EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi vise à expérimenter la mise en place, sur deux ans, dans cinq départements, d'un groupe de vacataires opérationnels, à l'image des réserves opérationnelles des autres corps de sécurité ouvert aux seuls citoyens engagés comme volontaires.

Le modèle français de sécurité civile, dont l'efficacité est éprouvée, sappuie aujourd'hui sur près de 240 000 sapeurs-pompiers, dont 80 % de volontaires. Son maillage lui permet de diffuser une culture de la sécurité au coeur des territoires et des populations.

Notre système de sécurité civile est cependant en tension face aÌ la diversification des missions, aux effets du dérèglement climatique, aux enjeux statutaires et à son incapacité aÌ assurer l'ensemble de la charge opérationnelle.

Le groupe de vacataires opérationnels introduit par cette proposition de loi est ouvert aux volontaires déjà engagés. Chaque engagé volontaire pourra désormais assurer des interventions soit dans le cadre classique du volontariat actuel (dans le cadre du régime de l'astreinte), soit de manière programmée dans le cadre de garde postée, en qualité de vacataire opérationnel. Le groupe de vacataires opérationnels dote ainsi les services départementaux dincendie et de secours (SDIS) dune faculté dorganisation supplémentaire des moyens humains pour assurer la disponibilité nécessaire aux opérations de sécurité civile.

Par ailleurs, le dérèglement climatique et ses conséquences (+1,7°C à date, le Gouvernement enjoignant le pays à se préparer à +4°C pour 2100) conduisent à repenser en même temps la souplesse et la solidité de lorganisation des moyens humains pour faire face aux événements majeurs, sachant que les coûts de ces événements ont déjà atteint plus de 5 milliards d'euros en 2024. Nous lavons constaté lors des tempêtes (Alpes-Maritimes), grands feux (Pyrénées-Orientales, Sarthe et Maine-et-Loire, Landes), inondations, etc.

Les capacités de réponse des volontaires se dégradent année après année en journée ; de même que les contrats saisonniers précaires se multiplient. En effet, les modes de vie ont évolué, et dans nombre de territoires ruraux comme urbains, si hier les départs en journée étaient assurés par lemploi local (agriculture, artisanat...), les évolutions dans laménagement du territoire conduisent les volontaires à travailler à plusieurs dizaines de kilomètres de leur CIS, ne pouvant plus se libérer. Ces indisponibilités désorganisent le service, ne permettant pas dassurer les départs, et allongent considérablement les délais dintervention. De plus, la mobilité pour des raisons professionnelles et personnelles s'étant accentuée, ce sont autant de compétences qui disparaissent.

Nous sommes dans un moment de tension : en dépit de limportant volume de volontaires, la répartition de lactivité, lorganisation des centres dincendie et de secours (CIS) et la capacité opérationnelle sont fragilisées. Ainsi, selon le rapport de lIGA de décembre 2023 sur lactivité des sapeurs-pompiers, 9 % de SPV assurent individuellement plus de 1 000 heures de garde postée par an, réalisant donc le tiers des 32,35 millions dheures de garde postée des volontaires. Lengagement est donc très différent dun volontaire aÌ lautre, très ramasseì autour dune minorité trop sollicitée, et la composition actuelle des effectifs ne permet plus dassurer un maillage suffisant. Cest ainsi que se dessine un autre enjeu, celui des ressources humaines, soit des effectifs mobilisables et de la capacité de programmation des activités ; notamment lorsque lon met en parallèle laugmentation de la charge opérationnelle.

La Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers de France (FNSPF) espère, dici à 2027, recruter cinquante mille sapeurs-pompiers volontaires supplémentaires (en plus des 240 000 sapeurs-pompiers déjà engagés) afin de pallier les nombreuses insuffisances. Ces chiffres mettent en lumière les défis de recrutement persistants auxquels la filière est confrontée. Ils soulignent à la fois le manque de variété des propositions jusqu'ici formulées et la nécessité de revoir les modèles actuels dorganisation. Or, en concentrant principalement les réformes sur le renforcement des conditions dexercice du volontariat pour améliorer lattractivité de la fonction, la réflexion sur les évolutions statutaires a été éludée. Finalement, la sécurité civile repose de plus en plus fortement sur les sapeurs-pompiers professionnels, remettant en cause la centralité du volontariat.

La France est pointée du doigt par le droit européen [directive européenne sur le temps de travail ; DETT] en raison de leur important appui sur les forces volontaires. Les durées de temps de « travail » qui sont les leurs, associées au manque de périodes de repos de sécurité, impliquent leur reconnaissance comme des travailleurs et donc à leur appliquer le régime de la DETT, ce qui serait insoutenable financièrement pour les SDIS. Si le Gouvernement semble clair dans sa volonté de ne pas appliquer la norme européenne, lui préférant une dérogation, cette dernière ajoute un regard critique sur notre modèle.

Au-delà de ces interrogations liées au statut, il sagit également de solutionner le défaut dopérationnalité dans nos territoires. En Charente par exemple, sur les 27 centres dincendie et de secours du département, entre 8 et 12 sont quotidiennement fermés, faute deffectifs suffisamment importants pour permettre des départs de véhicules. Cette proportion, qui a tendanciellement augmenté au fil des ans, se rapproche désormais dangereusement des 50 %. Si cette proportion est spécifique à chaque territoire, tous les SDIS sont confrontés à ces problèmes.

Dans le cadre de la réalisation de la présente proposition de loi, de nombreuses auditions ont été effectuées auprès des parties prenantes, du milieu pompier aux représentants des collectivités. Ce texte reflète un certain consensus.

Cette proposition de loi crée un groupe de vacataires opérationnels expérimental ; organiseì sur un modèle similaire aÌ celui des corps réservistes opérationnels de la gendarmerie, de la police ou de larmée, et basé sur le volontariat. Lorganisation seffectuera autour de périodes dactivités préalablement définies, des heures de garde postée et dune meilleure programmation des ressources humaines (comme cela se fait pour les jours de mobilisation des gendarmes réservistes), en mettant à disposition des SDIS un groupe de vacataires opérationnels de volontaires qualifiés, mobilisable partout sur le territoire jusqu'à 60 jours par an, destiné à absorber les activités programmées et à subvenir aux besoins humains en cas de crise. Les volontaires s'engagent au sein du groupe sans aucun lien contractuel autre que celui de programmation.

Si ce groupe de vacataires opérationnels représente une nouvelle possibilité pour les volontaires déjà sous contrat dintensifier leur engagement, elle ne remplacera évidemment pas le corps actuel de sapeurs-pompiers volontaires, qui continuera à effectuer des astreintes et donc des interventions : cet engagement doit rester le socle de la sécurité civile de proximité et doit, à ce titre, être préservé.

Cette proposition de loi, qui entend donner à nos SDIS les moyens de lutter contre le dangereux défaut dopérationnalité qui les guette, se propose comme un rouage supplémentaire au dispositif existant, pour répondre à une partie des problèmes identifiés.

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