Vendredi 7 février 2025

- Présidence de M. Rémy Pointereau, premier vice-président -

Table ronde portant sur la mise en oeuvre du pouvoir de dérogation aux normes

Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Monsieur le préfet, Monsieur le président, je vous remercie de nous accueillir. Nous sommes réunis ce matin en séance plénière de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Je suis accompagnée de Monsieur le président Rémy Pointereau, sénateur du Cher, de Monsieur
Jean-Claude Anglars, sénateur de l'Aveyron et de Monsieur Laurent Somon, sénateur de la Somme.

Nous sommes réunis pour finaliser une mission flash sur le pouvoir dérogatoire des préfets, dont nous devons rendre le rapport le 13 février. Ce sujet est crucial pour les élus, comme nous l'avons constaté hier soir lors de notre rencontre avec certains d'entre eux. Je vous remercie pour votre présence.

M. Rémy Pointereau, premier vice-président. - Je vous remercie pour votre accueil chaleureux. Hier soir, grâce à ma collègue Guylène Pantel, nous avons pu échanger avec 80 élus sur divers sujets. Cette réunion marque notre première session plénière « hors les murs » de 2025, poursuivant ainsi notre tradition consistant à nous réunir chaque année dans des départements de province.

La simplification fait partie, depuis 2014, des compétences de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales et représente un sujet de plus en plus prégnant, comme nous pouvons l'observer outre-Atlantique. Nous devons donc nous donner les moyens de répondre à cette demande visant à se libérer des contraintes.

En janvier 2023, avec ma collègue Françoise Gatel, aujourd'hui ministre de la ruralité, nous avons produit un rapport sur l'addiction aux normes, que certains qualifient également de « harcèlement textuel » en raison de la complexité administrative pesant sur nos collectivités. Les États généraux de la simplification qui ont suivi ce rapport se sont clôturés par la signature par le Sénat et le Gouvernement d'une charte d'engagements communs pour la simplification des normes applicables aux collectivités locales.

Le 4 avril 2024, nous avons organisé les « Rendez-vous de la simplification », réunissant le Président du Sénat, le Premier ministre, le Conseil d'État, la secrétaire générale du Gouvernement et le président du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN). Cette initiative a abouti à des résultats concrets, dont l'amélioration du fonctionnement du CNEN lui-même, qui dispose désormais du temps suffisant pour examiner les textes et a renforcé ses liens avec le Sénat pour améliorer le processus législatif. Nous avons par ailleurs créé une fonction d'alerte, appelée Cassiopée, qui travaille pour les commissions permanentes et veille à ce que l'avis du CNEN soit systématiquement inclus dans les textes soumis à l'examen du Sénat.

Pour approfondir cette démarche, nous avons lancé différents travaux dont :

• une étude d'options visant à analyser, sur le sujet de la santé scolaire, s'il existe une alternative à l'adoption d'un nouveau texte prévoyant le transfert de la compétence aux départements ; cette mission a été confiée au sénateur Hervé Reynaud ;

• notre mission flash sur le pouvoir préfectoral de dérogation, dont les conclusions seront présentées le 13 février ;

• une consultation des élus locaux, révélant un sentiment d'aggravation de la complexité administrative, mais également un espoir quant aux efforts de simplification engagés par le Sénat ;

• le lancement prochain par notre délégation d'une mission sur les surcoûts de construction induits par les normes pour les collectivités territoriales.

Cette matière issue du terrain nous aidera à préparer les « Assises de la simplification » qui se tiendront le 3 avril 2025 au Sénat. Nous sommes très attachés à ce que notre travail aboutisse à des mesures concrètes.

Pour conclure, je souhaite évoquer un exemple concret observé dans mon département, concernant les règles de construction en zone agricole. Actuellement, la construction d'une habitation en zone agricole n'est possible qu'en cas de présence d'un bâtiment d'élevage. Or même en l'absence d'élevage, l'exploitation comporte des bâtiments de stockage de matières premières ou de matériels à côté desquels l'agriculteur aimerait pouvoir habiter pour en assurer la surveillance. Or la loi l'interdit. Il existe néanmoins une jurisprudence qui autorise la construction d'une habitation dans une exploitation produisant du safran. Le sujet de la construction d'une habitation en zone agricole fait donc partie de ceux sur lesquels il serait peut-être intéressant d'accorder au préfet le pouvoir de déroger, ce qui faciliterait l'installation de jeunes agriculteurs.

Sur ce sujet, chacun rejette ses responsabilités sur les autres. Le maire refuse le permis de construire en raison de l'avis défavorable de la direction départementale des Territoires (DDT), qui dit ne faire qu'appliquer la loi tout en soulignant que la décision finale appartient au maire. Or celui-ci n'ose pas aller contre l'avis de la DDT à cause du risque de contentieux. Il est donc nécessaire d'apporter une réponse à cette problématique pour assurer l'égalité devant la loi. C'est pourquoi nous souhaitons élargir le pouvoir de dérogation du préfet et lui confier la responsabilité de décision pour tous les services de son département.

Le préfet a déjà la possibilité d'utiliser la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) pour financer des travaux de canalisation que l'agence de l'eau refuse de subventionner.

M. Alain Astruc, président de l'Association des maires et des présidents d'intercommunalité du département de la Lozère. - Lors de discussions avec le Dasen (directeur académique des services de l'éducation nationale) sur un projet de rapprochement entre deux écoles, celui-ci a précisé que la décision de fermer l'école relevait du maire.

M. Rémy Pointereau, premier vice-président. - Le maire possède en effet le pouvoir de décision sur les fermetures d'école, ce qui diffère des fermetures de classe.

M. Alain Astruc. - Nous avons relevé un manque de communication entre les communes et les architectes des Bâtiments de France (ABF), qui laisse les élus désemparés face à certaines prises de décision. Les élus locaux sont disposés à travailler avec l'ABF sur ce sujet. Nous sommes également disposés à participer à une conférence ou à un comité départemental.

M. Rémy Pointereau, premier vice-président. - Chaque département possède déjà la possibilité d'organiser une commission de conciliation, initialement conçue pour les problèmes d'urbanisme. Nous proposons d'étendre son périmètre aux sujets potentiellement dérogatoires, autour desquels se réuniraient les maires, les présidents des communautés de communes, le président du département et les services administratifs dont l'ABF et le préfet.

M. Alain Astruc. - Nous devons également réfléchir au statut des élus, dans l'objectif d'encourager les citoyens à s'engager dans une fonction électorale. La cyber-malveillance fait partie des problématiques rencontrées par les élus, et pourrait être traitée au niveau du Sénat.

Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Nous avons rédigé un rapport sur le statut des élus des collectivités territoriales. Pour ma part, j'avais travaillé sur la conciliation entre l'activité d'élu et l'activité professionnelle.

M. Alain Astruc. - Même si en Lozère les maires ne sont pas agressés physiquement, ils subissent de la violence verbale. Nous devons donc rester très vigilants.

M. Rémy Pointereau, premier vice-président. - Je voudrais profiter de la présence de M. Patrice Gintrand, architecte des Bâtiments de France, pour lui poser quelques questions. Les élus nous signalent rencontrer parfois des difficultés d'interprétation sur les demandes de l'ABF. Dans les secteurs classés par exemple, l'ABF oblige à poser des fenêtres en bois plutôt qu'en PVC, alors qu'une fois peintes en blanc, les fenêtres en bois présentent une différence visuelle de plus en plus ténue avec les fenêtres en PVC compte tenu des progrès réalisés par les fabricants. Or les fenêtres en bois induisent un surcoût et d'autres contraintes.

Par ailleurs, le législateur a décidé en 2016 que l'avis défavorable de l'ABF serait désormais susceptible de recours administratif devant le préfet de région. Selon un récent rapport sur les ABF, « ce pouvoir du dernier mot a été pensé comme une manière pour ce dernier de mettre en balance les différentes politiques publiques qu'il a la charge de mener ». Connaissez-vous des cas dans lesquels ce recours administratif devant le préfet de région a posé problème ? La discussion entre les préfets de département, le préfet de région et l'ABF permet-elle de trouver des solutions aux problèmes que les élus posent à l'ABF ?

M. Patrice Gintrand, architecte des bâtiments de France, chef de service de l'unité départementale de l'architecture et du patrimoine de Lozère et de l'Aveyron. - Les élus ne me posent pas de problème, même si nous rencontrons parfois des divergences. La mission sénatoriale qui a étudié ces questions a relevé des différences entre les zones géographiques. La situation en Lozère ou en Aveyron diffère de celle observée à Paris, à Toulouse ou même à Montpellier. Les grandes métropoles possèdent généralement les moyens de se structurer sur les sujets d'architecture. Par conséquent, le travail sur les projets des grandes villes s'effectue avec leurs services techniques, sous le regard attentif des élus. Dans les petites communes, nous traitons directement avec le maire, ce qui est très différent, mais non moins intéressant. C'est pourquoi un architecte intervenant en milieu rural a souvent plus de travail qu'un architecte opérant dans une métropole de 3 millions d'habitants.

Le code des relations entre le public et l'administration (CRPA) a provoqué un important changement en permettant à une personne de déposer un recours contre une décision de l'ABF auprès d'une autre instance que l'ABF elle-même. Ces deux dernières années, nous avons connu un recours en Lozère et deux en Aveyron. Les recours proviennent généralement de personnes que nous n'avons pas rencontrées et qui ne comprennent pas la décision de l'ABF. Le PVC constitue effectivement un sujet de désaccord, de même que les pompes à chaleur, l'isolation par l'extérieur ou les capteurs solaires, qui sont néanmoins censés répondre aux problématiques du réchauffement climatique. Dans 90 % des cas de recours, le seul fait qu'un architecte des Bâtiments de France se rende sur place et rencontre la personne concernée suffit à résoudre le problème.

Dans certains villages, toutes les demandes de l'ABF sont respectées. La difficulté consiste à imposer nos normes quand un monument historique vient d'être déclaré comme tel. Le lexique des ABF a néanmoins fait l'objet en Occitanie de fiches types que je diffuse à chaque contentieux. La décision finale dépend de l'architecture des lieux. Certaines ne méritent aucune concession. Le PVC est un matériau standard et ne peut se substituer au bois dans une architecture vernaculaire, comportant parfois des moulures spécifiques. Par ailleurs, il existe de nouvelles solutions techniques qui allègent les besoins d'entretien du bois.

Le dialogue avec les élus sur ces problèmes récurrents est important pour l'adoption des normes. Lors de la création d'un site patrimonial remarquable, nous travaillons en étroit partenariat avec les services techniques de la ville et nous réunissons des commissions d'urbanisme. La connaissance mutuelle des acteurs facilite ensuite l'application des règles. Les sites patrimoniaux remarquables nécessitent une étude fine, un règlement, un rapport de présentation et une pratique quotidienne concertée.

Pour donner du sens à l'action territoriale, nous devons considérer notre patrimoine comme essentiel, comme notre mémoire collective et la base de notre identité. De ce point de vue, nous sommes confrontés à des problèmes beaucoup plus graves que le PVC, à savoir l'abandon des centres-villes, la fermeture des commerces, l'insalubrité et la paupérisation. Face à ces situations, nous devons travailler avec l'établissement public foncier et effectuer des remembrements. Les restructurations coûtent très cher mais l'inaction a des conséquences dramatiques. En effet, une fuite non traitée dans le toit entraîne le pourrissement du plancher et peut aboutir à la destruction du bâtiment, qui coûte une fortune et laisse un trou béant au milieu du village ou de la ville. C'est plutôt dans ces situations que se pose la question de l'intervention et de la préservation du patrimoine.

Nous sommes également confrontés à la problématique des pompes à chaleur. Certaines entreprises ont utilisé le dispositif « MaPrimeRénov' » pour convaincre des jeunes couples d'installer une pompe à chaleur à côté d'un monument historique sans aucune déclaration. Nous sommes alors contactés par le maire mais ce sont l'ensemble des voisins qui se plaignent, notamment des nuisances sonores. Ces situations conduisent à des brouilles entre voisins et à des déménagements.

Un autre sujet récurrent concerne l'isolation par l'extérieur, qui pose un problème de définition et d'interprétation des normes. Certains diagnostiqueurs recommandent systématiquement l'isolation par l'extérieur, la pose de double vitrage et l'installation de capteurs solaires pour atteindre la note énergétique A. Or ces solutions ne sont pas compatibles avec les villages possédant un patrimoine architectural remarquable. En revanche, un thermicien raisonnant par rapport au patrimoine commencera par remplacer le système de chauffage au fioul par un système plus économique. La notion de diagnostic de performance énergétique (DPE) varie entre les bureaux d'étude et le DPE est totalement inadapté au patrimoine ancien. En outre, il est défavorable aux petits logements en raison du ratio d'eau chaude utilisée par habitant, qui s'applique sans tenir compte de la surface du logement.

Certaines normes se télescopent parce qu'elles ne sont pas adaptées au patrimoine ancien. Pour un mur ancien, qui a besoin de respirer, la technique du chaux-chanvre constitue une solution d'autant plus intéressante qu'elle utilise des matériaux locaux et permet de respecter les normes des monuments historiques. Les problèmes proviennent souvent d'une incompréhension du fonctionnement d'un bâti ancien. En outre, l'isolation par l'extérieur empiète souvent sur le domaine public et réduit la largeur de trottoirs déjà étroits.

Le sujet des capteurs solaires constitue une priorité actuelle du ministère de la culture. En Occitanie, nous avons créé des fiches explicatives sur la technologie propre.

Il est crucial d'intervenir rapidement lorsque des travaux démarrent sans autorisation, tout en se montrant courtois, humble, à l'écoute et compréhensif. Lorsqu'une personne âgée nous contacte suite au refus d'installer un volet roulant électrique et nous explique qu'elle est devenue paraplégique, nous devons impérativement trouver une solution à sa problématique personnelle.

En Lozère, nous sommes confrontés aux enjeux spécifiques liés aux toitures traditionnelles. Préserver les techniques de couverture en lauze est crucial pour maintenir l'identité du territoire. Les ardoises espagnoles coûtent deux fois moins cher que les ardoises locales et semblent presque identiques de loin. En revanche, la lauze locale participe à l'économie du territoire et repose sur des savoir-faire ancestraux, que des jeunes artisans souhaitent reprendre. Il est donc essentiel d'alimenter cette filière malgré son surcoût. En outre, les ardoises provenant d'ailleurs prennent une autre couleur que la lauze locale en vieillissant. Il est donc important d'accorder des aides aux maîtres d'ouvrage pour permettre la perpétuation de la lauze locale. De ce point de vue, la Fondation du patrimoine joue un rôle fondamental. La direction régionale des affaires culturelles (DRAC) accorde également des aides pour les abords des monuments historiques et le parc national des Cévennes développe une politique d'aides pour la préservation des savoir-faire. Le maintien de la norme actuelle est donc déterminant pour préserver toute une chaîne de savoir-faire.

M. Rémy Pointereau, premier vice-président. - Je souhaite solliciter l'avis de Madame le maire de Mende sur le sujet de la dérogation aux normes. Avez-vous rencontré des cas particuliers ? Comment percevez-vous ce pouvoir de dérogation ? Nous entendrons également Monsieur le président du Département, puis Monsieur le préfet. Mes collègues auront ensuite l'opportunité de poser des questions.

Mme Régine Bourgade, maire de Mende. - Les nouvelles techniques et la rénovation énergétique nécessitent une adaptation des normes, notamment pour répondre à la demande en matière d'isolation par l'extérieur, sachant que les propriétaires sont obligés de réaliser des travaux pour continuer à louer leur bien. Nous travaillons donc quotidiennement à l'évolution des pratiques.

Par ailleurs, il nous est demandé d'appliquer à la cathédrale de Mende des règles identiques à celles instaurées à Notre-Dame-de-Paris, ce qui me paraît disproportionné, parce qu'elles impliquent la présence permanente de personnel aux heures d'ouverture. J'ai saisi la ministre de la culture à ce sujet sachant que le tourisme est essentiel à l'économie locale de Mende. Nous ne pouvons pas nous décharger de ce problème sur le diocèse. Par conséquent, nous recherchons des solutions pour financer un emploi. Néanmoins, il me paraît incompréhensible d'imposer à la cathédrale de Mende les mêmes règles que celles définies pour Notre-Dame de Paris, qui accueille un public beaucoup plus nombreux.

Nous avons répondu à un appel à projets pour la création d'une cité éducative dans un quartier prioritaire de la politique de la ville qui comprend trois écoles dont une privée. Or cette dernière est exclue du dispositif, ce qui me paraît injuste puisqu'elle est sous contrat avec l'État et accueille des enfants de la République comme les autres écoles.

Il conviendrait par ailleurs d'adapter les règles de défrichement au contexte des zones boisées pour éviter l'application de l'obligation de compensation. Dans le domaine de la santé, le préfet pourrait intervenir pour encourager l'installation de médecins dans les zones qui en manquent.

L'application uniforme de l'objectif Zéro artificialisation nette (ZAN) pose également problème. Enfin, une appréciation différenciée du préfet serait bienvenue pour le développement de zones commerciales en dehors du périmètre d'une opération de revitalisation du territoire (ORT).

M. Laurent Suau, président du Conseil départemental de la Lozère. - Le département de la Lozère présente un contexte commercial particulier puisqu'il possède une zone commerciale unique pour l'ensemble du territoire, alors que le moratoire national interdit la création d'une nouvelle zone. Il en résulte un défaut de concurrence, notamment sur les produits alimentaires et un manque d'offre commerciale dans certains domaines, ce qui implique des surcoûts importants pour la population. Par conséquent, sans aller jusqu'à la création d'une deuxième zone commerciale complète, il serait sain de nous permettre le développement d'une concurrence réelle.

Mme Régine Bourgade. - Depuis que les personnes incarcérées ont la possibilité de voter à l'intérieur de la maison d'arrêt, nous sommes obligés d'ouvrir un nouveau bureau de vote à la maison d'arrêt de Mende et d'y positionner un président de bureau et deux assesseurs toute la journée, alors que c'est le directeur de la maison d'arrêt qui dépose les bulletins, en une seule fois. Cette situation est d'autant plus absurde que nous avons déjà du mal à trouver des assesseurs pour les sept bureaux que compte déjà la ville.

M. Alain Astruc. - Les procédures d'autorisation d'urbanisme et de patrimoine en zone agricole, naturelle ou classée, sont souvent trop complexes et rigides. Les élus sont donc demandeurs d'une simplification de ces démarches pour permettre l'aménagement du territoire, tout en agissant de façon respectueuse.

De même, les règles encadrant les marchés publics imposent des démarches lourdes pour les petites communes. De plus, les normes techniques imposées aux bâtiments communaux, notamment les établissements recevant du public (ERP), sont parfois inadaptées aux petites communes. Il serait nécessaire de permettre la dérogation pour les infrastructures existantes. Sur le plan environnemental et de la transition énergétique, nous subissons trop de contraintes concernant les installations photovoltaïques et la gestion des déchets, notamment les biodéchets. L'augmentation continue de la taxe sur les déchets est problématique.

Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Les équipements sportifs des communes posent un problème particulier. Le rapport Ravignon souligne que le pouvoir réglementaire des fédérations sportives contribue à la multiplication des normes. Par conséquent, il conviendrait de donner au préfet la possibilité d'accorder un délai dérogatoire pour la mise en conformité des équipements sportifs, ce qui permettrait aux équipes d'accéder à la division supérieure sans devoir immédiatement réaliser d'importants travaux. En outre, ces travaux deviennent inutiles si l'équipe redescend d'une division.

M. Alain Astruc. - Dans ma commune, nous souhaitons installer des panneaux photovoltaïques sur la future maison des sports. Néanmoins, dans la mesure où elle est située à plus de 1 000 mètres d'altitude, certains services considèrent que cette installation n'est pas réglementaire et émettent un avis défavorable, ce qui paraît illogique. Nous pouvons passer outre cet avis, mais nous prendrions un risque. L'application du seuil des 1 000 mètres paraît trop rigoureuse.

M. Jean-Claude Anglars. - Les délais de mise en conformité posent également problème en urbanisme. Actuellement, nous rejetons de nombreuses demandes de permis de construire pour des mises aux normes de stations d'épuration qui ne présentent pas la qualité technique requise ou la capacité suffisante. En outre, les travaux de mise en conformité voire de reconstruction d'une station d'épuration prennent beaucoup de temps. Or les communes ne disposent plus que du foncier bâti comme source de recette fiscale. Nous devrions donc permettre la construction dans les dents creuses, avec un engagement de mise aux normes des équipements dans un délai compatible avec la trésorerie et les finances des communes, sans bloquer la possibilité pour les habitants de s'installer entre temps.

M. Alain Astruc. - Certains propriétaires de passoires thermiques en centre-bourg ne réaliseront pas les investissements nécessaires pour améliorer la performance énergétique de leur logement, qui restera donc vacant. Notre inquiétude face à ce phénomène est d'autant plus grande que dans certaines communes, nous manquons de logement parce que les propriétaires préfèrent transformer leurs biens en gîtes, ce qui nuit à l'attrait des entreprises parce que leurs employés ne parviennent pas à se loger.

M. Jean-Claude Anglars. - Parallèlement, les hôtels disparaissent parce que les normes auxquels ils sont soumis impliquent des investissements élevés.

M. Patrice Gintrand. - L'incendie de Notre-Dame a conduit le ministère de la culture à construire un plan national « cathédrales », qui est réactualisé annuellement par une équipe de préventionnistes et de colonels de pompiers. D'autres cathédrales avaient connu des incidents par le passé, notamment celle de Nantes qui a brûlé en 1974 suite à un court-circuit en fin de chantier et dont l'orgue a été de nouveau incendié il y a quelques années. Par ailleurs, une personne qui s'évanouirait alors qu'elle se trouve seule dans une cathédrale pourrait se retourner contre le propriétaire. D'une manière générale, un ERP de cette catégorie ne peut théoriquement être accessible sans surveillance et l'application de cette règle relève de l'exploitant et du propriétaire, respectivement le clergé et l'État. Or dans les départements ruraux, le clergé manque de moyens pour assurer une présence constante.

J'ai donc engagé une concertation sur la cathédrale de Mende avec le clergé il y a un an, avec l'accord du préfet. La présence permanente de personnel aux heures d'ouverture est rendue obligatoire depuis l'actualisation du plan cathédrales en mai 2023 et le directeur général des affaires culturelles l'a rappelée par courrier à tous les préfets et à tous les évêques en septembre 2023.

Il me paraît difficile d'adapter les règles des ERP à des cathédrales recevant moins de public que Notre-Dame de Paris compte tenu des responsabilités engagées. La réponse au problème résiderait donc dans l'apport d'une aide financière pour permettre le recrutement d'un agent. Une autre solution consiste à recourir aux bénévoles, à l'image de la cathédrale de Rodez qui peut désormais ouvrir le week-end. La cathédrale Notre-Dame de Paris elle-même utilise de nombreux bénévoles.

Les normes imposées par l'ABF peuvent parfois paraître trop rigoureuses. Il existe néanmoins un risque de voir l'ABF disparaître des départements ruraux parce qu'ils souffrent d'un manque d'attractivité pour les architectes.

En Lozère notamment, le turn over des ABF est très élevé et j'assure depuis un an la direction des ABF d'Aveyron par intérim. La pérennité des petits services ruraux des ABF n'est donc pas assurée. Nous étudions différentes solutions pour y remédier, telles que la fourniture d'un logement de fonction ou un système de primes. Une autre piste consisterait à permettre au préfet de région de recruter des architectes contractuels placés sous la tutelle des Bâtiments de France et possédant les attributions d'un ABF. Les Bâtiments de France recrutent sur concours une petite dizaine de personnes par an, qui choisissent les villes les plus importantes, à l'image des médecins.

M. Jean-Claude Anglars. - La question de la surveillance des cathédrales pose le problème plus large des normes et règlements qui imposent des contraintes supplémentaires dont nous ne mesurons pas l'impact. Il est par exemple nécessaire, avant de prendre une décision impactant les entreprises, d'en mesurer les conséquences financières, réglementaires et techniques. Nous devons donc rétablir les études d'impact, qui permettent de supprimer ou d'adapter les mesures trop onéreuses dont il apparaît que nous ne pourrons assumer la charge.

Les acheteurs ne sont pas toujours informés de toutes les contraintes de construction ou de modification du bâti liées aux sites classés ou patrimoniaux. Il convient donc d'assurer un droit à l'information des acheteurs, qui pourrait s'exercer par l'intermédiaire des notaires.

La nouvelle législation liée à la transition énergétique pose de nombreux problèmes, en particulier les DPE, qui pénalisent les monuments historiques. Ce sujet est très prégnant à Paris même, où tous les immeubles haussmanniens se retrouvent déclassés, quel que soit leur mode de chauffage, car l'isolation par l'extérieur, considérée comme la solution idéale pour la transition énergétique, n'est pas envisageable pour ces bâtiments. Les propriétaires ont alors plus de mal à trouver un locataire.

Il n'est pas envisageable de supprimer les ABF. En revanche, il convient de permettre aux propriétaires de contester une décision ou d'exercer la contradiction pour obtenir des explications et rechercher une solution.

Je comprends votre argumentation concernant la lauze, visant à préserver l'unité patrimoniale et le savoir-faire territorial. Néanmoins, il convient de tenir compte des préoccupations des ménages en termes de pouvoir d'achat, même quand ils habitent une petite maison. Les communes sont également concernées au travers des marchés publics puisque l'entreprise qui propose une offre basée sur l'ardoise d'Espagne présentera le prix le plus bas.

Au sujet du risque de disparition des ABF, j'ai proposé aux architectes de Picardie d'exercer des vacations dans les territoires, notamment dans les communautés de communes ou pour l'élaboration des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi). La collaboration avec les architectes permettrait en effet d'y intégrer les contraintes architecturales.

M. Laurent Suau. - Je trouve très gênant que les fédérations et les ligues sportives définissent elles-mêmes les règles qui s'appliquent aux collectivités locales en termes d'équipements sportifs et nous imposent notamment leurs exigences concernant l'éclairage des stades, qui relève de l'éclairage public. Lors de la crise énergétique, j'ai proposé aux comités régionaux de jouer les matchs le dimanche après-midi plutôt que le samedi soir pour économiser l'énergie. Les citoyens sont en effet choqués que nous éclairions les stades de 16 heures à 21 heures alors que nous leur demandons de faire des efforts pour consommer moins d'énergie et que nous éteignons l'éclairage des rues la nuit. Il me paraît donc aberrant que ces règles soient définies par les comités sportifs.

Au sujet des nouvelles contraintes imposées aux cathédrales, je regrette qu'un événement exceptionnel tel que l'incendie de la cathédrale de Notre-Dame de Paris soit utilisé pour créer une règle nationale. Plus largement, ces règles s'inscrivent dans la tendance générale consistant à barricader tous les lieux publics, notamment les écoles, les collèges, les lycées, les préfectures ou les conseils généraux. Je m'interroge sur le modèle de société auquel ces règles nous conduisent, un monde placé entièrement sous la surveillance de vigiles et de caméras, où les lieux publics seront tous fermés.

Même si les lois s'adressent à tous, il est indispensable d'adapter leurs modalités d'application au contexte. Nous ne pouvons appliquer les mêmes règles d'urbanisme en Lozère que dans le centre de Paris. Or dans la mesure où la représentation nationale est basée sur la répartition de la population, les législateurs sont majoritairement des urbains et appliquent une vision urbaine aux sujets traités, en imposant aux territoires ruraux les mêmes règles qu'aux villes.

C'est une bonne chose que les communes puissent bénéficier du droit à un hectare minimum constructible. En Lozère néanmoins, 70 % des communes relèvent du règlement national d'urbanisme (RNU). Je considère pour ma part que la commune représente la base de la démocratie en France. Une commune est donc libre de choisir de rester au RNU. Or les 70 % des communes de Lozère sont inéligibles au droit à un hectare minimum constructible en raison de l'absence de document d'urbanisme, ce qui est très dommageable pour nos territoires. En effet, la renommée de l'Aubrac et des Cévennes entraîne des prix de l'immobilier ancien prohibitifs pour les jeunes issus du territoire. En outre, la loi les empêche de construire un logement neuf. Certaines communes atteignent un taux de résidences secondaires de 70 % et sont totalement désertes entre novembre et mars. Les nouveaux résidents aisés contribuent à la rénovation et à l'embellissement des villages et soutiennent l'activité des artisans. En revanche, les jeunes n'ont pas la possibilité de s'installer. Il conviendrait donc de permettre aux communes relevant du RNU de bénéficier par dérogation du droit à un hectare minimum constructible.

Nous sommes prêts à reprendre la responsabilité des services de santé des collèges sous réserve du coût de cette mesure pour les départements. En effet, nous serons obligés d'appliquer le statut de la fonction publique territoriale aux infirmières, ce qui entraînera un surcoût.

M. Jean-Claude Anglars. - Nous pensons que les préfets ont un rôle plus important à jouer dans les départements que dans les régions parce que les Français attendent des réponses à leurs préoccupations sur les sujets de proximité.

Les communes qui relèvent du RNU sont déjà soumises à des contraintes importantes.

M. Gilles Quénéhervé, préfet du département de Lozère. - Si vous me le permettez, je laisse Madame Agnès Delsol, directrice départementale des territoires, vous répondre. J'ai pris mon poste il y a deux mois et demi et je ne possède pas le recul nécessaire sur les potentielles dérogations intervenues en 2024.

Mme Agnès Delsol, directrice départementale des territoires. - Le département de la Lozère ne possède pas encore de schéma de cohérence territorial (SCoT), bien qu'un tel document soit en cours d'élaboration sur le Gévaudan. Or le projet de territoire constitue un bon moyen d'apporter de la simplification. C'est pourquoi nous incitons les élus à définir un projet de territoire et à adopter un document d'urbanisme et les accompagnons dans cette démarche. Le document de territoire permet d'identifier les principaux enjeux en matière de patrimoine, de biodiversité, de foncier et de ressource en eau.

En revanche, nous ne sommes pas pour la généralisation des documents d'urbanisme. En Lozère, les services de la préfecture ont demandé à un moment donné l'élaboration de cartes communales pour les parcs photovoltaïques au sol en application de la loi Montagne. Néanmoins, face aux difficultés rencontrées, je réfléchis actuellement aux moyens d'éviter cette obligation pour les petites communes. Une solution consisterait à soumettre des demandes de permis de construire à la commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF).

L'étude d'impact présente comme le projet de territoire l'intérêt de l'approche globale. La multiplicité des codes est en effet source d'une grande complexité. L'idéal serait de fusionner tous les codes en un. Le code de l'environnement, le code rural et le code forestier se contredisent dans certains cas et génèrent des injonctions paradoxales. Néanmoins, un document d'urbanisme basé sur un projet de territoire approfondi, prenant en compte les grands enjeux, permet de simplifier les démarches.

M. Alain Astruc. - Nous avons mis en place une commune nouvelle en 2017, regroupant six communes dont une seule possède un PLU. Nous menons donc des travaux d'harmonisation depuis plusieurs années mais cette démarche s'avère complexe.

Mme Agnès Delsol. - L'élaboration d'un PLUi à l'échelle d'une communauté de communes nécessite un accompagnement de la part des services de l'État. Cet accompagnement doit notamment aider les élus à définir un projet de territoire.

M. Laurent Suau. - Nous avons également besoin d'un accompagnement financier.

Mme Agnès Delsol. - La carte communale présente en effet un coût prohibitif. Nous cherchons donc un moyen de rendre l'élaboration de la carte communale ou du PLU beaucoup moins coûteuse pour les collectivités. Cela nécessite par ailleurs de prioriser les enjeux. Il convient de permettre la réalisation des cartes communales en régie.

Les avis conformes des ABF ou du parc national constituent un soutien pour le préfet. Néanmoins, la préfecture n'est responsable que d'une partie de la décision et doit tenir compte des avis des ABF ou du parc national, même si nous demandons à porter l'instruction et à globaliser l'ensemble des enjeux. Dans certains cas, la nécessité d'un avis conforme nous en empêche.

Mme Laure Trotin, secrétaire générale de la préfecture de Lozère. - Nous avons essayé d'être innovants, notamment quand les agriculteurs se sont vus imposer un classement de prairies issu d'une cartographie nationale. Avec le préfet précédent, nous nous sommes opposés à cette cartographie et avons demandé l'autorisation de déroger pour ajuster le choix des prairies sensibles. Nous nous sommes battus pendant des mois mais nous sommes heurtés à un refus du cabinet du ministre de l'Agriculture. Notre demande visait à retirer le statut de prairie sensible à quelques terres et à les remplacer par d'autres pour lesquels ce statut semblait mieux adapté, tout en maintenant le même nombre total de prairies sensibles. Nous n'y avons pas été autorisés. Nous rencontrerons la même problématique avec la carte des zones humides.

En 2024, nous avons dérogé à dix-neuf reprises aux règles des subventions pour permettre aux communes d'ajuster leur budget, notamment quand un co-financeur faisait défaut. Nous aimerions également pouvoir déroger aux règles du DPE pour tenir compte des propriétés de la pierre locale. Or la dérogation soulève la question de la responsabilité en cas de dommage. Nous devons veiller à éviter d'émietter le droit républicain et à maintenir l'unicité juridique qui forme notre démocratie. Il convient donc de définir les limites du droit à déroger pour ne pas placer les élus ou le préfet en danger. Une solution consisterait à inclure une liste exhaustive des dérogations possibles dans le décret.

Par ailleurs, certaines problématiques relèvent peut-être moins de la question du pouvoir de dérogation du préfet que de la loi NOTRe, qui a retiré aux conseils départementaux leur clause générale de compétence.

Les autorisations de construire doivent tenir compte de la ressource en eau. Si un habitant qui se retrouve sans eau se retourne contre le maire en lui demandant pourquoi il lui a accordé un permis de construire, le maire pourrait renvoyer la responsabilité au préfet pour lui avoir donné un pouvoir de dérogation.

L'une des pistes envisagées avec le préfet Castaner consistait à donner la compétence sur l'eau au Conseil départemental pour lui rendre maîtrise d'ouvrage dans ce domaine. Néanmoins, nous n'avons pas obtenu l'autorisation d'effectuer une expérimentation. D'une façon globale, j'insiste sur ce point, il conviendrait de rendre aux conseils départementaux leur clause générale de compétence.

M. Laurent Suau. - Cette mesure serait d'autant plus nécessaire pour les territoires les plus ruraux.

Mme Laure Trotin. - La constitution des grandes régions a entraîné un éloignement entre les conseils régionaux et les territoires, surtout les territoires ruraux, qui se tournent dès lors vers les conseils départementaux pour les projets structurants. Les communes n'ont pas toujours les moyens financiers ni la capacité de réaliser des projets d'interconnexion en eau potable. Le conseil départemental représente donc l'entité idéale pour porter la maîtrise d'ouvrage. Or depuis la suppression de la clause de compétence générale, il n'en a plus la possibilité. Le pouvoir de dérogation du préfet n'apportera pas une réponse à l'ensemble de ces problèmes.

Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Il est par ailleurs impératif d'assurer le principe d'égalité et de proportionnalité entre les territoires.

M. Jean-Claude Anglars. - Nous avons ajouté la possibilité pour les départements d'exercer la compétence sur l'eau à l'article 18 de la loi d'orientation agricole.

Confirmez-vous que dans une zone d'élevage, la préfecture autorise un agriculteur à construire une habitation à côté d'un bâtiment agricole ?

Mme Agnès Delsol. - Les documents d'urbanisme prévoient la définition d'une zone A et d'une zone A constructible, ce qui peut générer des spécificités locales pour chaque projet de territoire.

Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Les agriculteurs sont parfois surpris de ne pas pouvoir construire alors qu'ils pensaient en avoir le droit.

Mme Agnès Delsol. - La CDPENAF est néanmoins conciliante dès lors que le demandeur est en capacité d'attester la réalité de son projet agricole. Nous rencontrons de nombreux cas de « faux » agriculteurs qui ne possèdent que quelques animaux ou transforment une bergerie en habitation.

M. Laurent Suau. - Les agriculteurs ne prennent plus leur retraite car le fait de rester actifs leur permet de continuer à percevoir les aides de la politique agricole commune (PAC).

M. Jean-Claude Anglars. - Comment déterminez-vous les zones visées par l'obligation légale de débroussaillement ?

Mme Agnès Delsol. - Le respect de l'obligation légale de débroussaillement (OLD) est contrôlé par l'Office national des forêts (ONF). L'OLD s'applique uniquement au sud de la Lozère à ce jour mais a vocation à être généralisée. Néanmoins, il apparaît qu'elle est inapplicable dans les Cévennes. Les contrôles de l'ONF ont par ailleurs permis de découvrir des cas de cabanisation sur lesquels nous n'avons pas encore travaillé. Ce sujet touche à l'urbanisme dans les Cévennes. Le Gard et l'Hérault rencontrent la même problématique.

Pour les élus, la mise en oeuvre de l'OLD est très complexe. Nous travaillons actuellement à un projet d'arrêté avec les forestiers au niveau régional. Nous organiserons une concertation avec les élus sur ce texte ne serait-ce que pour nous assurer qu'il est compréhensible. Je m'étonne surtout que l'OLD ne soit pas encadrée au niveau national et nécessite des arrêtés préfectoraux, ce qui génèrera de disparités entre communes voisines mais appartenant à des régions différentes.

Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Certains maires m'ont effectivement signalé que l'OLD leur semble inapplicable dans les Cévennes.

Mme Agnès Delsol. - Au-delà du texte sur l'OLD, l'enjeu consiste à prévenir le risque d'incendie. En cas d'incendie de forêt, les élus qui n'auront pas pris les mesures de protection nécessaires seront responsables. Néanmoins, l'État nous demande de tenir compte des espèces protégées. Or ces espèces sont omniprésentes en Lozère, ce qui a posé problème lors de la création du parc photovoltaïque de Prévenchères en Lozère. C'est même ce projet qui a été à l'origine de l'arrêté de dérogation « espèces protégées ». Nous avons dû nous battre pour faire comprendre aux services régionaux que la prise en compte des textes sur la protection des espèces protégées rendait impossible tout projet de construction en Lozère.

M. Gilles Quénéhervé. - Les enjeux qui ressortent de nos échanges depuis hier à savoir le pouvoir dérogatoire du préfet, la simplification et l'autorité du préfet sur tous les services sont liés parce qu'ils permettraient d'améliorer la lisibilité de l'action publique. En effet, le flou dans la répartition des responsabilités entre les différents acteurs conduit les citoyens à se tourner vers les élus pour tous les sujets. Il est donc essentiel de rétablir la lisibilité de l'action publique. Les travaux que vous menez y participent fortement et je vous en remercie.

Je partage également votre point de vue sur la nécessité de différenciation. Le territoire lozérien présente des spécificités importantes, notamment parce que les déplacements s'y mesurent en temps et non en kilomètres. Il en résulte une différenciation en termes d'accès aux services et de traitement de certains dossiers.

En revanche, je suis plus mesuré que vous sur les domaines qui pourraient faire l'objet de cette différenciation, notamment lorsqu'ils touchent à la sécurité des personnes comme dans le cas des cathédrales. Il me paraît en effet plus difficile d'appliquer la différenciation aux sujets touchant à la sécurité et à l'intégrité physique du citoyen et impliquant une responsabilité pénale. La différenciation mérite donc d'être graduée.

Parmi les autres sujets évoqués, l'amélioration de la coordination de l'action publique passe par la faculté à regrouper tous les acteurs. Nous avons la chance en Lozère de disposer de services allants et d'une DDT progressiste. Dans mon poste précédent, au Havre, nous étions en capacité de travailler avec tous les services de l'État et des collectivités sur un dossier tel qu'un projet d'implantation d'une entreprise sur la zone du port. Cette approche collective nous a permis de débloquer des situations complexes en adaptant le projet avec les élus et les porteurs.

Les services de l'État n'ont pas seulement vocation à exercer une fonction de contrôle mais également à jouer un rôle d'accompagnateur et de facilitateur. Nous devons donc mettre en place toute mesure susceptible de favoriser cet accompagnement, comme celles que vous proposez. Le partenariat entre les élus et l'État est crucial pour l'aménagement du territoire et l'obtention de résultats concrets.

Mon prédécesseur a réalisé un travail important en Lozère : en particulier, il a pris de nombreuses dérogations dans le domaine des subventions. Nous devons poursuivre son action, par exemple en allant au-delà du seuil maximal de subventions sur les équipements sportifs dans certains territoires, considérant qu'un équipement sportif est structurant puisqu'il favorise l'inclusion, la cohésion sociale et la santé. Un projet d'équipement sportif peut constituer un moyen de fédérer plusieurs communes et de dynamiser le territoire.

Nous souhaitons avancer sur ces sujets, pour le bien du territoire et des citoyens, en accompagnant les élus, sur la base d'une vision commune. L'essence même du travail des services de l'État sur les territoires ruraux réside dans cet accompagnement.

Je vous remercie pour votre travail. Nous suivrons avec attention les résultats que vous obtiendrez.