EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Dans notre pays, au quotidien, plus d'un million de travailleuses et de travailleurs de première ligne assurent auprès de toutes les populations vulnérables - handicap, vieillesse, difficultés éducatives et parentales - un rôle de soin et de lien qui est essentiel.
Ces invisibilisés, souvent des femmes, redonnent dignité, fabriquent l'émancipation, soutiennent et réparent les blessures de parcours, pour et avec les personnes concernées. Chacun le mesure dans sa vie intime et familiale.
Pourtant, ces travailleuses et travailleurs sociaux ne cessent depuis des années de clamer leur sentiment de déclassement. Ces professionnelles et professionnels sont aujourd'hui dans une situation de crise grave.
Cette crise n'est pas conjoncturelle, mais structurelle.
Le manque d'attractivité et la crise de sens face à l'augmentation des besoins sans les moyens d'y faire face conduisent à une explosion du nombre de postes vacants, à l'effondrement des structures et des services à l'image des Ehpad, à l'effondrement des nouvelles promotions d'étudiants en travail social.
Les salaires sont bloqués depuis vingt ans et les conditions de travail sont bien plus difficiles qu'ailleurs, à l'image des aides à domicile qui figurent parmi les métiers les plus pénibles : des journées de travail de huit heures à vingt heures dont seulement la moitié du temps est décomptée, le reste étant effectué en transport.
Si le travail social n'attire plus les jeunes, au regard de la pyramide des âges dans ces métiers, nous serons rapidement face à des refus de prise en charge.
En décembre 2023, le Haut Conseil du travail social, présidé par Mathieu Klein, maire de Nancy, instance collégiale des acteurs du travail social, a remis à Matignon son livre blanc. De multiples pistes de transformation et de soutien au travail social y sont tracées. Elles n'ont à ce jour reçu aucune réponse à la hauteur de l'enjeu de la part du Gouvernement.
Nous appelons aujourd'hui le Premier ministre, François Bayrou, et son Gouvernement à transcrire en actes et en droit les propositions de ce livre blanc du travail social.
Dans le même temps, les parlementaires socialistes que nous sommes s'engagent à tracer une autre voie, en déposant ici une proposition de loi sur le sujet pour une meilleure valorisation du travail social. La gauche se saisit de cette réalité, comme elle l'a toujours défendue : ce sont des travailleurs essentiels, qui oeuvrent auprès des moins favorisés, incarnant au mieux la promesse républicaine. La République doit être à leurs côtés.
Les travailleurs et travailleuses sociaux sont aussi le visage d'un service au public de proximité, loin de la dématérialisation et des algorithmes qui peuvent aggraver les inégalités.
Pour refonder le travail social, il faut ainsi agir pour la revalorisation des salaires et des carrières, pierre angulaire de la reconnaissance et de l'attractivité de ces métiers.
Il faut également réformer le mode de financement des structures qui emploient les travailleurs et travailleuses sociaux pour leur permettre de sortir d'une logique de tâches minutées afin d'être dans l'écoute et la qualité de service, condition indispensable du soin et du prendre soin.
Enfin, il faut réinvestir dans la qualité de vie au travail et en formation pour les travailleurs et travailleuses sociaux, qui subissent le manque de considération de leurs métiers et de leurs compétences.
La présente proposition de loi des parlementaires socialistes a ainsi pour ambition de revaloriser les métiers du travail social.
Le titre Ier vise à mieux rémunérer les travailleurs sociaux et à modifier les modalités de financement public des structures de travail social en conséquence.
Au sein de ce titre Ier, l'article 1er vise à augmenter le salaire minimum légal (SMIC) à 1 600 euros net pour tous les travailleuses et travailleurs sociaux et à ouvrir des négociations salariales pour les salaires non égaux au SMIC.
L'article 2 vise à introduire un mécanisme d'indexation du financement public des structures de travail social en matière de rémunération sur l'inflation de l'année précédente et, plus globalement, à réformer ces mécanismes afin de sortir des logiques d'appels à projet et d'un financement à l'activité.
Le titre II vise à améliorer les conditions de travail et de formation des travailleuses et travailleurs sociaux.
En son sein, l'article 3 vise à créer un ratio minimal d'encadrement par personne accueillie (et à prendre en compte le temps humain de chaque accompagnement).
L'article 4 vise à permettre aux élèves en formation en travail social de bénéficier des mêmes accès et services dévolus aux étudiants.
Enfin, l'article 5 constitue le gage financier de la proposition de loi et permet d'assurer la compensation intégrale du coût des mesures ici proposées aux collectivités qui en assumeront la charge, et en premier lieu les départements.