DEUXIÈME PARTIE
TROP COMPLEXE ET TROP CENTRÉ SUR LES SEULES DOTATIONS D'INVESTISSEMENT, LE FINANCEMENT DES PROJETS ENVIRONNEMENTAUX DOIT ÊTRE REPENSÉ

I. UN FOISONNEMENT DES DOTATIONS QUI REND LE SYSTÈME COMPLEXE ET LAISSE PEU DE PLACE À LA CONSULTATION DES ÉLUS

A. L'EXISTENCE DE NOMBREUSES DOTATIONS QUI SE JUXTAPOSENT ET GÉNÈRENT UNE COMPLEXITÉ IMPORTANTE DU SYSTÈME DE FINANCEMENT DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE POUR LES COLLECTIVITÉS

1. Un maquis de dotations aux origines diverses

En sus des dotations d'investissement en provenance de l'État mentionnées supra, les collectivités peuvent percevoir d'autres aides nationales mais également des aides européennes.

a) Les aides nationales

Le présent rapport n'a pas vocation à lister de manière exhaustive l'intégralité des aides dont peuvent bénéficier les collectivités mais simplement de présenter les plus importantes et de démontrer leur grande diversité d'origine.

Ainsi, à titre d'exemple, l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) a la possibilité de financer, dans le cadre de ses opérations dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, la rénovation des bâtiments scolaires.

Par ailleurs, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) peut apporter un financement dans le cadre du programme « petites villes de demain » qui s'adresse à des villes de moins de 20 000 habitants.

L'ADEME dispose de plusieurs leviers de financement comme les Fonds Chaleur, Fonds Économie Circulaire, Fonds Air Bois, Fonds Vert ou encore France 2030. Une des missions de l'Agence est de traduire ces fonds avec la mise en place de dispositifs d'aides financières pour atteindre les objectifs de la transition écologique sur le territoire français.

S'ajoutent également les aides locales : en effet, de nombreux départements et régions mettent en place des dispositifs incitatifs et des financements pour accélérer la transition énergétique du territoire en complément des aides d'État. De surcroit, les fonds de concours (versement de subvention entre un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et ses communes membres ou entre un syndicat intercommunal ou mixte exerçant la compétence d'autorité organisatrice de la distribution publique d'électricité (syndicat d'énergie) et ses membres afin de financer la réalisation ou le fonctionnement d'un équipement) peuvent être mis en place après accord concordant des organes délibérants. Ce mécanisme de financement permet de financer la rénovation et l'entretien des équipements publics. S'agissant des EPCI à fiscalité propre, le montant total des fonds de concours ne peut excéder la part du financement assurée, hors subventions, par le bénéficiaire du fonds de concours (règle de la participation minimale). S'agissant des syndicats d'énergie, le montant total des fonds de concours ne peut excéder 75 % du coût hors taxes de l'opération concernée.

Enfin, la Banque des territoires (BDT) a développé, dès 2018, une offre large à destination des collectivités locales : ingénierie territoriale, offres de financement en prêts, avances remboursables et participation à des sociétés de projet. Cette offre peut être mise à profit par les collectivités dans les phases préparatoires aux projets, pour l'élaboration de stratégies patrimoniales sur les parcs de bâtiments publics notamment scolaires. Dans ce cadre :

- 500 millions d'euros d'investissement en fonds propres via l'offre « intracting » sont prévus : la BDT apporte 50 % du besoin de financement via des avances remboursables de 500 000 euros à 5 millions d'euros, remboursées par les économies réalisées ;

- 2 milliards d'euros proviennent des prêts sur fonds d'épargne : ces prêts financent les travaux de rénovation pour des projets visant une réduction de consommation énergétique d'au moins 30 % ;

- les Edu-prêts, distribués par la Banque des territoires pour les investissements éducatifs, peuvent également servir à la rénovation énergétique des bâtiments scolaires ;

- 1 milliard d'euros sur 5 ans sont mobilisé par la Banque des territoires sous forme de prêts pour compléter le fonds vert.

b) Les aides européennes

Les fonds européen d'investissement structurels (FESI), et en particulier le fonds européen de développement régional (FEDER), peuvent également être une source de financement pour la transition écologique des collectivités.

Les subventions de l'État, de l'Union européenne (FEDER, ELENA...) ainsi que des établissements publics de coopération intercommunale (fonds de concours...) peuvent être cumulées dans une limite de 80 % du montant prévisionnel de la dépense subventionnable.

Les principaux fonds européens bénéficiant à la France sont le Fonds européen de développement économique régional (FEDER), le Fonds social européen (FSE), le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP). Ces 4 fonds, pour la France, s'élèvent, pour la période 2021-2027, à 30,4 milliards d'euros soit 4 milliards d'euros par an.

Si la proportion des FESI bénéficiant aux collectivités n'est pas connue au global, une étude a été menée sur la période 2014-2020 pour le FEDER : sur la période, 31 % des projets financés par le FEDER ont été portés par des collectivités. Par extension, le financement des collectivités par les fonds européens pourrait s'établir à environ 10 milliards d'euros sur 7 ans soit 1,4 milliard d'euros par an.

Les FESI présentent des objectifs relatifs au climat et à l'environnement qui ont été établis lors des nouvelles programmations 2021-2027. Ainsi, à titre d'exemple, à l'échelle de la France, les projets en faveur d'une économie décarbonée doivent représenter 30 % des projets financés par le FEDER (en valeur).

2. Un accès aux dotations à simplifier

Face aux besoins d'investissement à financer par les collectivités territoriales pour leur transition écologique, le recours aux dotations est une source de financement majeure.

Pour autant l'accès à ces dotations, malgré les démarches mises en oeuvre par le Gouvernement pour simplifier les demandes (cf. « mes démarches simplifiées ») reste complexe à plusieurs titres.

a) Des calendriers non concordants

Les calendriers relatifs aux demandes de dotations diffèrent d'une subvention à l'autre même s'il est commun entre la DETR et la DSIL. 

Or, en raison du caractère fermé des enveloppes de chaque dotation, les préfets peuvent réorienter les demandes des collectivités vers une autre dotation dans les cas où la première dotation sollicitée serait déjà intégralement attribuée.

Mais l'absence d'alignement des calendriers infra annuels entre les dotations d'État elles-mêmes et celles des départements ou des régions ou encore celles en lien avec les initiatives contractuelles, de même que la lenteur d'instruction évoquée par de nombreuses associations d'élus lors des auditions et enfin une absence d'homogénéité dans les pièces demandées rendent parfois un nouveau dépôt difficile, voire impossible.

Les élus ont fait part de délais très contraints pour déposer des dossiers. De sorte que, certaines petites communes, peu dotées en ingénierie, n'ont pu déposer que des dossiers de rénovation de l'éclairage public, relativement simples à élaborer, souvent non sélectionnés par les préfectures.

Les calendriers DETR et DSIL sont, par ailleurs, variables d'un département à l'autre ce qui crée une rupture d'égalité dans le traitement des dossiers en fonction des territoires.

Enfin, le calendrier des appels à projets peut ne pas correspondre au cycle de vie des projets, ce qui peut entrainer du financement de projets par effet d'aubaine (l'État vient financer des projets qui auraient été conduits sans son soutien) ou au contraire décourager des projets qui sortent des calendriers prévus par les financeurs pour des problèmes de concordance des calendriers.

Les rapporteurs spéciaux, à cet égard, ne peuvent que rappeler leur recommandation formulée dans leur rapport de juillet 2022 sur les dotations d'investissement11(*) d'articuler les initiatives contractuelles impulsées par l'État, les régions et les départements, en les regroupant autant que possible dans des contrats-cadres globaux ou a minima en alignant leurs calendriers.

Le fait que les crédits du fonds vert ne passent pas par un processus d'appel à projets est donc une amélioration à cet égard et a donc été accueilli favorablement par les collectivités et les associations d'élus. Pour autant, la faible association des élus à la décision a en revanche été très fortement critiquée et jugée en retrait des promesses.

Enfin, s'agissant du financement d'investissements en lien avec la transition énergétique qui s'inscrivent nécessairement dans le temps long, la mise en place d'un calendrier pluriannuel pourrait s'avérer utile afin de donner de la visibilité aux collectivités. Un tel calendrier ne peut cependant être mis en oeuvre sans une programmation pluriannuelle des dotations d'investissement qui n'existe pas à ce jour.

b) Des fiches techniques « ésotériques »

Pour les seules DETR et DSIL, les documents à fournir sont les suivants :

- une note explicative précisant l'objet de l'opération, les objectifs poursuivis, sa durée, son coût prévisionnel global ainsi que le montant de la subvention sollicitée ;

- la délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale adoptant l'opération et arrêtant les modalités de financement ;

- le plan de financement prévisionnel précisant l'origine ainsi que le montant des moyens financiers et incluant les décisions accordant les aides déjà obtenues ;

- le devis descriptif détaillé qui peut comprendre une marge pour imprévus ;

- l'échéancier de réalisation de l'opération et des dépenses ;

- une attestation de non-commencement de l'opération et d'engagement à ne pas en commencer l'exécution avant que le dossier ne soit déclaré ou réputé complet ;

- en cas d'acquisitions immobilières : le plan de situation, le plan cadastral et dans le cas où l'acquisition du terrain est déjà réalisée, le titre de propriété et la justification de son caractère onéreux ;

- pour les travaux : un document précisant la situation juridique des terrains et immeubles et établissant que le demandeur a ou aura la libre disposition de ceux-ci, le plan de situation, le plan de masse des travaux, le programme détaillé des travaux, le dossier d'avant-projet, s'il y a lieu.

De surcroit, l'instruction du 8 février 2023 précise que toute pièce non mentionnée et qui paraitrait utile pour l'instruction du dossier peut être demandée par les services instructeurs, ce qui sous-entend que ces pièces complémentaires peuvent différer d'un département à l'autre.

Pour le fonds vert, chaque candidature doit être impérativement constituée :

- du formulaire de présentation du projet, à remplir en ligne complété par des documents listés dans le formulaire ;

- d'une lettre d'engagement sur l'honneur signée par la personne habilitée à engager le porteur du projet. Si des partenaires sont associés au projet, le porteur de projet devra apporter la preuve qu'il représente valablement les autres partenaires dans cette démarche ;

- du relevé d'identité bancaire du porteur de projet ;

- pour tout porteur de projet un tableau indiquant les subventions et les aides publiques, de toute nature, directes et indirectes, attribuées par des personnes publiques perçues par la structure porteuse ;

- une description du protocole d'acquisition de connaissance envisagé ;

- le calendrier de réalisation de l'opération comprenant notamment sa date prévisionnelle d'achèvement ;

- la nature, le montant de la dépense subventionnable rattachée au projet, et ses modalités de calcul.

Les petites collectivités sont celles qui pâtissent le plus de cette multitude de pièces à fournir allant même jusqu'à qualifier certains fiches à compléter d' « ésotériques ».

Dans ce contexte, d'autres collectivités entendues durant l'instruction, appellent de leurs voeux la mise en place d'un guichet unique de dépôt des demandes avec une liste commune de pièces justificatives, en charge pour les préfectures, au regard des taux de consommation de chaque dotation, d'orienter directement les dossiers vers un système de financement plutôt qu'un autre.

Si cette évolution présente un avantage certain pour les collectivités, elle se heurte cependant à une difficulté technique résultant du fait que certaines demandes sont instruites par les préfectures de département, d'autres par celles de régions et d'autres, enfin, par les conseils départementaux ou régionaux eux-mêmes.

À tout le moins, faut-il envisager une liste des pièces justificatives unique pour toutes les dotations d'investissement complétée par des pièces spécifiques, également communes à toutes les dotations, pour les projets « verts » afin de tenir compte notamment de l'impact environnemental et des économies d'énergie attendues.

Recommandation n° 2 : établir une liste unique des pièces justificatives à l'appui des demandes de dotations d'investissement afin de faciliter la constitution des dossiers par les collectivités et leur transfert vers d'autres dotations (DGCL).


* 11 Rapport d'information n° 806 (2021-2022) de MM. Charles GUENÉ et Claude RAYNAL , fait au nom de la commission des finances, déposé le 20 juillet 2022.