II. L'ÉCHEC DES TENTATIVES DE SIMPLIFICATION DEPUIS 35 ANS

Alors que la complexité administrative pèse sur la compétitivité des entreprises et freine la création de nouveaux acteurs économiques, le caractère discontinu des efforts de simplification s'oppose au caractère continu de la complexité.

A. UN HANDICAP POUR LES ENTREPRISES DONT LE DIAGNOSTIC A ÉTÉ POSÉ IL Y A PRÈS DE SOIXANTE ANS

1. Un élément du discours politique depuis... 1966

Depuis la célèbre apostrophe de 1966 du Président Pompidou au jeune ministre Chirac (« Mais arrêtez donc d'emmerder les Français ! Il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements dans ce pays ! On en crève ! Laissez-les vivre un peu et vous verrez que tout ira mieux ! Foutez-leur la paix ! Il faut libérer ce pays »), nombreux ont été les Premiers ministres de la Vème République à engager des programmes de simplification des procédures et des normes.

Pierre Messmer, dans son discours de politique générale, le 3 octobre 197270(*), fut suivi par Jacques Chirac, le 5 juin 197471(*), puis Raymond Barre, à l'occasion de celui du 5 octobre 197672(*).

La simplification a d'abord privilégié l'amélioration des relations entre l'administration et les citoyens. Un secrétariat d'État chargé des réformes administratives fut créé en avril 1977 auprès du Premier ministre. La politique d'allégement des procédures et formalités s'est développée essentiellement de 1977 à 1981, période au cours de laquelle cinq programmes annuels, portant sur plus de 400 mesures ont été adoptés.

C'est durant cette période qu'ont été adoptées les grandes lois de transparence du service public73(*).

Cette politique a été poursuivie à partir de mai 1981, mais avec un rythme moins soutenu. Une commission de simplification des formalités des entreprises (COSIFORME) est créée. En outre, 164 mesures ont été retenues dans le programme de simplifications administratives arrêté pour 1984-1986.

Entre 1986 et 1988, l'accent a été mis sur les simplifications des formalités imposées aux entreprises, dans un mouvement plus général d'allégement des contraintes découlant de la réglementation, notamment dans les domaines économique et social.

À partir de juin 1988, la simplification participe au renouveau du service public avec la circulaire du 23 février 1989. Cette volonté s'est traduite en particulier par la réorganisation des structures chargées de promouvoir ces simplifications (création de la commission pour la simplification des formalités en décembre 1990) et par le développement de l'usage des moyens « télématiques » dans les relations entre l'administration et les usagers.

Il y a près de trente ans, Alain Juppé mentionne à nouveau, le 23 mai 1995, la nécessité de simplifier les procédures administratives pour libérer l'initiative des entreprises, notamment des PME74(*). Lionel Jospin s'inscrit dans un discours comparable, le 19 juin 199775(*).

Malgré ce consensus politique, les discours ont été peu suivis d'effets structurels.

2. Une déploration constante depuis le début du XXIème siècle

La prolifération normative et la déploration face à cette situation, sont constantes depuis une quinzaine d'années comme en témoignent les nombreux rapports publiés sur ce sujet76(*).

Ce vécu de « fardeau » est une constante exprimée par les chefs d'entreprises rencontrés régulièrement par la délégation aux Entreprises lors de ses déplacements sur le terrain.

Il est corroboré par une consultation des entrepreneurs réalisée par CCI France et Opinion Way en décembre 2022, dans le cadre de la convention signée avec Sénat (avenant de juillet 2022 officialisant les sondages et études), sur demande de la délégation aux Entreprises. Ainsi, la majorité des dirigeants considère que les obligations liées à la gestion d'une entreprise se sont alourdies par rapport au début du quinquennat précédent : 61 % jugent qu'elles sont plus compliquées à gérer (dont 36 % beaucoup plus compliquées). Un tiers des chefs d'entreprise n'a pas perçu d'évolution dans un sens ou dans un autre (31 %), mais très peu ont le sentiment que la situation s'est améliorée : seuls 7 % estiment que ces obligations sont plus simples à gérer aujourd'hui qu'il y a cinq ans. Les dirigeants d'entreprise ont davantage le sentiment d'une complexification de leurs obligations dans les secteurs de la construction et du commerce (respectivement 69 % et 67 %).

À cet « impôt papier » qui pèse sur les entreprises, s'ajoute une culture administrative qui s'investit davantage dans un rôle de contrôle (59 %) et de sanction (52 %), que dans un rôle de conseil vis-à-vis des entreprises (27 %). L'État apparaît plus présent pour les chefs d'entreprises comptant au moins dix salariés, mais toujours moins porté sur l'accompagnement. Près de trois quarts d'entre eux considèrent que les services de l'État remplissent leur rôle de contrôle (73 %), et deux tiers partagent cet avis concernant leur rôle de sanction (63 %) mais, seulement 38 % s'agissant de leur rôle de conseil.

Le baromètre de la complexité normative établie par la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) est toutefois plus optimiste dans son édition 2022.

UNE PERCEPTION DE LA COMPLEXITÉ ADMINISTRATIVE EN AMÉLIORATION ?

Avec 25 %, soit - 13 points par rapport à 2019, le niveau de complexité connait l'évolution la plus favorable depuis la mise en place de ce baromètre. Ces résultats sont le fruit d'actions de simplification qui facilitent le quotidien des entreprises concernées par ces démarches. Il en est ainsi par exemple pour la réponse à un marché public (- 35 points de complexité, 29 %), la séparation avec un salarié (- 34 pts, 10 %), la construction de nouveaux locaux (- 22 points, 29 %) ou encore la création d'entreprise (- 21 points, 37 %).

Trois démarches présentent une complexité perçue de 50 % ou plus, contre 5 en 2019. Il s'agit des démarches relatives à la cessation de paiement (59 %, + 1 point), la cessation d'activité (53 %, + 19 points) et aux procédures judiciaires (51 %).

Les démarches permettant de répondre à des normes environnementales conservent un niveau de complexité élevé et équivalent à celui de 2019.

Alors que le niveau de complexité globale ressentie s'est fortement réduit, les entreprises évoquent néanmoins des difficultés, liées entre autres à la complexité du vocabulaire utilisé par les administrations et le manque de clarté des consignes associées ; la longueur des délais pour que les démarches aboutissent ; la difficulté d'identifier le bon interlocuteur au sein de l'administration ou encore la redondance des informations demandées.

Par ailleurs, l'enquête révèle que 79 % des entreprises déclarent avoir confiance dans les services publics. La confiance se matérialise dans l'écoute, l'échange ou encore l'accompagnement des professionnels : 100% des entreprises qui ont réalisé une démarche pour l'obtention de financements publics se déclarent ainsi à l'aise pour signaler une erreur à l'administration, 85 % pour une déclaration d'impôt ou encore 78 % pour recruter du personnel. Ce sentiment d'écoute des services publics à l'égard des entreprises est partagé par 52 % des répondants soit 10 points de plus qu'en 2019. Ce ressenti évolue favorablement depuis 2013 : il est d'autant plus fort parmi les structures plus importantes (+ 13 points par rapport aux moins de 10 salariés). La relation avec l'administration est donc plutôt perçue dans une logique de « partenaires » de démarches, une relation constructive et non anxiogène : 97% des créateurs d'entreprise se déclarent à l'aise pour signaler à l'administration une erreur commise de bonne foi, 93 % pour la déclaration d'impôt ou encore 89 % dans le contexte du recrutement d'un salarié.

Ces bons résultats matérialisent la réalisation de l'ambition de la loi pour un État au service d'une société de confiance du 10 août 2018, dite loi ESSOC, qui, en s'adossant sur deux piliers (faire confiance et faire simple), promeut une administration de conseil et de service dans laquelle les rapports entre le public et l'administration sont fondés sur les principes de loyauté, de confiance et de simplicité.

Source : Réponse de la DITP au questionnaire de la délégation aux entreprises du Sénat,
3 avril 2023.

3. Le Conseil d'État en « lanceur d'alerte » depuis 1991

Le diagnostic a été posé dès 1991 par le rapport du Conseil d'État sur l'inflation législative : « Qui dit inflation dit dévalorisation : quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu'une oreille distraite » ; « Le sentiment d'insécurité juridique que peut éprouver aujourd'hui le citoyen ne naît pas seulement de l'accumulation des textes, il naît aussi, à stock normatif constant, de la fréquence des changements » ; « Le droit n'apparaît plus comme une protection mais comme une menace ». Réitérant ses critiques en 200677(*), le Conseil d'État s'alarme même d'une complexité croissante des normes qui « menace l'État de droit ».

Dans le domaine des entreprises, et suite aux états-généraux de l'industrie organisés en mars 2010, un rapport avait été demandé en mai 2010 à Mme Laure de la Raudière, alors députée d'Eure-et-Loir. Ce rapport, remis en octobre 2010, garde toute son actualité dans le diagnostic qu'il a posé sur la France : « une règlementation complexe, trop évolutive et parfois plus sévère que dans d'autres pays européens » :

« L'environnement législatif et règlementaire dans lequel évoluent les entreprises a une influence déterminante sur leur compétitivité et leur capacité à créer des emplois. Il convient donc de veiller à ce que les charges directes et indirectes découlant de cet environnement n'entravent pas leur développement économique. Or, la multiplication des normes et l'instabilité juridique engendrée par des modifications successives et régulières compliquent parfois l'action des entreprises et occasionnent des coûts de mise en oeuvre qui pourraient sans doute être plus limités. Ce problème touche particulièrement les PME qui ne disposent pas toujours de moyens financiers suffisants ni d'un personnel qualifié capable d'analyser les textes législatifs et réglementaires et de remplir les multiples obligations administratives qui en découlent. Les difficultés rencontrées par les entreprises par rapport à l'environnement juridique de leur activité sont de plusieurs ordres. Elles peuvent tenir :

- à l'instabilité de l'environnement législatif et réglementaire,

- à l'inflation normative et au manque de lisibilité de certains textes,

- à des réglementations nationales parfois plus contraignantes que celles définies au niveau européen ou déclinées au niveau national dans les autres États-membres de l'Union européenne,

- à des procédures de contrôle inégalement appliquées faussant ainsi la concurrence,

- à un manque d'accompagnement des entreprises face à la charge réglementaire,

- aux contradictions réglementaires,

- à des effets de seuil encore trop pénalisants,

- à des délais d'instruction administrative trop longs, aux difficultés à obtenir un consensus suffisant.

Ce constat est partagé dans d'autres États européens ; par exemple, l'Allemagne a elle-même jugé ses réglementations « trop nombreuses, trop changeantes et trop peu lisibles », ce qui l'a conduite à engager des actions de simplification. La France ne peut rester à l'écart de cette évolution ».

L'étude annuelle du Conseil d'État de 2016, une nouvelle fois consacrée à la simplification et la qualification du droit, avait, pour la première fois, souligné l'apport de cette simplification à la compétitivité des entreprises et notamment celle des PME :

« Une meilleure qualité du droit favorise l'initiative économique. Compte tenu du taux satisfaisant de création d'entreprises en France, l'objectif prioritaire est de renforcer la solidité et de soutenir le développement des plus jeunes et des plus petites d'entre elles, afin d'augmenter le nombre d'entreprises de taille intermédiaire (ETI). Or ce processus est entravé par le poids que fait peser la complexité des règles sur les petites et moyennes entreprises, et plus encore les très petites, notamment en matière de droit du travail. Les travaux du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (France Stratégie) montrent en effet qu'à proportion de leurs ressources, le poids des charges administratives est pour elles quatre fois plus élevé que pour les grandes entreprises. Un traitement spécifique de la complexité ou de la charge administrative pesant sur les seules PME, si souhaitable soit-il au regard des défis de la compétitivité, peut toutefois soulever des difficultés. La création de règles spéciales n'est pas toujours admissible sur le terrain du principe d'égalité, comme l'a rappelé la censure par le Conseil constitutionnel du plafonnement des indemnités de licenciement spécifique aux PME. Lorsqu'elles ne rencontrent pas d'obstacle juridique, les différenciations selon la taille de l'entreprise peuvent créer des effets de seuil qui freinent la croissance de ces entreprises. La meilleure réponse à ces objections reste toutefois qu'il faut abaisser le niveau de complexité pour tous, ce qui aura d'ailleurs, de façon mécanique, un effet bénéfique comparativement plus important sur les petites entreprises ».

Depuis ces diagnostics, la France, malgré d'indéniables efforts, n'a pas enclenché de cercle vertueux de simplification, contrairement à l'Allemagne qui a allégé les entreprises du fardeau normatif leur permettant de creuser l'écart avec leurs homologues françaises.

4. Les recommandations de l'OCDE depuis 2012

L'OCDE a adopté, le 22 mars 2012, la Recommandation du Conseil concernant la politique et la gouvernance réglementaires, premier instrument international à traiter de la politique, de la gestion et de la gouvernance réglementaires. Plusieurs éléments concernent les entreprises, car « lorsqu'ils élaborent des règlements, les pouvoirs publics doivent avoir conscience de l'incidence des coûts des réglementations sur les entreprises et les particuliers, ainsi que des effets disproportionnés sur les petites, moyennes et micro entreprises », selon la note explicative relative à cette règlementation.

L'OCDE souligne, avec pertinence que : « s'il n'existe aucune procédure régissant le renouvellement, le volume des formalités administratives tend à s'accroître au fil du temps, ce qui complique le quotidien des particuliers et nuit à l'efficacité des entreprises. Les formalités administratives peuvent être particulièrement pesantes pour les petites et moyennes entreprises, dans lesquelles la proportion des ressources consacrées aux fonctions administratives est plus importante que pour les grandes entreprises. Dans le secteur public, les contraintes administratives peuvent également s'avérer fastidieuses et préjudiciables à l'efficacité. Un des éléments de la stratégie du gouvernement pour améliorer les performances et la productivité de l'économie devrait consister à réduire le fardeau administratif des réglementations publiques pesant sur les particuliers, les entreprises et le secteur public. Néanmoins, il est tout aussi important de réduire d'autres fardeaux réglementaires du fait que les frais administratifs ne représentent qu'un pourcentage relativement faible des coûts globaux que les pouvoirs publics imposent aux entités soumises à la réglementation ».

L'OCDE a développé la méthode de l'Analyse d'impact de la réglementation (AIR) qui est une « démarche systémique d'évaluation critique des effets positifs et négatifs de la réglementation en projet ou en vigueur, ainsi que des substituts non réglementaires » permettant aux autorités publiques « de mieux veiller à l'efficience et à l'efficacité de la réglementation ».

Son étude de 2021 sur la politique de la réglementation78(*) souligne que la circulaire du 5 juin 2019, « introduit l'obligation pour chaque proposition législative d'être accompagnée de cinq indicateurs d'impact qui doivent être inclus dans l'analyse d'impact de la réglementation (AIR) »79(*). Elle considère que la France pourrait gagner à élargir son agenda de simplification réglementaire pour adapter et améliorer la qualité de son système réglementaire, « par exemple ouvrir plus systématiquement les consultations au grand public de profiter pleinement des avantages de engagement des parties prenantes ». La France pourrait également améliorer son système de contrôle ex-post en systématisant la pratique d'évaluation.

RECOMMANDATION DU CONSEIL CONCERNANT LA POLITIQUE ET LA GOUVERNANCE RÉGLEMENTAIRES, OCDE, 2012

(extraits)

Lorsque les projets de réglementation auraient d'importantes conséquences, l'évaluation ex ante des coûts, des avantages et des risques devrait être quantitative chaque fois que possible. Les coûts de la réglementation englobent les dépenses directes (frais administratifs, coûts financiers et dépenses d'investissement) et indirectes (coûts d'opportunité), que ces montants soient à la charge d'entreprises, de particuliers ou de l'État. Les évaluations ex ante doivent, le cas échéant, fournir une description qualitative des impacts qu'il est difficile, voire impossible, de quantifier, par exemple en matière d'équité, de justice et d'effets redistributifs (...)

Lorsqu'ils réalisent une évaluation, les responsables devraient :

· évaluer les conséquences économiques, sociales et environnementales, si possible en termes quantitatifs et financiers, en tenant compte des effets possibles à long terme et en fonction de considérations géographiques ;

· déterminer si l'adoption d'instruments internationaux communs permettra d'apporter une réponse efficiente aux problèmes pratiques constatés par les autorités et favorisera la cohérence au niveau mondial en réduisant au minimum les perturbations des marchés nationaux et internationaux ; »

· évaluer les effets sur les petites et moyennes entreprises et montrer comment les frais administratifs et le coût du respect de la réglementation sont réduits au minimum (...)

Les programmes de simplification administrative devraient comprendre, lorsque cela est possible, des mesures du poids global de la réglementation, et envisager l'utilisation d'objectifs explicites comme moyen de réduire les charges administratives pour les particuliers et les entreprises. Des méthodes qualitatives devraient compléter les méthodes quantitatives afin de mieux cibler les efforts (...)

Il convient d'examiner les moyens par lesquels particuliers et entreprises devraient interagir avec les autorités pour satisfaire aux exigences réglementaires et réduire les coûts de transaction (...)

Les pouvoirs publics devraient envisager l'utilisation de méthodes fondées sur les risques pour la conception et la mise en oeuvre de stratégies de respect de la réglementation afin d'accroître la probabilité d'atteindre les objectifs en matière de respect de la réglementation et de réduire au minimum les coûts imposés aux particuliers et aux entreprises par le biais de procédures de vérification de la conformité et de mise en oeuvre (...)

Tirer parti de la proximité entre les administrations infranationales et les entreprises et les particuliers au niveau local pour mettre en place des procédures de consultation efficaces lors de l'élaboration des réglementations et mieux prendre en compte les besoins locaux dans la politique générale de la réglementation, à tous les niveaux d'administration (...)

5. La simplification n'est pas synonyme d'un recul de la protection du droit

La simplification est cependant vue avec une certaine méfiance par les organisations représentatives de salariés dans la mesure où, selon la CGT : « depuis quelques années, lorsque les gouvernements successifs font le choix de soi-disant « simplifier », « moderniser », ou « adapter » le droit du travail, cela aboutit toujours à des régressions sociales, à une remise en cause des conquêtes et des acquis sociaux, notamment, ceux émanant du Conseil national de la résistance »80(*). Elle considère que la simplification du droit et des procédures « se fait toujours au détriment des droits des salarié·es et de leurs libertés fondamentales. C'est la raison pour laquelle, la CGT est très réservée sur l'utilisation de ces notions lorsqu'elles sont utilisées pour modifier la législation » car : « depuis que le terme « simplification » est associé à l'action publique il est très et trop souvent associé à « moins » et non à « mieux », au quantitatif plutôt qu'au qualificatif ».

La CGT a cité l'exemple de l'ordonnance du 26 juin 2014 portant simplification et adaptation du droit du travail dont le syndicat a jugé que « sous couvert de simplification, et au nom de la libération des « contraintes » pour l'employeur, ses dispositions ont porté gravement atteintes aux droits des salarié·es et à leur représentation collective au sein de l'entreprise ».

De même, pour la CFDT81(*), les économies produites par la simplification ne peuvent représenter « l'alpha et l'oméga d'une politique publique : que dit-il de la qualité de service (pertinence de la réponse apportée ou du service fourni), de la disponibilité, de la réactivité de service... de l'accès aux droits ? » et « un certain nombre de simplifications se sont également faites au détriment des salariés et de leurs droits », citant l'exemple de la barémisation des indemnités prud'homales. 

Elle s'interroge ainsi sur la pertinence du postulat qui associe administration avec complexité, estimant : « que des normes, limites, suivis, contrôles soient mis en place pour gérer l'argent public de manière efficiente est non seulement parfaitement légitime, mais souvent source d'innovation et de performance pour les entreprises. De plus, compte tenu du contexte et des engagements de la France, la recherche de simplification ne peut pas se faire au détriment d'exigences environnementales et sociales pour les projets ». Il faut, selon elle, « comparer le « coût » du respect des normes dans les relations avec l'administration par rapport au coût de leur non-respect ou à des prestations par des intermédiaires du secteur privé ».

La CFDT s'interroge sur le caractère « sérieux et fiable » des études d'impact, estimant qu'il faut « travailler en amont du processus législatif en associant les différentes parties prenantes pour anticiper les démarches, les outils et processus à mettre en oeuvre dans l'application des nouvelles lois, règlements, décrets, dans les différents moments de vie d'une entreprise (création, déclarations sociales et fiscales, demande d'aides et subventions publiques, transmission, défaillance, fermeture, ...) ». Elle considère que la simplification résulte « d'une démarche et d'un effort continus, qui associe des partenaires avec la volonté de rendre des processus plus fluides et efficients. C'est l'occasion aussi de consolider la culture de l'évaluation pour rendre cette démarche intégrée dans toute démarche pour les entreprises, en y associant les salariés via leurs représentants ». Dans ce processus, les informations transmises par les entreprises ont besoin d'être « fiables, accessibles, mesurables et objectivées » et nécessitent « un accompagnement global personnalisé articulant service public numérique et physique, qui peut bénéficier aux entreprises autant qu'aux citoyens ».

La réussite d'une politique de simplification passe en effet par l'association de toutes les parties prenantes, y compris naturellement les syndicats de salariés.


* 70 « La simplification des procédures et l'insertion plus directe de l'administration dans la vie sont une oeuvre discrète et minutieuse à laquelle se sont attachés récemment plusieurs organismes (...). Il faut aller plus loin ».

* 71 « Nous nous attacherons à l'allégement du formalisme administratif. Qu'on ne s'y méprenne pas. Nul plus que moi, qui ai l'honneur d'être issu de la fonction publique, n'a conscience de la très grande qualité de nos fonctionnaires. Ce n'est donc pas mettre en cause leurs mérites et leur dévouement que de constater que nous ne sommes pas parvenus à maîtriser l'envahissement paperassier, qui est une des formes de l'aliénation moderne. Je suis décidé, dans ce domaine, à donner une impulsion majeure à l'action gouvernementale et à procéder, chaque fois que possible, par des actions radicales. Il n'est plus supportable pour l'individu d'être enfermé dans un ghetto de formulaires contraignants et inintelligibles qui développent chez lui des réflexes de culpabilité et de rejet. Pour mieux stimuler et éclairer cet effort, je demande à chaque ministre de constituer auprès de lui un comité d'usagers chargé de faire entendre l'avis des intéressés et de proposer toutes les formules permettant d'humaniser les rapports entre le citoyen et l'administration, de simplifier ou de mieux faire comprendre les inéluctables contraintes législatives ou réglementaires de la vie contemporaine. »

* 72 « La réforme de l'administration, la simplification des procédures, la lutte contre l'anonymat, voire l'irresponsabilité, seront un souci permanent pour le Gouvernement. »

* 73 Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, qui reconnaît un droit d'accès aux documents administratifs ; loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs.

* 74 « Le plan PME doit comporter un allégement de ce qu'on a appelé "l'impôt-formulaire" qui les frappe, c'est-à-dire une simplification drastique des formalités administratives ou para-administratives de tous ordres qui leur sont infligées. L'une des premières mesures concrètes consistera à ouvrir un guichet unique pour l'emploi dans des conditions sur lesquelles je reviendrai dans un instant. »

* 75 « Nous créerons des conditions propices au développement de ces entreprises, par une fiscalité favorable à l'investissement, par la mobilisation de l'épargne pour le renforcement des fonds propres des PME, par la simplification des procédures administratives ».

* 76 Parmi ces rapports : étude du Conseil d'État « De la sécurité juridique », 1991 ; M. Dieudonné Mandelkern, « Rapport sur la qualité de la réglementation » (2002) ; M. Bruno Lasserre, « Rapport pour une meilleure qualité de la réglementation » (2004) ; M. Jean-Luc Warsmann, Rapport sur la qualité et la simplification du droit (2008) ; « Rapport sur la simplification du droit au service de la croissance et de l'emploi » (2011) ; M. Claude Belot, « Rapport sur la maladie de la norme », au nom de la délégation aux collectivités territoriales (2011) ; M. Éric Doligé, « Rapport au Président de la République sur la simplification des normes applicables aux collectivités locales » (2011) ; Conseil d'État, « Sécurité juridique et complexité du droit » (2006), »Simplification et qualité du droit » (2016) ; Cour des comptes, « Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics » (2015), « Simplifier la collecte des prélèvements versés par les entreprises » (2016) ; Chambre de commerce et d'industrie de Paris, « Simplifier l'environnement réglementaire des entreprises : une urgence pour la croissance française » (2011)....

* 77 « La sécurité juridique et la complexité du droit », 2 février 2006.

* 78 https://www.oecd.org/fr/gov/politique-de-la-reglementation-perspectives-de-l-ocde-2021-494d5942-fr.htm

* 79 « Afin de mieux suivre l'exécution des réformes, il vous est également demandé d'accompagner chaque projet de loi de cinq indicateurs d'impact qui devront permettre de mesurer de manière efficace l'atteinte des résultats de vos politiques publiques. Vous devrez présenter ces cinq indicateurs et leurs modalités d'élaboration lors de la présentation de votre projet de loi en Conseil des ministres. Ils seront intégrés à l'étude d'impact des projets de lois et à vos plans de transformation ministériels dont le suivi est assuré par la direction interministérielle de la transformation publique. Le secrétariat général du Gouvernement s'assurera du respect de cette règle pour les projets de loi délibérés en conseil des ministres à compter de juin 2019 ».

* 80 Contribution écrite du 14 avril 2023.

* 81 Contribution écrite du 26 avril 2023.

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