT ?
Les rapports annuels de la DPR dressent systématiquement un bilan d'application des recommandations. Sur le rapport de l'année 2022 consacré à la lutte contre la criminalité organisée, huit des dix recommandations ont été complètement ou partiellement prises en compte par les services. Sur les trois précédents rapports traitant de l'évolution du cadre légal, de la création du renseignement pénitentiaire, du domaine cyber ou encore du renseignement territorial, 90 des 126 recommandations ont été suivies d'effets. Sur un plan qualitatif, il est plus difficile d'être aussi précis car dans certains cas, les préconisations comme les moyens mis en oeuvre pour y répondre sont classifiés. On peut tout particulièrement se féliciter des progrès réalisés en matière de vérification des fonds spéciaux, un véritable dialogue, parfois exigeant, existe maintenant sur les conditions d'utilisation et de contrôle interne de ces moyens exceptionnels. L'ensemble des observations de la CVFS étant retracé dans des tableaux annuels de suivi de leur application.
5. DANS SON RAPPORT ANNUEL 2022-2023, PARU EN NOVEMBRE DERNIER, LA DPR S'INQUIETE DU NIVEAU ELEVE DE L'INGERENCE ETRANGERE. QUELLES MESURES PRECONISEZ-VOUS POUR Y FAIRE FACE ?
Le rapport publié par mon collègue député et prédécesseur à la présidence la délégation, Sacha Houlié, fait au sujet des ingérences étrangères en France le constat d'une menace protéiforme, omniprésente et qui s'inscrit dans la durée. C'est un constat partagé dont témoignent également plusieurs missions et commissions d'enquêtes su Sénat et de l'Assemblée nationale dans l'enseignement supérieur, sur la plateforme Tik Tok ou plus largement contre notre système démocratique. Les recommandations de la DPR prévoient notamment la création d'un répertoire numérique des représentants d'intérêts agissant pour le compte d'un mandant étranger, l'extension de la technique dite de l'algorithme aux cas d'ingérence étrangère ou encore le gel des avoirs des personnes se livrant à des actes d'ingérence. Le fait que ce rapport ait donné lieu à une proposition de loi illustre la capacité unique du Parlement, et en son sein la DPR, à opérer un chaînage entre ses deux missions de contrôle de l'action du Gouvernement et de vote de la loi.
* 1 A la date de l'adoption du rapport le 17 décembre 2024.
* 2 La publication concomitante de ces deux rapports de la CVFS est due au report à 2025 de la publication du rapport de la DPR en raison de la prolongation de la présidence de M. Cédric Perrin jusqu'au 31 décembre 2024.
* 3 Revue Cahiers français n° 440 juillet-août 2024 publiée par la Documentation française.
* 4 Pendant la période au cours de laquelle, dans l'attente de la désignation de plusieurs de ses membres par les présidents de chacune des assemblées, la DPR n'avait pu être formellement reconstituée suite à la dissolution de l'Assemblée nationale, le Président Cédric Perrin a conduit des entretiens, auxquels étaient à chaque fois conviés les sénateurs membres en exercice de la délégation.
* 5 Idem.
* 6 Organisée par la Chambre des députés italienne dans le cadre de la présidence italienne du G7.
* 7 Interview du 10 octobre 2023 sur la radio RCJ.
* 8 Sur un plan terminologique, la prolifération (développement de capacité propre) se distingue de la dissémination (transfert clé en main).
* 9 Au cours de l'année 2020, la délégation avait déjà été destinataire, en l'absence de toute obligation législative, d'un premier rapport classifié sur la mise en oeuvre expérimentale de la technique de l'algorithme, en complément du rapport d'évaluation transmis au Parlement en application de la loi de 2015.
* 10 Ces programmes sont répartis au sein des missions « Direction de l'action du Gouvernement », « Défense », « Sécurités », « Administration générale et territoriale de l'Etat », « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Justice ».
* 11 JORF n° 0177 du 26 juillet 2024.
* 12 Rapport n° 810 (2022-2023) relatif à l'activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l'année 2022-2023.
* 13 Ibidem.
* 14 Article L. 562-2 du code monétaire et financier.
* 15 La libération des quatre agents est intervenue le 19 décembre 2024.
* 16 Démantèlement le 18 novembre 2022 à Strasbourg d'une cellule qui préparait un attentat puis le 6 juillet 2023 en Allemagne et au Pays Bas.
* 17 La Coface estime que le total des actifs de la Qatar Investment Authority (QIA) est estimé à environ 200 % du PIB du pays.
* 18 On soulignera la présence au sein du CRO d'un officier supérieur de la DGSE dès le mois de septembre 2023, en tant qu'adjoint au chef du Centre, qui a notamment permis une grande fluidité d'échanges, et la communication au CRO des analyses du Service : *****.
* 19 Risques transverses : risques de manipulation de l'information, risques cyber.
Risques intentionnels : risques terroristes, risques d'atteinte aux personnes, risques d'atteinte aux biens, risques d'atteinte aux chantiers et/ou phase de montage/ démontage, risques d'atteinte spécifique au bon déroulement des JOP 2024.
Risques non intentionnels : risques naturels, risques sanitaires, risques industriels, risques accidentels.
* 20 Dont 179 pour la seule DGSI. (Source : CNRLT)
* 21 Leur violation entraîne une action judiciaire (pour 45 cas parmi les MICAS issues de la DGSI).
* 22 Parmi lesquelles 8 ont entraîné une action judiciaire.
* 23 *****.
* 24 *****.
* 25 La lutte anti-drones : une première défaite aux JOP de Paris 2024 ?
M. Cédric Perrin, président ; MM. Loïc Hervé, Philippe Paul, Rachid Témal, rapporteurs.
* 26 Cf courrier adressé au Président de la République en date du 18 novembre 2019, dans lequel les dirigeants d'Airbus, Atos, Idemia, Orange et Thales demandaient « un engagement mutuel des parties prenantes ». Cet espoir a malheureusement été déçu comme en témoigne un second courrier adressé cette fois au ministre de l'Intérieur en date du 24 octobre 2023 dans lequel les représentants des industriels de la défense déploraient que « la mobilisation de la filière reste aujourd'hui sans réponse de l'État du fait de l'inertie des plans d'acquisitions et de modernisation, à quelques mois seulement des Jeux ».
* 27 Alors que les premiers systèmes PARADE auraient dû être livrés en janvier 2023, les trois premiers n'ont commencé à être reçus par les forces qu'en février 2024 tandis que les trois suivants, dont la réception était programmée en avril 2023, ont attendu le mois de juin 2024.
* 28 Les rapporteurs avaient émis les 6 recommandations suivantes :
1. Permettre en cas de nécessité de recourir à des procédures plus itératives et agiles que ne le sont les marchés publics, en particulier lorsque les délais sont contraints et/ou lorsqu'une rupture technologique crée une menace pour la sécurité nationale.
2. Limiter l'achat public de drones et de dispositifs de lutte anti-drones civils et militaires dotés d'une technologie extra-européenne et particulièrement chinoise en intégrant dans les appels d'offres un critère évaluant la maîtrise de la chaîne de valeur produite en France et en Europe.
3. Adapter le crédit d'impôt recherche (CIR) aux spécificités des industries de défense pour accompagner le développement des startups soumises au secret défense, qui ne peuvent de ce fait justifier de leur activité auprès de l'administration fiscale.
4. Commander d'ici le début des JOP de nouveaux systèmes de LAD légers et mobiles (fusils brouilleurs) et former les équipes pour les servir afin de préserver le caractère « multicouches » du dispositif mis en place.
5. Obtenir de nouveaux systèmes « lourds » en prêt ou à travers des coopérations pour pallier les défaillances du système PARADE et durcir notre dispositif compte tenu de l'évolution de la menace.
6. Déployer des systèmes « lourds » en régions sur les principaux sites qui accueilleront des compétitions et tout particulièrement autour des grands stades de Lille et Lyon, au besoin en sollicitant le concours de nos alliés européens.
* 29 Le cas échéant, pour les futures commandes publiques dans les cas où l'acheteur ne serait pas en mesure de définir seul à l'avance les moyens techniques permettant de répondre à ses besoins, d'envisager le recours à la procédure de dialogue compétitif, qui permet d'ouvrir un dialogue avec les candidats en vue de faire émerger les solutions techniques les mieux adaptées.
* 30 Voir notamment :
- le rapport n°1311 (Assemblée nationale) au nom de la commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières -Etats, organisations, entreprises, groupes d'intérêt, personnes privées - visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des dirigeants ou des partis politiques français - M. Jean-Philippe Tanguy, président, Mme Constance Le Grip, rapporteure ;
- Et le rapport n°739 (Sénat, 2023-2024) au nom de la commission d'enquête sur les politiques publiques face aux opérations d'influences étrangères - M. Dominique de Legge, Président, M. Rachid Témal, rapporteur.
* 31 Sénat, avis n° 130 (2023-2024), tome IX, déposé le 23 novembre 2023 par MM. Olivier Cadic et Mickaël Vallet au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi de finances pour 2024.
* 32 ***** n'ont pas fait l'objet de recommandations nouvelles.
* 33 Le contrôle de l'utilisation des fonds spéciaux a été confié par le législateur (loi de finances pour 2002) à la commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS) dont la composition a été modifiée par la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013 qui en fait une formation spécialisée de la délégation parlementaire au renseignement (DPR).
* 34 Lien vers la revue et les articles consacrés au dossier sur les coulisses du renseignement :
https://www.vie-publique.fr/catalogue/294759-les-coulisses-du-renseignement