TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION
DU CONSEIL DES MINISTRES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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Ministère de l'Europe
et des affaires
étrangères
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Projet de loi
autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de
la République du Suriname
NOR : EAEJ2423677L/Bleue-1
ÉTUDE D'IMPACT
I. - Situation de référence
Le Suriname et la France disposent d'une frontière commune de plus de 500 km, qui épouse le fleuve Maroni. Il s'agit de la 5ème plus grande frontière terrestre de la France dont une partie reste encore à délimiter. Cette proximité géographique et l'histoire commune qui l'accompagne font du Suriname un partenaire naturel de la France. Le Maroni est historiquement un bassin de population plutôt qu'une frontière hermétique.
La guerre civile surinamaise (1986-1992) a provoqué l'afflux en Guyane de réfugiés surinamais dont des milliers sont restés sur place après la fin des hostilités. Cette frontière commune implique aussi des intérêts et des défis communs en matière de développement d'infrastructures (exemple du bac international d'Albina, hôpitaux etc.), de migrations, et de sécurité (lutte contre les trafics et l'orpaillage illégal notamment).
Etat indépendant depuis 1975, seul pays néerlandophone sur le continent sud-américain, le Suriname est sorti d'un certain isolement diplomatique avec l'élection de Chandrikapersad Santokhi comme Président en 2020. Le pays a depuis renoué le lien avec les Pays-Bas, s'est investi au niveau régional et s'est rapproché des Etats-Unis.
Le pays est par ailleurs un membre actif de la communauté caribéenne (CARICOM). Il accueille une communauté française de 215 inscrits. Les relations économiques bilatérales, aujourd'hui plutôt modestes, devraient se renforcer suite à la découverte en 2020 de réserves de pétrole dans les eaux surinamaises par le groupe Total Energies, en joint-venture avec l'américain Apache. L'agence française de développement (AFD) participe par ailleurs à la mise en place d'un hôpital dans l'est du Suriname, à la frontière avec la France, à Albina. Enfin, la coopération militaire bilatérale vise également à la sécurité transfrontalière et à renforcer les capacités d'exercice de souveraineté par l'Etat surinamien1(*).
La France et le Suriname sont liés par différentes conventions bilatérales notamment l'accord-cadre de coopération et d'amitié conclu le 3 septembre 20182(*), et le traité de délimitation de frontières signé le 15 mars 20213(*), mais jusqu'ici aucune convention d'entraide judiciaire pénale bilatérale ne liait les deux pays. Le traité de délimitation de mars 2021 concerne les trois premiers segments de la frontière tandis que le tiers restant (partie sud de la frontière) doit encore faire l'objet de négociations.
En matière de coopération judiciaire pénale, la France et le Suriname sont néanmoins d'ores et déjà tous deux Parties à la convention unique des Nations unies sur les stupéfiants du 30 mars 19614(*), la convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 19 décembre 19885(*) et la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale du 15 novembre 2000 (dite « convention de Palerme »)6(*).
En l'absence de convention d'entraide judiciaire pénale bilatérale, en dehors des domaines visés par les conventions multilatérales spécialisées susmentionnées, l'entraide judiciaire en matière pénale s'effectue donc au titre de la courtoisie internationale au cas par cas, selon le principe de réciprocité. En application de ce principe, même en l'absence de convention bilatérale, la coopération est possible dès lors que la Partie requérante est en mesure, si elle était requise d'une demande similaire, de répondre favorablement à la demande.
Les flux d'entraide judiciaire en matière pénale avec le Suriname sont peu importants. Actuellement, la coopération pénale est aléatoire et lente. Depuis le 1er janvier 2014, les autorités françaises ont adressé 21 demandes d'entraide aux autorités surinamiennes dont huit sont toujours en cours de traitement, ce qui témoigne de l'insuffisance de cette coopération. Ces demandes d'entraide concernent principalement des faits de trafic de stupéfiants, d'association de malfaiteurs et d'atteintes aux personnes significatifs (homicide volontaire ou tentative d'homicide volontaire, enlèvement, séquestration). Elles ont par ailleurs adressé deux dénonciations officielles et neuf demandes relatives à la transmission d'actes judiciaires (citations à comparaitre et significations de jugement). Sur la même période, les autorités surinamiennes ont adressé six demandes d'entraide dont deux sont toujours en cours de traitement. Ces demandes d'entraide sont, pour l'essentiel, en lien avec des faits de trafic de stupéfiants.
L'entraide en matière extraditionnelle est résiduelle. Peut cependant être signalée une demande d'extradition surinamaise en 2022 qui a abouti à la remise, en avril 2024, de la personne recherchée pour des faits de meurtre.
Enfin, en matière de transfèrements de personnes condamnées, aucun dossier n'est à signaler.
II. - Historique des négociations
La lutte contre l'orpaillage illégal et les réseaux de délinquants qui sévissent tout autant d'un côté que de l'autre de la frontière a conduit les autorités françaises et surinamaises à s'accorder sur le principe de négocier une convention bilatérale d'entraide judiciaire en matière pénale en 2014, afin de donner un cadre efficace à la lutte contre le narcotrafic international notamment.
Le processus de négociation a débuté en 2015 sur la base d'un projet de texte préparé par la Partie française. Une nouvelle session de négociation a commencé à Paramaribo fin 2017 portant surtout sur les questions de traduction de la version anglaise négociée en février 2015 et les versions française et néerlandaise.
Un texte a en définitive été approuvé dans les deux langues au début 2020 mais les Parties ont abouti à un accord pour signer uniquement en septembre 2020 à la suite du changement de gouvernement au Suriname. La convention d'entraide judiciaire en matière pénale a été signée le 15 mars 2021, à Paris, par le ministre des Outre-mer pour le gouvernement français et par le ministre des Affaires étrangères, du commerce international et de la coopération internationale pour le gouvernement surinamais.
La clause de protection des données à caractère personnel s'étant révélée incomplète du fait de l'évolution jurisprudentielle du Conseil d'Etat7(*), la France et le Suriname ont donc négocié en distanciel en 2022 un avenant à la convention concernant son article 23 « Protection des données à caractère personnel ». Cet avenant a été signé le 2 juin 2023 à Paramaribo par l'ambassadeur de France au Suriname et le ministre de la Justice et de la police du Suriname.
III. - Objectifs de la convention
La convention a pour objectif principal d'offrir un cadre juridique stable et efficace à la coopération judiciaire en matière pénale entre la France et le Suriname. Ce cadre permettant notamment de lutter contre les réseaux de narcotrafiquants internationaux qui inondent le marché européen dont les métropoles françaises.
La France et le Suriname s'engagent à s'accorder mutuellement l'entraide judiciaire la plus large possible (article 1er). Elle organise de manière claire les modalités de communication et de transmission des demandes entre les Parties, notamment dans les cas les plus urgents (article 3). Elle définit les modalités et délais d'exécution des demandes d'entraide (article 6). Elle offre enfin la possibilité de recourir à toute une série de techniques modernes de coopération dont les auditions par vidéoconférence8(*) (article 10), les saisies et confiscations (article 15) et les interceptions de télécommunications (article 18).
IV. - Conséquences estimées de la mise en oeuvre de la convention
La présente convention emportera des conséquences juridiques et administratives.
A. - Conséquences juridiques
Le texte de la convention d'entraide judiciaire offre un large cadre au champ de l'entraide, il permet de fluidifier les échanges entre les autorités des deux pays et d'encourager le recours aux techniques modernes de coopération. Il vient en outre encadrer l'usage des informations et éléments de preuve communiqués ou obtenus en exécution de ses stipulations. Enfin, il s'articule de manière cohérente avec les accords existants et les dispositions européennes liant la France en la matière.
Etablir un cadre élargi pour l'entraide judiciaire pénale
S'inspirant des instruments conventionnels européens les plus récents9(*), outre les procédures visant les infractions pénales, la convention s'applique aux procédures d'indemnisation pour des mesures de poursuite ou de condamnations injustifiées ou encore dans les actions civiles jointes aux actions pénales tant que la juridiction répressive n'a pas encore définitivement statué sur l'action pénale. Elle est également applicable aux procédures pénales pour des faits ou infractions pouvant engager la responsabilité d'une personne morale.
Le champ de l'entraide se trouve en outre élargi par la possibilité de demandes de renseignements financiers auprès d'institutions financières (article 1) mais sans aller jusqu'à l'impossibilité pour la Partie requise de se prévaloir du caractère fiscal de l'infraction à l'origine de la demande ou encore du secret bancaire pour rejeter une demande d'entraide. Le Suriname s'étant opposé à ce type de stipulations qui s'inscrivent pourtant dans la lignée du protocole additionnel du 16 octobre 2001 à la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne10(*) et du protocole additionnel du 17 mars 1978 à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale11(*). Une rédaction de compromis a donc été retenue aux fins d'inclure les demandes de renseignements financiers auprès d'institutions financières (article 1).
Fluidifier les échanges et optimiser leur efficacité
La convention vise à renforcer les échanges entre les Parties afin d'assurer une meilleure exécution des demandes d'entraide.
La convention institue des mécanismes de consultations à différentes étapes. Elle prévoit en premier lieu, à l'article 2.3, que la Partie requise consulte la Partie requérante avant de refuser ou d'ajourner une demande d'entraide pour envisager les conditions auxquelles la demande pourrait être exécutée. En second lieu, elle permet aux Parties de se consulter au stade de l'exécution d'une demande, notamment en cas de difficultés ou de retard d'exécution (article 6.5 et 6.6) ou encore pour envisager la formalisation de demandes complémentaires sollicitant l'accomplissement de diligences non prévues dans la demande d'entraide initiale (article 7). En dernier lieu, à l'issue de l'exécution de la demande, des échanges entre les Parties peuvent intervenir, par exemple pour décider du sort d'avoirs confisqués (article 16 et article 17).
La convention contient plusieurs stipulations dont l'objectif est de renforcer l'efficacité de l'entraide.
La convention d'entraide judiciaire en matière pénale pose une exigence de célérité dans l'exécution des demandes (article 6.4). La pratique montre en effet que la lenteur mise à accorder l'entraide judiciaire aboutit souvent à vider cette dernière de sa substance.
Par ailleurs, afin de faciliter l'admissibilité devant les juridictions de la Partie requérante des preuves obtenues en application de la convention d'entraide judiciaire, le texte prévoit la possibilité pour la Partie requise, à la demande de la Partie requérante, de réaliser les actes d'entraide sollicités selon les formalités et procédures expressément indiquées par la Partie requérante, sous réserve qu'elles ne soient pas contraires aux principes fondamentaux de la Partie requise (article 6.2). De fait, l'expérience permet de constater que des actes équivalents accomplis par les autorités de la Partie requise en lieu et place des actes expressément demandés par les autorités de la Partie requérante ne bénéficient pas toujours de la même force probatoire dans le cadre de la procédure conduite par celles-ci. En droit interne français, cette modalité spécifique d'exécution des demandes d'entraide se trouve d'ores et déjà intégrée à l'article 694-3 du code de procédure pénale12(*).
En dernier lieu, la convention prévoit que si les autorités compétentes de la Partie requise y consentent, les autorités de la Partie requérante ou les personnes mentionnées dans la demande peuvent assister à l'exécution de celle-ci et même, dans la mesure autorisée par la législation de la Partie requise, interroger un témoin ou un expert ou les faire interroger (article 6.7). En droit interne français, la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 201113(*) a introduit la possibilité, pour le magistrat instructeur, accompagné de son greffier, et pour le procureur de la République, dans le cadre d'une commission rogatoire ou d'une demande d'entraide adressée à un Etat étranger, de procéder à des auditions sur le territoire de cet Etat, avec son accord (articles 41, alinéa 5,14(*) et 93-115(*) du code de procédure pénale). A l'inverse, en raison de nos exigences constitutionnelles16(*), notre droit national ne permet pas à une autorité étrangère de procéder elle-même à des auditions sur le territoire national mais uniquement d'assister à l'exécution de la demande d'entraide. Par voie de conséquence, il ne pourrait en l'état être exigé de la Partie française qu'elle accepte qu'une autorité compétente surinamienne procède elle-même à une audition en France, dans le cadre de la mise en oeuvre de la convention.
Promouvoir des techniques modernes de coopération
La convention permettra aux Parties de réaliser des auditions de témoins, d'experts ou de parties civiles par vidéoconférence (article 10), pour autant que le recours à cette méthode ne soit pas contraire à leur législation respective et à condition qu'elles disposent des moyens techniques pour effectuer l'audition. Les dispositions de cet article peuvent également s'appliquer, si le droit interne le permet, aux auditions par vidéoconférence auxquelles participe une personne poursuivie pénalement, si cette dernière y consent. En France, la possibilité d'auditionner des personnes par vidéoconférence est prévue par l'article 706-71 du code de procédure pénale17(*). Les effets de cet article ont été étendus à l'entraide pénale internationale par l'article 694-5 du code de procédure pénale18(*). L'usage de la vidéoconférence pour la comparution d'un prévenu devant le tribunal correctionnel, s'il est détenu, est possible depuis la loi n° 2011-267 du 14 mars 201119(*).
Le texte offre en outre de larges possibilités en matière de gel des avoirs, d'identification et de confiscation des produits et des instruments des infractions (article 16). En droit interne français, la possibilité de saisir des produits d'infraction en vue de leur confiscation est prévue aux articles 706-141 et suivants du code de procédure pénale, issus de la loi n° 2010-768 du 9 juillet 201020(*). Les effets de ces articles ont été étendus à l'entraide pénale internationale par les articles 694-10 et suivants21(*) et 713-3622(*) et suivants du code de procédure pénale, issus de la même loi.
Si la présente convention prévoit la possibilité d'interceptions téléphoniques (article 18) elle ne prévoit pas en revanche le recours aux techniques spéciales d'enquête (livraisons surveillées, opérations d'infiltration).
Encadrer l'usage des informations et éléments de preuve communiqués ou obtenus en exécution de la convention
Le Suriname, qui n'est pas membre de l'Union européenne, ni lié par la convention du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel adoptée le 28 janvier 198123(*), ne peut se voir transférer des données revêtant un caractère personnel, qu'à la condition que cet État assure un niveau de protection adéquat ou suffisant de ces données au regard du respect de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes concernées par la procédure d'entraide ou qui y sont mentionnées.
La récente modification du cadre juridique européen relatif à la protection des données personnelles en matière pénale, qui résulte de la directive « police-justice » du 27 avril 2016, et la transposition de cette directive en droit interne24(*), n'ont pas d'effet sur les stipulations de la présente convention. En effet, les transmissions de données personnelles impliquées, le cas échéant, par cet accord, doivent toujours s'inscrire dans le cadre des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (en particulier, ses articles 112 à 114), qui ont transposé les dispositions de la directive « police - justice ».
Etat de la législation actuelle en matière de protection de données à caractère personnel au Suriname
Il n'existe pas à l'heure actuelle de législation spécifique en matière de protection des données à caractère personnel au Suriname qui soit conforme aux normes internationales, telles que le Règlement général sur la protection des données à caractère personnel (RGPD)25(*).
Un projet de loi est en cours d'examen depuis plusieurs années à l'Assemblée nationale au Suriname sans que le texte n'ait été adopté. Les discussions avec plusieurs acteurs du monde juridico-politique n'ont pas permis d'identifier les raisons du retard pris dans l'adoption de ce texte.
Bien que peu nombreux, certains textes s'inscrivent dans la protection des données à caractère personnel au Suriname.
Ainsi, la Constitution (article 17), la Convention interaméricaine des droits de l'homme (article 11) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 17) définissent clairement les droits d'une personne en matière de protection de sa vie privée. La violation de la vie privée peut être portée devant les tribunaux en vertu de l'article 1386 du code civil (responsabilité civile extra contractuelle).
a) La Constitution :
L'article 17 de la Constitution accorde une protection de la vie privée en reconnaissant le caractère inviolable des correspondances et de la vie privée :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée, de sa vie familiale, de son domicile, de son honneur et de sa réputation de son honneur et de sa réputation.
2. Il est interdit de pénétrer dans un logement contre la volonté de l'occupant, sauf sur ordre d'une autorité d'une autorité habilitée à le faire en vertu de la loi et dans les conditions prévues par celle-ci dans les conditions prévues par la loi.
3. Le secret de la correspondance, du téléphone et du télégraphe est inviolable sauf dans les cas prévus par la loi. »
b) Les conventions internationales :
- l'article 11 de la Convention interaméricaine des droits de l'homme mentionne ainsi :
« Article 11. Protection de l'honneur et de la dignité de la personne :
« 1. Toute personne a droit au respect de son honneur et à la reconnaissance de sa dignité.
2. Nul ne peut être l'objet d'ingérences arbitraires ou abusives dans sa vie privée, dans la vie de sa famille, dans son domicile ou sa correspondance, ni d'attaques illégales à son honneur et à sa réputation.
3. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles ingérences ou de telles attaques. »
- l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques mentionne que
« 1. Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation.
2. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes »
c) La protection des droits de l'enfant
Une législation spécifique sur la protection des enfants en ligne a été adoptée par le biais de l'article 292 du code pénal - uniquement pour les enfants de moins de 16 ans.
Un projet de loi spécifique en cours d'examen à l'Assemblée nationale surinamaise
Un projet de loi sur la protection de la vie privée et des données personnelles a été présenté à l'Assemblée nationale du Suriname en 2018 et examiné par le Comité des rapporteurs le 21 janvier 2021. Le Comité a posé plusieurs questions et a demandé un retour d'information sur le projet de loi. Cependant, il n'y a pas eu d'autres progrès depuis lors, et le projet de loi est toujours en cours d'examen à l'Assemblée nationale.
Le projet de loi est composé de 46 articles et a une portée extraterritoriale tout comme le RGPD. Elle s'applique à toute opération de traitement des données personnelles effectuée au Suriname, ou ayant pour objet l'offre ou la fourniture de biens ou de services au Suriname ou portant sur des données collectées au Suriname, indépendamment du pays ou du siège responsable du traitement ou du sous-traitant.
Les mécanismes de protection existant en matière de protection des données à caractère personnel
L'effectivité des mécanismes de protection existant en matière de protection des données à caractère personnel reste limité. A ce jour, des dommages et intérêts peuvent être obtenus dans le cadre de la responsabilité extracontractuelle civile.
Les sociétés traitant des bases de données à caractère personnel appliquent de facto les normes européennes en la matière notamment lorsqu'elles transfèrent ou exportent des fichiers contenant des données à caractère personnel.
Il doit être également noté que dans le cadre de la lutte contre la cybercriminalité, l'Agence centrale de renseignement et de sécurité (CIVD), l'organisme responsable de la cybersécurité au Suriname, a été créé. Une unité de lutte contre la cybercriminalité est en cours de création au sein de la police nationale.
Enfin, le projet de loi sur la protection des données à caractère personnel prévoit la création d'un commissariat à la protection des données personnelles pour s'assurer de l'effectivité de la loi.
L'article 23 de la présente convention, relatif à la protection des données à caractère personnel, institue des garanties pour la protection des données mentionnées dans cet accord (définition de restrictions pour l'utilisation de ces données, clause subordonnant la réutilisation de ces données et leur transfert ultérieur vers un Etat tiers ou une organisation internationale au consentement préalable de la France, institution d'un droit au recours au bénéfice des personnes concernées, obligation de préserver la sécurité des données).
Ces clauses juridiquement contraignantes instituent des « garanties appropriées » au sens de la directive « police - justice » et de la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 qui autorisent, par conséquent, le transfert des données personnelles dans le cadre défini par ces conventions.
En tout état de cause, les stipulations de la convention d'entraide permettent de soumettre l'utilisation des données à caractère personnel transmises aux autorités du Suriname à des restrictions, en adéquation avec la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978.
Par voie de conséquence, la mise en oeuvre de cette convention ne saurait conduire la France à renoncer à ses standards de protection en ce domaine.
Assurer une articulation cohérente avec les engagements internationaux et européens de la France
Les stipulations de la convention d'entraide sont largement inspirées des mécanismes de coopération qui prévalent déjà au sein de l'Union européenne et dans le cadre du Conseil de l'Europe. Elles reprennent, pour l'essentiel, les dispositions classiques de la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 195926(*) et de son protocole additionnel du 17 mars 197827(*). Les éléments les plus modernes (articles 10, 11, 12, et 18) s'inspirent des stipulations de la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne28(*), de son protocole additionnel en date du 16 octobre 200129(*) ou encore du deuxième protocole additionnel à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale en date du 8 novembre 200130(*). L'ensemble de ces mécanismes ont d'ores et déjà été intégrés dans l'ordre juridique interne français.
Par conséquent, la convention d'entraide judiciaire en matière pénale n'implique aucune adaptation des dispositions législatives ou règlementaires nationales.
B. - Conséquences administratives
La convention d'entraide judiciaire en matière pénale institue, en son article 3, un protocole de transmission des demandes d'entraide appelées à transiter directement entre autorités centrales, c'est-à-dire entre les ministères de la justice français et surinamien. Une copie des demandes urgentes pourra en outre être transmise directement entre les autorités judiciaires compétentes.
Pour la France, c'est le bureau de l'entraide pénale internationale de la direction des affaires criminelles et des grâces qui traitera l'ensemble des demandes échangées par les deux pays. Ce bureau étant d'ores et déjà en charge de la transmission aux autorités centrales des Etats étrangers ou à la mission des conventions et de l'entraide judiciaire du ministère de l'Europe et des affaires étrangères des demandes émises ou exécutées par les autorités judiciaires françaises, il n'en résultera aucune charge administrative supplémentaire pour celui-ci.
V. - Etat des signatures et ratifications
La convention d'entraide judiciaire en matière pénale conclue entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Suriname a été signée à Paris le 15 mars 2021 par le ministre français des outre-mer, M. Sébastien Lecornu et par le ministre des Affaires étrangères, du commerce international et de la coopération internationale, du Suriname M. Albert R. Ramdin.
L'ambassadeur de France au Suriname, M. Nicolas de Bouillane de Lacoste et le ministre de la Justice et de la police du Suriname M. Kenneth J. Amoksi ont signé un avenant à cette convention le 2 juin 2023 à Paramaribo.
A ce jour, le Suriname n'a pas fait connaître à la Partie française l'accomplissement de la procédure exigée par son ordre juridique interne.
* 1 Fiche Pays sur le site du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
* 2 Publiée par décret n° 2021-1444 du 4 novembre 2021. Cet accord constitue le cadre institutionnel de la coopération bilatérale en matière de développement économique, commercial, financier, industriel, agricole, sanitaire, environnemental, scientifique, technique, éducatif, culturel et de sécurité etc.
* 3 Protocole entre la République française et la République du Suriname en vue de délimiter la frontière entre la Guyane française et le Suriname sur le Maroni et la Lawa annexé à la convention du 30 septembre 1915 pour fixer la frontière dans une partie du fleuve frontière (ensemble trois annexes et une déclaration conjointe), signé le 15 mars 2021. En attente de ratification par le Suriname.
* 4 Publiée par décret n°69-446 du 2 mai 1969.
* 5 Publiée par décret n°91-271 du 8 mars 1991.
* 6 Publiée par décret n°2003-875 du 8 septembre 2003.
* 7 La jurisprudence du Conseil d'Etat a évolué aux fins de prendre en compte les exigences imposées par la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril en matière de transferts de données à caractère personnel vers des Etats tiers ou à destination des organisations internationales visées à l'article 37 de la directive.
* 8 En France la possibilité d'auditionner par visioconférence est prévu par l'article 706-71 du code de procédure pénale.
* 9 Voir ci-dessous, rubrique « Assurer une articulation cohérente avec les engagements internationaux et européens de la France ».
* 10 Publié par décret n° 2006-16 du 5 janvier 2006.
* 11 Publié par décret n° 91-386 du 17 avril 1991.
* 12 Article 694-3 du code de procédure pénale.
* 13 Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.
* 14 Article 41 du code de procédure pénale.
* 15 Article 93-1 du code de procédure pénale.
* 16 Décision du Conseil constitutionnel DC 98-408 du 22 janvier 1999 relative à la ratification du statut de Rome à la suite de laquelle l'article 53-2 a été introduit dans la Constitution (considérant n° 38 de la décision : « en l'absence de circonstances particulières, et alors même que ces mesures sont exclusives de toute contrainte, le pouvoir reconnu au procureur de réaliser ces actes hors la présence des autorités judiciaires françaises compétentes est de nature à porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale »).
* 17 Article 706-71 du code de procédure pénale.
* 18 Article 694-5 du code de procédure pénale.
* 19 Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
* 20 Loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale.
* 21 Articles 694-10 à 694-13 du code de procédure pénale.
* 22 Article 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale.
* 23 Publiée par décret n° 85-1203 du 15 novembre 1985.
* 24 La directive n° 2016/680 du 27 avril 2016, dite directive « Police-Justice » a été transposée en France au sein du chapitre XIII de la loi Informatique et Libertés. Voir site de la CNIL.
* 25 Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE
* 26 Publiée par décret n° 67-636 du 23 juillet 1967.
* 27 Publié par décret n° 91-386 du 17 avril 1991.
* 28 Publiée par décret n° 2006-15 du 5 janvier 2006.
* 29 Publié par décret n° 2006-16 du 5 janvier 2006.
* 30 Publié par décret n° 2012-813 du 16 juin 2012.