SÉANCE

du mardi 8 avril 2025

78e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Alain Marc, vice-président

Secrétaires : Mme Alexandra Borchio Fontimp, M. Mickaël Vallet.

La séance est ouverte à 09 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Fermeture des maternités de proximité

Mme Marie-Claude Varaillas .  - Récemment, en Dordogne, une femme accouchait dans sa voiture, en pleine campagne, d'un bébé né avec le cordon autour du cou. Elle devait faire une heure et quart de route pour rejoindre la maternité de Périgueux, car celle de Sarlat, plus proche, ne pratique plus d'accouchements depuis octobre 2024.

Ce n'est pas un cas isolé. En cinquante ans, les trois quarts des maternités ont disparu. Or la mortalité néonatale est quatre fois plus élevée lors d'accouchements extrahospitaliers ou à plus de 45 km d'un établissement. Entre 1997 et 2019, le nombre de femmes en âge de procréer vivant à plus de 45 minutes d'une maternité a plus que doublé.

Alors que la mortalité infantile stagne, la Cour des comptes préconise de poursuivre les fermetures des petites maternités, renforçant le sentiment d'abandon des territoires ruraux. Alors que le Président de la République appelle à un réarmement démographique, les déserts obstétricaux s'étendent. Sous prétexte de sécurité, on met les parturientes en danger. Alors que nous manquons de praticiens, ces fermetures font fuir les gynécologues.

Allez-vous revenir sur cette vision purement comptable qui nuit au maillage de l'offre de soins et à la sécurité des mères et des enfants ?

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - L'accès à une prise en charge périnatale de qualité en tout point du territoire est un sujet d'attention, alors que les maternités connaissent des tensions liées au manque de personnel soignant. Le ministre de la santé a rencontré les sénatrices Jacquemet et Guillotin, auteurs d'un rapport d'information sur l'avenir de la santé périnatale.

Lorsqu'une maternité ferme faute de personnel, l'ARS se mobilise, en lien avec les acteurs locaux, pour continuer à proposer un suivi de grossesse et une prise en charge postnatale à proximité.

Je réfute l'idée que nous fermons des maternités en raison d'un faible nombre d'accouchements. Une vingtaine de maternités à moins de 300 naissances par an sont maintenues dans des territoires isolés. Lorsque nous fermons une maternité, à contrecoeur, c'est pour la sécurité des mères et des nouveau-nés.

Des centres périnataux de proximité prennent le relais pour offrir un panel de soins et éviter de longs déplacements aux femmes et à leurs nouveau-nés. Ils sont plus d'une centaine. Par ailleurs, depuis 2019, un hébergement non médicalisé à proximité des maternités de référence est proposé aux femmes qui résident à plus de 45 minutes de là, financé par l'assurance maladie. Le ministre y est attentif.

Incohérences dans le nombre d'assurés sociaux

Mme Nathalie Goulet .  - Je ne me résous pas aux incohérences dans le décompte des assurés sociaux. Selon les organismes de sécurité sociale, on compte 60,3 millions de bénéficiaires ; selon l'Insee, 55,4 millions. Quand on distribue 850 milliards d'euros de prestations sociales, avoir une base vérifiée est un minimum ! L'IGF regrette que les outils ne soient pas articulés. Combien de personnes exactement sont bénéficiaires de prestations et inscrites au répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Le Gouvernement salue votre engagement contre la fraude sociale, qui mine notre pacte social, et examine attentivement vos propositions pour renforcer les contrôles et les échanges de données.

Résidents au sens de l'Insee et assurés ne se recoupent pas totalement : les bases n'intègrent pas les mêmes informations et ne poursuivent pas les mêmes finalités. Le fichier de l'Insee recense les populations résidentes au terme d'une estimation statistique, après une collecte de données étalée sur cinq ans. Le répertoire national inter-régime des bénéficiaires de l'assurance maladie (RNIAM), quant à lui, permet la gestion des droits à l'assurance maladie.

Les assurés recensés n'ont pas forcément de droits ouverts à l'assurance maladie. Ainsi, les personnes décédées ou parties définitivement à l'étranger demeurent inscrites au RNIAM pour un maximum de deux ans ; en revanche, leurs droits sont bien fermés dans les bases de gestion des CPAM et organismes d'assurance. Des dépenses d'assurance maladie peuvent être traitées jusqu'à deux ans après le décès ou la fin des droits : supprimer immédiatement les comptes pénaliserait les prestataires de santé.

L'assurance maladie a toutefois mis à jour les fins de droits dans ce répertoire, avec une remontée du stock à partir de mi-2022 et une reprise du stock conclue en septembre 2023, soit plus de 670 000 dossiers fermés. Nous gérons au fil de l'eau.

Mme Nathalie Goulet.  - Selon le rapport de l'Igas et de l'IGF, 500 000 personnes bénéficient de droits alors que leur titre de séjour est caduc. Il faut absolument que la carte de séjour soit également la carte qui ouvre droit aux soins, car beaucoup de prestations sont liées au séjour régulier ; quand celui-ci expire, les droits doivent expirer en même temps. Une coordination s'impose, avec un contrôle systématique du séjour, comme peuvent le faire les organismes de sécurité sociale.

Nutri-score

Mme Antoinette Guhl .  - L'arrêté interministériel encadrant les nouvelles modalités de calcul du Nutri-score a enfin été publié. Il permet de mieux prendre en compte la qualité nutritionnelle des aliments ultra-transformés.

D'autres pays européens avaient déjà franchi le pas, mais en France, pourtant pionnière en la matière, silence radio. Ici même, la ministre de l'agriculture avait assumé bloquer la publication de l'arrêté. Au bénéfice de qui ? Ni des consommateurs, ni des entreprises transparentes, ni des politiques publiques de santé et de prévention qui fixent l'obésité comme grande cause nationale 2026.

Que de temps perdu ! Le Gouvernement doit affirmer son indépendance et rendre le Nutri-score obligatoire. Chaque recul face aux lobbys agroalimentaires sape notre crédibilité. Quand la santé des Français passera-t-elle avant les intérêts des géants de l'industrie ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Je vous confirme que les ministres Yannick Neuder, Catherine Vautrin, Annie Genevard, Éric Lombard et Véronique Louwagie ont bien signé cet arrêté le 14 mars dernier.

Alors qu'un Français sur deux est en situation d'obésité ou de surpoids, promouvoir une alimentation équilibrée est une priorité de santé publique.

Depuis 2017, le Nutri-score permet d'éclairer les choix des consommateurs. Dans le cadre de la gouvernance européenne, un comité scientifique d'experts indépendants a évalué les modalités de calcul pour proposer des évolutions, sur la base de la littérature scientifique. Il s'agit de mieux différencier les aliments selon leur teneur en sel et en sucre, leur teneur en fibre, leur caractère raffiné ou transformé, d'améliorer la classification des poissons gras et des huiles moins riches en acides gras saturés, ou de tenir compte de la présence d'édulcorants dans les boissons. Ce sont des évolutions notables par rapport à la version initiale de 2017.

Difficultés des missions locales en Normandie

M. Didier Marie .  - Les missions locales jouent un rôle clé pour l'accompagnement social et professionnel des jeunes de 16 à 25 ans. Avec le déploiement du contrat d'engagement jeune (CEJ), qui s'accompagnait de financements supplémentaires, elles ont recruté pour répondre à l'augmentation du nombre de bénéficiaires.

À ce stade, les missions locales normandes n'ont pas confirmation des dotations de l'État pour 2025. La direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités leur a annoncé une éventuelle baisse de 5,9 % en 2025, ce qui menace la pérennité de leurs missions, alors que le taux de chômage des jeunes augmente en Normandie : 7,2 % au troisième trimestre 2024, avec une hausse de 8,3 % du nombre de demandeurs d'emploi de moins de 25 ans sur un an.

Dans ce contexte, il apparaît crucial de renforcer les missions locales qui anticipent une augmentation du nombre de jeunes accueillis. Comment le Gouvernement compte-t-il leur permettre d'accompagner les jeunes vers l'emploi ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - J'ai effectué plusieurs déplacements auprès des missions locales, à Noyon, à Hem, à Douai, mais aussi en Normandie.

Leur financement par l'État s'est nettement accru ces dernières années. En 2025, il baisse de 5,8 %, mais reste supérieur de 27 % à celui d'il y a quatre ans. Leurs effectifs au niveau national ont crû depuis sept ans de 20 à 25 %.

Cette mesure d'économie est assortie du report d'une partie des versements de 2025 à 2026, compte tenu du niveau de trésorerie. Nous tenons compte, au cas par cas, de la situation financière des structures, notamment rurales.

Des versements fin mars ont sécurisé la trésorerie des missions locales en début de gestion. Les soldes au titre du CEJ ont vocation à être versés en avril.

J'échange régulièrement avec l'Union nationale des missions locales sur les irritants, comme les obligations de reporting.

Ce soutien est exigeant. Il faut réfléchir non seulement au nombre d'entrées en CEJ mais aussi à la qualité de la sortie. Sur les 200 000 CEJ suivis par les missions locales, le taux de sortie en emploi est de 45 % environ, et de 30 % en emploi durable. Il nous faut créer des solutions structurantes positives pour nos jeunes. C'est un vrai changement de logiciel.

M. Didier Marie.  - L'augmentation des financements correspondait aussi à une commande de l'État. La baisse de 5,8 % s'ajoute à la baisse des crédits accordés par les collectivités - en Normandie, c'est 180 000 euros de moins. Réduire les moyens de ces organismes fragilisera leur capacité d'action, à rebours des politiques d'insertion.

Avenir du GHT Grand Paris Nord-Est

M. Adel Ziane .  - L'accès aux soins ne cesse de se dégrader en Seine-Saint-Denis. Le groupement hospitalier de territoire (GHT) Grand Paris Nord-Est, qui réunit les hôpitaux d'Aulnay, Montfermeil et Montreuil, incarne les contradictions de notre politique de santé. Financièrement fragiles, ces établissements font l'objet d'un plan de 590 millions d'euros, avec des investissements importants, comme la reconstruction de l'hôpital de Montfermeil - mais il repose sur un emprunt de plus de 200 millions d'euros, qui mettra en danger le fonctionnement des hôpitaux. Les conséquences sont déjà là : à Aulnay, le service de diabétologie a fermé.

Les syndicats hospitaliers, dont la CGT 93, dénoncent une « régression sociale », tant pour les personnels que pour les usagers, et appellent à une réponse de l'État fondée sur l'égalité républicaine et non sur une logique purement comptable.

Garantissez-vous que la transformation du service hospitalier ne se traduira pas par des suppressions de services, une perte d'attractivité pour les professionnels et un recul de l'accès aux soins ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Les trois établissements du GHT Grand Paris Nord-Est s'inscrivent dans des dynamiques contrastées, plus ou moins dégradées. Le plan de transformation lancé en 2019 comprend la reconstruction de l'hôpital du Raincy-Montfermeil, le projet de campus hospitalo-universitaire Grand Paris Nord, la rénovation de l'établissement public de santé de Ville-Évrard, ou encore des actions relatives aux déterminants de santé ou incitatives pour la démographie médicale. Autant de démarches pour renforcer l'accès aux soins et réaliser la promesse républicaine sur ce territoire.

Le plan de financement 2024-2034 prévoit un recours à l'emprunt à hauteur de 217 millions d'euros, ainsi que des aides en capital à hauteur de 339 millions et un autofinancement de 21 millions. S'ajoutent des aides régionales en exploitation pour 47,1 millions d'euros afin de sécuriser la trésorerie.

Dans le cadre de la fusion administrative des trois établissements, au 1er janvier 2026, l'ARS continuera d'assurer un suivi et un accompagnement. Le ministère de la santé y veillera tout particulièrement, en associant les élus du territoire.

M. Adel Ziane.  - Cet emprunt de 200 millions d'euros fait courir un danger au GHT. Dans un territoire marqué par une forte pression sur les établissements, toute mesure doit s'accompagner de garanties solides. L'objectif doit rester l'amélioration de l'accès aux soins, dans des conditions soutenables pour les établissements comme pour les professionnels de santé. Nous serons attentifs à la mise en oeuvre de ces mesures.

Hommage national en mémoire des victimes du covid-19

M. Cédric Chevalier .  - Le 29 mars 2020, M. Lionel Petitpas a perdu son épouse, emportée par le covid-19. Face à cette tragédie, il a créé l'association Victimes du covid-19, pour honorer leur mémoire et offrir à leurs proches un lieu de recueillement. Depuis, à Cormontreuil, à Châlons-en-Champagne, à Taissy ou à Reims, il s'est attaché à convaincre les collectivités de mettre en place des lieux de mémoire : stèles, arbres ou plaques commémoratives. Chaque installation a donné lieu à d'émouvants hommages locaux.

Cinq ans après l'annonce du premier confinement, il y a besoin d'un hommage national à la mémoire des victimes de cette pandémie qui a profondément marqué notre pays et endeuillé des milliers de familles - souvent sans adieux, sans cérémonies, sans avoir pu accompagner leurs proches dans leurs derniers instants. Les cicatrices sont profondes. D'où le besoin d'un moment de reconnaissance collective, d'un temps de recueillement, afin d'affirmer l'importance du devoir de mémoire, du lien entre les générations, et de notre capacité à nous rassembler dans les épreuves.

Le Gouvernement entend-il inscrire cet hommage dans la durée, sous la forme d'un rendez-vous annuel ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Nous sommes rentrés dans une nouvelle ère, celle des chocs externes - des crises sanitaires mais aussi des chocs géopolitiques, des chocs inflationnistes, qui mettent à l'épreuve notre résilience nationale.

Votre proposition touche à la question de la mémoire collective. Chacun se rappelle le moment où le Président de la République a annoncé le confinement, où le pays s'est arrêté. Des familles ont perdu des proches sans pouvoir leur dire adieu. Ces traumatismes intimes et collectifs appellent un geste fort de la République. Un hommage solennel serait un acte de reconnaissance, d'unité et de résilience. Il pourrait rassembler autour de notre histoire récente nos douleurs partagées, ce que nous avons appris ensemble, réaffirmer le rôle de l'État, de nos maires, garants du lien social et de la mémoire nationale. Cette mémoire ne doit pas être figée, mais nous permettre de tirer des leçons sur la façon d'affronter les chocs externes.

S'agissant de votre proposition d'une journée nationale d'hommage, je ne peux m'engager formellement, mais le Gouvernement souhaite qu'un débat s'ouvre, dans un esprit d'écoute et de dialogue.

Délais de traitement des dossiers par la MDPH des Hauts-de-Seine

Mme Marie-Do Aeschlimann .  - La maison départementale des personnes handicapées (MDPH) des Hauts-de-Seine est en proie à de graves difficultés. Alors que le délai d'instruction d'un dossier ne devrait pas excéder quatre mois, il atteint, au troisième trimestre 2024, huit mois et demi en moyenne, et parfois jusqu'à douze mois !

La structure ne compte que dix médecins, quand il en faudrait quinze. Des opérations « coup de poing » ont été menées pour absorber les dossiers en attente, au détriment des rendez-vous et des visites à domicile. Forcément, la satisfaction des usagers a chuté, et les conditions de travail se dégradent.

Lors de son déplacement dans les Hauts-de-Seine vendredi dernier, le Premier ministre a rappelé le parcours du combattant imposé aux familles confrontées au handicap et la nécessité de réduire la complexité administrative.

Vingt ans après la loi Handicap, avez-vous un plan d'urgence pour garantir un meilleur fonctionnement de la MDPH des Hauts-de-Seine, afin d'éviter à nos concitoyens en situation de handicap de subir une double peine ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Depuis leur création en 2006, les MDPH ont vu leur activité tripler, et cette tendance se poursuit ; la MDPH 92 a enregistré une augmentation des demandes de plus de 25 % en un an. Parallèlement, le nombre de postes budgétaires a augmenté, mais on peine à pourvoir les postes vacants. L'équipe pluridisciplinaire d'évaluation, qui représente 59 % des postes budgétaires, est particulièrement touchée par ces difficultés de recrutement.

Bien que la réglementation impose un délai de réponse de quatre mois, ce qui est déjà beaucoup, le délai moyen au niveau national est de 4,7 mois au deuxième trimestre 2024, avec des écarts selon les territoires et la complexité. Les dossiers PCH (prestation de compensation du handicap) nécessitent par exemple jusqu'à 5,9 mois de traitement.

Comment font les familles en attendant ? S'endettent-elles ? Arrêtent-elles de travailler pour accompagner leur proche en situation de handicap ? Face à ces défis, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a alloué 15 millions d'euros supplémentaires par an aux MDPH et instauré un nouveau mode de financement. Un décret de 2021 garantit un financement supplémentaire de 10 % pour chaque MDPH et des actions sont menées pour réduire les délais et améliorer la qualité de service, notamment à travers la garantie délai. Mais cela ne suffit pas.

La MDPH des Hauts-de-Seine devrait profiter en 2025 de ces mesures pour optimiser son fonctionnement. L'amélioration des délais et l'équité de traitement restent une priorité ; des simplifications du parcours sont à l'étude, et une task force a été lancée.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi.  - Nous pourrons en rediscuter, vu l'importance de cette question pour les familles.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Je prends acte de ces bonnes nouvelles. Je sais votre mobilisation et je viendrai vous voir avec plaisir pour tâcher de faire avancer ce dossier.

Fin de contrat des assistants familiaux

Mme Laurence Muller-Bronn .  - Ma question porte sur le statut des assistants familiaux en cas de rupture de contrat à leur demande. Ils sont de plus en plus nombreux à vouloir renoncer à leur agrément et à solliciter son retrait par les départements, le but étant de percevoir des allocations d'assurance chômage. C'est le seul moyen, pour eux, de toucher ces allocations. Pour les départements, cette situation est confuse, et va à l'encontre de leurs missions.

Dans un jugement du 6 octobre 2023, le tribunal administratif de Melun a considéré que si le département fait droit à la demande de l'assistant familial de retrait de l'agrément, il doit le licencier ; la rupture de contrat est alors considérée comme étant à l'initiative de l'employeur.

Les départements ont donc deux options : refuser la demande, ce qui risque de compromettre l'accueil des mineurs, ou y faire droit et donc licencier. Les départements doivent alors respecter la procédure de licenciement, et donc saisir la commission consultative paritaire, et verser une indemnité de licenciement, voire des allocations de retour à l'emploi.

Ainsi, certains assistants demandent le retrait de leur agrément pour bénéficier de l'ensemble des droits liés au licenciement. Comptez-vous clarifier la situation ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - L'agrément peut être retiré si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies - présenter les garanties nécessaires au bon développement de l'enfant accueilli, passer un examen médical et disposer d'un logement - ; le retrait peut alors être décidé après consultation de la commission consultative paritaire. Dans ce cas, l'assistant familial ne pourra plus exercer.

Le souhait même de l'assistant n'est donc pas un motif légitime de retrait de l'agrément. Pour mettre fin au contrat de travail de son chef, seules la rupture conventionnelle et la démission restent possibles.

La question sera soulevée dans le cadre des prochains travaux sur les assistants familiaux, pour envisager des évolutions réglementaires. Une concertation est prévue au premier semestre 2025 avec les départements et les associations professionnelles.

Protection de l'enfance

Mme Michelle Gréaume .  - Le procès du drame d'Amandine, une jeune fille de 13 ans morte de faim et de mauvais traitements infligés par sa mère, a mis en lumière la situation dramatique de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Pourquoi l'État n'a-t-il pas pu ou su protéger cette enfant ? Je pense aussi à l'affaire Le Scouarnec : comment un ex-chirurgien, accusé de viols et d'agressions sexuelles sur près de 300 victimes a-t-il pu passer sous les radars ?

Depuis des années, magistrats, professionnels, élus et familles d'accueil nous alertent, tout comme le Cese ou encore la Défenseure des droits, qui dénonce la dégradation de plus en plus préoccupante de la protection de l'enfance. Près de 400 000 mineurs ou jeunes majeurs sont pris en charge par l'ASE, mais 30 000 postes sont vacants dans le médico-social et 70 % des juges ont déjà renoncé à des placements, faute de solutions.

Les départements, étranglés financièrement, peinent à assumer leurs responsabilités.

La responsabilité de l'État est flagrante. L'obsession sécuritaire à l'encontre des mineurs a pris le pas sur le devoir de protection des plus faibles.

Que compte faire le Gouvernement pour garantir à chaque enfant la protection à laquelle il a droit ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Une refondation en profondeur de l'ASE est urgente. Nous ne pouvons continuer ainsi.

Le Gouvernement renforce la prévention et le soutien à la parentalité, notamment auprès des pères, avec un plan de prévention de la périnatalité : nous ciblons les familles en difficulté. Nous renforçons les conditions de placement et contrôlons les établissements, comme les pouponnières, qui ont fait l'objet de témoignages terrifiants. Un bilan psychologique et somatique sera systématique dès la prise en charge, souhait de Mme Vautrin. Enfin, le placement à dimension familiale doit être privilégié.

Nous devons améliorer le recrutement des assistants familiaux, simplifier les démarches et réviser les modalités d'adoption.

Une gouvernance repensée s'impose. Un comité des financeurs se tiendra fin avril et un comité interministériel dédié à l'enfance se réunira à l'été. Le Gouvernement mesure l'urgence et la gravité de la situation.

Réduction des contrats « parcours emploi compétences »

Mme Amel Gacquerre .  - On a annoncé une réduction drastique du nombre de contrats aidés parcours emploi compétences (PEC) dans les collectivités. Or ces contrats facilitent l'insertion professionnelle des personnes les plus éloignées de l'emploi. Pour des milliers de citoyens, ils constituent l'unique moyen de trouver du travail.

Ces salariés, au plus près des habitants, sont essentiels pour assurer des missions indispensables de service public - accueil, restauration scolaire, services techniques. Ces contrats sont un outil majeur pour les collectivités, notamment rurales.

En 2023, les contrats PEC ont diminué de 25 % par rapport à 2022, soit 31 700 contrats en moins. Dans le Pas-de-Calais, malgré un taux de chômage plus important que la moyenne nationale, un maire m'a interpellée : 75 % en moins de nouveaux contrats PEC dans sa commune en 2025 !

Face à cette baisse brutale et sévère du nombre de contrats PEC, comment le Gouvernement soutiendra-t-il les collectivités territoriales ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Pour les politiques d'insertion et d'emploi, nous devons passer d'une logique d'entrée à une logique de sortie, en assurant un meilleur accompagnement. Quelques chiffres : le taux de sortie en emploi est de 54 % pour les contrats aidés, de 45 % pour l'insertion par l'activité économique et de 52 % pour les contrats d'engagement jeune. Voilà le problème ! Les logiques d'entrée n'y répondent pas.

Dans un contexte de baisse des crédits, il faut améliorer l'accompagnement à la sortie. J'ai aussi laissé plus de souplesse aux préfets pour répartir les crédits entre dispositifs, au plus près des territoires. J'y insiste : améliorons le taux de sortie en emploi.

Mme Amel Gacquerre.  - Je parle de personnes très éloignées de l'emploi et de service public, vous me parlez d'entrée et de sortie... L'expérience du terrain montre qu'il faut accompagner, sans quoi ces personnes ne trouveront pas d'emploi.

Prise en charge des détenus en psychiatrie

M. Franck Menonville .  - Si les détenus bénéficient d'escortes sécurisées lors de consultations hospitalières conventionnelles, ce n'est pas le cas lorsqu'ils présentent des troubles psychiatriques nécessitant une hospitalisation. L'arrêté de soins psychiatriques sur décision d'un représentant de l'État (SDRE), signé par le préfet, détermine la nature de l'escorte, mais, très fréquemment, les soignants sont contraints d'assurer le transport de ces patients, s'exposant à des risques majeurs pour leur sécurité.

S'il y a hospitalisation, un transfert de responsabilité s'opère : devenu patient, le détenu dispose de droits liés au code de la santé publique, non régis par le code pénitentiaire.

Les personnels soignants n'ont alors aucune information sur la nature de la détention ni la dangerosité de l'individu. L'hôpital est en sous-effectifs et l'insécurité de ces opérations est préoccupante. Comment comptez-vous renforcer la sécurité des personnels soignants ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Dans le cadre de la feuille de route Santé des personnes placées sous main de justice, une action est dédiée à l'amélioration du parcours de soins en santé mentale.

Les détenus nécessitant des soins psychiatriques sont pris en charge dans les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), mais aussi souvent dans d'autres services au sein des établissements autorisés en psychiatrie.

Ainsi, nous avons publié à l'automne dernier un guide de bonnes pratiques, réalisé avec tous les professionnels de la psychiatrie et du monde pénitentiaire, qui permet d'accompagner les professionnels soignants et les directions hospitalières. Il propose des réponses concrètes à leurs difficultés, rappelle les règles applicables en matière d'escorte et les modalités d'application des droits fondamentaux des patients.

Parallèlement, le ministère de la santé et celui de la justice copilotent le déploiement de la seconde tranche de trois nouvelles UHSA, soit 160 lits supplémentaires, en sus des 440 lits existants.

De plus, la mission d'évaluation de la prise en charge des troubles psychiques des personnes placées sous main de justice, dont Mmes Courneloup et Leboucher sont les rapporteures, permettra d'appuyer l'action de l'État.

Aide au permis de conduire pour les apprentis de moins de 18 ans

M. Yves Bleunven .  - J'appelle votre attention sur une incohérence réglementaire qui pénalise nos jeunes apprentis.

Depuis le 1er janvier 2024, le permis de conduire est accessible dès 17 ans. Malgré cette avancée, l'aide au financement du permis de conduire prévu par le décret de 2019 reste réservée aux apprentis de 18 ans révolus. Résultat : un apprenti de 17 ans peut passer le permis, mais il ne peut pas bénéficier de l'aide.

Dans un souci d'équité et de cohérence, envisagez-vous d'étendre cette aide aux apprentis de 17 ans, afin qu'ils puissent eux aussi accéder à l'autonomie que représente le permis de conduire ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - La question des transports, principal frein à l'emploi, est fondamentale. L'aide pour les apprentis majeurs afin qu'ils préparent le permis de conduire, de 500 euros, vient en complément d'autres dispositifs déployés par des régions et des départements.

L'objectif de cette aide est de faciliter le déplacement des apprentis dans le cadre de leur formation et de leurs stages. Elle facilite leur insertion professionnelle à la fin des contrats d'apprentissage, ce qui est fondamental.

Nous envisageons l'élargissement de cette aide aux apprentis de 17 ans, et j'espère que nous pourrons corriger cette anomalie. Si l'extension de l'aide doit être envisagée au regard des contraintes budgétaires, elle reste absolument essentielle pour encourager la mobilité des apprentis, notamment en milieu rural.

Nouvelle convention fiscale franco-luxembourgeoise

Mme Véronique Guillotin .  - La nouvelle convention fiscale entre la France et le Luxembourg, signée en 2018, avait un objectif simple : éviter la double imposition et lutter contre la fraude fiscale. Son entrée en vigueur a été repoussée, et le ministre Bruno Le Maire s'était engagé à lancer une étude d'impact. Son application sur les revenus de 2024 fait naître de vives inquiétudes chez les contribuables frontaliers, particulièrement chez les retraités et ceux à revenus mixtes.

Une projection : un couple qui payait 2 000 euros d'impôts sur des revenus luxembourgeois et français pourrait désormais payer 2 600 euros. L'appréhension est légitime. Dans le Grand Est, 150 000 travailleurs frontaliers sont concernés. Dès 2018, les parlementaires vous alertaient, tout comme, plus récemment, Franck Leroy, président de la région.

Comptez-vous engager cette étude d'impact ? Il nous faut une évaluation transparente avant l'application de cette convention.

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - La nouvelle convention nous fait passer du régime de l'exemption, qui ne permet pas d'éviter les doubles exonérations, à un régime que nous appliquons depuis les années 1990 avec l'Allemagne, la Suisse, l'Italie, l'Espagne ou le Royaume-Uni : celui de l'imputation.

Ainsi, les revenus au Luxembourg restent imposés au taux prévu par la législation luxembourgeoise. Concernant les revenus perçus en France, la méthode d'exemption limitait la progressivité de l'impôt sur les revenus imposables en France. La nouvelle convention crée plus de justice entre nos concitoyens : les revenus de source française des foyers ayant des revenus luxembourgeois seront imposés au même taux que les foyers qui, à montant équivalent, ne disposent que de revenus de source française. C'est donc une réforme d'équité et de justice fiscale entre les transfrontaliers et les autres résidents.

Après quatre ans de période de transition, prévue pour que les ménages s'adaptent, la convention de 2018 s'appliquera pleinement sur les revenus de 2024.

Le guichet spécial au sein de la DGFiP de la Moselle accompagne les contribuables, et mes services sont à disposition de tous ceux qui ont des questions.

Projet solaire en coactivité agricole

M. Jean-François Longeot .  - Le projet en coactivité d'Accolans, dans le Doubs, déposé en novembre 2023, en est un parfait exemple. Ce projet de photovoltaïque au sol a été initié par la municipalité. L'exploitant agricole partenaire, qui vit de l'élevage bovin, a proposé la création d'un atelier ovin sur la parcelle retenue. Alors que l'ensemble des parties prenantes du projet est d'accord, la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) a émis un avis consultatif défavorable en avril 2024.

Alors que le projet d'Accolans a été déposé avant la publication du décret du 8 avril 2024 relatif au développement de l'agrivoltaïsme prévu par la loi APER du 10 mars 2023, les services locaux de l'État cherchent à lui appliquer le nouveau cadre réglementaire.

Je pourrais vous citer des dizaines d'autres exemples. Comment résoudre ce problème ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - La loi APER a défini deux types d'installations pouvant s'implanter dans les espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) : l'agrivoltaïsme et le photovoltaïque compatible. Le décret d'application précise que la loi concerne les projets d'installation agrivoltaïque ayant déposé une demande d'autorisation à partir du 9 mai 2024, et les projets d'installation photovoltaïque compatible ayant déposé une demande d'autorisation à partir de la publication du document cadre de la chambre d'agriculture du territoire concerné. Le projet que vous mentionnez n'est pas soumis au nouveau cadre. (M. Jean-François Longeot le conteste)

Différents groupes de travail ont été organisés. Nous avons désormais un cadre réglementaire adapté aux spécificités du terrain depuis avril 2024, complété en juillet 2024. Un guide de clarification a été publié en février 2025 à l'adresse des services instructeurs.

Nous restons à l'écoute des différents acteurs afin de lever les barrières au développement d'un agrivoltaïsme raisonné.

M. Jean-François Longeot.  - Merci.

Renouvellement des concessions hydroélectriques

M. Raphaël Daubet .  - La souveraineté et les ambitions énergétiques de la France sont au coeur des préoccupations de nos concitoyens et des élus. Il est urgent de sortir le dossier du renouvellement des concessions hydroélectriques de l'enlisement dans lequel la directive Concession l'a plongé en 2014, en imposant la mise en concurrence lors du renouvellement des contrats. Depuis une décennie, la France, de manière transpartisane, y résiste.

L'hydroélectricité est la deuxième source de production électrique, derrière le nucléaire, et la première source d'électricité renouvelable, stockable, pilotable et dotée d'une technologie mature. Les barrages contribuent à atténuer la pénurie d'eau et prévenir les inondations. Ils jouent un rôle d'aménagement majeur de vallées entières, comme dans mon département du Lot.

Nous sommes bloqués dans un précontentieux avec la Commission européenne. Sans visibilité ni stabilité pour les exploitants, l'ambition d'augmenter les capacités de grande hydroélectricité sera vaine. Les pistes étudiées - quasi-régie, basculement d'un régime de concession vers un régime d'autorisation - se sont toutes heurtées à des blocages juridiques ou financiers. Comment sortir de ce précontentieux ? Où en sont les négociations avec la Commission ? Avez-vous entamé des discussions sur la révision de directive « concession » de 2014 ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Nous sommes, au Gouvernement, convaincus que l'hydroélectricité est une source d'énergie renouvelable cruciale, qui jouera un rôle croissant dans le mix énergétique. Prévisible et pilotable, elle est un élément clé de la stabilité du système électrique. La programmation pluriannuelle de l'énergie prévoit d'augmenter les capacités de 2,8 gigawatts à horizon 2035.

Nous avons un contentieux avec la Commission européenne, qui nous impose la mise en concurrence. Beaucoup de solutions sont à l'étude, dont le basculement d'un régime de concession vers un régime d'autorisation. Les députés Philippe Bolo et Marie-Noëlle Battistel sont chargés d'une mission d'information sur le sujet. Toutes les solutions ont des enjeux juridiques et financiers importants. Nous échangeons de façon intense avec la Commission européenne.

La révision de la directive est une option mais son calendrier est tel que cela ne peut pas être une solution de court terme.

Double imposition des travailleurs frontaliers luxembourgeois

Mme Silvana Silvani .  - Le nouveau mode d'imposition des contribuables français ayant des revenus de source mixte, française et luxembourgeoise, devait ne pas avoir d'impact financier, selon les engagements de M. Le Maire, et être précédé d'une étude d'impact.

Or, malgré le report de l'entrée en vigueur de cette réforme de 2021 à 2024, les conditions de son acceptabilité sociale ne sont pas réunies. Aucune étude d'impact n'a été réalisée, ce qui est d'autant plus surprenant que l'avenant à la convention fiscale entre la France et la Suisse, examiné par notre assemblée jeudi dernier, a bénéficié d'une telle étude. Des cas concrets de hausse d'impôt m'ont été rapportés.

Envisagez-vous de suspendre l'application de cette mesure le temps de réaliser une étude d'impact approfondie ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Quand les modalités de calcul de l'impôt changent, des questions se posent. La convention a été signée en 2018 et son application reportée : elle s'appliquera sur les revenus de 2024. C'est essentiel pour l'équité fiscale.

La convention prévoit que les revenus perçus au Luxembourg soient taxés au Luxembourg. En revanche, quand un couple travaille, pour l'un des membres, au Luxembourg, et, pour l'autre, en France, les revenus de celui qui travaille en France seront imposés comme si les revenus de l'autre avaient été générés en France. Ainsi, les revenus perçus en France seront imposés de la même manière, qu'il y ait ou non des revenus perçus au Luxembourg par ailleurs.

L'imputation est le régime appliqué dans toutes les conventions fiscales en vigueur.

Les contribuables peuvent solliciter la direction départementale des finances publiques (DDFiP) de Moselle. En outre, il est possible de télétravailler en France pendant trente-quatre jours au lieu de vingt-neuf en restant intégralement imposable au Luxembourg. En cas de dépassement, la portée n'est que fiscale. Le prélèvement à la source à la charge de l'employeur a été remplacé par un système d'acomptes contemporains par la loi de finances pour 2023.

Il est utile que les conventions signées s'appliquent.

Mme Silvana Silvani.  - Il ne s'agit pas de mettre en cause l'impôt, mais bien son mode de calcul : il va à l'encontre de l'équité fiscale, puisqu'il y a double imposition.

Double imposition des travailleurs transfrontaliers de l'hôpital de Cerdagne

Mme Lauriane Josende .  - Depuis 2023, trente-deux salariés espagnols de l'hôpital transfrontalier de Cerdagne, résidant en France, subissent une situation aussi absurde qu'injuste. Ils sont imposés deux fois : par la France, où ils vivent, et par l'Espagne, qui, au motif que l'hôpital se situe du côté espagnol alors qu'il est transfrontalier, leur réclame l'impôt sur le revenu des non-résidents, à hauteur de 19 % de leur salaire - de surcroît, rétroactivement.

Cette double imposition est une violation manifeste de l'accord entre nos deux pays. Malgré des mois de démarches, la situation s'aggrave. Ces salariés reçoivent des relances du fisc espagnol ; la dernière, du 10 mars, leur réclame des intérêts de retard.

L'administration française est informée et une procédure amiable a été ouverte, ainsi qu'un moratoire annoncé, mais avec quel résultat concret ? Aucun. L'administration espagnole vient d'écrire à la direction de l'hôpital, souhaitant rendre celui-ci responsable du paiement de l'impôt de ses salariés.

Cette double imposition met ces salariés en grande difficulté. Ce n'est pas l'idée que nous faisons d'une coopération européenne. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre rapidement pour mettre fin à cette situation inacceptable ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Cette situation a été portée à la connaissance de la direction générale des finances publiques (DGFiP) il y a un an.

L'Espagne fait référence à l'article 19 de la convention fiscale franco-espagnole. Mes services, la direction de l'hôpital et les salariés sont dans leur bon droit de considérer que cet article ne s'applique pas.

Saisi de la situation par les intéressés, le service en charge de la résolution des différends internationaux de la DGFiP, sous mon autorité, a bien pris attache avec son homologue espagnol pour trouver au plus vite une solution à cette situation inacceptable. De très nombreuses discussions bilatérales ont déjà eu lieu. Néanmoins, il subsiste toujours une divergence profonde.

Notre ambassadrice à Madrid écrira prochainement à la ministre espagnole des finances pour qu'un accord soit conclu rapidement. Si cette démarche n'aboutit pas, je m'engage à m'adresser personnellement à mon homologue espagnol pour régler cette situation absurde.

Mme Lauriane Josende.  - Merci de votre engagement personnel. Cette situation ubuesque justifie que nous réfléchissions à un statut de salarié spécifique.

Difficultés des élus locaux face aux implantations d'antennes 5G

M. Didier Rambaud .  - Depuis plusieurs mois, je suis alerté par des maires sur leurs difficultés lors de l'implantation d'antennes relais pour la 5G.

D'une part, le code de l'urbanisme prévoit que les opérateurs ou les TowerCo, les sociétés de gestion des infrastructures, déposent une déclaration préalable de travaux pour l'installation d'un mât ou d'une antenne. D'autre part, l'arrêté du 12 octobre 2016, en application du code des postes et des communications électroniques, impose aux opérateurs de transmettre un document d'information mairie (DIM) à la collectivité concernée.

Toutefois, l'autorisation d'urbanisme n'étant pas conditionnée au dépôt du DIM, une déclaration préalable de travaux peut être acceptée même si la mairie n'a pas eu connaissance du projet. Les élus, découvrant le projet d'implantation au dernier moment, n'ont alors plus la capacité d'informer leurs administrés dans de bonnes conditions, ce qui crée incompréhension et frustration.

Pourrait-on envisager de rendre obligatoire la prise en compte du DIM dans l'instruction des demandes d'urbanisme ou d'instaurer un délai minimal entre la transmission du DIM et le dépôt de la demande ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - L'existence de plusieurs réglementations dont les objectifs diffèrent donne une apparence de complexité, mais garantit des implantations raisonnables et raisonnées.

Le code de l'urbanisme définit les règles applicables aux constructions et donne compétence au maire en matière d'autorisation d'urbanisme. Le code des postes confie au ministre chargé des communications, à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et à l'Agence nationale des fréquences (ANFR) le soin de déterminer les modalités d'implantation des antennes sur l'ensemble du territoire. Le DIM a pour seul objet d'informer la population.

Il n'y a ni incohérence de la réglementation ni dépossession des maires de leur pouvoir de police. Effectivement, les élus locaux font part de difficultés. C'est pourquoi le Gouvernement avait prévu, dans la version initiale du projet de loi de simplification de la vie économique, un droit des maires de ne pas revenir sur une décision favorable à l'implantation d'une antenne relais, que votre assemblée a supprimé.

Je comprends que le délai d'un mois pour le DIM est insuffisant, d'autant que, dans certains cas, les opérateurs demandent à le raccourcir. Je suis très attachée à la bonne information des élus locaux comme de la population. Si certaines difficultés locales persistent, je vous propose de les faire connaître au cabinet de mon collègue Ferracci.

Réforme du CAS Facé

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Ma question porte sur les conséquences de la suppression de la contribution des gestionnaires de réseau de distribution d'électricité au compte d'affectation spéciale « Fonds de financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (CAS Facé), remplacée par une fraction de l'accise sur l'électricité.

Cette remise en question d'un mécanisme de financement historique des syndicats d'énergie met en péril leur capacité à financer les investissements dans les zones rurales. C'est une véritable menace pour l'économie rurale, qui repose sur des infrastructures énergétiques fiables et résilientes. Cette réforme risque d'affecter les marchés publics des entreprises locales chargées de la modernisation et du renforcement des réseaux électriques, donc l'emploi local.

C'est en réalité l'existence même du CAS Facé qui est menacée, car la réforme déconnecte le financement des réseaux des besoins réels et accentue les disparités entre zones rurales et urbaines.

Comment le Gouvernement compte-t-il garantir aux syndicats d'énergie la pérennité de la maîtrise d'ouvrage locale des travaux d'électrification rurale, le maintien et l'actualisation des volumes financiers consacrés à l'électrification et la prise en compte des spécificités locales dans la répartition des financements ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Cette réforme, qui entrera en vigueur le 1er août prochain, nous mettra en conformité avec le droit européen et assurera une plus grande transparence dans les schémas de financement du CAS Facé.

Le Gouvernement a déposé un amendement pour garantir le montant pour l'année 2025, à 377 millions d'euros, et un autre pour indexer ce montant sur l'inflation.

La loi de finances a non seulement maintenu le CAS Facé, mais l'a renforcé juridiquement.

Les modalités d'attribution des aides restent inchangées. La répartition des donations entre départements n'est pas modifiée. Le Facé continuera à être une politique structurante dans les territoires ruraux. C'est un gage de cohésion entre territoires urbains et ruraux et une partie intégrante du service public de l'électricité, qui vise à garantir un approvisionnement partout sur notre territoire, y compris en bout de ligne, dans les lieux-dits, dans lesquels nous devons garantir la qualité du réseau.

Crise de la Fédération française de karaté

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - La Fédération française de karaté et des disciplines associées (FFKDA) connaît de graves dérives. L'élection de son président a concentré les critiques et le Comité national olympique et sportif français a recommandé l'organisation d'un nouveau scrutin, ce qu'a refusé la présidence de la FFKDA. En juin 2024, l'Agence française anticorruption a recommandé la tenue d'une inspection générale, restée sans suite.

Depuis, la FFKDA poursuit ses manquements au contrat de délégation, comme l'absence de plan de prévention, de lutte et de formation contre les violences sexuelles et sexistes ou de transparence financière. Quelque 250 000 licenciés attendent que l'État se tienne à leurs côtés.

L'héritage des jeux Olympiques, c'est aussi le respect de règles. Allez-vous diligenter une inspection ? Envisagez-vous d'autres mesures pour garantir aux licenciés une fédération plus démocratique, éthique et agissant de manière légitime ?

Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative .  - Je suis régulièrement saisie de signalements ayant trait aux dysfonctionnements de la FFKDA. Après le refus du président élu, M. Bruno Verfaillie, d'un nouveau scrutin, les opposants peuvent contester le résultat en justice.

En janvier 2024, le parquet de Grenoble a ouvert une enquête préliminaire pour abus de confiance et opacité financière visant le comité départemental de karaté de l'Isère et son président, M. Thierry Lombardi. La FFKDA y est citée pour avoir perçu des fonds liés à la liquidation de la zone interdépartementale du Dauphiné Savoie.

Sur la lutte contre les violences, la direction des sports a adressé le 23 décembre 2024 à la FFKDA un courrier exigeant une mise en conformité. Sans réponse favorable d'ici au 30 avril 2025, son agrément lui sera retiré. Le 5 juillet 2024, la FFKDA a été auditionnée dans le cadre de la mission d'inspection générale sur les sports de combat. Nous serons vigilants sur les suites à donner.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - Votre action ramènerait de la sérénité au sein de la FFKDA.

?Valorisation de la culture régionale bretonne

M. Simon Uzenat .  - La confédération Kenleur oeuvre à la transmission et à la valorisation des danses, du patrimoine vestimentaire, du chant, de la musique et des langues de Bretagne.

Forte de 15 000 adhérents, mobilisant près de 1 600 élèves de l'école élémentaire au collège, elle est exclue du programme de mécénat sur la pratique de la danse de la Caisse des dépôts et consignations, alors qu'elle répond aux critères de fond.

Cela illustre l'insuffisance du soutien de l'État à la valorisation de la matière culturelle bretonne et à ses acteurs, essentiellement financés par des aides locales, alors qu'ils jouent un rôle déterminant dans le bien vivre ensemble et la transmission de notre patrimoine immatériel. Cela concerne aussi la musique et les bagadoù.

Alors que la direction régionale des affaires culturelles (Drac) de Bretagne accompagne la confédération Kenleur, comment justifier que la CDC n'en fasse pas de même ? Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre ?

Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative .  - Les arts et traditions populaires ont souvent été l'angle mort des politiques culturelles. La consultation menée pour le Printemps de la ruralité en 2024 témoigne de ce besoin de reconnaissance. Il y a été répondu par la mesure « Villages en fête », le plan Culture et ruralité et par l'élargissement, en mars dernier, du plan Fanfare aux musiques et danses traditionnelles ainsi qu'aux pratiques inscrites au patrimoine culturel immatériel, comme le fest-noz.

La Drac Bretagne a noué des relations étroites avec la confédération Kenleur dont elle soutient les actions et lui a accordé 40 500 euros d'aides en 2024. Elle soutient aussi d'autres acteurs : des bagadoù comme l'association Bodadeg Ar Sonerion, des équipes artistiques comme la compagnie C'hoari, des lieux de diffusion comme la Grande Boutique ou des structures de valorisation de la culture bretonne comme l'association Bretagne Culture Diversité.

Le ministère de la culture suit de près la situation de la confédération Kenleur.

?Révision de la dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales

Mme Mireille Jouve .  - Aujourd'hui, je pense avec émotion à Olivier Frégeac, maire de Peyrolles-en-Provence, qui nous a brutalement quittés il y a dix jours ; il bataillait sans relâche sur le dossier des aménités rurales.

Comme nombre de maires ruraux, il était inquiet de la révision abrupte des critères d'éligibilité à cette dotation qui a fait fondre comme neige au soleil les enveloppes déjà intégrées dans les budgets prévisionnels. Contrairement au but indiqué dans la note d'information du 11 juillet dernier - valoriser les services environnementaux rendus par les communes rurales -, il s'agit d'exclure des communes du dispositif, de faire des économies sur leur dos et celui de la protection de l'environnement. Dans les Bouches-du-Rhône, quinze communes ont été exclues et quelque 550 000 euros de dotation se sont évaporés.

Que comptez-vous faire pour aider ces communes ?

Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative .  - La réforme a ciblé les communes rurales appartenant aux catégories 5, 6 et 7 selon la grille de densité de l'Insee, soit les bourgs ruraux, la ruralité à habitat dispersé et la ruralité à habitat très dispersé.

Quelque 146 communes qui percevaient la dotation mise en place en 2019 ont ainsi été exclues, mais 2 680 communes non éligibles en 2023 ont été intégrées, pour un total de 8 921 communes rurales éligibles à la dotation 2024 et un montant qui est passé de 41,6 à 100 millions d'euros de 2023 à 2024.

Cette réforme vise à reconnaître la contribution des communes rurales aux objectifs de transition écologique et à inciter ces dernières à poursuivre leur action pour couvrir le territoire national de 30 % d'aires protégées bien gérées et de 10 % d'espaces en protection forte.

S'y ajoute l'accompagnement de l'Office français de la biodiversité, via les Atlas de la biodiversité ou les Territoires engagés pour la nature, financés jusqu'à 80 % de leur montant.

L'entreprise Ritleng Revalorisations

M. Jacques Fernique .  - L'entreprise alsacienne Ritleng Revalorisations, l'une des plus importantes sociétés de traitement des déchets de plâtre de la filière à responsabilité élargie du producteur (REP) produits et matériaux de construction du bâtiment (PMCB), commet de graves manquements.

En septembre 2024, des salariés ont exercé leur droit de retrait après des contrôles positifs à l'amiante et les riverains sont exposés à des poussières potentiellement toxiques. Des mises en demeure et des amendes ont été infligées, mais rien ne change. Le pire serait la réintroduction sur le marché de plâtre contenant de l'amiante. Enfin, le représentant du personnel CGT qui a, le premier, dénoncé ces pratiques, a fait l'objet d'une procédure de licenciement, invalidée ensuite par l'inspection du travail.

Or l'entreprise contracte avec l'éco-organisme Valobat, ce qui révèle les failles du système instauré par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec).

Comment comptez-vous renforcer les contrôles dans la filière REP PMCB ?

Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative .  - Ce site fait l'objet d'un suivi renforcé des services de l'inspection des installations classées pour l'environnement.

Depuis 2022, trois mises en demeure ont été adressées à l'exploitant et deux amendes administratives ont été signées par le préfet. L'inspection du travail effectue un suivi spécifique de l'entreprise : elle a rappelé à l'employeur les principes généraux de prévention et l'obligation générale de préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs et a demandé des mesures adaptées pour protéger les salariés des émissions de poussière et d'amiante.

À la suite des alertes, l'éco-organisme Valobat a rappelé à l'entreprise et à ses prestataires les bonnes pratiques, les consignes de tri et a conçu un programme d'audit auprès de ses prestataires gérants des déchets. L'entreprise est inscrite à ce programme et fera prochainement l'objet des vérifications qui s'imposent.

?Fin de l'exonération des cotisations patronales pour certains armateurs français

Mme Agnès Canayer .  - Voilà bientôt dix ans, la loi pour l'économie bleue a instauré une exonération de cotisations patronales pour les armateurs français afin de renforcer leur compétitivité, dont le champ d'application a malheureusement a été réduit par le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Les armateurs français exclus de ce dispositif, comme tout l'écosystème portuaire havrais, alertent les pouvoirs publics sur les risques induits pour l'emploi des marins français et le maintien de notre pavillon et de notre place dans la transition écologique maritime.

Cette hausse des coûts d'exploitation de 25 % provoque un surcoût non budgété de 2,2 millions d'euros pour les armateurs havrais et met en péril leur modèle économique. Ainsi de l'entreprise TOWT qui développe un transport français à la voile avec zéro émission et prévoyait la mise en service de six nouveaux voiliers cargos d'ici à 2027.

Envisagez-vous de revenir sur ces exonérations dès cette année ou lors du budget 2026 ?

Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative .  - Depuis le 1er mars 2025, seuls les armateurs de navires de transport de passagers, de navires câbliers et de navires dédiés aux énergies marines renouvelables bénéficient de la totalité des exonérations des contributions patronales ; les autres perdent l'exonération des parts chômage et famille, mais conservent la part dite Enim (Établissement national des invalides de la marine) portant sur les cotisations pour les gens de mer affiliés au régime d'assurance vieillesse des marins, qui demeure prépondérante. Cette mesure contribue à l'effort collectif de redressement des finances publiques.

Toutefois, ses effets sont significatifs ; des armateurs, notamment dans la filière vélique, ont annoncé leur intention de changer de pavillon. Une évaluation approfondie du dispositif est donc prévue et le Gouvernement n'exclut pas de rouvrir le débat lors du PLFSS 2026.

Mme Agnès Canayer.  - Les armateurs français sont aussi soumis à l'évolution des droits de douane. J'espère que des mesures rassurantes seront prises.

Interdiction du plomb dans les munitions pour la chasse

M. Pierre Cuypers .  - Le projet de modification du règlement européen concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques ainsi que les restrictions applicables à ces substances, publié le 27 février 2025, vise à éliminer le plomb dans les munitions pour la chasse dans un calendrier très serré : dans les dix-huit mois suivant l'entrée en vigueur du texte pour les balles à percussion de calibre supérieur à 5,6 mm et dans les trois ans pour les plombs de chasse.

En tant que président du groupe d'études sur la chasse du Sénat, je crains une baisse du nombre de chasseurs et je m'interroge sur la pertinence de cette nouvelle contrainte pesant sur les professionnels de l'armement à l'heure où l'Europe doit augmenter ses capacités militaires.

La dépendance du secteur de l'armement à l'égard de la Chine pour les matières premières dites sans plomb, en cas de non-report, risque d'augmenter. Un report de dix ans de ces mesures semble indispensable. Quelle est la position de la France ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - Ce projet de texte fait suite à l'interdiction de l'usage de munitions au plomb dans les zones humides, entrée en application le 15 février 2023. Il sera discuté et évoluera sans doute avant sa publication. Les délais évoqués ont été proposés par la Commission européenne, qui considère que des alternatives existent. Mais il faut vérifier leur disponibilité en France, dans le nouveau contexte géopolitique.

S'agissant des forces armées, aucune restriction de mise sur le marché pour les balles de plomb n'est prévue et l'usage des balles resterait autorisé dans les centres de tir.

Si le Gouvernement partage l'ambition du texte, ses impacts socio-économiques sur les chasseurs doivent être considérés, ainsi que les conséquences sur la filière de la production de munitions.

M. Pierre Cuypers.  - Le monde de l'armurerie conteste ces solutions de remplacement. Le monde de la chasse serait dans une situation catastrophique.

Digues domaniales transférées aux collectivités

Mme Martine Berthet .  - Certaines collectivités auxquelles l'État a transféré la gestion des digues domaniales en janvier 2024 sont en difficulté. C'est le cas, malgré mes alertes, du syndicat mixte de l'Isère et de l'Arc en Combe de Savoie (Sisarc).

La loi Maptam avait prévu que l'État transfère des ouvrages conformes. Or, dans le cas du Sisarc, les mises aux normes n'ont pas eu lieu : c'était à prendre ou à laisser ! Les subventions prévues au fonds Barnier sont insuffisantes. Le plafond à 80 % des dépenses ne concernera que les dossiers validés avant 2027 ; ce sera 40 % ensuite. Pour le Sisarc, les 90 kilomètres transférés nécessitent près de 110 millions d'euros de travaux ; or la taxe Gemapi, jamais revalorisée depuis 2014, ne permettra d'en financer que 14 millions. Le ministre Béchu avait promis d'aider jusqu'à 95 % du montant des travaux. Le Gouvernement respectera-t-il son engagement de financer la quasi-intégralité des travaux ?

Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative .  - La loi Maptam de 2014 avait prévu une période de transition de dix ans au cours de laquelle l'État a poursuivi la gestion des digues domaniales. Cette période de transition a pris fin le 28 janvier 2024 et la très grande majorité de ces ouvrages a été transférée aux collectivités « gemapiennes ».

En Savoie, le Sisarc s'est ainsi vu confier un linéaire d'ouvrages d'environ 71 kilomètres. Des travaux de réhabilitation sont en cours, financés en totalité par le fonds Barnier, à hauteur de 6 millions d'euros. D'autres travaux prioritaires ont été programmés pour 46 millions d'euros, financés par le Sisarc sans reste à charge, grâce aux subventions bonifiées du fonds Barnier et grâce à une soulte de 10,5 millions d'euros. Si en 2030 des travaux complémentaires sont encore nécessaires, le Gouvernement maintiendra son soutien au Sisarc, afin que le reste à charge soit aussi réduit que possible.

Par ailleurs, compte tenu du rôle joué par ces ouvrages pour protéger des infrastructures routières et ferroviaires stratégiques, d'autres contributeurs pourraient participer au plan de financement à plus long terme.

Normes applicables aux appareils de chauffage au bois

M. Jean-Claude Anglars .  - Le chauffage au bois est apprécié en milieu rural. L'exploitation de la forêt paysanne favorise une filière locale de bois-énergie, bon marché et durable.

Mais le projet de réforme envisagé par la Commission européenne, qui abaisse les seuils d'émission de particules fines, d'oxyde d'azote et de monoxyde de carbone et impose des rendements énergétiques minimums, inquiète. Les professionnels pourraient être contraints de revoir leurs gammes de produits et les consommateurs d'investir dans de nouveaux équipements.

La réforme, reportée en raison d'incertitudes sur sa faisabilité technique et économique, crée de l'incertitude pour les acteurs du secteur : quels seuils ? Quels délais de mise en conformité ? Pour ne pas fragiliser des milliers de foyers ni compromettre l'avenir d'une filière économique, il ne peut y avoir d'interdiction sans solution !

Quel est le contenu de la réforme ? Quels aménagements sont-ils prévus pour soutenir les professionnels et les ménages concernés ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - La réglementation de la mise sur le marché des équipements de chauffage au bois vise à améliorer leur efficacité énergétique et à réduire leurs émissions de polluants atmosphériques, sans interdire leur installation ni imposer le remplacement des équipements existants. Elle simplifie l'accès au marché européen pour les fabricants en uniformisant les normes.

Les règlements en vigueur depuis 2020 pour les chaudières fonctionnant à la biomasse et depuis 2022 pour les poêles à bois font l'objet d'une mise à jour. Les documents de travail préliminaires, publiés en janvier 2025 par la Commission européenne, sont destinés à recueillir l'avis des experts et des parties prenantes. L'analyse de 14 000 produits vendus en Europe, réalisée en 2023, est publique. La finalisation des travaux est prévue pour 2026, avec un délai d'application permettant aux fabricants d'adapter leur gamme de produits si nécessaire.

Le Gouvernement veillera à une approche équilibrée conciliant exigences environnementales et réalité économique et accompagnera les professionnels et les ménages dans cette transition.

Suppression du fonds de soutien au développement des activités périscolaires

M. Christian Redon-Sarrazy .  - Comme prévu par la loi de finances pour 2024, le fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP) sera supprimé à compter de la rentrée 2025. Or certaines communes en ont encore besoin. Ce fonds finance les activités périscolaires lorsque le temps scolaire est organisé sur huit ou neuf demi-journées, dont cinq matinées. Ses aides sont calculées en fonction du nombre d'élèves éligibles, avec un montant forfaitaire et une majoration pour les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine cible ou à la dotation de solidarité rurale cible.

En Haute-Vienne, quatre communes ont conservé une organisation sur cinq matinées et proposent des activités périscolaires de grande qualité, gratuites de surcroît. Il est indispensable de préserver de tels services à la population et de soutenir les communes rurales qui les mettent en oeuvre.

Le Gouvernement va-t-il revenir sur la suppression du FSDAP ou, a minima, prévoir un mécanisme de compensation ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - Le FSDAP avait pour objectif de contribuer à mettre en place des activités périscolaires au moment du passage à l'organisation scolaire sur quatre jours et demi. La loi de 2013 avait été très claire : la durée de vie du fonds était limitée. Depuis le décret du 27 juin 2017, la majorité des communes ont opté pour une organisation du temps scolaire sur quatre jours. En 2016-2017, 20 000 communes avaient bénéficié du FSDAP, pour 380 millions d'euros ; leur nombre a, depuis, été divisé par 20 et le coût par 10, à 37 millions d'euros -  dont 5 millions d'euros pour Paris.

L'extinction du fonds, programmée pour la rentrée 2023, a été reportée pour permettre aux collectivités de s'adapter. Mais un nouveau report n'est pas envisageable, a fortiori par voie réglementaire.

Dans un contexte budgétaire contraint, la ministre Élisabeth Borne a fait le choix de recentrer ses crédits sur d'autres priorités, notamment la refondation de Mayotte. Bien entendu, dans le cadre de la préparation du budget 2026, nous sommes à l'écoute de vos propositions.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Je ne me faisais pas beaucoup d'illusions...

Une nouvelle fois, vous faites porter l'effort budgétaire sur les collectivités qui ont choisi de conserver ces cinq matinées, alors que leurs finances sont déjà très contraintes. Ce sera au détriment des enfants, que l'on prive d'une émancipation culturelle.

Congés menstruels dans la fonction publique

M. Pascal Savoldelli .  - L'endométriose touche 2 millions de femmes en France. Un rapport de 2023 de la délégation du Sénat aux droits des femmes en a fait un sujet central de l'égalité professionnelle.

Alors que certaines entreprises privées ont pris des mesures, le secteur public est en retard. Le 20 novembre 2024, le tribunal administratif de Toulouse a suspendu les délibérations de deux collectivités qui avaient instauré un congé menstruel. C'est ubuesque : on empêche les maires de mettre en place une mesure d'égalité. Je salue la présence en tribune de M. le maire de Gentilly, accompagné d'agents territoriaux.

Allez-vous publier un décret pour permettre l'aménagement du temps de travail dans la fonction publique, en cas de règles douloureuses, d'endométriose, d'adénomyose, de dysménorrhée ou de syndrome des ovaires polykystiques ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - Plusieurs collectivités ont décidé de mettre en place de telles autorisations spéciales d'absence (ASA), afin de permettre aux femmes concernées -  et c'est heureux  - de s'absenter de leur service sans effet sur leurs droits à congés annuels.

Toutefois, en l'état actuel du droit, les collectivités locales ne sont pas compétentes pour créer une nouvelle catégorie d'ASA pour raison de santé. Le code général de la fonction publique ne prévoit d'ASA que pour des motifs spécifiques tels que la parentalité ou certains événements familiaux -  pas pour raison de santé. C'est pourquoi le tribunal administratif de Toulouse a suspendu lesdites délibérations, les estimant contraires au droit existant.

La direction générale de l'administration et de la fonction publique travaille à l'identification de solutions juridiques permettant de mieux prendre en compte ces situations, afin de leur apporter une réponse adaptée.

M. Pascal Savoldelli.  - Mais le Gouvernement s'était opposé à l'adoption d'une proposition de loi sur la question ! L'Espagne, le Japon, l'Indonésie ont instauré un tel congé menstruel. Alors, rédigez un décret ou soutenez nos initiatives législatives !

Responsabilité financière des gestionnaires publics

M. Fabien Genet .  - Issu d'une ordonnance du 23 mars 2022, le nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics est entré en vigueur le 1er janvier 2023. Depuis, les mises en cause de directions générales se multiplient dans les collectivités territoriales, soulevant de nombreuses inquiétudes.

La principale incertitude porte sur la notion de « faute grave » qui n'est pas précisément définie dans l'ordonnance. Selon M. Serge Barichard, de la Cour des comptes, cette notion serait progressivement clarifiée par la jurisprudence. Autrement dit, le champ des responsabilités sera affiné au fur et à mesure par les juges...

Dans sa décision du 29 janvier 2025, le Conseil d'État a rappelé que la protection fonctionnelle bénéficie aux agents publics poursuivis pénalement. Or les sanctions financières de la Cour des comptes ne sont pas considérées comme pénales. Ce manque de garanties pourrait nuire à l'attractivité de la fonction publique territoriale.

Qu'envisagez-vous pour mieux encadrer la responsabilité des gestionnaires publics et garantir leur protection face aux risques liés à l'exercice de leurs fonctions ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - Le ministre Laurent Marcangeli s'est engagé à renforcer la protection fonctionnelle des agents publics. C'est pourquoi le Gouvernement soutient la proposition de loi de Violette Spillebout, qui permettra à l'administration de porter plainte au nom de l'agent victime, d'étendre la protection fonctionnelle à titre conservatoire pour les ayants droit de l'agent et de l'octroyer à l'agent entendu librement dans le cadre d'une procédure pénale.

L'agent public ne bénéficie pas de la protection fonctionnelle en cas de procédure devant les juridictions financières, car il n'est alors ni victime ni mis en cause dans une procédure civile ou pénale. Le Conseil d'État l'a confirmé dans une décision du 29 janvier 2025, tout en soulignant que l'administration peut néanmoins lui apporter un soutien dans la préparation de sa défense.

Dans son récent rapport, Christian Vigouroux souligne que l'élargissement de l'octroi de la protection fonctionnelle en cas de procédure devant les juridictions financières nécessiterait une réflexion approfondie. Les services du Premier ministre ont engagé cette réflexion, en concertation avec la Cour des comptes.

M. Fabien Genet.  - Merci pour cette réponse très technique. Je ne suis pas certain qu'elle rassurera les intéressés. L'actualité le montre : il n'est pas toujours bon que le juge définisse la portée des infractions... C'est au Parlement et au Gouvernement de le faire.

Délais de traitement et de paiement des dossiers de MaPrimeRénov' et de certificats d'économie d'énergie

Mme Anne-Sophie Romagny .  - Les mesures contradictoires sur la rénovation énergétique ont conduit les particuliers et les entreprises à différer leurs projets. Ma question date d'avril 2024, mais le Gouvernement ne m'a pas répondu et la situation ne s'est pas améliorée...

Les délais d'instruction des dossiers de MaPrimeRénov' et de certificats d'économie d'énergie sont de plus de deux mois, ce qui allonge d'autant les délais de paiement. Documents aléatoires à fournir, insuffisante formation des instructeurs, formulaire obsolète, contrôle déficient : autant d'exemples kafkaïens à l'origine de retards dans l'instruction, qui affectent gravement la trésorerie des entreprises du bâtiment.

Comment comptez-vous réduire ces délais d'instruction et de paiement ? Il y va de la compétitivité de nos entreprises artisanales. La Capeb et la FFB ont des propositions simples et pragmatiques.

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - Depuis le lancement de MaPrimeRénov' en 2020, les travaux de plus de 2,4 millions de logements ont été aidés, pour 11,7 milliards d'euros d'aides publiques. Dans un contexte marqué par une forte demande, certains dossiers ont abouti dans des délais inhabituels. Il s'agit toutefois d'un nombre limité de dossiers, au regard des 540 000 dossiers instruits en moyenne chaque année par l'Agence nationale de l'habitat (Anah).

L'intensification des contrôles réalisés par l'Anah a pu conduire à un allongement des délais d'instruction et de traitement des dossiers. L'Agence a donc mis en place une équipe dédiée pour les situations les plus complexes : les dossiers en difficulté font l'objet d'un suivi individualisé, dans le cadre d'une démarche proactive d'identification en amont.

Le Gouvernement met tout en oeuvre pour garantir la qualité et la rapidité de traitement et d'instruction des dossiers.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Je vous en remercie. La viabilité de nos entreprises artisanales est en jeu.

Voici un document de quatre pages, qui liste des dysfonctionnements auxquels il pourrait être aisément remédié. Je suggère qu'une réunion soit organisée avec les artisans et les entreprises du bâtiment pour trouver des solutions pragmatiques. (Mme Anne-Sophie Romagny remet un document à Mme Juliette Méadel.)

Compétence mobilité des communautés de communes

Mme Florence Lassarade .  - La loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) a instauré une couverture nationale par une autorité organisatrice de la mobilité (AOM). Elle a offert aux communautés de communes la possibilité d'assumer cette compétence jusqu'au 31 mars 2021. Au-delà de cette date, pour celles qui n'ont pas pris de décision en ce sens, la compétence a été automatiquement transférée aux régions.

Les choix des communautés de communes ont été contrastés : alors que plus de 80 % d'entre elles ont choisi d'exercer cette compétence dans les Pays de la Loire, la Bretagne, la Normandie, le Grand Est et les Hauts-de-France, elles sont moins de 30 % en Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur et en Nouvelle-Aquitaine, et trois seulement en Occitanie. Crise sanitaire, report des élections municipales, réticence de certaines régions souhaitant garder cette prérogative, manque de temps pour évaluer les enjeux d'une telle prise de compétence : les raisons de ce phénomène sont multiples.

Une modification de la LOM donnerait aux EPCI la possibilité de délibérer à nouveau sur ce sujet, pour que les territoires puissent se rendre compétents lorsqu'ils le souhaitent. Qu'en pense le Gouvernement ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - L'application de la LOM a effectivement abouti à des situations contrastées, les EPCI n'ayant pas conservé la compétence se trouvant en difficulté lorsqu'ils souhaitent voir se développer une offre de mobilité sur leur territoire.

La délégation de compétence, quoique souple, n'est pas toujours satisfaisante. Cependant, rouvrir aux communautés de communes la possibilité de se doter de la compétence AOM conduirait à revenir sur une organisation territoriale encore très récente, voulue par les acteurs locaux qui ont eu l'opportunité et le temps de choisir. En outre, cela pourrait nécessiter des transferts de lignes de transport existantes, répondant aux besoins des populations.

Le Gouvernement réfléchit toutefois à la possibilité de permettre aux EPCI de délibérer à nouveau. Cela nécessitera au préalable une discussion avec les régions et les EPCI.

Mme Florence Lassarade.  - Je vous remercie d'avoir pris ce sujet en compte. J'ai pu constater à l'époque la précipitation dans laquelle la décision de se doter ou non de la compétence mobilité a dû être prise.

Loi SRU et crise immobilière

M. Éric Dumoulin .  - L'accomplissement des objectifs triennaux de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) imposant 25 % de logements sociaux s'avère irréalisable, voire chimérique, dans de nombreux cas. De nombreuses villes carencées sont confrontées à une situation paradoxale, ayant achevé leur développement urbanistique avec des espaces constructibles rares, voire inexistants, tout en étant soumises à des obligations chiffrées et des délais de réalisation inatteignables.

La crise immobilière, aggravée par la flambée des coûts de construction, des taux d'intérêt élevés qui freinent les investissements et une raréfaction des financements publics comme privés, complique encore davantage la situation. Nombre d'opérateurs se désengagent ainsi de projets pourtant largement avancés.

Les objectifs de la période 2023-2026 sont compromis et s'avèrent encore plus qu'avant déconnectés de la réalité. Quelles mesures envisagez-vous pour ne pas aggraver, voire pour alléger les pénalités qui seraient dues par les communes carencées dans le cadre de la période triennale, a fortiori dans le contexte de tension budgétaire que nous connaissons ? Comptez-vous faire évoluer la législation pour mieux prendre en compte les spécificités territoriales ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - L'article 55 de la loi SRU a créé un dispositif permettant d'orienter près de 50 % de la production de logements sociaux vers les communes déficitaires. Nous restons attachés au développement d'une offre sociale équilibrée sur le territoire.

Les objectifs triennaux ont été réduits en 2022 par la loi 3DS, qui a en outre ouvert la possibilité d'abaisser encore les objectifs dans le cadre de contrats de mixité sociale. Sur les 1 153 communes déficitaires, 343 contrats ont été signés, dont 187 prévoient un abaissement des objectifs. Les préfets prennent en compte le volontarisme et les difficultés des communes. Ces considérations seront reconduites pour l'analyse du bilan 2023-2025.

Avec la baisse récente des taux d'intérêt, la construction reprend. Il faut amplifier ce rebond, notamment dans les communes déficitaires. C'est le sens des mesures que Valérie Létard a présentées dans le cadre de la loi de finances pour 2025 et de la feuille de route qu'elle a signée avec les fédérations du logement social en février dernier.

Projet de port industriel à Vigneux-sur-Seine

M. Laurent Lafon .  - Le projet de port industriel de Vigneux-sur-Seine porté par l'établissement public Haropa Port suscite de vives inquiétudes dans le Val-de-Marne et en Essonne. L'objectif affiché est de renforcer l'activité industrielle et portuaire de l'axe Seine, mais le maire d'Ablon-sur-Seine, Éric Grillon, et de nombreux élus et habitants dénoncent les impacts négatifs de ce projet de plateforme multimodale à vocation régionale, sur trois plans.

Sur le plan de la mobilité, alors que le réseau routier est déjà saturé, le projet augmenterait le trafic, la congestion et la circulation des poids lourds et entraînerait des nuisances sonores qui affecteraient les riverains. Sur le plan de l'environnement, plus de 50 hectares de zones humides et d'espaces naturels classés se trouveraient artificialisés et 30 hectares déforestés sur l'une des plus belles rives naturelles de la Seine en Île-de-France. Enfin, sur le plan de la concertation, le nécessaire dialogue approfondi avec les élus locaux et les habitants se fait toujours attendre.

Comment le Gouvernement entend-il concilier impératifs écologiques et développement économique ? L'ampleur du projet peut-elle être revue et ses impacts, limités ? Face à la mobilisation citoyenne et à l'inquiétude légitime des élus locaux, quelles garanties concrètes le Gouvernement peut-il offrir pour assurer une véritable concertation ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - Nous comprenons les inquiétudes que vous relayez. Si un terrain d'environ 110 hectares à Vigneux-sur-Seine avait effectivement été acquis dans les années 1990 par Haropa Port avec l'objectif d'y développer une plateforme industrielle portuaire, ce projet n'est plus d'actualité. Le nouveau schéma directeur de la région Île-de-France - Environnemental (SDRIF-E), adopté par le conseil régional le 11 septembre dernier, prévoit une urbanisation à vocation industrielle et multimodale limitée à 35 hectares le long de la voie ferrée et garantit la préservation d'une armature verte en bord de Seine sur la majeure partie du terrain.

Haropa Port est en phase de réflexion préalable. Une fois le nouveau SDRIF-E en application, une concertation approfondie sera engagée avec tous les acteurs du territoire, pour entendre et prendre en compte les préoccupations légitimes dont vous vous faites l'écho.

Le ministre des transports et son cabinet restent à votre disposition pour suivre l'évolution de ce dossier.

Non-application de la Charte sociale européenne dans les outre-mer

Mme Audrey Bélim .  - La France a choisi d'exclure ses territoires ultramarins du champ d'application de la Charte sociale européenne, qui garantit des droits fondamentaux en matière de santé, logement, éducation, emploi et protection sociale. Cette situation dure depuis plus de soixante ans !

Pourtant, l'extension de la portée de ce texte à nos 3 millions de concitoyens ultramarins ne nécessiterait qu'une notification adressée par le gouvernement français au secrétaire général du Conseil de l'Europe. D'autres pays européens ont fait des choix différents : ainsi, les Pays-Bas appliquent la Charte à Sint-Maarten.

La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a qualifié cette situation « d'inacceptable » dans un avis adopté à l'unanimité. En mars 2024, une réclamation contre la France a été déposée devant le Comité européen des droits sociaux par plusieurs associations de défense des droits humains.

Cette exclusion soulève la question fondamentale de l'égalité des droits entre les citoyens de l'Hexagone et ceux des outre-mer, alors que les spécificités de nos territoires nécessitent une protection sociale renforcée, par exemple à La Réunion.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour mettre fin à cette discrimination historique ?

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - J'en prends l'engagement devant vous : une demande sera formulée auprès du Conseil de l'Europe pour étendre l'applicabilité de la Charte sociale européenne aux départements et régions d'outre-mer. Une consultation préalable sera menée dans les collectivités ultramarines.

Les récents rapports du Sénat sur l'action de l'État dans les outre-mer illustrent bien l'ampleur des défis et appellent à un investissement public soutenu.

Le budget des outre-mer a été revalorisé de 11 % en autorisations d'engagement et 6 % en crédits de paiement par rapport au budget initial et l'effort total s'élève à près de 25 milliards d'euros, malgré le contexte budgétaire exigeant.

Les réclamations au titre de la Charte ne peuvent être introduites que par des organismes habilités. Cette procédure, non contraignante, contribue au principe d'État de droit.

Manque de statistiques fiables sur les infanticides

Mme Laurence Harribey .  - La Commission nationale consultative des droits de l'homme a mis en exergue l'absence de recensement précis des enfants tués par leurs parents. Le dernier rapport sur les morts violentes d'enfants au sein des familles, paru en 2018, dénombre 363 victimes par an entre 2012 et 2016, soit un décès tous les cinq jours, mais ce chiffre alarmant ne tient pas compte du chiffre noir des néonaticides non révélés ni des enfants victimes du syndrome du bébé secoué non diagnostiqué. L'absence de données fiables laisse penser que le nombre de morts est en réalité plus élevé.

Le plan de lutte contre les violences faites aux enfants, présenté par le Gouvernement en 2022, affichait l'objectif louable de bénéficier de meilleures données. Malheureusement, rien n'a évolué. Comment comptez-vous améliorer le recensement des enfants tués par leurs parents ?

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - Les statistiques à la disposition du ministère de la justice ne permettent effectivement pas d'évaluer le nombre d'enfants dans ce cas. Toutefois, en isolant dans le champ infractionnel retenu les seuls ascendants directs, la circulaire du 28 mars 2023 relative à la politique pénale en matière de lutte contre les violences sur mineurs fournit des directives afin de mieux appréhender et traiter sur un plan judiciaire les morts violentes de mineurs liées à une infraction volontaire commise dans la sphère familiale ou institutionnelle.

Cette circulaire invite les parquets généraux à informer systématiquement la direction des affaires criminelles et des grâces de la survenance de tels drames, y compris en cas de syndrome du bébé secoué ou de mort en lien avec le suicide des parents. Elle vise également à mettre en oeuvre un retour d'expérience systématique sur ces décès, afin d'analyser a posteriori chaque infanticide commis dans la sphère familiale, de retenir les éléments pertinents en matière de prévention et d'identifier les axes d'amélioration à travailler.

La circulaire encourage aussi la conclusion de partenariats renforcés avec le milieu médical, afin de favoriser les signalements.

Mme Laurence Harribey.  - Merci pour ces éléments. Il serait bon de faire un point officiel sur les éléments à améliorer et de repenser certaines qualifications pénales, pour mieux correspondre à la spécificité criminologique de ces actes.

Téléconsultation pour les personnes placées en garde à vue

M. Édouard Courtial .  - Depuis le 20 février dernier, les personnes dont la garde à vue est prolongée au sein de la compagnie de gendarmerie de Senlis, dans l'Oise, peuvent utiliser une borne de télémédecine pour réaliser une consultation médicale.

Ce dispositif a été rendu possible par la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice de 2023. Cette bonne idée améliore le quotidien de tous, notamment des forces de l'ordre. C'est une aubaine, plus encore pour les territoires ruraux, comme le mien, frappés par la désertification médicale et la saturation des urgences.

Ce dispositif garantit le droit de toute personne de pouvoir consulter un médecin dans les meilleurs délais. Il constitue en outre un gain de temps précieux pour les forces de l'ordre, qui devaient auparavant parcourir un trajet de 20 minutes pour se rendre aux urgences de Creil. Il limite par ailleurs les déplacements des gardés à vue, donc le risque d'évasions.

L'État compte-t-il étendre au-delà de Senlis le recours à la téléconsultation médicale pour les personnes en garde à vue ? La France, particulièrement les zones rurales, aurait beaucoup à y gagner.

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - La loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice, complétée par le décret du 18 novembre 2024 relatif aux modalités de réalisation de l'examen médical à distance en cas de prolongation de la garde à vue, prévoit la possibilité de réaliser l'examen médical de compatibilité de la garde à vue avec l'état de santé de la personne, en cas de prolongation de la mesure, par vidéotransmission ou tout autre moyen de communication audiovisuelle, même si aucun examen médical n'est intervenu au cours des vingt-quatre premières heures. Ces dispositions sont applicables depuis le 21 novembre dernier.

Le recours à la téléconsultation suppose l'installation préalable de bornes de télémédecine au sein des services de police et de gendarmerie. Le ministère de la justice est favorable au déploiement de ces bornes, qui relève toutefois en premier lieu du ministère de l'intérieur. Celui-ci a été sensibilisé au sujet.

Immatriculation des motos de collection

Mme Else Joseph .  - Je croyais que le monde des collectionneurs était préservé de la bureaucratie kafkaïenne : grande naïveté...

Les amateurs de motos anciennes se heurtent à des formalités compliquées, qui les dissuaderaient presque de collectionner, plaisir de l'âme et sain loisir. Obtenir une carte grise les fait devenir verts de rage et rouges de colère, car le site de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) ne reconnaît pas ces véhicules ! Quant au téléphone, il sonne aux abonnés absents ; et les tentatives d'obtenir un rendez-vous auprès de France Services ou en préfecture se révèlent tout aussi vaines. Des clics et des couacs absurdes pour une démarche qui devrait être toute simple.

Les collectionneurs se croient dans Les douze travaux d'Astérix, à la recherche du formulaire 104... Leur paradis devient un enfer, alors qu'ils veulent tout faire pour rester dans la légalité. Comment le Gouvernement compte-t-il leur permettre d'immatriculer paisiblement leur véhicule ?

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - Certains véhicules anciens disposent toujours d'une immatriculation délivrée avant 2009, dans un format qui n'a plus cours. Un changement de titulaire ou d'adresse nécessite une conversion préalable. Dans certains cas, l'opération peut dérouter l'usager, je vous le concède.

Un parcours guidé est accessible sur le portail de l'ANTS. Près de 10 000 opérations portant sur des véhicules de collection ont été réalisées l'année dernière, dont 2 700 ont impliqué une conversion, à chaque fois menée à terme. Les cas signalés de personnes en difficulté ont été marginaux.

Pour autant, le problème que vous soulevez fera l'objet d'une attention soutenue de la part de l'ANTS, désormais France Titres, qui dispose d'un service efficace d'aide aux usagers, notamment à travers son centre d'appels, implanté dans votre département.

Enfin, le nouveau système d'immatriculation des véhicules sera déployé de façon progressive entre 2025 et 2027 : il devrait permettre de résoudre définitivement les difficultés que vous évoquez.

Mme Else Joseph.  - Merci pour vos réponses concrètes : je suis preneuse du tutoriel... Certains collectionneurs évoquent la possibilité de conserver leur ancienne immatriculation. Quant à la plateforme ANTS installée à Charleville-Mézières, elle fonctionne très bien !

Nouvelles brigades de gendarmerie dans l'Aisne

M. Pierre-Jean Verzelen .  - En octobre 2023, le Président de la République a annoncé la création de 238 nouvelles brigades de gendarmerie, dont trois dans l'Aisne : brigades fixes à Saint-Gobain et Aubenton, brigade mobile à Neuilly-Saint-Front.

Ces communes se sont organisées pour trouver des terrains et imaginer des locaux pour les gendarmeries et les logements des familles. Les bailleurs et les investisseurs sont prêts, et les services immobiliers de la gendarmerie ont donné leur accord pour les trois projets.

Quand les contrats seront-ils signés et quand les travaux commenceront-ils ?

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - En effet, le chef de l'État a annoncé la création de 239 nouvelles brigades d'ici à 2027.

L'année dernière, 80 premières brigades ont été créées, dans 64 départements métropolitains et 8 départements et collectivités d'outre-mer. Le Gouvernement poursuivra le déploiement de ces brigades cette année, mais le calendrier de création des unités n'est pas totalement arrêté. Il tiendra compte notamment des contraintes budgétaires et des autorisations de recrutement. Les 27 départements n'ayant pas encore bénéficié d'une nouvelle brigade, dont le vôtre, seront prioritaires.

Dans l'Aisne, trois projets ont été retenus - vous les avez rappelés. L'État les accompagnera dans la durée. Nous sommes conscients des interrogations des élus locaux, dont l'implication est un facteur clé de réussite. Le ministre de l'intérieur suit ces projets avec la plus grande attention et fera des annonces dans les prochaines semaines.

M. Pierre-Jean Verzelen.  - J'entends que la situation budgétaire est complexe et j'attendrai les annonces prochaines du ministre de l'intérieur, mais les communes ont besoin de visibilité. Vous comprenez bien que, le Président de la République ayant pris un engagement, il y va de la parole de l'État.

Section aérienne de gendarmerie de Limoges

Mme Isabelle Briquet .  - La section aérienne de gendarmerie de Limoges connaîtra cette année plusieurs fermetures temporaires, comme celles d'Égletons en Corrèze et Bayonne dans les Pyrénées-Atlantiques : il s'agit d'assurer la maintenance de la flotte d'hélicoptères Écureuil, compte tenu de son obsolescence. Ces fermetures suscitent de vives inquiétudes, car les femmes et les hommes de ce service public jouent un rôle essentiel en matière de maintien de l'ordre et de secours aux personnes dans nos territoires, ruraux comme urbains.

Le ministre Buffet a récemment répondu à mon collègue Stéphane Delautrette, député de la Haute-Vienne, que de nouveaux hélicoptères étaient commandés et seraient - normalement - livrés dans les prochains mois. Alors que le contexte financier est dégradé et que 8 milliards d'euros de crédits ont été annulés dans le budget 2025, pouvez-vous m'assurer que ces nouveaux matériels seront bien livrés et que la section de Limoges en bénéficiera rapidement ? Me confirmez-vous que la pérennité de cette dernière n'est en rien menacée ?

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - La flotte aérienne de la gendarmerie est vieillissante et nécessite une vigilance particulière en matière de maintenance.

Cette année, les visites périodiques seront donc en hausse, ce qui entraînera une croissance des indisponibilités d'hélicoptères EC145. Plus anciens, les Écureuils seront progressivement retirés du service d'ici à 2029. La gendarmerie se trouve ainsi contrainte de fermer temporairement des sections aériennes, dont celle de Limoges.

Dans un premier temps, des redéploiements de machines entre sections permettront de préserver au mieux le fonctionnement de celles-ci. À plus long terme, le renouvellement de la flotte, qui a commencé, assurera une parfaite adaptation aux besoins opérationnels.

Je vous confirme que seize hélicoptères de nouvelle génération H160 et H145 D3 sont commandés pour remplacer les Écureuils réformés. L'affermissement de la tranche conditionnelle du contrat d'acquisition des H145 D3 d'ici à 2027 au profit du ministère de l'intérieur préservera nos capacités d'hélicoptères de sécurité publique.

Mme Isabelle Briquet.  - Merci pour ces réponses. J'espère pouvoir, dans quelque temps, partager votre optimisme... Le renouvellement de la flotte est un impératif.

Les élus sont très attachés à la présence de la gendarmerie dans les territoires et à l'intégrité de ses missions : plus tôt les hélicoptères seront livrés, plus tôt nous serons rassurés sur la pérennité de nos sections aériennes.

Relocalisation urgente de la direction départementale de la police nationale à Foix

M. Jean-Jacques Michau .  - J'attire une nouvelle fois l'attention sur la situation préoccupante des locaux de la direction départementale de la police nationale de l'Ariège, à Foix : dispersés sur trois sites vétustes, ils ne permettent plus aux 90 agents de remplir efficacement leurs missions. Problèmes de salubrité, manque d'espace, non-conformité aux normes de sécurité : autant de contraintes qui pèsent sur le quotidien des policiers.

Alors que les interventions ponctuelles, coûteuses, ne règlent pas les problèmes structurels, le projet de relocalisation dans les anciens locaux de la Banque de France constitue une opportunité unique : sécurisé et fonctionnel, ce bâtiment permettrait de regrouper l'ensemble des services et d'optimiser les coûts à long terme. Au moment où il revient à la vente, il faut agir rapidement pour concrétiser ce projet qui bénéficie d'un large soutien local.

L'État compte-t-il acheter ces locaux dès cette année et engager rapidement les travaux nécessaires à l'installation des agents de la police nationale de l'Ariège ?

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - Chaque jour, les policiers s'engagent sur le terrain pour protéger les Français : ils méritent des locaux dignes et modernes, alors que trop de commissariats sont inadaptés ou vétustes.

À Foix, les locaux sont exigus et très vétustes, en dépit des travaux qui ont été régulièrement réalisés. Tous les acteurs conviennent de la nécessité d'une relocalisation.

Les locaux récemment libérés par la Banque de France permettraient certainement une relocalisation. Des échanges ont eu lieu entre la Banque de France et nos services déconcentrés. Une fois examinés les aspects techniques et budgétaires, il sera possible de prendre une décision.

Dans l'attente d'une solution de relocalisation, le Gouvernement fera tout ce qu'il peut pour que les policiers de Foix disposent de conditions de travail acceptables.

M. Jean-Jacques Michau.  - Il est urgent d'agir. La concrétisation de ce dossier témoignerait de l'engagement de l'État en faveur de la sécurité des Ariégeois et des conditions de travail des fonctionnaires.

Délai de livraison d'un hélicoptère H145 à Briançon

M. Jean-Michel Arnaud .  - Début 2024, le ministère de l'intérieur a passé commande de quarante-deux hélicoptères, dont six pour les forces aériennes de la gendarmerie nationale, auxquelles un premier appareil a été livré en novembre dernier.

La section aérienne de gendarmerie de Briançon-Villar-Saint-Pancrace, dans les Hautes-Alpes, possède depuis 2008 un appareil EC145 que son usage et ses caractéristiques rendent de moins en moins opérant. Or le peloton de gendarmerie de haute montagne de Briançon est la deuxième drop zone de France, avec plus de 1 000 missions aériennes réalisées chaque année, dont certaines requièrent un grand professionnalisme et du matériel performant - ainsi de l'évacuation, le 24 décembre dernier, de 240 skieurs bloqués sur un télésiège à Superdévoluy.

La livraison d'un nouvel hélicoptère H145, plus puissant que la machine actuelle, est nécessaire pour élargir le spectre des opérations réalisables, notamment à l'emport de quantités plus importantes de matériel. Cet appareil facilitera aussi les interventions en cas de vent traversier, fréquent en haute altitude.

Alors que les livraisons doivent s'étaler jusqu'en 2028, la section de Briançon doit être priorisée, d'autant que son hélistation héberge le centre de vol en montagne, destiné à la formation du personnel. Dans quel délai ce nouvel appareil sera-t-il livré ?

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - La flotte aérienne de la gendarmerie nationale est vieillissante : une vigilance particulière est nécessaire en matière de maintenance, ainsi qu'un renouvellement significatif.

Un marché d'acquisition de H145 D3 a été conclu, comprenant une tranche ferme de six appareils et une tranche complémentaire de vingt-deux appareils. Sur les six premiers hélicoptères, deux sont financés par les accords de Sandhurst : ils serviront à la lutte contre l'immigration irrégulière dans la Manche et en mer du Nord. Un autre sera affecté à la section aérienne de Chamonix en 2026, un autre au Centre national d'instruction en 2027. Les deux derniers seront affectés à la section aérienne de Cayenne fin 2027 et début 2028.

Pour le moment, il n'est donc pas prévu de doter la section aérienne de Briançon d'un appareil de ce type avant 2028, si ce n'est ponctuellement.

Convaincu de la nécessité de renouveler le parc des EC145, en particulier en haute montagne, le Gouvernement travaille à ce que la tranche complémentaire du contrat soit affermie avant 2027. La section de Briançon sera alors étudiée en priorité, en raison de l'activité opérationnelle intense que vous avez soulignée.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Merci pour votre réponse, même si elle ne me satisfait pas totalement. Le site de Briançon sera l'un des clusters des jeux Olympiques de 2030 : les personnels, y compris ceux du centre hospitalier, ont besoin de ce nouvel hélicoptère dans un délai qui leur permette de s'y préparer au mieux. J'invite donc le ministre de l'intérieur à accélérer son affectation à Briançon.

Prolifération des commerces de blanchiment d'argent à Paris

Mme Agnès Evren .  - À Paris, riverains, collectifs et associations sont excédés par la prolifération d'ongleries, barber shops et autres épiceries de nuit qui, loin d'être de simples commerces de proximité, sont les vitrines d'un système de blanchiment d'argent au service du crime organisé : particulièrement concentrés dans le nord-est de la capitale, ces établissements alimentent l'insécurité, occasionnent des nuisances permanentes et instaurent une concurrence déloyale avec le commerce traditionnel.

Or que fait la maire de Paris ? Elle ferme les yeux. Par dogmatisme ou lâcheté, Mme Hidalgo refuse d'agir, laissant les réseaux criminels s'enraciner dans nos quartiers.

La proposition de loi visant à mieux lutter contre le narcotrafic prévoit notamment la possibilité pour un maire de demander la fermeture administrative d'un commerce suspecté de blanchiment, mais encore faut-il que les maires s'en saisissent.

Le Gouvernement compte-t-il donner enfin les moyens d'agir aux élus qui y sont prêts, là où d'autres abandonnent sciemment leurs quartiers à la loi du plus fort ?

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - Le blanchiment d'argent est un pan du narcotrafic auquel le ministre de l'intérieur est pleinement attentif.

La proposition de loi sur le narcotrafic, adoptée à l'unanimité par le Sénat et par l'Assemblée nationale à une large majorité, facilitera la fermeture administrative des commerces liés au trafic de stupéfiants. Ce texte transpartisan est le fruit du travail mené dans le cadre de la commission d'enquête du Sénat initiée par le groupe Les Républicains.

Le ministre de l'intérieur a publié, le 12 février dernier, une circulaire sur le dispositif Villes de sécurité renforcée, fondé sur un partenariat avec les élus locaux. Ces derniers peuvent agir contre les commerces litigieux grâce à leurs pouvoirs de police, leur droit de préemption, des signalements et leur participation au conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance.

En outre, le ministre a donné instruction au préfet de police de Paris de mettre au jour le travail dissimulé, l'emploi d'étrangers sans titre et la fraude fiscale. Cette action se poursuivra pour saisir leurs biens et ceux de leur entourage, facilitée par la proposition de loi sur le narcotrafic.

La séance est suspendue à midi quarante.

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

La séance reprend à 18 h 30.