IV. LES DIFFICULTÉS LIÉES À L'ARENH EN TANT QUE TEL

Arrivant à échéance le 31 décembre 2025, l'Arenh fait l'objet de travaux de réflexion, aux échelons national - avec le projet de nouvelle régulation économique du nucléaire - et européen - avec le projet de réforme du marché européen de l'électricité : son bilan est discuté, tant pas les acteurs institutionnels que par ceux économiques.

A. DES TRAVAUX DE RÉFLEXION AUX ÉCHELONS NATIONAL ET EUROPÉEN

En France, le projet de nouvelle régulation économique du nucléaire a envisagé plusieurs dispositifs alternatifs à l'Arenh. À l'occasion de son audition devant la commission des affaires économiques, le 13 janvier dernier, la ministre chargé de la transition énergétique a ainsi indiqué : « Un schéma de régulation post-Arenh doit être négocié avec la Commission européenne. La France a pris position en faveur d'un découplage des marchés du gaz et de l'électricité, afin que les consommateurs paient un prix reflétant objectivement la réalité de notre mix énergétique. La Commission européenne a formulé des propositions allant en ce sens le 19 décembre dernier. ». Dans ce contexte, la DGEC a indiqué à la commission68(*) qu'« il est à présent nécessaire d'envisager la mise en oeuvre, au plus tard le 31 décembre 2025, d'une nouvelle organisation du marché », précisant que « fin 2021, il a chargé un groupe de travail interministériel de proposer un schéma cohérent de mécanismes régulatoires ». Le Gouvernement avait initialement envisagé un corridor de prix, avec un prix plancher et un prix plafond, appliqué à l'ensemble de la production d'EDF69(*), devant être établi selon une étude de la CRE. La CRE a précisé à la commission70(*) avoir proposé de fixer le prix de l'Arenh à 49€ / MWh et son niveau à 130 TWh pour 2023, 2024 et 2025. Actuellement, le Gouvernement envisage de recourir aux contrats d'écarts compensatoires bidirectionnels - ou Contracts for Difference (CfD) -, pour s'y substituer, comme l'a rappelé la DGEC à la commission71(*) : « Nous saluons en particulier l'inclusion des moyens de production nucléaire dans la liste des moyens susceptibles de faire l'objet de tels CfD. La mise en oeuvre de cette mesure sur le parc nucléaire existant serait un dispositif qui pourrait prendre le relai de l'Arenh. Compte tenu de la taille et de la durée de vie du parc nucléaire, les paramètres de ce CfD seront toutefois délicats à définir. »

En Europe, la réforme de l'organisation du marché européen de l'électricité est à l'agenda, dans le cadre du plan RePowerEU, du 8 mars 202372(*). Le paquet comporte une proposition de modification de règlements et directives sur l'organisation du marché de l'électricité dans l'Union73(*), une proposition de modification de règlements sur la protection de l'Union contre la manipulation du marché de gros de l'énergie74(*) ainsi qu'une recommandation et un document de travail sur le stockage de l'énergie75(*). Ce paquet pose la question de la question de l'évolution de la régulation du marché de l'électricité, et notamment de l'énergie nucléaire, après l'expiration de l'Arenh. Tout d'abord, il institue des contrats de long terme pour financer les investissements liés à la transition énergétique : les CfD76(*) et les accords d'achats d'électricité - ou Power Purchase Agreements (PPA)77(*). Plus encore, le paquet prévoit que les États membres obligent les fournisseurs d'électricité à instituer des stratégies de couverture appropriées, incluant le recours aux PPA, et garantissent l'accès des communautés énergétiques citoyennes et des communautés d'énergie renouvelable à ces produits de couverture. Autre avancée, il applique des protections aux consommateurs d'électricité qui doivent disposer d'un service universel d'électricité78(*), peuvent bénéficier en cas de crise79(*) d'interventions publiques ciblées80(*), peuvent accéder aux programmes de partage d'énergie et doivent recevoir une information s'agissant des contrats à tarification dynamique81(*). Enfin, le paquet transfère des compétences en matière de contrôle, d'enquête et de sanction des autorités de régulation nationales vers l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) et relève les sanctions pécuniaires, jusqu'à 15 % du chiffre d'affaires, pour les personnes morales, et 5 M€, pour les personnes physiques. Dans sa position sur la réforme du marché de l'électricité, la CRE a fait part de son intérêt pour les CfD : « Les Cfd sont largement utilisés aujourd'hui dans l'Union européenne pour assurer le développement des technologies bas-carbone qui nécessitent un soutien public. En France, ils pourraient notamment être utilisés pour permettre le transfert aux consommateurs des coûts du parc nucléaire existant après la fin de l'Arenh fin 2025 ». Elle a aussi salué les obligations de couverture : « L'obligation de couverture minimale contre les prix élevés présente l'avantage d'offrir une protection à la hausse au moment où elle s'exerce contre le paiement d'une prime d'assurance, tout en faisant profiter les consommateurs des périodes de prix bas. Sous réserve de son paramétrage fin, et d'être compatible avec les changements de fournisseur, l'obligation de couverture contre les prix élevés préserve la concurrence dans le marché de détail. »


* 68 En avril 2022.

* 69 Avec une consultation du 17 janvier au 17 mars 2020, dont la synthèse figure ci-après.

* 70 En juin 2022.

* 71 En mars 2023.

* 72 Le document est consultable ci-contre.

* 73 Le document est consultable ci-contre.

* 74 Le document est consultable ci-contre.

* 75 Le document est consultable ci-contre.

* 76 Ces contrats doivent être mis en oeuvre par les États membres, dès lors qu'ils optent pour un régime de soutien direct des prix. Ils englobent les investissements dans les nouvelles installations de production d'électricité, ainsi que le rééquipement, l'agrandissement ou la prolongation de celles existantes, dans les énergies éolienne, solaire, géothermique, hydroélectrique ou nucléaire. Lorsque le prix d'exercice est supérieur au prix de marché, leurs recettes excédentaires sont reversées aux consommateurs.

* 77 Ces contrats peuvent être utilisés pour soutenir l'achat d'électricité renouvelable. Ils peuvent être appuyés par un régime de garantie des prix.

* 78 C'est-à-dire le droit d'être approvisionnés en électricité, sur leur territoire, à une qualité définie et à des prix compétitifs.

* 79 La Commission européenne peut déclarer, pour une durée d'un an au maximum, une situation de crise des prix de l'électricité, au niveau régional ou l'échelle de l'Union, dès lors que plusieurs conditions sont remplies : une hausse des prix sur les marchés de gros de l'électricité, sur 6 mois, atteignant au moins 2,5 fois le prix moyen au cours des 5 dernières années ; une hausse des prix sur les marchés de détail, sur 6 mois, atteignant au moins 70 % ; une incidence négative des hausses des prix de l'électricité sur l'ensemble de l'économie.

* 80 Les États membres peuvent, dans la durée précitée, effectuer des interventions publiques ciblées dans la fixation des prix pour la fourniture d'électricité, dès lors que plusieurs conditions sont remplies : une limitation à 70 % de la consommation des PME ; une limitation à 80 % de la consommation des ménages ; le maintien d'une incitation à la réduction de la demande ; le cas échéant, l'indemnisation des fournisseurs pour la fourniture à perte.

* 81 Opportunités, coûts, risques et compteurs.

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