- mercredi 9 avril 2025
- Proposition de loi relative à la reconnaissance de la responsabilité de l'État et à l'indemnisation des victimes du chlordécone - Examen des amendements au texte de la commission
- Les obligations réelles environnementales (ORE) - Audition de MM. Philippe de Séverac, maire de Jaure, Philippe Rogier, sous-directeur de la protection et de la restauration des écosystèmes terrestres du ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, Gilles Martin, professeur émérite des universités en droit privé et Mme Vanessa Kurukgy, chargée de mission ORE à la fédération des conservatoires d'espaces naturels
- Proposition de loi relative à la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse - Désignation d'un rapporteur
- Proposition de loi visant à retirer les produits du bois de la responsabilité élargie du producteur produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB) - Désignation d'un rapporteur
- Proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis
- Proposition de nomination de Mme Lydie Evrard, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de Directrice générale de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) - Désignation d'un rapporteur
- Compte rendu de la réunion du Bureau de la commission
mercredi 9 avril 2025
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Proposition de loi relative à la reconnaissance de la responsabilité de l'État et à l'indemnisation des victimes du chlordécone - Examen des amendements au texte de la commission
M. Jean-François Longeot, président. - Nous examinons les amendements au texte de la commission sur la proposition de loi relative à la reconnaissance de la responsabilité de l'État et à l'indemnisation des victimes du chlordécone.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE LA RAPPORTEURE
Mme Nadège Havet, rapporteure. - L'amendement n° 16 centre le premier alinéa de l'article 1er sur la responsabilité de l'État en ciblant les dommages sanitaires.
Mme Nicole Bonnefoy. - Nous voterons contre car il est moins-disant.
L'amendement n° 16 est adopté.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - L'amendement n° 15 vise à ne pas conférer la qualité d'autorité administrative indépendante (AAI) à l'organe chargé d'indemniser les victimes du chlordécone.
L'amendement n° 15 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Nous demandons l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2 qui supprime la campagne nationale faisant état de la chlordéconémie.
La commission demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - L'amendement du Gouvernement n° 10 vise à pérenniser le plan Chlordécone en l'inscrivant dans la loi. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 10.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - L'amendement n° 11 tend à mieux délimiter le régime d'indemnisation des victimes. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 11.
La commission demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 4.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Avis favorable à l'amendement n° 12 sur l'indemnisation forfaitaire des préjudices.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 12.
M. Jean-François Longeot, président. - Les amendements nos 5 et 6 nous paraissent satisfaits ou sans objet.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 5 et 6.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - L'amendement n° 7 vise à exclure du périmètre d'exonération d'impôt sur le revenu (IR) les indemnités versées au titre du préjudice d'anxiété et celles versées aux ayants droit. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - L'amendement n° 13 a pour objet de retirer du champ des indemnités exonérées d'IR les réparations versées au titre du préjudice d'anxiété. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 13.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - L'amendement n° 8 vise à supprimer la nouvelle taxe sur les produits phytosanitaires créée pour gager la proposition de loi afin de la remplacer par une part de la taxe déjà existante sur les produits phytopharmaceutiques instituée par la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 8.
M. Hervé Gillé. - Madame la rapporteure, vous n'y êtes probablement pour rien, mais la gestion de ce dossier suscite des interrogations. Ce texte issu de votre groupe sera débattu dans votre espace réservé. Lors de la première réunion de commission, vous avez proposé de rejeter le texte. Ensuite, il y a un arbitrage en dernier ressort sur lequel nous devons nous repositionner en vue de la séance publique. Cette méthode nous interroge.
Mme Nicole Bonnefoy. - Cela doit être compliqué pour vous...
M. Jean-François Longeot, président. - Comme la rapporteure l'a bien exposé la semaine dernière, nous n'avons pas choisi de refuser le texte. Nous avons, au contraire, mis à profit le temps entre l'examen du texte en commission et le débat en séance publique pour le retravailler de manière constructive. La rapporteure a depuis le début de ses travaux préparatoires réalisé un travail considérable, dans des conditions qui n'étaient pas les plus adaptées ni les plus simples.
M. Hervé Gillé. - Nous compatissons.
M. Jean-François Longeot, président. - Elle a été exemplaire. L'examen est très sensible compte tenu des enjeux sous-jacents de cette proposition de loi.
Mme Nicole Bonnefoy. - L'auteur de la proposition de loi, M. Théophile, est-il favorable à toutes les modifications proposées par la rapporteure ?
M. Jean-François Longeot, président. - Il est difficile de le dire.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Je serai transparente. Hier, lors de la réunion du groupe politique auquel j'appartiens, j'ai partagé ma proposition de modification du premier alinéa de l'article 1er. M. Théophile l'avait d'ailleurs à sa disposition dès lundi après-midi. J'ai reçu son accord verbal et il m'a demandé de ne pas modifier les alinéas 2, 3 et 4 - ce que j'ai respecté. À cet égard, j'ai donc pleinement répondu au souhait de l'auteur.
M. Jean-François Longeot, président. - La semaine dernière, en commission, je tiens à souligner que j'avais invité l'auteur de la proposition de loi à venir nous présenter son texte et à prendre la parole devant notre commission. Mais encore aurait-il fallu qu'il soit présent pour nous exposer son point de vue.
M. Alexandre Basquin. - Je regrette que nous examinions au pas de charge une proposition de loi aux enjeux sanitaires si importants.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Je le regrette également, d'autant qu'il s'agit de mon premier rapport au fond. Je n'avais eu auparavant la responsabilité que d'un rapport pour avis.
J'ajoute que la modification de la qualification d'AAI retenue pour le comité d'indemnisation des victimes du chlordécone faisait l'objet d'un accord avec l'auteur de la proposition de loi, bien avant la réunion d'examen du rapport de la semaine dernière.
M. Didier Mandelli. - Je partage les avis du président Longeot et de la rapporteure. Elle a été confrontée à une situation inextricable. Je tiens à témoigner de son engagement pour parvenir à un résultat cohérent tant pour la commission que pour le Sénat.
Je regrette que l'examen de ce texte traduise une façon de fonctionner qui ne devrait pas être celle du Sénat. À quoi cela sert-il de nommer un rapporteur si l'auteur refuse que son texte soit modifié et qu'il met la pression sur tout le monde, y compris à l'intérieur de son groupe politique ? Le rapporteur est là pour améliorer le texte ; c'est son rôle et nous le savons, nous qui avons presque tous déjà été rapporteurs. Si l'auteur ne souhaite pas que l'on modifie son texte, à quoi bon désigner un rapporteur ou examiner un texte en commission ?
Alors même que de nombreux échanges ont eu lieu encore tard hier soir, je peux témoigner que tout le monde était mal à l'aise, y compris le Gouvernement. Ce dernier a déposé des amendements tardifs, mais que nous pouvons examiner ce matin. C'est un progrès par rapport à d'autres textes.
C'est une situation un peu inédite : nous avons une proposition de loi avec l'auteur et le rapporteur issu du même groupe politique. On n'a jamais vu l'auteur s'opposer à tout, mettre la pression et exercer des menaces sur la rapporteure et son groupe, y compris en séance publique. Je félicite Mme Havet d'avoir pleinement assumé son rôle de rapporteur, elle aurait pu décider de tout abandonner.
Mme Nicole Bonnefoy. - Nous avions voté à l'unanimité la création d'un fonds d'indemnisation lors de l'examen, en 2018, de la proposition de loi portant création d'un fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques dont j'étais l'auteure, et dont le Gouvernement a amoindri la portée en l'intégrant dans la loi de financement de la sécurité sociale. Ce fonds fonctionne désormais.
Même si le chlordécone est un sujet majeur, au lieu de créer un deuxième fonds spécifique, mieux vaudrait intégrer cet aspect dans le fonds existant, y compris en en modifiant la portée et le montant des indemnisations.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Je partage votre analyse et c'est peut-être d'ailleurs ce que le Gouvernement fera in fine : s'appuyer sur des dispositifs et des fonds qui existent déjà.
M. Jean-François Longeot, président. - La rapporteure a effectué un travail extraordinaire. Hier soir, le ministre de la santé avait encore du mal à définir sa position. Il devait m'informer de son arbitrage et cependant je n'ai eu aucune information. La rapporteure a, de son côté, proposé des solutions et des améliorations. On a l'impression que le Gouvernement se met en retrait, mais ne manquera pas de nous asséner des critiques.
Mme Denise Saint-Pé. - Je tiens à saluer le travail de la rapporteure et dénonce cette entreprise de déstabilisation.
Les sorts de la commission sur les amendements de la rapporteure sont repris dans le tableau ci-après :
Les avis de la commission sur les amendements de séance sont repris dans le tableau ci-après :
Les obligations réelles environnementales (ORE) - Audition de MM. Philippe de Séverac, maire de Jaure, Philippe Rogier, sous-directeur de la protection et de la restauration des écosystèmes terrestres du ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, Gilles Martin, professeur émérite des universités en droit privé et Mme Vanessa Kurukgy, chargée de mission ORE à la fédération des conservatoires d'espaces naturels
M. Jean-François Longeot, président. - J'ai le plaisir d'introduire cette table ronde sur les obligations réelles environnementales (ORE), un instrument juridique original introduit dans notre droit par la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016. Notre échange vise à établir un bilan de ce dispositif et à tracer des perspectives pour favoriser le déploiement d'un instrument intéressant à plusieurs titres pour la préservation de la biodiversité. Je remercie notre collègue Michaël Weber d'avoir proposé d'aborder ce sujet, démontrant ainsi la capacité de notre commission à embrasser le vaste domaine des instruments juridiques favorisant le développement durable.
Cette loi de 2016, examinée au fond par notre commission en 2015 et 2016, avait été rapportée par notre ancien collègue Jérôme Bignon. Pour mémoire, les obligations réelles environnementales prennent la forme d'un contrat par lequel le propriétaire d'un bien immobilier prend à sa charge, ainsi qu'à celle des propriétaires successifs, des obligations actives ou passives à finalité écologique. La finalité est librement définie au profit d'une personne morale ou d'une personne publique ou privée. Il s'agit, en somme, d'un mécanisme qui s'apparente à une servitude contractuelle.
Les propriétaires définissent les obligations réelles « que bon leur semble » dès lors qu'elles ont pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d'éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques. Ce mécanisme est volontaire et conditionné à l'accord préalable et écrit du preneur, conformément au principe de liberté contractuelle des propriétaires. Le champ des obligations possibles est large, recouvrant aussi bien des obligations « négatives » de ne pas faire - maintenir ou conserver -que des obligations « positives », de faire - gérer ou restaurer. Les contreparties aux obligations créées sont définies par l'accord des volontés des parties prenantes, pouvant prendre des formes diverses comme des versements pécuniaires, des aides administratives ou des exonérations fiscales.
C'est un instrument, d'une grande souplesse et adaptabilité, qui présente de multiples avantages pour répondre aux défis multifactoriels d'une préservation efficace de l'environnement. Ce mécanisme, défini à l'article L. 132-3 du code de l'environnement, a été modifié une seule fois lors de l'examen de la loi dite « 3DS » pour préciser que la durée du contrat ne peut excéder quatre-vingt-dix-neuf ans, en cohérence avec le principe de prohibition des engagements perpétuels. Les ORE mettent en oeuvre une approche novatrice en droit de l'environnement, du moins si on l'analyse dans le cadre de notre tradition juridique. Elles reposent sur une démarche ascendante et négociée par laquelle les propriétaires, au lieu d'en être la cible, deviennent co-acteurs de la norme écologique s'appliquant à eux.
L'ORE fait office d'instrument de long terme pour promouvoir la maîtrise du foncier. Elle lie des personnes, mais en considération d'un bien immobilier, siège des obligations, qui se prolongent automatiquement à travers les mutations de propriétés. Il s'agit donc d'un gage de pérennité des engagements : ses effets ne dépendent pas de celui qui l'a souscrite, mais de celui qui maîtrise le bien. Ce mécanisme n'est pas sans précédent à l'étranger. Je pense notamment aux servitudes de conservation en droit anglo-saxon, pratiquées aux États-Unis, au Canada ou en Australie, où ils prennent la forme de programmes d'actions, soutenus fiscalement, encourageant les propriétaires à céder volontairement une partie de leurs prérogatives à un organisme de conservation, dans le but de préserver les qualités écologiques de leur fonds.
Pour explorer ces particularités juridiques et esquisser un bilan qualitatif et quantitatif du déploiement des ORE, près de dix ans après leur introduction dans notre droit, nous avons le plaisir d'accueillir différents experts de ce sujet : Philippe de Séverac, maire de Jaure en Dordogne, qui a signé une ORE de 99 ans pour reboiser une parcelle communale de six hectares ; Gilles Martin, professeur émérite des Universités en droit privé, « inspirateur intellectuel » du mécanisme des ORE ; Philippe Rogier, sous-directeur de la protection et de la restauration des écosystèmes terrestres du ministère de la transition écologique et Vanessa Kurukgy, chargée de mission ORE auprès de la Fédération des conservatoires d'espaces naturels. Avant de céder la parole aux intervenants, je propose une première série d'interrogations pour amorcer les débats et poser le cadre de nos réflexions de ce matin.
En premier lieu, j'aimerais connaître le nombre d'ORE actuellement signées et celles en cours d'élaboration, car il est malaisé de trouver des statistiques fiables sur le sujet. L'absence de mécanisme de suivi fin et régulier de la signature de ces contrats rend complexe la possibilité d'une vision nationale du déploiement et des effets des ORE. Dans le rapport remis au Parlement, avec trois ans de retard, sur le bilan du mécanisme, on dénombrait au 31 décembre 2019 seulement une vingtaine d'ORE en France. La durée moyenne d'une ORE patrimoniale est de soixante-cinq ans et d'environ quarante ans s'agissant des ORE mises en oeuvre dans le cadre de la compensation des atteintes à la biodiversité. Ce chiffre doit avoir largement progressé, aussi aimerions-nous connaître dans quelles proportions. Ce dispositif a connu un démarrage très modeste, pour ne pas dire confidentiel, faute de publicité suffisante, de relais administratifs et de politiques adéquates. Il semblerait cependant que son déploiement soit nettement plus dynamique ces dernières années. Combien en dénombre-t-on ? Pour quelle durée moyenne ? Quelle est la nature des obligations instaurées ? Disposez-vous d'une typologie des porteurs de projets et des finalités associées ? Combien de temps a été nécessaire à leur mise en oeuvre ? Ces données chiffrées sont indispensables pour évaluer concrètement les effets de cette réforme juridique.
En outre, j'aimerais vous interroger sur l'accompagnement que mettent en oeuvre les services déconcentrés, le rôle que jouent les notaires et celui des associations engagées pour la protection de l'environnement en appui au projet. Existe-t-il actuellement des réflexions au niveau du ministère pour renforcer leur visibilité et leur attractivité ? Quels sont les principaux bénéfices induits pour cette contractualisation pour la biodiversité et l'engagement citoyen ? Quelles sont les difficultés qui pourraient être surmontées pour inciter davantage de porteurs de projet et de propriétaires à contractualiser dans ce cadre ? En matière fiscale notamment, quels leviers pourraient être actionnés pour constituer le « coup de pouce » incitant les propriétaires hésitants à franchir le cap ?
Avant de céder la place aux échanges, j'ai le plaisir de vous informer que j'avais demandé aux services compétents du Sénat de conduire une étude de législation comparée sur les outils juridiques de protection des terres privées, dont la publication interviendra à la suite de cette audition, afin de permettre à ceux qui le souhaitent d'approfondir notre réflexion.
Mme Vanessa Kurukgy, chargée de mission ORE auprès de la Fédération des conservatoires d'espaces naturels. - Je travaille à la Fédération des conservatoires d'espaces naturels, qui jouent un rôle fondamental dans le déploiement des ORE. La France compte vingt-quatre conservatoires d'espaces naturels, qui sont régis par un statut associatif et qui sont répartis sur le territoire national grâce à des antennes régionales et départementales. La densité de son réseau lui permet de mettre en oeuvre des actions de gestion des espaces naturels dans près d'une commune sur sept. Plusieurs centaines de milliers d'hectares d'espaces naturels sont ainsi gérés par les conservatoires d'espaces naturels, en pleine propriété, en maîtrise foncière, en bail emphytéotique ou par convention.
Les ORE ont été identifiées dès leur instauration en 2016 par la Fédération des conservatoires d'espaces naturels (FCEN) et le réseau comme un outil à soutenir et à mettre en valeur pour permettre son déploiement. Un poste a été créé au sein de la FCEN à la suite de l'adoption de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages d'août 2016, ce qui a permis la création d'une trame de contrat d'ORE, largement diffusée auprès de nos partenaires privés et publics. Cette trame évolue annuellement grâce au suivi que nous mettons en oeuvre, afin d'intégrer les retours d'expérience et les bonnes idées du terrain.
Cette trame constitue un outil fondamental pour permettre aux parties prenantes de conclure des ORE ; nous avons ainsi opté pour une stratégie fondée sur la pédagogie et la communication à propos de l'outil, ainsi que l'accompagnement des partenaires, comme les parcs naturels régionaux, les associations de protection de l'environnement, les propriétaires particuliers et les collectivités publiques. Notre objectif est de diffuser tant que possible les bonnes pratiques afin de favoriser la conclusion de nombreuses ORE de qualité.
M. Philippe Rogier, sous-directeur de la protection et de la restauration des écosystèmes terrestres. - Je travaille au ministère de la transition écologique, où je suis plus spécifiquement chargé de la sous-direction de la protection et de la restauration des écosystèmes terrestres. Cette sous-direction assure le suivi des différents outils de protection des espaces et milieux naturels, ce qui inclut bien entendu les ORE. Le président de la commission a rappelé les avantages de cet outil volontaire, contractuel, souple, qui repose sur la seule volonté des acteurs. Il permet à tout propriétaire d'un bien immobilier d'instaurer une protection environnementale attachée à son bien pendant une longue durée, permettant ainsi de ne pas être tributaire d'éventuels changements de propriétaire. Cet outil ne mobilise ni les crédits de l'État, ni l'instruction des services déconcentrés, dans la mesure où il s'agit d'une relation contractuelle entre un propriétaire et un co-contractant.
Les ORE constituent un levier important de mobilisation citoyenne en faveur de la protection de la biodiversité. Il existe des incitations à les contracter, comme l'absence de frais d'enregistrement au moment de la signature du contrat, ainsi que des exonérations fiscales que peuvent mettre en place les communes et les intercommunalités : onze communes ont ainsi délibéré en faveur de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties au profit des surfaces couvertes par des ORE.
Des contrats d'ORE ont été signés dans toutes les régions métropolitaines et dans au moins deux régions d'outre-mer. Nous avons recensé environ deux cents ORE patrimoniales et plusieurs centaines d'ORE signées dans le cadre d'une compensation environnementale.
Nous avons travaillé avec le ministère de l'économie et des finances, et plus particulièrement la Direction générale des finances publiques (DGFIP), afin de faciliter l'évaluation et la diffusion de ce dispositif. La DGFIP a émis des consignes auprès de ses implantations territoriales pour recenser les contrats ORE lors de l'enregistrement des contrats au service de la publicité foncière. Selon les éléments recensés, plus d'une centaine d'ORE ont été enregistrées entre juillet 2022 et septembre 2024 ; la durée moyenne est de plus de soixante ans pour les ORE patrimoniales et d'environ trente ans pour celles signées dans le cadre de la compensation. Nous jugeons cependant que ces chiffres sont sous-estimés, en raison des difficultés rencontrées par les services de la publicité foncière au stade de la saisie. Afin d'obtenir des données chiffrées plus fiables et mieux compilées, la DGFIP a récemment émis de nouvelles consignes pour améliorer l'évaluation du nombre d'ORE.
Pour mobiliser les services de l'État, nous avons publié un guide sur le site Internet du ministère, qui comprend des fiches de synthèse établies conjointement avec le Cerema. Cet outil est notamment destiné aux services déconcentrés du ministère pour leur permettre d'avoir une bonne connaissance du dispositif et d'intervenir de façon pertinente auprès des acteurs. Bien que les services déconcentrés de l'État ne soient pas les seuls à inciter à conclure des contrats d'ORE, cet outil peut être utilisé dans une logique de compensation environnementale, notamment dans le cadre de la réalisation de projets nécessitant la prise de mesures compensatoires, conformément à la séquence « éviter, réduire, compenser ». La mise en place d'une ORE permet aux maîtres d'ouvrage d'organiser la compensation environnementale sans devoir nécessairement procéder à l'acquisition de foncier, ce qui constitue une particularité avantageuse pour les porteurs de projet.
M. Gilles Martin, professeur émérite des Universités en droit privé. - Je vous remercie d'avoir rappelé mon implication et mon attachement aux ORE que j'ai contribué à inscrire dans notre droit. J'ai remis en 2008 un rapport à ce sujet et proposé en 2013 un cadre législatif pour ce mécanisme juridique, qui a ensuite été adopté par le Parlement en 2016. Je souhaite articuler mon propos autour de trois temporalités : le passé, le présent et l'avenir.
Les mauvaises performances quantitatives des ORE entre 2016 et 2020 sont multicausales : l'absence de portage politique et administratif ainsi qu'un partage trop lacunaire d'informations autour de ce dispositif ont entravé son développement. Malgré le travail remarquable de la Fédération des conservatoires d'espaces naturels, les élus locaux, les parcs naturels régionaux et les parcs nationaux n'ont pas été suffisamment informés de l'existence de ce dispositif. Ce démarrage difficile peut également s'expliquer par des résistances corporatistes et académiques, ainsi que l'absence de culture contractuelle de notre administration, des associations de protection de l'environnement et des organisations non-gouvernementales (ONG). Enfin, l'insuffisant engagement de la profession notariale a ralenti les efforts de formation et d'information.
La période actuelle est marquée par le développement remarquable des ORE depuis 2021, dont le nombre a continué de croître en 2022, 2023 et 2024. Les retours de terrain dont j'ai connaissance m'amènent à penser qu'environ 8 000 à 10 000 hectares sont couverts par des ORE patrimoniales et 5 000 à 7 000 hectares par des ORE compensatoires. La surface des ORE compensatoires est moindre malgré leur nombre plus élevé, celles-ci portant généralement sur des terrains plus limités en surface. Nous observons donc une croissance très sensible de la surface couverte par des ORE, mais il subsiste encore une belle marge de progression. À titre de comparaison, en 2025, plus de 221 000 contrats équivalents sont actuellement en vigueur aux États-Unis, ce qui représente plus de 15 200 000 hectares.
L'avenir de l'ORE dépend de l'amélioration de l'information à destination des élus locaux et des gestionnaires d'espaces, ce que fait très bien la Fédération des conservatoires d'espaces naturels, mais cet effort doit encore être renforcé pour que le nombre d'ORE contractées continue de croître. Il est fondamental d'améliorer en outre l'information et la formation des notaires ; on peut également envisager de réviser - à la marge - le dispositif législatif pour le purger de certaines mesures susceptibles d'entraver son développement ; enfin, il pourrait être opportun d'explorer l'idée d'une incitation fiscale raisonnable ne portant que sur les ORE patrimoniales de longue durée, c'est-à-dire souscrites par une période d'au moins cinquante ans.
Toute réforme devra veiller à conserver l'esprit initial de l'ORE, fondé sur la liberté contractuelle et la souplesse qui permettent l'adaptation de cet outil aux différents besoins et qui prennent des formes très diverses sur le terrain. J'ai fait l'éloge du législateur en 2016, et notamment du Sénat, pour avoir su résister à la tentation de rigidifier ce mécanisme, alors que les propositions pour l'entraîner dans cette voie étaient nombreuses et insistantes.
M. Philippe de Séverac, maire de Jaure. - En janvier 2024, un contrat d'ORE a été signé dans ma commune en Dordogne, Jaure. Lors de mon élection en 2020, j'ai découvert des parcelles de six hectares en mauvais état. J'ai voulu procéder à une reforestation de cette zone, mais sans pour autant créer une monoculture de pins, qui n'est pas un arbre endémique de Dordogne. J'ai donc cherché à créer une forêt avec les arbres que nous avions jadis. Nous avons pu réaliser ce projet grâce à un contrat d'ORE, dispositif très méconnu : même le notaire de la commune ne le maîtrisait pas ! Certains de mes conseillers municipaux manifestaient de prime abord une certaine réticence par rapport à ce projet, mais je leur en ai expliqué les avantages. La forêt en cours de régénération est désormais protégée pendant une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans, ce qui signifie qu'aucune action de gestion ne pourra être entreprise sur ce foncier sans l'accord des contractants. Notre engagement environnemental sera donc respecté pendant quatre-vingt-dix-neuf ans. Il me paraît indispensable de mieux faire connaître l'ORE aux notaires et aux élus locaux, afin que d'autres communes puissent signer des contrats d'ORE et ainsi participer à l'essor de ce mécanisme intéressant pour la biodiversité.
M. Michaël Weber. - Il me semblait important d'organiser un débat au sein de notre commission sur cet outil instauré dans la loi dite « Biodiversité » de 2016. Il est vrai qu'il aura fallu plusieurs années avant que les propriétaires, les associations ou encore l'administration s'approprient ce dispositif innovant : comme l'a souligné le professeur Martin, la logique contractuelle ne fait pas partie de nos habitudes françaises. Cependant, la Fédération des conservatoires d'espaces naturels comme le Fonds mondial pour la nature (WWF) accompagnent une politique de déploiement des ORE sur des durées très longues de quatre-vingt-dix-neuf ans, ce qui témoigne de l'attention et de l'intérêt nouveau portés aux ORE.
Il me paraît important de favoriser le développement des ORE. En effet, si l'on veut inverser la tendance actuelle d'érosion de la biodiversité, on ne peut se contenter des zones de protection forte : il faut aussi créer des liens entre ces différentes poches de biodiversité, pour que les espèces et les essences puissent s'adapter et survivre face aux effets du changement climatique. Il existe deux types de mécanisme de protection de l'environnement et de la biodiversité : les méthodes de protection « forte », comme les parcs nationaux, et les méthodes de protection « souple », organisée sur la base du contrat qui combine activités humaines et actions de protection des espaces naturels. Les ORE font partie de cette deuxième catégorie.
Les ORE sont instaurées à l'issue d'un processus volontaire, qui permet aux propriétaires de contribuer à un dispositif de protection de long terme et de créer des synergies avec les collectivités, établissements publics et associations de protection de l'environnement.
Le professeur Martin évoquait la possibilité de faire évoluer le dispositif législatif pour contribuer à la démocratisation du mécanisme des ORE : je partage son opinion sur la nécessité de favoriser les ORE patrimoniales de long terme, ces évolutions ne doivent pas donner lieu à des effets d'aubaine, notamment sur les questions de compensation.
Pour encourager le recours à cet outil, il faut au préalable repenser les mécanismes d'incitation économique et fiscale. Quels leviers pourrait-on envisager pour augmenter l'attractivité des ORE ? Les communes ont la faculté d'exonérer de taxe foncière sur les propriétés non bâties les propriétaires engagés dans une démarche d'ORE, mais cette possibilité n'est quasiment pas utilisée, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) n'étant pas prêts à se priver de cette ressource fiscale, alors que leurs recettes sont déjà sous tension. Faut-il envisager de rendre cette exonération systématique et prévoir éventuellement des mécanismes compensateurs de la part de l'État ? Aux États-Unis, des déductions d'impôts significatives, des crédits d'impôts et des allègements des droits de succession ont permis de rendre le mécanisme de servitude environnementale attractif. Ce régime est-il transposable en France ou à l'échelle de l'Union européenne ? En Australie, les propriétaires qui protègent des espaces naturels sont éligibles à des crédits « biodiversité » qui peuvent ensuite être revendus sur un marché dédié. Un dispositif similaire en France serait-il envisageable, associant un contrat ORE à l'obtention de crédits carbone ou de biodiversité ?
Enfin, je souhaiterais vous interroger sur le problème de la comptabilisation du nombre de contrats d'ORE et du bilan incomplet dont nous disposons aujourd'hui. Comment s'assurer une connaissance plus fine du nombre d'ORE et des surfaces concernées ?
M. Gilbert-Luc Devinaz. - L'ORE est un outil novateur, fonctionnel a priori, mais méconnu. Comment mieux faire connaître les ORE pour que les acteurs publics, les propriétaires privés et les institutions s'en emparent ? Est-il pertinent de créer un mécanisme institutionnel de suivi de ces contrats ? Une incitation fiscale mieux calibrée est-elle nécessaire pour accompagner leur développement ?
Par ailleurs, l'ORE pourrait-elle devenir un outil d'apaisement des tensions entre les gestionnaires forestiers, les agriculteurs et les organisations environnementales ?
M. Guillaume Chevrollier. - Les contrats d'ORE sont un sujet récurrent dans nos débats, souvent à l'occasion de l'examen de la loi de finances, au cours duquel nous nous efforçons d'améliorer les dispositifs fiscaux. Cependant, au vu des chiffres annoncés ce matin, nous constatons que ce dispositif est de plus en plus employé et semble présenter de nombreuses vertus.
Comment pouvons-nous contribuer à accélérer son développement dans les territoires pour que ce nouveau modèle de gestion, déjà utilisé par des agriculteurs, des collectivités territoriales ou encore des entreprises, poursuive sa diffusion ? Si les contrats d'ORE sont souvent conclus par des propriétaires particuliers, les entreprises peuvent aussi explorer cette voie à l'heure de la réindustrialisation, de la décarbonation et de la responsabilité sociale et environnementale. Dans mon territoire de Mayenne, une entreprise a par exemple signé une ORE en marge du développement de son activité industrielle, afin de conserver et restaurer une parcelle de huit mille mètres carrés pour une période de cinquante ans.
Il est donc essentiel de sensibiliser les notaires et de mobiliser le monde économique sur ces questions environnementales. L'organisation de cette table ronde y contribue, car il faut parler de ce dispositif existant mais peu répandu.
M. Ronan Dantec. - Je me rappelle avec une certaine nostalgie le travail que nous avions réalisé ici même avec notre ancien collègue Jérôme Bignon, il y a presque dix ans déjà. Sans volonté de polémiquer, je me permets de rappeler que nous étions alors capables d'avancer ensemble sur les sujets de biodiversité. Nous avions voté au Sénat plusieurs propositions mieux-disantes en la matière. Je souhaite que nous retrouvions l'esprit de ce temps-là.
Lorsque nous avions travaillé sur la loi dite « Biodiversité », et plus particulièrement sur la question de la comptabilisation des mesures compensatoires, nous avions mis en place un système permettant la gestion, la géolocalisation, le suivi et le contrôle des mesures compensatoires des atteintes à la biodiversité. Cet outil de géolocalisation est-il réellement utilisé aujourd'hui ?
Ma seconde question porte sur la fragmentation des espaces et les corridors de biodiversité. Les contrats d'ORE permettent-ils d'assurer que l'ensemble de ces zones protégées font système ?
M. Jean-Claude Anglars. - Je voudrais témoigner d'une expérience réussie portée dans l'Aveyron, et plus spécifiquement dans la vallée du Lot : la réserve naturelle régionale des Coteaux du Fel, où cent trente-sept hectares, constitués entre autres d'anciennes châtaigneraies, d'anciens coteaux de vignes et de prairies, font l'objet d'une ORE portant sur la restauration de l'écosystème de la vallée. La liberté contractuelle et la souplesse de ce mécanisme ont permis d'associer les différentes parties prenantes, et notamment les agriculteurs et la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), grâce à un dialogue fructueux et une complémentarité d'action. La réserve naturelle régionale des Coteaux du Fel participe désormais au développement local : non loin de là, un petit vignoble a pu se développer grâce à ce travail de complémentarité.
M. Alain Duffourg. - Quel est l'impact de la conclusion de contrats d'ORE pour les baux ruraux conclus avec les agriculteurs ? Par ailleurs, comment ce dispositif peut-il s'intégrer dans la gestion des parcs naturels régionaux ?
M. Philippe Rogier. - En 2025, nous mettrons en place un dispositif incitatif, afin de reconnaître au cas par cas les zones de protection forte - les ORE n'étant pas systématiquement considérées comme des zones de protection forte. Ce dispositif permettra aux communes de placer plus de dix hectares sous protection forte, ce qui pourra conduire à majorer la dotation pour aménité rurale des communes rurales. Elles auront donc intérêt à ce que des ORE soient conclues et reconnues au terme d'une évaluation des surfaces considérées comme zones de protection forte. Cette possibilité de majoration est déjà prévue par le droit, mais nous souhaitons la rendre plus effective en facilitant la reconnaissance des sites.
M. Hervé Gillé. - Il est possible de croiser différents enjeux environnementaux au sein d'un même contrat d'ORE, en y associant par exemple également la protection des aires d'alimentation de captage en eau. Serait-il possible d'élaborer une boîte à outils pour procéder à l'inventaire des différents instruments à la disposition des collectivités pour protéger ces aires de captage ? En effet, les paiements pour services environnementaux (PSE), les mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec) et les ORE pourraient participer à une stratégie globale de protection des aires de captage, en complément de la mobilisation d'autres accompagnements particuliers.
Dans la continuité de l'intervention de mon collègue Ronan Dantec, il faudrait que les stratégies de continuité écologique fassent l'objet d'une réflexion approfondie au niveau des schémas de cohérence territoriale (Scot), afin que les trames vertes et bleues soient réellement prises en compte, et examiner comment les documents d'urbanisme peuvent intégrer ces dispositifs pour accompagner les stratégies de maîtrise foncière.
M. Olivier Jacquin. - Je cherche aujourd'hui à céder mon exploitation agricole et j'ai la volonté de conclure une ORE afin de l'attacher à l'acte de cession. Pendant des décennies, j'ai planté des linéaires de haies et je tiens à ce qu'elles soient préservées. Cependant, j'ai rencontré d'importantes difficultés, et notamment pour trouver un notaire qui accepte de s'engager dans ce processus. J'ai réussi à trouver un notaire acceptant de m'accompagner dans cette démarche de contractualisation en vue d'instaurer des ORE, mais sans le concours d'un agent du parc national régional de Lorraine, nous n'aurions pas réussi à venir au bout de cette entreprise. L'intervention de mon collègue Hervé Gillé était particulièrement intéressante, notamment sur la protection des périmètres de captage. Les ORE peuvent-elles faire office d'outil adapté pour mieux protéger ces périmètres ?
M. Philippe Rogier. - La loi dite « 3DS » du 21 février 2022 a permis d'établir un lien entre les aires de captage et les ORE. Les biens acquis dans le cadre du droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine peuvent désormais être cédés en ayant la garantie de la protection effective des surfaces : la collectivité acquiert des terrains, instaure des ORE pour la préservation de la ressource, puis les cède. Elle n'est donc pas tenue de rester propriétaire des terrains, tout en ayant l'assurance qu'ils resteront exploités de manière compatible avec la préservation des ressources en eau.
En outre, vos questions m'invitent à évoquer les sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation (SNCRR), qui ont été confortés par la loi « industrie verte » d'octobre 2023. Ce dispositif, pourtant prometteur, n'a pas non plus rencontré le succès escompté : seulement trois sites ont fait l'objet d'un agrément au titre de ce régime. En plus de la compensation, la loi « industrie verte » a par ailleurs étendu ce dispositif à la restauration et à la renaturation.
Les SNCRR constituent la traduction concrète et opérationnelle des crédits « biodiversité » puisqu'ils permettent la mobilisation de moyens privés pour restaurer la nature. La ministre Agnès Pannier-Runacher s'engage résolument en faveur de ce dispositif : nos services font la promotion de cet outil qui permet la restauration de milieux naturels, sur une base volontaire, mais aussi d'anticiper les besoins de compensation des projets d'aménagement ou de réindustrialisation dans les régions qui connaissent une forte tension foncière. Nous souhaitons promouvoir une approche anticipatrice, pour réaliser les aménagements nécessaires là où les impacts sur la biodiversité et la ressource en eau seront les moindres.
Les documents d'urbanisme permettent d'identifier les zones où des compensations pourront être prévues - notamment grâce aux outils comme les ORE ou les SNCRR - et les documents de planification, qui se situent au croisement des trames vertes et bleues, peuvent aider à établir des liens entre ces différents éléments. Le code de l'urbanisme prévoit en outre l'identification des zones préférentielles de renaturation urbaine : ces secteurs sont à privilégier pour promouvoir les ORE, ainsi que pour mettre en place des SNCRR.
Mme Vanessa Kurukgy. - Le réseau des conservatoires d'espaces naturels dépassera cette année le cap des 100 ORE : quatre-vingt-dix-sept étant déjà signées et plusieurs dizaines étant en cours de finalisation. Plus de trois quarts des ORE sont patrimoniales, et plus de la moitié des contrats d'ORE que nous signons prévoient la durée maximale de 99 ans. Un quart à un tiers des ORE sont instaurées sur du foncier public, preuve que les communes se sont emparées de cet outil.
Au niveau national, des associations comme la LPO ou WWF, via le fonds Nature Impact, ou des entreprises, telles que Nestlé et Clarins, commencent à s'emparer de cet outil et on compte désormais plusieurs centaines d'ORE patrimoniales en France. Un recueil de retours d'expérience sera prochainement publié sur notre site, afin de présenter l'outil et des illustrations concrètes. Cet outil est un formidable instrument de dialogue dans les territoires, consensuel et ascendant. Il permet aux élus, aux particuliers et aux entreprises d'échanger et de trouver ensemble des solutions pérennes et efficaces pour protéger la nature. L'exemple de Clarins est très parlant : cette entreprise ayant besoin de la biodiversité, qui est au fondement de son activité économique, l'ORE est devenue un outil de partage de points de vue, de connaissances et de projets sur un même territoire. Il me semble que c'est la seule manière de promouvoir ces actions de manière efficace et dans l'apaisement. J'échange régulièrement avec des agriculteurs, des fédérations de chasseurs, nous avons signé plusieurs ORE avec ces derniers - les chasseurs étant expressément identifiés dans le texte. Cela démontre que les ORE permettent d'incarner l'écologie positive et de construire des projets communs dans le territoire.
S'agissant des trames vertes et bleues, elles font partie des nombreux sujets identifiés par les associations de protection de l'environnement et par les collectivités qui signent les ORE en tant que co-contractants. Certaines ORE sont signées avec l'objectif premier de préserver ou de participer à la constitution d'une trame verte et bleue : c'est tout l'intérêt de cet outil contractuel. Notre fédération préconise de réfléchir, de débattre et d'écrire dans un préambule une description du site, de son intérêt environnemental, des objectifs de l'ORE et des moyens fixés pour y parvenir.
S'agissant de la question du sénateur Olivier Jacquin sur la transmission d'exploitations agricoles, nous avons signé une dizaine d'ORE avec des agriculteurs au sein du réseau des conservatoires, afin de protéger l'environnement, mais aussi le travail d'une vie : ceux qui ont consacré toute leur vie professionnelle à restaurer des écosystèmes, à pratiquer le pâturage extensif, à préserver les cours d'eau ne souhaitent pas que ces bienfaits soient anéantis une fois qu'ils cessent leur activité.
En amont de la signature d'une ORE, les propriétaires font potentiellement face à une double difficulté : l'identification d'un co-contractant pour signer l'ORE et la recherche d'un notaire intéressé par une telle opération. Nous tentons aujourd'hui de constituer un fichier de notaires travaillant sur les ORE pour les mettre en contact avec les propriétaires fonciers. Il est moins difficile de trouver un co-contractant aujourd'hui, beaucoup d'associations s'étant emparées du sujet, mais celles-ci manquent de moyens humains et de connaissances pour négocier le contrat et assurer le suivi des ORE.
La Fédération des conservatoires d'espaces naturels a récemment été entendue par l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd) dans le cadre d'une mission sur la valorisation des outils fonciers, et notamment des ORE : nous avons proposé de renforcer le dispositif et de rappeler qu'il est essentiel de mettre en place des formations à destination des personnes privées et des services déconcentrés de l'État. Je me rendrai prochainement en Bretagne et en Pays de la Loire pour sensibiliser les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) à cet outil ; nous avons également travaillé avec la Dreal PACA sur les sujets de compensation, car nous considérons que les ORE doivent être maniées avec précaution dans le cadre d'une opération de compensation.
M. Gilles Martin. - Pour répondre au sénateur Ronan Dantec sur les corridors écologiques et la cohérence d'ensemble du dispositif, je rappellerai le travail des agences de l'eau Seine-Normandie et Rhin-Meuse, qui ont pris contact avec des propriétaires fonciers pour les inciter à signer des contrats d'ORE, comportant notamment l'engagement d'utiliser moins de pesticides, pour protéger l'ensemble du bassin hydrographique.
Je rebondis également sur la question du sénateur Duffourg relative à l'impact sur les baux ruraux. La loi prévoit que lorsque le foncier fait l'objet d'un bail rural, le bailleur doit demander l'accord préalable du preneur pour signer l'ORE, qui doit répondre sous un certain délai et motiver son refus.
Je partage pleinement l'avis du sénateur Anglars qui nous a fait part de l'ORE de restauration de la vallée du Lot : l'ORE joue souvent le rôle d'outil de médiation, de dialogue et d'apaisement essentiel pour ceux qui en ont en fait l'expérience.
Les outils traditionnels d'urbanisme restent fondamentaux si l'on veille à ce que subsistent des incitations à signer les ORE. Il est en effet à mes yeux indispensable de préserver le caractère volontaire et souple des ORE.
Je souhaiterais mentionner également le Conservatoire du littoral aux côtés des établissements signataires d'ORE qui ont déjà été cités, qui agit notamment dans les zones à très forte pression foncière : il a par exemple signé deux ORE dans le golfe de Saint-Tropez, où le prix du foncier est très élevé.
Je salue le travail de la Fédération des conservatoires d'espaces naturels, en particulier pour la réalisation de leur prochain recueil, auquel j'ai été invité à participer, qui paraîtra bientôt et contribuera, je l'espère, à la promotion de cet outil. J'ai également été entendu par l'Igedd, ce qui démontre bien l'intérêt du ministère pour la question des ORE : j'ai notamment été interrogé sur l'exonération fiscale, notamment l'exonération partielle de droits de mutation pour les ORE patrimoniales de longue durée. Cette mesure pourrait créer une forte incitation, comme c'est le cas aux États-Unis.
M. Philippe de Séverac. - Je suis régulièrement en contact avec des maires qui m'interrogent sur l'ORE forestière que nous avons mise en place : beaucoup d'élus sont intéressés mais force est de constater que cet outil est encore largement méconnu ; il est urgent de faire connaître ce mécanisme et de simplifier son accès. Notre ORE est une réussite, puisque les chasseurs et randonneurs en sont satisfaits et nous signalent même les destructions d'espèces végétales commises dans le périmètre de l'ORE. Par ailleurs, un arboretum a pu être créé grâce à ce contrat.
M. Philippe Rogier. - Pour répondre au sénateur Dantec sur l'utilisation de l'outil de géolocalisation mis en place par la loi « Biodiversité », l'outil GéoMCE de localisation des mesures compensatoires environnementales permet en théorie de recenser les mesures d'évitement, de réduction et de compensation. Après la parution des textes d'application, l'outil a inclus les ORE, afin d'indiquer les terrains soumis à une ORE. Un an après sa mise en place, nous avons recensé onze mesures compensatoires prescrivant des ORE renseignées sur l'outil GéoMCE, mais nous devons nous assurer que ce fichier est bien à jour et rempli correctement.
M. Jean Bacci. - Mes propos seront quelque peu dissonants avec certaines prises de paroles de mes collègues. Je rejoins mes collègues Michaël Weber et Ronan Dantec sur la nécessité de créer du lien entre les différentes poches de biodiversité, mais je m'interroge sur l'interprétation qui est faite des règles environnementales selon les territoires.
Les experts de l'Inrae sont clairs : sans intervention humaine et laissée en libre évolution, la forêt méditerranéenne du sud de la France périra d'ici 2050, décimée par les incendies ou desséchée. Intervenir signifie retirer de la matière, ce qui permet à la fois de protéger la forêt contre les incendies en réduisant le combustible et de préserver la biodiversité, qui est largement concentrée dans la forêt : si cette dernière brûle, c'est toute la biodiversité qui disparaît avec elle.
L'incendie qui a frappé la forêt de Gonfaron en 2021 est symptomatique. Dans la réserve biologique intégrale des Maures, nous n'avons pas pu aménager les pistes nécessaires au passage des véhicules des sapeurs-pompiers, au motif que des espèces florales auraient été abîmées et que le milieu de vie des tortues aurait été perturbé. Tout a été perdu dans l'incendie et plusieurs centaines de tortues ont disparu. Il faut savoir raisonner avec pragmatisme : dans le Var, nous devons choisir entre laisser vivre la forêt ou une protection réaliste, pour éviter le désastre.
Malgré la prégnance et l'intensification du risque incendie en France, nous avons mis en lumière dans notre rapport d'information « Feux de forêt et de végétation : prévenir l'embrasement » de 2022 que les obligations légales de débroussaillement (OLD), qui constituent un vecteur important pour protéger les biens, les habitations et la forêt, n'étaient respectées qu'à 30 % et qu'il était impératif de simplifier les arrêtés afin qu'ils soient généralisés.
La loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie de juillet 2023 a mis en oeuvre les recommandations d'un rapport d'information de notre commission ; notre souhait était que les arrêtés soient modifiés et adaptés dans les deux ans suivant la promulgation de cette loi, afin que la majorité des opérations de débroussaillement soient réalisées sur le territoire. Ces arrêtés sont encore en cours d'élaboration. Cependant, en 2024, la ministre de l'environnement a publié un arrêté pour faire évoluer le régime des OLD en préservant la biodiversité et pourtant, les associations de protection de l'environnement ont contesté cet arrêté devant la juridiction administrative. Alors que nous avions souhaité une simplification administrative pour faciliter la réalisation des OLD, ces arrêtés sont soumis à une procédure très lourde qui comprend désormais vingt-cinq pages de prescriptions ! Les élus locaux ne seront jamais en mesure d'appliquer ces nouveaux arrêtés : ils protesteront systématiquement ; les préfets chargés de contrôler leur bonne application ne disposent pas des moyens humains nécessaires ; et de plus, les interprétations divergent selon les territoires. Il est nécessaire de mener un travail transversal et non plus en silo, car la situation devient ubuesque.
Mme Vanessa Kurukgy. - Vos propos illustrent parfaitement les avantages de l'ORE, qui n'est pas un outil réglementaire, mais un contrat de territoire. C'est un dispositif volontaire, créé et intégré au code de l'environnement, qui nécessite l'accord des parties prenantes pour être mis en oeuvre. Sans accord entre les parties, aucune ORE ne voit le jour. L'ONF et des associations telles que Forêt méditerranéenne, sont parties prenantes à certaines ORE. J'ai eu l'occasion de présenter le dispositif à des propriétaires forestiers ayant des points de vue divergents sur l'ORE : ceux qui le souhaitaient ont pu en signer, les autres n'ont en aucune façon été contraints d'appliquer des règles envisagées dans le cadre de la démarche contractuelle. C'est tout l'intérêt de la souplesse permise par la contractualisation. Il est important de rappeler que l'ORE n'est pas un outil descendant, mais ascendant, qui nécessite l'accord de toutes les parties prenantes pour être mise en oeuvre : si toutes les parties s'entendent, le contrat peut être signé dans un délai de six mois, mais sinon, le processus de signature peut durer plusieurs années, voire ne jamais aboutir.
Enfin, l'ORE est un contrat qui ne déroge pas aux autres règles de droit qui s'appliquent en vertu des différentes législations : il faut intégrer le contexte juridique dans lequel s'inscrit le projet, y compris les droits des tiers et la réglementation existante.
Certaines ORE sont créées en partenariat avec des experts forestiers ayant une connaissance technique et scientifique pointue de leur territoire ; d'autres sont signées dans l'objectif de mettre en place une exploitation forestière avec des pratiques permettant une sylviculture à couvert continu. Sur le parcellaire de l'ORE, il est possible d'instaurer une trame pour protéger une espèce donnée, de fermer partiellement l'accès au public pour préserver un îlot de sénescence ou un îlot de libre évolution. C'est tout l'intérêt de cet outil sur mesure. Il s'agit en quelque sorte de « haute couture foncière », si elle est bien faite. Ceci nous amène à la question des moyens humains : il faut des élus, des propriétaires fonciers et des associations de protection de l'environnement ayant une certaine expertise foncière, du temps et des moyens pour étudier le terrain, échanger et faire adapter le contenu de l'ORE aux besoins et aux contraintes.
Je pense donc que cet outil ne doit pas être pensé en dehors de la réglementation. Il n'est pas symptomatique des problématiques que nous rencontrons lorsque nous appliquons le droit de l'environnement, bien au contraire : il s'agit d'une base de discussion sur l'avenir qu'un propriétaire souhaite donner à son patrimoine foncier.
M. Gilles Martin. - Je partage entièrement l'avis de madame Kurukgy, cet outil est à la fois volontaire dans son principe et dans son contenu. Les propriétaires ont la liberté de signer ou non le contrat, et sont insérées au contrat uniquement les obligations qu'ils acceptent. C'est un outil adaptable, conçu pour répondre aux besoins divers du terrain, indépendamment des contraintes du foncier et des caractéristiques des écosystèmes.
M. Philippe Rogier. - Désormais, c'est au sein du même ministère que sont prises en charge la forêt et la biodiversité, ce qui permet de porter facilement un travail conjoint sur les OLD, afin de favoriser les débroussaillements pour protéger la forêt, sa biodiversité, mais aussi les biens et les personnes. Cependant, il est vrai qu'une logique mal pensée et non systémique peut causer des ravages sur la biodiversité. Nous avons donc essayé de trouver un juste équilibre entre débroussaillement, pour se protéger contre les incendies, et protection des espèces présentes, afin de limiter les impacts. Un travail est par exemple mené au parc national des Calanques, en bordure de lieux habités : nous arrivons à réaliser des OLD, y compris dans des secteurs très sensibles du point de vue de la biodiversité et du risque incendie.
M. Jean-François Longeot. - Je remercie l'ensemble des intervenants, Philippe de Séverac, Gilles Martin, Philippe Rogier et Vanessa Kurukgy pour la qualité des échanges et la pertinence de leurs analyses. Je salue également notre collègue Michaël Weber d'avoir proposé ce thème pour nos réflexions collectives, car si l'ORE constitue de prime abord un sujet technique, il s'agit surtout d'outil souple et intéressant, particulièrement pour nous membres de la chambre des territoires. Deux mots résonnent positivement à mes oreilles : « écologie positive » et « démarche ascendante ». Notre table ronde a démontré que le mot écologie ne rime pas nécessairement avec punition ou exclusion, ce rappel n'est pas inutile. Le mot « ascendant » illustre tout l'intérêt des dispositifs qui partent de nos territoires et donnent aux acteurs locaux les moyens de mettre en oeuvre les projets qu'ils définissent avec des effets bénéfiques pour la biodiversité. Les ORE sont une illustration de cette double vertu qui favorise l'acceptation des mesures de protection de la nature. Je forme le voeu que cet outil, encore trop confidentiel aujourd'hui, se développe. Notre table ronde permettra peut-être d'aller dans ce sens.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Proposition de loi relative à la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse - Désignation d'un rapporteur
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, j'en viens au troisième point de notre ordre du jour. Nous devons procéder à la désignation d'un rapporteur sur la proposition de loi relative à la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse.
Le projet de liaison autoroutière Castres-Toulouse, aussi appelé autoroute A69, revient régulièrement dans les actualités ces dernières années, cela n'a échappé à personne.
Pour être plus précis, ce projet qui doit relier la rocade de Castres à l'agglomération de Toulouse consiste en un doublement de l'A680 entre Castelmaurou et Verfeil, et la construction en tracé neuf de l'A69 (dont 9 km réaménagés sur les 53 km de la portion neuve).
Ce trajet, qui constituera une alternative à la RN 126 existante, devrait favoriser le développement économique et l'attractivité du Sud du Tarn et de Castres, tout en améliorant l'accessibilité à Toulouse. Il répondra aux besoins de l'économie locale, offrira un gain de temps pour la liaison Castres-Toulouse et renforcera la sécurité routière.
Ce projet, dont les prémisses remontent aux années 1990, s'est vu délivrer une autorisation environnementale en mars 2023. Celle-ci a été annulée par le tribunal administratif de Toulouse en février dernier, car il a estimé qu'il ne répondait pas à une raison impérative d'intérêt public majeur. Le chantier a donc dû être interrompu, en attendant la décision du juge d'appel.
La présente proposition de loi vise à valider l'autorisation environnementale du projet d'A69, afin de permettre une reprise du chantier.
Conformément aux conclusions de la Conférence des présidents, ce texte sera examiné en commission mercredi 7 mai et en séance publique le jeudi 15 mai, dans le cadre de l'espace réservé du groupe Union centriste.
En vue de cet examen, j'ai reçu la candidature de Franck Dhersin et je vous propose de le désigner en qualité de rapporteur.
La commission désigne M. Franck Dhersin rapporteur sur la proposition de loi n° 452 (2024-2025) relative à la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse, présentée par M. Philippe Folliot, Mme Marie-Lise Housseau et plusieurs de leurs collègues.
Proposition de loi visant à retirer les produits du bois de la responsabilité élargie du producteur produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB) - Désignation d'un rapporteur
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, j'en viens désormais au quatrième point de notre ordre du jour. Nous devons procéder à la désignation d'un rapporteur sur la proposition de loi relative à l'exclusion des produits du bois de la responsabilité élargie du producteur « Produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment » (REP PMCB).
La déclinaison du principe d'économie circulaire dans les différents secteurs économiques concernés mobilise une nouvelle fois la commission en ce printemps 2025. Cinq ans après la publication de la loi anti-gaspillage et pour une économie circulaire, dite loi « Agec », force est de constater que la mise en oeuvre effective de ses différents volets se révèle complexe. La mission d'information actuellement conduite par nos collègues Marta de Cidrac et Jacques Fernique depuis janvier dernier, dont nous aurons l'occasion d'examiner les travaux en juin, a justement pour objectif de tirer un premier bilan global de l'application de cette loi.
La proposition de loi rédigée par notre collègue Anne-Catherine Loisier, dont plusieurs d'entre vous se sont portés signataires, concerne plus spécifiquement la déclinaison de ce principe d'économie circulaire au secteur du bâtiment.
Le secteur du bâtiment est, après celui des travaux publics, la principale source de production de déchets en France, avec environ 15 % des déchets produits. Cette activité représente 42 tonnes de matériaux par an, soit autant que l'ensemble des déchets des ménages. La gestion de ces déchets constitue donc un enjeu de premier plan pour les élus locaux et une préoccupation ancienne du fait du volume considérable de ces déchets et de la fréquence du phénomène des dépôts sauvages des déchets issus du secteur.
La loi Agec a tenté de répondre à cet enjeu stratégique en appliquant au secteur du bâtiment le principe dit du « pollueur-payeur » : les producteurs de matériaux de construction sont désormais redevables d'une écocontribution afin de financer la collecte et le traitement de ces déchets spécifiques.
Cependant, la mise en place effective de ce dispositif, plusieurs fois retardée, s'est déjà heurtée à des difficultés d'une ampleur telle que le ministère de la transition écologique vient d'annoncer il y a deux semaines une refonte du dispositif à l'issue d'un moratoire qui débutera en avril.
La proposition de loi qui nous a été soumise porte sur le cadre réglementaire régissant cette écocontribution et plus particulièrement sur son périmètre. L'objet de la proposition est en effet d'exclure les produits de la filière du bois-construction du dispositif au vu de la spécificité mise en avant par la filière.
En ce qui concerne le calendrier d'examen, le groupe Union centriste a demandé l'inscription de cette proposition de loi dans le cadre de son espace réservé du jeudi 15 mai prochain. En conséquence, l'examen du rapport et du texte de commission interviendra le mercredi 7 mai prochain.
En vue de cet examen, j'ai reçu la candidature de Bernard Pillefer. Je vous propose donc de le désigner en qualité de rapporteur.
La commission désigne M. Bernard Pillefer rapporteur sur la proposition de loi n° 242 (2024-2025) visant à retirer les produits du bois de la responsabilité élargie du producteur produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB), présentée par Mme Anne-Catherine Loisier et plusieurs de ses collègues.
Proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires, déposée par notre collègue Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales, sera examinée en séance publique à partir du lundi 12 mai prochain.
Notre commission mène depuis plusieurs années un travail de fond pour proposer des mesures pragmatiques et de bon sens, afin de lutter contre les inégalités territoriales d'accès aux soins. Nous avons su construire un consensus transpartisan sur cet enjeu essentiel, en plaçant les difficultés rencontrées par les patients au coeur de notre approche. Les deux derniers rapports d'information de la commission, adoptés en mars 2022 et novembre 2024, ont montré combien la situation actuelle est inacceptable et formulé des recommandations ambitieuses pour y répondre.
Dans un rapport d'information adopté en janvier 2020, et dont j'avais été le rapporteur, je plaidais déjà pour la mise en place d'une forme de régulation de l'installation des médecins selon le principe « une arrivée pour un départ » dans les zones les plus dotées.
Je suis heureux que ce texte propose également de réguler l'installation des médecins dans ces zones. Le consensus sur cette question dépasse maintenant les murs de cette salle !
Je vous propose donc que notre commission se saisisse pour avis des articles 1er à 10 du texte, qui concernent le pilotage de la politique de santé au plus près des territoires et le renforcement de l'offre de soins dans les territoires sous-dotés.
En vue de cet examen, j'ai reçu la candidature de Bruno Rojouan. Je vous propose donc de le désigner en qualité de rapporteur.
La commission désigne M. Bruno Rojouan rapporteur pour avis sur la proposition de loi n° 494 (2024-2025) visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires, présentée par M. Philippe Mouiller.
Je cède maintenant la parole à Bruno Rojouan, qui souhaite vous informer d'une démarche qu'il a lancée dans la continuité de son rapport d'information du 13 novembre dernier et qui a été approuvée ce matin par l'ensemble des membres du bureau.
M. Bruno Rojouan. - Monsieur le président, chers collègues, je souhaite aborder la question des disparités territoriales d'accès aux soins. J'ai déjà pu échanger avec plusieurs d'entre vous sur l'opportunité d'appeler l'attention des ministres compétents sur ce sujet, Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins, et sa ministre de tutelle Catherine Vautrin en leur adressant un courrier.
Cette démarche aurait pour objectif de mieux mettre en avant du Gouvernement les travaux que notre commission a menés sur ce sujet, notamment les deux rapports d'information dont j'ai été le rapporteur. Elle permettrait de souligner la spécificité de notre approche, marquée par le souci constant de répondre aux aspirations légitimes des patients, et d'être à l'écoute des acteurs de terrain, associations de patients et élus locaux.
Il me semble en particulier impératif d'exposer des recommandations que nous partageons tous, selon quatre axes bien identifiés :
- Tout d'abord, pour répondre aux besoins des zones médicalement sous-dotées, il est indispensable d'encadrer l'installation des médecins dans les zones surdotées. L'installation d'un nouveau médecin généraliste serait conditionnée à l'ouverture d'un cabinet secondaire dans une zone sous-dotée ; celle d'un nouveau médecin spécialiste serait conditionnée au départ d'un professionnel exerçant la même spécialité, selon la règle « une installation pour un départ ».
- Ensuite, à plus long terme, il serait pertinent de réguler globalement l'installation des professionnels des besoins de santé en fonction des besoins, sur le modèle du système allemand de planification des besoins.
- En même temps, il est également indispensable de mieux partager les compétences entre les professions de santé, notamment en faveur des infirmiers et des pharmaciens, ainsi que d'ouvrir l'accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes pour certaines pathologies.
- Enfin, mener un choc de territorialisation des études de santé est primordial. Il est à cet égard indispensable que les internes en quatrième année de médecine générale, les fameux « docteurs juniors », effectuent leurs stages dans des zones médicalement sous dotées. De surcroît, il ne faut pas s'arrêter là et il est en effet nécessaire de lancer un plan d'ouverture d'urgence de facultés et d'antennes de facultés de médecine dans des villes de taille moyenne à proximité des zones médicales sous-denses.
Ce courrier est signé par un représentant de chaque groupe politique au nom de l'ensemble des membres de la commission pour montrer l'esprit de consensus dans lequel nous avons travaillé.
Vous avez pu consulter ce projet sur l'application Demeter, et je suis à votre écoute pour répondre à vos questions sur ce sujet.
Proposition de nomination de Mme Lydie Evrard, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de Directrice générale de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) - Désignation d'un rapporteur
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, nous abordons le sixième point de notre ordre du jour, à savoir la désignation d'un rapporteur sur le projet de nomination aux fonctions de directeur général de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). Le Président de la République propose la candidature de Mme Lydie Evrard, actuelle directrice générale adjointe chargée de la sûreté et de la sécurité nucléaire de l'Agence internationale de l'énergie atomique (IAEA). Nous pourrions l'entendre mercredi 30 avril prochain, en application de la procédure prévue au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
Pour mémoire, M. Pierre-Marie Abadie assurait ces fonctions depuis le 21 octobre 2014, jusqu'à sa nomination, en qualité de président de l'Autorité de sûreté nucléaire, le 13 novembre dernier, après son audition par notre commission et par nos homologues de l'Assemblée nationale.
En attendant la nomination de son successeur, Mme Gaëlle Saquet, secrétaire générale de l'Andra assure l'intérim.
L'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs avait été créée en 1979 en tant que direction au sein du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). En 1991, la loi dite « Bataille » a transformé le statut de l'Agence pour en faire un établissement public industriel et commercial (Epic) placé sous la tutelle des ministres chargés respectivement de l'énergie, de la recherche et de l'environnement. Par la suite, la loi du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs est venue compléter la loi de 1991 en consacrant les travaux de recherche de l'Andra, en renforçant ses missions de gestion à long terme des déchets radioactifs et en prévoyant que le Gouvernement établisse, tous les 3 ans, un plan national pour la gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR). Le dernier plan « 2022-2026 » a été réalisé à la suite d'un débat public organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP). Enfin, pour mémoire, l'Andra assure la maîtrise d'ouvrage du projet Cigéo de stockage souterrain de déchets radioactifs à vie longue sur le site de Bure.
Je vous rappelle que l'article 19 bis du Règlement du Sénat prévoit qu'en amont de cette audition au titre de l'article 13 de la Constitution, la commission désigne un rapporteur chargé des travaux préparatoires.
J'ai reçu la candidature de notre collègue M. Paul Vidal.
La commission désigne M. Paul Vidal rapporteur sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de Mme Lydie Evrard aux fonctions de directrice générale de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), en application de l'article 13 de la Constitution.
Compte rendu de la réunion du Bureau de la commission
M. Jean-François Longeot, président. - Je souhaite vous rendre compte en quelques mots des décisions de notre réunion de bureau qui s'est tenue ce matin.
Le Bureau de la commission a en effet acté le principe de la création d'une mission d'information sur le programme « Petites Villes de Demain » (PVD).
Ce dispositif, mis en place en 2020, vise à soutenir le rôle structurant des villes de moins de 20 000 habitants dans le développement des territoires ruraux.
Ce programme arrivera à son terme en 2026. Le calendrier est donc propice pour évaluer le dispositif après bientôt 5 ans de déploiement et pour envisager les suites à y donner.
L'objet et le périmètre de cette mission constituent par ailleurs une occasion de mettre en pratique la méthodologie du « contrôle de proximité », conformément aux directives données par le Président Larcher, dans le but de territorialiser davantage les travaux de contrôle du Sénat.
Une attention particulière serait donc portée à l'expérience et au point de vue des maires des communes ayant bénéficié de la première génération du programme.
J'appelle ainsi votre attention sur le fait que vous serez très prochainement destinataires d'un bref questionnaire à destination des membres de la commission, ce qui nous permettra dès à présent de pouvoir bénéficier d'un premier retour précieux, en amont des déplacements qui seront réalisés à l'occasion de cette mission.
En termes de calendrier, ces travaux s'effectueront selon un format « flash » de deux mois.
Afin d'associer le plus largement possible les commissaires à ces travaux, il a été décidé qu'un co-rapporteur issu d'un groupe minoritaire serait désigné.
J'ai reçu les candidatures de Louis-Jean de Nicolaÿ et de Nicole Bonnefoy.
Je vous propose donc de les désigner conjointement rapporteurs.
La commission désigne Mme Nicole Bonnefoy et M. Louis-Jean de Nicolaÿ rapporteurs de la mission d'information sur le programme « Petites villes de demain ».
Par ailleurs, la commission a décidé également la création d'une mission d'information afin d'imaginer les moyens juridiques et extra-juridiques de renforcer l'efficacité de la lutte contre le trafic d'espèces protégées.
Ce trafic lucratif se caractérise par des taux de poursuite bien inférieurs aux trafics de drogue ou d'armes : cela lui vaut d'être considéré comme une activité illégale rémunératrice à risques inférieurs. Ce trafic affecte également la biodiversité, s'agissant de produits animaux ou d'animaux vivants issus d'espèces protégées. Il est aussi porteur de risques sanitaires, difficilement quantifiables, mais réels pour la santé humaine et animale, avec de lourdes conséquences potentielles. Cette mission d'information permettra de faire le point sur l'ensemble des enjeux que soulève ce trafic et d'envisager des solutions efficaces pour y remédier.
Par ailleurs, je vous informe que la commission pourrait se rendre à Nice au Sommet des Nations unies sur les océans le jeudi 12 juin prochain, afin d'approfondir son expertise sur les enjeux liés à la protection des océans et d'anticiper les évolutions à venir du cadre international en la matière.
De même, en juin prochain, une délégation de la commission se rendra en Alsace pour visiter la société Lohr, afin de découvrir le prototype de la « Draisy », qui est un train léger à batteries qui pourra être utilisé sur les lignes de desserte fine du territoire non électrifiées.
Une commission « hors les murs » pourrait également être programmée au zoo de Beauval d'ici à l'été, pour apprécier les efforts des parcs zoologiques en matière de protection des espèces menacées, de bien-être animal et de sensibilisation du public aux enjeux de la biodiversité.
Enfin, la commission entamera un cycle d'auditions sur la Conférence nationale de financement des transports, qui doit débuter en mai prochain. Plusieurs séquences thématiques auront lieu, sur le financement des infrastructures, le financement des AOM et la préparation de la fin des contrats de concessions autoroutières ; enfin, une table ronde avec des économistes des transports permettrait de réfléchir à de nouvelles recettes possibles pour financer ces politiques.
Pour finir, la commission va consacrer une séquence pour identifier les enjeux relatifs à l'extinction annoncée des réseaux mobiles 2G/3G, qui doit être finalisée d'ici 2025-2026 pour la 2G et 2028-2029 pour la 3G. Ce sujet soulève en effet de nombreuses inquiétudes auprès de certains secteurs ayant recours à des objets connectés à la 2G et la 3G, à commencer par la téléassistance, les ascenseurs, la protection des locaux ou encore les dispositifs médicaux.
La réunion est close à 11 h 50.