C. FAIRE DES PROFESSIONNELS DE LA PROTECTION DE L'ENFANCE, LES GARDIENS ET PROMOTEURS DES AMBITIONS LÉGISLATIVES
1. Le levier de la formation continue pour diffuser les avancées législatives
Le livre vert du Haut Conseil au travail social de 2022 identifie « un enjeu fort de professionnalisation et d'adaptation à l'évolution des contextes » pour les travailleurs sociaux. En protection de l'enfance, l'évolution des contextes comprend nécessairement l'évolution du cadre normatif, qui, depuis quinze ans, s'étoffe. Le magistrat Édouard Durand a souligné en audition que la mission d'information intervenait dans un temps très court pour évaluer des lois dès lors qu'elles viennent bouleverser les « habitus professionnels » solidement ancrés. Les avancées législatives en protection de l'enfance peuvent en effet achopper avec les pratiques des acteurs. Une certaine inertie dans la mise en oeuvre des lois peut ainsi se manifester. Le levier de la formation continue doit donc être largement investi pour que les changements législatifs se diffusent plus rapidement.
Les acteurs publics s'organisent pour répondre aux besoins des conseils départementaux et des professionnels. La DPJJ accentue le développement de la formation à l'attention de ses agents sur les différentes thématiques relatives à la protection de l'enfance (mineurs non accompagnés, violences intrafamiliales, violences sexuelles et sexistes...) et s'engage dans une démarche d'ouverture de l'ENPJJ aux différents professionnels de l'enfance, professionnels de l'ASE ou d'opérateurs des départements.
Les centres de formation sont très soucieux de proposer des offres de formation s'adaptant aux innovations législatives afin de répondre aux besoins des employeurs. Dans cette optique, l'institut régional du travail social (IRTS) Parmentier a spécifiquement investi la formation continue en créant un cabinet de formation Parmentier Bleu Social.
L'IRTS Parmentier juge également que le développement progressif des blocs de compétences est une voie essentielle pour développer la formation continue en protection de l'enfance. Berkène Dikki, directeur de l'établissement de Melun de l'IRTS a ainsi expliqué en audition : « si nous ne prenons pas ce virage-là, nous risquons de passer à côté de tous les professionnels de la protection de l'enfance, qui ne peuvent pas s'engager sur trois ans, mais qui sont, pour autant, demandeurs de formation pour les aider à exercer leur fonctions ».
Le rapporteur souscrit à cette évolution et estime que la structuration de la formation en blocs de compétences au sein des instituts et école de formation doit être encouragée afin de permettre aux professionnels (éducateurs, assistants familiaux, référents ASE, etc.) exerçant déjà leur profession, de suivre des modules spécifiques à la protection de l'enfance et actualiser ainsi leurs connaissances sans cesser leurs fonctions.
Proposition n° 4 : Renforcer les partenariats entre les conseils départementaux et les écoles de formation pour développer les expériences professionnelles en protection de l'enfance.
(Départements et écoles de formation)
2. Pallier la pénurie de professionnels bien formés à la réalité de la protection de l'enfance
En parallèle de la question de la formation continue, l'enjeu de la formation initiale en protection de l'enfance est structurant alors qu'une pénurie des professionnels bien formés est déjà à l'oeuvre et entrave la mise en oeuvre des innovations législatives.
Il ressort des auditions de l'IRTS Parmentier et de l'école nationale des solidarités, de l'encadrement et de l'intervention sociale (ENSEIS) qu'une pénurie préoccupante au sein des métiers du travail social est nourrie par la perte d'attractivité des métiers mais aussi par la réforme de Parcoursup. Les étudiant issus de la plateforme, selon l'IRTS, « sont rebutés parfois au premier stage et le taux d'abandon peut dépasser 10% pendant la formation ». Dès lors, à l'entrée en formation, les filières accompagnant éducatif et social (AES), technicien de l'intervention sociale et familiale (TISF), assistant du service social (ASS) et conseiller en économie sociale et familiale (CESF) souffrent d'un déficit de candidats. Seule la filière éducateur spécialisé parvient à maintenir des effectifs entrants stables.
À cette désaffection, se rajoute un décalage entre les enseignements théoriques initiaux, ou à tout le moins, de l'idée que les jeunes professionnels (éducateurs spécialisés notamment) se forgerait de la profession, et la réalité de l'exercice des métiers de la protection de l'enfance. Ce décalage conduit au découragement voire à la réorientation de jeunes éducateurs peu de temps après leur prise de fonctions. Cette même inadaptation de la formation initiale a été exposée aux rapporteurs s'agissant de l'exercice du métier d'assistant familial. Les associations représentant la profession regrettent que les formations ne soient pas optimales, voire interviennent tardivement, après l'accueil du premier enfant. Des formations d'assistants familiaux en visioconférence, notamment pendant la crise sanitaire, ont été également mentionnées au rapporteur, ce qui ne parait pas satisfaisant.
Pour pallier ces difficultés, l'IRTS indique « qu'il est indispensable de renforcer les liens entre les employeurs qui doivent venir dans les établissements de formation, et particulièrement les conseils départementaux ». En audition, Nadia Zeghmar, directrice de l'ENSEIS a pointé le « hiatus entre les employeurs et les centres de formation » induit par une méconnaissance des employeurs, publics comme privés, dans les cursus et les parcours de formation alors même qu'ils sont représentés dans les conseils d'administration des écoles de formation.
Le rapporteur est convaincu qu'il est nécessaire de renforcer les partenariats entre les conseils départementaux et les établissements de formation, comme certains départements le proposent déjà. L'IRTS Parmentier a ainsi répondu à une demande du conseil départemental de la Seine-et-Marne en créant des capsules vidéo faisant la promotion des formations en travail social à destination des collégiens et lycéens. De même, Anne Devreese a présenté au rapporteur l'offre de formation d'adaptation à l'emploi mis en place dans le département du Nord. Ce dispositif contractualisé entre le département et ENPJJ, dont le site se trouve à Roubaix, permet aux étudiants de travailler une semaine par mois pendant 18 mois à l'ASE, en parallèle de leur formation, avec une offre de recrutement en sortie d'école. Sur ce modèle, les conventions entre départements et écoles de formation doivent favoriser le développement d'expériences concrètes en protection de l'enfance - stages et apprentissage.
Proposition n° 5 : Encourager la structuration de la formation en blocs de compétences permettant aux professionnels exerçant déjà leurs fonctions de suivre des modules spécifiques à la protection de l'enfance.
(Gouvernement et écoles de formation)