D. L'OUVERTURE À L'EUROPE DE LA FONCTION PUBLIQUE

L'ouverture de notre fonction publique à l'Europe s'ordonne autour de quatre orientations majeures :

1. L'ouverture de l'accès aux emplois publics aux ressortissants de l'Union européenne

a) L'accès aux emplois publics

La jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes relative à l'interprétation de l'article 48 § 4 du traité de Rome sur la notion "d'emplois dans l'administration publique" a conclu à l'obligation pour les États membres d'ouvrir à la libre circulation une partie des emplois du secteur public. Conformément à cette jurisprudence, l'article 2 de la loi n° 91-915 du 26 juillet 1992 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, a modifié le statut général des fonctionnaires (article 5 bis de la loi du 13 juillet 1983) afin de permettre l'accès à des ressortissants de l'Union européenne à certains emplois publics.

Les décrets d'application de cette loi (voir encadré) ont permis d'ouvrir 70 % de la fonction publique française aux ressortissants de l'Union européenne (plus de 80 % de la fonction publique de l'État) et mis la législation française en conformité avec la jurisprudence européenne concernant la libre circulation des fonctionnaires.

1- Enseignement

- éducation nationale (décrets n° 92-1246 du 30 novembre 1992 et n° 93-60 du13 janvier 1993)

- jeunesse et sports (décret n° 93-853 du 11 juin 1993)

- agriculture (décret n° 93-1169 du 11 octobre 1993)

2. Santé et action sociale

- fonction publique hospitalière (décrets n° 93-101 du 19 janvier 1994 et n° 93-659 du 26 mars 1994)

- infirmier(e)s, assistant(e)s de service social et conseillers techniques de service social des administrations de l'État (décret n° 95-102 du 27 janvier 1995)

- surveillants chefs des services médicaux, personnels infirmiers, techniciens paramédicaux, agents des services hospitaliers de l'Institution Nationale des Invalides (décret n° 94-907 du 13 octobre 1994)

- surveillants chefs, infirmiers, aides-soignants des établissements de l'Office National des Anciens combattants (décret n° 95-679 du 9 mai 1995)

3. Recherche

- personnels de recherche, administratifs et techniques (décret n° 93-769 du mars 1993)

4. Postes et télécommunications

- décrets n°92-1309 du 16 décembre 1992 et n° 93-514 à 93-519 du 25 mars1993 pour les nouveaux statuts.

5. Fonction publique territoriale

- décret n° 94-163 du 16 février 1994

S'agissant des autres fonctions publiques européennes, les quatre secteurs prioritaires fixés par la Commission européenne : enseignement, santé, recherche, postes et télécommunications ont fait l'objet d'une ouverture effective et généralisée dans tous les États membres de l'Union européenne. Cette ouverture a déclenché un effet d'entraînement sur les autres secteurs d'activité des fonctions publiques.

b) La libre circulation en cours de carrière

L'objectif de libre circulation posé par le Traité de Rome ne pourra, à l'évidence, être durablement considéré comme satisfait par la seule possibilité d'accéder, en début de carrière, à la fonction publique française. Il devra donc être étendu, à terme, à la mobilité en cours de carrière.

Ce dossier, très sensible, a fait l'objet d'échanges de vues entre les ministres européens en charge de la Fonction Publique et le commissaire européen compétent, réunis à l'initiative de la France en février 1995. Ils ont donné mandat aux directeurs généraux de la Fonction Publique de réfléchir avec la Commission à des solutions globales aux divers freins ou obstacles à la libre circulation des agents publics.

À cette fin, deux groupes d'experts ont été constitués, qui se sont réunis une première fois sous présidence française, chargés respectivement de l'accès aux fonctions publiques et des questions relatives aux retraites des fonctionnaires. Il importe en effet que la libre circulation ne déstabilise ni la construction statutaire de chaque fonction publique nationale, ni l'équilibre des régimes de retraite.

Ces deux groupes d'experts devront rendre compte de leurs travaux aux directeurs généraux au 1 er semestre 1996.

c) La reconnaissance des diplômes délivrés dans les autres États européens.

Les décrets n° 94-741, n° 94-743 et n° 94-616 du 21 juillet 1994 relatifs à l'assimilation des diplômes délivrés dans d'autres États membres de la Communauté européenne, respectivement pour l'accès aux concours de la fonction publique de l'État, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ont été adoptés.

Ces trois textes prévoient que lorsque le recrutement par voie de concours dans l'une ou l'autre des fonctions publiques est subordonné à la possession de certains diplômes nationaux, les diplômes de niveau au moins équivalent délivrés dans un autre État de la Communauté européenne sont assimilés aux diplômes nationaux dans les conditions appréciées par des commissions mises en place dans chaque ministère et auprès du ministre des collectivités locales.

Un arrêté du ministre de la fonction publique du 27 juillet 1995 fixe les règles de saisine, de fonctionnement et de composition des commissions instituées dans chaque ministère ou établissement public de l'État, à La Poste et à France Télécom. Les arrêtées concernant les fonctions territoriale et hospitalière vont également être pris sur le même modèle.

2. Les échanges avec les autres États membres de l'Union

a) Les programmes d'échanges bilatéraux et communautaires entre les États membres.

Des programmes d'échanges bilatéraux pour des séjours de courte durée (de une à trois semaines) ou de longue durée (en moyenne six mois) existent entre la France et trois pays de la communauté : le Royaume-Uni, l'Allemagne et les Pays bas. Chaque année, une centaine de fonctionnaires français de catégorie A bénéficient de ces formules et la France accueille un nombre équivalent de fonctionnaires étrangers.

Un stage original, créé en 1989 et renouvelé depuis chaque année, rassemble trois groupes de dix fonctionnaires français, britanniques et allemands qui dans un premier temps suivent des conférences sur les institutions communautaires dans leur pays et se rencontrent ensuite à la commission des Communautés européennes.

Le Conseil des Communautés européennes a adopté le 22 septembre 1992 une décision concernant un plan d'action pour l'échange de fonctionnaires nationaux chargés de mettre en oeuvre la législation communautaire nécessaire à la réalisation du marché intérieur (programme "KAROLUS"). Ce plan prévu pour cinq ans est entré en application le 1 er janvier 1993 et devrait concerner environ 1 900 participants. La durée des échanges est de deux mois.

La France est le pays le plus demandé par les candidats pour "KAROLUS". Depuis le début du programme, l'IIAP a enregistre 62 demandes, 47 étrangers ont été placés effectivement en France dont 21 pendant les six premiers mois de 1995.

Par ailleurs, il existe des programmes ministériels européens d'échanges de fonctionnaires, comme MATTHEUS (douaniers) ou INTERFISC (finances), gérés par le ministère de l'économie, des finances et du Plan.

b) Mobilité des fonctionnaires français dans d'autres fonctions publiques européennes

Le nombre de fonctionnaires français présents dans les administrations des États membres de la Communauté européenne, bien que difficile à évaluer précisément, est relativement faible.

Cela résulte, en premier lieu, du fait qu'il n'existe pas, parmi les positions statutaires du fonctionnaire, un cas de détachement auprès de l'administration d'un État membre de la Communauté. Les cas de détachement énumérés dans le décret du 16 septembre 1985 prévoient trois possibilités pour un fonctionnaire d'exercer ses fonctions à l'étranger que l'on peut chiffrer grâce à une enquête récente auprès des directions de personnels. Ainsi, au 31 décembre 1994, 2 816 fonctionnaires étaient détachés "pour accomplir une mission de coopération", 7 758 étaient détachés "pour dispenser un enseignement à l'étranger" et 1 177 étaient détachés "pour remplir une mission d'intérêt public à l'étranger ou auprès d'organismes internationaux" .

En second lieu, la position statutaire de la mise à disposition n'est pas non plus utilisée pour placer des fonctionnaires auprès de l'administration d'un autre État, sauf convention exceptionnelle dans le cadre d'un programme d'échanges entre les fonctions publiques des États membres de la Communauté européenne et seulement pour la durée d'un stage.

En définitive, un fonctionnaire français souhaitant travailler dans l'administration d'un autre État membre peut le faire dans le cadre d'une disponibilité pour convenances personnelles (d'une durée totale de six ans sur l'ensemble de la carrière) ou pendant une disponibilité pour suivre son conjoint si celui-ci a été astreint à s'établir à l'étranger pour des raisons professionnelles. Dans ce cas, les administrations peuvent difficilement savoir si les fonctionnaires en disponibilité ont trouvé un poste dans l'administration d'un autre État membre.

Les modalités de la situation juridique des fonctionnaires français dans le pays d'accueil sont variables ; il peut s'agir d'un stage dans le cadre d'un programme d'échanges ; il peut s'agir d'un emploi de contractuel ou de fonctionnaire titulaire selon l'État d'accueil et le type de fonction publique (système d'emploi ou de carrière).

En principe, la jurisprudence communautaire qui a imposé l'ouverture à la libre circulation de certains secteurs des services publics s'impose de façon identique à tous les États membres et, pour pratiquement tous nos partenaires communautaires, l'ouverture a été réalisée dans les professions de l'enseignement, de la santé et de la recherche, quel que soit le statut des agents employés dans ces services.

Toutefois, il faut rappeler que l'appartenance à deux fonctions publiques différentes étant impossible au regard de la jurisprudence administrative française, la titularisation définitive dans l'administration d'un autre État entraînera la radiation des cadres de l'administration française.

Les réflexions en cours pour déterminer les conditions dans lesquelles une mobilité entre fonction publiques européennes pourrait avoir lieu en cours de carrière, ne manqueront pas de concerner, également, la situation des fonctionnaires français candidats à des fonctions dans d'autres pays européens.

3. La présence des fonctionnaires français dans les instances communautaires.

La loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 a modifié l'article 42 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, de façon à permettre la mise à disposition de fonctionnaires français auprès d'organisations internationales intergouvernementales. Cette nouvelle possibilité a facilité la collaboration française avec les instances communautaires (commission, conseil...).

De même, les fonctionnaires appartenant à des corps issus de l'ENA peuvent réaliser leur mobilité statutaire dans des instances communautaires.

D'après les données réunies par le ministère des affaires étrangères, parmi les 82 fonctionnaires français recrutés en 1993 par les Communautés européennes, 53 étaient mis à disposition et 29 étaient détachés. On recensait en 1993 221 fonctionnaires français en poste dans les instances communautaires dont 202 de catégorie A.

4. La formation des fonctionnaires français aux questions européennes

Cette formation est assurée par trois instances et à trois niveaux différents :

a) La formation interministérielle organisée par la direction générale de l'administration et de la fonction publique

Depuis 1991, la formation à l'Europe est devenue l'une des priorités des actions de formation interministérielle organisées par la Direction générale de l'administration et de la fonction publique en ajoutant aux deux stages précédemment cités (avec deux sessions du stage "mise en oeuvre et exécution du droit communautaire") un "cycle de formation aux affaires européennes" organisé par l'I.I.A.P. (neuf sessions de 2 jours).

Chaque année, ce sont donc au total près de 400 fonctionnaires qui peuvent bénéficier d'actions de formation aux questions européennes.

Pour 1995, la Direction générale de l'administration et de la fonction publique, en collaboration avec l'Institut International d'Administration Publique et le Centre d'études européennes de Strasbourg, propose une série d'actions de formations interministérielles qui ont pour thèmes : la formation aux affaires européennes, la mise en oeuvre de l'exécution du droit communautaire, la prise de décision communautaire, le contrôle juridictionnel, la négociation dans l'Union européenne, les fonds structurels et les appels d'offre internationaux.

b) La formation aux règles communautaires dans les écoles administratives (E.N.A. et I.R.A.) ;

Au titre de la formation initiale, l'ENA et les IRA ont mis l'accent sur les questions internationales et le droit communautaire qui font l'objet d'épreuves spécifiques au concours d'accès et de modules d'enseignement pendant la scolarité.

De même que les élèves de l'ENA, les élèves des IRA peuvent également, depuis l'arrêté du 13 février 1993, effectuer leur stage dans les institutions de la Communauté européenne.

Dans le cadre de la formation permanente, l'ENA propose depuis 1993 un cycle de perfectionnement pour l'encadrement supérieur consacré aux "questions européennes" composé d'une session générale de deux jours sur le droit institutionnel et le droit matériel communautaire (9 sessions chaque année) et de sessions spécialisées de deux jours sur dix thèmes juridiques, politiques ou de prospective relatifs à la Communauté européenne.

Les IRA sont également chargés, dans le cadre de leur mission de formation professionnelle continue des agents et fonctionnaires de l'État, de développer plus spécialement certains thèmes ciblés sur les enjeux de la modernisation de l'administration. Parmi les thèmes proposés aux IRA par le ministre de la fonction publique, figure "l'adaptation de l'administration à la construction européenne".

c) Le Centre des hautes études européennes de Strasbourg.

Le Centre des hautes études européennes de Strasbourg (CEES) est un groupement d'intérêt public qui a été créé par arrêté du 17 mars 1995 portant approbation de la convention constitutive d'un groupement d'intérêt public.

Le Centre est sous tutelle du ministère de la fonction publique en liaison avec le ministère des affaires étrangères.

Les membres fondateurs en sont l'État (ministères de l'enseignement supérieur et de la recherche, de la fonction publique et des affaires européennes), l'école nationale d'administration, l'institut international d'administration publique, l'université Robert-Schuman de Strasbourg et le centre national de la fonction publique territoriale. Le Centre a reçu le soutien de la Commission européenne et du Parlement européen.

Pour l'essentiel, les enseignements sont assurés par des intervenants extérieurs : professeurs des universités françaises et des autres pays européens, hauts fonctionnaires français, hauts fonctionnaires des institutions de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe, hauts fonctionnaires des administrations nationales et régionales d'autres États membres, cadres supérieurs d'entreprises et de chambres de commerce, consultants internationaux.

Un premier bilan de l'activité du Centre peut être dressé :

Pour la période du 3 octobre 1994 au 31 décembre 1994, le Centre a organisé des formations au droit communautaire tant pour les fonctionnaires français et étrangers que pour des publics extérieurs à la fonction publique. Ainsi, une dizaine d'actions ont été recensées :

- six stages de "formation européenne" dans des matières variées (économie, finances, organisation administrative, affaires étrangères, défense, affaires sociales, santé, travail, environnement, culture, éducation) ont été organisés ainsi que des visites au Parlement européen et au Conseil de l'Europe.

- des séminaires de formation aux règles communautaires ont été dispensées tant aux fonctionnaires français : commissaires de la police nationale, qu'aux fonctionnaires étrangers : 105 fonctionnaires étrangers ont bénéficié d'un séminaire sur les réponses de l'Union européenne aux défis du monde contemporain et sur les transformations de l'administration nationale résultant de la construction européenne.

Un stage franco-allemand de la fonction publique territoriale a été organisé par le CEES en liaison avec l'Euro Institut de KEHL.

Par ailleurs, le Centre est intervenu à l'occasion du programme MATTHEUS (douaniers) de la Communauté européenne et à la demande du ministère polonais pour l'intégration européenne sur le thème : "les procédures décisionnelles françaises en matière communautaire".

- un stage destiné à 60 élèves des grandes écoles (élèves des écoles d'ingénieurs) portant sur le système institutionnel et la mise en oeuvre des règles communautaires en France, ainsi que sur la politique de concurrence de la communauté européenne, formation qui est reconduite pour 1995.

Le programme de 1995 a donné lieu aux formations suivantes :

- des séminaires d'enseignement au droit communautaire ont été mis en place au profit des établissements placés sous la tutelle du ministère de la fonction publique (ENA, IIAP, IRA), de L'école nationale de la magistrature, ainsi que des cycles de formation au droit communautaire tant en formation initiale qu'en formation continue dans les écoles administratives telles que l'école nationale de la statistique et de l'administration économique (ENSAE),L'école nationale des douanes, L'école nationale supérieure de la police,L'école nationale de la santé publique.

Pour le ministère des affaires étrangères, le CEES a mis en oeuvre des sessions de formation à l'intention des secrétaires d'orient, agents des affaires étrangères, ambassadeurs, consuls généraux.

Pour le secrétariat général du Comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne, le CEES a organisé deux sessions d'une semaine pour les fonctionnaires français ayant à traiter des questions européennes.

- certaines actions de formation ont été organisées conjointement par le CEES et le Centre national de la fonction publique territoriale pour créer un module européen à destination des ingénieurs en chef et administrateurs territoriaux,ainsi que pour les conservateurs des bibliothèques et les conservateurs du patrimoine ; le CEES et l'Euro Institut de KEHL en Allemagne se sont concertés pour mettre en oeuvre une étude de la fonction publique territoriale.

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